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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 19 - Témoignages du 24 novembre 2005


OTTAWA, le jeudi 24 novembre 2005

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel est renvoyé le projet de loi C-259, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise (suppression de la taxe d'accise sur les bijoux), se réunit aujourd'hui, à 16 h 35, pour étudier ledit projet de loi.

Le sénateur Jerahmiel S. Grafstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bienvenue à tous. Le C-259 est un projet de loi d'initiative parlementaire de l'autre endroit. M. John Duncan, député de l'Île de Vancouver-Nord, Colombie-Britannique, notre premier témoin, est également le motionnaire du projet de loi. Vous avez la parole, monsieur Duncan.

John Duncan, député de l'Île de Vancouver-Nord : Je vais essayer d'être bref et de traiter de l'essentiel. J'aimerais remercier le parrain du projet de loi, le sénateur Di Nino. On m'a demandé à de nombreuses reprises comment j'en étais venu à m'intéresser à la taxe d'accise sur les bijoux et pourquoi j'ai voulu déposer un projet de loi d'initiative parlementaire, alors que ma circonscription n'a rien de particulier à voir avec le secteur des bijoux, des métaux précieux ou des pierres précieuses. Cela s'explique par le fait que j'ai siégé au sein du Comité de l'industrie, des ressources naturelles, de la science et de la technologie de la Chambre des communes.

En 1998 ou 1999, j'ai été mis au courant d'une étude faite par Ernst & Young, présentée sous forme de mémoire par l'Association canadienne des bijoutiers dans le cadre des consultations prébudgétaires du Comité des finances de la Chambre des communes. J'ai lu ce document qui avait été envoyé à chacun des membres du Comité des ressources naturelles, car nous étudiions la question des diamants de la guerre à cette époque. C'est la première fois que j'ai appris l'existence de cette taxe contreproductive, appelée taxe d'accise sur les bijoux, taxe cachée, qui remonte à de 1918. À l'origine, elle visait à financer l'effort de la Première Guerre mondiale. À cette époque, il y avait toute une série de taxes appelées taxes de luxe. Toutes ont été supprimées, les unes après les autres, à l'exception de celle-ci.

Ce qui est ironique, c'est que plus je lisais de documents au sujet de cette taxe, plus son maintien m'indignait. Cela semblait une taxe tellement ridicule. Dans le domaine de l'imposition, elle est tout à fait isolée, fonctionne seule et pourrait facilement être annulée. Elle aurait dû être supprimée en même temps que la taxe sur les ventes des fabricants au moment de l'instauration de la TPS. Son observation coûte cher et elle est très complexe en raison de la façon et du moment dont elle est appliquée. Elle a l'effet pernicieux de rendre les bijoux fabriqués au Canada plus coûteux que les mêmes produits importés par le même fabricant ou le même détaillant. La version canadienne est donc plus coûteuse uniquement en raison de la façon dont cette taxe est appliquée.

Par ailleurs, la taxe a donné lieu à un énorme marché noir. J'ai participé l'été dernier à la Jewellery World Expo 2005 à Toronto. Le sénateur Di Nino y était présent un soir. Plusieurs personnes, y compris d'importants gens d'affaires américains qui investissent dans le secteur des bijoux à l'échelle de la planète, ont déclaré qu'ils attendaient que cette taxe soit annulée avant de faire des investissements au Canada. C'est un obstacle de taille pour les entreprises visées. Cette taxe donne lieu à énormément de formalités administratives et son coût d'observation est élevé. Aucun autre pays ne se frapperait lui-même d'une taxe, il pourrait imposer un tarif à un autre pays, mais ne se pénaliserait jamais lui-même.

Plusieurs organisations s'opposent à la taxe, y compris l'Association minière du Canada, l'Association canadienne des bijoutiers et le gouvernement du Québec dont le secteur bijoutier est florissant à Montréal et à Toronto, et qui vient d'implanter un nouveau secteur tout aussi florissant à Vancouver.

Une entreprise de Vancouver dispose de 70 robots qui font du polissage et de la taille de diamants 24 heures par jour, sept jours par semaine. Elle a hâte que tout ce problème soit réglé; elle emploie également 300 personnes au Vietnam et a des activités dans d'autres endroits.

La Stratégie pancanadienne du diamant demande l'abolition de cette taxe, tout comme d'ailleurs les milieux autochtones. Ce ne sont pas tous les bijoux qui se composent de diamants. L'industrie diamantaire que nous n'avions pas en 1997 fournit à l'heure actuelle, selon une estimation que j'ai lue, au moins 500 millions de dollars par an en recettes fiscales fédérales que nous n'avions pas auparavant.

En 1996, cette taxe d'accise sur les bijoux, de 10 p. 100, a permis de percevoir 56 millions de dollars; en 2003, près de 82 millions de dollars. Le budget de 2004 a rabaissé cette taxe à 8 p. 100 en février 2005, et va la réduire progressivement de 2 p. 100 à chaque fois. Elle sera de 6 p. 100 sans doute en février 2006. À 6 p. 100, cette taxe devrait permettre de recueillir quelque 50 millions de dollars.

Pour se débarrasser de cette taxe progressivement, il en coûterait environ 100 millions de dollars au total, si l'on suit le scénario de six, quatre, deux et finalement 0 p. 100. D'après le dernier budget, cela équivaudrait à une perte pour le Trésor de près de 100 millions de dollars. Cela libérerait une part importante de notre économie qui ne cherche qu'à l'être.

C'est en l'an 2000 que j'ai concocté ce projet de loi une première fois, alors que le système de sélection des noms du côté de la Chambre était différent. Enfin, en septembre 2004, mon nom a été tiré au sort, en sixième place sur 240 députés admissibles, ce qui m'a permis de déposer ce projet de loi tôt au cours de la session.

Le très important débat en deuxième lecture a eu lieu en novembre et tous les députés de tous les partis se sont prononcés en faveur du projet de loi au cours de la première heure du débat. À mon avis, l'appui manifesté pour le projet de loi à la deuxième lecture a permis d'encourager le gouvernement à prévoir l'élimination progressive de la taxe d'accise dans le budget de février -dont j'ai parlé plus tôt. Toutefois, le projet de loi a traîné en comité de janvier à mai. Nous l'avons finalement adopté en mai. C'était un vote serré et beaucoup de choses se passaient à ce moment-là, sur lesquelles je ne veux pas m'attarder.

Le caucus conservateur a alors coopéré considérablement à la Chambre en cédant sa place à plusieurs reprises pour qu'un vote final se tienne à la Chambre des communes avant les vacances d'été afin que le projet de loi puisse être renvoyé au Sénat. Malgré une forte résistance de la part du cabinet, le projet de loi a été adopté par une marge de deux contre un. À la Chambre, 185 se sont déclarés pour contre 93. Tous les partis d'opposition l'ont appuyé à l'unanimité ainsi que 27 députés du parti ministériel.

Je n'ai pas cherché à devenir expert dans les affaires du secteur de bijoux à valeur ajoutée, mais j'ai découvert une industrie fort intéressante composée de gens honorables qui créent des emplois et offrent des avantages à la société canadienne d'une façon responsable sur les plans environnemental et social.

Cet été, je me suis rendu à la mine de Diavik, l'une des deux mines de diamants dans les Territoires du Nord-Ouest. J'ai visité l'usine de bijoux Corona à Toronto et je suis allé au Salon de la bijouterie de Toronto, comme je l'ai déjà dit. Le président de la World Jewellery Federation, Gaetano Cavalieri, était présent. Je crois que nous avons créé des liens solides. Il est du même avis que le sénateur Di Nino et ils se sont très bien entendus. D'après lui, le Canada peut être un leader mondial dans ce secteur, puisque nous avons les minéraux, les pierres précieuses, la technologie et les compétences. Nous pourrions offrir dans le monde entier un produit très intéressant à forte main-d'oeuvre et à valeur ajoutée si nous pouvions simplement libérer ce secteur en nous débarrassant de cette taxe.

C'est ainsi que je termine mon exposé et j'ai probablement pris plus de temps que je ne l'avais prévu.

Le président : Avant de laisser les sénateurs réagir, j'aimerais vous poser une question technique. J'ai demandé à notre attaché de recherche d'aller chercher l'article.

Si vous examinez la première lecture de votre projet de loi le 3 novembre, on peut lire que « l'alinéa 5c) de l'annexe 1 est abrogé. » On observe ensuite un changement dans le projet de loi définitif dont nous sommes saisis, qui a été approuvé : « l'article 5 de l'annexe 1 est remplacé par ce qui suit. »

Je n'ai pas ici l'article 5. L'avez-vous apporté pour nous? Je ne sais pas si les sénateurs l'ont dans leur dossier, mais moi, je ne l'ai pas. Lorsque j'ai regardé les notes d'information préparées par la Bibliothèque du Parlement, j'ai pu lire que ce projet de loi abrogerait l'alinéa 5c) de l'annexe 1. Je tiens à savoir ce dont nous parlons.

M. Duncan : Je pense pouvoir expliquer, sans aller dans les détails. L'autre complication, c'est que le projet de loi C-43 a eu pour effet de modifier la Loi sur la taxe d'accise. Le projet de loi C-43 a en fait usurpé le libellé de mon projet de loi déposé devant le Sénat. Toutefois, d'après un avis juridique de la Chambre, c'est toujours réalisable.

Si le projet de loi a traîné en comité, c'est parce qu'il y avait trois articles dans la Loi sur la taxe d'accise qui traitaient des bijoux dans le préambule. Les trois premiers articles traitaient des bijoux, des montres et des horloges. Selon une interprétation, mon projet de loi traitait des bijoux à l'exclusion des montres et des horloges. Nous avons réglé la question de façon que mon libellé initial soit amendable, tout en respectant les règles. Éventuellement, ce qui a été renvoyé au Sénat englobait les bijoux, les montres et les horloges de moins de 50 $. Tous les autres objets visés coûtent 3 $ au minimum. Les horloges normandes, ce genre de choses, seraient toujours assujetties à cette taxe.

D'après tous les détaillants qui sont membres de l'Association canadienne des bijoutiers, ces objets représentent un très faible pourcentage de leurs ventes et cela ne fait pas problème. Les montres posaient un problème, mais maintenant elles sont visées par mon projet de loi.

Le président : J'ai toujours un problème. Regardez votre projet de loi. C'est une question technique et ensuite, je laisserai le comité l'examiner. Je ne suis pas certain de comprendre la question qui nous est posée. J'ai l'annexe 1 devant moi. Elle se compose de 5 a), b) et c). Cette annexe que je vais distribuer, indique 5 a), b) et c); l'article qui la remplace indique seulement cinq. J'imagine que vous dites que l'annexe 5 de l'annexe 1 est remplacée par la petite annexe 1. Y a-t-il incompatibilité entre ce document, l'annexe et ce document, votre projet de loi?

M. Duncan : Je ne le crois pas.

Le président : Je soulève cette question au plan technique car il semble étrange que l'on remplace un article 5 tout en conservant un petit cinq.

M. Duncan : C'est à cause de ces horloges qui restent.

Le président : Je le comprends. Vous auriez pu supprimer cinq et l'article serait resté l'article. Franchement, il s'agit simplement d'une question de rédaction.

M. Duncan : Il faudrait poser la question au conseiller législatif.

Le sénateur Di Nino : Vous parlez de bijoux. Je croix qu'il faudrait inscrire au compte rendu, si je ne me trompe, que les bijoux assujettis à cette taxe sont tous des bijoux de 3 $ au moins, n'est-ce pas?

M. Duncan : Oui. Les plus grands plaignants sont Wal-Mart et Zellers, magasins qui vendent de gros volumes de bijoux de fantaisie à faible coût, des bijoux que l'on ne pourrait pas vraiment appeler des bijoux de luxe. C'est ce qui l'explique en partie, sans compter les coûts d'observation qui sont énormes. La compagnie de la Baie d'Hudson et Zellers ne mâchent pas leurs mots à ce sujet. C'est un énorme problème pour ces magasins.

Le sénateur Di Nino : Ma question suivante porte sur des renseignements que j'ai reçus. Je me demande si vous pouvez confirmer pour moi que le Canada est le seul pays industriel qui reste aujourd'hui à avoir ce genre de taxe.

M. Duncan : C'est exact, autant que je sache, et c'est certainement ce qui est inscrit au compte rendu.

Le sénateur Di Nino : Peut-être pouvez-vous nous aider à partir de la recherche que vous avez faite. Nous savons maintenant que l'industrie diamantaire devient très importante dans notre pays. Les mines de Diavik n'en sont qu'un exemple. Des mines sont prévues ailleurs. Si je comprends bien, l'industrie est complètement en faveur de votre initiative, soit le projet de loi C-259.

M. Duncan : Oui, l'industrie minière est très enthousiaste. Elle demande la suppression de cette taxe depuis déjà quelque temps. Je crois que beaucoup de Canadiens n'ont pas encore réalisé ce qui se passe dans le secteur de l'industrie minière. Nous avons perdu la mine Giant à Yellowknife, et cette collectivité ne voyait pas l'avenir en rose; c'est alors qu'est intervenue l'industrie diamantaire. Deux mines se trouvent à 350 kilomètres de Yellowknife et on ne peut y aller que par avion. L'une de celles que j'ai visitées emploie 750 personnes. Au départ, l'embauche des Autochtones correspondait à 38 p. 100, ce qui dépasse le quota prévu. En d'autres termes, la plupart des employés sont originaires du Nord. Cette industrie a entièrement comblé rempli le vide économique à Yellowknife qui prend maintenant son envol.

Grâce aux deux mines diamantaires en exploitation dans notre pays, nous sommes maintenant le troisième plus gros producteur mondial alors que nous étions partis de zéro. L'Association minière m'a dit que si les huit autres mines environ qui sont actuellement prévues se réalisent, nous nous classerons au deuxième rang mondial.

Il est clair que l'impression qu'a le reste du monde du Canada, la notoriété que nous connaissons au sein de la communauté internationale et tout le concept de diamants canadiens, sont complètement compatibles. La demande est énorme. Aujourd'hui, pratiquement tous les diamants de l'Occident proviennent de l'Occident; ce sont de bonnes nouvelles.

Le sénateur Di Nino : Je regarde de nouveau les notes d'information préparées par le Service d'information et de recherche parlementaires, si bien que j'imagine que c'est exact. Nous sommes le seul pays producteur de diamants au monde qui ait cette taxe. Par ailleurs, toujours d'après les notes, par suite de cette taxe, les diamants extraits au Canada coûtent plus cher à l'échelle nationale que partout ailleurs au monde. Avez-vous des informations pour le vérifier? Le savez-vous?

M. Duncan : Je le sais très bien puisque j'ai moi-même fait ces déclarations. Pour savoir pourquoi un bijou produit au Canada est plus coûteux que son équivalent d'un autre pays, si le fabricant doit toujours comparaître aujourd'hui, il peut répondre à cette question en détail.

Le président : Il est possible que nous ayons un témoin; je ne suis pas sûr qu'il soit là. Nous avons l'intention de poursuivre, que nous l'entendions ou non. Nous serons également en mesure d'obtenir des informations des fonctionnaires ministériels.

Le sénateur Di Nino : D'après la recherche que j'ai effectuée, j'ai appris — et c'est une information importante — que l'industrie des bijoux est définie comme une industrie naissante dans les régions du nord de notre pays, les régions où se trouvent les Autochtones, etc. Quelqu'un a dit que l'élimination de cette taxe permettrait de créer d'autres opportunités économiques dans les régions du nord de notre pays, tant dans les territoires que dans d'autres régions. Avez-vous un avis ou des faits à ce sujet? Pouvez-vous vérifier que c'est quelque chose que vous avez également découvert lors de votre recherche?

M. Duncan : Pour ce qui est de la valeur ajoutée, l'impact sur les conditions économiques est évident, d'où tout l'intérêt d'entendre le fabricant qui vient de la région de Gatineau et qui peut en parler. Son député, un libéral, m'a parlé de son entreprise et je lui ai également parlé directement. À cause de cette taxe, il a perdu des emplois canadiens qui se sont retrouvés à l'étranger. Nous ne parlons pas ici de quelques personnes seulement, mais de plusieurs douzaines qui appartenaient à cette entreprise. J'ai communiqué avec une autre société, celle que j'ai visitée à Toronto. Elle réussit à survivre ou simplement est-ce l'avantage particulier dont elle jouit grâce à l'ingéniosité canadienne. Tant que cette taxe sera prélevée, elle empêchera le genre de croissance que nous devrions observer par suite de cette synergie particulière qui pourrait se produire. Les gens choisiront des produits canadiens dans l'industrie des bijoux à valeur ajoutée, dans la mesure où tout reste comparable. Bien sûr, ce n'est pas le cas, à cause du problème de l'établissement des prix.

Le sénateur Di Nino : Permettez-moi de poser la question sous un angle différent. Il me semble que le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest a fortement appuyé l'élimination de cette taxe et souligné son impact positif sur les collectivités. Je n'ai pas apporté ce document, veuillez m'en excuser.

M. Duncan : J'ai cette lettre ici. J'ai certainement eu des discussions régulières avec Bill Braden, qui est l'un des députés de l'assemblée législative.

Il s'agit d'une lettre — je peux la lire aux fins du compte rendu — adressée le 2 février 2005 à Ralph Goodale, ministre des Finances, par le porte-parole des Territoires du Nord-Ouest et celui du gouvernement du Québec. Il s'agit du « Plan d'action de la Stratégie pancanadienne du diamant. » Les paragraphes 2 et 3 de cette lettre se lisent comme suit :

Une des recommandations clés de ce plan vise la suppression de la taxe fédérale d'accise sur les articles de luxe, le plus tôt possible. De l'avis de toutes les personnes intéressées consultées, cette taxe est désuète, discriminatoire et contreproductive. Elle empêche de toute évidence l'essor de l'industrie des bijoux au Canada, ce qui se traduit par des pertes d'opportunités dans toutes les régions du pays. Sa simple suppression permettrait à l'industrie des bijoux d'être plus concurrentielle, d'offrir un éventail plus vaste de produits aux consommateurs canadiens et sur les marchés internationaux et de créer davantage d'emplois et de richesse. L'accroissement de l'activité commerciale générera des recettes supplémentaires pour le gouvernement fédéral grâce aux sources de revenu existantes, comme la taxe sur les produits et services et l'impôt sur le revenu. Les nouvelles recettes devraient compenser les pertes de recettes que représente l'élimination de la taxe d'accise.

Au nom de nos collègues provinciaux et territoriaux, nous vous incitons vivement à supprimer cette taxe le plus tôt possible.

Cette lettre est signée par Brendan Bell, ministre responsable des Ressources et du développement économique des Territoires du Nord-Ouest, et par Sam Hamad, ministre des Ressources naturelles de la province du Québec.

Le président : Permettez-moi de comprendre cette lettre, car nous n'avons pas eu la possibilité de la voir, monsieur Duncan. Vous avez l'appui de quel gouvernement territorial ou provincial pour ce projet de loi?

M. Duncan : L'appui du Québec et des Territoires du Nord-Ouest.

Par ailleurs, il faut dire que cette taxe crée un marché noir, ce dont le rapport Ernst & Young fait état.

Le président : En avons-nous une copie pour que nous puissions également l'annexer à notre compte rendu?

M. Duncan : Je vais vous la laisser.

Le président : Merci. Les honorables sénateurs s'opposent-ils à ce que nous annexions ces documents à notre compte rendu? Nous aimerions les faire circuler, mais nous manquons de temps.

M. Duncan : Je peux fournir des exemplaires du document en français et en anglais.

Le président : Monsieur Duncan, plusieurs autres sénateurs veulent vous poser des questions.

Le sénateur Fitzpatrick : Bienvenue, il est intéressant d'avoir un représentant de la Colombie-Britannique devant le comité sénatorial.

Habituellement, vous et moi parlons du bois d'œuvre et non des bijoux. Je vous remercie d'être ici comme parrain de ce projet de loi — qui vise à supprimer une taxe contreproductive sur les bijoux.

Je n'ai que quelques questions à vous poser. Vous avez indiqué que les futures recettes de cette taxe équivaudraient à près de 100 millions de dollars. S'agit-il du total des recettes futures ou de la valeur actualisée? Si c'est la valeur actualisée, ce serait bien moins que ces 100 millions de dollars, j'imagine.

Je me demande également si vous avez fait faire une analyse sur la création pro-forma de nouvelles entreprises et comment cela compenserait les 100 millions de dollars ou moins qui seraient perçus grâce à cette taxe au cours de la période d'élimination progressive?

M. Duncan : En février 2006, le taux sera de 6 p. 100; en février 2007, de 4 p. 100; en février 2008, de 2 p. 100; en février 2009, de 0 p. 100. À 6 p. 100, la taxe permet de percevoir près de 50 millions de dollars. À 4 p. 100 près de 30 millions de dollars; à 2 p. 100, la moitié de cela. C'est comme ça que je suis arrivé aux 100 millions de dollars.

Le sénateur Fitzpatrick : La valeur actualisée serait bien inférieure à ce montant. Par conséquent, ce chiffre est probablement élevé, plus élevé que la valeur actualisée.

M. Duncan : Je ne le contesterai pas.

Le sénateur Fitzpatrick : A-t-on calculé la nouvelle productivité qui en découlerait et ce qu'en retirerait l'économie en termes d'autres taxes non cachées?

M. Duncan : J'ai vu quelques exemples. Toutefois, je ne pense pas que quiconque ait quantifié quoi que ce soit. Mis à part le rapport Ernst & Young, il se peut que trois mémoires aient été publiés au fil des ans; toutefois, le secteur à valeur ajoutée dispose de beaucoup de preuves ad hoc et a déclaré : « Nous attendons. Nous n'allons pas investir tant que cette taxe ne sera pas supprimée. » D'autres personnes disent : « Nous avons perdu des emplois, nous avons dû faire de l'impartition. » Nous avons des fabricants canadiens qui préféreraient fabriquer des bijoux au pays, car ils pourraient le faire en fonction des quantités qu'ils souhaitent, mais qui commandent le même produit à l'étranger, uniquement en raison de cette taxe dont le coût d'observation est incroyable.

Une petite entreprise ne peut pas le calculer. Il est possible de calculer la TPS, mais pas cette taxe. Vous pouvez avoir un anneau fabriqué sur place mais qui est orné d'une pierre importée. Vous devez suivre chaque petit élément de l'ensemble, par conséquent, c'est un autre élément qui pousse à la non-observation de la taxe.

Cette situation crée tout un marché noir. Vous perdez non seulement cette taxe, mais aussi la TPS plus l'impôt sur le revenu. C'est énorme. Dans le rapport Ernst & Young, il est fortement souligné que ce qui est évité est aussi important que ce qui est perçu, cela correspondant à 10 p. 100.

Le sénateur Angus : Évité ou fraudé.

M. Duncan : On parle d'évasion fiscale.

Le sénateur Angus : Je le sais.

Le sénateur Fitzpatrick : Je me demande pourquoi les horloges normandes ne seraient pas visées par ce projet de loi. Les fabricants de ces produits ne vont-ils pas réagir? Pourquoi l'application n'est pas généralisée?

M. Duncan : C'était un problème technique d'ordre juridique. Je voulais les englober, mais j'ai parlé de bijoux à la deuxième lecture; or, l'interprétation juridique de bijoux englobe les montres mais pas les horloges. Le gouvernement à ce moment-là essayait de torpiller mon projet de loi. Par conséquent, il ne s'agissait pas de prévoir un amendement favorable.

Le sénateur Fitzpatrick : Parraineriez-vous alors un autre projet de loi visant à éliminer la taxe sur les horloges?

M. Duncan : J'espère que ce serait la seule chose qui reste une fois ce projet loi adopté. Il faut faire les calculs à la main de toute façon, ce qui veut dire qu'il faut seulement calculer un pourcentage inférieur à 10 p. 100 du chiffre d'affaires actuel. Le prochain budget s'en débarrasserait également.

Le président : Ce qui m'étonne, c'est que cette disposition pénalise les aveugles. Je ne le comprends tout simplement pas.

Le sénateur Tkachuk : J'ai une question au sujet de la TPS et de la TVP. La TPS est perçue sur la taxe d'accise ainsi que sur le prix du produit?

M. Duncan : Oui.

Le sénateur Tkachuk : J'imagine que dans ma province, ce serait la même chose pour la taxe de vente provinciale. En d'autres termes, vous payez une taxe sur la taxe d'accise.

M. Duncan : Vous payez une taxe sur une taxe, tout comme pour l'essence.

Le sénateur Tkachuk : C'est la seule précision que je cherchais, monsieur le président.

M. Duncan : Cela veut dire qu'ils perçoivent plus de TPS que normalement.

Le sénateur Goldstein : Monsieur Duncan, merci pour votre excellent exposé. Vous m'avez éclairé, tout comme mes collègues, j'en suis sûr.

Un des points que vous avez relevé m'intéresse vivement. Je me demande si vous pouvez le préciser ou si le fabricant qui va comparaître après vous peut le faire. J'ai toujours eu l'impression que cette taxe était perçue au niveau du fournisseur et non au niveau du détaillant. Si oui, est-ce que les bijoux, dans le sens le plus large du terme, ne seraient pas imposés au moment de leur importation et traités par conséquent de la même façon que les bijoux au Canada? Si cette supposition est exacte, je trouve difficile de comprendre votre affirmation selon laquelle les bijoux étrangers jouissent d'un avantage compétitif par rapport aux bijoux canadiens.

M. Duncan : En ce qui concerne le prélèvement de cette taxe sur les bijoux, je vous renvoie au rapport Ernst et Young. C'était quand elle s'élevait à 10 p. 100. Il s'agit d'une taxe de 10 p. 100 payée par les fabricants sur le prix de vente d'articles fabriqués au Canada et par les importateurs sur la valeur à l'acquitté des importations. La différence peut être assez grande entre la valeur à l'acquitté des importations et le prix de vente des produits fabriqués au Canada, autant que je sache, car parfois, les produits importés coûtent moins cher que les produits fabriqués ici. On pourrait donc parler de dumping.

Il se peut qu'il y ait une façon plus claire de l'exprimer. Je comprends le concept, mais j'ai du mal à l'expliquer.

Le sénateur Tkachuk : Cela se rapprocherait beaucoup de la taxe sur les ventes des fabricants, qui s'élevait à 13,5 p. 100 avant la TPS. Je crois que la taxe d'accise imposée aux fabricants s'élève à 10 p. 100.

Le sénateur Goldstein : L'importateur paierait exactement la même taxe. Il est faux d'affirmer que l'importateur importerait à un prix inférieur par rapport aux produits canadiens, par conséquent, on ne peut pas parler de dumping, car s'il y avait dumping, on saurait comment régler le problème dans le cadre de la Loi sur les douanes et l'accise. La question est peut-être trop technique, mais je trouve difficile de comprendre pourquoi la taxe serait de facto à l'avantage des importateurs et au détriment des fabricants canadiens. Il me semble qu'il y aurait un équilibre. Certains aspects de la taxe me dérangent, mais pas celui-ci.

M. Duncan : Je sais bien que je n'ai pas répondu à votre question comme il le fallait.

Le sénateur Goldstein : C'est une question très technique et je ne vous critique pas. Vous avez fait un excellent exposé. Il n'y a pas de mal à ce que vous n'ayez pas cette information.

Le président : Nous avons des fonctionnaires du ministère qui connaissent bien la question.

Le sénateur Angus : Monsieur Duncan, merci de votre présence. La route a été longue pour vous. Le projet de loi C-259 n'est pas la première version de cette mesure législative qui a porté d'autres numéros à diverses époques.

M. Duncan : Aucun projet de loi n'est allé plus loin que la Chambre, mais il se trouvait au Feuilleton pendant longtemps et je me suis toujours engagé à ce qu'il soit adopté un jour ou l'autre.

Le sénateur Angus : Lorsque les bijoutiers et l'industrie en question ont commencé à déployer leurs efforts dans ce sens, ils s'étaient déclarés en faveur d'une élimination graduelle, mais cela date de huit ans déjà. D'après les documents que nous avons, tout a commencé en 1996. S'ils étaient arrivés à obtenir une élimination progressive de quatre ou cinq ans à ce moment-là, tout serait terminé aujourd'hui.

À votre connaissance, pourquoi s'opposent-ils maintenant à l'élimination progressive?

M. Duncan : Tout d'abord, des fabricants et des détaillants de bijoux se battent à ce sujet au Canada depuis trois générations. Cela n'a pas commencé en 1996. M. Evenchick, de Gatineau, a rencontré pour la première fois le ministre des Finances il y a 48 ans pour essayer de se débarrasser de cette taxe. C'est une personne en particulier. D'autres ont écrit en disant que cela fait trois générations qu'elles se battent contre cette taxe.

Avec de tels antécédents, lorsque quelqu'un vous offre un cinquième de ce que vous voulez, c'est mieux que rien, au bout de plusieurs décennies. Toutefois, tous reconnaissent que cette taxe est pénible, car ils savent jusqu'à quel point elle est contre-productive. Au fur et à mesure que la phase d'élimination diminue, qui peut justifier une taxe d'accise de 4 p. 100 dont le coût d'observation est énorme et qui continue de créer un marché noir, et qui va justifier une taxe de 2 p. 100?

Le président : Disposez-vous de preuves dans les divers rapports sur le coût d'observation? Habituellement, les vérificateurs font une analyse du coût d'observation sur certains modèles d'entreprise. Pouvez-vous nous donner quelques idées sur le coût d'observation dans le cas qui nous intéresse?

Le sénateur Angus : Il en est question dans certains des mémoires, et je crois que nous avons convenu de les annexer comme pièces.

Le président : Nous abordons cette question pour la première fois et nous n'avons pas reçu beaucoup de documents à cet égard. Je me demande si l'observation fait véritablement problème ou si nous pouvons nous fier aux fonctionnaires du ministère qui pourront nous en parler? Ils font habituellement des études d'impact.

M. Duncan : Ils en ont faite une et chaque personne à laquelle j'ai parlé dans l'industrie me dit que l'étude du ministre des Finances ne reflète pas la réalité. J'ai parlé à des investisseurs qui refusent d'investir, car ils ne peuvent pas s'occuper de l'observation de cette taxe. C'est un coût d'observation de 100 p. 100, dans un certain sens.

Les petits entrepreneurs travaillent aussi longtemps qu'il le faut, mais pourquoi les astreindre à des activités non productives 30 p. 100 de leur temps? Je ne pense pas qu'il y ait une façon de déterminer ce coût.

Le président : Notre comité a tendance à privilégier la productivité, si bien que nous comprenons votre point de vue.

Le sénateur Angus : Au cours de cette période, lorsque vous avez défendu l'abolition de cette taxe, vous nous avez dit que le comité de la Chambre des communes s'en était occupé et avait conclu qu'il s'agissait d'un anachronisme, et autres termes péjoratifs du même genre. Étiez-vous membre de ce comité ou pouvez-vous confirmer si cela s'est effectivement produit?

M. Duncan : C'est ce qui est arrivé.

Le sénateur Angus : Cela s'est-il produit à deux occasions au moins?

M. Duncan : Oui. Je peux citer les recommandations du budget du cinquième rapport du comité des finances. Je crois que c'était en 1996, d'après la date ci-dessous.

Le sénateur Angus : C'est exact.

M. Duncan : À la page 28 :

Le comité sympathise avec le secteur de la bijouterie et juge anachronique la taxe d'accise de 10 p. 100. Si le but est de taxer les objets de luxe, la taxe ne devrait pas frapper les bijoux bon marché mais beaucoup d'autres articles comme les yachts, les domaines, les manteaux de vison, le caviar et le champagne. La taxe d'accise devrait être abolie.

Cela provient du Comité permanent des finances en 1996. Pour des raisons semblables ou selon la même logique, le Comité permanent des finances, selon les députés qui y siègent, à tout le moins, a accepté une recommandation déposée à la Chambre en septembre 2004, préconisant une élimination progressive.

En ce qui concerne le comité, le gouvernement disait que le comité multipartite avait recommandé l'élimination progressive. Encore une fois, c'était mieux que rien. Ils pensaient que cette recommandation était plus convaincante. Même si beaucoup appuyaient cette recommandation, ils ont accepté cette élimination progressive juste parce qu'ils pensaient que cela pouvait leur permettre d'atteindre le but recherché.

Non, c'est ce qui a été présenté au Comité permanent des finances. Il s'agit des mêmes gens qui ont accepté de repartir de zéro : pas d'élimination progressive; débarrassons-nous simplement de cette taxe.

Le sénateur Angus : C'est ce que je voulais dire en premier lieu. Deuxièmement, certains de l'industrie m'ont fait remarquer qu'en prévoyant ce programme d'élimination progressive sur quatre ans, le gouvernement a en fait admis que la taxe est anachronique et doit être abolie et qu'il s'agit juste d'une question de calendrier. Un des messieurs de l'Association des bijoutiers m'a indiqué que c'est comme si des gens de la justice disaient : « Nous convenons que nous vous avons mis en prison par erreur, que vous y avez été maltraité, mais vous devez y rester cinq ans de plus pendant que nous réfléchissons à la question. » Je ne sais pas ce que vous en pensez. Dans tout le travail que vous avez effectué à ce sujet, le gouvernement vous a-t-il jamais donné une raison convaincante de ne pas abolir la taxe maintenant?

M. Duncan : Autant que je sache, d'après ce que disent les fonctionnaires du ministère des Finances, c'est uniquement une question de perte de sources de revenus. Selon moi, non seulement est-ce abordable, mais les sources de revenus se maintiendraient sans problème. En fait, on dispose de nouvelles sources de revenus, comme les nouveaux revenus provenant des diamants, qui en 2003, se sont élevés à quelque 500 millions de dollars, somme que le gouvernement fédéral n'avait pas auparavant. Je ne comprends pas cette logique. C'est tout simplement une vue diamétralement opposée du monde et je n'arrive pas à la comprendre.

Le sénateur Angus : Je me demandais si des raisons avaient été données. Les revenus sont une affaire de chiffres. Nous connaissons tous pareille logique. Si vous encouragez la croissance d'une industrie, elle deviendra plus productive, elle produira plus d'impôts sur le revenu, de TVP et de TPS. Cet argument ne me convainc pas, mais je me demande si le ministère des Finances vous a donné d'autres raisons quant au maintien de cette taxe. J'ai fait des recherches et je n'ai trouvé nulle part de raison convaincante relative au maintien de cette taxe. Nous sommes le seul pays du monde industriel à percevoir une telle taxe punitive, anachronique et ridicule.

M. Duncan : Je crois que c'est la raison principale. Officiellement, le ministère va déclarer qu'il n'est pas d'accord avec la conclusion selon laquelle cette taxe donne lieu à un marché noir très important. Il ne va pas accepter certains autres arguments, mais justifier son opposition en disant qu'il ne s'agit que d'une question de source de revenus.

Le président : Je crois que nous nous sommes penchés sur ce point. Je suis toujours intéressé par ce qui s'est passé.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que vous avez finalement présenté votre projet de loi à la Chambre des communes en 2004, lorsque votre nom a été tiré au sort. Quand avez-vous commencé à travailler sur ce dossier?

M. Duncan : C'était en 2000. Je siégeais au sein du Comité des ressources naturelles en 1998-1999. C'est à ce moment-là que j'en ai pris conscience pour la première fois et que j'ai commencé à faire ce travail. Il s'agissait simplement de présenter un projet de loi pour s'en débarrasser. C'est ce que j'ai fait; même si cette question ne m'a pas pris tout mon temps, je l'ai toujours eu à l'esprit.

Le sénateur Moore : Vous avez dit que la taxe avait été instituée en 1918, comme l'indique le rapport.

Le président : Il s'agissait d'une mesure temporaire, tout comme l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Moore : Cherchait-on à générer des recettes fiscales afin de participer à l'effort de la Première Guerre mondiale?

M. Duncan : C'est ce que j'ai cru comprendre.

Le sénateur Moore : Ce que vous avez dit au sujet des recettes de cette taxe dont bénéficie maintenant le Trésor depuis 2003 m'a impressionné. Vous avez parlé des 500 millions de dollars de recettes fiscales qui n'existaient pas avant que l'industrie du diamant ne prenne son envol. Avez-vous dit que dans le proche avenir, quelque huit mines supplémentaires pourraient être mises en exploitation?

M. Duncan : Oui, c'est exact. Elles ne se trouvent pas toutes au nord du 60e parallèle; certaines sont situées dans des provinces.

Le sénateur Moore : Pensez-vous que — j'imagine que c'est évident, mais j'aimerais que ce soit consigné au compte rendu — la suppression de cette taxe et l'adoption de votre projet de loi accélèreraient la mise en exploitation de ces mines? Observez-vous un blocage ou un manque d'investissement opportun à cause de cette taxe?

M. Duncan : Non, je n'irais pas jusque-là. Toutefois, permettez-moi de brosser le tableau. La mine de Diavik qui représente un investissement de 1,3 milliards de dollars se trouve à 350 kilomètres de Yellowknife et n'est desservie par aucune route. Il s'agit d'une considérable infrastructure qui emploie 750 personnes très bien rémunérées. Ces gens-là déplacent des dizaines de milliers de tonnes de roches et de boue par an pour créer l'équivalent d'une baignoire pleine de diamants, dont une partie seulement est de bonne qualité. Nous devrions prendre ces diamants de bonne qualité et créer une valeur ajoutée au Canada. C'est un actif précieux que nous laissons filer entre nos doigts.

Le président : Monsieur Duncan, j'ai une ou deux questions rapides. Comme vous le savez, notre comité a étudié la question de la productivité. Nous avons entendu le ministre des Finances, le ministre de l'Industrie, le premier ministre et diverses autres sources dire que l'amélioration de la productivité est l'un des éléments importants de la nouvelle stratégie économique du Canada. Les membres du comité se sont engagés dans le cadre de l'examen de toutes sortes de mesures législatives à déterminer si elles améliorent la productivité économique du Canada ou si elles l'entravent. Lorsque nous nous pencherons sur le projet de loi C-55 plus avant, nous examinerons si la structure réglementaire créerait plus de paperasserie administrative ou si elle serait susceptible d'améliorer la productivité du Canada.

Je ne sais pas si vous avez des statistiques à ce sujet : Quel est le pourcentage que représente l'exportation de bijoux fabriqués au Canada? Nous sommes au courant des importations.

M. Duncan : Je ne peux pas répondre à cette question. Toutefois, je sais que la qualité de nos produits fabriqués dans certaines de nos usines fait l'objet d'une demande à l'échelle internationale. J'ai pu ainsi constater que l'usine Corona avait des commandes des États-Unis, de l'Australie, de l'Europe et de l'Asie.

Le président : Que fabrique-t-on dans cette usine?

M. Duncan : Des bagues haut de gamme.

Le président : Aucune de vos statistiques ne pourrait indiquer le pourcentage de nos exportations.

M. Duncan : Non. Il est intéressant de noter que l'industrie de la bijouterie est énorme, mais que nous avons de petites entreprises qui emploient moins de 20 personnes. Je n'ai que deux membres de l'Association canadienne des bijoutiers dans ma circonscription, mais les bijoutiers sont nombreux. Comment arriver à des statistiques dans un tel contexte?

Le président : Je le comprends. Nous parlons de ceux qui fabriquent ces produits au Canada à des fins d'exportation. Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Angus : Ce que je voulais dire, c'est que le témoin a été convoqué avec très peu de préavis. Il nous a dit officieusement, avant le début de la séance, qu'il voulait faire une déclaration aux fins du compte rendu. L'Association canadienne des bijoutiers devait à l'origine comparaître en tant qu'association, mais elle lui a confié le mandat de faire une déclaration en son nom. J'aimerais que M. Duncan ait cette possibilité.

Le président : Je vais la lui accorder. Normalement, c'est ce que nous faisons par courtoisie à l'égard du sénateur qui présente le projet de loi. Sénateur Di Nino, avez-vous autre chose à dire?

Le sénateur Di Nino : Nous devrions consigner au compte rendu que de 40 000 à 50 000 personnes sont employées dans notre pays par cette industrie et que l'on recense quelque 5 000 bijoutiers, la plupart d'entre eux étant de petits bijoutiers dans les villes. Je veux que ce soit inscrit au compte rendu, dans la mesure où c'est exact et cadre avec vos informations et votre recherche.

M. Duncan : Ces chiffres semblent exacts, même s'ils sont tous approximatifs. Beaucoup de Canadiens pensent, comme moi autrefois, que cette industrie est vieux jeu, pas très importante et ne dessert que les riches. Ce n'est absolument pas le cas. L'achat moyen de bijoux dans le pays revient à moins que le prix d'un repas au restaurant que vous offririez à votre conjoint.

Le sénateur Di Nino : Peut-on dire, monsieur Duncan, qu'il s'agit d'une industrie composée de petites entreprises, à quelques exceptions près?

M. Duncan : Oui. Au Canada, elle se compose essentiellement de petites entreprises, mais elle est prête à exploser et à bénéficier de nouveaux investissements importants pour contribuer de façon considérable à l'emploi et à l'économie du Canada, dans la mesure où on le veut bien.

Le sénateur Di Nino : Est-ce que l'abolition de la taxe d'accise permettrait d'atteindre ce but?

M. Duncan : On gagnerait trois ans, en pareil cas.

Le président : Je vais céder la parole au sénateur Angus, pendant une ou deux minutes, sans l'interrompre.

Le sénateur Angus : J'aimerais vous poser une question, monsieur Duncan, au sujet de cette déclaration que vous aimeriez consigner au compte rendu conformément au mandat que vous a confié l'Association canadienne des bijoutiers. Ce faisant, pouvez-vous nous parler un peu de cette association, de combien de membres elle se compose et qui sont ses membres de façon générale.

M. Duncan : Je ne sais pas exactement quand l'Association a été créée, mais si je ne me trompe, c'était il y a 25 ans environ. Au moment de sa création, elle avait pour seule mission de se débarrasser de la taxe d'accise; cette mission reste inchangée. Beaucoup de personnes fatiguées et frustrées et cyniques font partie de l'Association canadienne des bijoutiers et ne cessent de se heurter à un mur à Ottawa. Pratiquement tous les gouvernements et tous les ministres des Finances ont promis d'abroger cette taxe. Pour une raison ou une autre, cela ne s'est pas encore fait. J'espérais que notre autre témoin soit là, car il aurait pu vous expliquer le tout en détail. Peut-être n'avez-vous pas besoin d'entendre tout ceci; quant à moi, je connais certes bien la question.

À 15 h 50 aujourd'hui, alors que je me préparais à venir ici, j'ai reçu un appel téléphonique de Morris Robinson, président du comité de la taxe d'accise de l'Association canadienne des bijoutiers. Il m'a dit que compte tenu du mauvais temps, du préavis et de la confiance qu'ils on en moi de faire avancer ce projet de loi, qui cadre complètement avec leur mandat, ils souhaitaient que je transmette ce message au comité, vu que ma comparution, à leur avis, est suffisante et qu'il ne serait pas nécessaire pour eux de comparaître. Je tenais à le dire, car je ne veux pas que le comité puisse penser ne pas avoir été suffisamment informé du point de vue de l'industrie.

Le président : Monsieur Duncan, au nom de tous les sénateurs, je vous félicite pour tous vos efforts. Les gens ne comprennent pas souvent qu'un parlementaire, qu'il s'agisse d'un député ou d'un sénateur, puisse changer les choses. Vous avez tenté de porter cette question à notre attention et vous vous êtes heurté à de nombreux obstacles si bien que nous sommes heureux que vous y soyez parvenu aujourd'hui, même à très court préavis. Nous devons entendre d'autres témoins afin d'avoir des témoignages équilibrés. L'aperçu que vous nous avez donné de cette industrie est intéressant et perspicace. Nous remercions le sénateur Di Nino, parrain du projet de loi au Sénat.

Nous avons un conflit dont j'aimerais vous parler. Si nous choisissons de réduire le taux, cela pourrait avoir un effet majeur sur nos propres budgets que nous consacrons à nos épouses et à nos proches. Nous allons essayer de surmonter ce parti pris.

Avez-vous autre chose à dire?

M. Duncan : C'est la première fois que je comparais devant un comité sénatorial. Je suis à la Chambre depuis maintenant 12 ans et j'en suis à ma 13e année. L'expérience a été agréable. Je suis étonné de voir combien de sénateurs je connais, d'une façon ou d'une autre.

Le sénateur Angus : Il se peut qu'il y ait un poste vacant pour la C.-B.

M. Duncan : Sénateur Grafstein, nous avons passé beaucoup de temps ensemble au sein du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis ainsi qu'à d'autres occasions. Tout cela a été utile et productif et je connais bien votre dynamisme.

Merci de m'avoir reçu ici.

Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos prochains témoins. Il s'agit de deux fonctionnaires du ministère des Finances, M. Otto et M. Daman. Nous avons essayé de vous recevoir plus tôt. Nous savons que vous êtes occupés par d'autres questions. Veuillez nous excuser, mais nous avons reçu du Sénat le mandat de traiter de cette question rapidement. Ce n'est pas quelque chose qui vous est étranger. Vous avez entendu le témoignage de M. Duncan et du motionnaire du projet de loi au Sénat, le sénateur Di Nino.

J'aimerais que vous essayez brièvement d'aborder certaines des questions qui, à votre avis, sont les plus importantes, et de donner aux sénateurs autant de latitude que possible pour répondre aux questions. Certaines questions nous préoccupent au sujet de l'impact de la perte de ces revenus et des compensations. Il serait utile que vous nous donniez quelques indications à cet égard. Je vous cède maintenant la parole.

Le sénateur Tkachuk : Parlent-ils au nom du ministre ou simplement à titre de fonctionnaires du ministère?

Le président : Si je ne me trompe, ils parlent au nom du ministre. Allez-y. Nous connaissons ce projet de loi et vous écoutons.

Jim Daman, directeur, direction générale de la taxe de vente, Division de la taxe de vente, ministère des Finances Canada : Nous parlons au nom du ministère.

Le président : Nous le savons, allez-y.

Andrew Otto, agent principal de la politique de l'impôt, Division de la taxe de vente, ministère des Finances Canada: La taxe d'accise sur les bijoux est actuellement appliquée à un taux de 8 p. 100, depuis le budget 2005, et elle est perçue conformément à la partie III de la Loi sur la taxe d'accise. Elle s'applique actuellement aux bijoux proprement dits, aux bagues et aux diamants, ainsi qu'aux montres et aux horloges et aux articles composés de pierres semi-précieuses.

Comme l'ancienne taxe de vente fédérale, la taxe d'accise est perçue auprès des manufacturiers et des importateurs. Sous cet aspect, elle a une structure similaire à l'ancienne taxe de vente fédérale. Ce sont les producteurs et les importateurs qui doivent la payer. La taxe n'est pas perçue sur les exportations comme c'était le cas pour l'ancienne taxe de vente fédérale. Elle est payable au moment où le manufacturier livre le bijou à une personne non titulaire de licence, un détaillant ou un négociant en gros. Elle est payable par l'importateur au moment où le produit est importé. Cette taxe ne date pas d'hier; elle remonte à 1918 ou à peu près.

Voilà plusieurs années que l'industrie fait pression en faveur de l'élimination de cette taxe. Il s'agit de l'une des mesures mises de l'avant pour alléger le fardeau fiscal.

Au moment du budget 2004, le ministre a indiqué qu'il allait demander l'aide du comité permanent de la Chambre des communes pour examiner quelques-unes de ces propositions, y compris celle mise de l'avant par l'industrie de la joaillerie, en évaluer les mérites respectifs et établir un ordre de priorité entre ces différentes mesures d'allégement fiscal. Le ministre a écrit au comité en 2004 pour lui demander de procéder à cette évaluation.

En octobre 2004, le Comité des finances de la Chambre des communes a présenté son rapport dans lequel il recommandait que la priorité soit accordée parmi ces propositions à celle de l'industrie de la joaillerie en précisant que le gouvernement fédéral devrait soit éliminer progressivement la taxe d'accise sur les bijoux sur une période de cinq ans, soit hausser graduellement sur cette même période les seuils à compter desquels la taxe est perçue de telle sorte que cette taxe n'existe plus au bout de cinq ans.

Ces recommandations ont été prises en compte dans l'établissement du budget 2005. Il a été annoncé dans ce budget que la taxe serait éliminée sur une période de quatre ans, en débutant avec une réduction entrant immédiatement en vigueur en février 2005, suivie de diminutions successives de deux points de pourcentage de telle sorte que la taxe qui se situait à 10 p. 100 à ce moment-là soit éliminée complètement au 1er mars 2009.

C'est la situation actuelle dans le dossier de cette taxe. Elle est similaire à l'ancienne taxe de vente fédérale et on a annoncé son élimination progressive. Grâce au budget 2005, cette taxe s'établit actuellement à 8 p. 100.

Il était important de procéder en tenant compte du cadre financier en place étant donné les nombreuses requêtes adressées au ministère en faveur d'un allégement fiscal. Il était nécessaire d'établir des priorités et de s'entendre sur la bonne façon de faire les choses. C'est ainsi qu'on a procédé pour l'élimination progressive de cette taxe annoncée dans le budget 2005.

Voilà qui résume la situation actuelle dans le cas de cette taxe.

Le président : Les sénateurs peuvent ainsi y voir plus clair. Je vais donner d'abord la parole au sénateur Di Nino, celui qui a présenté ce projet de loi au Sénat.

Le sénateur Di Nino : Nous sommes quelques-uns autour de cette table à avoir porté les stigmates de la TPS. La TPS a été mise en œuvre par notre parti, qui n'a pas bien vendu l'idée selon moi, pour se débarrasser de la taxe de vente à la fabrication et de la taxe de vente fédérale.

La TPS est entrée en vigueur et ces autres taxes ont été éliminées dans tous les secteurs, à l'exception de l'industrie dont nous parlons. Pourquoi cette industrie a-t-elle été ainsi ciblée? J'y vois pour ma part un traitement inéquitable. Pourquoi s'en prendre à cette seule industrie alors qu'on avait réussi à faire adopter la TPS pour supprimer cette taxe?

Vous pouvez toujours me répondre que cela relève des politiques publiques et que je devrais poser la question au ministre. C'est une question à laquelle je n'ai pas encore pu obtenir une réponse.

M. Otto : Je ne voulais pas induire le comité en erreur en l'amenant à croire que la taxe de vente fédérale ne s'applique plus qu'à l'industrie de la joaillerie. Je dis simplement que la structure et la nature de cette taxe sont semblables à celles de la taxe fédérale. Il en va de même des autres taxes d'accise qui sont applicables au tabac et aux carburants. Elles sont imposées au niveau des manufacturiers, ce qui fait que leur structure est semblable à celle de la taxe de vente fédérale, mais il ne s'agit pas vraiment d'un maintien de cette taxe.

Le sénateur Di Nino : Je ne parlais pas de la taxe de vente fédérale. J'ai bien dit la taxe de vente à la fabrication.

M. Otto : Je crois qu'il s'agit d'une seule et même taxe.

Le sénateur Di Nino : Je vous dis simplement qu'il en était ainsi. C'est une industrie qui influe sur tout le spectre économique de notre pays. L'industrie peut desservir absolument tous les citoyens du Canada, même ce petit garçon qui va acheter un cadeau de 5 $ pour sa mère pour Noël et doit payer cette taxe de luxe sur son présent. On aurait pu croire que l'avènement de la TPS qui s'applique également à ce bibelot de 5 $, voire même de 3 $, aurait entraîné l'élimination de cette autre taxe.

Le président : Voilà que les sénateurs présentent des témoignages plutôt que de poser des questions. Je n'ai pas d'objection. Je suis libéral, et cela doit se traduire dans mon approche, mais il faudrait quand même poser des questions aux témoins.

Le sénateur Di Nino : À combien s'est chiffré l'excédent budgétaire en 2005? Ne parlait-on pas de dizaines de milliards de dollars? Quelles seront les recettes fiscales totales générées par cette mesure dont nous parlons au cours de l'année budgétaire 2005?

M. Otto : Je crois que ces recettes devraient s'élever à environ 70 millions de dollars pour l'exercice financier 2005-2006. Cette taxe générait des recettes approximatives de 85 millions de dollars par année lorsqu'elle s'établissait à 10 p. 100. Comme elle se situe maintenant à 8 p. 100, ce serait donc nos estimations pour l'exercice en cours, si la taxe n'est pas éliminée avant la fin de l'année.

Le sénateur Di Nino : Il s'agit d'un montant négligeable par rapport à l'excédent budgétaire total.

Le président : Serait-il possible de poser des questions, s'il vous plaît?

Le sénateur Di Nino : C'était une question.

Le président : C'était plutôt un énoncé déclamatoire.

Le sénateur Di Nino : Le sénateur Goldstein est d'accord avec moi.

Le président : Nos témoins sont des fonctionnaires; il est injuste de les amener sur ce genre de terrain.

Le sénateur Di Nino : C'était le sens de mon intervention. Si cela ne convient pas, vous me dites que ce n'est pas à eux que nous devrions poser la question. Mais il faudrait la poser à quelqu'un d'autre.

Le président : Au besoin, vous pouvez faire porter votre question au compte rendu mais, de grâce, permettez-nous de poursuivre.

Le sénateur Di Nino : Compte tenu des énormes excédents budgétaires totaux, ces recettes sont-elles assez considérables pour que l'on puisse considérer que le gouvernement a vraiment besoin de cet argent?

M. Otto : Il s'agit plutôt de respecter le cadre financier. Toute forme de dépense ou de mesure de réduction fiscale doit pouvoir s'inscrire dans le cadre financier en place. Au cours du processus de planification qui a mené au budget 2005, comme c'est le cas pour tout budget, il a fallu planifier les priorités. Il est fort possible que le gouvernement ait eu un certain nombre de priorités en matière de réduction fiscale et de dépenses qui ont pu influer davantage sur le processus que le mérite absolu d'une proposition par rapport à une autre. Le problème consiste à marier les différentes priorités.

Le sénateur Di Nino : Est-ce une question de choix?

M. Otto : Oui.

Le sénateur Di Nino : Nous avons donc choisi d'imposer une taxe de 10 p. 100 sur un bijou de 3 $, mais aucune taxe sur un yacht?

M. Otto : Cette taxe ne s'applique pas aux yachts.

Le sénateur Goldstein : Dans le contexte de tous ces autres produits de luxe qui en sont exemptés, la nature discriminatoire de cette taxe préoccupe bon nombre des gens ici présents, parce qu'elle ne semble pas trouver sa justification dans le simple fait d'assurer une source de revenu fiscale supplémentaire au gouvernement, sans que cette mesure ne soit généralisée, mais en ciblant plutôt un secteur particulier de l'économie. Cela peut à la rigueur se comprendre quand on considère la taxe d'accise sur les carburants ou toute autre taxe d'accise d'application générale. Dans le cas qui nous intéresse, il semble bien qu'on ait toutefois affaire à une forme toute particulière de la taxe d'accise. C'est l'un des aspects de la question qui me préoccupe.

Il y a un autre élément qui m'inquiète. Je ne sais pas si vous étiez présent lorsque j'ai posé la question à M. Duncan. Peut-être que ma question n'était pas suffisamment claire, ou peut-être était-elle trop technique. J'essaie de laisser de côté ma formation d'avocat, mais c'est parfois difficile. Peut-être pouvez-vous m'aider à mieux comprendre.

Ma question concerne précisément la capacité concurrentielle et la nécessité de s'assurer que notre industrie canadienne demeure apte à soutenir la concurrence. Au cours des présentes audiences, notre président a de nouveau fait référence à cette question qui est tout à fait fondamentale pour lui comme pour nous tous.

La structure de cette taxe comporte-t-elle des avantages pour les importateurs de produits étrangers? Si une pièce de bijouterie fabriquée au Canada est exportée, existe-t-il une technique pour obtenir des rabais ou des remboursements au titre des composantes de cette pièce pour lesquelles le fabricant a payé des taxes parce qu'il a obtenu ces composantes d'autres fabricants locaux, de telle sorte qu'il puisse en faire l'exportation en étant exempté de cette taxe d'accise, ce qui lui permettrait de mieux soutenir la concurrence sur les marchés mondiaux?

Le président : Il s'agit de limiter l'effet de la taxe pour que l'exportation soit possible.

M. Otto : La taxe est conçue de manière à régler les problèmes de concurrence et à faire en sorte que l'industrie canadienne de la fabrication bénéficie d'un traitement équitable dans le contexte des importations. La taxe est perçue tant sur les importations que sur les bijoux fabriqués au Canada, suivant les mêmes taux. Les exportations en sont exemptées. Ainsi, aucune taxe n'est appliquée aux bijoux qui sont produits au Canada et vendus directement par les fabricants sur les marchés d'exportation.

Ceci étant dit, et pour être tout à fait équitable envers M. Duncan, il existait effectivement un problème avec l'application de l'ancienne taxe de vente fédérale, et ce problème persiste. Nous avons eu droit à des argumentations faisant valoir qu'il était difficile de comparer le prix de vente d'un produit fabriqué au Canada et la valeur à l'acquitté d'un produit semblable. Les exposés en ce sens nous ont été présentés à l'époque de la taxe de vente fédérale en indiquant que les prix payés pour les bijoux n'étaient pas vraiment comparables, et que le fait d'avoir à payer la valeur à l'acquitté favorisait les fabricants étrangers par rapport aux joailliers canadiens. La loi est conçue de manière à assurer l'équité, mais la façon dont elle est administrée et dont les deux sont calculés procurerait un tel avantage, selon les argumentations que nous avons entendues. Par exemple, des éléments comme les coûts de publicité qui pourraient normalement être inclus dans le prix de vente au pays ne sont pas nécessairement intégrés à la valeur à l'acquitté.

Certains intervenants nous ont fait valoir que le régime n'est pas tout à fait équitable. Le problème ne réside pas vraiment dans le libellé de la loi. Je crois qu'elle a été rédigée de façon à assurer l'équité. Les mêmes difficultés se posaient avec l'ancienne taxe de vente fédérale.

Le président : Nous avons éprouvé les mêmes problèmes avec la taxe de vente à la fabrication dans le passé. Ce n'est pas nouveau. Il est très difficile pour les petits fabricants de faire la distinction entre ces deux éléments pour faire leurs calculs. La comptabilisation entraîne des coûts importants pour eux lorsqu'il s'agit de distinguer exportation et marché intérieur. Cela entraîne certaines complications et je crois que ces préoccupations ont été prises en compte. Est-ce que c'est ce que vous avez pu constater?

M. Otto : Il s'agit d'établir la comparaison entre les bijoux importés et ceux fabriqués au Canada. On peut avoir l'impression que les importateurs bénéficient d'un avantage parce que la valeur à l'acquitté n'inclut pas toujours les éléments compris dans la taxe de vente. La comptabilisation est un autre problème pour les petites entreprises. Si on prend l'exemple de la TPS qui s'applique à tous, il devient plus simple de tenir une comptabilité à cet égard qu'une comptabilité distincte pour les produits exportés et ceux vendus au pays.

Le sénateur Tkachuk : En principe, le ministère des Finances n'a rien à redire de ce projet de loi.

M. Daman : C'est difficile à dire. En principe, le ministère des Finances, ou le gouvernement, est favorable à l'élimination de la taxe ou à sa suppression progressive.

Le sénateur Tkachuk : En principe, vous êtes d'accord pour que la taxe soit supprimée; il s'agit simplement de s'entendre sur le moment.

M. Daman : Si on considère une perspective de cinq ans, c'est probablement l'objectif visé.

Le sénateur Tkachuk : Il est bien évident que le gouvernement veut se débarrasser de cette taxe comme en témoigne son élimination progressive; cela sera fait dans quatre ou cinq ans. En principe, la suppression de cette taxe de 10 p. 100 ne pose aucun problème; il s'agit simplement de déterminer à quel rythme et quand exactement cela sera fait.

M. Daman : Tout dépend des coûts pour le régime fiscal dans le contexte du budget 2005.

Le sénateur Tkachuk : Je vous ai entendu parler du cadre financier ainsi que des dépenses et des recettes qui en font partie. Selon moi, c'est dans son budget qu'on peut retrouver le cadre financier d'un pays. Je vous pose la question. Une question technique, en fait. Le cadre financier est-il bel et bien établi dans le budget?

M. Daman : Oui, tout à fait.

Le sénateur Tkachuk : Les 4,5 milliards de dollars prévus dans le second budget, la deuxième étape convenue par le NPD et les libéraux à l'époque, ne s'inscrivaient-ils pas dans le cadre financier budgétaire?

M. Daman : Vous dépassez un peu le champ de mes compétences; je suis plutôt un spécialiste des questions techniques.

Le sénateur Tkachuk : Passons donc à la question des dépenses. Est-ce que les 5 milliards de dollars annoncés pour les nouveaux avions de transport militaire s'inscrivent dans le cadre financier en place?

M. Daman : Je ne peux pas vraiment répondre à cette question là non plus.

Le sénateur Tkachuk : J'essaie simplement de comprendre comment vous pouvez faire valoir l'argument du cadre financier si vous êtes incapable de me dire ce qu'il inclut exactement.

M. Daman : Nous donnons simplement notre point de vue sur les questions techniques liées à la taxe de vente pour alimenter les décisions que le gouvernement peut prendre relativement à son cadre financier global.

Le sénateur Tkachuk : Je sais tout cela, mais mes questions sont d'ordre technique.

M. Daman : Mes connaissances techniques ne me permettent pas d'y répondre.

Le sénateur Tkachuk : Très bien. Je ne voulais pas vous mettre dans une position embarrassante. J'essaie simplement d'aller au fond des choses en faisant valoir que les principes ne sont pas en jeu en l'espèce; c'est simplement une affaire d'échéancier. Le gouvernement veut se débarrasser de cette taxe et il souhaite le faire au cours des quatre ou cinq prochaines années, mais c'est juste une question de temps.

J'ai posé tout à l'heure une question à M. Duncan concernant la TPS de 7 p. 100 qui est perçue non seulement sur le prix du produit, mais aussi sur la taxe d'accise. L'élasticité est un principe que vous connaissez bien dans vos fonctions de technicien ou d'économiste. J'ai l'impression que si le prix d'un produit est moins élevé, on en vendra davantage, ce qui créera des recettes supplémentaires grâce à la TPS. Ai-je raison de penser ainsi?

M. Otto : Si on considère un seul produit isolément, il est vrai que plus vous réduisez son prix, plus vous allez en vendre. Pour ce qui est des recettes totales tirées de la TPS, il est possible qu'il n'y ait pas d'augmentation nette si on fait simplement passer les dépenses discrétionnaires d'un secteur à un autre, c'est-à-dire si on dépense plus pour les bijoux, mais moins dans un autre secteur. Si on parle d'un produit en particulier, je suis effectivement tout à fait d'accord avec vous, sénateur, mais lorsqu'on examine la situation dans son ensemble, si les dépenses discrétionnaires passent simplement d'un secteur à un autre, il n'y aura pas nécessairement de gains nets au chapitre des revenus tirés de la TPS.

Le sénateur Tkachuk : Je voulais faire valoir que nous allons perdre ce 10 p. 100. Supposons par exemple une dépense d'un dollar. Il y aura dix sous qui vont demeurer dans les poches du consommateur, plutôt que de se retrouver dans les coffres du gouvernement. Ces sommes seront consacrées à d'autres articles de consommation ou déposées à la banque pour permettre des emprunts. Autrement dit, davantage de recettes seront générées de telle sorte que vos coûts nets, ces 70 millions de dollars, pourraient très bien disparaître complètement ou être réduits de moitié. Ces sommes seront dépensées ailleurs et des recettes fiscales en découleront. Je vous pose la question.

M. Otto : Oui, mais qu'est-ce que vous voulez savoir exactement?

Le sénateur Tkachuk : Je veux faire valoir que le gouvernement n'aura plus cet argent, c'est le consommateur qui pourra en disposer.

M. Otto : Comme il s'agit d'une taxe à la fabrication, ce sont les importateurs et les fabricants qui en disposeront au départ.

Le sénateur Tkachuk : Je présume que le consommateur profitera d'une réduction de 10 p. 100 en bout de ligne.

M. Otto : Oui, cela fait partie du prix d'un produit.

Le sénateur Tkachuk : En éliminant cette portion du prix, on peut conclure que les sommes en question demeureront dans les poches des consommateurs.

M. Otto : On peut le supposer, effectivement.

M. Daman : En présumant que le prix sera bel et bien réduit et que le fabricant ne décidera pas de garder la différence pour lui, notamment.

Le sénateur Tkachuk : Ces sommes seront dépensées ailleurs et d'autres recettes fiscales seront générées.

M. Otto : Comme j'essayais de le faire valoir avec mon exemple de la TPS, il est difficile de considérer un seul secteur isolément et de simplement conclure que ces sommes seront utilisées ailleurs. Il est possible que les recettes tirées de la TPS n'augmentent pas s'il n'y a pas accroissement général des dépenses de consommation.

Le président : Je crois que le sénateur Tkachuk, et il me corrigera si je me trompe, veut indiquer que les contribuables disposeront de 70 millions de dollars de plus qui n'iront pas dans les coffres du gouvernement, et qu'ils ne vont pas nécessairement économiser ces sommes, mais aussi acheter d'autres biens. Peut-être qu'au lieu d'acheter une bague valant 500 $, ils vont en choisir une de 1 000 $.

Je crois que c'est là où le sénateur veut en venir. La perte de 70 millions de dollars sera compensée en partie par les recettes de TPS provenant des dépenses additionnelles. Est-ce bien là votre question?

Le sénateur Tkachuk : Oui, c'est ma question.

Le président : Quelle est la réponse?

Le sénateur Angus : Je répondrais que cela me semble tout à fait logique.

Le président : M. Duncan et le sénateur Di Nino ont fait valoir que la perte de 50 millions de dollars ou de 60 millions de dollars pour le régime fiscal pourrait être compensée par des recettes de TPS dans d'autres catégories, ce qui fait qu'il ne s'agit pas d'une perte fiscale nette de 70 millions de dollars considérée isolément. C'est vraiment ce que M. Duncan nous a indiqué. Quel est votre avis? D'un point de vue technique, qu'en pensez-vous?

M. Daman : Si les gens disposent de fonds supplémentaires et les utilisent pour acquérir d'autres biens en payant des taxes à ce titre, on peut présumer qu'il y aura un certain effet, mais je ne peux pas affirmer avec certitude que les pertes seront totalement compensées.

Le sénateur Angus : Un sénateur libéral m'a demandé de vous lire un extrait de la séance du 3 novembre. Cet extrait comprend une question pour laquelle le sénateur Maheu, qui est également présidente pro tempore du Sénat, aimerait obtenir une réponse. Voici ce qu'elle a dit :

Je trouve carrément méprisant que les hauts fonctionnaires du ministère des Finances continuent de tergiverser dans ce dossier et de contrarier et malmener les intervenants de l'industrie des bijoux ainsi que l'ensemble des Canadiens en proposant de réduire progressivement cette taxe, ce qui est parfaitement insensé.

J'estime que ce projet de loi doit être envoyé à un comité dans les meilleurs délais. Lorsque le comité l'étudiera, j'aimerais que quelqu'un demande aux bureaucrates par quelle circonvolution ou calcul béotien ils ont pu aboutir à la conclusion qu'un bijou de 3 $ constituait un objet de luxe.

Messieurs, avez-vous une réponse pour elle?

Le président : Il arrive, monsieur Otto, que les sénateurs soient plutôt sibyllins, mais voilà une question tout à fait claire.

M. Otto : Cette taxe existe depuis très longtemps. Elle est en vigueur depuis 1918. Elle s'appliquait aux bijoux et aux montres à l'époque. La bijouterie de fantaisie était probablement à peu près inexistante à ce moment-là. Il est souvent difficile de fixer les limites dans les situations de ce genre. L'industrie a évolué et les temps ont changé, et voilà ce que ça donne aujourd'hui. Cette taxe a été créée il y a très longtemps.

Le sénateur Angus : Je présume, monsieur Daman, que vous êtes d'accord avec la réponse fournie par votre collègue.

M. Daman : J'essayais de voir quel haut fonctionnaire pourrait être qualifié de béotien au ministère des Finances, mais aucun nom ne me vient à l'esprit.

Le sénateur Angus : C'était seulement une figure de style.

Puis-je répondre au sénateur Maheu, qui travaille à d'autres dossiers cet après-midi, que vous convenez, messieurs, que le moment est venu de supprimer cette taxe? Je ne voudrais pas vous faire dire ce que vous n'avez pas dit.

Le président : Vous pouvez répondre si vous le désirez, mais vous n'êtes pas tenus de le faire.

M. Daman : La taxe est supprimée progressivement.

M. Otto : Lorsqu'interrogé à ce sujet, l'un des principaux dirigeants de notre ministère a donné une réponse que j'estime excellente. Il a dit que si l'on nous demandait aujourd'hui de proposer des mesures afin d'augmenter nos recettes, il y aurait très peu de chances que nous suggérions quelque chose comme une taxe sur les bijoux.

Le sénateur Angus : Res ipsa loquitur, monsieur le président.

Le sénateur Cowan : Vous avez mentionné tout à l'heure que la taxe d'accise n'existait pas uniquement pour les bijoux, mais aussi pour les carburants et le tabac. Y a-t-il d'autres exemples de taxes d'accise dans notre régime fiscal actuellement?

M. Otto : Il y a eu un nombre assez considérable de taxes d'accise dans le passé.

Le sénateur Cowan : Combien en reste-t-il?

M. Otto : Il y a une taxe d'accise sur le tabac, l'alcool, les carburants, les véhicules automobiles lourds, les systèmes de climatisation des véhicules et les bijoux. Je crois que c'est tout.

Le sénateur Cowan : Lors du témoignage de M. Duncan, nous avons discuté des coûts d'observation élevés que doivent engager les détaillants et les fabricants. Avez-vous d'autres informations à ce sujet?

M. Otto : Nous avons effectué notre propre étude en 1993. La firme Ernst & Young avait réalisé des études pour le compte de l'industrie et nous voulions vérifier quelques-unes de leurs constatations. Nous en sommes arrivés à la conclusion que les coûts supplémentaires liés au recouvrement de ces sommes par le gouvernement étaient plutôt faibles pour les importateurs et les fabricants de grande taille, mais que ces coûts venaient s'ajouter à ceux engagés pour la TPS dans le cas des fabricants plus petits.

Le sénateur Cowan : Selon les témoignages que nous avons entendus, bon nombre des entreprises qui paient cette taxe sont de taille plutôt réduite. Je ne me souviens pas des chiffres que M. Duncan nous a fournis, mais il nous a indiqué qu'un grand nombre des membres de l'association comptaient moins de vingt employés.

M. Otto : La Loi sur la taxe d'accise prévoit une exemption pour les fabricants dont la valeur de la production est inférieure à 50 000 dollars pour l'année. Ce seuil permet d'alléger le fardeau fiscal des très petits fabricants.

Le sénateur Cowan : De quelle manière?

M. Otto : Ils ne sont pas tenus de payer la taxe d'accise. Si la valeur de votre production de bijoux est inférieure à 50 000 dollars pour l'année, il n'est pas nécessaire que vous soyez titulaire d'une licence et vous n'avez donc pas à payer la taxe d'accise. Comme les bijoux peuvent être très coûteux, un fabricant qui travaille avec des pierres précieuses peut atteindre très rapidement ce seuil.

Le sénateur Goldstein : Cette exemption s'applique en fait aux artisans et ne vise pas à protéger les manufacturiers.

M. Otto : C'est effectivement le cas, dans l'état actuel des choses.

Le sénateur Goldstein : En 1939 ou 1940, une surtaxe de luxe était imposée sur les bijoux. Dès que la guerre a pris fin en Europe, le Canada a supprimé cette taxe sur-le-champ.

Pourrait-on tirer des enseignements de cette situation où le gouvernement n'a pas dû déclarer faillite parce qu'il a décidé de supprimer d'un seul coup une taxe de luxe, plutôt que de l'éliminer progressivement comme il le fait actuellement?

M. Otto : Nous avons considéré que la suppression progressive comportait deux avantages. Premièrement, il est plus facile ainsi de respecter le cadre financier établi. Comme ces taxes s'appliquent à l'échelon des fabricants, ceux qui disposent d'importants stocks sur lesquels la taxe a déjà été payée sont désavantagés par rapport à leurs compétiteurs si la taxe est éliminée d'un seul coup, parce que celle-ci continue de faire grossir le coût de leur inventaire. Une élimination progressive réduit les risques d'un tel inconvénient. Je ne dis pas que les gens de l'industrie ne préfèreraient pas une élimination immédiate; je fais simplement valoir que la suppression progressive est avantageuse pour les fabricants qui ont des stocks considérables.

Le président : Avez-vous bien dit que votre dernière étude sur l'incidence nette quant aux coûts liés au recouvrement et à l'observation remonte à 1993?

M. Otto : C'est exact.

Le président : Nous ne disposons donc d'aucune étude récente sur les impacts quant aux coûts de recouvrement pour le gouvernement — on parle de 70 millions de dollars, mais c'est sans tenir compte de ces coûts — et nous n'avons pas non plus d'étude d'impact quant aux coûts associés au paiement de cette taxe. Autrement dit, il y a un coût pour celui qui paie la taxe et un coût pour celui qui la perçoit. Nous n'avons aucun renseignement à jour à ce sujet.

M. Otto : C'est exact.

Le président : Une étude d'impact indiquerait certes une réduction inférieure à ce montant de 70 millions de dollars. Cette somme ne tient pas compte de la baisse des coûts liés au recouvrement.

M. Otto : Je ne crois effectivement pas que les coûts d'administration aient été pris en compte.

Le président : La réduction serait donc inférieure. Pouvez-vous nous donner une idée des coûts de recouvrement?

M. Otto : Selon l'estimation de 1993, ces coûts représenteraient moins de 1 p. 100 des sommes totales perçues par Revenu Canada au titre de cette taxe.

Le président : Si l'on avait établi un modèle pour l'avenir, où en serait cette estimation aujourd'hui, 12 ans plus tard?

M. Otto : Je crois que la proportion demeurerait à peu près la même.

Le président : Nous parlerions donc d'une somme se situant entre 700 000 $ et un million de dollars.

M. Otto : Exactement.

Le président : C'est la meilleure estimation que nous puissions obtenir car nous n'avons pas toutes les données.

Selon nos notes d'information, le ministère aurait déclaré précédemment devant notre comité qu'il convenait que la taxe d'accise fédérale favorise les bijoux importés par rapport aux bijoux fabriqués au Canada. Mon attaché de recherche m'indique que c'est ce qui fait la différence entre la valeur à l'acquitté des biens importés et le prix de vente. Je vous répète que cela désavantage le fabricant canadien par rapport à l'importateur. Est-ce que je me trompe?

M. Otto : Des gens nous ont fait valoir des arguments en ce sens et, effectivement, nous reconnaissons depuis l'époque de la taxe de vente fédérale qu'il peut être parfois difficile d'harmoniser prix de vente et valeur à l'acquitté.

Le président : Enfin, et c'est un aspect que nous n'avons pas abordé, vous avez déjà déclaré en réponse à des questions posées par un des comités que le ministère convenait que les lacunes de la taxe d'accise fédérale l'exposaient aux manoeuvres d'évitement fiscal et de fraudes fiscales. C'est ce que nous ont dit M. Duncan et le sénateur Di Nino, mais êtes-vous du même avis? Pouvez-vous le confirmer?

M. Otto : La taxe comporte certaines anomalies du point de vue administratif. Quant à l'application du seuil pour les petits fabricants, la Loi sur la taxe d'accise ne prévoit actuellement aucune règle concernant les entreprises affiliées. Il est ainsi possible de créer une multitude d'entreprises au sein d'un même groupe de telle sorte que chacune d'elles ne dépasse pas la valeur de 50 000 $ pour ses produits fabriqués et échappe donc à l'application de la taxe. Il ne s'agirait pas ici de fraude fiscale, mais bien d'une façon de structurer son organisation de manière à ne pas payer de taxe. Nous reconnaissons que la loi comporte certaines lacunes qui pourraient mener à des activités d'évitement fiscal.

Le président : Y a-t-il eu au cours de la dernière année des poursuites dans des cas où cette taxe n'aurait pas été payée? Je parle de poursuites à l'encontre de personnes qui essaient d'éviter d'avoir à payer cette taxe, et non pas de fraudes fiscales. Avez-vous une liste de causes pouvant se retrouver dans cette catégorie?

M. Otto : Non.

Le président : Vous ne savez pas quels auraient pu être les coûts pour l'administration s'il y a effectivement eu des poursuites en vertu de ces dispositions.

M. Otto : Ce sont Revenu Canada et le ministère de la Justice qui prendraient en charge de telles poursuites.

Le président : Nous essayons de déterminer les répercussions nettes de cette perte de 70 millions et d'établir les coûts globaux.

M. Otto : Je n'ai pas ces renseignements en main.

Le président : Je vous remercie beaucoup d'être venus malgré un si bref préavis. Vous nous avez fourni de précieux renseignements qui nous seront fort utiles dans nos délibérations.

Nous accueillons maintenant avec plaisir M. Abbey Evenchick. Vous êtes un intervenant directement concerné dans ce secteur. Veuillez nous indiquer qui vous êtes et quelle est votre entreprise avant de nous faire une déclaration aussi brève que possible, parce que les sénateurs ont un certain nombre de questions à vous poser. Merci d'être là malgré le préavis très court. Nous avons des échéanciers très serrés et nous vous remercions de votre coopération.

Abbey Evenchick, à titre personnel : Je vous prie d'excuser ma tenue vestimentaire.

Le président : Vous avez l'air d'un homme qui travaille et nous sommes toujours heureux d'entendre le point de vue des travailleurs.

M. Evenchick : Il est difficile de récapituler de façon concise 58 années de revendications contre cette taxe, car cela fait effectivement 58 ans que je me bats pour l'abolition de cette taxe absurde, et je peux vous dire que j'ai parlé à tous les ministres des Finances qui se sont succédé au cours de cette période.

En entrant ici, j'ai constaté que les femmes portent des boucles d'oreilles et que la plupart d'entre vous, messieurs, portez des cravates de soie. Il n'y a pas de taxe d'accise sur vos cravates, mais il y en a une pour une paire de boucles d'oreilles de 15 $. Il est tout à fait ridicule que cette taxe ait perduré pendant une si longue période.

Je vais vous laisser poser vos questions. Je veux seulement préciser que je dirige une entreprise familiale qui a été créée en 1922. Depuis quelques années, il nous est très difficile de soutenir la concurrence des importations en provenance d'outre-mer. Les produits importés ont généralement droit à un traitement favorable par rapport à ceux des fabricants canadiens.

Je crois que cette taxe devrait être supprimée d'un seul coup, plutôt que progressivement. Au cours de la dernière année, nos clients nous ont demandé : « Où est notre réduction de 2 p. 100? » Tout ce que j'ai pu leur répondre, c'est qu'une bonne partie a servi à reprogrammer nos ordinateurs et à assumer les autres coûts associés à cette réduction de 2 p. 100.

Et voilà que nous allons revivre la même situation au cours de la prochaine année; il est impossible que nos clients puissent tirer partie de cette réduction à moins que la taxe ne soit supprimée complètement.

Le président : Pouvez-vous simplement nous donner plus de détails sur votre entreprise en nous indiquant quel est son nom et combien elle compte d'employés?

M. Evenchick : L'entreprise s'appelle M. Evenchick Limited et nous créons des bijoux de fantaisie d'entrée de gamme. Je crois que les articles les plus chers que nous produisons se vendent au détail entre 100 $ et 125 $. Nous sommes situés à Gatineau. Nous avons déjà eu nos locaux à Ottawa. Nous fabriquons également des insignes militaires.

Le sénateur Angus : Est-ce qu'on considère qu'il s'agit de bijoux?

M. Evenchick : Oui. Encore là, nous sommes confrontés à un problème de taille parce que le ministère des Travaux publics impose une exigence de 85 p. 100 de contenu canadien pour les achats à ce chapitre. Il existe toutefois des façons de contourner cette règle. À cause de cela, nous n'avons pas eu de contrat pour les insignes militaires depuis trois ans.

Le président : Pouvez-vous nous dire combien d'employés compte votre entreprise ces jours-ci?

M. Evenchick : Notre effectif est réduit à environ 27 employés. Au départ, lorsque j'ai quitté l'Armée de l'air, nous employions 66 personnes. J'attribue cette perte d'emplois au contexte fiscal. Nous ne sommes pas en mesure de soutenir la concurrence des importateurs.

Le président : Si la taxe était supprimée, est-ce que vous embaucheriez d'autres employés?

M. Evenchick : C'est ce que j'espère, mais on ne peut pas le garantir. Nous avons des représentants des ventes qui travaillent partout au Canada et nous vendons autant que possible à des bijoutiers indépendants. Nous comptons parmi nos clients 700 bijoutiers indépendants de toutes les régions du pays. Ce n'est qu'après coup qu'on pourra savoir si nos ventes augmenteront ou non.

Le président : Comme le sénateur Di Nino est le parrain de ce projet de loi au Sénat, c'est à lui qu'il revient de vous poser les premières questions.

Le sénateur Di Nino : Je sais que vous ne pouvez rien nous garantir, mais on peut présumer que si vous pouviez réduire vos prix, vos ventes augmenteraient et il est possible que vous ayez alors besoin d'un plus grand nombre d'employés. Je me trompe?

M. Evenchick : C'est ce que nous souhaiterions. L'industrie a déjà compté 12 fournisseurs importants au Canada; il n'y en a plus qu'environ quatre.

Le sénateur Di Nino : Où sont passés les autres?

M. Evenchick : Ils ont dû fermer boutique parce qu'ils n'arrivaient pas à soutenir la concurrence.

Le sénateur Angus : Et vous êtes l'un des quatre fournisseurs importants qui restent?

M. Evenchick : Oui. Nous sommes parmi les rares qui tiennent le coup dans notre catégorie. Je ne parle pas ici d'or ou de pierres précieuses. Je parle de bijoux de fantaisie.

Le sénateur Di Nino : Il est intéressant de noter que pour chaque petite réduction de 2 p. 100 par année qui sera effectuée sur une période de cinq ans, vous devrez reprogrammer vos ordinateurs. Ainsi, cela entraîne un lourd fardeau administratif qui absorbe une grande partie, voire la totalité, de cette réduction.

M. Evenchick : La plus grande partie en fait.

Le sénateur Di Nino : Par conséquent, le consommateur n'en profite aucunement.

M. Evenchick : Très peu.

Le sénateur Di Nino : Si la taxe était supprimée d'un seul coup, le consommateur en sortirait gagnant.

M. Evenchick : Tout à fait. Nous établissons le prix de nos produits en fonction de nos coûts réels et la taxe d'accise fait partie de ces coûts. Si cette taxe était supprimée, nos consommateurs pourraient bénéficier d'une réduction intéressante.

Le sénateur Di Nino : C'est un point de vue que nous n'avions pas entendu auparavant. Merci de nous en avoir fait part. Selon le mode de suppression proposé par le gouvernement, il semble que la réduction ne fait qu'absorber les frais administratifs, plutôt que de diminuer le coût pour le consommateur ou même pour les fabricants.

M. Envechick : Oui, la majeure partie en tout cas, et je dirais même qu'il est possible qu'une fois qu'on aura atteint le niveau de 4 p. 100 pour la taxe d'accise, il ne sera plus rentable pour le gouvernement de poursuivre les réductions parce que les frais d'administration à assumer dépasseront alors grandement les sommes récupérées.

Le sénateur Di Nino : Je ne sais pas si vous pouvez nous confirmer que les coûts d'observation de cette taxe sont plus élevés que la normale.

M. Evenchick : Cela fait partie de nos frais d'administration. Les frais associés au paiement de la taxe d'accise viennent grossir les coûts d'administration de notre entreprise. Nous aimerions beaucoup nous en débarrasser.

Le sénateur Goldstein : Je crois que vous étiez déjà arrivé, monsieur Evenchick, lorsque j'ai posé tout à l'heure la question concernant la concurrence par rapport aux produits importés. Étant donné que la taxe est appliquée à un niveau comparable, je trouve difficile à comprendre qu'il n'y ait pas une variation significative — les écarts peuvent être mineurs — quant à l'impact fiscal ou au coût fiscal pour ce qui est des produits importés par rapport aux produits fabriqués au pays.

Y a-t-il des éléments liés aux coûts de production moins élevés pour les bijoux fabriqués à l'étranger et importés au Canada qui feraient en sorte que ces produits dameraient inévitablement le pion à ceux fabriqués ici?

Est-ce à cause de la taxe d'accise que vous n'arrivez pas à soutenir la concurrence? Est-ce en raison des coûts moins élevés pour la fabrication ou les matières premières à l'étranger? Ou est-ce une combinaison de ces deux facteurs?

M. Evenchick : Les coûts des matières premières sont constants. Les prix sont contrôlés par la bourse des métaux de Londres. Comme chacun sait, les coûts de main-d'œuvre sont toutefois beaucoup moins élevés en Asie qu'au Canada.

Les importateurs paient une taxe sur la valeur à l'acquitté. Ils peuvent fonctionner avec un très petit nombre d'employés. Nous employons plus de personnes et devons payer des avantages sociaux et tous les autres coûts associés au fonctionnement d'une entreprise au Canada. Nous devons tenir compte de tous ces facteurs avant de prélever notre marge bénéficiaire, notre profit, s'il en reste.

L'importateur ou l'intermédiaire doit payer une taxe en fonction de la valeur à l'acquitté; il est libéré des obligations aux titres des avantages sociaux à cette étape parce que sa marge bénéficiaire est établie en fonction du prix dédouané. Il ne commence pas au même niveau lorsqu'il s'agit d'établir ses coûts aux fins des avantages sociaux.

Le sénateur Goldstein : En ce sens, votre industrie se retrouve dans la même situation que le secteur du textile qui doit également soutenir la concurrence dans un contexte de faible coût de main-d'œuvre payé à l'étranger qui influe sur le coût total d'un bien importé.

Le président : Monsieur Evenchick, il n'y a pas d'autres questions.

Notre comité a tenté, au meilleur de ses capacités, de faire valoir au gouvernement et au secteur privé que la productivité est un élément clé pour notre prospérité future. Pour ma part, je trouve très inquiétant d'entendre les témoignages de représentants du gouvernement qui nous indiquent que cette question n'a pas été examinée dans l'optique de la productivité, comme en témoigne l'absence d'études d'impact. Votre témoignage d'aujourd'hui nous a été très utile pour confirmer quelques-unes des préoccupations de nos membres.

Nous vous remercions grandement d'avoir quitté votre travail pour traverser la rivière malgré un si court préavis afin de nous donner une meilleure idée de la situation au sein des petites entreprises. La faible croissance dans ce secteur nous inquiète et notre comité met tout en œuvre pour éliminer le plus d'obstacles possible de manière à vous faciliter la tâche et à vous permettre d'embaucher davantage de travailleurs et d'ainsi verser plus d'impôts au gouvernement.

M. Evenchick : En espérant que nous pourrons le faire. Merci beaucoup.

Le président : Plaît-il au comité de procéder à l'étude article par article du projet de loi C-259, Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise (suppression de la taxe d'accise sur les bijoux)?

Des voix : D'accord.

Le président : Il y a consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : L'étude du titre est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le président : Y a-t-il consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : L'étude du préambule est-elle reportée?

Des voix : D'accord.

Le président : Y a-t-il consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Y a-t-il consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : Le préambule est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Y a-t-il consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Y a-t-il consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Y a-t-il consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : Le comité souhaite-t-il poursuivre ses travaux à huis clos pour discuter des observations pouvant être annexées au rapport sans modification au projet de loi?

Des voix : Non.

Le président : Est-ce que tout le monde est d'accord pour qu'il n'y ait pas d'observation?

Des voix : Oui.

Le président : Merci beaucoup.

Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat, sans proposition d'amendement et sans observation?

Des voix : D'accord.

Le président : Y a-t-il consentement unanime?

Des voix : Oui.

Le président : Merci beaucoup, messieurs.

Le sénateur Di Nino : Serait-il possible de faire en sorte que ce projet de loi soit traité dès demain, si le Sénat est d'accord?

Le président : Comme je l'ai dit à d'innombrables reprises aux membres de ce comité, nous avons pour mandat, et j'ai moi-même pour mandat à titre de président, de faire rapport de ce projet de loi aussi rapidement que possible. Malgré les réticences de certains membres, nous avons tenu cette audience sans tarder conformément aux volontés exprimées par le comité.

Je puis vous assurer qu'il sera fait rapport de ce projet de loi à la Chambre dès demain, après quoi nous nous en remettrons à la bonne grâce de la Chambre qui décidera de ce qu'elle veut en faire.

Avant de terminer, je veux vous distribuer la lettre du ministère.

La séance est levée.


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