LA CAPACITÉ D’ABATTAGE
DES BOVINS AU CANADA
Rapport Intérimaire du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des
forêts
RAPPORT INTÉRIMAIRE
Présidente:
L’honorable Joyce Fairbairn, c.p.
Vice-président: L’honorable Leonard J. Gustafson
Mai 2005
l’honorable
Joyce Fairbairn, C.P., Présidente
L’honorable Leonard J. Gustafson, Vice-président
et
Les honorables sénateurs :
*Jack Austin, C.P. (ou William Rompkey, C.P.)
Catherine Callbeck
Aurélien Gill
Elizabeth Hubley
James F. Kelleher, C.P.
*Noël A. Kinsella (ou Terrance Stratton)
Terry Mercer
Donald H. Oliver
Robert W. Peterson
David Tkachuk
* Membres d’office
En plus des sénateurs indiqués ci-dessus, les honorables sénateurs Percy E. Downe, Rose-Marie Losier-Cool, Frank W. Mahovlich, Elaine McCoy, Grant Mitchell, Pierrette Ringuette, Herbert O. Sparrow and Marilyn Trenholme Counsell étaient membres du Comité à différents moments au cours de cette étude ou ont participé à ses travaux.
Personnel du Service d’information et de recherche parlementaires de la Bibliothèque du Parlement :
Frédéric Forge
Jean-Denis Fréchette
Tara Gray
Line Gravel
La greffière du Comité
Extrait des Journaux du Sénat, le mardi 19 octobre 2004 :
L’honorable sénateur Fairbairn, C.P., propose, appuyée par l’honorable sénateur Pépin,
Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à entendre de temps en temps les témoignages d’individus et de représentants d’organismes sur l’état actuel et les perspectives d’avenir de l’agriculture et des forêts au Canada.
Que les mémoires reçus et les témoignages entendus sur la question par le Comité au cours de la troisième session de la trente-septième législature soient déférés au Comité;
Que le Comité soumette son rapport final au plus tard le 23 décembre 2005, et qu'il conserve jusqu'au 31 janvier 2006 tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions.
La motion, mise aux voix, est adoptée.
Le greffier du Sénat
Paul C. Bélisle
II. ÉVOLUTION DE L’INDUSTRIE NORD-AMÉRICAINE DU CONDITIONNEMENT DE LA VIANDE
A. Avant mai 2003 : Le Canada dépend de l’infrastructure américaine
B. La crise de l’ESB : Accroissement de la capacité d’abattage canadienne et diminution de la capacité américaine
C. Et maintenant? La durabilité de l’industrie de la viande au Canada
III. AUGMENTATION DE LA CAPACITÉ
A. Le financement de nouvelles usines
B. Approbation des nouvelles usines et exigences d’inspection
A. Règlements en matière de salubrité des aliments
1. Norme nationale
2. Nouvelles exigences en matière de salubrité des aliments pour consommation humaine et animale
3. Traçabilité
4. Dépistage de l’ESB
B. Commerce international
1. Marchés d’exportation
2. Politique canadienne sur les importations de bœuf
Si certains secteurs agricoles, comme l’industrie des céréales et des oléagineux, semblent évoluer dans des conditions chroniquement défavorables, les éleveurs canadiens, eux, ont toujours réussi à tirer parti des débouchés offerts. La libéralisation du commerce avec les États-Unis a été l’élément moteur de la croissance de cette industrie aux cours des 20 dernières années. On a toutefois eu l’occasion de constater que l’équilibre du marché nord-américain des bovins était bien fragile, puisqu’il a fallu un seul cas de vache folle pour que tous les marchés étrangers, dont celui de nos puissants voisins du sud, ferment immédiatement leurs portes au bœuf canadien.
Les retombées de la découverte d’un cas d’encéphalopathie bovine spongiforme (EBS) au Canada en mai 2003 n’ont pas fini de hanter les éleveurs canadiens. Les effets négatifs de la fermeture de la frontière se font encore sentir d’un bout à l’autre du pays. Les éleveurs canadiens ont toujours été des partisans acharnés de l’indépendance leur industrie. Cependant, la crise de l’ESB étant hors du contrôle de l’industrie, une nouvelle forme de coopération entre les agriculteurs, les éleveurs, les transformateurs et les gouvernements est nécessaire pour trouver une solution à la crise. Les membres du Comité sénatorial reconnaissent qu’il y a une énorme collaboration entre tous les intervenants.
Le présent rapport fait suite au précédent rapport intitulé : La crise de l’ESB – Leçons pour l’avenir, qui avait été déposé en avril 2004. Le Comité, sous la présidence du Sénateur Donald Oliver, estimait urgent d’étudier les répercussions de cette crise et d’envisager les solutions éventuelles, afin de prévenir la répétition d’une telle catastrophe. Le Comité avait à l’époque recommandé de modifier l’orientation de l’industrie pour l’axer davantage sur les produits de viande et les produits transformés plutôt que sur les animaux sur pied et d’accroître la capacité de transformation de la viande au Canada. Le Comité estimait aussi que le Canada, les États-Unis et le Mexique devaient trouver une façon d’utiliser les outils prévus dans l’Accord de libre-échange nord-américain de façon à empêcher la fermeture instantanée des frontières si jamais à un problème semblable vient de nouveau compromettre nos rapports commerciaux dans l’avenir.
Au cours des six derniers mois, le Comité a recueilli les témoignages de ministres et de fonctionnaires, de groupes d’agriculteurs, de banquiers, de groupes représentant l’industrie de la transformation et d’un certain nombre d’agriculteurs qui souhaitent accroître la capacité de conditionnement du bœuf du Canada. Il s’est aussi rendu à Washington (D.C.) en mars 2004, dans le but de resserrer les liens avec les représentants des deux chambres du Congrès de même qu’avec les principales organisations agricoles nationales et les groupes de réflexion de la capitale américaine.
Le présent rapport donne un aperçu des efforts déployés jusqu’ici et propose des pistes de solution pour améliorer les mesures actuellement élaborées pour arriver à atteindre l’objectif visé, c’est-à-dire faciliter l’accroissement de la capacité d’abattage nationale. Le présent rapport est l’aboutissement d’une extraordinaire série d’audiences. Le Comité tient à remercier tous les témoins pour le temps qu’ils ont consacré à son étude, leur franchise et la clarté de leurs exposés, qui ont aussi servi de point de départ à l’élaboration de nos recommandations.
Joyce Fairbairn
Présidente
CaPACITÉ D’ABATTAGE bovin AU Canada
Depuis le 20 mai 2003, le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts s’intéresse surtout aux retombées de la découverte dans le cheptel bovin canadien du premier cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), communément appelée «maladie de la vache folle». Après cette découverte, les États-Unis ont vite fermé leur frontière à notre bétail et plusieurs autres pays leur ont emboîté le pas. La vie de notre industrie bovine ainsi que des industries connexes, des abatteurs, des camionneurs et du marché lui-même s’en est trouvée profondément bouleversée.
En avril 2004, le Comité a déposé un rapport, La crise de l’ESB – leçons pour l’avenir, qui porte en particulier sur la nécessité d’augmenter la capacité de transformation des viandes au Canada. Avant la fermeture de la frontière, les éleveurs canadiens avaient accès aux usines de transformation non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis. Ils pouvaient ainsi bénéficier de la vive concurrence que se livrent les abattoirs. Cependant, le fait de trop dépendre de l’infrastructure de notre voisin pour conditionner nos animaux s’est avéré une faiblesse quand les États-Unis ont fermé leur frontière à tous les bovins vivants. La fermeture a fait grand tort à l’industrie américaine de la transformation qui dépendait de l’approvisionnement en bétail canadien. Il est devenu clair pour le Comité que le Canada doit tirer les leçons de l’actuelle crise de l’ESB en restructurant avec soin son industrie de transformation des viandes, opinion que partage le gouvernement depuis qu’il a annoncé le 10 septembre 2004 une stratégie pour repositionner l'industrie canadienne des animaux d'élevage.[1] En voici les quatre éléments :
· rouvrir la frontière américaine;
· favoriser l'accroissement de la capacité d'abattage nationale;
· soutenir l'industrie jusqu'à ce que la capacité soit accrue;
· accroître la part des marchés internationaux pour le boeuf canadien.
Au cours des derniers mois, le Comité sénatorial de l’agriculture et des forêts a reçu le témoignage de ministres et de fonctionnaires, d’associations agricoles, de banquiers, de groupes de l’industrie de la viande et d’un certain nombre d’agriculteurs qui essaient d’augmenter la capacité de transformation du bœuf au Canada. Il s’est aussi rendu à Washington en mars 2004 pour resserrer les liens avec les représentants des deux chambres du Congrès ainsi que des grandes organisations et groupes de réflexion agricoles situées dans la capitale américaine. Comme on prévoyait que la frontière allait rouvrir le 7 mars 2005, l’ESB était en tête de tous les ordres du jour. Le nouveau secrétaire du département de l’Agriculture des États-Unis Mike Johanns a déclaré au Comité de l’agriculture de la Chambre des représentants qu’il avait hâte à la réouverture de la frontière.
Hélas! les espoirs se sont écroulés le 3 mars 2005 lorsqu’un juge fédéral du Montana a émis une injonction provisoire contre la réouverture de la frontière. Bien que la question de la frontière soit toujours entre les mains de l’appareil judiciaire américain, le Comité pense que le Canada doit maintenir sa pression sur les États-Unis et continuer d’aider son industrie de la viande à se préparer à la recrudescence de la concurrence lorsque rouvrira la frontière. Il ne faut pas sous-estimer ce défi et l’industrie bovine canadienne doit faire des choix difficiles pour pouvoir continuer de croître. Le Comité croit fermement que l’évolution nécessaire de l’industrie ne fera que renforcer la réputation du Canada comme fournisseur fiable d’un bœuf sûr et de qualité. Avec l’aide des gouvernements, l’industrie canadienne de la transformation des viandes doit se renforcer afin de pouvoir bien servir tous les producteurs de bœuf et les Canadiens d’un océan à l’autre.
Ce rapport fait état de l’évolution récente de l’industrie nord-américaine de la viande pour ensuite se concentrer sur quelques éléments clés de la stratégie gouvernementale de soutien à l’augmentation de la capacité d’abattage. Le reste du rapport porte sur les préoccupations des témoins concernant des questions comme une norme nationale, la réglementation de la sécurité de l’alimentation des humains et des animaux, la traçabilité, le dépistage de l’ESB, les marchés d’exportation et la politique d’importation du bœuf.
II. ÉVOLUTION DE L’INDUSTRIE NORD-AMÉRICAINE DU CONDITIONNEMENT DE LA VIANDE
A. Avant mai 2003 : Le Canada dépend de l’infrastructure américaine
Avant la découverte de l’ESB en mai 2003, le commerce des bovins vivants et des produits du bœuf se faisait à l’échelle nord-américaine. En 2002, près de la moitié des bovins vendus au Canada étaient exportés vivants ou conditionnés. Près de 70 % of de nos exportations de produits du bœuf et presque toutes nos exportations de bovins vivants étaient destinées aux États-Unis. Le Canada exportait bon an mal an environ 1,1 million de têtes de bétail aux États-Unis[2].
L’industrie des deux côtés de la frontière est devenue de plus en plus vulnérable à mesure que le conditionnement de la viande se transformait en un commerce nord-américain intégré. Même si, à cause de plusieurs facteurs de production, le cheptel bovin américain a diminué de 8 % au cours des neuf dernières années, un approvisionnement croissant en bétail canadien permettait aux abattoirs américains de continuer de tourner à plein régime. En revanche, la sous-capacité d’abattage au Canada rendait les producteurs de bœuf canadiens de plus en plus dépendants des abattoirs américains.
Tableau 1: Taux annuels d’abattage bovin canadiens et américains (en millions de têtes)
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2004 |
2003 |
2002 |
2001 |
|
Taux d’abattage canadiens[3] |
3,9 |
3,16 |
3,46 |
3,37 |
|
Taux d’abattage américains[4] |
32,7 |
35,4 |
35,7 |
35,3 |
B. La crise de l’ESB : Accroissement de la capacité d’abattage canadienne et diminution de la capacité américaine
La fermeture de la frontière a provoqué un fléchissement immédiat et substantiel de l’approvisionnement en bovins des abatteurs américains et une offre excédentaire au Canada où la production bovine dépassait de beaucoup la capacité d’abattage et de transformation.
Au Canada, l’industrie de la viande a réagi aux nouvelles conditions du marché surtout en augmentant la capacité d’abattage nationale. En 2004, la capacité s’est accrue en partie grâce à l’expansion des installations existantes par l’addition de quarts de travail, l’abattage le samedi et le recours systématique aux heures supplémentaires. En plus, Gencor Foods Inc. en Ontario et Blue Mountain Packers en Colombie-Britannique ont rouvert des abattoirs. De nouveaux abatteurs sont entrés sur le marché. Notamment, Atlantic Beef Products Inc., une nouvelle usine située à Île-du-Prince-Édouard, a commencé à tourner en décembre 2004.
À la fin de 2004, les abattoirs canadiens sous contrôle fédéral pouvaient accueillir 81 000 têtes par semaine.[5] Les abattoirs sous contrôle provincial accueillaient 4 500 têtes par semaine, ce qui donne une capacité d’abattage totale de 85 500 têtes par semaine ou environ 4,3 millions de têtes par an. Le taux d’abattage canadien dans les installations sous contrôle fédéral et provincial a été d’un peu plus de 3,9 millions de têtes en 2004, soit le plus élevé depuis 1978, année où 4 millions de bêtes ont été transformées.
La capacité d’abattage a continué de croître pendant la première moitié de 2005 à mesure que les entreprises nouvellement ouvertes achevaient leur phase d’installation et que le nombre des animaux à abattre atteignait la capacité maximale des usines. En outre, Tyson Foods et Cargill Limited ont annoncé d’importantes expansions. Suivant les taux d’utilisation des usines, entre 4,2 et 4,6 millions de têtes devraient être abattues en 2005, soit une hausse de 21 à 33 % comparé aux niveaux d’avant la crise de l’ESB (2002). D’autres propositions à l’étude pourraient ajouter à la capacité au cours des deux prochaines années, ce qui permettrait d’abattre 5 millions de bêtes par an en 2006, soit une hausse de plus de 40 % comparé au niveau de 2002.
Aux États-Unis, l’impact des restrictions à l’importation a été plus grand dans les régions où les abattoirs dépendaient lourdement du bétail canadien pour pouvoir tourner à plein régime. Les importations canadiennes comptaient pour 30 % du bétail abattu en Utah, 19 % dans l’état de Washington et 10 % ou plus au Minnesota, au Michigan et au New Jersey. C’est pourquoi les abattoirs américains éprouvent des difficultés financières et ont arrêté la production et mis des travailleurs à pied.
· Plusieurs usines ont fermé, dont celle d’Iowa Quality Beef (Tampa, en Iowa) en août 2004, celle de Simplot Meat Products (Nampa, en Idaho) en septembre 2003 et celle de Ferry Brothers (Ferndale, au Washington);
· Deux usines Swift and Co ont annulé des quarts de travail, dont celle de Greeley (Colorado), où environ 3 à 5 % seulement des bêtes abattues provenaient du Canada;
· Plus récemment, Tyson Foods a suspendu les opérations d’abattage à ses usines de Denison (Iowa), Norfolk et West Point (Nebraska), Boise (Idaho) et Pasco (Washington), ce qui a touché 2 100 travailleurs pendant six semaines (janvier et février 2005). Ces usines tournaient à moins de 75 % de leur capacité, soit 10 à 15 % de moins que leurs niveaux historiques à cause du manque de bétail à transformer.
C. Et maintenant? La durabilité de l’industrie de la viande au Canada
La frontière américaine reste fermée à tous les bovins vivants et à la viande provenant d’animaux de plus de 30 mois. Néanmoins, cette situation ne durera pas indéfiniment. Pour beaucoup de témoins, le retour de la concurrence américaine après la réouverture de la frontière est devenu le prochain grand défi de l’industrie. À ce moment-là, les transformateurs américains tenteront sans doute de reprendre leur part de l’approvisionnement en bétail canadien en augmentant les prix payés aux producteurs, ce qui rendra moins rentable la transformation du bétail au Canada. Plusieurs témoins étaient d’accord pour dire que la durabilité à long terme de l’industrie du bœuf ne saurait être assurée par un retour à l’ancienne dépendance à l’égard des exportations de bétail et ont proposé des moyens de maintenir la capacité nouvellement accrue au Canada.
Au fil des ans, l’industrie de la viande s’est caractérisée par une faiblesse des marges qui a conduit à sa concentration. Même aujourd’hui, quatre usines de transformation accueillent près de 80 % de la production canadienne de bovins gras et deux usines 90 % des animaux de réforme. Selon le Conseil des viandes du Canada, en permettant aux producteurs d’augmenter leur efficience et, donc, leur rentabilité, cette concentration a mis l’industrie canadienne à même de soutenir la concurrence internationale.
C’est précisément cette croissance des profits, notamment dans la période qui a suivi le mois de mai 2003, qui a préoccupé certains parlementaires quand ils ont constaté que l’importante diminution des prix payés aux producteurs n’était pas accompagné d’une une baisse équivalente des prix du bœuf au détail. Face à ces préoccupations, le Bureau de la concurrence a lancé, au mois de février 2004, une enquête visant à « déterminer si les entreprises de transformation du bœuf ou les épiceries avaient conclu des accords entre eux en vue de faire baisser les prix payés aux producteurs de bovins ou d’augmenter ou maintenir les prix du bœuf au détail. Le Bureau s’est aussi penché sur l’évolution des prix pour déterminer si elle découlait du fait qu’une ou plusieurs entreprises dominantes se seraient livrées à une pratique d’agissements anticoncurrentiels qui auraient limité la concurrence. »
Le Bureau n’a trouvé aucune indication de collusion ou d’abus de position dominante par les entreprises de transformation du bœuf ou les épiceries. Ses conclusions montrent que les prix du bœuf sont établis à l’échelle nord-américaine en raison de la réouverture de la frontière américaine aux exportations de bœuf désossé provenant de bovins de moins de trente mois. De plus, les prix des bovins ont chuté parce que les éleveurs ne peuvent vendre qu’aux abattoirs canadiens, ce qui a entraîné une forte surabondance de l’offre. Le Bureau a aussi montré que les prix des bovins ont tendance à être volatils parce qu’ils sont habituellement déterminés sur des marchés de ventes aux enchères et que la diminution des prix des bovins ne conduisait pas nécessairement à des prix à la consommation plus faibles parce que ces derniers comprennent divers autres coûts tels que le transport et la main-d’œuvre. Enfin, le Bureau est arrivé à la conclusion que la taille d’une entreprise, même si elle domine un marché donné, ne soulève pas en soi de questions en vertu de la Loi sur la concurrence à moins que l’entreprise ne se livre à des agissements qui limitent la concurrence.
Cependant, la concentration de l’industrie de la viande préoccupe depuis longtemps les éleveurs de bovins en Amérique du Nord. Il est clair que la position dominante de quelques grandes entreprises peut influer considérablement sur les conditions du marché et notamment sur les prix à l’achat. Cette emprise sur le marché leur permet d’augmenter leurs profits surtout lorsqu’elles traitent avec des joueurs beaucoup plus petits et moins organisés comme les agriculteurs. C’est dans cette perspective que certains gens du milieu ont soulevé des réticences à l’offre publique d’achat (en avril 2005) de la troisième usine de transformation des viandes au Canada, Better Beef Ltd., de Guelph, en Ontario, par le géant américain Cargill Foods Ltd, qui a tout de même été bien accueillie par l’industrie de l’élevage à cause du potentiel d’augmentation des débouchés à l’exportation. Si la prise de contrôle reçoit l’aval du Bureau de la concurrence, Cargill contrôlerait plus de 50 % de l’abattage de bovins gras sous contrôle fédéral au Canada.
Le Canada profite de l’occasion qu’offre la crise actuelle pour restructurer son industrie de la viande et réduire sa dépendance à l’égard des exportations, notamment d’animaux vivants. Les forces du marché, par contre, semblent imposer à l’industrie de la viande une tendance à la concentration pour rester compétitive sur le marché mondial.
Une des leçons tirées de la crise de l’ESB est que la concentration et l’augmentation de la concurrence américaine n’a pas à entraîner un retour à la tendance d’avant l’ESB qui était une réduction du nombre des usines de transformation au Canada. L’industrie canadienne du bœuf doit continuer de miser sur la viande et les produits transformés davantage que sur les animaux vivants comme le Comité l’a dit dans son rapport intérimaire d’avril 2004, La crise de l’ESB – leçons pour l’avenir. Elle en est venue à réaliser qu’il est plus facile de gérer les risques de l’industrie du bœuf avec les produits transformés qu’avec les animaux vivants.
Pour saisir les avantages de la valeur ajoutée et assurer la viabilité à long terme de l’industrie, une des stratégies de l’industrie canadienne de la viande doit consister à s’assurer de l’approvisionnement en bétail canadien. C’est une stratégie que poursuivent avec succès les grands conglomérats internationaux. La poursuite de l’intégration verticale de l’industrie de la viande passe par un solide partenariat entre les éleveurs et les usines de transformation comme les abattoirs détenus par des agriculteurs (coopératives ou actionnaires majoritaires) et des alliances stratégiques avec des détaillants ou des transformateurs secondaires. De nombreux groupes d’agriculteurs participent à des projets de lancement d’usines de transformation, car ils reconnaissent qu’en acquérant des usines, ils peuvent réduire leur vulnérabilité en cas de crise. Le Comité salue notamment les efforts des éleveurs de bovins du Québec pour acheter deux usines de transformation afin de remonter la chaîne de valeur et conserver une plus grande part des profits. De tels arrangements peuvent aussi permettre un système de traçabilité intégrale du veau jusqu’à la viande, avantage qui peut plaire à certains consommateurs.
Une autre stratégie poursuivie surtout par de petits transformateurs consiste à développer un produit différencié. De petits conditionneurs parviennent à cibler leurs produits régionalement et à se tailler dans le marché, des créneaux qui peuvent manquer d’intérêt pour les gros abattoirs. De petites entreprises se familiarisent aussi avec des concepts comme la marque distinctive et la commercialisation et peuvent s’adapter plus rapidement à l’évolution des préférences du consommateur. De nouveaux projets comme Atlantic Beef Products Inc. poursuivent cette stratégie au nom de la viabilité à long terme. Une autre stratégie d’intérêt pour les petits comme pour les gros producteurs consiste pour l’industrie à diversifier, avec l’aide des gouvernements, son réservoir mondial de clients afin de réduire sa dépendance à l’égard du marché américain.
On s’entend largement pour dire qu’un capital de lancement adéquat est essentiel pour assurer la compétitivité à long terme de nouvelles installations d’abattage. Étant donnée la situation financière difficile de l’industrie, cependant, les gouvernements doivent l’aider financièrement à opérer la transition à un nouveau marché national qui offrira aux producteurs la possibilité d’investir dans les processus et les produits à valeur ajoutée et créera une saine concurrence nationale avec les grands abattoirs producteurs de denrées de base. Le Comité note que bon nombre de ces concepts font partie de la stratégie que met en œuvre le gouvernement pour repositionner l’industrie canadienne des animaux d’élevage afin d’en assurer la viabilité à long terme. La stratégie annoncée en septembre 2004 consiste à rouvrir la frontière américaine, à favoriser l'accroissement de la capacité d'abattage nationale, à soutenir l'industrie jusqu'à ce que la capacité soit accrue et à accroître la part des marchés internationaux pour le boeuf canadien.
Le Comité croit fermement, toutefois, qu’il ne faut pas créer de surcapacité au détriment de la viabilité à long terme. Beaucoup de propositions et d’initiatives de création d’abattoirs sont à l’étude et le risque de surcapacité explique peut-être en partie l’hésitation des institutions financières à investir dans ces entreprises. La Canadian Co-operative Association a indiqué au Comité qu’elle encourageait le gouvernement fédéral à collaborer avec l’industrie du bœuf pour explorer les moyens de coordonner la création d’abattoirs et la commercialisation du bœuf.
En résumé, bien que la concentration soit imposer par les forces du marché et semble inévitable pour soutenir la concurrence nord américaine et internationale, il y a de la place pour de plus petits abattoirs s’ils peuvent sécuriser leur approvisionnement en bétail, obtenir un capital de lancement adéquat, et se tourner éventuellement vers les créneaux de marché. En facilitant l’émergence de ces plus petits abattoirs, le gouvernement donnerait plus de pouvoir aux producteurs : ils auraient plus d’options pour vendre leurs animaux, et/ou ils pourraient monter la chaîne de valeur. Les deux sections suivantes font des recommandations qui donneront l’élan nécessaire pour restructure une industrie où les abattoirs à plus petite échelle pourront prospérer aux côtés des grands abattoirs producteurs de denrées de base au bénéfice des producteurs de bovins.
III. AUGMENTATION DE LA CAPACITÉ
A. Le financement de nouvelles usines
Dans le cadre de la stratégie pour repositionner l’industrie des animaux d’élevage, le gouvernement a créé un Programme de réserve pour pertes sur prêts afin d’encourager les prêteurs à appuyer les projets visant à accroître la capacité d'abattage des ruminants, y compris l'agrandissement et la construction de petits et moyens abattoirs. Le programme a d’abord été doté de 37,5 millions de dollars, puis le budget 2005 lui a affecté un supplément de 17,1 millions. Il a pour objectif de réduire le risque des prêteurs privés qui acceptent de financer des projets d’entreprise viables.
Jusqu’à présent, deux ententes officielles ont été passées avec des institutions financières en vue d’exécuter le programme (Financement agricole Canada et les Alberta Treasury Branches). Le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire a informé les membres du Comité que la négociation d’ententes avec six banques à charte était en cours. Au 30 avril 2005, aucun prêt n’avait été consenti dans le cadre du programme, mais plusieurs demandes étaient à l’étude.
Comme les membres de l’industrie, les institutions financières soulignent l’importance de la viabilité à long terme des nouveaux projets. Un des grands principes du programme, c’est que les prêts doivent être consentis à des conditions commerciales, les institutions financières participantes devant prendre leurs décisions sur la base d’un plan d’affaires. Bien que le programme de réserve atténue certains des risques associés aux nouveaux projets, les prêteurs notent qu’il ne dispense pas de présenter un plan à long terme viable qui prenne en compte la réouverture de la frontière américaine aux bovins vivants. En outre, certains témoins notent que la protection offerte par le programme ne suffit peut-être pas à convaincre les prêteurs d’appuyer de nouveaux projets.
Les représentants de l’industrie ont suggéré plusieurs révisions à apporter au programme afin qu’il réponde mieux aux besoins non seulement des producteurs et des autres parties intéressées à l’établissement de nouvelles installations, mais aussi des établissements de crédit. On s’entend largement pour dire qu’un capital de lancement adéquat est essentiel pour assurer la compétitivité à long terme de nouvelles installations et pour obtenir un financement bancaire assuré, élément qui manque au programme en place. Le Comité a entendu plusieurs recommandations à ce sujet.
La Fédération des producteurs de bovins du Québec a déclaré appuyer une recommandation antérieure de la Canadian Cattlemen’s Association (CCA) suggérant de remplacer le programme par un programme d’appariement de capitaux. Elle appuie également les nouvelles incitations fiscales à investir dans des installations d’abattage proposées par la CCA, y compris le crédit d’impôt à l’investissement et l’amortissement accéléré. Pour sa part, la Canadian Co-operative Association propose de remplacer le programme par un programme de garantie de prêt. Elle préconise également des mesures fiscales conçues pour faciliter la fourniture de capitaux propres. Elle propose de mettre en application un plan d’investissement coopératif qui accorderait un crédit d’impôt à ceux qui investissent dans des coopératives agricoles, abattoirs compris. Le programme aiderait les nouvelles coopératives à mobiliser le capital initial avant de chercher à obtenir du financement.
Le Comité entend examiner de près comment le Programme de réserve pour pertes sur prêts répond aux besoins de l’industrie à mesure qu’évolue la situation. Néanmoins, étant donné que le programme ne prend pas en considération le besoin en capital de départ, qui demeure un élément essentiel pour assurer de la viabilité à long terme des nouveaux projets,
Recommandation 1 : Le Comité recommande que le gouvernement complète le Programme de réserve pour pertes sur prêts avec un programme d’appariement de capitaux, pour régler le problème de besoin en capital de départ et aider à assurer la viabilité à long terme des nouveaux projets.
Et
Recommandation 2 : Le Comité recommande que le gouvernement élabore de nouveaux incitatifs fiscaux pour investir dans les établissements d’abattage dont un plan d’investissement pour les coopératives qui offrirait des crédits d’impôt aux particuliers qui investiraient dans les coopératives agricoles.
La Fédération des producteurs de bovins du Québec a également recommandé d’améliorer l’accessibilité du programme. D’abord, il faudrait l’offrir à tous les producteurs désireux d’acquérir des installations d’abattage même si l’acquisition n’entraîne pas immédiatement une augmentation de la capacité. Ensuite, la Fédération note que le programme ne devrait pas plafonner les ventes des entreprises admissibles. Le Comité pense que l’implication financière des agriculteurs dans les établissements de transformation de la viande est un bon moyen de sécuriser l’approvisionnement des abattoirs en bétail canadien et qu’il diminue la vulnérabilité des agriculteurs face à d’autres crises. Donc,
Recommandation 3 : Le Comité recommande que le gouvernement élargisse l’admissibilité des programmes existants aux producteurs ou groupes de producteurs qui souhaitent acquérir des abattoirs.
Des plans d’affaires solides sont essentiels à la viabilité de toute nouvelle capacité d’abattage. Cependant les groupes agricoles n’ont pas toute l’expertise nécessaire pour préparer des plans d’affaire dans le domaine de la valeur ajoutée. De plus, le modèle coopératif est un choix de structure d’entreprise parmi d’autres pour les agriculteurs souhaitant investir dans un abattoir. Donc
Recommandation 4 : Le Comité recommande que le gouvernement réaffecte des fonds de la Stratégie de repositionnement de l’industrie de l’élevage pour aider des groupes de producteurs intéressés à construire des abattoirs incluant sous forme co-opérative à préparer des plans d’affaire et à obtenir l’appui d’experts.
Et
Recommandation 5 : Le Comité recommande que le gouvernement réaffecte des fonds de la Stratégie de repositionnement de l’industrie de l’élevage pour que le volet “Services conseils” de l’Initiative de développement coopératif dispose de fonds supplémentaires pour que les groupes coopératifs régionaux fournissent de l’expertise sur ce type de modèle.
B. Approbation des nouvelles usines et exigences d’inspection
Une partie de l’argent de la stratégie de repositionnement de l’industrie canadienne du bœuf et des bovins est remis à l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) afin de lui permettre de rationaliser les formalités d’inspection des établissements et d’approbation des nouveaux abattoirs aux termes de la Loi sur l’inspection des viandes. Pour faire agréer un abattoir aux termes du Règlement sur l’inspection des viandes, il faut présenter une requête à l’ACIA, accompagnée des plans détaillés, des documents provisoires et du devis techniques de l’établissement. L’Agence analyse alors la requête et l’approuve à condition qu’elle réponde aux exigences du Règlement. Une fois l’installation construite, elle vérifie si celle-ci respecte la requête approuvée. Si l’inspection se révèle satisfaisante, le bâtiment est agréé, et un numéro d’agrément accordé.
Depuis l’annonce, le 10 septembre 2004, de la stratégie de repositionnement du Canada, l’ACIA a reçu plusieurs demandes d’agrément :
· Sept entreprises ont demandé l’agrément de nouvelles usines, dont les deux établissements entrés en activité à la fin de 2004 (Blue Mountain Packers en Colombie-Britannique et Atlantic Beef Products à l’Île-du-Prince-Édouard). L’ACIA s’attend à ce que les cinq établissements restants soient opérationnels dans environ six à douze mois.
· L’ACIA a accepté, lors d’une inspection finale, que deux usines existantes enregistrées au fédéral étendent au bœuf leur capacité d’abattage.
· Trois établissements d’abattage du bœuf agréés au fédéral ont demandé à augmenter leur capacité d’abattage.
Cependant, certains ont exprimé leurs préoccupations au Comité au sujet du processus d’approbation. Il a fallu près de cinq mois à l’abattoir de Blue Mountain Packers, en Colombie-Britannique, pour être agréé par l’ACIA, bien que l’établissement ait déjà été approuvé avant que ses exploitants actuels n’en fassent l’acquisition. Le représentant de Gencor Foods Inc., dont l’usine a été approuvée en 2004, a également mentionné que le processus d’approbation des documents provisoires n’était pas convivial. D’après lui, un processus qui devrait normalement prendre six semaines peut durer six mois.
Cependant, l’ACIA a depuis apporté des changements à ses formalités d’examen des documents provisoires, décentralisant l’approbation de ces documents, qui se fait maintenant dans le secteur où l’usine est située. Elle a également mis sur pied une équipe de spécialistes chargés d’accélérer l’examen des nouveaux établissements en vue de leur agrément et de leur obtention des permis nécessaires. Néanmoins, il est encore trop tôt pour dire si ces changements donneront de bons résultats, et le Comité suivra cette question de très près.
L’accroissement de la capacité de conditionnement signifie également que l’on aura besoin de plus d’inspecteurs dans les divers établissements pour l’inspection de la viande. Le modèle fédéral de surveillance de l’inspection veut que vétérinaires et inspecteurs se trouvent à l’usine pendant toute la durée de l’abattage des animaux, surveillant le processus des points de vue de la salubrité des aliments et des normes de marchés d’exportation.
L’ACIA a demandé et obtenu de nouvelles ressources afin de pouvoir marcher du même pas que l’industrie à mesure que de nouvelles usines entreront en activité ou que des usines existantes accroîtront leur capacité. Elle surveille le processus d’agrément et, à mesure que de nouveaux établissements approchent de leur date d’entrée en fonction, se dote de façon anticipée en vétérinaires et en inspecteurs, les embauchant et les formant afin qu’ils soient en place dès que ces usines seront en service. En date du 3 mai 2005, l’Agence avait embauché 10 nouveaux vétérinaires et inspecteurs afin de respecter les projets d’expansion et elle s’attend à embaucher encore plus de personnel au cours de l’année à mesure que les expansions seront mises en œuvre et que les nouvelles usines deviendront opérationnelles. Elle a également obtenu quelques ressources pour aider les provinces à inspecter les abattoirs provinciaux, en particulier en vue de l’élimination adéquate des matières à risque spécifiées.
IV. CONTEXTE OPÉRATIONNEL
En plus de favoriser la création de nouvelles usines ou l’expansion d’usines existantes, le gouvernement peut, dans certains domaines, améliorer le contexte opérationnel pour le secteur de la transformation, principalement sur les plans des normes de salubrité des aliments et du commerce international.
A. Règlements en matière de salubrité des aliments
1. Norme nationale
Les abattoirs qui n’écoulent leurs produits que dans la province où ils sont établis relèvent du gouvernement provincial. Pour pouvoir vendre dans une autre province, ils doivent être agréés par l’ACIA et répondre à la norme fédérale aux termes de la Loi sur l’inspection des viandes. La norme pour le commerce interprovincial est la même que celle à laquelle sont assujettis les établissements exportateurs.
La capacité de conditionnement provinciale est relativement faible (4 500 têtes par semaine), mais offre un créneau qui, s’il est pleinement utilisé, peut permettre de s’attaquer à certains problèmes régionaux. Par exemple, la Fédération des producteurs de bovins du Québec a mentionné que des producteurs d’Abitibi-Témiscamingue (Québec) étaient situés près d’un abattoir provincial ontarien, mais devaient envoyer leurs bovins se faire abattre à Montréal. De nombreux témoins ont suggéré que l’on élabore une norme nationale qui permettrait le commerce interprovincial sans autoriser le commerce d’exportation extérieur. Ils croient également que, pour donner de bons résultats et être crédible auprès de nos partenaires commerciaux, cette norme devrait relever du gouvernement fédéral.
Comme il est mentionné ci-dessus, la norme actuelle pour le commerce interprovincial est la même que pour le commerce d’exportation extérieur, bien que, selon l’ACIA, nos partenaires commerciaux exigent certaines modalités de la norme fédérale qui pourraient être supprimées d’une norme qui serait purement nationale et qui rendrait possible le commerce interprovincial, mais non l’exportation à l’étranger. Selon les représentants de l’ACIA, il existe maintenant un « code de la viande » faisant l’objet d’un accord, qui reflète une entente entre les gouvernements provinciaux et fédéral à l’égard de normes minimales fondamentales de salubrité des aliments pour les usines de transformation de la viande. Pour que ce nouveau code de la viande puisse être utilisé, il devrait faire partie intégrante des règlements provinciaux. Comme le gouvernement fédéral a compétence en matière de commerce interprovincial, il faudra également modifier la Loi sur l’inspection des viandes pour :
· soit autoriser le commerce interprovincial de la viande produite dans des usines qui ne sont pas nécessairement approuvées par le gouvernement fédéral;
· soit créer un autre niveau d’usines agréées au fédéral, différentes de celles autorisées à exporter.
Il y a d’autres incidences puisqu’en vertu des obligations du Canada à l’égard de l’OMC, la norme pour le commerce interprovincial deviendrait alors celle exigée des autres pays qui exportent de la viande vers le Canada. Comme certains produits carnés importés atteindraient la norme nationale, ils ne pourraient pas nécessairement être transformés et réexportés. Il faudrait alors un système global de traçabilité pour séparer les produits qui respectent la norme nationale de ceux qui atteignent la norme d’exportation.
Dans son rapport de décembre 2004, La valeur ajoutée dans l’agriculture au Canada, le Comité sénatorial a exprimé le point de vue selon lequel les débats sur le commerce interprovincial des produits agricoles et les obstacles à celui-ci existent toujours et a demandé aux gouvernements fédéral et provinciaux de tenir la promesse qu’ils ont prise dans le cadre de l’Accord sur le commerce intérieur d’examiner les échanges de produits agricoles au Canada. Le Comité juge que le commerce interprovincial présente trop souvent un obstacle à la durabilité de l’industrie agricole. Par conséquent,
Recommandation 6 : Le Comité recommande que l’Agence canadienne d’inspection des aliments entreprenne immédiatement une révision de la législation en consultation avec l’industrie et les provinces et tout en considérant les conséquences sur le plan commercial, afin de proposer des changements aux lois et règlements pertinents et, ainsi, de mettre en vigueur une norme nationale autorisant les établissements qui se conforment à cette norme à commercer avec les autres provinces, sans être dûment agréés pour pénétrer le marché international.
2. Nouvelles exigences en matière de salubrité des aliments pour consommation humaine et animale
Comme les données scientifiques concernant la santé évoluent très rapidement, l’industrie de transformation des viandes doit constamment s’adapter aux nouvelles exigences en matière de salubrité des aliments et consacrer des sommes et des ressources importantes afin que ses produits respectent les normes les plus strictes qui soient. Le gouvernement vient de proposer ou de lancer de nouveaux règlements en matière de santé et de salubrité pour l’industrie des viandes, dont l’obligation de mettre en place un programme d’analyse des risques et de maîtrise des points critiques (HACCP) et l’élimination des matières à risque spécifiées (MRS)[6] des bovins de la chaîne d’alimentation animale.
D’ici la fin de 2005, l’adoption d’un programme HACCP deviendra obligatoire dans tous les établissements d’abattage de viande et de volaille agréés par le fédéral. Depuis décembre 2004, 86 % de ces établissements appliquent un tel programme. Cependant, les représentants de certains nouveaux établissements qui ont témoigné devant le Comité ont indiqué que leur établissement aurait de la difficulté à respecter la date butoir. Dans La valeur ajoutée dans l’agriculture au Canada, Le Comité recommandait que le gouvernement fédéral augmente le financement des petits producteurs et transformateurs de produits alimentaires afin de les aider à respecter les normes HACCP ou d’autres normes semblables de salubrité et de contrôle de la qualité des aliments. Les témoignages fournis au cours des audiences sur la capacité d’abattage au Canada nous donnent des motifs supplémentaires de réitérer cette recommandation.
Une autre nouvelle prescription en matière de salubrité des aliments qui touche l’industrie du conditionnement de la viande est l’élimination des MRS de tous les aliments des animaux. Les MRS sont maintenant retirées de la chaîne alimentaire animale, mais elles peuvent quant même se retrouver dans les aliments pour les non-ruminants comme les porcs et les volailles qui ne sont pas susceptibles de contracter l’ESB. Le 10 décembre 2004, l’ACIA a proposé un règlement qui interdirait leur utilisation dans les aliments pour animaux d’élevage et de compagnie et dans l’engrais, indiquant que celui-ci renforcerait l’interdiction frappant les aliments du bétail et permettrait d’atténuer plus rapidement l’effet de l’ESB au Canada. En empêchant les MRS d’entrer dans la chaîne de production d’aliments des animaux, on diminue donc les effets d’une éventuelle contamination croisée des aliments pour animaux qui pourrait survenir lors de leur production et de leur distribution, ainsi que de toute utilisation inappropriée dans les fermes. Selon les représentants de l’ACIA, le règlement pourrait entrer en vigueur au printemps ou au début de l’été 2005, après la fin de la période de commentaires et la publication dans la Gazette du Canada, partie II.
En juillet 2004, l’Administration américaine des aliments et drogues a également demandé qu’on lui fournisse des commentaires sur l’élimination des MRS de tous les aliments des animaux. À Washington, le Comité s’est fait dire que les producteurs des États-Unis étaient contre cette mesure. Des experts internationaux en hygiène vétérinaire qui ont étudié les dispositions prises au Canada et aux États-Unis à la suite de la découverte de cas d’ESB l’ont pourtant recommandée, mais, selon la National Cattlemen’s Beef Association, celle-ci ne s’appuie sur aucune donnée scientifique, puisque, au Canada et aux États-Unis, on respecte déjà de près l’interdiction actuelle de nourrir les ruminants avec des farines animales provenant de ruminants.
Bien que l’interdiction de nourrir des ruminants avec des farines animales soit efficace, le retrait des MRS des tous les aliments pour animaux accélérera la disparition de l’ESB au Canada. Le Comité est d’avis que nos partenaires commerciaux partout dans le monde doivent voir que le Canada fait tout pour éradiquer le plus vite possible l’ESB du cheptel bovin Canadien. Le Comité appuie donc cette initiative.
Cependant, des témoins ont exprimé leurs préoccupations sur le coût d’une telle mesure pour l’industrie ainsi que sur ses conséquences sur l’environnement. Un témoin a indiqué que l’industrie devra se débarrasser de 375 000 livres de MRS par semaine en Ontario seulement, et a estimé la production Canadienne de MRS à près de 2 millions de tonnes par semaine. Si le projet de règlement entre en vigueur, il faudra résoudre la question de l’élimination des MRS. La méthode généralement acceptée consiste à équarrir l’animal, puis à enlever le suif en vue d’une transformation plus poussée, car il peut servir à la fabrication de divers produits. Les MRS équarris peuvent être enterrés dans des sites d’enfouissement ou incinérés.
Le projet de règlement ne suggère rien à propos de l’élimination des MRS mais Agriculture et Agroalimentaire Canada (AAC) dirige en ce moment des consultations avec tous les intervenants, dont les provinces, qui sont responsables de l’élimination des déchets. Le Ministère tente de déterminer les meilleures options pour l’élimination des MRS dans chaque province, car les conditions environnementales varient d’un endroit à l’autre. L’obstacle le plus important demeure le transport des matières, étant donné que, dans la plupart des cas, la densité de la population animale n’est pas très élevée.
3. Traçabilité
Beaucoup prévoient que les marchés internationaux exigeront de plus en plus la traçabilité des produits alimentaires, soit la capacité de les retracer de leur ferme d’origine à l’assiette. Il est très important que le Canada s’intéresse à tout projet d’exploration de la traçabilité, de l’identification des animaux jusqu’à l’abattoir et encore plus avant dans la chaîne de commercialisation, de façon, si des problèmes surgissent, à pouvoir retourner à la source du produit alimentaire.
Le gouvernement a déjà mis sur pied un système d’identification des animaux qui nous place bien en avant de nos concurrents commerciaux, comme les États-Unis. Selon les représentants de l’ACIA, notre prochain objectif consiste à inscrire dans la banque de données la date de naissance de chaque animal ainsi que les déplacements entre les différentes fermes. Au Québec, le gouvernement provincial dispose déjà du cadre législatif nécessaire pour recueillir ce type de renseignement.
Par des exigences ou des règlements, l’ACIA crée pour l’industrie des attentes en matière de traçabilité des établissements ou des produits. En général, l’industrie est tenue de pouvoir retracer les animaux une étape en amont et en aval, autrement dit d’être en mesure de déterminer d’où vient le produit et où il va. En cas de problème lié à la salubrité des aliments, l’Agence veut pouvoir suivre le produit en question tout au long de son cycle biologique. Au moyen de Can-Trace, une initiative de l’industrie, le Canada cherche également à mettre au point des normes facultatives minimales afin d’assurer la traçabilité nationale de tous les produits de la chaîne alimentaire.
Atlantic Beef Products Inc. (ABP) a obtenu des fonds de l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA) et d’AAC pour mettre en place un système global de traçabilité de ses produits. Outre l’amélioration de la salubrité des aliments, la technologie proposée par ABP permettrait de reconstituer une carcasse et ses différentes coupes et de déterminer la valeur exacte de l’animal. ABP a conclu une entente avec le gouvernement fédéral en vue de faire l’essai de la technologie et du matériel. AAC peut décider qu’il vaut la peine d’étendre à tout le Canada ce projet pilote d’amélioration de la traçabilité et d’améliorer ainsi la solidité du système de traçabilité.
La mise en place d’un système global de traçabilité comporte de nombreuses similitudes avec le respect des principes HACCP, notamment sur le plan des compétences techniques et des méthodes de tenue des dossiers. Pendant de nombreuses années, l’ACIA a appliqué un programme volontaire, le Programme d’amélioration de la salubrité des aliments (PASA), qui visait à aider les usines de transformation de la viande à respecter les normes HACCP. Le Comité est d’avis que l’industrie canadienne de la transformation de la viande doit demeurer en tête de ses concurrents et songer à pouvoir retracer ses produits globalement. Par conséquent,
Recommandation 7 : Le Comité recommande que l’Agence canadienne d’inspection des aliments élabore un programme analogue au Programme d’amélioration de la salubrité des aliments (PASA) afin d’aider à mettre en place des systèmes de traçabilité dans les usines de transformation de la viande. Il faudrait assortir ce programme de fonds afin que l’industrie des viandes puisse disposer de ces systèmes d’ici 2010.
4. Dépistage de l’ESB
Lorsque les pays ont fermé leurs portes au bœuf canadien en mai 2003, plusieurs scénarios ont été envisagés pour tenter de rouvrir les marchés étrangers à la viande canadienne. Comme le Japon, notre troisième marché d’exportation avant 2003 pour les produits du bœuf (après les États-Unis et le Mexique), effectue sur tous les animaux abattus des tests de dépistage de l'ESB, certains ont proposé que le Canada devrait en faire autant pour accéder de nouveau aux marchés asiatiques.
L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) ne considère pas que le dépistage de l’ESB chez tous les animaux abattus soit une mesure suffisante pour protéger les consommateurs contre l'ESB. L'élimination du matériel à risque spécifique (MRS) est actuellement la meilleure méthode pour garantir la salubrité de la viande. Étant donné la longue période d’incubation de la maladie, les jeunes animaux ne réagissent pas nécessairement au test de dépistage et peuvent donner une fausse impression de sécurité. De plus, si le Canada devait soumettre tous les animaux au test de dépistage de l'ESB, cela signifierait qu’il faudrait retenir les carcasses ou des parties de carcasse jusqu'à ce que les résultats soient connus et imposer ainsi aux usines des changements logistiques (par exemple, pour aménager de l’espace d’entreposage additionnel), ce qui ferait grimper le coût du test.
Les autorités japonaises ont commandé des études scientifiques sur la possibilité d’éviter le dépistage de tous les animaux. Le Comité a appris que le Japon a déjà décidé de délaisser le dépistage systématique et suit un processus très élaboré pour mettre en place un nouveau système fondé sur la vérification de l’âge. Sur la recommandation du milieu scientifique japonais, les autorités du pays songent à établir une limite d’âge en deçà de laquelle l’absence de test serait jugée sans danger. Seuls les animaux plus âgés seraient soumis au dépistage de l'ESB. Ce système correspondrait davantage à celui de l’Union européenne où les pays ne contrôlent en général pas les animaux âgés de moins de 30 mois.
Au Canada, certains ont toutefois proposé de contrôler tous les animaux pour mousser « l’image de marque ». Les associations de l'industrie réalisent que des marchés exigeront des tests, et elles ont proposé une approche pragmatique qui prévoit des contrôles additionnels de la viande destinée aux pays et marchés qui exigent un dépistage systématique.
Rien n’empêche actuellement un abattoir d’embaucher un laboratoire privé pour effectuer les contrôles, mais il semble y avoir un certain intérêt pour une participation du gouvernement fédéral. Ainsi, la Canadian Co‑operative Association a recommandé que le gouvernement fédéral songe à effectuer un dépistage systématique de l’ESB sur la viande destinée à l’exportation vers les pays qui l’exigent. Les représentants de l’ACIA ont indiqué que l’Agence est prête à discuter des propositions du secteur privé visant à accéder à des créneaux particuliers qui exigent le dépistage systématique de l’ESB ou tout autre type de contrôle (résidus d’hormones, de médicaments, etc.) que des marchés étrangers pourraient exiger.
Selon le Comité, il importe que le gouvernement fédéral facilite le travail des abattoirs qui cherchent à exploiter des créneaux particuliers. Le gouvernement doit permettre un accès facile et rapide à diverses technologies comme les trousses de dépistage ou les nouvelles méthodes de transformation, tel le désossage à chaud, pour que l'industrie du bœuf demeure concurrentielle.
Selon le Comité, il importe que le gouvernement fédéral facilite le travail des abattoirs qui cherchent à exploiter des créneaux particuliers. Dans ce contexte, le gouvernement à la responsabilité de permettre un accès facile et rapide à diverses technologies comme les trousses de dépistage ou les nouvelles méthodes de transformation, tel le désossage à chaud, pour que l'industrie du bœuf demeure concurrentielle. Le gouvernement doit donc donner la priorité à la recherche nécessaire qui permettra à l’industrie d’avoir accès à des outils lui donnant un avantage concurrentiel.
B. Commerce international
1. Marchés d’exportation
Sur le plan stratégique, l'industrie du bœuf a décidé d’augmenter la capacité d’abattage au Canada pour devenir moins vulnérable à l'exportation de bovins sur pied et en dépendre moins. Cela ne change toutefois rien au fait que l'industrie dépend des marchés d’exportation. Selon la Fédération des producteurs de bovins du Québec, 60 % de la production canadienne des bovins est exporté sur pied ou sous la forme de produits du bœuf. Rien ne sert donc d’augmenter la capacité d’abattage si le Canada n’a pas la possibilité de commercialiser la viande à l’étranger. Alors que l'industrie augmente sa capacité de production de produits du bœuf, le Canada doit s’efforcer de rouvrir les marchés au bœuf canadien partout dans le monde.
Le Canada a réussi à rouvrir certains marchés aux produits du bœuf canadien, notamment à rouvrir partiellement les frontières américaines et mexicaines à certaines catégories de produits du bœuf en août 2003. Le 30 novembre 2004, Hong Kong a accepté de reprendre les importations de bœuf canadien désossé provenant d’animaux âgés de « moins de 30 mois », exempts de toute MRS, et Cuba a aussi rouvert sa frontière à un large éventail de viandes et d’autres produits provenant de bovins canadiens de tous âges. Cuba est allé plus loin en mars 2005 et a accepté, à certaines conditions, d’importer du Canada des bovins, ovins et caprins vivants, ainsi que de la semence et des embryons de bovins.
En mars 2005, les États-Unis en étaient au terme d’un processus d'élaboration d’une règle visant à autoriser la réouverture de la frontière pour certaines classes de ruminants sur pied et un éventail élargi de produits de ruminants. Cette soi-disant « règle du risque minimal d’ESB » des États-Unis modifie les conditions régissant l’importation d’animaux et de produits d’animaux et crée une nouvelle catégorie pour les régions dont le cheptel national a été testé positif à l'ESB, mais où des mesures de précaution ont été prises pour réduire le risque d’exportation de l'ESB aux États-Unis. Selon la règle, qui devait entrer en vigueur le 7 mars 2005, le Canada entre dans cette nouvelle catégorie. En février 2005, le Secrétaire américain à l’agriculture Mike Johanns a annoncé que l’USDA reportait la date effective d’autorisation des importations de bœuf provenant d’animaux âgés de plus de 30 mois, mais que le reste de la règle s’appliquerait comme prévu pour ce qui est notamment de permettre l’importation de bovins sur pied âgés de moins de 30 mois destinés à l’abattage. La règle ne s’applique ni aux bovins âgés de plus de 30 mois ni à l’accès au marché des animaux reproducteurs et des génisses laitières de remplacement. Une autre règle séparée, en voie d’élaboration, concernera ces classes d’animaux.
S’attendant à ce que la frontière américaine rouvre le 7 mars, le Comité s'est rendu à Washington pour tenter un rapprochement avec les représentants des deux chambres du Congrès ainsi qu’avec l'Administration américaine et les grandes organisations nationales d’agriculteurs. Le 3 mars 2005, le Sénat a adopté une résolution en désapprobation de la règle([7]). Pour empêcher l’entrée en vigueur de la règle, il fallait que la résolution soit adoptée à la Chambre des représentants et signée par le président Bush. Lors de diverses rencontres, le Comité a appris que la résolution n’obtiendrait vraisemblablement pas l’appui d’une majorité de représentants. De plus, la Maison-Blanche a émis le 3 mars 2005 un communiqué officiel dans lequel elle se disait en faveur de l’ouverture de la frontière, louait le travail des scientifiques et du gouvernement canadiens et affirmait clairement que le président Bush exercerait pour la première fois son droit de veto si le Congrès exigeait le maintien de la fermeture de la frontière.
Le 2 mars 2005, indépendamment de la démarche du Congrès, un juge fédéral du Montana a émis une injonction préliminaire suspendant l’application de la règle jusqu'à ce que la Cour puisse en faire l’étude. Cette injonction préliminaire a été obtenue au terme d’une action intentée par le Ranchers-Cattlemen Action Legal Fund United Stockgrowers of America (R‑CALF USA). L’USDA a fait appel de l’injonction préliminaire. Cet appel qui sera entendu par l’U.S. Ninth Circuit Court of Appeals à San Francisco, ainsi que l’action intentée au Montana concernant l’application de la règle, devraient être entendus cet été.
Selon ce que les représentants de l’USDA ont dit au Comité, l'Administration américaine est confiante que la cause sera jugée sur le fond parce qu’elle est bien fondée; l’USDA a rédigé la règle avec la plus grande prudence et est disposée à rouvrir la frontière. Les représentants de l’USDA ont aussi mentionné que la règle qui prévoit la réouverture de la frontière aux bovins âgés de plus de 30 mois est en cours d'élaboration et que l’USDA entend accélérer le processus.
Le Comité a recommandé dans son rapport précédent que, s’il y a un point pour lequel le Canada devrait continuer de se battre, c'est bien pour un commerce fondé sur des règles et des normes scientifiques. La reprise à la normale du commerce de tous types de produits du bœuf, y compris la viande des animaux âgés de plus de 30 mois, avec les États-Unis et le Mexique, lancera un message clair aux autres partenaires commerciaux dans le monde. Lors de plusieurs réunions à Washington, les participants ont été nombreux à partager l’avis du Comité, selon lequel nous ne saurions nous attendre à ce que nos marchés d’exportation, notamment celui du Japon, adhèrent à une approche fondée sur des éléments scientifiques si les pays d’Amérique du Nord n’y adhèrent pas également.
Par ailleurs, l’ACIA a déjà modifié son règlements pour adapter davantage la politique canadienne sur l'ESB à l’endroit des importations américaines aux directives scientifiques internationales pour un commerce sûr, qui visent à protéger la santé du public et des animaux. Le règlement permettant l’importation de produits américains qui avaient été interdits depuis qu’un cas d’ESB avait été détecté dans l’État de Washington en décembre 2003 est entré en vigueur le 29 mars 2005[8]. Il s'agit là d’une importante étape dans l’harmonisation des normes nord-américaine d’importations reliées à l'ESB.
Dans son rapport d’avril 2004, La crise de l’ESB – leçons pour l’avenir, le Comité recommandait d’améliorer l’harmonisation des normes sanitaires et phytosanitaires entre les partenaires de l’ALENA, et qu’ils mettent sur pied un secrétariat permanent agricole de l’ALENA qui aurait pour mandat d’utiliser ces normes et de produire des rapports contenant des recommandations sur les actions que les partenaires de l’ALENA pourraient prendre afin de réguler les échanges commerciaux quand un problème sanitaire ou phytosanitaire survient.
En plus des questions reliées à l’ESB, il existe encore un désaccord entre le Canada et les États-Unis sur les exigences d’importation relatives à la fièvre catarrhale et l’anaplasmose. [9] Le Canada a éliminé ses restrictions pour les bovins d’engraissement en provenance des États-Unis. Toutefois, les exigences relatives aux importations de géniteurs demeurent un point épineux, en particulier pour les États du Nord des États-Unis où les naisseurs dépendent énormément de la vente de leurs bovins de reproduction. Ces deux maladies n’entraînent pas une perte économique de production et l’environnement du Canada tue les insectes responsables de ces maladies. Le ministre Mitchell a affirmé que la réglementation pour ces deux maladies sera examinée.
L’avenir de l'industrie canadienne du bœuf dépend en quelque sorte du système judiciaire américain, mais il ne faudrait pas oublier que la meilleure assurance pour le Canada, c'est de maintenir au pays la meilleure norme possible concernant la santé des animaux et d’inciter le marché nord-américain à en faire autant.
Avec la réouverture progressive des marchés aux produits du bœuf canadien, il importera de récupérer les parts de marché qui sont maintenant occupés par d’autres concurrents étrangers. Le 10 mars 2005, le gouvernement a annoncé une aide fédérale de 50 millions de dollars à un fonds spécial de la Canadian Cattlemen’s Association pour organiser une campagne agressive de marketing visant à rétablir et élargir les marchés du bœuf canadien. Cette somme aidera à développer de nouveaux marchés internationaux pour les produits carnés canadiens et à rétablir nos parts de marché au moment de la réouverture de certains marchés aujourd'hui fermés, tel le marché japonais. Le Comité appuie totalement cette initiative et considère que l’élargissement des marchés du bœuf canadien est un facteur important de maintien d’une capacité d’abattage accrue au Canada.
2. Politique canadienne sur les importations de bœuf
Le Canada offre deux niveaux d’accès aux importations de bœuf de l'étranger. Pour ses partenaires de l’Accord du libre-échange nord-américain (ALENA), il n’impose aucune limite sur la quantité de bœuf qui peut être importée au pays en provenance des États-Unis et du Mexique. En outre, tout le commerce du bœuf en Amérique du Nord se fait en franchise. Le Canada et le Chili ont conclu un accord semblable.
L’importation de bœuf en provenance de tous les autres pays de l'OMC est limitée par un contingent tarifaire (CT). Conformément à ses engagements auprès de l'OMC, le Canada doit offrir un accès en franchise à la viande de bœuf et de veau fraîche, réfrigérée et congelée, jusqu'à concurrence de 76 409 tonnes. Normalement, tout excédent est assujetti à un droit d’importation de 26,5 %. Deux pays sont assurés d’une part donnée du CT. À cause des liens historiques entre les pays du Commonwealth, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont droit respectivement à 35 000 et 29 600 tonnes du CT. Le reste, 11 809 tonnes, peut être importé de tous les pays agréés par l’Agence canadienne d’inspection des aliments, y compris l’Australie et la Nouvelle-Zélande.
Dans des cas spéciaux, il peut être autorisé de lever les tarifs sur des quantités excédant le CT. Si une entreprise ne peut trouver un fournisseur canadien qui offre un produit équivalent à un prix équivalent, cette entreprise peut faire une demande de licence supplémentaire auprès du ministre du Commerce international. Ainsi, en 2002 – dernière année avant la crise de l'ESB – le Canada a accordé des licences supplémentaires pour quelque 65 082 tonnes en sus du CT de 76 409 tonnes.
Les entreprises qui font en général des demandes de licences supplémentaires sont des entreprises qui font de la transformation à valeur ajoutée à partir des coupes de viande de base des abattoirs. Ce secteur approvisionne principalement le marché des aliments de commodité et doit pouvoir compter sur un approvisionnement stable, par les abattoirs, de coupes de bœuf très précises qui sont ensuite transformées en fonction des besoins de sa clientèle – épiceries fines, restauration rapide, etc. Selon ces pourvoyeurs de produits carnés, il est en général facile d’obtenir les produits recherchés dans les abattoirs australiens et néo-zélandais, à des prix très concurrentiels.
Par ailleurs, la capacité de transformation du bœuf au Canada est limitée. Avant la découverte de l'ESB, la moitié environ des exportations de bœuf du Canada vers les États-Unis était constituée d’animaux sur pied destinés aux abattoirs américains. Pour les entreprises de transformation canadiennes, il est plus lucratif d’exporter différentes coupes de viande vers le marché américain que de répondre aux besoins particuliers des boucheries spécialisées.
Lorsque le monde a fermé ses portes au bœuf canadien en mai 2003, le gouvernement fédéral a pris plusieurs mesures pour aider l'industrie, notamment en limitant l’importation de bœuf étranger dans l’espoir que l’offre locale pourrait répondre à la demande. Les engagements du Canada dans le cadre de l'OMC et de l'ALENA lui interdisaient de fermer arbitrairement sa frontière, mais le Canada pouvait limiter les importations en franchise au‑delà du CT.
Le 4 juin 2003, le Canada a resserré sa politique sur les importations au‑delà du CT et, un mois plus tard, il l’a en fait complètement annulée. Toutefois, les États-Unis ont rouvert partiellement leur frontière peu après. Les exportations canadiennes de certaines coupes de viande provenant d’animaux âgés de moins de 30 mois étaient permises, mais la frontière est demeurée fermée à la viande d’animaux plus vieux et aux bovins sur pied.
L’ouverture partielle de la frontière n’a aucunement réglé le problème du surplus de bovins au Canada. La capacité de transformation du Canada a été limitée et, lorsque la frontière a été partiellement rouverte, les abattoirs du pays ont recommencé à exporter vers le marché américain. Le résultat final, c'est que les boucheries spécialisées, ne pouvant compter sur un approvisionnement sûr au Canada, n’ont pu obtenir des licences d’importation supplémentaires pour se procurer le produit à l'étranger.
Enfin, en avril 2004, le gouvernement canadien a rétabli les exemptions tarifaires sur les importations supplémentaires, et les entreprises ont de nouveau été en mesure d’importer en franchise au-delà du CT. Le Canada s'est donc retrouvé avec une offre excédentaire de bovins tout en important plus de coupes de bœuf spéciales que le minimum auquel il s'est engagé à l'OMC.
Des représentants de petits abattoirs ont déclaré devant le Comité que tout dépassement du CT, qui est de 76 409 tonnes, devrait être assujetti au tarif et que le Canada devrait de nouveau annuler les importations supplémentaires en franchise. Or, selon le Conseil des viandes du Canada, les importateurs doivent communiquer avec plusieurs fournisseurs au Canada avant d’obtenir un quota ou une licence d’importation supplémentaire. Les fournisseurs ont 48 heures pour faire savoir s’ils peuvent ou non offrir le produit. Si les fournisseurs canadiens ne peuvent offrir le produit, il devient alors avantageux pour le marché canadien du bœuf de l’importer. Autrement, le créneau peut être occupé par une autre source de protéines. En fait, selon les statistiques de Commerce international Canada, les quotas d’importation supplémentaire ont été très faibles (457 kg) en 2004, et un peu moins des deux tiers du quota en franchise de 76 409 tonnes a été effectivement importé (49 400 tonnes).
V. CONCLUSION
Le Canada a une faible incidence d’ESB et le Comité est convaincu que les mesures qui s’imposent pour protéger la santé des consommateurs et des animaux ont été prises. Le Canada prend certes les mesures qu’il faut pour se préparer à la prochaine crise. Comme l’indiquait M. Gravel de l’ACIA :
« Dans un sens, nous sommes comme des pompiers. Nous ne pouvons avoir en permanence autant d’effectifs qu’il nous faudrait pour un incendie majeur. Il faut trouver le juste milieu entre maintenir un certain pourcentage d’effectifs en réserve et ne pas gaspiller les fonds publics […] à attendre qu’il y ait urgence. Là est le grand défi. Dans quelle mesure notre capacité interne permet-elle de gérer la crise et, si la crise est plus grande que prévu, dans quelle mesure avons-nous accès à d’autres fonds ou à d’autres partenaires pour nous aider à la gérer? Que ces partenaires soient les provinces, l’industrie ou d’autres intervenants, c’est ce que nous essayons d’établir ».[10] [Traduction]
Le Comité est d’avis que, pour se préparer à une prochaine crise, il faut déterminer en quoi notre industrie est vulnérable et prendre des mesures pour réduire cette vulnérabilité. Il faut donner aux producteurs l’assurance que la prochaine crise n’aura pas des conséquences aussi durables et qu’une plus grande capacité d’abattage fera partie de la solution.
L’industrie canadienne du bœuf a tiré profit du commerce intégré en Amérique du Nord, mais la crise de l'ESB vient de démontrer qu’il existe toujours des frontières et que cela peut influer grandement sur le secteur agricole. En augmentant sa capacité d’abattage, l'industrie sera définitivement plus viable et plus forte, que la frontière américaine soit rouverte ou non. La mise en place de programmes pour réduire la vulnérabilité de l’industrie est certes une prémisse nécessaire pour un avenir plus durable, mais le fait que le Canada démontre qu’il contrôle et gère cette crise apparaît au Comité comme un élément tout aussi important dans une stratégie de relance de l’industrie.
ANNEXE:
TÉMOINS
Première Session, Trente-huitième Parlement
16 novembre 2004 Agriculture et agroalimentaire Canada :
L’honorable Andrew Mitchell, c.p., député, ministre
Leonard Edwards, sous-ministre
Agence canadienne d’inspection des aliments :
Richard Fadden, président
2 décembre 2004 Agriculture et agroalimentaire Canada :
Gilles Lavoie, directeur général principal, Opérations
Agence canadienne d’inspection des aliments :
Krista Mountjoy, directrice exécutive, Coordination des opérations
Cameron Prince, directeur exécutif, Direction des produits animaux
Bill Anderson, directeur (par intérim), Programme des aliments d’origine animale
Association canadienne des éleveurs de bétail :
Stan Eby, président
Jim Caldwell, directeur exécutif
Ann Dunford, analyste de marché (CANFAX)
7 décembre 2004 Association des banquiers canadiens :
Terry Campbell, vice-président, Politiques
Banque Scotia :
Bob Funk, vice-président, Agriculture
RBC Banque Royale :
Brian Little, directeur national, Agriculture et affaires agricoles
Groupe financier Banque TD :
Dave Marr, conseiller principal, Communauté, questions rurales et agricoles, Relations avec le gouvernement et la communauté
10 février 2005 Rancher’s Choice Beef Co-op Ltd :
David Reykdal, president
BC Blue Mountain Packers:
Robert Kuziw, president de Rangeland Beef Processors Inc.
15 février 2005 Coopérative des producteurs de boeuf de l’Atlantique:
Dean Baglole, président
Gencor Foods Inc :
Mark Ishoy, directeur général
22 mars 2005 Conseil des viandes du Canada :
Arie Nuys, président
Jim Laws, directeur exécutif
14 avril 2005 Fédération des producteurs de bovins du Québec :
Michel Dessureault, président
Gib Drury, membre du conseil d’administration
Gaëtan Bélanger, secrétaire-trésorier
19 avril 2005 Agriculture et Agroalimentaire Canada :
L’honorable Andrew Mitchell, C.P., député, ministre
Leonard Edwards, sous-ministre
Agence canadienne d’inspection des aliments :
Richard B. Fadden, président
21 avril 2005 Canadian Co-operative Association :
Claude Gauthier, directeur
Bill Dobson, vice-président
3 mai 2005 Agence canadienne d’inspection des aliments:
André Gravel, vice-président exécutif
Krista Mountjoy, vice-présidente, Opérations
Bill Anderson, directeur (intérim) Division des aliments d’origine animale
[1] Le gouvernement fédéral a d’abord affecté à la stratégie 488 millions de dollars, dont 66,2 millions pour augmenter la capacité d’abattage des ruminants et 384,7 millions pour soutenir l’industrie.
[2] Bureau de la concurrence, Enquête du Bureau de la concurrence sur les prix des bovins et du bœuf, Communiqué du 29 avril 2005.
[3] CanFax, Rapport annuel 2004.
[4] Service de statistique agricole du département de l’Agriculture des États-Unis, Livestock Slaughter: Annual Summary, 2004, 2003, 2002, 2001.
[5] Cette capacité se répartit comme suit : 10 500 animaux de réforme (le plus souvent des bêtes âgées de plus de 30 mois provenant des cheptels laitier ou reproducteur) et 70 500 bovins gras.
[6]Les MRS sont des tissus de bovins pouvant contenir l’agent qui cause l’ESB (tissu du cerveau, moelle osseuse, etc.)
([7]) 52 sénateurs ont voté en faveur de la résolution (dont 13 républicains), et 46 contre (dont 4 démocrates).
[8] En vertu du nouveau règlement sur les importations, les produits maintenant autorisés comprennent entre autres les bovins d’engraissement âgés de moins de 30 mois, les chèvres et les moutons âgés de moins de 12 mois, destinés à l’engraissement ou à l’abattage immédiat, et les taureaux destinés aux centres de production de semences animales. La viande de mouton et de chèvre non désossée provenant d’animaux âgés de moins de 12 mois sera maintenant aussi autorisée.
[9] La fièvre catarrhale et l’anaplasmose sont des maladies du bétail présentent aux États-Unis mais non au Canada.
[10] M. André Gravel, Agence canadienne d’inspection des aliments, Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, Fascicule X, 1è session, 38è Législature, Ottawa, 3 mars 2005.
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