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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 6 - Témoignages du 10 février 2005


OTTAWA, le jeudi 10 février 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Patrimoine canadien et la Loi sur l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications connexes à d'autres lois, se réunit aujourd'hui, à 8 h 36, pour examiner le projet de loi ainsi que pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous. Avant de laisser la parole à nos témoins, que je remercie de leur présence en cette belle journée, je voudrais dire que nous pouvons, si nous le voulons, procéder à l'étude article par article du projet de loi C-7, au sujet duquel nous avons déjà entendu des témoins et le ministre. La loi a pour effet le transfert des fonctions du ministre du Patrimoine à l'égard de l'Agence Parcs Canada au ministre de l'Environnement.

Honorables sénateurs, voulez-vous que le comité examine maintenant le projet de loi article par article?

Des voix : D'accord.

Le président : Dans ce cas, il y a deux choix possibles. D'un côté, nous pouvons examiner le projet de loi article par article; de l'autre, je suis prêt à recevoir une motion pour nous dispenser de cet examen et étudier plutôt la mesure législative dans son ensemble.

Le sénateur Milne : J'en fais la proposition.

Le président : Il est proposé par l'honorable sénateur Milne que le comité se dispense de l'étude article par article du projet de loi C-7, Loi modifiant la Loi sur le ministère du Patrimoine canadien et la Loi sur l'Agence Parcs Canada et apportant des modifications connexes à d'autres lois.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter cette motion?

Des voix : Oui.

Le président : Y a-t-il des voix contre? La motion est adoptée à l'unanimité.

Êtes-vous d'accord pour que je fasse rapport du projet de loi à la prochaine séance du Sénat?

Le sénateur Milne : J'en fais la proposition.

Le président : Y a-t-il des voix contre?

La motion est adoptée, tout comme le sera le projet de loi.

Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin, en rapport avec notre étude du dossier de l'eau, M. T. Duncan Ellison, directeur général de l'Association canadienne des eaux potables et usées. Monsieur Ellison, je vous invite, vous et vos collègues, à venir vous asseoir à la table.

Veuillez nous présenter les personnes qui vous accompagnent avant de commencer votre exposé. Il serait préférable pour nous que votre déclaration soit complète, mais brève, afin qu'il reste du temps pour les questions. Cela dit, ne laissez pas de côté les choses que nous devrions entendre selon vous.

M. Duncan Ellison, directeur général, Association canadienne des eaux potables et usées : Monsieur le président, chers sénateurs, je vous remercie. Je suis accompagné aujourd'hui de M. André Proulx, ancien président de l'Association canadienne des eaux potables et usées, membre du conseil d'administration et représentant de l'Association des réseaux d'aqueduc de l'Ontario. À ma gauche se trouve Mme Catherine Jefferson, directrice des relations gouvernementales, qui est responsable des liens que nous entretenons avec les gouvernements.

J'ai essayé de choisir des extraits du document complet de 11 pages — que vous avez sous les yeux — qui pourraient vous être utiles dans votre examen des questions relatives aux infrastructures et à la qualité de l'eau. L'ACEPU est le porte-parole national des organismes municipaux d'eaux potables et usées. Les villes du Canada en sont membres, et nous les représentons collectivement. Il y a un certain nombre d'associations professionnelles régionales et d'entreprises du secteur de l'eau, c'est-à-dire les employés des membres de l'ACEPU et d'autres services, les travailleurs de l'industrie, par exemple.

Même si nos membres peuvent paraître relativement peu nombreux, moins de 200 organismes municipaux partout dans le pays, ils représentent plus de 70 p. 100 des 25 millions de Canadiens reliés à des services municipaux d'aqueducs. Il y a environ 5 000 municipalités au Canada — personne ne connaît le chiffre exact — et nous croyons qu'il y a plus de 4 000 services municipaux des eaux potables et usées au pays.

Selon l'ACEPU, le problème, c'est que les infrastructures sont importantes et parfois vétustes; une partie de celles-ci ont plus de 100 ans. Je crois, par exemple, que la ville de Montréal a encore des canalisations en bois et des égouts en briques d'origine dans son réseau. Les matériaux employés pour les installations ont changé plusieurs fois au cours des ans, ils sont passés des tuyaux en fonte — qui venaient des fabricants de canons — aux canalisations en acier, en plomb et, depuis quelques années, en plastique. Il s'agit d'infrastructures vieillissantes et on estime qu'elles représentent plus de 5 000 kilomètres de conduits souterrains. Ceux-ci seraient âgés entre 100 ans et un an, moment où la dernière partie a été construite. L'âge moyen du réseau se situe entre 40 et 60 ans. Certains matériaux de construction, comme le plomb, ont nui à la qualité de l'eau, et d'autres non. Actuellement, les matériaux des conduites de toutes les infrastructures souterraines sont soumis à des tests pour détecter la lixiviation de contaminants susceptibles de polluer l'eau potable; ils reçoivent une certification de sécurité à cet égard.

Selon l'ACEPU, la valeur actuelle des infrastructures tourne autour de 85 milliards et leur coût de remplacement dépasserait les 500 milliards de dollars. Nous estimons que 95 milliards de dollars seraient nécessaires au cours des 15 prochaines années pour étendre le réseau, le rénover et construire des usines d'épuration des eaux usées, en particulier dans les villes côtières canadiennes où il n'y en a pas. Dans les régions du Canada où il y a de l'eau douce, la plupart des municipalités ont des systèmes de traitement des eaux usées très adéquats, mais ce n'est pas le cas dans les zones côtières.

Le problème, selon nous, c'est que les réparations majeures, les rénovations et les remises en état sont aussi nécessaires que l'agrandissement des infrastructures. Avec les tarifs pratiqués actuellement par la plupart des municipalités, les revenus générés ne sont pas suffisants pour répondre à ces besoins. Comme vous l'avez peut-être lu récemment, la ville d'Ottawa estime qu'elle devrait augmenter ses tarifs de 40 p. 100 au cours des cinq prochaines années afin de respecter ses obligations. Cette ville fait partie de celles qui facturent les montants les plus élevés pour leurs services au pays. Vous pouvez alors vous imaginer que d'autres communautés, où l'on facture présentement 25 cents au lieu d'un dollar par mètre cube d'eau, font face à un grave problème d'infrastructures.

L'établissement du prix des services est une question politique. Les conseils municipaux doivent toujours faire preuve d'imagination pour trouver comment facturer les services et les relier aux bénéfices. Malheureusement, les services d'eaux potables et usées pourraient être qualifiés de « silencieux ». On ouvre le robinet et l'eau coule; on tire la chasse et adieu eaux usées. Tout se passe hors de la vue, sans que nous en ayons conscience : ce n'est pas livré par camion. Il s'agit d'un énorme service, muet, qui n'est pas apprécié à sa juste valeur. Les gens se plaignent de payer un dollar le mètre cube d'eau potable — 30 dollars par mois —, mais ils n'ont aucune objection à payer 45 dollars par mois pour le service téléphonique ou la câblodistribution.

Nous avons donc un service sous-évalué, et les infrastructures ne pourront être remplacées en maintenant la structure de fixation des prix actuelle. Notons que l'Ontario a récemment adopté une loi une durabilité des infrastructures municipales — mesure exigeant des municipalités ontariennes de chercher à atteindre le recouvrement intégral des coûts — et que d'autres provinces lui emboîteront le pas.

Les programmes de subvention aux infrastructures annoncés par le gouvernement fédéral sont extrêmement populaires auprès des élus parce que ceux-ci dépensent ainsi 30 cents par dollar. Les gestionnaires professionnels, quant à eux, voient certains inconvénients à ces mesures. Dans les municipalités, le cycle de planification financière dure de 40 à 60 ans; pour connaître la durée de vie des biens, ceux-ci doivent être inventoriés. Il faut prévoir des programmes de remplacement, d'entretien et de remise en état et tenir compte du fait qu'on ignore la durée de vie d'un programme de subvention — laquelle pourrait être courte. Cela veut dire qu'il est plus difficile de mettre en place une planification financière et un financement à long terme.

Il y a de bons et de mauvais côtés à ces programmes, mais je pense que la plupart des gestionnaires professionnels aimeraient voir leurs tarifs augmenter jusqu'à permettre un recouvrement intégral des coûts pour être ainsi indépendants des interventions des ordres supérieurs de gouvernement en ce qui concerne les subventions.

Nous notons que le gouvernement fédéral a appuyé la création d'un guide pour des infrastructures municipales durables — l'InfraGuide — par l'entremise de la Fédération canadienne des municipalités et du Conseil national de recherches du Canada. Celui-ci réunit les pratiques exemplaires en matière de gestion des installations municipales. Cela s'est révélé un exercice utile. Du côté des infrastructures, nous avons aussi besoin de recherches sur les nouvelles technologies et les matériaux de construction pour déterminer les nouvelles choses qui peuvent être entreprises.

Quant à la qualité de l'eau, notre pays jouit d'une excellente réputation dans le monde, justement pour avoir élaboré les recommandations pour la qualité de l'eau potable au Canada. C'est Santé Canada qui s'en occupe, en collaboration avec l'ensemble des provinces et territoires. Ce ministère se charge essentiellement d'évaluer les risques pour la santé et de rédiger des recommandations afin de déterminer ce qu'est un bon paramètre pour mesurer la qualité de l'eau potable, lequel est ensuite revu et approuvé par les provinces et les territoires. La difficulté avec l'appréciation des risques, c'est qu'il y a toujours un facteur d'incertitude. On souligne que ce dernier peut conduire à une recommandation accompagnée d'un coefficient de sécurité de 10 à 100 p. 100 de ce qui peut être considéré comme le niveau le plus bas des effets observés, afin de demeurer toujours dans les limites acceptables.

Malheureusement, en réaction au chaos qu'a provoqué la tragédie de Walkerton, on a imposé beaucoup des recommandations comme si elles étaient des normes, ce qui signifie que les services d'eau doivent maintenant distribuer de l'eau pouvant être jusqu'à 100 fois plus potable que ce que l'évaluation des risques pour la santé proposait — et cette situation a eu pour effet de remettre en question les techniques d'épuration de l'eau. Néanmoins, les services d'eau sont satisfaits du déroulement des opérations sur ce plan.

En ce qui a trait aux eaux usées, les normes de qualité posent davantage de problèmes. J'ouvrirai une petite parenthèse. Nous avons ici le concept de gestion de la source au robinet, qui a été mis au point par le comité fédéral- provincial-territorial sur l'eau potable. Essentiellement, celui-ci dit que pour obtenir de l'eau potable, il est nécessaire d'examiner toutes les étapes, du captage à la source jusqu'au traitement et à la distribution de l'eau, et même de vérifier les installations sanitaires des maisons, parce que les vieilles demeures ont des conduits de plomb, ce qui peut altérer la qualité de l'eau.

La qualité des eaux usées qui sont rejetées à la fin de ce processus et reviennent à la source est très importante pour la qualité des sources d'approvisionnement en eau. Il n'y a pas autant de recommandations précises pour la qualité des eaux usées qu'il y en a pour la qualité de l'eau potable. Des normes ont été établies par certaines provinces, voire toutes les provinces, et nous avons pu voir récemment le gouvernement fédéral, plus précisément le ministère de l'Environnement, rendre publiques des recommandations pour les déversements d'ammoniaque dans les eaux usées et des mesures pour la chloration et la déchloration de celles-ci. Il s'agit là d'une préoccupation puisque la plupart des provinces exigent la chloration des eaux usées pour des raisons de santé publique, selon l'utilisation en aval de l'eau des rivières, et ce, même si l'on connaît les effets des chloramines sur les poissons. Il y a là un dilemme.

Ce dont on ne parle pas, dans les programmes de réglementation relatifs à la qualité des eaux usées, c'est de la façon de protéger le réseau d'égouts des déversements d'eaux usées industrielles — produits chimiques, métaux lourds et autres substances du genre. Ces derniers ne peuvent être éliminés par des usines d'épuration des eaux usées, qui sont essentiellement conçues pour traiter les eaux usées domestiques et non les hydrocarbures, le cadmium, le zinc ainsi que les substances rejetées par les lave-autos ou qui peuvent venir de divers traitements industriels et qui sont ensuite déversées dans le réseau d'égouts municipal.

Quarante pour cent des Canadiens utilisent l'eau souterraine comme source d'eau potable, ce qui, sur le plan microbiologique, est généralement très bon. Toutefois, dans un article du Ottawa Citizen d'hier, on peut lire que bon nombre de puits à Wakefield ont un haut niveau d'uranium parce qu'ils prennent leur source dans le Bouclier canadien. Il y a un problème d'arsenic en Nouvelle-Écosse et, ailleurs au Canada, des problèmes de radon, et cela résulte principalement de l'environnement géologique. Il existe des moyens pour corriger cette situation, mais ils sont coûteux.

Les changements climatiques mondiaux commencent à faire sentir leurs effets de deux façons : premièrement, les conditions climatiques extrêmes mettent nos infrastructures à rude épreuve. En effet, celles-ci avaient peut-être bien été construites pour résister à des inondations qui surviennent une fois tous les 100 ans, sauf que ces inondations se produisent maintenant tous les 10 ans. Bien sûr, à la suite des événements récents, nous avons pu être témoins d'un type d'inondation qui a lieu tous les 1 000 ans. Du coup, nous sommes confrontés à un problème de capacité matérielle lié à la technologie parce que les changements climatiques ont une incidence sur les moyens de faire face aux inondations et aux sécheresses, ce qui influe sur notre façon de puiser l'eau dans la nature.

Deuxièmement, ces changements climatiques entraînent un léger réchauffement des eaux de surface. Par exemple, nous pouvons remarquer la présence accrue d'algues à fleur d'eau, particulièrement dans les Prairies, mais aussi dans le lac Ontario, ce qui crée des problèmes de fonctionnement dans les stations d'épuration des eaux car on a du mal à gérer cette situation. Mais il s'agit d'un problème soluble. Heureusement pour nous, les Australiens connaissent cela depuis longtemps; ils peuvent donc nous transmettre de l'information et de la technologie.

En conclusion, j'aimerais aborder un sujet qu'il est impératif de comprendre : le fait que ce secteur d'activité soit principalement régi par les provinces et les territoires. On ne peut construire une station de traitement d'eau ou une station d'épuration des eaux usées sans l'aval de la province ou sans répondre aux normes de construction ou d'exploitation de la province.

Cette mesure s'étend même à la formation des exploitants et à la qualité de l'eau produite ou rejetée. Elle peut même toucher les politiques d'établissement des prix parce que les lois municipales de chaque province influent sur la façon dont les villes gèrent cette situation. Des évaluations environnementales provinciales sont requises, et ainsi de suite.

En même temps, une vingtaine de lois fédérales ont une incidence sur la gestion des municipalités — cela va de la Loi sur les pêches, qui traite des déversements de substances nocives dans l'environnement, à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, en passant par la Loi sur la protection des eaux navigables et la Loi sur la Société canadienne des postes, qui établit le taux des envois en nombre, ce qui a une incidence sur les tarifs d'affranchissement fixés par les petites collectivités. Ces dernières bénéficieraient de rabais pour l'envoi en une seule fois de 3 000 lettres ou colis postaux, mais si ce tarif dégressif augmente, la petite collectivité perdrait ce profit de sept à neuf cents.

Les gouvernements fédéral et provinciaux doivent absolument travailler de concert dans ce dossier. Dans notre secteur, celui des eaux potables et usées, les municipalités sentent parfois qu'elles sont entre l'arbre et l'écorce à cause des tiraillements politiques, en particulier sur le plan de la protection de l'environnement, quand Environnement Canada et les provinces travaillent ensemble.

Ce qui se passe au sein du Conseil canadien des ministres de l'Environnement (CCME) est très positif. À présent, nous avons un comité qui examine les stratégies à long terme de gestion des effluents d'eaux usées. Par contre, en même temps, le fait que nous ne considérions pas adéquatement les municipalités comme des partenaires dans ce processus nous préoccupe. En effet, celles-ci sont sur la ligne de front en matière de protection environnementale plutôt qu'une cible des mesures d'application de la loi. Elles sont les toutes premières à tenter d'offrir aux Canadiens un service public, sans but lucratif, et nous semblons l'oublier. Il n'y a pas d'objectif précis. On ne gagne rien à respecter les recommandations et les normes. Du coup, on peut être tenté de déverser des substances nocives dans l'environnement ou de ne pas se plier aux recommandations sur l'eau potable.

J'ai dépassé les 10 minutes qui m'étaient allouées, mais voilà les points saillants de mon exposé. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions. M. Proulx et Mme Jefferson pourront m'aider.

Le président : C'est un vaste sujet et je suis étonné que vous en ayez fait un examen aussi exhaustif en si peu de temps.

[Français]

Le sénateur Lavigne : Je vous remercie de votre présence. Vous disiez tantôt que les gens n'hésitaient pas à payer 45 dollars par mois pour les services de télévision par câble, mais qu'ils trouvaient cher le gallon d'eau potable à 25 centa. Hydro-Québec dit que l'électricité n'est pas chère au Canada. Ce n'est rien si on compare aux États-Unis et à plusieurs autres pays. Le gaz est un autre service qui est beaucoup moins cher au Canada; il est 2 dollars le litre ailleurs.

Il faudrait que, lorsque les gouvernements perçoivent des taxes, ces taxes soient utilisées dans le domaine pour lequel ils les perçoivent. Par exemple, si on perçoit un montant d'argent pour l'eau, est-ce que cet argent ne devrait pas obligatoirement, dans toutes les villes, être utilisé pour les infrastructures d'égout et d'eau, au lieu de les utiliser ailleurs dans leur budget? Si on regarde les égouts et les aqueducs à Montréal, tous les tuyaux sont pourris d'un bout à l'autre de la ville. Plus rien ne fonctionne ou presque. Il y a des bris tous les jours, des masses d'eau potable sont gaspillées. Ne croyez-vous pas que l'administration, au lieu de dépenser l'argent à des fins parfois inutiles — on fait un budget de 500 millions de dollars pour un métro et on finit avec une facture de 1,5 milliard de dollars —, devrait plutôt le conserver pour des services essentiels? C'est de l'argent qui va dans un secteur qui n'est pas nécessairement celui pour lequel il a été perçu.

Si on continue à dire que l'eau, le pétrole, l'électricité ne coûtent pas chers au Québec, qu'adviendra-t-il de nos salaires? On ne recevra jamais de salaires assez élevés pour rembourser tout ce que l'on utilise.

Est-ce que vous croyez que le système d'eau potable et les systèmes d'aqueduc au Canada devraient être privatisés comme ils le sont dans d'autres pays du monde? Croyez-vous que l'expérience a été rentable dans les pays où on a privatisé l'eau potable, les aqueducs et les systèmes d'égout? Pensez-vous que ce serait valable ici, au Canada?

M. Ellison : C'est une question très complexe. Il y a beaucoup de pays qui n'ont pas de systèmes privatisés. Le prix des services est assez élevé pour maintenir la qualité des infrastructures. Il y a eu de mauvaises expériences avec la privatisation et cela s'est produit tant dans des pays sous-développés que dans des pays riches comme le Royaume-Uni ou en Europe.

Il faut faire la distinction entre deux éléments. La plupart des pays n'ont pas d'infrastructures privatisées. Par exemple, en France, toutes les infrastructures appartiennent aux municipalités, mais l'opération de 70 p. 100 des services sont privatisés.

En Angleterre, c'est presque la même situation. L'avantage de la privatisation d'un système, c'est l'établissement de critères de qualité des services, de performances et de prévisions budgétaires.

Peut-être que M. Proulx pourrait ajouter quelque chose car il est venu du secteur municipal.

M. André Proulx, ex-président et représentant des associations membres, Association canadienne des eaux potables et usées : Au Canada, en ce moment, environ 30 p. 100 des systèmes sont sous contrat d'opération. Edmonton est un bon exemple, avec EPCOR Services. En Ontario, il y a l'Ontario Clean Water Agency, qui fait la plupart des petites opérations des petites municipalités.

Mais comme M. Ellison nous l'a dit, il y a eu des problèmes. Entre autres, la ville de Hamilton a privatisé pendant longtemps les opérations. L'infrastructure appartenait à la ville, mais les opérations sont revenues à la ville car ils avaient beaucoup de problèmes avec la qualité des opérations.

Je pense que c'est à cause des contrats. Quand il y a un profit à faire avec des opérations privatisées, le public a parfois des craintes.

[Traduction]

Je voudrais en venir au fait qu'il y a un élément de risque sous-jacent à tout ce que l'on fait. Le secteur public n'aime pas prendre de risques parce que la population est contre cela, particulièrement en matière de santé et d'eau potable. Selon les recherches, la plupart des gens vous diront : « Ne mettez rien en péril. » Je ne dis pas que le secteur privé prend des risques, mais il y a une idée préconçue selon laquelle ce secteur est prêt à prendre des risques quant à la qualité de l'eau potable.

Il y a deux éléments constitutifs à la qualité de l'eau potable. Il y a le danger grave, immédiat : vous buvez de l'eau qui vous rend malade et vous mourez. Walkerton en est un triste exemple. Il y a aussi le danger que représente la formation à long terme de sous-produits. Le danger à long terme passe toujours inaperçu, alors qu'on remarque le danger grave immédiatement.

Comme M. Ellison l'a indiqué, Santé Canada a fait d'excellentes recommandations sur les dangers à long terme. Nous entretenons des relations très harmonieuses avec les provinces et le gouvernement fédéral.

Les municipalités prennent très rarement des risques susceptibles d'entraîner des dangers à long terme. Elles essaient de produire la meilleure qualité d'eau possible en fonction de leur budget et de respecter les recommandations. Le secteur privé, toutefois, pourrait dire : « Si la norme est de 100 sur un milliard, quel que soit le critère établi, et que vous pouvez la ramener à 10, pourquoi le ferions-nous aussi? Contentons-nous de 99. Ce qui compte, c'est de respecter les normes de qualité. »

Je ne dis pas que c'est ce qui se produit, mais simplement que l'occasion d'économiser de l'argent est là, surtout si vous êtes axés sur le rendement. Quand vous respectez les normes, vous économisez et vous recevez une rétribution en fonction de votre rendement. Très peu de gens dans le secteur public ont cette mentalité; tout ce qui leur importe, c'est que le travail soit bien fait.

Je vous semble peut-être favorable au secteur public. C'est plutôt que je suis très favorable à ce que les infrastructures appartiennent au secteur public car il faut les entretenir chaque année pendant, disons, 120 ans. Il ne faut pas prendre de risques; un contrat de 10 ou 20 ans avec le secteur privé peut sembler long, mais lorsqu'il est question d'infrastructures souterraines, ça ne l'est pas. Si vous ne les entretenez pas pendant 20 ans et que vous y revenez 50 ans plus tard, c'est là que vous constaterez l'ampleur des dégâts.

Il y a une différence très subtile que vous devez connaître. Comme l'a mentionné M. Ellison, l'Ontario a pris de bonnes mesures avec la Loi sur la durabilité des réseaux d'eau et d'égouts et la Loi sur la salubrité de l'eau potable. Il est important que les lois indiquent clairement qu'il doit y avoir recouvrement total des coûts, peu importe que celui-ci soit effectué au niveau fiscal ou appliqué à l'eau. Si vous payez votre eau, votre argent doit être réinvesti dans l'eau. Je crois que ce serait une excellence initiative à mettre en oeuvre partout au Canada. L'Ontario le fait déjà; il n'y a pas encore de règlement, on y travaille, mais d'excellentes mesures sont en place, tout comme, je crois, en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Buchanan : Très bien.

M. Proulx : Je crois que depuis Walkerton, le Québec se dirige aussi dans cette direction, mais ça prend du temps. En ce qui concerne la privatisation, sachez que la question préoccupe aussi notre organisation et nos membres. Ceux-ci ne sont pas tous du secteur public, et nous non plus. Nous travaillons avec EPCOR et l'Agence ontarienne des eaux, et je travaille moi-même dans le secteur privé.

M. Ellison : Je voudrais ajouter quelque chose. C'est assez intéressant car la plupart des pays ont un système de santé essentiellement public, comme c'est évidemment le cas du Canada. Si les services d'eau sont municipaux et qu'un problème quelconque survient et rend les gens malades, les services de santé provinciaux tendent à être cléments. Au Royaume-Uni les services de santé relèvent essentiellement du secteur public, alors que les services d'eau sont privés. Aujourd'hui, certains services de santé poursuivent les compagnies privées de gestion des eaux afin que celles-ci payent pour les coûts supplémentaires qu'ils ont dû essuyer à la suite de problèmes sanitaires. C'est très intéressant car ça a changé la dynamique entre les deux ordres de gouvernement et les services. Je me suis informé auprès de l'industrie britannique des eaux pour savoir quel type d'assurance les protège dans le cadre de leurs responsabilités liées aux coûts en santé. Celle-ci a d'énormes responsabilités qu'auparavant les municipalités n'ont jamais eu à assumer. Bien sûr, les choses ont changé depuis Walkerton car, aujourd'hui, les gens poursuivent les municipalités et le gouvernement. Impossible de savoir ce que cela impliquerait pour nous.

Le sénateur Cochrane : Ce sont là des questions très sérieuses. Personnellement, je ne bois plus l'eau du robinet. Depuis que je songe à tout ce qui peut s'infiltrer dans la tuyauterie et dans mon système, je bois de l'eau en bouteille.

Le sénateur Milne : Qui provient la plupart du temps du robinet.

Le sénateur Cochrane : Quand je vais au supermarché pour acheter de l'eau, je lis les étiquettes : il y a l'eau de source, l'eau purifiée et encore un autre type d'eau dont je n'arrive pas à me souvenir.

Est-ce qu'il y a une différence? Des témoins ont affirmé que l'eau embouteillée provenait parfois du robinet. Comment les consommateurs peuvent-ils savoir ce qu'il y a de meilleur pour eux?

M. Ellison : Buvez tout simplement l'eau du robinet. Sans blagues, ma femme et moi étions en Europe dernièrement, et elle m'a demandé si elle pouvait boire l'eau du robinet. Je lui ai répondu que l'eau sentait le chlore et qu'elle était donc potable. Les risques de développer un cancer après avoir bu pendant 35 ans de l'eau ayant peut-être une concentration excessivement élevée de chlore ne me préoccupent pas beaucoup. Je peux développer un cancer à cause de mes habitudes alimentaires ou de la fumée secondaire ou encore parce que j'y suis génétiquement prédisposé.

Le sénateur Milne : Si vous voulez vous débarrasser du chlore, laissez tout simplement le pichet d'eau ouvert dans votre réfrigérateur pendant quelques heures.

M. Ellison : J'imagine combien ça a dû être difficile pour Santé Canada de déterminer la qualité de ces trois types d'eau. L'eau embouteillée représente une industrie de 6 milliards de dollars par année au Canada et les systèmes municipaux d'approvisionnement en eau ne reçoivent que 4 milliards de dollars. Une bouteille d'eau de 350 ml coûte 1,00 $, alors qu'on pourrait en remplir 52 avec l'eau du robinet pour l'équivalent d'un cent chacune.

Le sénateur Cochrane : C'est une question de point de vue.

M. Ellison : Il s'agit d'un choix personnel, j'en suis conscient. Si vous êtes prêt à payer 2 000 $ par mètre cube d'eau en achetant de l'eau en bouteille, allez-y.

Le sénateur Cochrane : Vous rendez les choses pires qu'elles ne sont en réalité.

Que peut-on faire pour changer l'attitude des gens face au gaspillage de l'eau? On en gaspille tellement. Certains laissent l'eau du robinet couler pendant qu'ils se brossent les dents, par exemple. On tire la chasse beaucoup trop souvent; on remplit beaucoup trop l'évier d'eau lorsqu'on fait la vaisselle ou le ménage et on se sert du lave-vaisselle trop souvent. Que faire?

M. Proulx : C'est une bonne question. Au Canada, toutes les municipalités n'utilisent pas des compteurs. Si vous payez pour un service, vous payez pour la totalité de ce que vous consommez; que ce soit l'électricité ou le gaz, tout est compté. Plusieurs villes ont un réseau de distribution muni de compteurs, c'est d'ailleurs le cas de la plupart des grandes agglomérations canadiennes, et Ottawa en est un bon exemple. Toutefois, si les gens n'ont pas à payer pour tout ce qu'ils consomment, ils ne font pas attention au gaspillage. Par exemple, ils arrosent leur pelouse des heures et des heures durant jusqu'à ce que l'eau déborde sur la chaussée. La première chose à faire est de veiller à ce que les gens payent pour chaque goûte d'eau qu'ils utilisent; ainsi, ils feront beaucoup plus attention à la quantité d'eau qu'ils consomment.

Le gros problème, c'est que les villes ne font pas beaucoup de publicité pour nous inciter à boire l'eau du robinet car ce n'est pas prévu dans leur budget. Le public n'apprécierait pas de voir ses impôts dépensés pour des publicités sur des services publics, alors qu'il ne se formalise pas des campagnes de Bell Canada, de Rogers, d'Enbridge, et cetera. Manque de fonds oblige, le secteur public envoie ses feuillets publicitaires avec nos factures et les circulaires. Si on veut réduire la consommation, il faut installer des compteurs dans chaque logement et établir un système de recouvrement intégral des coûts.

M. Ellison : Je voudrais ajouter quelque chose. Le Canada a été très critiqué pour occuper le deuxième rang mondial de la consommation d'eau par habitant. Dieu merci, les Américains sont pire encore — si ça peut nous rassurer.

La plupart des Européens prétendent utiliser 120 litres d'eau quotidiennement. À Paris ou à Berlin, la majorité des gens habitent dans des immeubles résidentiels de six étages. Ils n'ont ni jardin ni piscine et ne lavent pas non plus leur voiture, faute d'installations pour le faire. La ville de Toronto a effectué une étude afin de déterminer la consommation d'eau des gens au centre-ville, laquelle est comparable à celle que l'on retrouve en Europe. Celle des Canadiens qui habitent et travaillent au centre-ville est encore une fois comparable à celle des Européens. Nous ne sommes donc pas si mal placés — il y a aussi des questions culturelles à prendre en compte. Les Canadiens ont tendance à prendre des douches quotidiennement, habitude qui n'est sûrement pas universelle.

Le sénateur Cochrane : Nous sommes trop propres.

M. Ellison : Par « pratique universelle », j'entends « pratique répandue »; il y a donc des facteurs qui expliquent ça. Il faut aussi savoir que la consommation d'eau n'est pas nécessairement une mauvaise chose. L'eau retourne dans l'environnement; ce n'est pas comme si on prélevait cette ressource sans jamais la retourner. Il s'agit d'une utilisation transitoire. C'est comme si on disait que les personnes qui font du jogging utilisent plus d'oxygène que ceux qui n'en font pas. C'est tout simplement parce qu'ils courent et qu'ils s'essoufflent. Est-ce mauvais s'ils consomment plus d'oxygène? Il faut y penser.

Si j'étais en plein désert ou dans le sud de la Saskatchewan où les réserves d'eau sont faibles, je m'inquiéterais d'une consommation excessive d'eau. La municipalité de Prince Rupert a 400 pouces de précipitations par année. Si ses habitants veulent laver leur voiture trois fois par semaine, qu'ils le fassent. C'est ce genre de chose qu'il faut prendre en compte. Nous devons faire attention à la façon dont nous percevons la consommation d'eau.

Le sénateur Cochrane : Quel est le pourcentage de résidences canadiennes dotées d'un compteur d'eau?

M. Ellison : Je crois que c'est moins de 60 p. 100. Cela est largement attribuable au fait que les quartiers résidentiels de Montréal n'ont pas de compteurs, contrairement aux secteurs commerciaux. Il n'y a pas de compteurs non plus dans le district régional de Vancouver et ses 23 municipalités. À Edmonton, 100 p. 100 de la consommation d'eau est comptée, et à Calgary, c'est 95 p. 100; pour des raisons d'ordre politique, la ville ne peut pas exiger de compteurs pour les 5 p. 100 qui restent.

Évidemment, bon nombre de petites municipalités n'ont pas de compteurs. Cela est dû au fait que le consommateur doit payer 350 $ pour l'installation d'un compteur en plus d'assumer par la suite une augmentation de la tarification, alors que beaucoup d'entre elles n'ont aucun problème d'approvisionnement en eau. Les réserves d'eau sont adéquates, mais nous avons eu de merveilleuses études de cas de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick sur les avantages des compteurs. C'est toutefois une décision politique qui demeure très difficile pour les conseillers municipaux.

Le président : Ces petites villes sont également aux prises avec le problème d'entretien à long terme. Si elles ne prévoient pas ces coûts, elles ne règleront pas ce problème.

M. Ellison : Oui, c'est vrai.

Le président : Vous avez bien dit que le district régional de Vancouver n'utilise pas de compteurs?

M. Ellison : Essentiellement, il s'agit du Lower Mainland de la Colombie-Britannique.

M. Proulx : C'est une région résidentielle, mais toute l'industrie commerciale utilise un compteur.

Le sénateur Lavigne : C'est comme à Montréal.

Le sénateur Buchanan : Comment paient-ils pour ça?

M. Ellison : Ils utilisent une méthode de frais fixes, soit environ 300 $ par année.

Le président : Donc, deux voisins paient le même montant même si l'un arrose sa pelouse tous les jours et l'autre pas, n'est-ce pas?

Le sénateur Christensen : J'aimerais rajouter quelque chose aux commentaires du sénateur Cochrane. Vous avez dit qu'une surconsommation d'eau n'était pas nécessairement une mauvaise chose. Vous avez utilisé comme analogie la quantité d'oxygène qu'un coureur utilise comparativement à vous, qui avez probablement moins besoin d'oxygène. L'eau, en réalité, retourne dans l'environnement. Toutefois, les coûts associés au traitement des eaux usées ne sont-ils pas un facteur important? N'y a-t-il pas aussi un autre facteur à prendre en compte, c'est-à-dire lorsque des eaux usées n'ayant pas été pleinement traitées sont retournées dangereusement dans l'environnement?

M. Ellison : Oui, et je vais essayer de répondre très prudemment. Il va sans dire que plus on utilise d'eau, plus on dépense de l'argent pour les produits chimiques et de l'énergie pour pomper l'eau et la traiter. Cependant, 80 p. 100 du coût est fixe. Le volume d'eau dans les conduites importe peu car comme je l'ai dit, 80 p. 100 du coût d'approvisionnement en eau est fixe.

Ce coût est fixe pour tenir compte de la consommation d'eau par habitant qui peut être quatre fois plus élevée en août qu'en janvier, et ce pour diverses raisons. Le coût lié aux infrastructures d'approvisionnement en eau pendant cette période de pointe et tous les coûts afférents sont pris en compte dans le coût fixe.

À vrai dire, en ce qui concerne les eaux usées, il faut en recueillir et traiter une plus grande quantité, et le volume de contaminants est dilué. Un des problèmes, c'est que pour une toilette de six litres — que l'on utilise pour réduire la consommation d'eau — , la quantité de contaminants est la même que pour une chasse d'eau de 18 litres.

Le président : La concentration est plus élevée.

M. Ellison : La concentration est plus élevée; par conséquent, les stations d'épuration des eaux usées doivent traiter la même quantité de contaminants — c'est juste que c'est dilué dans un plus grand volume d'eau.

Le sénateur Angus : J'avais prévu parler de privatisation, mais peut-être avez-vous déjà couvert un peu ce sujet. Si l'on regarde cette question de façon globale, j'aimerais comprendre en général quels sont les enjeux. D'abord, on dirait que la tragédie de Walkerton a été un mal pour un bien car bien que déplorable, cette tragédie nous a réveillés.

À la base, nous sommes privilégiés; nous sommes chanceux d'être des Canadiens et de vivre ici. Nous prenons pour acquis bon nombre de ces merveilleuses ressources naturelles. Vous avez soulevé la question des infrastructures vieillissantes qui nécessiteraient 500 milliards de dollars pour les remplacer. Ça, c'est un côté de la question. De l'autre côté, il faut regarder ce qu'il en coûte pour poursuivre l'approvisionnement en eau au tarif habituel afin de répondre raisonnablement aux besoins des consommateurs. Nous arrivons à peine à couvrir ces coûts; on dirait donc que le plus grand enjeu est la mise à niveau et le remplacement des infrastructures, autrement, ce côté de l'équation nuira à l'autre côté.

Voilà où je vois intervenir le secteur privé, c'est-à-dire dans le cadre d'un partenariat public-privé, ou PPP. Je comprends pourquoi l'attribution de contrats temporaires vous pose un problème monsieur Proulx; on les a un jour, mais plus le lendemain. Toutefois, en ce qui a trait aux PPP — que l'on examine de plus en plus attentivement car le secteur public n'est plus capable d'en prendre sur ses épaules, que ce soit dans le domaine de la santé ou ailleurs, et dans le cas présent on pourrait presque parler de soins de santé puisque c'est d'un besoin essentiel dont il s'agit — , avez- vous envisagé la possibilité d'avoir recours à un PPP pour remplacer les infrastructures?

Je vois aussi l'autre problème, c'est-à-dire le chevauchement des domaines de compétence fédérale, provinciale et municipale. À vous entendre parler, ce seul aspect doit occasionner des cauchemars. Les municipalités arrivent à peine à s'acquitter de leurs responsabilités quotidiennes, et on ne parle même pas du remplacement des installations. Que pensez-vous des PPP pour répondre aux besoins à long terme?

M. Ellison : L'association a un énoncé de principe sur les PPP. Cet énoncé est neutre en ce sens qu'il n'encourage pas les PPP ni ne les décourage. L'énoncé stipule que les gestionnaires de réseaux d'aqueduc et d'égout agissent dans l'intérêt du public et qu'ils sont responsables de la gestion d'installations publiques, c'est-à-dire des infrastructures elles-mêmes, dont la valeur s'élève parfois à plusieurs centaines de millions de dollars. Les gestionnaires doivent toujours être prêts à tout remettre en question dans l'éventualité où des changements seraient requis. Voici la question qu'il faut se poser : est-il préférable que ce soit fait directement par des employés municipaux ou par des sous-traitants? En réalité, il n'y a pas une seule municipalité où toutes les activités sont effectuées par ses employés. Un de nos membres, la Halifax Regional Water Commission, déclare n'avoir jamais possédé une pelle rétrocaveuse. Elle a toujours eu recours aux PPP.

Le sénateur Angus : Ses activités sont néanmoins financées avec des fonds publics, n'est-ce pas?

M. Ellison : Oui, mais elle a toujours eu recours à des fournisseurs du secteur privé lorsqu'il était plus efficace sur le plan financier de le faire. Peu importe qui s'en charge, que la source de capital soit des obligations municipales, des subventions fédérales ou provinciales ou encore des capitaux privés, l'utilisateur finit par payer pour le service. Voilà.

Le sénateur Angus : Vous avez dit assez clairement que nous payons déjà pour ces services, mais que nous avons besoin d'un système d'utilisateur-payeur plus structuré et équitable pour l'approvisionnement en eau. J'ai bien compris ça.

M. Ellison : Oui.

Le sénateur Angus : Ce qui m'inquiète davantage, et je crois que vous avez soulevé ce point, c'est que le véritable problème n'est pas le déroulement quotidien des activités-si ce n'est la nécessité d'établir une meilleure structure de prix-, mais plutôt le remplacement et la mise à niveau de ces installations que nous ne pouvons pas voir. C'est un service « silencieux ». Je comprends tout ça; je peux voir pourquoi ça constitue un grave problème.

M. Ellison : Comme l'a mentionné M. Proulx, au fil du temps... la ville de Hamilton a conclu un accord de PPP, qui s'est avéré une mauvaise expérience. La ville de Moncton, quant à elle, a eu recours à un PPP qui semble avoir donné de bons résultats. Néanmoins, la relation contractuelle semble s'être développée entre l'un et l'autre.

Environ 30 p. 100 des municipalités n'exploitent pas leurs propres infrastructures. Elles en sont propriétaires, mais ont de plus en plus recours à des contrats pour en assurer la gestion. À mesure qu'évoluent les choses, nous commençons à obtenir les jalons, les indicateurs de rendement et les obligations contractuelles que l'on souhaite pour pouvoir améliorer ces relations et faciliter la transition.

Le problème c'est que les citoyens de la plupart des municipalités veulent, pour une quelconque raison, que les conduites d'eau souterraines appartiennent à la ville, même si les conduites de gaz ou les câbles téléphoniques qui entrent dans leur résidence appartiennent à des entreprises privées. On ne sait pas trop comment changer cette mentalité.

Le sénateur Angus : Après avoir écouté votre témoignage intéressant et avoir lu certains des documents, je saisis maintenant à quel point la France et le Royaume-Uni, par exemple, se sont tournés vers le secteur privé. Comme le sénateur Cochrane, lorsque j'étais étudiant, j'ai voyagé dans ces pays; à moins d'être chanceux comme je l'ai été, vous n'osiez pas boire l'eau du robinet. On nous avait avertis de ne pas boire l'eau dans les hôtels ou les auberges car ça nous rendrait malade, et c'était vrai. Maintenant, je voyage souvent au Royaume-Uni, et l'eau potable est comme celle d'ici. La qualité de l'eau a été grandement améliorée et je crois que le dénominateur commun est la privatisation.

M. Ellison : Le dénominateur commun, c'est que les gouvernements sont de plus en plus exigeants en matière de vérification de la qualité de l'eau. Au Royaume-Uni, par exemple, la loi exige que les entreprises privées responsables du traitement des eaux testent l'eau, assurent des mesures de surveillance et divulguent les résultats de leurs tests, pendant que le bureau d'inspection de l'eau potable du ministère de l'Environnement fait également des tests. La loi dit que si des tests sont effectués la même journée, mais qu'ils donnent des résultats différents, les résultats du gouvernement sont ceux qui seront considérés comme étant valides. On voit ça de plus en plus.

Le sénateur Angus : Comme vous l'avez dit, ça permet d'améliorer la qualité.

M. Ellison : Je sais que le gouvernement de la France a mis sur pied, au cours des 20 dernières années, d'importants programmes de surveillance de la qualité de l'eau. Je siège en tant que représentant canadien à un comité ISO présidé par la France. Notre président français a mis l'accent sur les changements qui ont eu lieu là-bas au cours des 20 dernières années.

Le sénateur Angus : Des changements positifs.

M. Ellison : Des changements positifs en ce qui a trait à la surveillance. La France a élaboré des normes de rendement car la plupart des municipalités se demandaient si leurs contrats avec la Lyonnaise des eaux ou l'entreprise Veolia Water Systems étaient exécutés adéquatement. Certaines municipalités ont décidé de reprendre en main ce service, mais d'autres non. Néanmoins, le gouvernement français a élaboré trois normes pour évaluer le rendement dans le cadre d'ententes de services : service à la population, exploitation d'un service d'approvisionnement en eau et exploitation d'un service de traitement des eaux usées.

À l'initiative de la France, une norme ISO est en cours d'élaboration, et le Canada est l'un des 23 pays qui y participent. Le Canada recevra par la suite un document qu'il pourra examiner et peut-être utiliser comme outil référence pour orienter les relations contractuelles.

Des municipalités concluent aussi des ententes avec d'autres municipalités pour l'exploitation de leurs réseaux. Elles signent aussi à cette fin des contrats avec des organismes gouvernementaux des provinces ou des partenaires privés, à l'instar de la ville de Moncton.

Le sénateur Angus : Que feriez-vous? Hier, j'ai lu également l'article paru dans le Ottawa Citizen. Je ne vis pas ici, mais certains des gens qui travaillent avec moi y vivent. Qu'a donc fait soudainement le maire de Chelsea ou de la municipalité en question?

M. Proulx : Si vous avez votre propre puits, que ce soit pour un chalet ou une maison dans une petite municipalité, les dispositifs de traitement de l'eau au point d'utilisation, qui sont des unités de traitement à usage résidentiel, fonctionnent très bien. Pour ce qui est du coût, c'est la solution la moins chère. Il y a différents types de filtres. Ça va du simple filtre, comme un filtre Brita pour l'eau potable, si vous vous sentez à l'aise de vous laver avec de l'eau non traitée, selon les contaminants qu'elle renferme, jusqu'à un système d'épuration par osmose inverse qui traite complètement toute l'eau comme le ferait une station de traitement des eaux d'une municipalité.

Le sénateur Angus : Cependant, ça ne va pas jusqu'à la source.

M. Proulx : Il serait préférable d'aller jusqu'à la source, mais c'est difficile de traiter l'eau souterraine, contrairement à celle d'un lac ou d'une rivière qui finit par aboutir dans le réseau.

M. Ellison : Un autre aspect à considérer est le besoin de vérifier la qualité de l'eau et de comparer les résultats avec les niveaux recommandés. Ces recommandations peuvent indiquer, par exemple, 0,2 microgramme par litre. Cependant, le facteur de tolérance s'élève peut-être à 10.

Le sénateur Angus : Parle-t-on des bactéries coliformes?

M. Ellison : Non, plutôt de quelque chose comme l'uranium.

Le sénateur Angus : Vous voulez dire un minéral nocif?

M. Ellison : Oui. La plupart sont en réalité des problèmes chroniques. Une exposition à des concentrations élevées d'uranium pendant 35 ans peut mener au cancer du foie ou ultimement à la mort. On pourrait dire que si le niveau recommandé est de 0,2 mais que le facteur de tolérance est de 10, cela signifie qu'on pourrait être exposé à une concentration de 20. Si votre concentration est de 0,3, c'est au-delà du niveau recommandé mais conforme aux limites tolérées. Voilà pourquoi il est difficile d'évaluer les risques pour la santé.

Aux États-Unis et au Canada, les concentrations d'arsenic baisseront probablement de beaucoup, de 25 microgrammes par litre à 5, ce qui représente un cinquième du niveau antérieur.

Le président : S'agit-il du niveau de concentration permis ou des concentrations naturelles?

M. Ellison : Non, les concentrations naturelles peuvent être d'environ 50, mais d'après les dernières appréciations des risques de l'arsenic pour la santé, dans la mesure où c'est une substance cancérogène, nous devrions limiter notre exposition à cette substance. Beaucoup de petites municipalités, particulièrement celles dans le Midwest ayant de 500 à 600 habitants, ont de fortes concentrations d'arsenic dans l'eau souterraine et non dans l'eau de surface. On ne peut toutefois se permettre de traiter toute l'eau pour réduire les concentrations d'arsenic; la Environmental Protection Agency des États-Unis permet aux municipalités d'installer des dispositifs de traitement de l'eau au point d'utilisation en vue de réduire les concentrations d'arsenic dans les 20 litres d'eau, et non 2 000 litres, qui sont utilisés réellement à des fins de consommation d'eau potable.

Toutefois, les gens se demandent pourquoi ils doivent payer 10 000 $ ou 1 000 $ alors qu'ils n'habiteront dans cette municipalité qu'un certain temps et que, sur une période de 30 ans, ils ne seront exposés à ce risque que pendant un dixième du temps. D'autres diront que cela n'a aucune importance car ils boivent cette eau depuis 40 ans.

Le sénateur Angus : Ils ont développé des anticorps.

Le président : On ne peut être immunisé contre l'arsenic.

Le sénateur Christensen : Vous avez dit qu'il y avait 500 000 kilomètres de conduites. Est-ce que ça inclut les égouts pluviaux ainsi que les conduites d'eau et d'égout habituelles?

M. Ellison : Probablement. Personne ne sait exactement l'étendue des réseaux. Aucune donnée statistique n'a été recueillie à l'échelle nationale sur ce type d'infrastructure; il s'agit donc d'estimations.

Le sénateur Christensen : Au début de ma carrière, j'étais en politique municipale. Pour ce qui est du remplacement du réseau vieillissant — ce qui est un problème majeur dans bon nombre de nos villes — , les réseaux d'aqueduc et d'égout ont tellement de fuites qu'ils ne répondent tout simplement pas aux besoins. Qu'en est-il pour l'Europe, où les réseaux d'aqueduc et d'égout existent depuis très longtemps? L'Europe a-t-elle pu relever ce défi?

M. Ellison : Non. Les pays européens éprouvent également des difficultés. Lorsque les réseaux ont été privatisés en Grande-Bretagne sous le premier ministre Thatcher, il y a eu une hausse considérable des tarifs pour la consommation de l'eau; ce fut une décision très difficile sur le plan politique, mais ça ne visait qu'à rattraper les retards au chapitre des infrastructures. Les deux pays qui affichent le taux le plus bas en matière de pertes d'eau et la qualité la plus élevée pour leurs infrastructures sont la Hollande et l'Allemagne. Pour ce qui est des autres pays d'Europe, ils sont dans la même situation que nous.

Le sénateur Christensen : Ils n'ont donc qu'environ 200 ans de retard sur nous?

M. Ellison : On s'est toujours assuré de renouveler chaque année de 0,6 à 1 p. 100 de l'infrastructure, sur un cycle de 100 ans environ. Certaines municipalités essaient maintenant de doubler leurs efforts de remplacement à 2 p. 100 par année, si elles en ont les moyens financiers.

Le sénateur Christensen : Si l'on regarde les différents matériaux utilisés au fil des ans dans nos réseaux d'aqueduc et d'égout, on constate que certaines municipalités ont encore des conduites en bois, d'autres sont en briques et ciment ou en fibre de ciment et il y en a maintenant en plastique. Pour ce qui est de l'installation des nouvelles conduites en plastique, quelle est leur durée de vie estimée?

M. Proulx : Pour ce qui est de l'avance que l'Europe aurait sur nous, ce n'est que sur le plan du drainage. Pour ce qui est de l'eau potable, nous avons tous installé des conduites à la même époque, parce que l'eau potable est un concept qui est apparu pratiquement au même moment à l'échelle mondiale. Les stations de traitement des eaux ont toutes le même âge, que ce soit en Europe ou au Canada.

Le sénateur Christensen : Les Romains avaient des aqueducs et des choses comme ça.

M. Proulx : Il ne s'agissait que de conduites d'égouts. Ça ne faisait que transporter l'eau. Il n'y avait pas de pression. Les réseaux d'aqueducs européens ont tous le même âge et vieillissent de la même façon. Les recherches s'appliquent bien à l'Europe et à l'Amérique du Nord.

En ce qui a trait aux conduites en plastique, ça fait environ 30 ans qu'on les utilise. Nous ne savons pas combien de temps elles vont durer. En réalité, on ne connaît pas leur durée de vie tant qu'on n'a pas à les remplacer. Au début, lorsqu'il était question d'installer ce type de canalisations, c'était l'élément qui inquiétait les gens. Bon nombre de municipalités ont retardé l'installation de conduites en plastique car elles ne pouvaient prévoir leur durée de vie et craignaient que l'on ne découvre dans 20 ans que le plastique dégageait une substance nuisible à la santé. En réalité, nous ne pouvons pas nous prononcer avec certitude, mais rien ne semble révéler un tel problème. Jusqu'à maintenant, tout indique que ce type de canalisation a une durée de vie très longue. On essaie de mettre un peu plus de pression dans les canalisations pour voir combien de temps elles vont résister avant de se briser, mais tout semble bien aller. C'est une des questions. Si l'on pense que l'infrastructure aura une durée de vie de 40 à 80 ans, combien d'argent devrions-nous investir maintenant en vue de son remplacement dans 10, 15 ou 20 ans? Nous ne savons pas combien d'argent il faut injecter car nous ne pouvons pas prévoir la durée de vie des canalisations en plastique.

Le sénateur Christensen : En raison de notre climat, le sol gèle à de nombreux endroits pendant l'hiver; on parle alors d'une toute autre situation.

M. Proulx : C'est une excellente remarque. Les infrastructures des années 1900 à 1950 ont été installées selon certaines normes. Dans la plupart des cas, on enfouissait des conduites à une certaine profondeur. Oui, le sol gèle au Canada, et le coût des infrastructures est plus élevé en raison de la profondeur à laquelle les conduites sont enfouies. À Ottawa, selon la norme, les canalisations devraient être installées à 2,4 mètres de profondeur, ou 8 pieds, pour s'assurer qu'elles sont sous le niveau du gel, mais probablement environ la moitié des conduites ne respectent pas cette norme. En raison du gel, les canalisations bougent, se fissurent et brisent, ce qui explique pourquoi la plupart des municipalités du Canada affichent un niveau de perte d'eau plus élevé qu'aux États-Unis, et certainement qu'en Australie, où les conduites sont enfouies à trois pieds uniquement pour les supporter. Les normes ont changé à mesure que nos connaissances se sont accrues. C'est la même chose ailleurs dans le monde. Nous sommes tous dans le même bateau. On n'enfouit pas les conduites d'eau principale et les conduites d'égout au bon niveau. Bien que ce soit différent pour les égouts, il ne fait aucun doute que les conduites d'eau principales n'ont pas été initialement enfouies à la bonne profondeur; on essaie maintenant de rajuster le tir en fonction des normes appropriées.

Le sénateur Christensen : Qu'en est-il du coût du plastique? Nous considérons l'utilisation de plastiques et d'hydrocarbures et les coûts élevés du gaz et du pétrole. En quoi cela influence-t-il notre infrastructure?

M. Proulx : Le coût des conduites en plastique ne diffère pas beaucoup de celui des conduites sous pression en béton. L'avantage du plastique réside dans sa maniabilité pour les entrepreneurs. Comme le plastique est plus léger, il n'est pas nécessaire d'utiliser de l'équipement lourd pour installer ces conduites. C'est l'avantage du plastique. Quelques travailleurs peuvent simplement prendre le plastique et commencer à l'installer. On peut certes réaliser des économies à ce chapitre. C'est pour cette raison qu'on utilise les tuyaux en matière plastique pour toutes les conduites maîtresses, probablement jusqu'à 400 millimètres, soit 16 pouces de diamètre. Il s'en fait jusqu'à 36 pouces de diamètre, mais il est difficile d'obtenir une bonne solidité structurale pour les tuyaux de plastique dépassant les 16 pouces. Les normes doivent être appliquées à l'échelle mondiale avant d'être approuvées, surtout pour ce qui est de la qualité de l'eau. C'est un peu différent pour ce qui est des conduites d'égout où ces préoccupations ne sont pas aussi grandes. Mais dans le cas de l'eau potable, les conduites de plastique doivent respecter des normes très rigoureuses pour veiller à ce que rien ne s'infiltre dans l'eau.

Le sénateur Christensen : Comment envisagez-vous la prochaine génération de produits pour la distribution de l'eau?

M. Proulx : Je vois davantage d'appareils utilisés aux points de consommation, principalement pour le traitement de l'eau. Il existe des membranes. La désinfection par ultraviolets pour réduire la formation de sous-produits est vraiment en progression. Le Canada est l'un des chefs de file mondiaux pour ce qui est de ces technologies de désinfection aux ultraviolets et de membranes. Nous réalisons d'intéressants progrès à cet égard.

Le sénateur Christensen : Comment les tarifs de l'eau au Canada se comparent-ils à ceux des autres pays industrialisés?

M. Ellison : D'aucuns prétendent que nous avons les deuxièmes tarifs les plus bas au monde. Ce résultat est en partie attribuable au fait que nous n'avons pas un régime de pleine récupération des coûts, ce qui est peut-être davantage le cas de certains pays européens.

J'ai également essayé d'utiliser l'indice du hamburger. Vous payez 2,95 $ pour un hamburger McDonald ici; 2,95 livres sterling pour un hamburger en Grande-Bretagne; et 2,95 euros pour un hamburger en France ou en Espagne. Si on considère qu'un mètre cube d'eau coûte 1 $ dans nos grandes villes, une livre sterling en Grande-Bretagne et un euro en Europe, on peut effectivement penser que, dans l'absolu, nos tarifs sont trop bas, mais il s'agit probablement du taux courant compte tenu de notre contexte socioéconomique. Les comparaisons internationales où tout est converti en dollars américains ne tiennent pas compte du contexte social, des revenus per capita et d'autres éléments du genre.

Mon épouse et moi-même revenons à peine d'une réunion de l'ISO en Espagne. Nous avons été stupéfaits de constater le coût de la vie en Espagne comparativement au Canada, alors pourquoi notre eau ne serait-elle pas aussi moins cher? Nous devrions plutôt en être fiers.

Le sénateur Christensen : Quelles mesures sont prises à l'échelon municipal pour le traitement des eaux usées relativement aux médicaments qui s'y retrouvent en raison de l'utilisation massive d'antibiotiques et de ces autres formidables substances qui sont censées nous assurer la vie éternelle?

M. Ellison : Deux questions se posent. Premièrement, Santé Canada s'emploie à bien évaluer les risques pour la santé de ce phénomène. On ne les connaît pas vraiment actuellement, mais il faut savoir que peut-être 60 p. 100 de ces médicaments sont métabolisés et que les 40 p. 100 qui passent dans le système sont dilués. Le dosage qui est réinjecté dans le réseau est minime par rapport à celui du médicament pris au départ. Cela correspond probablement à un milliardième de la concentration initiale. Il est donc important d'évaluer cet aspect.

Deuxièmement, il faut aussi se demander comment nous pouvons traiter ces médicaments. Des recherches sont actuellement effectuées sur les technologies de traitement pouvant être appliquées à une partie de ces substances.

La bonne nouvelle, c'est que notre problème est minime par rapport à ce qui se passe dans les eaux du Rhin en Europe. On dit que chaque litre d'eau de ce fleuve transite par six reins humains différents avant d'atteindre la mer du Nord.

Le sénateur Christensen : On dit la même chose au sujet de la Tamise. Nous avons rencontré sur le train une fille qui travaillait pour le service des eaux de la ville de Londres. Elle était biologiste et son travail consistait à vérifier la qualité de l'eau. Elle nous a dit que chaque verre d'eau était bu par au moins six personnes. Ce n'était pas très rassurant.

Nous voulons effectuer une étude sur l'eau et c'est un sujet très vaste. Nous voulons nous fixer des paramètres de manière à accomplir un travail pertinent. Devrions-nous nous intéresser à la sécurité de l'approvisionnement? Devrions-nous nous pencher sur les questions transfrontalières? Devrions-nous examiner les problèmes en aval? Devrions-nous nous attarder aux questions liées au réchauffement de la planète? Avez-vous des suggestions à nous donner quant aux thèmes que nous devrions privilégier pour faire un travail vraiment utile?

M. Ellison : Oui.

J'aurais d'abord quelque chose à ajouter au sujet des produits de soins personnels et des produits pharmaceutiques. Pour l'évaluation des médicaments, il faudrait notamment déterminer dans quelle mesure ils sont métabolisés par le corps humain de telle sorte qu'ils ne posent pas vraiment problème.

Le sénateur Christensen : Avec l'âge, on métabolise moins.

M. Ellison : Le dosage et la fréquence ont une incidence. Santé Canada doit se pencher sur l'utilisation des médicaments. Par exemple, les pesticides doivent être biodégradables dans les trois jours suivant leur application. Ce n'est pas le cas pour les médicaments, de telle sorte qu'ils ont un effet durable. Il serait difficile de ne pas préconiser comme sujet d'étude la vulnérabilité et la sécurité des approvisionnements en eau. Il ne fait aucun doute qu'aux États- Unis comme dans certains pays européens, les risques d'attaques terroristes à ce niveau causent d'importantes inquiétudes. C'est donc probablement un sujet auquel il convient de s'intéresser.

Je crois toutefois que le comité devrait surtout s'attarder aux questions liées à l'infrastructure, à l'entretien et à la structure de tarification notamment. Il faut que l'eau soit bien évaluée et que sa tarification soit établie en conséquence de telle sorte que les citoyens apprécient chaque litre d'eau utilisé et se rendent compte que c'est une ressource très précieuse pour les êtres humains parce qu'ils ne peuvent pas vivre sans elle. Nous pouvons survivre sans nourriture pendant un certain nombre de jours, mais nous ne pouvons pas vivre sans eau. Nous devons considérer ce genre d'infrastructure socioéconomique. Règle générale, nous n'avons pas les problèmes d'approvisionnement que connaissent les Prairies, ce qui est une autre question à examiner. Nos problèmes concernent plutôt l'infrastructure et le traitement. Pouvons-nous compter sur la meilleure infrastructure possible et sur les systèmes de traitement les plus efficaces qui soient? Quelles recherches doivent être effectuées pour nous permettre d'améliorer notre infrastructure?

Je traite brièvement dans mon document de la nouvelle technologie de pose de conduites sans tranchée, qui a réduit les coûts de réfection des conduites maîtresses d'eau. C'est un exemple du type de mesure que nous devons prendre pour utiliser nos ressources de façon plus optimale.

Le sénateur Milne : La plupart des questions importantes ont été posées, mais j'en aurais quelques-unes à ajouter. Premièrement, pour ce qui est de l'eau embouteillée, je connais au moins une entreprise qui la prend directement du réseau de distribution de Bolton (Ontario). Elle a été mise en marché en tant qu'eau de source, mais je ne sais pas si c'est encore le cas. Bolton puise son eau dans le lac Ontario, ce qui fait qu'on vend des bouteilles d'eau du lac Ontario traitée par la municipalité. C'est un véritable gaspillage.

Deuxièmement, depuis les événements de Walkerton (Ontario), de nombreux nouveaux régimes de traitement d'eau ont été instaurés, non seulement sous réglementation provinciale, mais aussi sous réglementation municipale. Mon époux est responsable de la vérification de la qualité de l'eau au champ de foire de Brampton Falls. C'est de l'eau traitée par la municipalité. L'eau doit être testée à chaque semaine, en plus des vérifications effectuées par la municipalité, sans compter qu'elle est traitée par ultraviolets. Dans certains cas, la province a mis les bouchées doubles depuis l'affaire Walkerton, ce qui a fait grimper le coût du traitement de l'eau dans tout l'Ontario.

Je vous parle beaucoup de mes expériences personnelles et je vais poursuivre dans le même sens. Ma fille est actuellement en visite à Calgary et mes petits-enfants boivent donc l'eau de cette ville. Cette eau qui n'est pas tarifée au compteur tire sa source de la fonte des neiges dans les montagnes. Ces villes de l'Ouest connaissent une croissance exponentielle et doivent assumer des coûts d'infrastructure énormes. Il s'agit d'une infrastructure récente, mais comme les maisons sont éloignées les unes des autres, les coûts sont plus élevés. Dans bien des villes de l'Ouest, la demande est à la hausse et l'approvisionnement est en baisse. Comment l'ACEPU envisage-t-elle l'avenir pour ce qui est de ce problème que nous devons régler?

M. Ellison : Notre association compte un comité de conservation qui s'emploie très activement à examiner toutes les formes possibles de gestion de la demande en eau ainsi que les techniques pouvant être utilisées pour contrôler la demande, soit notamment la tarification, les interdictions d'irrigation ou l'utilisation de toilettes de six litres. Ainsi, la région de Waterloo vient de rendre publique une étude sur les valves de rinçage des lave-vaisselle. L'étude recommande que la municipalité assume les coûts d'installation de telles valves parce que les sommes ainsi investies seraient récupérées en 18 mois à peine.

Ce sera une question fort importante pour l'avenir de bien des villes sous deux aspects. Premièrement, dans certains cas la source d'approvisionnement en eau est déjà surexploitée; deuxièmement, la ville de Toronto est déjà en mode conservation : en dépensant 75 millions de dollars pour subventionner le remplacement des toilettes, la ville peut éviter plus de 200 millions de dollars en investissements dans l'expansion de son infrastructure, notamment pour l'installation de conduites plus grandes. Bien évidemment, s'il est possible de réduire de 15 p. 100 la consommation par habitant, vous pouvez desservir 15 p. 100 de gens de plus sans changer les conduites. C'est certainement une question sur laquelle ce comité pourrait se pencher. Je vous ai parlé de l'optimisation nécessaire de l'infrastructure et des programmes de traitement.

Nous devons également envisager la consommation de nos propres eaux usées. Dans les régions arides des États- Unis, nous constatons que l'eau de récupération — l'eau usée épurée — devient la source d'approvisionnement en eau potable. Il est bien certain que nous possédons les capacités pour ce faire. De nombreuses villes déversent des eaux de bonne qualité dans une rivière dont les eaux sont de qualité inférieure. Elles devraient pouvoir diriger ces eaux directement dans la canalisation d'arrivée à l'usine de traitement de l'eau potable étant donné qu'elles sont plus propres que celles de la rivière. Des gens de la ville de Saskatoon m'ont déjà dit qu'ils aimeraient que leurs conduites de sortie deviennent leurs conduites d'arrivée pour l'eau potable parce que cela leur permettrait d'économiser.

Dans l'ensemble, c'est une solution difficile à faire accepter. Examinons quelques exemples. À Windhoek, en Namibie, 20 p. 100 de l'eau potable provient des eaux usées. Singapour compte maintenant une usine de « fabrication » d'eau qui assure actuellement 2 p. 100 de l'approvisionnement en eau nécessaire à la ville à partir de ses eaux usées — d'ici 10 ans, cette proportion atteindra 20 p. 100.

La technologie existe. L'Équipe d'intervention en cas de catastrophe, DART, qui s'est rendue au Sri Lanka peut prendre n'importe quelle eau et la rendre tout à fait potable; nous avons la technologie.

M. Proulx : En Amérique du Nord, cette technologie est beaucoup utilisée, mais pas pour l'eau potable. Étant donné que l'irrigation draine une grande partie des approvisionnements en eau, les eaux ménagères pourraient facilement être utilisées à cette fin si l'on installait un système de canalisation. Cela se fait beaucoup en Californie. Dans un tel scénario, les eaux usées ne vont pas directement dans le réseau d'alimentation en eau potable. Ces eaux se retrouvent dans la chaîne alimentaire, mais elles doivent obligatoirement être traitées. On procède ainsi pour les terrains de golf et pour plusieurs usages en agriculture. Un tel système est avantageux, parce que bon nombre des éléments nutritifs retournent dans le sol.

M. Ellison : Toutes les eaux usées de Moose Jaw sont utilisées pour l'irrigation.

Le sénateur Buchanan : Qu'en est-il de l'eau de mer?

M. Ellison : Heureusement, nous n'en avons pas encore besoin, mais des pays comme l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis procèdent systématiquement au dessalement de l'eau au moyen de systèmes d'osmose inversé et de microfiltration conçus par Zenon au Canada.

M. Proulx : Il s'agit toutefois de sources d'énergie très dispendieuses. C'est la seule raison : le dessalement est extrêmement coûteux en raison de la taille des molécules. Les bactéries sont beaucoup plus grosses, ce qui fait qu'il est plus facile de les enlever que de procéder au dessalement.

Le sénateur Milne : En parlant des métaux ou autres substances du genre à retirer de l'eau, si vous avez un chalet dans le Bouclier canadien, l'eau potable que vous tirez d'un puits contient nécessairement de l'uranium si elle n'est pas filtrée par du calcaire. Il n'y a absolument aucun doute à ce sujet.

Il serait intéressant pour notre comité de pouvoir consulter des données sur vos 200 membres; par exemple, un classement de ces membres en fonction de leurs sources d'approvisionnement en eau, des deux types de traitement des eaux — de la source jusqu'au robinet puis du robinet jusqu'à la source à nouveau — et des eaux usées et des volumes qu'ils ont à traiter. Si vous disposez de données ou d'un classement du genre, nous vous serions gré de nous en faire part.

M. Ellison : Nous ne disposons pas de tels renseignements, mais nous pourrions certes essayer d'en obtenir. Certaines statistiques à l'échelle nationale sont disponibles grâce à Environnement Canada, je crois. Il y a notamment la base de données BUM regroupant les résultats d'un sondage effectué tous les deux ans qui traite de l'utilisation de l'eau par les municipalités de plus de 1 500 habitants. Vous pourriez communiquer avec Environnement Canada pour en savoir davantage sur les données recueillies.

Le sénateur Milne : Je sais que la ville de Toronto traite toutes ses eaux d'égout, mais je ne sais pas à quel stade de traitement et quelle proportion des eaux est soumise à ce traitement. La ville de Montréal avait l'habitude de déverser directement dans le fleuve ses eaux usées, mais je crois qu'elle en traite maintenant une partie. Bien évidemment, nos villes portuaires déversent encore leurs eaux usées dans l'océan.

Mme Catherine Jefferson, directrice des relations gouvernementales, Association canadienne des eaux potables et usées : Comme M. Ellison vous l'a indiqué, il y a la base de données BUM d'Environnement Canada qui peut vous aider à trouver ce genre d'information. Il existe également quelques autres sources et je suis convaincue que nous pouvons rassembler les renseignements suffisants pour vous aider dans votre étude.

Le sénateur Christensen : Les territoires sont-ils représentés au sein de votre association?

M. Ellison : Oui, tous les trois.

Le président : Si nous comptons demander de l'information à Environnement Canada, peut-être n'est-il pas nécessaire que vous en fassiez autant.

Le sénateur Adams : Je suis de Rankin Inlet, au Nunavut. Il y a seulement deux villages qui ont un système d'aqueduc et d'égout au Nunavut : Rankin Inlet et Iqaluit. Au début, lorsque ces tuyaux de plastique — en PVC — sont arrivés au Canada, j'étais électricien et j'ai raccordé bon nombre d'appareils de chauffage à ces tuyaux. Nous avons découvert que ces tuyaux n'étaient pas flexibles. Certains systèmes de chauffage sont tombés en panne après que l'équipement eut déformé de tels tuyaux. Nous les avons remplacés lorsque nous avons constaté ce problème.

Je m'inquiète surtout des systèmes en place au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. Nos conduites doivent être installées à l'intérieur d'un réseau bouclé où l'écoulement de l'eau ne doit pas être interrompu. Dès que l'écoulement s'arrête, ne serait-ce que pour deux ou trois heures, tout le réseau gèle. Les gens de ces régions apprécient l'eau courante.

Bon nombre des résidents locaux ne peuvent pas boire l'eau du robinet parce qu'elle est trop chargée de chlore. Ils n'aiment pas non plus utiliser l'eau du robinet pour faire du thé. Les aînés utilisent seulement la glace provenant du lac pour faire du thé. En été, les gens prennent un seau et vont puiser de l'eau à la rivière pour faire le thé et il n'y a pas de problème.

Dans 24 des collectivités de la région, des réservoirs en fibre de verre ou en plastique sont utilisés pour l'approvisionnement en eau et sont en place depuis une longue période. Je ne me suis jamais vraiment posé de questions à ce sujet. Comme ces réservoirs sont là depuis toutes ces années, je me demande si les gens peuvent encore utiliser cette eau sans danger. Est-il possible que des produits chimiques s'échappent de la fibre de verre ou du plastique après une longue période? Je ne sais pas si quelqu'un a déjà vérifié ce genre de système.

Bon nombre d'Inuits sont préoccupés par la salubrité de leur eau. Il y a de nombreux cas de cancer dans notre communauté. Les gens s'inquiètent beaucoup et essaient de savoir d'où cela provient. Peut-être est-ce une maladie qui n'a rien à voir avec l'eau, mais nous ne le savons pas.

Il fut un temps où le ministère des Travaux publics s'occupait de tout dans la communauté. La création des hameaux a été une très bonne chose. J'étais parmi ceux qui ont contribué à l'établissement du hameau de Rankin Inlet en 1970. Avant cela, il y avait seulement un petit conseil communautaire et nous ne pouvions obtenir aucun budget ni aucune aide du gouvernement pour essayer de prendre nos affaires en main. C'était vraiment comme ça que les choses se passaient à une certaine époque.

Vers 1965 ou 1968, nous avions des bains publics parce que personne n'avait l'eau courante. Les gens de la communauté n'avaient pas de salle de bain à l'époque, mais les choses ont changé. Il y a maintenant un système de pompage dans chaque maison.

Entre-temps, les gens ont opté pour la privatisation et on doit maintenant payer l'eau qu'on consomme. En principe, il y a de l'eau propre dans l'Arctique, mais nous continuons d'être préoccupés par la question du réseau d'aqueduc dans la collectivité et de la meilleure chose à faire à cet égard. Des personnes qui habitent à proximité du lac, et d'autres qui vivent à trois ou quatre milles de là, se chargent de remplir le camion-citerne. S'il y a une tempête, elles doivent attendre que le chasse-neige soit venu déblayer la route pour se rendre au lac. Les villes, elles, sont privées d'eau lorsqu'il y a une panne de courant. La situation est très différente dans le Nord.

Je ne sais pas si vous avez ou non une solution à offrir. Je ne m'inquiète pas outre mesure, mais je suis tout de même quelque peu préoccupé par ces camions-citernes et par le réseau d'eau sous pression dans la collectivité.

M. Ellison : Je crois qu'il y a quelques solutions à cela. Elles pourraient être coûteuses et entraîner un changement des attentes sociales.

Je me suis souvent demandé, par exemple, pourquoi les collectivités de l'Arctique ou des régions éloignées utilisaient encore l'eau pour faire fonctionner les toilettes. Les Suédois se servent depuis longtemps de toilettes électriques et je crois qu'il est relativement facile d'avoir un approvisionnement sûr en électricité dans le Nord. On utilise la toilette, on appuie sur un bouton et la chaleur brûle et évapore les déchets. Une fois par mois, il suffit de vider un récipient qui renferme quelques cendres grises. C'est peut-être mieux que d'utiliser six ou dix litres d'eau chaque fois qu'on actionne la chasse d'eau et de devoir ensuite traiter les eaux usées.

Il est triste de voir qu'on essaie de vivre comme à Toronto dans les régions éloignées et de faire appel aux technologies conventionnelles au lieu d'en chercher de nouvelles qui pourraient offrir un service de même qualité. Je sais que la Société canadienne d'hypothèques et de logement a effectué beaucoup de recherche sur le recyclage et le traitement sur place des déchets. Dans le cadre de programmes mis en place par les ministères du Logement du Nunavut et des Territoires du Nord-Ouest, on recycle maintenant ces déchets dans un certain nombre de maisons.

Comme il s'agit d'une technologie différente, elle peut être plus coûteuse. Elle peut exiger pour le consommateur plus d'entretien que si la ville s'en occupait, mais il y a peut-être des façons de le faire. Je sais que dans le nord de la Saskatchewan certaines collectivités des Premières nations ont innové grâce à ce qu'on appelle les programmes de formation itinérante dans le cadre desquels des experts viennent expliquer aux membres de la collectivité comment le faire eux-mêmes. Si on voulait effectuer sur place le recyclage et la réutilisation de l'eau, il faudrait pouvoir compter sur des spécialistes dans la collectivité pour aider le propriétaire de l'édifice ou le locataire à le faire. On ne demanderait pas aux gens de changer le filtre toutes les trois semaines car des spécialistes viendraient le faire.

À Wakefield, par exemple, il est actuellement question de rendre l'inspection des fosses septiques et le pompage obligatoires au lieu de laisser les propriétaires s'en occuper, car on sait qu'ils ne le feront pas. Par conséquent, il faut réfléchir à de nouvelles technologies et mesures sociales et, comme il existe un service de fourrière à la municipalité, quelqu'un serait payé pour changer les filtres pour l'eau potable.

Comme on peut le constater, la technologie est disponible. Si on regarde ce qui se passe dans le monde, on voit qu'en Australie du Sud, les maisons doivent dorénavant être dotées d'un système de collecte des eaux de pluie, mais j'admets qu'il ne s'agit pas d'une bonne solution dans l'Arctique. Les Caraïbes ont adopté cette mesure il y a plusieurs années et pourtant on l'a tournée en ridicule. Pourquoi?

Le sénateur Angus : Parce qu'on en avait assez.

M. Ellison : Certes, mais il y a des leçons à tirer.

Le sénateur Christensen : On avait l'habitude de le faire. On avait toujours de gros barils pour amasser l'eau de pluie dont on se servait pour laver les vêtements, se laver les cheveux ou laver la vaisselle. Pour l'eau potable, on se servait d'une petite pompe mais on avait toujours ces gros barils pour les eaux ménagères.

Le sénateur Adams : En ce qui concerne les toilettes électriques, certaines collectivités du Nord n'en ont pas suffisamment et leur usage quotidien est limité. Dans certaines maisons, il y a des problèmes de débordement. De plus, comme des produits chimiques y sont associés, on s'inquiète des taux d'évaporation. Nous avons étudié la question et nous avons constaté la présence de problèmes particulièrement dans les grandes familles, ou deux générations vivent sous le même toit. Un de mes amis, dont la maison n'est pas encore raccordée aux services d'aqueduc et d'égouts, doit utiliser un système de remplissage d'eau qui consomme 500 gallons d'eau à la fois et qu'il doit remplir jusqu'à deux fois par jour car il a 14 enfants à la maison.

M. Ellison : Le Centre technique des eaux usées de Burlington, qui est exploité par Environnement Canada, effectue des recherches sur les technologies de traitement des eaux usées et a consacré beaucoup d'efforts à la mise au point de petits systèmes qui pourraient faire l'affaire.

Le sénateur Adams : Vous avez fait allusion à la Suède. Nous avons examiné entre autres ses systèmes à vide et ses réseaux d'assainissement. Des habitants du Nord demandent maintenant au gouvernement de commencer à mettre au point de nouveaux systèmes pour l'avenir. La situation dans le Nord est bien différente de celle qu'on observe dans le Sud. À cause du pergélisol, il est coûteux d'installer des réseaux d'aqueduc et d'égout dans nos collectivités.

Le président : Sénateurs, je voudrais poser deux ou trois brèves questions. D'abord, si d'autres questions nous viennent à l'esprit après la séance d'aujourd'hui, seriez-vous favorable à l'idée qu'on vous les fasse parvenir et que vous y répondiez lorsque cela vous sera possible?

M. Ellison : Oui.

Le président : M. Proulx a fait allusion à un système à deux tuyaux. Il me semble que l'une des difficultés à l'heure actuelle, c'est qu'un réseau municipal d'aqueduc traite habituellement toute l'eau conformément aux normes les plus élevées, y compris celle qu'on utilise pour alimenter les toilettes, arroser les pelouses et laver les automobiles. N'est-ce pas là un bel exemple d'inefficacité?

M. Proulx : C'est l'impression que cela peut donner mais, comme M. Ellison l'a fait remarquer, il est très difficile de faire comprendre aux gens que 80 p. 100 du coût de l'eau est attribuable à des coûts fixes, et ce, en raison des infrastructures. Ce pourcentage correspond dans une large mesure aux coûts des réparations, du remplacement et de l'entretien des infrastructures et, croyez-le ou non, la plus grande partie de l'argent est affectée aux tuyaux ensevelis. Si on veut installer un autre réseau de tuyaux enfouis, les coûts sont énormes.

On a étudié à maintes reprises ce qu'il en coûte pour traiter toute l'eau conformément aux normes établies pour l'eau potable alors que peut-être 5 p. 100 seulement de l'eau est destiné à la consommation. On boit seulement 5 p. 100 de l'eau qui est traitée. On pourrait donc également discuter de l'eau utilisée pour les douches et des conséquences de cette consommation. Toutefois, 5 p. 100 seulement de l'eau consommée a besoin d'être potable.

Donc, pourquoi ne pas utiliser un système à deux tuyaux et ne traiter que 5 p. 100 de l'eau en respectant les normes établies pour l'eau potable et le reste en fonction de normes inférieures suffisantes pour empêcher la corrosion des tuyaux. Cette eau pourrait être utilisée pour combattre les incendies, arroser les pelouses, et tout le reste. Toutefois, il faudrait probablement augmenter les coûts d'infrastructure de 50 p. 100, ce qui ne ferait qu'augmenter l'opération du traitement : voilà pourquoi on ne le fait pas.

Le président : C'est vrai, dans la mesure où vous avez de l'eau.

M. Proulx : Très juste, vous avez tout à fait raison.

Le président : En ce qui a trait au problème que le sénateur Milne a soulevé, dans l'Ouest, nous n'avons pas d'eau. Je ne pensais pas à des conduites d'adduction parallèles, mais plutôt à avoir, dans ma propre maison, un dispositif qui permettrait d'emmagasiner l'eau que j'utilise lorsque je prends une douche pour la réutiliser plus tard lorsque j'actionne la chasse d'eau. Je pensais à une solution interne, plus près du point d'utilisation.

M. Ellison : J'ajouterais que l'association a conjugué ses efforts à ceux de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, et que nous sommes parvenus à convaincre l'Association canadienne de normalisation d'établir une norme réservée aux réseaux d'eau non potable, ce qui permettrait de répondre à cette situation. À l'heure actuelle, le Code national de la plomberie ne le permet pas. Qu'il s'agisse d'amasser l'eau de pluie ou l'eau de la douche pour la réutiliser plus tard pour actionner la chasse d'eau, le concept est bien connu mais il n'est tout simplement pas légal au Canada. Il s'agit donc de la première chose à faire.

Santé Canada participe au travail d'élaboration de normes de qualité inférieure qui s'appliqueraient à l'eau non potable qu'on utilise pour actionner la chasse d'eau. Cette eau devrait manifestement satisfaire à certaines normes de qualité. La question est actuellement à l'étude et on pourrait peut-être venir vous faire un exposé là-dessus à un moment donné. Certaines municipalités comme celle de Vernon, en Colombie-Britannique distribuent des eaux usées traitées qui sont réservées aux usages domestiques. Toutefois, ce système à deux tuyaux est offert uniquement dans les nouveaux quartiers.

Plusieurs autres pays, notamment la Namibie et l'Australie, redistribuent les eaux usées traitées pour d'autres usages. Dans le comté d'Orange, en Floride, la totalité des eaux usées est destinée à l'irrigation des terres, y compris les orangeraies; quelque 1 700 ou 1 800 résidences sont également raccordées au réseau.

Le concept est très bien compris. C'est une question d'économie, mais aussi une question de perception populaire.

Le président : Manifestement, c'est plus facile à faire dans un nouveau lotissement que dans un vieux quartier.

J'aimerais poser une dernière question parce que je sais qu'on va la soulever. Dans les cas d'Halifax et de Victoria, le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer à l'égard des coûts disproportionnés à assumer pour dépasser les niveaux de traitement primaire et secondaire des effluents d'eaux usées qu'elles déversent dans l'océan? De quelle façon va-t-on régler la question? C'est un problème qu'on anticipait et qui devient maintenant bien réel.

M. Ellison : Je crois que, dans la mesure du possible, la décision doit être fondée sur des données scientifiques. Ce qu'il faut comprendre, c'est qu'il est nécessaire de mener une étude d'impact sur le milieu aquatique. Dans ce cas, est-ce le déversement des eaux usées traitées qui cause un problème? Si oui, je crois alors qu'il faut corriger la situation. Des localités côtières des Maritimes nous ont dit que cela causait des problèmes à l'industrie de la pêche et que des mesures sont prises.

Le président : On ne peut pas se baigner dans ces eaux.

M. Ellison : Oui, vous avez raison. Le gouvernement fédéral a-t-il un rôle à jouer dans ce dossier? Y aurait-il une façon, en vertu de la Loi sur les pêches, de protéger la pêche? Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer au chapitre du financement?

Le sénateur Buchanan : Certainement.

M. Ellison : Le problème, à Calgary...

Le sénateur Buchanan : En 1986 ou 1987, il y avait 100 millions de dollars. La province devait verser 30 millions de dollars et le gouvernement fédéral, 70 millions. Tout cet argent a disparu et une autre entente de 400 millions de dollars vient tout juste d'être conclue. Le projet est en cours et il bénéficie de fonds fédéraux importants.

M. Ellison : Par ailleurs, les membres de notre conseil d'administration viennent d'un peu partout au pays. Comment réagiraient les citoyens de Winnipeg s'ils devaient assumer les frais d'une usine d'épuration des eaux usées pour laquelle Victoria n'aurait rien eu à débourser? Il s'agit ici d'une question d'équité. Nous comprenons qu'il existe de petites localités qui ne sont pas en mesure de générer le capital requis pour assumer ces coûts, mais tout cela revient au problème de financement des infrastructures et à la question de l'équité. C'est un sujet très délicat, j'en conviens.

Le sénateur Buchanan : On ne parle pas seulement d'Halifax. Toutes les localités côtières sont dans la même situation.

Le président : Je dois malheureusement mettre fin à cette séance au cours de laquelle nous avons appris beaucoup de choses. Les renseignements que vous nous avez fournis sont d'une grande utilité. Je pense que nous voudrons peut-être vous inviter de nouveau et j'espère que vous accepterez notre invitation. Nous vous enverrons probablement d'autres questions et demandes de renseignements. Merci beaucoup.

La séance est levée.


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