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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 16 - Témoignages du 29 septembre 2005


OTTAWA, le jeudi 29 septembre 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 55, pour examiner, afin d'en faire rapport, les questions concernant les consommateurs dans le secteur des services financiers ainsi que la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à tous. La séance d'aujourd'hui sera diffusée sur le réseau CPAC et le Web, grâce auxquels un auditoire fidèle toujours plus nombreux nous écoute. Le comité s'emploie à surveiller l'ensemble de l'économie, dont les questions concernant la protection des consommateurs sont indissociables.

Nous sommes heureux d'accueillir un nouvel intervenant auprès des consommateurs, M. David Agnew, qui vient d'être nommé ombudsman des services bancaires et d'investissement. M. Agnew, je vous demanderais de nous expliquer comment vous envisagez vos nouvelles responsabilités.

David Agnew, ombudsman et chef de la direction, Ombudsman des services bancaires et d'investissement : C'est un honneur pour moi d'être invité à comparaître devant vous aujourd'hui. Je vous ai distribué le texte de ma déclaration ainsi que notre rapport annuel comme documents de référence. Je vais essayer d'être bref. J'espère que, même si je suis en poste depuis seulement deux mois, je serai en mesure de contribuer à votre important travail sur la protection des consommateurs.

[Français]

J'aimerais vous présenter ma collègue, Brigitte Boutin, ombudsman adjoint à l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement depuis huit ans. Elle a une expérience considérable des enquêtes sur les services bancaires.

[Traduction]

En plus de me prier d'être bref, le président du comité m'a demandé de vous fournir des chiffres, qui se trouvent dans le rapport annuel. J'ai lu le compte rendu d'audiences précédentes, et j'ai l'impression que le plus utile serait que je vous fasse part de mes réflexions sur certains des problèmes qui y sont soulevés. Je sais que le comité sera bientôt prêt à rédiger les recommandations de son rapport. J'aimerais revenir sur un sujet abordé plus d'une fois dans les témoignages et les mémoires présentés au comité, à savoir l'indépendance du bureau de l'ombudsman des services bancaires et d'investissement. La présidente du conseil, Peggy-Anne Brown, et mon prédécesseur ont comparu devant vous le printemps dernier. Comme la présidente l'a alors indiqué, le conseil d'administration est composé de sept personnes indépendantes et de trois représentants de l'industrie. Cependant, au lieu d'insister sur les chiffres, je vous invite à examiner notre structure de gestion et nos règles qui offrent d'importants moyens de protection pour assurer l'indépendance de notre bureau. J'ai été soumis à un processus de recrutement et j'ai participé à une assemblée annuelle et une approbation de budget, et je constate que les administrateurs indépendants sont en charge de la gouvernance et que moi, je m'occupe des opérations.

Le président : Monsieur Agnew, vous ne semblez pas en avoir été trop secoué.

M. Agnew : C'est la lune de miel du début.

Le sénateur Angus : Parlez-vous d'administrateurs indépendants de l'industrie bancaire?

M. Agnew : L'un représente les banques, un autre, les membres de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières et le dernier, à la fois les membres de l'Association canadienne des courtiers de fonds mutuels et ceux de l'Institut des fonds d'investissement du Canada, l'IFIC.

Un autre problème qui ressort des exposés présentés au cours de vos délibérations, ainsi que des questions posées, est la confusion résultant de la fragmentation des sphères de compétence dans les services financiers canadiens. Je reviens là-dessus pour souligner un fait trop souvent ignoré à propos de l'ombudsman des services bancaires et d'investissement. En effet, notre bureau est l'un des très rares services à combiner les compétences fédérales et les compétences provinciales. Nous travaillons sans problème avec des membres relevant des unes et des autres.

Votre comité a tout à fait raison de mettre l'accent là-dessus. Il y a un nombre étourdissant d'organismes auxquels les consommateurs peuvent s'adresser. Je conviens qu'il est difficile pour eux de s'y retrouver. Il n'y a pas de réponse simple, comme tous les clients de services financiers le savent. Nous n'avons pas affaire à un petit nombre de services et de produits anodins. Au contraire, les services financiers deviennent de plus en plus complexes et ce, pour bien des raisons.

Je parle des progrès technologiques, de l'innovation et du développement des produits que je vais examiner. Je sais que vous allez vous intéresser plus tard à l'un de ces nouveaux produits. Ce ne sont pas seulement dans les services financiers mais partout ailleurs dans la société qu'on a tendance à transférer plus de responsabilités au consommateur. On s'attend, par exemple, à ce qu'on utilise les guichets automatiques. De plus en plus de gens souscrivent à un régime à cotisations déterminées plutôt qu'à un régime de pension agréé et ils sont censés gérer eux-mêmes leurs ressources de pension au moment de leur retraite. Évidemment, la plupart d'entre eux vont le faire avec l'aide d'un conseiller, mais c'était la responsabilité de l'employeur avant. C'est une tendance que nous observons.

Je suis toutefois convaincu que nous pouvons rendre nos processus plus clairs. Nous pouvons sans doute faire davantage pour que les consommateurs soient au courant du système de règlement des plaintes et des différends, et j'insiste sur le mot « système », et pour qu'ils soient orientés facilement vers le service dont ils ont besoin.

J'ai remarqué, dans certains des témoignages que vous avez entendus, ce que j'appellerais, une « confusion des rôles ». Dans le contexte, je peux comprendre pourquoi, mais il faut dire que cela n'aide certainement pas. Permettez-moi d'essayer de préciser ce que l'ombudsman et son bureau font. Nous essayons de régler les différends des clients dans un esprit de justice. Nous offrons une solution de rechange au système judiciaire, ce qui, au bout du compte, n'empêche en rien une personne d'intenter des poursuites en justice si la solution que nous lui proposons ne la satisfait pas.

Pour décrire nos services par la négative, disons que nous ne sommes pas responsables de la réglementation, de l'élaboration des politiques ou de la surveillance du marché, ni chargés de la défense des droits. Vous avez reçu des organismes qui remplissent toutes ces responsabilités. Nous travaillons avec eux, mais nous remplissons une fonction distincte et nous avons une manière différente de traiter avec nos clients et avec les fournisseurs de services financiers.

Nous correspondons au modèle classique de l'ombudsman. En effet, nous travaillons de manière informelle et confidentielle avec les deux parties et nous présentons des recommandations. Honnêtement, après deux mois en poste, je crois que notre processus constitue le meilleur moyen de régler le genre de plaintes qui nous sont soumises et ce, plus rapidement, à moindre coût et de la façon la moins stressante qui soit.

Cela dit, une partie de la frustration éprouvée par les gens lorsqu'ils ont des problèmes avec leurs fournisseurs de services financiers vient du fait qu'ils ne savent pas qu'il existe des processus pour régler leurs problèmes. Ils ne sont pas bien informés des services offerts et n'ont pas une vue d'ensemble de tout le processus, ni des recours que nous offrons. Nous ne sommes pas un organisme de défense des droits, mais je me porte sans réserve à la défense d'une plus grande sensibilisation du public aux services de règlement des différends mis à la disposition de tous les consommateurs.

[Français]

Brigitte Boutin, ombudsman adjoint, Ombudsman des services bancaires et d'investissement : Monsieur le président, vous avez, en outre, exploré la question de la documentation et du langage clair avec certains de vos témoins, et nous ne pouvons que nous faire l'écho de cette invitation à un langage plus clair et à une information accessible pour tous les consommateurs.

Je le répète, nous ne saurions trop simplifier le problème et nous devons comprendre que derrière chaque clause d'un document juridique, il y a, quelque part, une poursuite qui en est probablement à l'origine.

Du point de vue de la protection du consommateur, c'est un problème auquel nous nous heurtons tous les jours dans notre travail, et c'est une source de nombreux problèmes au niveau de l'industrie avec laquelle nous traitons.

Nous convenons que c'est là un sujet qui n'est pas spécifique à notre secteur; il se retrouve dans plusieurs autres secteurs, mais tous les protagonistes au niveau des services financiers pourraient faire davantage pour que les consommateurs comprennent leurs droits, leurs responsabilités, en utilisant un langage clair, direct, précis et accessible dans la documentation sur les comptes et aussi sur les renseignements, sur les produits.

[Traduction]

M. Agnew : Mon prédécesseur vous a expliqué, en mars dernier, comment nous essayons d'améliorer nos services ainsi que les délais de règlement parce que c'est important pour tous les consommateurs. Heureusement, à mon arrivée, nous avions réglé toutes les plaintes dont nous avions été inondées lorsque notre mandat a été élargi pour inclure des centaines de nouvelles entreprises d'investissement. Nous mettons actuellement en œuvre les recommandations formulées à la suite d'une étude interne que nous avons faite, ce qui va améliorer notre processus.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Angus : Merci beaucoup d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. Nous sommes heureux de vous recevoir juste avant de conclure notre étude et d'en faire rapport.

Vous êtes tout nouveau dans le domaine, monsieur Agnew. Vous apportez un vent de fraîcheur que nous apprécions. Pourriez-vous nous exposer rapidement vos antécédents et nous dire pourquoi on a pensé, comme vous d'ailleurs, que vous étiez la personne toute désignée pour ce poste?

M. Agnew : Je laisse aux autres le soin de juger si je suis la bonne personne pour ce poste. J'ai fait beaucoup de choses dans ma vie.

J'ai commencé ma carrière comme journaliste. J'ai travaillé quelque temps sur la Colline du Parlement. J'ai aussi été au service de M. Rae, à Queen's Park, pendant plusieurs années. J'ai été son chef de cabinet, son directeur de campagne ainsi que son secrétaire de cabinet au gouvernement de l'Ontario.

Après une année à l'Université de Toronto, je suis passé au Réseau des coopératives de crédit de l'Ontario. Je suis resté au Credit Union Central of Ontario pendant trois ans. J'ai aussi travaillé pour une société d'experts-conseils pendant trois autres années au cours desquelles je m'intéressais à l'incidence des progrès technologiques sur les affaires et l'organisation stratégique. Plus récemment, j'ai été durant trois ans président et chef de la direction d'UNICEF Canada d'où je suis parti pour venir travailler au sein de cette organisation.

S'il y a un fil conducteur dans tout ce que j'ai fait, c'est celui d'avoir toujours voulu aider les gens, notamment à s'aider eux-mêmes. Je pense que notre bureau est le candidat idéal pour s'acquitter de ces deux missions.

Le sénateur Angus : Excellent. Je crois que vous avez mis l'accent sur l'indépendance de l'Ombudsman des services bancaires et d'investissement. J'imagine que vous faites référence à l'indépendance vis-à-vis des gouvernements, des banques et d'autres sociétés d'investissement. Qui vous finance?

M. Agnew : C'est l'industrie. Nos membres nous versent une redevance. C'est une formule complexe, mais nous tirons nos revenus avant tout de l'industrie.

Le sénateur Angus : Je voulais simplement que ce soit précisé. Si j'ai bien compris, votre bureau et l'organisation que vous représentez ont été créés essentiellement par l'industrie bancaire pour répondre à un besoin pressant : celui d'un organisme de surveillance et de protection des consommateurs.

Ceci dit, vous n'avez pas été établis par voie législative. Nous avons demandé à tous nos témoins dont les organismes qu'ils représentent ont été mis en place par le gouvernement — en vertu du projet de loi C-38 ou d'une autre mesure législative — si une loi était suffisante pour leur permettre de faire leur travail : Disposez-vous des outils nécessaires pour vous acquitter efficacement de vos fonctions? Dans ce cas-ci, jouissez-vous d'une grande latitude? Avez-vous les moyens, au sein de la structure mise en oeuvre par l'industrie bancaire, de créer votre propre bureau?

M. Agnew : Je crois que oui. Évidemment, nous — et je dis « nous » de manière générale — avons choisi de faire appel à l'ombudsman pour le traitement des plaintes, plutôt que de nous en tenir strictement à la réglementation ou aux lois. Comme je l'ai indiqué, les gens ont toujours la possibilité d'opter pour la voie juridique. Nous nous efforçons de ne pas les priver de ce droit.

Toutefois, je le rappelle, pour ce genre de fonction courante de l'ombudsman, les règlements administratifs — comme par exemple ceux de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières — obligent les membres, comme le ferait un organisme de réglementation, à coopérer avec nous dans nos enquêtes. Bien sûr, au bout du compte, une recommandation est une recommandation — tout comme c'est le cas pour n'importe quel modèle classique d'ombudsman au gouvernement et ailleurs. Ce n'est pas une décision réglementaire.

Il y a eu une conférence, la semaine dernière, à laquelle participaient certains de mes homologues étrangers — des représentants du Royaume-Uni, de l'Australie, de l'Afrique du Sud, de la Nouvelle-Zélande et d'autres pays. C'est intéressant parce que nous faisons tous la même chose — Que se passerait-il si nous faisions ceci ou cela? Qu'adviendrait-il si nous choisissions des dispositions ici et là? Le problème, c'est que c'est infaisable; il n'y a pas de compromis possible.

Si, par exemple, nous avions le pouvoir d'émettre des ordonnances, nous savons ce qui arriverait. Tout le monde commencerait à vouloir consulter un avocat — et loin de moi l'idée de manquer de respect aux avocats. Mon homologue britannique s'appelle ombudsman, mais il est, dans un sens, lié au système réglementaire parce qu'il a le droit de prendre des décisions et d'émettre des ordonnances. Il dispose également d'un budget beaucoup plus important que le nôtre pour effectuer le contrôle judiciaire.

Le président : Un instant. Je crois qu'il est clair, d'après le système en vigueur au Royaume-Uni, que ce pays dispose d'un pouvoir réglementé et réglementaire que vous n'avez pas. Lorsque je dis « réglementaire », je veux dire conféré par règlement ou loi.

M. Agnew : En vertu de la loi.

Le président : Je crois que vous avez raison, sénateur Moore, c'est établi par une loi. Mais d'un autre côté, ça ne l'est pas. C'est grâce à l'assentiment du secteur financier lui-même. Par conséquent, votre pouvoir d'imposer toute mesure punitive au-delà des recommandations est limité.

M. Agnew : Si vous revenez en arrière — et certains autour de la table auront certainement un sens de l'histoire plus aigu que moi — jusqu'au moment où nous sommes passés des banques aux investissements, il n'y avait pas que des représentants de l'industrie autour de la table, il y en avait aussi des gouvernements fédéral et provinciaux, venus discuter de la bonne façon de faire avancer ce modèle. Cela a marqué la création du Centre du Réseau de conciliation du secteur financier, entre autres. En fait, les outils existent, si c'est le choix que nous avons fait. Mais c'est ce que nous avons voulu. Ce que fait ce modèle, en partie, c'est renvoyer la responsabilité aux institutions financières.

Cette question a été soulevée lors de notre conférence internationale. Nous ne sommes pas extraordinaires, mais nous nous sommes certainement dotés du meilleur système au monde pour ce qui est des mécanismes de résolution et de gestion internes des plaintes. Beaucoup de pays nous l'envient car avant qu'une affaire ne soit portée à notre attention, elle suit un processus interne et ne sort pas de n'importe où, comme auparavant. Dans la vaste majorité des cas, c'est la meilleure chose à faire — le nombre d'affaires résolues avant de nous parvenir est vraiment étonnant.

Le sénateur Angus : Je me réjouis de vous l'entendre dire. Vous avez répondu à la question. Si je puis me permettre, je dirais qu'après trois semaines au poste, vous vous êtes fait une bonne idée de ce que cela représentait. Vous n'avez pas levé les mains au ciel et dit : « Oh, mon Dieu. Je suis censé faire ceci, mais en raison de cela, j'ai les mains liées. » Vous n'aviez pas cette impression, n'est-ce pas?

M. Agnew : Non.

Le sénateur Angus : N'avez-vous pas une liste de choses que vous aimeriez voir changer dans votre mandat?

M. Agnew : Pas mon mandat : Toutes les organisations ont le devoir d'améliorer constamment leurs services. Je suis heureux de vous dire que mon prédécesseur, celui qui a siégé avant moi, a mis beaucoup d'emphase là-dessus. Nous sommes en train de mettre en œuvre quelques-unes des recommandations émanant de l'étude interne exhaustive sur nos propres pratiques et procédures. Nous pouvons mieux faire; je l'admets volontiers. Toutefois, je crois que cela demeure, en fin de compte, le meilleur modèle pour traiter ce genre de plaintes.

[Français]

Mme Boutin : Étant sur le terrain depuis bientôt neuf ans, je travaille sur chacune des plaintes et jamais je n'ai senti d'interférence ou de pression de la part des banques ou d'autres firmes membres de notre bureau. On est vraiment libre de décider ce qu'on veut.

Le sénateur Angus : On est content.

[Traduction]

Le président : Franchement, si vous avez des commentaires au sujet des pouvoirs additionnels que vous aimeriez avoir en vertu de ce modèle d'autoréglementation, nous vous serions reconnaissants de nous en faire part. Vous avez eu l'occasion de juger par vous-même et de voir de quels pouvoirs vous disposez. C'est un peu injuste de vous demander ce qu'il vous faut de plus, mais nous avons demandé à toutes les agences d'autoréglementation de nous dire de quels pouvoirs ou de quelles ressources supplémentaires elles pourraient avoir besoin pour s'attaquer à ces problèmes fondamentaux.

L'avantage, c'est que vous n'avez pas d'a priori. Vous ne tenez pas mordicus au modèle existant. Nous serions contents de recevoir un aide-mémoire à cet effet pour compléter nos travaux. Nous faisons de notre mieux pour voir ce qui fonctionne et ce qui ne va pas, tant du point de vue d'un modèle fondé sur la loi que d'un modèle axé sur l'autoréglementation. Si vous avez des idées, faites-nous en part, de façon concise, et nous les prendrons en considération.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Votre organisation couvre-t-elle aussi toutes les banques étrangères qui opèrent au Canada?

[Traduction]

M. Agnew : Oui.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Vous êtes sûrement au courant que le produit financier du fonds commun Norbourg, au Québec, est sous enquête. Je ne veux pas entrer dans les détails légaux, mais on se rend compte que la GRC et l'Autorité des marchés financiers sont dans cela. Il est probable que le Bureau de l'inspecteur des institutions financières en fasse partie aussi. C'était le fonds de pension de plusieurs médecins au Québec. Donc des gens qui ne sont pas nécessairement des experts dans le domaine financier. Cette société avait des vérificateurs soumis à des règles importantes. La société faisait un rapport annuel, avait des états financiers vérifiés et il manque des sommes d'argent considérables. Que feriez-vous si un client de Norbourg faisait appel à vos services? Je suppose que tous sont désespérés dans cette histoire. Les gens ont perdu presque toutes leurs épargnes. Ils doivent frapper à toutes les portes. Il ne semble pas y avoir d'espoir pour ces gens pour savoir comment et quand la situation sera réparée. Ils ont fait confiance à l'ensemble des institutions, mais en bout de piste, il ne semble pas y avoir de façon de corriger l'erreur. Pour beaucoup de citoyens au Québec c'est une catastrophe personnelle. Comment ces gens peuvent-ils avoir confiance en nos institutions, y compris la vôtre?

[Traduction]

M. Agnew : Vous posez une question difficile, mais pertinente, car les gens investissent dans des produits complexes, qu'il s'agisse des fonds Norberg ou certains des autres fonds spéculatifs qui ont vu le jour.

Nous n'examinons pas les dossiers qui font l'objet de poursuites. Nous n'avons pas l'intention de mener ce genre d'enquête, parce que cela ne fait qu'ajouter à la confusion. Les recours collectifs ne relèvent pas non plus de notre mandat. Nous étudions les plaintes de particuliers portant sur les cas de mauvaise gestion ou les comptes clients.

Par exemple, dans l'affaire Portus, nous avons bien fait comprendre aux personnes concernées que nous ne pouvons nous occuper de leur cas tant que l'existence d'un préjudice financier n'a pas été établie. Il est vrai que, pour elles, c'est un moment difficile à traverser, mais il nous est impossible de connaître l'importance du dédommagement à verser, et ce, tant que l'enquête n'est pas terminée.

C'est ce que nous faisons en bout de ligne. En cette époque contentieuse, nous ne nous occupons ni de préjudices ni de dommages. Nous versons des dédommagements. Or, nous ne pouvons agir que lorsque nous savons que des pertes ont effectivement été subies.

Nous cherchons à renseigner et à orienter les particuliers qui s'adressent à nous pour éviter qu'ils ne s'éparpillent. Les organismes de réglementation, les agents d'exécution de la loi, tous les membres de mon bureau font des progrès à ce chapitre. Toutefois, nous pouvons faire encore mieux quand vient le temps de diriger les gens vers les autorités appropriées. Parfois, ce n'est pas la réponse qu'ils recherchent, mais ils savent au moins à qui s'adresser. Nous ne sommes pas des spécialistes en la matière, mais nous savons diriger les gens vers les organismes qui sont en mesure de leur fournir les renseignements nécessaires.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Je dois conclure qu'une personne qui voudrait régler hors cour avec le bureau de courtage soumis à votre organisation ne peut recourir à vos services pour régler son problème avec son courtier?

Mme Boutin : Si elle a été en cour?

Le sénateur Hervieux-Payette : Non, je ne parle pas de poursuite. Cette personne dit avoir acheté des titres sur les recommandations de son courtier. Il travaille pour telle banque, qui a une maison de courtage. La personne n'a rien à voir avec le titre en question, Norbourg. Elle a fait confiance à son courtier. Elle y a mis beaucoup d'économies et a tout simplement décidé de régler à l'amiable avec sa maison de courtage qui, elle, assumera sa responsabilité. C'est elle qui a vendu le produit.

Comment une personne peut-elle obtenir une médiation entre elle et sa maison de courtage sur un produit donné qui fait qu'aujourd'hui elle n'a plus de revenu pour vivre?

[Traduction]

M. Agnew : Environ la moitié des plaintes relatives aux placements sont liées à des questions de pertinence. Les données relatives au compte, la connaissance du client, les renseignements figurant sur les formulaires, ainsi de suite, sont souvent à l'origine du problème. Les plaintes visant les placements comptent justement pour une bonne partie de notre travail : « Je ne comprends pas, j'ai fait confiance à mon courtier. » Voilà le genre de choses que nous entendons. Je tiens à dire qu'en ce moment même, les enquêteurs se penchent sur ce dossier. Ils rencontrent le client, le courtier en placements, essaient de reconstruire les faits.

Si vous jetez un coup d'œil aux enquêtes que nous menons, aux affaires que nous examinons, vous allez constater que, dans bon nombre des cas, ces questions sont au cœur même du problème. Or, j'ai le plaisir de vous annoncer que nous sommes en voie de les régler. Vous avez tout à fait raison. Les gens sont confrontés à des choix difficiles, des produits qui sont trop complexes. On peut arriver à régler une bonne partie du problème en intervenant non pas après coup, mais dès le début du processus, en favorisant l'éducation des consommateurs, en leur fournissant aussi des renseignements de qualité. Nous avons tous, à cet égard, une responsabilité — il ne saurait en être autrement —, en ce sens que nous devons nous renseigner, faire des choix, dire non quand nous ne comprenons pas, le dire ouvertement quand les choses sont peu claires.

Parallèlement, nous avons également une obligation. Mme Boutin en a déjà parlé. Nous ne pouvons pas simplifier exagérément un produit qui se veut complexe; nous devons toutefois être clairs et précis. Les choses s'améliorent, bien qu'il reste encore du travail à faire. Concernant les fonds spéculatifs, la question qu'il faut se poser est la suivante : qui comprend vraiment ces produits? Parfois, non seulement les clients, mais également ceux qui les vendent ont dû mal à les comprendre. C'est là un problème grave auquel nous devons nous attaquer.

Le sénateur Moore : Vous avez parlé, monsieur Agnew, de l'indépendance de votre bureau. Vous avez dit que le conseil d'administration est maintenant composé de sept administrateurs indépendants et de trois représentants de l'industrie, ce qui donne un total de 10. D'où viennent les sept administrateurs indépendants? Qui les nomme?

M. Agnew : C'est le comité de nomination du conseil qui le fait. Il travaille de façon autonome. Encore une fois, je ne sais trop qui a été nommé dans le passé, mais récemment, nous avons accueilli David Crombie au sein du conseil. Gisèle Côté-Harper avait été la dernière à se joindre au groupe, il y a quelques années de cela. Le processus de nomination est enclenché lorsque nos membres prennent leur retraite ou passent à autre chose.

Le sénateur Moore : Est-ce que les trois représentants de l'industrie proviennent du milieu bancaire? Du secteur des valeurs mobilières? D'où viennent-ils?

M. Agnew : Ils viennent respectivement du secteur bancaire, de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, et enfin de l'association des courtiers de fonds mutuels et de l'IFIC. Ce sont les trois grands secteurs qui sont représentés.

Le président : Sur ce point, monsieur Agnew, j'ai jeté un coup d'œil au rapport annuel de 2004 que vous nous avez fourni. On y précise que le conseil est composé de huit administrateurs indépendants et de six représentants de l'industrie. Prévoit-on modifier la composition du conseil cette année?

M. Agnew : Elle a été modifiée le 19 septembre.

Le président : Je trouve cela intéressant : elle a été modifiée après leur comparution devant le comité. Est-ce en raison des préoccupations que nous avons formulées, ou est-ce quelque chose qui a été décidé spontanément par le secteur bancaire? Je tiens à préciser que tout type de réforme nous intéresse.

M. Agnew : C'est difficile à dire. Si vous jetez un coup d'œil à l'historique du bureau, vous allez constater que ce ratio a été constamment modifié. Les représentants sont de plus en plus indépendants de l'industrie.

Le président : Monsieur Agnew, nous voyons d'un très bon œil ces changements, cette réforme, les mesures qui ont été prises en réponse à certaines de nos préoccupations. Vous pouvez remercier le conseil en notre nom.

Sénateur Moore, merci d'avoir porté cette question à notre attention.

Le sénateur Moore : Vous parlez, à la page 3 de votre exposé, des plaintes traitées par votre bureau. Quel est le nombre moyen de plaintes examinées en une année? Quel est le pourcentage de plaintes qui sont liées aux services bancaires? Aux placements?

M. Agnew : Pour répondre à la dernière question, le pourcentage est d'environ 50/50. Nous nous occupons de l'ensemble des plaintes liées aux placements depuis trois ans seulement. Nous menions déjà des enquêtes sur les questions liées à certains placements bancaires, mais nous nous occupons maintenant depuis trois ans, soit depuis que nous avons modifié notre mandat, de tous les dossiers relatifs aux placements. L'an dernier, nous avons, si je ne m'abuse, examiné 334 cas.

Nous allons probablement en étudier autant cette année. Le ratio est à peu près le même pour ce qui est des placements et des services bancaires, c'est-à-dire 50/50.

Nous avons changé la façon dont nous enregistrons les appels, parce que nous recevons un grand nombre de demandes d'information et de plaintes par téléphone. Nous en recevons un peu moins de 2 000 par trimestre, ce qui donne environ 7 500 appels par année. Par ailleurs, les gens, comme partout ailleurs dans le monde, communiquent de plus en plus avec nous par courriel.

Le sénateur Moore : Concernant l'accès par le public, quelle est l'adresse de votre bureau? Avez-vous un numéro 1- 800? Un site Web? Pouvez-vous me fournir ces renseignements?

M. Agnew : L'adresse de notre site Web est la suivante : www.obsi.ca. Très peu de gens viennent nous rencontrer à notre bureau. Nous sommes situés au 20, rue Toronto, à Toronto.

Le sénateur Moore : Pouvez-vous nous fournir un numéro 1-800, pour le compte rendu? Comment les gens peuvent- ils vous rejoindre?

Mme Boutin : Le numéro sans frais est le 1-888-451-4519. Nous avons également un numéro sans frais pour le fax. C'est le 1-888-422-2865. Nous avons ensuite un numéro sans frais à Montréal, qui est le 1-888-848-8815. Le numéro sans frais pour le fax est le 1-800-939-8803. J'ai une très bonne mémoire.

Le sénateur Moore : Je tiens à ce que ces renseignements figurent au compte rendu pour que les gens sachent comment vous rejoindre.

Le président : Nous allons maintenant entendre le sénateur Goldstein. Je tiens à faire un commentaire bien particulier à son sujet. Le sénateur Goldstein a été assermenté hier, au Sénat. Or, voilà qu'il assiste à une réunion du comité immédiatement après son assermentation, à une réunion du comité. C'est ce que j'appelle offrir un service prompt et efficace. Nous sommes heureux de l'accueillir. Ceux qui font partie de ce merveilleux pays qu'est le nôtre peuvent, s'ils le souhaitent, devenir sénateur en agissant comme conseiller auprès du comité. Le sénateur Goldstein est l'un des grands spécialistes en matière de faillite que compte le Canada. Nous allons faire appel à ses connaissances lorsque nous allons être saisis du projet de loi sur lequel il a nous a déjà fourni des conseils, il y a quelque temps de cela.

Nous sommes heureux de l'accueillir parmi nous aujourd'hui. Je suis certain qu'il va apporter une contribution importante non seulement aux travaux de ce comité-ci, mais également à ceux du Sénat dans son ensemble. Nous attendons avec grande impatience sa première question.

Le sénateur Angus : Avant de céder la parole au sénateur Goldstein, monsieur le président, j'aimerais, pour lui montrer que les choses ne sont pas aussi simples qu'elles en ont l'air, poser une petite question supplémentaire à Mme Boutin, question qui s'enchaîne sur celle du sénateur Moore.

[Français]

Vous avez mentionné un numéro de téléphone de Montréal. Y a-t-il aussi un bureau à Montréal?

Mme Boutin : Ce n'est pas un bureau officiel. Nous avons une adresse postale, mais nous rencontrons les clients à nos bureaux de la rue McGill College à Montréal.

Le sénateur Angus : Vous-même êtes en poste à Toronto?

Mme Boutin : Non, je suis en poste à Montréal.

Le sénateur Angus : C'est bien, parce que nous avons peur de perdre nos meilleurs collaborateurs au profit de Toronto.

Mme Boutin : Je suis à Montréal.

Le sénateur Angus : C'est bien.

[Traduction]

Le sénateur Goldstein : Vous avez prononcé de belles paroles, monsieur le président. Merci de vos commentaires.

Je tiens à préciser que l'entreprise pour laquelle je travaillais comme associé, avant d'être nommé au Sénat, représente le syndic de faillite et les créanciers dans certains des dossiers qui ont été mentionnés aujourd'hui. Je tiens à ce que cela figure dans le compte rendu, au cas où quelqu'un penserait qu'il y a conflit d'intérêts. J'ai rompu tout lien avec cette entreprise depuis ma nomination au Sénat.

Je suis content d'entendre les témoignages d'aujourd'hui. Il me tarde de lire votre rapport, qui montre à quel point vous avez été actif dans ce domaine. Je crois comprendre que vos interventions, quand vous recevez des plaintes précises de particuliers, sont volontaires. La personne qui se sent lésée communique avec vous et vous demande d'intervenir dans un dossier que relève de votre ressort. Ce faisant, est-ce que cette personne doit renoncer à tout recours devant les tribunaux si elle n'obtient pas gain de cause? De plus, est-ce que les sociétés ont recours à vos services? Par exemple, est-ce qu'un petite société familiale de placements peut avoir accès à vos services?

M. Agnew : C'est à moi que s'adresse votre première question et c'est là tout un honneur, sénateur. Je me demande si les témoins peuvent eux aussi aspirer à devenir sénateurs.

Le président : Pourquoi pas, monsieur Agnew. Si Bob Rae, ancien premier ministre de la province de l'Ontario, avait suivi un cheminement différent, il serait peut-être lui aussi devenu sénateur.

Le sénateur Goldstein : Je ne crois pas que le sénateur Angus a compris ce que vous avez dit.

Le président : Il nous comprend très bien, d'ailleurs, mieux que la plupart des gens.

M. Agnew : Brièvement, la personne ne renonce pas à son droit de recourir aux tribunaux. Nous demandons seulement qu'elle signe, et l'établissement financier aussi, un document qui précise que nos travaux, lettres et enquêtes ne peuvent être invoqués dans une poursuite judiciaire. Nous tenons à préserver le caractère confidentiel, informel et extrajudiciaire du dossier. Le plafond des sommes versées à titre de dédommagement est de 350 000 $. Notre mandat consiste à aider les particuliers et les petites entreprises.

Concernant votre deuxième question, la réponse est non, sauf s'il s'agit d'une petite entreprise. Il faudrait d'abord qu'on examine le dossier.

[Français]

Le sénateur Plamondon : J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme Boutin à titre d'ombudsman adjoint. Je l'ai déjà rencontrée plusieurs fois.

Mon problème avec le système d'ombudsman, c'est que les gens n'iront pas jusqu'à l'ombudsman pour loger une plainte sur, par exemple, les heures d'ouverture ou sur un petit prêt qu'ils ne peuvent obtenir parce que le service n'est pas offert par une banque.

Un autre problème est que les gens, à cause des heures d'ouverture et de la réception par les banques, ne peuvent pas facilement échanger des chèques. Il y a de plus en plus de Money Mart, des prêteurs sur salaire, et cetera. On nous dit que c'est le marché. Certains représentants des Credit Unions nous ont dit qu'ils étaient pour compenser les heures de la fermeture d'une banque. Il n'y a pas que la fermeture des banques, il y a aussi les heures d'ouverture et l'accès à des services de base.

Je me demande pourquoi laisser cela au marché. Quelles recommandations pourriez-vous faire aux banques afin qu'elles allongent leurs heures d'ouverture, acceptent plus facilement d'échanger des chèques, même si ce ne sont pas des chèques gouvernementaux fédéraux?

On a vu, dans les journaux, que l'Alberta aura des difficultés avec les chèques de 400 $ qui seront envoyés, parce ce que ce n'est pas tout le monde qui pourra échanger un chèque gouvernemental s'il ne provient pas du fédéral.

On m'a dit qu'il n'y a qu'au Québec où l'on ne peut charger de frais sur un chèque gouvernemental, à moins que ce soit un chèque du gouvernement fédéral ailleurs dans les autres provinces.

Je trouve que les banques laissent aller des services de base qui sont dus aux citoyens. Est-ce que vous allez, dans votre mandat, être plus énergiques? Allez-vous recommander aux institutions financières que vous représentez ou qui vous financent, qu'ils donnent des services à tous les Canadiens?

[Traduction]

Le président : J'aimerais vous faire part d'une expérience que j'ai vécue au cours des dix derniers jours. J'ai reçu un chèque de remboursement de 98 $ du gouvernement. J'ai apporté le chèque à l'une de mes banques. On m'a dit que je ne pouvais pas l'encaisser ou plutôt, que je devais d'abord déposer le chèque dans mon compte et ensuite retirer l'argent. L'honorable sénateur du Québec s'est trompé quand il a posé sa question. La banque m'a dit qu'elle n'encaissait plus ces chèques, qu'ils devaient d'abord être déposés. Au lieu d'accepter le chèque, de l'estampiller et de me verser les 98 $, la banque m'a obligé à déposer le chèque dans mon compte. J'ai ensuite rempli un bordereau et retiré l'argent de mon compte. Au lieu d'effectuer une transaction, j'ai dû en faire deux ou trois. On m'a expliqué que c'était-là la seule façon qu'une succursale pouvait retracer des documents dans le système bancaire. Cette pratique soulève des questions. Certaines retraitées m'ont même dit que lorsqu'elles reçoivent un chèque de leurs conjoints, dont elles sont séparées, elles ne peuvent le déposer dans leurs comptes respectifs. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond dans le système de compensation bancaire.

Le sénateur Angus : C'est pour cette raison que les sociétés de prêt sur salaire sont plus nombreuses.

Le président : Il y a là un problème. Le sénateur Plamondon a expliqué la situation qui existe au Québec. Je vous explique maintenant celle qui existe en Ontario. Comme l'a mentionné le sénateur Angus, nous avons une industrie de 5 milliards de dollars qui en train de voir le jour parce que les gens ne peuvent encaisser leurs chèques. Je pensais qu'il y avait un système central de compensation bancaire et que l'on conservait une trace écrite des chèques, quoique cette méthode ne soit pas aussi efficace qu'un transfert en ligne. En fait, les personnes qui n'ont pas accès à des ordinateurs sont défavorisées. J'ai été fort surpris de l'apprendre, moi qui pensait tout connaître du secteur financier. Pouvez-vous répondre à cette question?

Le sénateur Plamondon : Monsieur le président, vous devriez voir si vous payez des frais quand vous effectuez un tel retrait.

Le président : Je vais le savoir quand je vais recevoir mon relevé à la fin du mois.

Le sénateur Goldstein : Pour revenir aux deux questions qui ont été posées, notamment celle du sénateur Plamondon et les deux commentaires qui ont été formulés, certaines personnes au Canada ne peuvent toujours pas ouvrir de compte bancaire. Par exemple, les banques ne permettent pas à un failli d'ouvrir un compte bancaire s'il n'a pas été réhabilité. S'il l'a été, il ne peut ouvrir un compte si, pour diverses raisons, il n'a pas de crédit. Or, si ces personnes ne peuvent ouvrir un compte, comment peuvent-elles encaisser les chèques qu'elles reçoivent du gouvernement?

Le sénateur Plamondon : Elles doivent s'adresser à une société de prêt sur salaire qui impose des frais de 20 p. 100.

Le président : Monsieur Agnew, vous pouvez peut-être répondre brièvement à toutes ces questions, si vous êtes en mesure de le faire. Toutefois, nous aimerions avoir un avis écrit sur le sujet avant que notre rapport ne soit terminé. L'inefficacité du système de compensation de chèques préoccupe un grand nombre de sénateurs.

M. Agnew : J'ai, moi aussi, appris beaucoup de choses, parfois à ma grande surprise, sur les rouages du système de compensation de chèques, les règles et règlements qui le régissent, et les recours offerts aux banques et aux consommateurs.

C'est justement-là le genre de sujet qui intéresse l'Agence de la consommation en matière financière du Canada, l'ACFC parce que, de façon générale, il est question ici des pratiques de l'industrie, des règlements qui précisent ce que les banques sont tenues, et non, de faire. Cela ne relève pas de notre mandat. Nous nous occupons des plaintes des particuliers. Nous examinons volontiers toute plainte formulée par un particulier qui porte sur un sujet particulier.

Pour revenir à la question tout à fait pertinente du sénateur concernant les recommandations faites aux banques, cela représente un élément important de notre rôle parce que nous voyons comment fonctionne le système sur le terrain. Nous ne nous occupons ni de politiques ni de réglementation. Notre travail consiste à voir comment les particuliers composent avec les règles et règlements, et parfois les formulaires et les pratiques. Nous sommes, dans certains dossiers, constamment en contact avec l'ACFC, l'Agence étant en mesure de faire appliquer certaines des règles qui s'appliquent au système de compensation des chèques, pouvoir que nous n'avons pas. Ce que nous pouvons faire, toutefois, en fonction des circonstances, c'est de donner suite à une plainte d'un particulier.

Le président : Nous pouvons continuer de discuter de cette question avec les autres témoins pendant encore une heure environ, parce que c'est un sujet que nous avons analysé et qui nous tient à cœur. Je regarde l'heure. Les sénateurs ont encore des questions à poser. Vous avez soulevé un problème que nous devons régler. Il se peut que nous convoquions d'autres personnes pour obtenir des précisions sur cette question.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Lorsque vous recevez une plainte de ce genre, est-ce que vous l'accueillez? Est-ce que vous la considérez ou si vous l'acheminez à l'Agence?

Vous dites que c'est une plainte que vous ne pouvez pas accueillir et que cela regarde l'agence. Est-ce qu'on retrouve ce type de plainte dans votre rapport?

Mme Boutin : Ce type de plainte va se retrouver au niveau du contact, mais pas dans nos enquêtes parce que nous ne mènerons pas une enquête sur cette plainte spécifiquement. On va la référer à un autre organisme, considérant que c'est en dehors de notre mandat.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Est-ce que votre exercice correspond à l'année civile ou est-ce qu'il prend fin le 31 mars?

Le président : Le gouvernement du Canada a maintenant un guichet unique, appelé Service Canada. L'une de nos sujets de préoccupation, c'est le guichet unique. Des témoins nous ont dit que vous allez en ce sens. Où en êtes-vous de vos démarches vers le guichet unique, pour faire que, sans affaiblir les piliers, il y ait un guichet unique, un numéro unique, un service de référence qui oriente le plaignant vers le pilier particulier qui peut résoudre le problème avant qu'il vous parvienne?

M. Agnew : Les travaux se poursuivent, mais nous nous approchons de notre but. Au début de la nouvelle année, les deux centres et le Service de conciliation des assurances de personnes du Canada aménageront à côté de nous. Nous allons partager nos installations.

C'est une question importante. Je vais vous donner un exemple du genre de choses que nous essayons de faire. Nous avons reçu, l'autre jour, une plainte d'un consommateur qui avait des problèmes avec les fonds distincts, qui viennent du secteur de l'assurance, et les fonds mutuels, qui relèvent de notre mandat. Nous avons communiqué avec le service de l'Ombudsman pour les assurances de personnes, et nous avons suggéré de nous attaquer ensemble au problème. Ainsi, elle voit une enquête homogène, la compagnie reçoit des résultats homogènes, nous pouvons faire avancer le dossier plus rapidement, plutôt que de dire réglez ceci, puis venez nous voir après.

Le président : Nous espérons bien que ce sera réglé rapidement, parce que cela nous a obsédés tout au long de notre étude.

Nous nous excusons encore pour la brièveté de nos questions. Vous pouvez voir l'intérêt manifeste des sénateurs pour la poursuite de cette analyse. Il se peut bien que nous appelions d'autres témoins avant de terminer notre étude, parce que cette question de chèques nous préoccupe grandement.

M. Agnew : N'importe quand, et si je peux vous aider, n'hésitez pas à me le demander.

Le président : Je l'apprécie et je vous souhaite bonne chance dans vos nouvelles fonctions. Vous en ressortez écorché, mais pas éclopé.

Nous allons maintenant souhaiter la bienvenue au groupe suivant tandis que nous reprenons notre examen des fonds de tiers à revenu fixe et des compagnies intermédiaires, et de leur incidence sur les systèmes financiers canadien et international. Je m'excuse du peu de temps que nous avons. J'espère que vous pouvez condenser votre présentation pour que nous puissions avoir plus de temps pour les questions.

Nous sommes sur le point de commencer notre examen des entreprises intermédiaires et du problème que posent les fonds de tiers à revenu fixe, relativement au régime fiscal en général. Cette étude se rapporte à la déclaration du ministre, en septembre, à la déclaration qui a suivi plus tard le même mois, et à son document de consultation. Nous sommes ici pour faire une analyse sélective, dans le cadre du processus de consultation, des questions que le gouvernement a soulevées relativement à l'efficacité, la transparence et l'équité du régime fiscal, dans son application à ces nouvelles entités.

C'est avec plaisir que nous accueillons Jack Mintz, président-directeur général de l'Institut C.D. Howe. On nous a dit que l'avion de Michael Brooks, de l'Association des biens immobiliers du Canada, a été retenu et qu'il ne peut être ici; c'est bien cela?

Chris Conway, gestionnaire, Relations gouvernementales, Association des biens immobiliers du Canada, à titre personnel : C'est bien cela. Son vol a été retardé ce matin en raison du mauvais temps.

Le président : Nous sommes ravis que vous ayez pu venir. Nous vous remercions, vous et monsieur Mintz, de vous êtes présentés avec un si court préavis. Veuillez nous exposer vos points de vue sur ce qui semble être une question très controversée.

M. Jack Mintz, président-directeur général, Institut C.D. Howe, à titre personnel : Merci beaucoup; c'est un plaisir que de venir devant ce comité. C'est l'un de ceux devant lesquels j'aime le plus comparaître, étant donné l'excellence des discussions qui s'y tiennent généralement. Je me ferai bref, pour laisser tout le temps possible aux questions. Certains d'entre vous avez probablement déjà lu certaines choses que j'ai déjà écrites sur le sujet, alors je ne ferai que quelques observations qui me semblent importantes à ce stade-ci.

Trois propositions ont été faites pour composer avec les fonds de titres à revenu fixe et autres entités intermédiaires. La première est de refuser une déduction d'intérêt et reclassifier le montant comme dividendes versés.

La deuxième est pour taxer les entités intermédiaires comme des sociétés. Elles ne peuvent être taxées comme des sociétés parce que ce ne sont pas des sociétés, mais on pourrait essayer de les taxer sur une base similaire, à part peut- être les fiducies familiales et personnelles.

La troisième est pour améliorer l'intégration des impôts sur le revenu des sociétés et des particuliers sur les dividendes de manière à ce que les investisseurs n'auront pas de préférence pour la propriété d'actions de société pouvant avoir un haut rendement et les fonds de titres à revenu fixe ou sociétés en commandite simple. Le régime actuel d'imposition des actionnaires ne se neutralise pas. Il privilégie les entités à revenu fixe par rapport au statut d'entreprise. Le régime taxe les dividendes plus que les gains en capital. Pour les grandes sociétés, l'impôt des sociétés et des particuliers sur les dividendes est plus élevé que les impôts versés sur les intérêts, les revenus de loyer, les droits d'auteur et autres frais déductibles que versent les sociétés aux investisseurs comme un revenu. À mon avis, le meilleur moyen de composer avec les écarts par rapport à la neutralité dans le régime fiscal, c'est de combler ces écarts et de ne pas en créer de nouveaux pour combler les anciens.

Je ne dirai que quelques mots au sujet de l'efficience sur les marchés des capitaux, puisque j'en suis sûr, de nombreux témoins vous en parlent.

Le président : Prenez votre temps pour en parler, parce que nous n'en avons pas beaucoup entendu là-dessus.

M. Mintz : En ce qui concerne l'efficience économique, un sujet de réflexion qu'aiment bien les économistes, nous en parlons comme de la répartition des ressources qui assure un rendement optimal pour le PIB, ou toute autre mesure pertinente qu'on pourrait vouloir utiliser pour indiquer la qualité de la vie.

En ce qui concerne l'efficience, les marchés de capitaux et les fonds de titres à revenu fixe, il y a trois enjeux. Le premier est l'intégration de l'impôt des sociétés avec l'impôt des particuliers. La principale raison pour laquelle bien des fonds de titres à revenu fixe ont été créés, c'est que les dividendes ont été taxés plus que d'autres sources de revenu, et les fonds de titres à revenu fixe sont une espèce de mécanisme qu'on peut créer soi-même dans les marchés pour réduire les coûts des sociétés de financement. Cet important gain d'efficience pour l'économie est attribuable à l'avènement d'une nouvelle forme de financement qui permet aux entreprises d'élargir leurs dépenses d'investissement. C'est un gain positif pour l'économie canadienne et il ne faudrait pas l'oublier dans l'évaluation de cette question.

Le deuxième enjeu relativement à l'efficience se rapporte au choix d'entreprise. Si le régime fiscal n'est pas neutre et favorise un type d'entreprise par rapport à un autre, les gens pourraient entreprendre un type d'activité pour des raisons fiscales même cette structure d'entreprise n'était pas ce qu'ils voulaient à priori. Cette pratique peut faire perdre de l'efficience aux marchés dans la mesure où les gens sont influencés dans leurs choix économiques quand ils veulent tirer parti de certaines dispositions du régime fiscal.

Le troisième enjeu, relativement à l'efficience, vient de la compétitivité de différents types de sociétés. Certaines entreprises peuvent mettre plus facilement certain actif dans les fonds de titres à revenu fixe; d'autres pas. Elles peuvent se concurrencer sur le même marché. Cette situation peut donner un avantage fiscal à certaines entreprises sur leurs concurrents, ce qui cause une perte d'efficience, encore, dans les marchés.

La grande question qui se pose, c'est si on peut attribuer des gains ou des pertes d'efficience aux fonds de titres à revenu fixe. J'ai décrit un gain positif, relativement au coût du capital qui peut être moins élevé, et les deux autres éléments causent certaines pertes d'efficience économique. Je vais vous décevoir, mais je dois vous dire que personne n'a fait ce genre d'étude pour voir s'il y a plus de gain ou plus de perte.

Le président : Nous ne sommes pas déçus. Hier, nous avons entendu les défenseurs des fonds de titres à revenu fixe, qui disaient qu'ils allaient s'atteler à une étude de la productivité. Nous en sommes heureux, parce que comme vous le savez, nous avons fait nous-mêmes une étude sur le sujet, et nous nous préoccupons beaucoup du manque de productivité ou des gains de productivité au pays. Cette analyse est absolument essentielle.

M. Mintz : L'analyse est essentielle, et personne ne l'avait encore faite. Certains travaux ont été faits aux États-Unis au sujet du choix des entreprises, ce qui peut se faire dans le cadre d'une évaluation globale. Permettez-moi de vous dire que la solution au problème n'exige pas ce genre de travaux quantitatifs détaillés, parce que le meilleur moyen de maximiser l'efficience dans l'économie est de procéder à une refonte du régime fiscal de manière à assurer la neutralité entre différents types d'entreprises.

La première solution, le refus de la déduction d'intérêts, serait une façon de dire: « Nous allons supprimer les fonds de titres à revenu fixe, du moins ceux qui en dépendent. » Cette solution est difficile à réaliser au plan technique, parce qu'elle ne touchera pas les sociétés en commandite, mais on ne voit pas exactement comment on peut refuser les déductions d'intérêts à tous les types de structure de fiducie. Même si vous le faisiez, cela ne règlerait pas l'écart par rapport à la neutralité attribuable à l'absence d'une intégration appropriée de l'impôt des sociétés et l'impôt des particuliers, et à l'imposition discriminatoire des dividendes, dans le régime actuel. C'est pourquoi je dirais que ce n'est pas la bonne solution au problème.

La solution qui consiste à taxer les fiducies comme des sociétés et des sociétés en commandite, des personnes morales ou quelque chose de semblable pose des difficultés techniques complexes, et en plus elle ne résout toujours pas le problème de l'intégration. Les fonds de titres à revenu fixe ont été créés en premier lieu à cause de l'imposition discriminatoire des dividendes. En cette ère de gouvernance d'entreprise, il convient de se demander si les dividendes devraient être aussi taxés qu'ils le sont.

La meilleure solution, selon moi, pour optimiser l'efficience et la productivité dans l'économie, c'est de mieux intégrer l'impôt des sociétés et des particuliers. Cette solution pourrait être réalisée en réduisant le taux d'imposition général des sociétés au niveau des petites entreprises, ce qui pourrait être une possibilité — autrement dit, avoir un taux d'imposition des sociétés de 20 p. 100 au Canada. En passant, ce n'est pas bien plus que bien d'autres pays du globe. Ainsi, le crédit d'impôt pour dividendes neutraliserait, en gros, le taux d'imposition des sociétés, parce que le crédit d'impôt pour dividendes actuel est fixé d'après le taux d'imposition des petites entreprises.

L'autre solution serait d'augmenter le crédit d'impôt pour dividendes sur les actions de sociétés publiques et que les revenus élevés des sociétés et des entreprises privées soient imposés au même niveau, ce qui favoriserait une pleine intégration. Ainsi, les gens ne verraient pas de différence entre le format sociale de l'organisation, des fonds de titres à revenu fixe et des partenariats. Cela leur serait égal. Le régime fiscal n'orienterait pas les décisions en ce qui concerne l'organisation.

Cette solution exige aussi ce que j'appellerais un crédit d'impôt remboursable pour dividendes — autrement dit, un crédit d'impôt versé aux investisseurs, y compris aux propriétaires d'entités exonérées d'impôt, notamment les comptes de pension et d'épargne-retraite. Le crédit d'impôt remboursable pour dividendes, dans un sens, fait en sorte que les régimes de pension eux-mêmes ne verraient pas non plus la différence entre la structure d'entreprise et la structure de fonds de titres à revenu fixe.

Non seulement cette approche règle-t-elle le problème du fonds de titre à revenu fixe, mais elle réglerait aussi d'autres problèmes dans le système relativement à l'intégration de l'impôt des sociétés et des particuliers. Par exemple, elle établirait les impôts pour dividendes au niveau de l'impôt sur les gains en capital. Actuellement, bien des sociétés privent les actionnaires de revenus sous forme de gains en capital plutôt qu'en dividendes, et cela crée des distorsions dans le marché. L'approche assurerait l'équivalence entre les dividendes et d'autres formes de revenus versées aux employés de l'organisation ou aux gens qui perçoivent des loyers, des droits d'auteur ou quoi que ce soit d'autres. Autrement dit, l'approche favoriserait une bien plus grande efficience sur les marchés des capitaux dans le système.

À mon avis, il n'y a qu'une façon d'agir, et c'est en réglant toute la question de l'imposition des actionnaires. Cette approche est avantageuse pour le gouvernement, puisqu'elle ne pénalise pas les fiducies existantes. Elle supprime aussi l'incitatif fiscal en vigueur actuellement pour créer des fiducies, ce qui fait qu'il n'y aurait plus d'imposition discriminatoire des dividendes. Un problème que pose cette approche, et je compte me pencher dessus bientôt, vient des coûts associés à ce type de mesure. Il faudra soigneusement l'évaluer pour en comprendre les tenants et les aboutissants. Je compte l'étudier cet aspect dans le mois ou les deux mois qui viennent.

Le président : Cette question est fondamentale. Vous avez entendu les témoignages hier. Je ne voudrais pas damer le pion à notre vice-président, car je suis sûr qu'il en parlera, mais on nous a parlé d'une incidence disproportionnée sur la perte de recettes, de l'ordre de 300 millions de dollars.

M. Mintz : J'ai déjà publié un document sur les coûts des fonds de titres à revenu fixe. Si on inclut les impôts provinciaux, ce qui est important, j'obtiens les mêmes chiffres que le ministère des Finances actuellement. Cette perte de recettes n'est pas ce dont je veux parler ici. La question qui se pose, c'est quel est l'impact de ce genre de changements sur les recettes? L'enjeu n'est pas seulement les fonds de titres à revenu fixe; c'est qu'il faut essayer d'avoir plus d'efficience sur les marchés financiers.

Le président : Avez-vous une idée de son importance?

M. Mintz : Une des estimations que nous avons faites, à l'Institut, relativement aux comptes imposables, c'est en augmentant le crédit d'impôt pour dividendes pour qu'il corresponde plus ou moins aux gains en capital, ce qui règlerait aussi le problème des fonds de titres à revenu fixe. Il en coûterait quelque chose comme 1 milliard de dollars par année. Ce chiffre ne tient pas compte des effets dynamiques et d'autres facteurs. Ce n'est qu'une mesure statique des coûts.

Il me semble que cela pourrait vous intéresser, sénateur Angus, puisque j'ai lu ce matin ce que vous avez dit.

La décision récente du ministère des Finances de renoncer aux décisions anticipées pour les fiducies a provoqué une incertitude énorme dans le milieu des affaires. Cela pourrait provoquer une retenue des investissements sur une longue période, ou une précipitation vers les nouvelles fiducies avant que le changement survienne, puisque les investisseurs partiront du principe que le gouvernement accordera un allègement aux fiducies existantes.

Le ministère a maintenant court-circuité son processus de consultation. Même l'attente de six mois pour le budget de février, qui ne sera probablement pas adopté avant les prochaines élections — bien que cela dépende du moment où auront lieu ces prochaines élections — nuit aux marchés financiers, puisque les investisseurs et les entreprises ne sont pas sûrs des règles qui pourraient être imposées. Leur plus grande crainte est la rétroactivité, si les nouvelles règles touchent les fiducies existantes, ce qui serait possible avec les deux premières solutions dont il a été question tout à l'heure : le refus de la déduction d'intérêt et l'imposition des fiducies comme des sociétés. Cette crainte forme maintenant un nuage qui plane sur le marché financier et qu'il faut vite dissiper.

Le président : Je suis sûr que le sénateur Angus a été ravi d'entendre ce dernier commentaire.

M. Brooks est maintenant arrivé. Nous devrions entendre sa déclaration avant de continuer, puis nous passerons aux questions des témoins.

Monsieur Brooks, nous vous souhaitons la bienvenue. Si j'ai bien compris, vous avez été retenu par la pluie. Veuillez faire une brève présentation, pour que nous puissions ensuite poser des questions.

M. Michael Brooks, directeur exécutif, Association des biens immobiliers du Canada : L'Association des biens immobiliers du Canada s'appelait auparavant l'Institut canadien des compagnies immobilières publiques et privées, l'ICCIPP. Nous avons changé notre nom en mars, cette année. Nous représentons la plupart des sociétés immobilières inscrites à la bourse de Toronto, y compris les sociétés de placement immobilier, les SPI. Nous avons aussi, parmi nos membres, des corporations immobilières, des fonds de pension, des compagnies d'assurance-vie, des banques et de gros propriétaires du secteur privé. Nous nous considérons à la fois comme un groupe de pression des marchés immobiliers et un groupe du marché financier, dans l'immobilier.

Mon collègue, Chris Conway, est notre directeur de la réglementation du gouvernement.

J'ai dix choses à dire au sujet des sociétés de placement immobilier. Je suis sûr que vous avez déjà entendu bon nombre des arguments généraux, et que vous en entendrez encore d'autres de mes collègues des fonds de titres à revenu fixe en général, alors j'aimerais m'en tenir aux sociétés de placement immobilier.

Les sociétés de placement immobilier existent au Canada depuis environ 1994. Une modification délibérée a été faite à la Loi de l'impôt sur le revenu pour permettre la conversion des fonds mutuels immobiliers. Vous vous rappelez tous de la gravité de la récession économique, au début des années 1990. Le problème, avec les fonds mutuels immobiliers, c'est qu'il n'y avait pas de liquidité, personne pour acheter, alors ils ne pouvaient pas financer le remboursement des détenteurs de fonds mutuels.

J'entretiens une bonne relation avec le ministère des Finances depuis cette époque. Le ministère nous a accordé deux modifications particulières avec les années : l'une pour permettre la vente à découvert de parts de fiducie et d'actions, et la deuxième pour permettre que les unités d'options de cadres soient traitées de la même façon que les options d'achat d'actions.

Les SPI peuvent exister au Canada depuis 1994. Elles existaient aux États-Unis depuis 1960. Elles ont fêté leur 45e anniversaire cette année. Leur marché est de 15 à 20 fois plus gros que celui du Canada, lequel représente environ 22 milliards de dollars de nos jours. Les SPI deviennent un phénomène mondial. Bien des pays de l'Asie et même de l'Europe ont maintenant leurs SPI. Le plus récent, c'est l'Espagne. Il y a l'Italie, aussi, depuis peu. L'Allemagne et le Royaume-Uni sont en train d'étudier des mesures législatives relatives aux SPI, et ils sont tous deux favorables. Dans le monde entier, les SPI sont un phénomène courant et grandissant pour les investisseurs.

Les SPI du Canada font concurrence à celles des États-Unis. Il est important d'avoir une synergie transfrontière dans nos marchés des capitaux. Nous ne voulons pas que leurs sociétés immobilières soient plus solides que les nôtres. Il est important de préserver la parité avec les États-Unis et avec leur structure législative.

Nous sommes un segment modeste et qui prend de la maturité. Nous n'avons pas connu la croissance explosive que les fiducies commerciales ont affichée récemment, par exemple. En fait, nous sommes plutôt en train de nous stabiliser. Nous avons eu un premier appel public à l'épargne, un PAPE, depuis un an, la SPI Sunrise. Bien que nos SPI continuent de croître modestement et se débrouillent honorablement, nous ne pouvons pas envisager le maintien d'une cadence de croissance dans les deux chiffres avec une SPI, deux ou plus par année. Nous sommes un petit segment, qui prend de la maturité.

Les SPI possèdent des investissements passifs. Elles possèdent des biens immobiliers lucratifs. Leur activité, c'est la location de locaux. Ce peut être pour une journée, comme dans le cas d'un hôtel; ce peut être un mois, dans le cas d'un foyer d'accueil, ou même six mois ou un an. Ce pourrait être cinq ou dix ans, comme dans le cas de locaux de bureaux.

À ce propos, une personne peut posséder des biens immobiliers lucratifs. Il n'est pas nécessaire d'avoir une entreprise pour posséder des biens immobiliers. Techniquement, Michael Brooks pourrait être propriétaire de First Canadian Place. D'ailleurs, bien des investisseurs possèdent des biens immobiliers. Bien des investisseurs allemands qui sont venus au Canada ces dernières années possèdent des biens immobiliers, sur titres, comme co-propriétaires. De fait, bien des titres, aujourd'hui, portent des noms allemands, et sont leur propriété directe. C'est un investissement passif; on n'a pas besoin d'être une entreprise pour en posséder.

Les SPI favorisent un plus grand flux de capital et d'investissements institutionnels dans l'immobilier. Nous avons un marché de biens immobiliers publics capitalisés qui est solide et stable maintenant, avec les sociétés de placement immobilier. Beaucoup d'argent est investi dans les hôtels, les foyers d'accueil, les nouveaux immeubles à bureau, les nouveaux parcs industriels et les nouveaux lotissements multifamiliaux. Le montant qui est disponible pour entretenir et augmenter le capital actuel est phénoménal. C'est bien mieux qu'il y a 15 ou 20 ans.

Les SPI permettent aux petits investisseurs de posséder des immeubles coûteux au même titre que les investisseurs riches. J'ai emprunté cette déclaration à la National Association of Real Estate Investment Trusts, NAREIT, qui est l'association américaine des SPI. Aux États-Unis, ils ont un véhicule d'opérations accréditives, que nous n'avons pas ici. C'est pourquoi ils disent qu'ils devraient avoir droit au statut d'entreprise d'opérations accréditives aux États-Unis, bien que personne d'autre aux États-Unis ne l'ait. Ils se justifient en disant que cela permet aux petits investisseurs de posséder des biens immobiliers très coûteux au même titre que les riches qui peuvent structurer leurs impôts, payer les services d'avocats et de comptables, etc.

Je suis sûr que vous avez beaucoup entendu parler de rendement. Les SPI, au Canada, ont généré des rendements de l'ordre de 6 à 12 p. 100 depuis un peu plus de 10 ans qu'elles existent ici. Il n'y a eu, jusqu'à maintenant, aucun échec de SPI, bien que la SPI des hôtels Legacy, qui possède la plupart des hôtels des grands centres-villes du Canada, comme le Château Laurier, le Château Frontenac, l'hôtel Royal York et d'autres du genre, a été forcée de suspendre les distributions pendant la crise du SRAS, mais elle a depuis lors repris ses activités de placement. C'est un véhicule au rendement stable et fiable.

En matière de sécurité, particulièrement après la chute des compagnies pointcom en 2001, nous avons constaté une résurgence de l'intérêt pour le concret, alors que les gens ont tourné le dos aux pointcom. La communauté des investissements considère généralement l'immobilier comme un choix de placement sûr, avec une longue durée de vie et la capacité de produire des revenus. Avec les SPI, bien des petits investisseurs jouissent d'une gestion professionnelle, de la fiabilité et d'une distribution stable.

Pour ce qui est de la liquidité des SPI, ce qui revient au premier argument, sur leur vie antérieure en tant que fiducies de fonds mutuels, les parts de SPI s'échangent sur la plupart des marchés financiers et offrent aux investisseurs une liquidité qu'ils ne peuvent avoir quand ils en sont personnellement propriétaires. Bien que Michael Brooks puisse personnellement être propriétaire de First Canadian Place, si l'immeuble devait être mis sur le marché à un moment où le marché n'est pas aussi prospère qu'actuellement, il pourrait falloir un certain temps pour le vendre. Les unités de SPI, par contre, s'échangent tous les jours. Je peux avoir un investissement direct dans l'immobilier, mais je peux le vendre en quelques minutes s'il le faut, ce qui le rend liquide.

En ce qui concerne le livre blanc qu'a fait circuler le ministère des Finances, notre solution privilégiée est de réduire le régime d'impôt sur les dividendes, pour qu'il soit plus concurrentiel avec l'impôt sur les gains en capital. Nous avons des membres qui paient des dividendes. First Capital Realty est une société immobilière qui paie un dividende de plus de 5 p. 100. Brookfield, une grande compagnie bien connue qui a des liens à New York, paie un dividende. D'après nous, tous les véhicules devraient être concurrentiels, et nous pensons que le meilleur moyen d'y arriver serait de réduire le taux d'impôt sur les dividendes.

Le sénateur Angus : Le président a dit que je serais heureux d'entendre le dernier commentaire de M. Mintz. Il convient de préciser que nous sommes tous heureux d'entendre ce commentaire parce que l'objet de ces audiences est de traiter de nos préoccupations relativement à l'incertitude et l'instabilité que suscite la sensibilité des marchés financiers aux annonces inattendues du gouvernement, par exemple.

À cet égard, je voudrais préciser que je n'ai moi-même aucun intérêt personnel. C'est un intérêt collectif. Conformément à nos règles en matière de conflit d'intérêts, je tiens à rappeler à mes collègues et à tout le monde qui écoute que j'ai déclaré auparavant avoir des motifs raisonnables de croire que je pourrais avoir un intérêt indirect pour ces audiences particulières à cause des actions que je possède de Stikeman Elliott LLP. Tout cela est déclaré en bonne et due forme. Nous y sommes tenus, sénateur Goldstein. En vertu du nouveau code, une procédure particulière a été prescrite. Pour revenir à votre commentaire de tout à l'heure, si vous voulez, je siège au comité du Sénat. C'est un peu nouveau pour nous tous actuellement, mais nous avons les formulaires ici.

Cela étant dit, je tiens à tous vous remercier d'être ici. Malgré le temps qu'il fait, vous êtes venu, monsieur Brooks. C'est très bien. Je vous ai trouvé très clair et succinct. Votre collègue, M. Conway, était ici hier, alors je sais qu'il vous a bien renseigné.

M. Mintz, j'aimerais parler d'un précepte que m'a enseigné mon père, qui était simple. Il disait « David, ne prend jamais de décision en affaires qui soit uniquement motivée par l'impôt ». Quand que je vous écoutais, j'avais l'impression que c'est ce que vous nous disiez; est-ce que je me trompe?

M. Mintz : Il y a des gens qui prennent la décision fondée sur des motifs d'ordre fiscal, et les impôts peuvent avoir une influence marginale sur les décisions que prennent les gens. De fait, c'est un phénomène quotidien. Si le gouvernement taxe beaucoup le vin, par exemple, beaucoup plus que la bière, les gens en viennent à boire plus de bière que de vin. Ce n'est pas exceptionnel, et les économistes étudient constamment l'effet du régime fiscal sur les décisions.

En ce qui concerne le fonds de titres à revenu fixe — je vais déclarer mon conflit d'intérêts, et c'est que je siège à trois conseils d'administration — j'ai vu des affaires se conclure, qui étaient motivées principalement par des facteurs fiscaux, et pas nécessairement parce que c'était la structure d'entreprise qu'il nous fallait.

D'un autre côté, permettez-moi d'insister sur le fait que dans certaines situations de fonds de titres à revenu fixe, la structure est bonne. Elle convient très bien à l'entreprise. De fait, les sociétés de placement immobilier qui ont été créées dans bien des pays et au Canada au fil des années l'ont été en réaction au fait d'avoir donné aux petits investisseurs l'occasion d'investir dans ce genre de choses. C'est la même chose pour les fonds de redevances.

Ce n'est pas si mal dans ce sens-là. Il arrive que ce soient de bonnes structures d'entreprise à avoir, et il faut les apprécier. D'autres fois, les gens ont mis des biens dans des structures, en pesant le coût économique de cette structure particulière comparativement aux gains d'efficience fiscale que cela représentait. Ils le font s'ils ont l'impression que ces gains sont plus importants que les coûts.

Le sénateur Angus : C'est élémentaire et n'a pas forcément de rapport avec le problème actuel du moratoire sur les décisions anticipées, mais il y a un rapport avec le fait que le gouvernement se préoccupe nettement, et à juste titre, de créer une structure appropriée pour nos entreprises.

Je pense que nous avons entendu dire que sans des règles du jeu équitables dans le régime fiscal et l'intégration des régimes d'impôt des particuliers et des sociétés, il y a un risque que les décisions soient uniquement fondées sur des raisons fiscales, quand le bon sens commercial aurait favorisé une autre décision.

Cela étant dit, vous nous avons exposé les diverses possibilités. Je suis sûr que tous les actionnaires présenteront leurs arguments d'ici au 31 décembre. Espérons que nos maîtres politiques sauront trouver une bonne solution.

Au sujet de la réduction de l'impôt pour dividendes et, par conséquent, du crédit d'impôt, si je comprends bien, aux États-Unis, l'impôt pour dividendes est de 15 p. 100 et au Canada de 31 p. 100.

M. Mintz : Oui, c'est 31 ou 32 p. 100. Il faudrait néanmoins faire la moyenne entre les provinces.

Le sénateur Angus : L'impôt pour dividendes est plus du double au Canada.

M. Mintz : Il faut faire attention. Nous avons un taux d'impôt des sociétés inférieur à celui des États-Unis, mais l'impôt combiné pour dividendes des sociétés et des particuliers, si on fait l'hypothèse que la société paie tout l'impôt — le taux d'imposition des sociétés est maintenant de près de 35 p. 100 au Canada — c'est environ 56 p. 100 des dividendes pour les actionnaires à revenu élevé. C'est là qu'on combine les deux chiffres.

Quand vous regardez les intérêts et les redevances, si une personne les reçoit, le taux maximal moyen au Canada pour ces autres éléments est de 46 p. 100. Il y a un écart d'environ dix points. Chaque fois qu'il y a ce genre d'écart important dans le système, les gens essaient de trouver des moyens d'éviter de payer les dividendes et de payer autre chose qui sera moins imposé. En ce qui concerne les placements de fonds de titres à revenu fixe, dans la mesure où c'est un rendement sur le capital, une bonne partie des placements sont des intérêts, et ils sont imposés à 46 p. 100 parce que les gens recevront leur rendement par le truchement d'une fiducie. Ils doivent préciser ce que sont les dividendes et les gains en capital. L'intérêt, qui en fait partie, est imposé à 46 p. 100.

Le sénateur Angus : Ce qui complique les choses et, par conséquent, le problème, c'est que c'est plus attrayant quand c'est de l'intérêt et du revenu en tant que tel qui est investi par les établissements exonérés d'impôts, comme les fonds de pension et les REER. C'est l'une de nos préoccupations parce que, qu'il s'agisse de neuf milliards ou de deux milliards, ou quel que soit le montant, c'est une somme énorme d'argent qui disparaît en bien peu de temps. Nous voulons nous assurer que ce soit compris. Nous avons remarqué un autre moratoire qu'a annoncé le gouvernement relativement à l'intention qu'il avait affirmée auparavant de réduire l'impôt des sociétés. Avez-vous un commentaire à faire là-dessus?

M. Mintz : Vous pouvez certainement imaginer la nature de mon commentaire.

Le sénateur Angus : J'aimerais bien l'entendre. Tous les spectateurs de CPAC sont perchés sur le bord de leur chaise, dans l'expectative.

M. Mintz : Je pense que bien des gens m'ont déjà entendu à de nombreuses reprises au sujet des réductions de l'impôt des sociétés.

Comme vous le savez, nous avons déposé notre rapport sur la compétitivité fiscale à l'Institut C.D. Howe la semaine dernière.

Le sénateur Angus : Vous avez lâché le lion.

M. Mintz : Nous avons fait quelque chose d'original, en classifiant 36 pays relativement à ce que nous appelons le « taux effectif d'imposition du capital ». Le taux tient compte des impôts sur le revenu des sociétés, de l'impôt sur le capital, des taxes de vente et des charges en capital pour le Canada. Il est aussi comparé aux autres pays qui ont des impôts et des charges liés aux investissements de capitaux.

Le Canada n'est pas en bonne position, dans un cadre international. Nous avons le deuxième plus haut taux effectif d'imposition du capital. Le seul pays qui nous dépasse, c'est la Chine, et c'est parce qu'elle a un impôt à valeur ajoutée sur l'équipement. Elle négocie avec certains investisseurs, alors cela pourrait faire retomber la Chine bien plus bas dans la liste si les autorités chinoises accordent un allégement.

Cependant, nous avons un taux élevé d'imposition sur les investissements de capitaux, et nous ne paraissons pas concurrentiels par rapport au reste du monde.

Ces réductions de l'impôt des sociétés ne sont pas seulement importantes pour la productivité et les investissements de capitaux, mais elles aideraient aussi relativement au problème du fonds de titres à revenu fixe. La baisse du taux d'impôt des sociétés atténue un peu l'incitatif et réduit aussi l'écart associé aux dividendes par rapport à d'autres sources de revenu.

Le président : Nous parlons d'une même chose, et c'est la compétitivité de notre régime fiscal avec le groupe que vous avez présenté.

Cependant, avez-vous fait un examen corollaire de l'analyse de l'investissement direct à l'étranger, l'IDE, de la Banque mondiale? Autrement dit, avez-vous analysé ce qui arrive s'il y a dislocation entre une économie et une autre fondée sur l'impôt ou à d'autres fins, et que ce n'est pas seulement l'impôt parce que bien d'autres facteurs sont en jeu? En partant de cet élément seulement, avez-vous établi une corrélation entre cela et l'IDE, pour voir l'effet que peut avoir l'IDE?

À ce que je comprends, bien que je n'ai en mains aucun chiffre probant là-dessus, l'investissement direct à l'étranger depuis quelques années au Canada a affiché une hausse phénoménale pour bien des raisons, ce qui fait que nous n'en souffrons pas outre-mesure. Nous sommes tous les deux d'accord que nous devrions être plus productifs et plus compétitifs, mais il y a cette autre question de l'IDE. Où en sommes-nous à ce propos?

M. Mintz : Nous n'avons pas catégorisé la compétitivité en fonction de nombreux facteurs. Je suis d'accord avec vous qu'il faudrait analyser plusieurs aspects, comme l'envergure du marché, l'infrastructure, l'éducation, etc. L'année dernière, nous avons publié notre document sur l'investissement direct à l'étranger. Je dois corriger les données que vous avez sur l'investissement direct à l'étranger. Le Canada a affiché une hausse marquée de l'investissement direct à l'étranger dans la deuxième partie des années 1990, mais il en est de même de bien d'autres pays, si vous regardez les chiffres. De fait, notre part du placement direct à l'étranger a baissé dans cette période, bien que nous ayons augmenté ce type d'investissements à ce moment-là. Il a baissé depuis 2001, plutôt que d'augmenter. C'est tout à fait le contraire.

Le sénateur Angus : Les données sans chiffres probants ne sont pas toujours justes.

M. Mintz : Ces renseignements sont tirés de données recueillies.

Le président : Quel est le rapport entre les deux? Est-ce qu'il y a un rapport direct?

M. Mintz : Cela m'amène à mon deuxième commentaire. Un grand nombre de bonnes études économiques ont porté sur l'influence que subissent les investissements directs à l'étranger, qu'on attribue à divers facteurs. Il y a d'importants facteurs à tenir en compte. L'un d'eux, sans le moindre doute, est l'envergure du marché, que le Canada n'a pas, tandis que la Chine et les États-Unis, oui. C'est un facteur important pour expliquer l'investissement direct à l'étranger. De plus, la stabilité politique est importante. Le Canada l'a eue, et ce fait a eu de l'importance, mais bien d'autres pays du monde industrialisé jouissent aussi de stabilité politique, alors le Canada n'a pas un avantage particulier sur ce plan. L'éducation est un autre facteur qui s'avère important parfois. Le régime fiscal finit toujours par avoir une incidence importante sur l'investissement direct à l'étranger. Une excellente étude a été faite il y a deux ou trois ans par deux économistes des Pays-Bas, qui se sont fondés sur une nouvelle technique appelée la « méta-analyse », où bien des études différentes sont combinées et les facteurs sont utilisés pour déterminer l'incidence globale des impôts sur l'investissement direct à l'étranger, par exemple, ce qui était le point de mire de cette étude. Ils ont constaté que si on a une réduction de un point de pourcentage dans le taux effectif d'imposition du capital, qui est de 39 p. 100 au Canada, cela fait augmenter l'investissement direct à l'étranger de 3,3 p. 100, ce qui est une incidence très importante. C'est le genre de résultat que peut donner l'examen de bien des études qui ont été publiées, et cela compte.

Le président : Nous examinerons justement cette question quand nous ferons l'étude des barrières interprovinciales. Les Canadiens ne se rendent pas compte de la faiblesse du marché intérieur. Ce dernier rétrécit parce qu'il est fragmenté et qu'il manque d'efficacité.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Si je parle français, c'est qu'il y a des auditeurs qui sont d'expression française. Les gens du Québec et autres francophones du Canada suivent les travaux du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce avec beaucoup d'intérêt.

Je voulais revenir aux propos des témoins d'hier. On a parlé de productivité. J'ai posé une question en référence à l'historique des fiducies de revenus. Les fiducies de revenus ont débuté dans les années 1980 et les taux intérêts se situaient à 10 p. 100 et plus. Lorsqu'on voulait faire des projets d'investissement majeurs, cela avait évidemment un impact sur le coût et surtout sur les investissements à long terme, que ce soit dans le domaine de l'immobilier, dans le domaine de l'installation énergétique, comme, par exemple, les barrages.

La situation a changé aujourd'hui. On a un taux d'intérêt de base de moins de 3 p. 100. On a continué à faire des fiducies de revenus. Un des participants d'hier a utilisé cette stratégie pour faire des acquisitions. On se rend compte que la consultation qui est maintenant faite a trait surtout à la conversion d'une entreprise traditionnelle. Il y a aucun investissement majeur qui se fait. Il s'agit de prendre une corporation incorporée en vertu des lois du Canada, et de la transformer en fiducie.

À ce moment-là, la productivité est nulle. Aucune entité n'est créée, on change simplement le nom du propriétaire d'unité de fiducie à quelqu'un qui était actionnaire auparavant. La seule composante qui change, c'est la fiscalité.

De ce point de vue, il y avait deux hypothèses pour régler le problème, soit celles que vous proposez, c'est-à-dire changer la structure fiscale pour la rendre neutre ou de continuer, en ce qui concerne les conversions qui ne créent pas de productivité et qui ne créent pas de nouveaux emplois, à donner des directives aux fiducies de revenus.

Dans le cas, par exemple, du crédit d'impôt à l'innovation, on détermine qui est susceptible d'être éligible pour avoir cette forme de propriété et d'investissement, et pour bénéficier d'un taux de taxation moindre.

Vous dites que cela va coûter à peu près un milliard de dollars. Mais il faut toujours se souvenir à quoi sert l'argent qu'on collecte. L'argent sert à donner des services aux citoyens, sert au système de péréquation, au financement de la santé, dont le ministère semble toujours manquer d'argent, et au financement des études post-secondaires.

Il y a deux écoles de pensée. Il y a, premièrement, l'école américaine où on ne fait pas de taxation et où tout va bien dans le meilleur des mondes. On a vu que cela n'était pas la solution en Nouvelle-Orléans parce qu'il y avait un manque d'infrastructure. Il ne faut pas non plus simplifier les choses.

Devrions-nous déterminer en premier lieu à quoi sert les fiducies de revenus, pourquoi cela a été permis et pourquoi n'avons-nous pas abordé la question pendant presque 20 ans?

Personne n'a trouvé cela inquiétant au ministère des Finances. Ils savaient que ce mécanisme était utile à l'économie parce qu'il amenait des investissements. Tous ceux qui sont maintenant en affaires dans d'autres secteurs, comme, par exemple, Télécom, veulent utiliser ce genre de composante strictement pour avoir accès à une fiscalité moindre pour les investisseurs.

En conclusion, je pense que notre rôle à titre de membres d'un organisme parlementaire est de déterminer ce qui pourrait mieux servir les citoyens canadiens.

S'agit-il d'amasser moins d'argent des sociétés et être comparables aux corporations et aux fiducies? Ou s'agit-il de dire à quoi cela sert et de dire à ceux qui seront éligibles qu'ils devront rencontrés des critères bien déterminés? Il faudrait au moins clarifier la situation.

Serait-il préférable d'avoir un impôt neutre? Tout le monde pense que c'est la meilleure solution, mais je crois qu'il faut être réaliste. Vous avez parlé tantôt de baisser tout simplement le taux d'impôt sur les sociétés. Je suis réaliste en pensant que cela ne se fera pas demain. Je pense que le gouvernement canadien, à l'heure actuelle, a besoin de ces fonds pour tous les programmes, par exemple celui des garderies qui coûtera quelques milliards. Je ne pense pas que l'on soit prêt à abandonner cela.

Quelle est donc la formule idéale pour empêcher toute productivité reliée à ce genre de structure fiscale?

[Traduction]

M. Mintz : Je vous remercie d'avoir posé cette question, sénateur. Je vais tenter d'y répondre en quatre points. J'espère être capable de revenir sur vos commentaires. D'abord, quand une entreprise passe d'une structure de société de capitaux à une structure de fiducie de revenu, on croit que seuls son nom et peut-être sa structure changent, mais qu'elle ne crée pas d'emplois ni est plus efficace pour autant. Ce n'est pas mon avis.

Le sénateur Hervieux-Payette : Un tel changement a-t-il pour effet de créer davantage d'emplois?

M. Mintz : De nombreuses entreprises ayant placé une partie de leurs actifs dans des fonds de titres à revenu fixe ont vu ces actifs prendre de la valeur. Au départ, ces fonds ont été pensés pour les compagnies, dans le but de réduire leur dette, pour accroître leur rentrées d'argent et diminuer leurs risques de faillite. Cela permet aux entreprises de réduire le coût du capital. Elles peuvent aussi investir cet argent ailleurs. Il faut se souvenir que lorsque le marché boursier s'est effondré au Canada, à la suite des événements de 2001, il a été difficile de lancer les premiers appels publics à l'épargne pour des sociétés de capitaux. Cette situation n'était pas due au régime fiscal, mais plutôt à la conjoncture économique de l'époque. C'est l'émission de fonds de titres à revenu fixe qui a sauvé les entreprises canadiennes. On doit se rappeler que cela a eu des effets positifs. Cela revient à ce que je disais, soit que les fonds de titres à revenu fixe constituent une bonne façon d'annuler la partie non intégrée du régime fiscal des sociétés. Cela a permis aux entreprises de réduire le coût du capital, d'accroître les investissements et, en bout de ligne, de créer des emplois. C'était mon premier commentaire.

Le président : Faites-vous référence à des études spécifiques, ou vous fondez-vous sur des données invérifiables?

M. Mintz : Il existe plusieurs études sur l'incidence des taxes sur les investissements.

Le président : Le sénateur a posé une question bien précise. Elle veut savoir s'il existe des études sur les entreprises qui passent d'une structure de société de capitaux à une structure de fiducie de revenu démontrant que celles-ci réinvestissent davantage et créent plus d'emplois. On a entendu dire que le coût du capital était moindre, mais personne n'a affirmé qu'il y avait plus de réinvestissements et d'emplois que dans les entreprises qui demeuraient dans le même secteur. Cela serait une étude impartiale.

M. Mintz : Je suis d'accord. Il faudrait étudier ce secteur en particulier. Il existe des études économiques sur le coût du capital et son impact sur les investissements. Si je voulais déterminer combien d'investissements influencés par la réduction du coût du capital ont été rendus possibles suite à ce changement, je pourrais alors vous donner une réponse étayée sur de nombreuses études économiques. De plus, en me servant des données moyennes utilisées normalement dans ce cas, je pourrais vous donner un chiffre qui serait appréciable, je crois.

Cependant, je ne connais pas le résultat. Il faudrait que je fasse des calculs.

Le président : Voilà où nous voulons en venir. Ce comité se base sur des statistiques. Nous obtenons des informations provenant d'observations empiriques, incluant les miennes, mais nous nous fions davantage aux statistiques. Vous devriez plutôt nous parler de ces études, cela nous éclairerait plus.

M. Mintz : Je pourrais le faire. Mon argument principal est que vous ne pouvez pas affirmer avec certitude que ce changement de structure n'a pas d'impact sur l'emploi. Vous ne pouvez pas tirer cette conclusion.

Le président : Nous sommes d'accord.

M. Mintz : J'aurais moins peur de me tromper en vous disant qu'il y a effectivement certaines répercussions, mais que je ne pourrais pas vous les quantifier de façon exacte. Je pourrais toutefois en faire une estimation. Je sais comment procéder.

Je voulais également vous souligner les coûts d'un milliard de dollars associés à la réduction du taux d'imposition sur les dividendes à la hauteur du taux d'impôt applicable aux gains de capital. Cette baisse a un impact non seulement sur les fonds communs de placement, mais aussi sur d'autres aspects influant sur l'efficience des marchés financiers. Je dois préciser qu'il s'agissait d'une mesure statique. Autrement dit, on a utilisé le montant des dividendes pour faire un calcul. Pour effectuer une analyse approfondie de cette question, il faut examiner les effets plus dynamiques d'une telle mesure afin de mieux voir ce qu'il en retourne. Le montant d'un milliard de dollars est une surestimation; il est possible que les coûts soient inférieurs, mais je compte me pencher sur la question pour en faire une meilleure évaluation.

Troisièmement, je me demande s'il faudrait établir des critères pour permettre aux entreprises de passer d'un système à l'autre. D'une certaine manière, c'est ce que nous avons fait dans le cadre de notre régime fiscal au fil des ans en permettant les changements de ce type lorsqu'il était question de revenus hors exploitation, soit principalement de revenus tirés de redevances et de placements immobiliers. Les premiers fonds communs au Canada ont été créés dans les années 1980 pour les redevances. Les changements apportés en 1994 ont fait en sorte que les fonds de placements immobiliers, clos de participation, ont pu devenir des fonds mutuels. C'est notre attitude à l'égard des revenus tirés des actifs hors exploitation qui a rendu cela possible.

Est-ce que j'appliquerais des critères aujourd'hui? Je ne sais pas vraiment comment il faudrait procéder. Je ne suis même pas convaincu que ce soit la bonne façon d'envisager la question. Encore là, je pense que les gouvernements devraient chercher une façon d'imposer les gens de manière juste et efficiente, plutôt que de créer des distinctions entre différents types d'organisations ou différentes sortes d'activités, parce que cela mine directement la productivité. Il est de loin préférable d'avoir un régime fiscal imposant un fardeau semblable à des activités différentes, plutôt que de chercher à en encourager certaines au détriment des autres.

La réduction du taux d'imposition des sociétés est mon quatrième point. À ce titre, je pourrais vous citer des travaux récents en économique, y compris un rapport que j'ai moi-même produit conjointement avec Michael Smart, de l'Université de Toronto, qui a été publié l'an dernier dans une revue spécialisée, Journal of Public Economics. Nous nous sommes penchés sur la concurrence fiscale entre le Canada et les provinces pour ce qui est des réductions de l'impôt des sociétés.

Nous avons constaté qu'une réduction d'un point de pourcentage du taux d'imposition des sociétés pour les grandes entreprises — en excluant les petites — entraînait une augmentation d'environ 3 p. 100 de l'assiette fiscale de l'impôt des sociétés en raison de ce que l'on appelle le transfert des revenus. Lorsque vous diminuez le taux d'impôt des sociétés au Canada — et je ne parle pas ici du taux effectif, mais seulement du taux prévu par la loi — les entreprises vont transférer des revenus au Canada parce que cela peut leur être profitable via la fixation des prix de cession interne ou des transactions financières laissant une partie moindre de leur passif au pays.

J'ai effectué certaines estimations. Si vous faites passer aujourd'hui le taux d'impôt des sociétés de 36 p. 100 à 30 p. 100, cela ne ferait diminuer que très légèrement les recettes gouvernementales, en raison de ce phénomène de transfert des revenus. L'Irlande a réduit son taux d'imposition des sociétés qui est passé de 40 p. 100 à 12,5 p. 100, en proportion du PIB, et tire maintenant des recettes supérieures de l'impôt des sociétés par rapport à la situation d'il y a 20 ans. Tout le monde sait que ce résultat est en partie attribuable aux multinationales qui ont transféré leurs revenus et leurs profits en Irlande, au détriment d'autres pays. Il s'agit d'un gain net pour l'Irlande étant donné que ce pays a réussi à maintenir le niveau de ses recettes. C'est une perte pour les autres pays en raison des mesures prises par l'Irlande. Si j'affirme que la réduction de l'impôt des sociétés serait très profitable au Canada, c'est notamment parce que cela contribuerait à réduire le taux d'impôt réel sur le capital, sans influer sur les recettes qui y sont associées, étant donné notre taux élevé d'imposition des sociétés par rapport au reste du monde — il se situe actuellement à 35 p. 100, alors que la moyenne pour les pays de l'OCDE est de 30 p. 100. Les réductions du taux d'imposition ne nous coûteraient pas très cher, compte tenu de l'augmentation des transferts de revenus qui s'ensuivrait au Canada.

Le président : J'ai laissé une plus grande latitude pour les questions en raison de leur valeur informative, mais le facteur temps nous rappelle à l'ordre. Je veux donc des questions plus succinctes et des réponses plus courtes. S'il y a un suivi à donner, vous pouvez nous faire parvenir l'information par écrit s'il ne vous est pas possible de répondre entièrement à la question.

Le sénateur Oliver : Monsieur Mintz, ma question s'adresse à vous. Vous êtes probablement l'un des spécialistes les plus expérimentés et les plus respectés au Canada en matière de fiscalité. Pour accomplir votre travail, il vous arrive probablement de venir de temps à autre à Ottawa pour rencontrer les hauts fonctionnaires du grand et puissant ministère des Finances.

M. Mintz : J'y suis allé deux fois très exactement.

Le sénateur Oliver : Pourriez-vous aider notre comité à comprendre pour quelles raisons le ministère est si réticent à examiner une solution comme la réduction de l'impôt sur les dividendes ou à se pencher sur le cas de la double imposition découlant de l'effet combiné de l'impôt des sociétés et des particuliers? Pourquoi le ministère ne veut-il pas étudier ces questions? Pouvez-vous nous aider à mieux comprendre, à la lumière de vos visites au ministère?

M. Mintz : Je serai bref. Au fil des ans, nous en sommes arrivés à une meilleure intégration à bien des égards. Je dirais que les fonctionnaires comprennent maintenant mieux l'importance de l'intégration de l'impôt des sociétés et des particuliers au Canada.

Le sénateur Oliver : Ils ne le feront jamais.

M. Mintz : Il y a la question des recettes et d'autres éléments en cause. Je ne peux pas remettre en doute leur volonté d'agir.

Compte tenu de ce qui se produit actuellement sur les marchés financiers, l'occasion est belle pour régler certains problèmes importants. J'ose espérer que le gouvernement s'y prendra de la bonne manière, c'est-à-dire en essayant d'éliminer ces éléments non neutres que comporte actuellement le système.

[Français]

Le sénateur Plamondon : Je suis inquiète devant la croissance extraordinaire des fiducies de revenus. Mon inquiétude vient d'un commentaire que vous avez fait.

Vous avez dit que lors du Krach économique, s'il n'y avait pas eu de fiducies de revenus, les entreprises auraient eu de la difficulté. Croyez-vous que l'économie est fragile dans le moment et qu'elle a besoin des fiducies de revenus?

Craignez-vous qu'on se dirige vers une autre crise économique, un autre Krach, pour que les gens montent aux barricades et dépendent les fiducies de revenus comme ils le font actuellement? Commentez sur l'économie.

[Traduction]

M. Mintz : Premièrement, mes observations portaient sur le marché des valeurs mobilières. Il existait très peu de possibilités d'investissement dans des fonds de placement à la fin des années 1990, parce que le marché des valeurs mobilières était florissant, mais il y a eu une recrudescence à ce chapitre en 1994-1995.

Si on en revient au comité dont j'assumais la présidence, le Comité technique de la fiscalité des entreprises, une partie de notre rapport de 1997 portait sur les fonds communs de placement. Nous suggérions dans ce rapport que le gouvernement se penche sur la question et prenne les mesures qui s'imposent. Nous avons suggéré quelques solutions possibles, mais nous ne sommes pas parvenus à nous entendre à l'époque. Nous étions toutefois d'avis qu'il fallait régler le problème à ce moment-là, sans égard à la conjoncture économique de l'époque. C'était davantage une question d'équilibre du régime fiscal.

Dans l'état actuel des choses, étant donné les déficits commerciaux avec lesquels les États-Unis sont aux prises, il y a risque considérable d'une récession à l'échelle planétaire. Pour combler leur déficit commercial, les États-Unis devront augmenter leurs économies et réduire leur consommation de biens et services. La seule façon d'éviter une diminution de la croissance économique mondiale, voire une récession planétaire, c'est que les autres régions du monde, l'Europe et l'Asie notamment, prennent la relève en accroissant leur consommation et en réduisant leurs économies.

C'est un défi de taille. Je ne crois pas que l'Europe pourra y parvenir et je ne suis pas convaincu que l'Asie pourra faire beaucoup mieux. Il nous faut tenir compte de l'avenir. L'économie canadienne fonctionne relativement bien. La croissance est satisfaisante — pas autant que celle de pays comme la Chine et l'Irlande, mais c'est tout de même relativement bien. Certains éléments qui se pointent à l'horizon pourraient toutefois entraver cette croissance.

Je ne limiterais pas cette analyse à la seule question des fonds communs de placement. Nous devons envisager la situation dans son ensemble pour nous demander dans quelle mesure nous prélevons de l'impôt sur le capital relativement à la consommation au Canada, ce qui nous amène à nous poser un ensemble d'autres questions concernant la fiscalité.

Le président : C'est là une question importante. La prescience des gens est intéressante en rétrospective, mais la fluctuation des conditions du marché fait en sorte qu'il nous faut examiner la situation dans le contexte de notre époque.

Le sénateur Goldstein : Merci pour votre aperçu de la situation des fonds de placement immobilier.

J'ai plusieurs préoccupations, mais seulement une question à vous poser. J'ai entendu et j'ai lu que certaines personnes souhaitaient ardemment imposer une retenue fiscale à l'égard des revenus de fonds de placement transférés à l'étranger. Pourriez-vous nous dire quelles seraient les répercussions d'une telle approche pour ce qui est des investissements directs étrangers et de différentes autres variables économiques qui seraient touchées — ou du moins, c'est ce que je pense que vous pourriez croire?

Le président : Sénateur Goldstein, vous ne devez jamais mettre le témoin sur la piste d'une réponse.

M. Mintz : Selon moi, les retenues fiscales sur les intérêts — de pleine concurrence ou non — constituent une solution intéressante sur laquelle il convient de se pencher, d'autant plus que ses coûts fiscaux sont relativement faibles. Je crois que cela présenterait de grands avantages, non seulement pour les investissements directs étrangers au Canada, mais également pour les sociétés canadiennes voulant investir dans d'autres pays. Je n'ai pas le temps d'entrer dans les détails, mais cette question de retenue fiscale est de toute première importance pour moi.

Il y a le problème des fonds communs de placement de propriété étrangère pour lesquels on a pu éviter toute retenue fiscale au titre des revenus au Canada. Dans le cas, par exemple, d'un investisseur américain, il y avait tout de même des impôts payés aux États-Unis. Mais, étant donné qu'aucun impôt n'était versé au Canada, il conviendrait d'effectuer des retenues fiscales sur ces revenus provenant des gains de capital sur les fonds mutuels et les fonds commun de placement dont bénéficient les non-résidents. Une telle mesure aurait comme effet principal de réduire les recettes fiscales du gouvernement des États-Unis de manière à nous assurer une part plus équitable de ces revenus. Il faut alors se demander dans quelle proportion ce partage doit s'effectuer. L'imposition d'une retenue de 35 p. 100 est tout à fait démesurée; un taux de 15 p. 100 serait certes plus logique.

Le président : Notre personnel m'a signalé aux fins du compte rendu qu'on nous a dit hier qu'un taux de retenue fiscale de 15 p. 100 s'appliquait.

M. Mintz : Oui, tout à fait. C'est je crois ce qui a été convenu en fin de compte. Il a été question au cours des pourparlers d'un taux de retenue de 35 p. 100.

Le sénateur Angus : Monsieur Brooks, vous êtes venu de loin et il serait dommage qu'on ne vous pose aucune question. On a beaucoup entendu parler de cet affaissement soudain du marché des fonds communs de placement à la suite de l'annonce inattendue du moratoire. Qu'avez-vous pu observer au chapitre des fonds de placement immobilier à cet égard?

M. Brooks : Nous avons suivi le marché dans sa chute; selon les conversations que j'ai eues dans l'avion ce matin avec mes collègues qui sont devant vous, je pourrais toutefois chiffrer entre 75 et 80 p. 100 notre taux de récupération par rapport à la situation d'il y a une semaine ou dix jours.

Le sénateur Angus : Vous vous attendiez à ce que je pose à M. Russell la même question que les autres. Lorsqu'un spécialiste des finances vous dit qu'il y a eu une reprise marquée, vous êtes d'accord avec lui.

M. Brooks : Oui, tout à fait.

Le sénateur Angus : Jusqu'à 75 p. 100?

M. Brooks : Oui, c'était le bon moment pour acheter.

Le président : Je veux remercier ce groupe de témoins. Je suis désolé que nous n'ayons pas eu la possibilité d'explorer plus à fond quelques-unes des questions que vous avez soulevées. Monsieur Mintz, nous divergeons d'opinion sur certains points et j'aimerais bien que nous puissions échanger davantage à ce sujet lorsque l'occasion s'y prêtera mieux.

La bonne nouvelle c'est que le marché se stabilise comme il se doit, ce qui devrait nous aider dans nos efforts pour régler cette question dans un cadre mieux approprié, à partir d'une réflexion et d'une analyse plus approfondies. J'ose espérer que les travaux de notre comité ont contribué à alimenter le débat public sur cette question ce matin. C'est certainement le cas pour votre contribution à tous les trois.

Notre prochain témoin est Ian Russell, qui représente l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Il est premier vice-président principal, Représentation du secteur. Nous recevons également deux témoins à titre personnel : Oscar Belaiche, vice-président et gestionnaire de portefeuille principal chez Goodman and Company Investment Counsel of Dynamic Mutual Funds, et James McIntyre, vice-président et gestionnaire de portefeuille principal chez Sentry Select Capital Corp.

Certains d'entre vous nous avez présenté des mémoires. Je vous prierais de nous résumer vos observations en cinq minutes de manière à nous laisser le temps de vous poser davantage de questions. Nous connaissons maintenant assez bien le sujet. Si vous pouviez ajouter des précisions que nous n'avons pas encore obtenues, cela nous serait utile. Nous aimerions connaître votre point de vue sur la démarche publique entreprise par le gouvernement du Canada dans ce dossier.

Ian C. W. Russell, premier vice-président principal, Représentation du secteur, Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières : Je suis heureux de pouvoir prendre la parole ici ce matin dans le cadre de ces discussions sur les fonds mutuels de placement. Nous préparons actuellement nos observations détaillées en réponse au document de consultation. Je vais donc vous présenter ce matin nos commentaires préliminaires à ce sujet.

Comme vous avez pu l'entendre dans des témoignages précédents, nous avons été témoins d'une croissance spectaculaire du marché des fonds communs qui a vu la capitalisation boursière augmenter de plus de 100 milliards de dollars dans une période de quatre ans prenant fin en décembre 2000. Le niveau de cette capitalisation se situe actuellement à 170 milliards de dollars. Cela représente le total combiné pour les sociétés de placement immobilier, les redevances provenant de l'exploitation du pétrole et du gaz et les fonds commerciaux.

Mon mémoire fait état de quelques-uns des avantages de la structure de fonds communs de placement. J'y traite notamment d'une étude commandée il y a un an par l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières à Paul Halpern, professeur du Capital Markets Institute de l'Université de Toronto. Son rapport témoigne éloquemment du rôle que peut jouer la structure de fonds communs sur notre marché des valeurs mobilières.

Quant à l'annonce du gouvernement, nous avons pu constater un impact immédiat dans le secteur des fonds communs de placement, tous les fonds accusant des pertes allant de 2 p. 100 à 10 p. 100. Le marché a réellement atteint son nadir le vendredi 23 septembre. La capitalisation boursière a alors chuté de 5 p. 100. La situation n'a jamais été pire. Tout le monde ne s'entend pas à ce sujet, mais si l'on présume que 25 p. 100 de ces fonds communs sont détenus sous forme de RÉER, les Canadiens et les Canadiennes ont encaissé des pertes totales pouvant aller d'un milliard de dollars à 1,5 milliard de dollars. Il y a eu reprise. Le marché est encore en baisse d'environ 2,5 p. 100. La moitié des pertes ont été récupérées.

Pour déterminer les causes, à la lecture du rapport de consultation, on s'est fondé sur une analyse neutre et bien équilibrée afin d'en arriver à une solution qui, selon moi, équivaut à une approche agressive et lourde du marché. Le rapport parle d'intégration, une mesure positive, surtout pour l'investisseur assujetti à l'impôt, avant de proposer différents types de démarches interventionnistes. La première consiste en des restrictions sur les investissements, mais les suivantes parlent d'imposer directement les fonds communs et de restreindre les possibilités de déduire les intérêts pour ces fonds. Ce sont ces informations qui ont véritablement bouleversé le marché.

Si on veut vraiment régler le problème, du moins du point de vue de l'investisseur assujetti à l'impôt, il faut lui assurer un traitement fiscal équitable, tant pour la structure des fonds communs que pour celle des sociétés. On en arrive alors aux résultats dont M. Mintz a parlé, c'est-à-dire que les décisions des entreprises sont prises en fonction de facteurs économiques et financiers, à l'abri de toute distorsion du régime fiscal. Nous avons estimé, encore là de manière plutôt approximative, que si le taux d'imposition sur les dividendes était réduit de son niveau actuel de 30 p. 100 à environ 15 p. 100, parallèlement à une hausse du taux d'impôt fédéral des sociétés qui passerait de 19 p. 100 à 22 p. 100, ce que le gouvernement veut faire de toute façon, on se rapprocherait de la solution. Cela assurerait un traitement fiscal neutre par rapport aux fonds mutuels. L'investisseur assujetti à l'impôt profiterait d'un traitement fiscal semblable dans les deux structures. Selon notre analyse statique, cela représenterait un montant d'environ 2 milliards de dollars.

L'autre chose que nous aimerions signaler est la suivante. Lorsque les États-Unis ont réduit leur taux d'impôt sur les dividendes en 2003, le faisant passer de 38,5 p. 100 à 15 p. 100, les dividendes versées par les sociétés ont augmenté considérablement au cours des deux années suivantes. Les sociétés ont augmenté les ratios de distribution et versé plus de dividendes. Je dois confirmer ces chiffres, mais je crois que l'impôt sur les dividendes a, en fait, augmenté parce que le ratio dividendes-bénéfice a annulé la réduction de l'impôt sur les dividendes. Les coûts de la neutralité pour l'investisseur imposable sont probablement atténués par l'effet dynamique.

La situation n'est pas la même pour l'investisseur exonéré d'impôt ou celui dont l'impôt est reporté. Les préoccupations soulignées par le ministre des Finances sont pertinentes. Premièrement, quel est l'impact, sur l'efficience économique, de la participation de l'investisseur imposable aux marchés financiers, compte tenu des écarts d'imposition? Deuxièmement, quelles sont les pertes fiscales? J'aimerais revenir plus tard sur la question de l'efficience fiscale et les propos échangés entre le sénateur Angus et M. Mintz, puisque ce n'est pas seulement le coût du capital qui entre en jeu. On doit également tenir compte de la demande sur le marché.

Quant au calcul des pertes fiscales, je trouve étrange que l'on parle abondamment des travaux réalisés pour l'association des fonds d'investissement du Canada, qui montrent que les investisseurs exonérés d'impôt ont enregistré des gains nets d'impôt de 278 millions de dollars — soit la valeur actuelle des impôts futurs versés par les bénéficiaires — tandis que le document de consultation ne donne aucune valeur pour les impôts reportés.

À mon avis, de plus amples travaux doivent être faits sur cette question et il faut évaluer davantage les arguments en faveur de l'efficience économique avant que quelqu'un ne s'introduise sur les marchés financiers avec des mesures plus énergiques.

Oscar Belaiche, vice-président et gestionnaire de portefeuille, Goodman & Company Investment Counsel, Dynamic Mutual Funds, à titre personnel : Ensemble, M. McIntyre et moi-même représentons les Canadiens qui ont investi plus de 7 milliards de dollars dans des fiducies de revenu par notre intermédiaire. Nous croyons apporter à vos délibérations le point de vue des acheteurs et nous sommes ici pour représenter les millions d'investisseurs canadiens — nous estimons que des individus détiennent jusqu'à 80 p. 100 du marché des fiducies, soit par propriété directe, soit par des fonds comme le nôtre — qui ont mis leur confiance dans ce marché, sans parler de leurs capitaux.

Ce qui s'est produit récemment a jeté de l'ombre sur l'inclusion des fiducies de revenu dans l'indice composé TSX et pourrait retarder le processus de transition. J'aimerais vous ramener en arrière pour voir comment cela s'est produit.

La bonne structure au bon moment. Depuis 2000, le marché des fiducies est passé de 20 milliards de dollars à une capitalisation boursière d'environ 170 milliards de dollars. Les marchés financiers ont été dominés par une demande en revenu attribuable à un changement démographique et à un besoin d'investissements qui génèrent un rendement, en particulier compte tenu des nouvelles possibilités d'investissement, comme un CPG de cinq ans à 2,6 p. 100. En outre, une série de scandales impliquant des sociétés aux États-Unis et au Canada a créé un environnement dans lequel les investisseurs exigent une plus grande intégrité sur les marchés financiers.

Par conséquent, les fiducies de revenu ont exercé un attrait énorme, ce qui a amené des bénéfices avant amortissement dans les mains des investisseurs. Cette pratique entraîne une plus grande discipline dans la gestion et une certaine transparence dans les rapports de liquidités et réduit les risques en matière de réinvestissement. À mesure que les Canadiens se rapprochent de la retraite — et cet aspect est important puisqu'une grande partie de la population arrive à l'âge de la retraite et aura besoin d'un revenu pour remplacer les salaires —, ils doivent créer un revenu de placement, en particulier ceux qui n'ont aucun régime de retraite au Canada.

Les fiducies de revenu aident les Canadiens à atteindre ces objectifs et réduisent le fardeau social que pourraient représenter, pour le gouvernement, les retraités dont le revenu est insuffisant. Nous ne sommes pas certains que le gouvernement ait calculé les avantages indirects provenant des revenus des investisseurs qui sont soit réinvestis, ce qui crée davantage de revenus imposables, des gains en capital et des revenus de TPS et de TVP pour les gouvernements, ou qui sont épargnés, créant ainsi un revenu en intérêts.

Nonobstant le débat sur les avantages économiques des fiducies, les structures offrent aux entreprises établies un moyen pratique d'obtenir des capitaux afin d'améliorer leurs activités, de faire des acquisitions créatives et de consolider les secteurs de l'industrie et leur permettent d'intégrer les marchés grand public. Loin d'être un petit créneau commercial, les fiducies de revenu sont aujourd'hui un choix d'investissement très populaire, un choix qui a été entériné lorsque Standard and Poor's, S&P, a annoncé l'inclusion des fiducies dans l'indice composé S&P/TSX, représentant de 8 à 10 p. 100 de l'indice. Créant d'abord une inquiétude pour les investisseurs institutionnels, la question de la responsabilité limitée a été réglée lorsque de nombreuses provinces ont adopté des lois à cet égard. Ottawa fait du rattrapage; toutefois, le temps a de l'importance. Il convient de noter que les problèmes fiscaux qu'examine le gouvernement sont complexes et leur solution prendra du temps. Le gouvernement devra soupeser soigneusement ses options et la façon d'agir. Le premier ministre Paul Martin a annoncé qu'il déclenchera des élections environ un mois après le dépôt du rapport final Gomery, prévu pour février. Le moment choisi pour apporter un quelconque changement devient un facteur important à considérer. Nous ne prévoyons pas que le gouvernement prendra une mesure immédiate avant que le processus de consultation ne soit terminé, d'ici le 31 décembre de cette année.

M. Belaiche : Je crois que les marchés financiers ont été perturbés plus gravement que prévu. Il ne s'agit pas du recul de 5 p. 100 enregistré il y a une semaine, ni d'une reprise éventuelle de 2,5 p. 100. La confiance a été ébranlée sur les marchés. Un certain nombre d'émissions sur les marchés seront probablement retirées au moment où nous nous parlons. La confiance des investisseurs a été ébranlée par suite des mesures prises.

Il y a beaucoup d'incertitude sur les marchés. À notre avis, l'impact de 300 millions de dollars sur les fonds est peu important à comparer aux pertes fiscales sur les gains en capital qui ont été enregistrées. Plus de 100 000 investisseurs dans notre fonds le plus important ont perdu environ 150 millions de dollars en valeur marchande la semaine dernière, et certains ont vendu. Ce ne sont pas là des gains ou des pertes théoriques. Des gens ont vendu la semaine dernière, et d'autres ont peut-être été plus chanceux et ont acheté, mais les gens ont paniqué et se sont inquiétés par suite des mesures qui ont été prises. Par ailleurs, Standard and Poor's a annoncé un processus de consultation et il est possible que l'on retarde l'inclusion des fiducies dans l'indice en raison de l'incertitude qui règne, ce qui empêche l'apport de capitaux dans le marché des fiducies de revenu.

Nous ne croyons pas que le gouvernement prendra des mesures avant les élections. Nous croyons que le gouvernement s'est mis dans un carcan et sera incapable de changer de position en matière de fiscalité, compte tenu de l'échéancier qu'on nous a présenté. Nous attendons de voir l'orientation que prendra le gouvernement. Il semble qu'il essaie de mettre ce dossier de côté. Nous croyons qu'on a créé une patate chaude politique et personne ne voudra s'en occuper. Ce problème pourrait devenir un enjeu électoral. Nous préférons qu'on l'aborde de façon positive en augmentant le crédit d'impôt sur les dividendes, en réduisant l'impôt sur les dividendes et en réduisant les impôts des sociétés plutôt qu'en attaquant la structure dans laquelle tant de Canadiens ont mis leur confiance. Entre-temps, l'incertitude a créé une certaine volatilité qui, à son tour, a créé des risques sur les marchés qui n'existaient pas auparavant.

James Alexander McIntyre, vice-président et gestionnaire principal de portefeuille, Sentry Select Capital Corporation : Vous avez l'occasion d'entendre des représentants de la Fédération des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, au sujet d'un problème important auquel les Canadiens doivent faire face : notre population est vieillissante et l'argent est insuffisant. Même en présumant d'un rendement rationnel, leur sous-financement est évalué à 18 à 19 milliards de dollars. Pensez maintenant au Canadien moyen de la classe ouvrière qui n'a aucun régime de pension. Pour toucher un revenu qui se situe au seuil de la pauvreté, il faut des économies de plus de 200 000 $. Pour toucher un revenu confortable de 35 000 $ par année — je suis certain que vous trouverez ce revenu bien peu confortable —, il faut avoir économisé un demi-million de dollars. C'est bien au-delà de ce que rapportent les taux d'intérêt actuels. Mon travail consiste à gérer de l'argent pour un très grand nombre de Canadiens qui dépendent de nous pour obtenir un taux de rendement raisonnable à long terme pour s'assurer d'une retraite modeste, mais confortable. La structure des fiducies nous a permis de le faire. Elle a permis de prendre des investissements dans des entreprises établies et de libérer des capitaux que la politique fiscale actuelle retient dans les entreprises qui sont incapables de redistribuer ces capitaux efficacement. Ces entreprises n'ont pas besoin d'une nouvelle usine, d'un nouveau bâtiment ou d'une nouvelle machinerie, et pourtant la dépréciation et les revenus sont immobilisés par les iniquités qui existent dans le régime fiscal. Cette structure permet de faire recirculer l'argent de façon productive dans l'ensemble de l'économie.

Lorsque Bell Canada a acheté Téléglobe, elle n'a créé aucun emploi, ni un seul centimètre de fibres optiques. Elle a transféré les bénéfices non répartis et les économies de la population canadienne de l'actionnaire A à l'actionnaire B. Tout compte fait, le coût est de l'ordre de dix milliards de dollars. Ce n'était pas un investissement qui accroît la productivité.

Une fiducie vise l'efficience et la productivité. Si vous voulez avoir une bonne étude sur la contribution des fiducies dans la viabilité à long terme du Canada, regardez l'industrie du pétrole. Nous rachetons des biens qui appartenaient autrefois à des compagnies américaines. Les emplois sont créés à Calgary. Nous mettons au point des technologies pour la récupération assistée des champs pétrolifères parvenus au terme de leur développement. Nous retirons des profits d'une activité qui n'était pas rentable.

Au début des années 90, l'industrie pétrolière enregistrait un rendement moyen de capital d'environ 4 ou 5 p. 100. Nous augmentons ce rendement.

Le président : Merci. C'est un sujet extrêmement important. Il y a un an, nous avons annoncé qu'une étude démographique allait être réalisée afin de cerner ce problème. Nous sommes ravis que le premier ministre ait parlé de démographie dans son énoncé de vision d'il y a quelques semaines. Nous nous en attribuons un peu le mérite puisque nous en avions fait une priorité. Nous espérons que vous pourrez surveiller nos délibérations dans les jours et les semaines à venir, et nous aurons davantage l'occasion d'examiner l'impact des facteurs démographiques sur le revenu et sur la péréquation des revenus, les sujets qui vous intéressent.

Le sénateur Angus : Vous avez tous, dans vos exposés, exprimé certaines préoccupations. Du point de vue de l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, des disciples de « Sonny » Gordon et d'autres, quelle est la principale inquiétude qu'ont suscitée les deux dernières semaines, en ce qui a trait à ces moyens de placement?

M. Russell : Je crains surtout que la politique ne change trop rapidement. Nous pourrions en arriver à mettre en place des mesures plutôt draconiennes qui feraient mourir le marché des fiducies, sans prendre le temps nécessaire pour bien comprendre ce que nous faisons, en tenant compte notamment de l'efficience économique dont j'ai parlé, et sans bien mesurer les pertes fiscales pour le gouvernement.

M. Belaiche : Je m'inquiète pour les clients dont de nombreux conseillers m'ont parlé.

Le sénateur Angus : Des individus?

M. Belaiche : Oui, des Canadiens qui prennent leur retraite ou qui l'ont déjà prise. Leur capital est limité et ils ont besoin d'un apport de revenu. Ils ont utilisé les fiducies de revenu à cette fin.

La peur et l'incertitude créées inquiètent nos clients, les investisseurs canadiens qui constituent une grande part du marché. C'est très inquiétant.

Nous commençons à observer un mouvement de ressac. Nonobstant les commentaires faits par le gouvernement, bon nombre des clients qui achètent nos fonds ne sont pas dans la vingtaine ou la trentaine, mais sont plutôt âgés de 50, 60 et 70 ans. Il leur faut un apport de revenu pour subvenir à leurs besoins et c'est pour cette raison qu'ils se sont tournés vers les fiducies de revenu.

M. McIntyre : Je m'inquiète principalement du modèle d'équité. À mesure que la population vieillit, un modèle d'équité qui met l'accent sur l'accumulation dans les mains de l'entreprise aux dépens de son propriétaire n'est pas un modèle convenable. Il arrive un moment où le revenu de l'entreprise doit parvenir à son propriétaire pour que ce dernier puisse subvenir à ses besoins lorsqu'il ne touche plus de salaire.

Le président : À ce sujet, monsieur McIntyre, êtes-vous préoccupé par la productivité dans les modèles économiques, afin d'augmenter les revenus pour tous les Canadiens, ceux à la retraite et les autres?

M. McIntyre : Absolument. Nous avons constaté dans ce modèle qu'un coût de capital moins élevé permettait aux entreprises d'acheter des actifs efficacement. Elles ont une certaine discipline dans la répartition des capitaux. Elles ont une certaine discipline pour maximiser le rendement des actifs existants et utiliser de nouveaux investissements de manière créative.

L'exemple de l'industrie du pétrole est une étude fascinante. En tant que fiducie de revenu, ARC est passé maître dans sa technique.

Le président : Nous avons écouté attentivement Marcel Coutu hier, mais il faut se rappeler qu'il y avait une différence entre les fiducies immobilières et les autres et ce qu'elles rapportaient aux investisseurs. Il remettait 2 p. 100 plutôt que 8 p. 100 parce qu'il retenait des sommes en vue de les réinvestir.

M. McIntyre : Il existe un important besoin de capitaux pour les sables bitumineux canadiens. Je possède le Canadian Oil Sands Trust depuis 1996.

Le président : Vous avez bien fait.

M. McIntyre : Nous étions les premiers au PAPE chez mon ancien employeur. C'est logique.

Le président : Merci beaucoup, messieurs.

Le sénateur Angus : Ce commentaire dit tout.

L'un de vous nous a remis ce matin un article de M. Philip Brown paru dans le Financial Post, dans lequel on dit à peu près ceci :

L'ironie de la chose, c'est que les fiducies de revenu constituent une solution canadienne novatrice à un problème canadien : comment exploiter, agrandir et financer des entreprises de moyenne envergure qui, autrement, ont de la difficulté à trouver du financement. En fait, dans toute l'histoire financière du Canada, les fiducies de revenu constituent le produit financier le plus novateur et celui qui donne les meilleurs résultats.

Êtes-vous de cet avis?

M. McIntyre : Tout à fait.

M. Russell : Si vous me permettez d'ajouter un autre indice de ce succès, après que le marché de la technologie s'est effondré, le marché des PAPE a été complètement anéanti en 2001, tant au Canada qu'aux États-Unis. En 2002 et en 2003, le marché des PAPE était mort aux États-Unis. Au Canada, grâce aux fiducies de revenu, de petites entreprises ont réussi à s'afficher sur la place publique et le marché canadien des PAPE est devenu vigoureux en 2002 et 2003, ce qui ne se serait pas produit autrement.

Le président : Nous nous pencherons un autre jour sur la réaffectation des ressources des entreprises de haute technologie capitalistiques qui n'ont plus de rentrée de fonds et sur l'impact de ce phénomène sur la recherche et l'innovation dans ce domaine.

Je tiens à vous remercier tous, mais il est important que les Canadiens qui nous regardent aient un éclairage équilibré et nuancé sur cette question complexe. Il n'y a pas de réponse simple ici, parce que les facteurs en jeu ne le sont pas.

Je suis ravi que le marché se stabilise parce que je crois qu'il y a eu de l'exagération. Notre responsabilité, comme la vôtre, je l'espère, consiste à avoir une discussion plus nuancée et équilibrée sur la façon de se doter d'une économie plus productive et plus bénéfique pour les investisseurs et pour toutes les personnes qui sont touchées d'une façon ou d'une autre.

Merci de votre contribution. Ceci met fin à nos discussions.

La séance est levée.


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