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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 8 - Témoignages - Séance du matin


CALGARY, le lundi 7 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit ce jour à 9 h 25 pour examiner en vue d'en faire rapport de nouvelles questions concernant son mandat.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je vois que nous avons le quorum, aussi je déclare la séance ouverte.

Nous allons commencer la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles à Calgary, le lundi 7 mars. Je vous prie de nous excuser pour le retard.

Nous allons maintenant entendre le témoignage de M. Marlo Raynolds, qui est directeur exécutif du Pembina Institute, en Alberta. J'espère, monsieur Raynolds, que vous allez nous expliquer en quoi consiste l'institut Pembina et sa raison d'être, et qu'il nous restera un peu de temps pour vous poser des questions.

M. Marlo Raynolds, directeur exécutif, Pembina Institute : Merci. Bonjour, mesdames et messieurs. Merci de m'avoir invité à venir témoigner devant vous en cette magnifique matinée de printemps à Calgary.

Le Pembina Institute est un organisme sans but lucratif qui compte près de 35 employés répartis aux quatre coins du pays, notamment à Ottawa, Edmonton, Calgary, Vancouver, ainsi que là où nous avons vu le jour à Drayton Valley, au cœur de l'industrie pétrolière, de l'industrie forestière et au beau milieu de l'industrie de l'élevage du bétail — c'est-à- dire dans les régions rurales de l'Alberta.

Près de 25 de nos employés se trouvent ici même, en Alberta. En tant qu'organisation, nous nous intéressons surtout à l'énergie et à l'environnement. Nous existons depuis un peu moins de 20 ans déjà, et nous nous articulons autour de quatre grands axes d'intérêt ou plutôt, nous avons opté pour quatre manières différentes de susciter des changements dans le secteur énergétique.

L'un de ces axes d'intérêt est le secteur des entreprises, auquel nous offrons des services-conseils sur la base du remboursement des frais; ces services s'adressent à la plupart des grandes sociétés du secteur énergétique de l'Alberta. À ce titre, nous les aidons à intégrer les aspects environnementaux et sociaux à la prise de décisions, à la stratégie et nous intervenons aussi sur certains projets dans le cadre d'une coalition formée avec d'autres organisations environnementales.

Par ailleurs, nous faisons l'examen d'études d'impact sur l'environnement. Nous avons donc une compréhension en profondeur des processus de l'AIE et de certains des principaux projets en matière énergétique de l'Alberta.

Le deuxième axe est celui des groupes communautaires, et à ce chapitre, nous effectuons beaucoup de planification communautaire énergétique. Nous avons travaillé avec les 12 communautés des Premières nations, principalement en Colombie-Britannique et en Alberta, avec lesquelles nous avons exploré diverses possibilités sur le plan énergétique, y compris l'efficacité énergétique et l'utilisation des ressources locales.

Le troisième axe est celui des activités liées à l'élaboration de politiques. Dans ce secteur, nous effectuons de la recherche stratégique, principalement en ce qui concerne le changement climatique et les énergies renouvelables, ainsi que des recherches en matière de politique fiscale.

Le quatrième axe est celui des groupes d'éducation, et il fait partie de notre stratégie à long terme visant à éduquer la nouvelle génération de décideurs afin qu'elle contribue à influencer les types de décisions que nous prenons sur les questions énergétiques.

Voilà en quoi consiste l'organisation. Si vous voulez obtenir plus de précisions à cet égard, nous pourrons y revenir plus tard, après la déclaration préliminaire.

Je crois comprendre que vous entreprenez une semaine de consultations assez intensives ici, en Alberta, et que vous avez l'intention de vous pencher sur l'énergie et l'environnement. Vous avez raison, parce que l'Alberta est vraiment un centre névralgique à cet égard, au Canada. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles nous avons établi notre base ici.

On m'a demandé de parler de quatre sujets principaux. Aussi je vais les aborder brièvement. Concernant le Protocole de Kyoto : à ce sujet, on m'a demandé de dire si le Canada est sur la bonne voie. Concernant les énergies renouvelables : on m'a demandé ce que nous pourrions-nous faire pour promouvoir davantage les énergies renouvelables au Canada. Concernant les mesures fiscales et le régime fiscal : on m'a demandé là encore si nous allons dans la bonne direction. Et aussi, quelles sont les options à notre disposition à cet égard ainsi qu'en ce qui concerne l'eau?

Tout d'abord, en ce qui concerne le Protocole de Kyoto, je dirais que pour ce qui est de nous en tenir à l'engagement que nous avons pris à l'échelle internationale, nous sommes sur la bonne voie. Toutefois, nous avons laissé passer six ou sept ans sans véritablement prendre les difficiles décisions qui sont rattachées à la mise en œuvre de nos obligations en vertu du Protocole de Kyoto.

Il y a eu beaucoup de discussions, et ces discussions ont entraîné beaucoup d'incertitude. Il a été très difficile pour le secteur des entreprises, dans ce contexte d'incertitude, de prendre de bonnes décisions en vue d'être capables de réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Nous sommes maintenant arrivés à un point où il est devenu nécessaire de faire preuve d'un solide leadership, de mettre de l'avant la volonté politique et de mettre en œuvre le plan visant à réduire les émissions afin d'atteindre les cibles de la première période d'engagements.

Vous aurez l'occasion de visiter un certain nombre d'entreprises qui comptent parmi les grands émetteurs finaux et de discuter avec leurs représentants. À court terme, nous devons nous assurer que l'engagement qui figure dans le plan initial est respecté, c'est-à-dire, l'engagement qui consiste à réduire les émissions de 55 mégatonnes. On a déjà entrepris des discussions en vue de réduire cette cible. Nous trouvons cela malheureux, et plus particulièrement dans le secteur des hydrocarbures, étant donné les profits records affichés ces dernières années.

Nous avons obtenus d'excellents résultats sur le plan énergétique en Alberta, et au Canada, et le moment est venu de réinvestir ces profits dans les moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les autres impacts environnementaux. D'après les calculs effectués par le secteur des hydrocarbures, il en coûte environ 25 cents le baril de pétrole pour atteindre la cible de la première période d'engagements, c'est-à-dire la réduction de 55 mégatonnes, et nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une dépense raisonnable pour atteindre cet objectif.

Si nous décidons une bonne fois de fixer ces objectifs, l'industrie s'attachera à faire ce dans quoi elle excelle, c'est-à- dire faire preuve de créativité et d'innovation, et elle les atteindra. Nous l'avons vu dans le passé avec l'appauvrissement de la couche d'ozone, et la réduction des CFC. Nous l'avons vu avec le diesel à faible teneur en soufre; nous l'avons avec la teneur en plomb de l'essence. Une fois que les cibles à atteindre sont clairement établies et réglementées, et rendues obligatoires, le secteur des entreprises se tient debout et il s'arrange pour les atteindre.

À moyen terme, il faut vraiment commencer à penser à ce à quoi pourrait ressembler la deuxième période d'engagements, et nous y préparer.

Cette année, à Montréal, nous accueillons la onzième conférence des parties, la CdP 11. Comment voulons-nous nous présenter en tant que pays dans le cadre de cet engagement international?

Il faut vraiment commencer à réfléchir à cette deuxième période d'engagements. Nous devons mettre en place un processus qui garantisse que le dialogue sera concis, efficace et que nous prendrons les mesures nécessaires pour que la mise en œuvre et les actions concrètes se fassent dès que possible, plutôt que de prendre encore sept ans à nous demander comment nous allons nous y prendre pour respecter les engagements de la deuxième période.

À long terme, en supposant que l'on adoptera à l'échelle internationale un objectif visant à atteindre une concentration dans l'atmosphère de 500 parties par million ou moins, il faut commencer à penser aux moyens à prendre pour y arriver.

Et cela commence aujourd'hui avec les mesures que l'on entend prendre pour la première période d'engagements, combinées avec la réflexion à long terme, et c'est véritablement le défi qui se pose à nous aujourd'hui.

Pour ce qui est des mesures fiscales, nous commençons à voir des progrès à cet égard. Le récent budget fédéral prévoit certaines mesures au sujet des énergies renouvelables, mais nous avons vraiment pris du retard par rapport aux pays de l'Union européenne pour ce qui est d'avoir recours à la réforme fiscale écologique, à la réforme des taxes, pour envoyer un message clair.

Nous avons toujours un régime fiscal qui taxe la main-d'œuvre ou les emplois, quelque chose qui nous tient à coeur, mais qui ne taxe pas l'utilisation massive des ressources ou la pollution, quelque chose dont nous ne voulons pas. Par conséquent, comment procéder pour rééquilibrer notre régime fiscal afin d'encourager encore davantage ce qui nous tient à coeur, avoir plus d'emplois, et réduire ce dont nous ne voulons pas, la pollution.

En tant que pays, il faut vraiment que nous commencions à envisager et à mettre à l'essai certains des mécanismes de réforme fiscale avec lesquels l'Union européenne jongle déjà, et je pense que les possibilités sont nombreuses.

Nous sommes l'objet de critiques de la part de l'OCDE parce que nous n'avons pas harmonisé notre régime fiscal avec le développement durable. Nous avons la possibilité de corriger la situation.

L'une des questions que j'aimerais porter à votre attention en ce qui a trait aux mesures fiscales est qu'il a fallu environ 30 ans et des milliards de dollars d'investissement de la part du gouvernement fédéral pour que les sables bitumineux deviennent une réalité, et ces efforts se sont révélés extrêmement rentables.

Il ne fait aucun doute que ces derniers ont été le moteur économique de l'Alberta, et du Canada. La question que cela suscite dans mon esprit est la suivante : à quoi vont ressembler les 30 prochaines années? Si un investissement de cet ordre a porté fruit, mais a laissé dans son sillage quelques problèmes importants sur le plan de l'environnement — l'eau, l'empreinte terrestre, les émissions de gaz à effet de serre, la qualité de l'air dans certaines localités — quel type d'investissement faudra-t-il faire par l'entremise des dépenses fédérales, au cours des 30 prochaines années, avec l'argent des contribuables, pour faire la transition à l'ère de l'énergie durable? Comment amorcer ce processus?

Vous allez vous entretenir directement avec d'autres intervenants dans le domaine des énergies renouvelables, et je vous encourage à leur poser quelques questions bien senties concernant les moyens à privilégier pour franchir certains de ces obstacles.

Je crois comprendre que ces obstacles justement se présentent sous la forme de l'accès aux lignes de transport d'énergie et autres questions semblables. Je dirais pour ma part, que le plus important obstacle est l'absence de vision ou d'une stratégie à long terme en matière d'énergie durable au Canada. Nous n'avons pas dit que c'est l'avenue que nous privilégions, mais il faut prendre du recul et opter pour un effort concerté et réaliser les investissements nécessaires.

Pour ce qui est de l'eau, hier j'ai passé la journée sur le glacier Crowfoot, et c'est ce qui explique mon teint rougeaud. Non, je ne suis pas en train de rougir. Le glacier se trouve juste en face du sommet Bow et on le cite souvent comme l'un des glaciers qui fond le plus rapidement. Je sais que vous allez rencontrer des représentants de Parcs Canada cet après-midi, et qu'ils vont vous parler des glaciers qui sont en train de fondre.

Cette fonte s'explique à la fois par des éléments liés au changement climatique ainsi que par les fluctuations de la température, les événements climatiques extrêmes, mais aussi par le processus d'écoulement de l'eau. La rivière Bow traverse Calgary, ainsi que mon patelin de Canmore, et après, rien n'est sûr; mais on dispose toutefois d'indications très claires comme quoi nous pourrions connaître une pénurie d'eau dans un avenir rapproché.

Le secteur des hydrocarbures n'est pas le plus grand consommateur d'eau de l'Alberta; c'est plutôt l'irrigation utilisée en agriculture. Il faut se demander si, au chapitre de la consommation, ce n'est pas la goutte d'eau qui fait déborder le vase. On projette en effet une croissance trois fois plus importante que prévu du développement des sables bitumineux dans la région de l'Athabasca.

Je crois que vous avez l'intention de vous rendre à Fort McMurray. Il s'y trouve des biens d'une valeur de 11 milliards de dollars, alors si vous vous êtes déjà demandé à quoi pouvait bien ressembler un investissement de 11 milliards, et bien c'est le moment où jamais de le savoir. Nous pensons que les choses auraient pu être différentes si nous avions dépensé ces 11 milliards de dollars dans le domaine des énergies renouvelables. Ces projets d'expansion sont déjà comptabilisés, c'est-à-dire la décision de multiplier par trois le développement, on peut donc s'attendre à l'injection d'un autre investissement de l'ordre de 20 milliards à 25 milliards dans la région d'ici les 15 prochaines années, je crois.

Ce qui nous amène à nous poser certaines graves questions. Ce ne sera pas le manque de ressources en hydrocarbures qui mettra un frein au développement dans cette région. C'est plutôt l'eau qui représentera un obstacle de taille.

À l'heure actuelle, l'eau n'est pas vendue. On ne lui prête aucune valeur en dollars par mètre cube, aussi il n'existe aucun signal ou mécanisme économique visant à servir de mesure incitative. Nous avons constaté une réduction d'environ 40 p. 100 du débit d'eau au cours des cinquante dernières années, je crois, dans la région de l'Athabasca. Nous avons constaté quelques fluctuations extrêmes.

Le sénateur Milne : Avez-vous dit 40 p. 100?

M. Raynolds : Oui. Il faudrait que je fasse des recherches pour vous donner la date exacte, mais je crois que c'est depuis les cinquante dernières années.

Le type de technologie qui sera mise au point, les progrès qui seront réalisés, afin de boucler la boucle du cycle de l'eau dans la région des sables bitumineux, sont des éléments d'une importance primordiale. Il faut mettre en place les bonnes mesures incitatives.

L'un des problèmes que nous avons constatés tourne autour de Pêches et Océans. En effet, je suis un peu troublé de constater que la Oil Sands Environnemental Coalition a intenté des poursuites contre le MPO au sujet de la décision du ministre qui a déterminé que la portée du projet de sables bitumineux ne comportait que les aspects qui détruisent un plan d'eau.

Nous devons nous poser quelques questions cruciales. Nous anticipons en effet d'éventuels problèmes d'harmonisation dans le futur en ce qui concerne les sables bitumineux.

L'eau représente aussi un enjeu de taille en Alberta pour le secteur traditionnel des hydrocarbures.

Il est question en effet d'injecter de l'eau dans d'anciens gisements traditionnels de pétroles afin d'en extraire le produit résiduel. La source de toute cette eau est d'une importance capitale, qu'il s'agisse d'eau salée, d'eau douce, d'eau de surface ou d'eau potable souterraine.

Je peux vous fournir un résumé des statistiques, mais il faut commencer à privilégier l'utilisation de l'eau salée dans le cadre de la récupération assistée des hydrocarbures et, dans la mesure du possible, éviter d'utiliser les eaux de surface, les eaux souterraines et l'eau douce et s'assurer que cette eau est gardée en réserve pour l'agriculture, la consommation domestique et dans les agglomérations.

En ce qui concerne le problème de l'eau, nous nous situons au vingt-huitième rang sur 29 pour la consommation d'eau par habitant. Il y a donc beaucoup de place à l'amélioration concernant l'efficacité de la consommation de l'eau, et c'est un sujet qui mérite que l'on exerce de fortes pressions sur le gouvernement fédéral.

Le président : Monsieur Raynolds, pourriez-vous revenir sur cette question du classement en vingt-huitième place sur 29? Pourriez-vous répéter en quoi consiste ce classement au juste. Est-ce en termes d'efficacité ou de consommation par habitant?

M. Raynolds : L'OCDE classe les pays en fonction de la consommation par habitant, et si la première place correspond à la meilleure, autrement dit, la consommation la plus efficace de l'eau, la vingt-neuvième est la pire. Et nous nous classons bons vingt-huitièmes. Je pense que nous sommes juste derrière les Américains.

Je vais conclure mes commentaires par une seule question : comment comptons-nous tirer parti de ce qui, à mon avis, est une occasion unique pour nous en Alberta, et au Canada, en ce qui a trait à l'énergie, alors que les investissements réalisés dans les sables bitumineux se sont révélés rentables?

Ces investissements vont continuer de générer des profits durant au moins les 10 ou 15 prochaines années. Nous avons réussi à attirer quelques-unes des plus importantes sociétés énergétiques du monde. Nous avons attiré probablement certains des meilleurs ingénieurs du monde. Comment entendons-nous tirer parti de cette occasion que nous confèrent des ressources financières importantes, un capital intellectuel élevé et un mouvement généralisé à l'échelle internationale vers la réduction des émissions de carbone en provenance du secteur énergétique? Comment allons-nous rassembler ensemble toutes ces pièces en vue d'élaborer une stratégie à long terme rigoureuse, une vision à long terme de ce à quoi pourrait ressembler l'énergie durable au Canada?

Comment allons-nous procéder pour attirer ici la chaîne de valeur complète, étant donné que nous possédons les ressources en énergie renouvelable? Comment allons-nous nous assurer de pouvoir fabriquer les équipements, appliquer nos connaissances techniques et notre technologie ainsi que notre expérience au secteur de l'énergie renouvelable de manière à ne pas avoir à importer d'éoliennes, et à pouvoir les fabriquer nous-mêmes? Nous avons le marché qu'il faut pour cela.

Nous pouvons être soit un utilisateur de technologie, soit un producteur de technologie. Je pense que ce serait une excellente occasion pour le Canada de se repositionner si nous décidions d'investir dans l'énergie durable et de devenir des chefs de file à long terme dans ce domaine, mais nous avons beaucoup à faire avant d'y arriver.

Le président : Juste avant que mes collègues ne commencent à vous poser des questions, pourriez-vous faire un parallèle entre la possibilité de récupérer l'eau qui est utilisée pour l'agriculture — par exemple, sachant que cette eau retourne dans la nappe phréatique et qu'elle est réutilisable — et l'eau qui est utilisée dans le cadre de deux types d'extraction du pétrole : la première, dans les sables bitumineux, et la deuxième, dans la récupération assistée du pétrole dans d'anciens gisements.

M. Raynolds : Je ne suis pas un spécialiste du cycle complet de l'eau, des hydrocarbures et des sables bitumineux. Je vais donc faire preuve de prudence. Toutefois, en ce qui concerne les sables bitumineux, je ne me rappelle pas le rapport exact, mais je pense que pour chaque baril de pétrole il faut compter au moins un baril d'eau. Et je pense que c'est même davantage. En tout cas, je sais que c'est au moins un rapport de un pour un.

Vous verrez les bassins de décantation des sables bitumineux, et vous constaterez qu'il s'effectue toujours passablement de R et D à cet égard. Maintenant, comment accélérer la vitesse de décantation afin d'être en mesure de récupérer l'eau de ces bassins?

Il subsiste toujours beaucoup d'incertitude sur les moyens de rendre ce processus efficace et efficient et de boucler la boucle. Je crois qu'il faut mettre en place des mesures incitatives appropriées afin que l'on en arrive à des résultats, et que l'on puisse faire avancer les choses, mais le potentiel est là, dans les sables bitumineux.

En ce qui concerne la récupération assistée des hydrocarbures, je ne peux malheureusement pas vous dire quel est le pourcentage de l'eau qui peut être récupérée. J'ai seulement la conviction profonde que l'on devrait utiliser de l'eau salée plutôt que de l'eau douce dans le cadre du processus de récupération assistée des hydrocarbures, parce qu'alors nous éliminerions la nécessité d'avoir à retraiter une partie de cette eau pour la récupérer.

Le président : Vous avez mentionné deux ou trois choses que vous pourriez nous fournir, un résumé et quelques autres renseignements. Auriez-vous l'obligeance de nous les transmettre dès que possible?

M. Raynolds : Absolument.

Le président : Merci.

M. Raynolds : J'ai l'intention de vous fournir des résumés de quatre ou cinq rapports qui, à mon avis, sont pertinents.

Le président : Merci.

Le sénateur Spivak : Merci. C'était très intéressant.

Voici ce qui me chicote — et j'aimerais aborder la question du régime fiscal — les sables bitumineux contiennent l'équivalent de centaines d'années de ressources. C'est ce que j'ai entendu, des centaines d'années.

Je pense que nous devrions nous lancer dans l'énergie de remplacement, mais étant donné la quantité de ressources disponible et le climat économique, le climat financier, je pense qu'il est probablement plus important de se concentrer sur les moyens à utiliser pour corriger les problèmes, pour ce qui est de dépenser cet argent. Qu'en pensez-vous? Parce que c'est une réalité, n'est-ce pas? Il y a bien l'équivalent de centaines d'années de ressources dans ces sables.

Bien entendu, on vient de déposer un budget. Ce budget comportait quelques mesures intéressantes, mais je voulais vous demander quel serait, à votre avis, le régime fiscal idéal, comment il pourrait se comparer avec les premières mesures contenues dans le budget et avec celles prises dans d'autres pays.

Peut-être pourriez-vous répondre à cette question, de même qu'à l'autre, et je pourrais partir de là.

M. Raynolds : Merci. Oui, c'est vrai que les sables bitumineux représentent l'équivalent de centaines d'années en ressources. Je suppose que tout dépend du rythme de consommation utilisé dans une projection quelconque. Mais, si nous tenons compte de l'augmentation de la consommation en Chine et en Inde à long terme, l'équivalent d'une période de 100 ans peut s'écouler très rapidement.

Le défi, à mon sens, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration préliminaire, c'est que ce ne sera pas le manque de ressources en hydrocarbures qui viendra limiter le développement dans cette région.

Les impacts environnementaux et les intrants énergétiques requis pour extraire le pétrole des sables bitumineux risquent de limiter l'extraction sur le plan économique. Actuellement, elle dépend beaucoup du gaz naturel.

Une solution de rechange au gaz naturel est la gazéification du coke, qui est un sous-produit du bitume. D'importantes émissions de dioxyde de carbone sont associées à ce processus, aussi il faut contenir ce coke.

L'autre solution de rechange, et s'il pouvait exister de bons côtés aux sables bitumineux, ce serait à mon avis les caractéristiques liées à la géothermie profonde. Certaines sociétés énergétiques ont investi dans des recherches préliminaires sur la géothermie profonde. Si nous réussissons à faire des percées techniques, ces caractéristiques risquent de révolutionner l'industrie énergétique, non seulement en Alberta, mais partout ailleurs dans le monde. Il s'agit d'utiliser la géothermie profonde à titre de source de chaleur en vue de l'extraction du pétrole des sables bitumineux.

En ce qui concerne l'équivalent de centaines d'années de ressources, oui, nous devons réaliser des investissements afin de nous assurer que nous effectuons l'extraction des sables bitumineux de la manière la plus propre possible, que nous réussissons à boucler la boucle concernant l'utilisation de l'eau, et que nous gérons les émissions de dioxyde de carbone ainsi que les effets cumulatifs.

Mais la vraie question est la suivante : est-ce que cette région concentrée peut résister à l'ampleur et à l'intensité du développement, à la fois sur le plan social et de l'environnement? Je pense que c'est là que le nœud du problème, et le défi à relever.

Néanmoins, les ressources pétrolières vont s'épuiser au fil du temps, et pas seulement au Canada, mais aussi à l'échelle internationale, et cela va entraîner beaucoup de changements dans le secteur énergétique.

Le sénateur Spivak : Le pétrole classique est en perte de vitesse — il est question du pétrole classique — et non des sables bitumineux.

M. Raynolds : Exact, mais il faut se rappeler que les sables bitumineux, par exemple, représentent actuellement moins de 10 p. 100 des importations des États-Unis. Si nous devions faire abstraction du pétrole classique et essayer de répondre à nos besoins seulement avec le pétrole extrait des sables bitumineux partout dans le monde, je pense que ce serait un scénario très irréaliste à moins que le prix du pétrole n'atteigne des sommets inégalés.

Tôt ou tard, nous devrons nous tourner vers une autre source d'énergie pour le transport, et il faut commencer dès maintenant à faire des choix concernant les moyens à privilégier en vue de réaliser cette transition.

J'ai emprunté un chemin détourné pour répondre à votre question sur les réserves susceptibles de durer pour des centaines d'années, mais il faut tenir compte des défis liés à l'intensité de la consommation et aux effets cumulatifs.

En ce qui a trait au régime fiscal idéal, la transition prendra du temps. Nous ne pourrions pas tout de suite dire : « Bon, le robinet est fermé pour les ressources de combustibles fossiles ou les ressources à forte intensité d'énergie », et nous devons faire en sorte que les incitatifs fiscaux ou les régimes fiscaux soient favorables à l'efficacité énergétique, à l'énergie renouvelable et à l'énergie durable.

Cela prendra du temps. Certains exemples de ce que nous voyons en Europe, avec l'introduction de taxes sur les hydrocarbures et de taxes plus élevées sur l'essence, sont justement le type de transitions que nous devons amorcer au fil du temps. Si nous envoyons un signal en maintenant les prix de l'essence élevés durant une période prolongée, cela risque de modifier le comportement du consommateur lorsque viendra le moment d'acheter un nouveau véhicule. Je pense que cela nous incitera aussi à améliorer l'efficacité globale du parc de véhicules.

Nous ne sommes pas très efficaces sur le plan énergétique au Canada, aussi il y a une grande marge de manoeuvre. Nous pouvons réaliser une amélioration de facteur 4 ou de facteur 10 en matière d'efficacité énergétique dans la consommation intérieure au Canada. Mais pour y arriver, il faut d'abord mettre en place les bons régimes fiscaux.

Le sénateur Spivak : Il y a eu un accord concernant la réduction des émissions que devra consentir l'industrie lourde.

Vous semblez suggérer qu'il s'agit d'un facteur de temps. Si nous optons pour la conservation et pour l'efficacité énergétique durant une plus longue période de temps, les émissions de gaz à effet de serre vont continuer d'augmenter, et dans l'intervalle, nous devons examiner quelle technologie il faudra utiliser pour réduire ces émissions. Il y a un facteur de temps rattaché à l'utilisation d'un régime fiscal destiné à encourager la conservation et l'efficacité.

On a conclu un marché avec les entreprises qui font une forte consommation de l'énergie, n'est-ce pas, concernant ce qu'elles doivent réduire, et vous avez dit que le coût serait d'environ 25 cents le baril?

M. Raynolds : C'est exact.

Le sénateur Spivak : On a commencé à dire que même cet engagement pourrait être un peu plus généreux.

Pouvez-vous nous en parler? Sur quoi ces entreprises se sont-elles entendues au juste? Qu'ont-elles accepté de réduire exactement, de façon informelle?

M. Raynolds : Tout ce que je peux dire c'est que dans le plan sur les changements climatiques de 2001-2002, on avait prévu une réduction de 15 p. 100 par rapport à la normale pour les grands émetteurs finaux, et que cette réduction se traduit par une production de 55 mégatonnes par rapport à notre objectif canadien de près de 240 mégatonnes.

On avait prévu que la majeure partie de cet effort serait consentie au moyen d'un programme d'échange de droits d'émission de gaz à effet de serre, et que le coût serait plafonné à 15 $ la tonne. C'est ce qui avait été mis en place.

Le sénateur Spivak : C'est exact.

M. Raynolds : Maintenant, cela s'est traduit par l'équivalent d'environ 25 cents par baril de pétrole.

Pour le moment, je suis incapable de vous dire si des négociations ont eu lieu ou de vous préciser la nature du nouvel accord. Des rumeurs circulent comme quoi, les réductions devraient se chiffrer à 55 mégatonnes. Il y a aussi des pourparlers concernant la possibilité d'obtenir des crédits en retour de l'investissement dans une technologie à long terme.

D'après nous, des concessions encore plus poussées au sujet de cet accord sont tout simplement inacceptables, étant donné que l'on dispose des ressources nécessaires pour procéder à ces réductions, et aussi étant donné que la première phase de la réduction ne vise pas la nouvelle technologie.

La nouvelle technologie doit être envisagée à long terme, mais toute concession nouvelle reviendra hanter le contribuable lorsque viendra le moment de nous acquitter de nos obligations à l'échelle internationale.

Le sénateur Spivak : C'est exact.

M. Raynolds : À notre avis, les grands émetteurs finaux doivent effectivement atteindre cet objectif qui a été fixé dans le cadre du premier plan, et il n'y a pas de raison de réduire encore cet objectif pour le moment.

Je vous encourage fortement à entrer en contact avec la Petroleum Technology Alliance of Canada. Ils ne figurent pas sur votre liste de témoins aujourd'hui, mais les membres de cette association ont conclu que des mesures économiques pourraient être prises par le secteur des hydrocarbures, des mesures qui réduiraient les émissions de 29 mégatonnes, plutôt que de 55, sans qu'il en coûte un sou, et que ces mesures permettraient en outre au secteur de réaliser des économies annuelles qui se chiffrent par milliards. Voilà qui règle la question pour au moins 29 mégatonnes.

Je pense que les possibilités sont là, et que le moment est venu pour les grands émetteurs finaux de remplir leur part de l'engagement.

En outre, ils sont responsables pour environ 50 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. On ne leur demande même pas de réduire leurs émissions proportionnellement, aussi je pense que l'objectif actuel ne doit en aucun cas être revu à la baisse.

Le sénateur Spivak : J'ai cru remarquer que les chercheurs dans le secteur énergétique semblent suggérer que nous étirions cet objectif sur une période un peu plus longue dans le temps, et que le gouvernement devrait investir dans leurs recherches, que les subventions à la recherche sont la vraie solution. Qu'est-ce que vous en pensez sur le plan de la politique?

M. Raynolds : Il ne fait aucun doute que nous devons nous concentrer à long terme sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Si nous prévoyons obtenir une concentration mondiale de 500 parties par million, il faudra adopter une vision à long terme. Et tout cela doit commencer par des mesures précoces, une première étape et un premier engagement afin de montrer que nous sommes sérieux.

Lorsque nous avons apposé notre signature, à la fin des années 1990, il était clair que nous serions capables de relever le défi. Nous n'avons fait que retarder l'échéance et remettre à plus tard, et plus le temps passe, et plus il devient difficile de respecter cet objectif dans un plus court laps de temps. Il nous faudra maintenant faire des achats à l'étranger.

Le sénateur Spivak : Si nous prenions davantage au sérieux le principe du pollueur payeur, est-ce que l'industrie pétrolière serait toujours rentable? Selon les premiers principes, ce devrait être la stratégie à suivre concernant l'environnement. Si vous polluez, vous payez. Après tout, nous vivons dans un régime de libre entreprise; nous avons une économie mixte, mais dans un régime de libre entreprise, il s'agit donc de fermeté affectueuse. Qu'est-ce que vous en pensez? Serait-elle toujours rentable?

M. Raynolds : Si le principe du pollueur payeur était intégré dans toute l'industrie, je pense que nous serions beaucoup plus rentables, et que les profits ne seraient pas seulement définis en fonction de la valeur de l'action, mais de façon plus large en englobant tout l'éventail des valeurs sociétales. Je suis fermement convaincu qu'elles seraient beaucoup plus rentables.

Le sénateur Milne : Je vous remercie beaucoup, monsieur Raynolds, de vous être déplacé pour venir témoigner. J'aimerais que vous dissipiez quelques inquiétudes qui m'ont été occasionnées notamment par certaines de vos affirmations.

Vous avez mentionné Pêches et Océans et une poursuite devant les tribunaux. Pourriez-vous revenir sur cette question, parce que mes oreilles se dressent toujours lorsque j'entends dire que le gouvernement intente des poursuites, peu importe s'il s'agit d'un conflit entourant l'habitat d'un cours d'eau et les sables bitumineux, ce qui revient à opposer l'eau au pétrole.

M. Raynolds : Je me ferai un plaisir de vous transmettre tous les détails sur ce dossier.

Le sénateur Milne : Qui poursuit qui et pour quelle raison?

M. Raynolds : Il s'agit d'un conflit entre la Oil Sands Environnemental Coalition, qui est formée de l'institut Pembina, de l'organisation régionale de Fort McMurray et de Toxic Watch en Alberta, et le ministère des Pêches et des Océans. Le différend a été porté devant la Cour suprême. Il porte sur la manière dont un projet lié aux sables bitumineux a été classé en vertu de la Loi canadienne sur les évaluations environnementales.

Le MPO jouit d'un certain pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'établissement de la portée d'un projet. L'une des options consiste à classer le projet dans la catégorie des gisements de sables bitumineux, et à notre avis, c'était la raison d'être du projet au départ. L'autre possibilité consiste à le classer comme un projet dont les aspects détruisent un plan d'eau.

Le sénateur Milne : Et c'est comme cela qu'il a été classé.

M. Raynolds : Oui, c'est comme cela qu'il a été classé. Cela nous impose —

Le sénateur Milne : un obstacle différent à franchir?

M. Raynolds : Eh bien, un projet entraînant la destruction d'un plan d'eau n'exige pas que l'on examine la totalité des impacts et des aspects du développement.

Le président : La poursuite concerne la modification du niveau ou du type d'évaluation environnementale qui devrait être entreprise?

M. Raynolds : Tout dépendant de la portée du projet. Cette décision établit un précédent pour les autres projets de sables bitumineux pouvant être classés comme des projets entraînant la destruction d'un plan d'eau.

Le sénateur Milne : Il y a moins d'obstacles à franchir lors de l'évaluation environnementale?

M. Raynolds : Tout à fait. Je vais mettre ce dossier sur la liste des documents que je vous ferai parvenir.

Le sénateur Milne : L'une des choses qui nous intéressent vraiment, c'est de connaître le type de recherches qui sont effectuées afin de trouver de nouvelles manières d'utiliser nos ressources de combustibles fossiles. Ici, en Alberta, on retrouve l'un des plus grands gisements de charbon et de bitume au monde. Quelles mesures additionnelles pensez-vous que le gouvernement devrait adopter en vue de protéger la santé humaine et l'environnement contre les impacts de leur développement, et quelle est votre position concernant la soi-disant technologie du charbon épuré? Est-ce qu'elle contribue vraiment à éliminer les émissions?

J'aimerais aussi que vous reveniez sur ce que vous avez dit concernant la géothermie profonde en tant que nouvelle méthode éventuelle d'extraction. Quel genre de recherche effectuons-nous à cet égard, et a-t-on cartographié la profondeur à laquelle il faut creuser avant de trouver une source de chaleur suffisante pour permettre l'extraction du pétrole?

M. Raynolds : Je ne connais pas tous les aspects liés au cycle de vie du charbon épuré. Par ailleurs, je ne comprends pas suffisamment bien tous ces éléments pour pouvoir commenter sur certains des impacts potentiels. On a entendu parler de divers scénarios et modèles de ce à quoi pourrait ressembler le charbon épuré — y compris le charbon à zéro émission — qui se traduiraient par la fourniture potentielle d'hydrogène dans le contexte d'une économie de l'hydrogène. Je ne connais malheureusement pas en profondeur cette technologie.

Je sais qu'elle consiste en partie à s'assurer qu'il y a séquestration du dioxyde de carbone. Cela soulève un certain nombre de questions concernant la viabilité à long terme de la séquestration et du transport du dioxyde de carbone. Il s'effectue de solides recherches en Alberta concernant la capture et la séquestration du carbone. Nous y participons, notamment en exerçant une certaine surveillance et en posant des questions.

La séquestration fera vraisemblablement partie de la solution qui nous permettra de respecter nos engagements au titre du Protocole de Kyoto et de réduire les émissions de gaz à effet de serre, aussi nous devrons consentir quelques investissements dans ce domaine.

Toutefois, il me semble que ce serait un mauvais calcul que de mettre tous nos œufs dans le même panier de la capture et de la séquestration du carbone. Nous devons faire les investissements qui s'imposent afin de nous occuper des aspects liés à la demande, à l'efficacité énergétique et aussi à l'énergie renouvelable. Je pense que nous devons adopter une approche de portefeuille équilibré à cet égard.

Je n'en sais pas assez pour vous parler de toutes les répercussions éventuelles du charbon épuré, mais il est certain que cette approche mérite que l'on s'y attarde de l'amont jusqu'en aval, selon la perspective du cycle de vie.

La géothermie profonde est à l'étape de la recherche. Une coalition d'entreprises se sont réunies, ici en Alberta, en vue de réaliser une étude de préfaisabilité évaluée à quelques millions de dollars. Cette étude vise à examiner attentivement la géothermie profonde, et elle nécessite des forages à des profondeurs pouvant atteindre 8 à 12 kilomètres.

Des défis fondamentaux de deux types se présentent à nous. Je crois comprendre, qu'à cette étape-ci, une partie de la technologie de forage doit être perfectionnée, mais il n'y a pas de meilleur endroit pour la mettre au point et à l'essai qu'ici même en Alberta. Ainsi, nous pourrions boucler la boucle en ce qui concerne le cycle de l'eau et en extraire la chaleur.

En investissant suffisamment dans la technologie, on pourrait se doter d'un potentiel impressionnant susceptible d'être mis à profit non seulement en Alberta, et au Canada, mais partout ailleurs dans le monde où l'on envisage de forer à ces profondeurs.

Le sénateur Milne : Monsieur le président, j'ai justement entendu parler de quelque chose, hier soir. Il semble que le gouvernement albertain ait décidé d'investir une importante somme dans l'enseignement postsecondaire et dans la recherche. Je ne connais pas le montant exact, mais il se chiffre par millions ou par milliards de dollars.

Je pense que le premier ministre a fait une annonce en ce sens la semaine dernière justement. Je ne connais pas tous les détails, parce que les journaux ontariens n'en ont pas parlé, malheureusement.

Pensez-vous que ces investissements vont avoir une incidence sur ce type de recherche? Je connais de jeunes scientifiques qui sont forcés de quitter non seulement l'Alberta, mais même le Canada, parce qu'ils ne trouvent pas de travail leur permettant de poursuivre leurs recherches. Le financement de la recherche n'était pas au rendez-vous.

M. Raynolds : Oui. Pour ce qui est du capital intellectuel et de la recherche, ayant moi-même fait mes études supérieures en génie mécanique à l'Université de l'Alberta, dans le laboratoire de combustion qui s'y trouve, je suis en mesure d'affirmer que nos installations ne sont pas comparables à celles de certaines universités américaines.

Nous devons faire des investissements dans la recherche. Nous devons investir dans le capital intellectuel et dans les connaissances.

Par ailleurs, il faut se rappeler que la recherche de la technologie, la R et D, a des contours assez flous et est facile à manier sur le plan politique. À bien des égards, elle nous sert d'excuse pour un certain retard à prendre les mesures nécessaires à court terme concernant l'efficacité énergétique, des mesures qui enverraient les bons signaux à notre économie sur le type de futur que nous souhaitons.

Je pense qu'il faut tendre à l'équilibre. Nous ne pouvons pas seulement nous reposer sur la R et D à long terme. Nous devons tout aussi bien nous concentrer sur les défis à court terme qui se présentent à nous.

Le sénateur Milne : Nous devons faire quelque chose pour récupérer ces jeunes chercheurs canadiens qui sont maintenant disséminés un peu partout dans le monde, parce que les autres pays leur offrent du financement pour leurs recherches, alors que nous ne le faisons pas.

Pouvez-vous nous parler de projets liés au méthane de houille et nous expliquer quelle serait leur incidence sur les aquifères d'eau douce?

M. Raynolds : Notre institut a effectué passablement de recherches sur le méthane de houille en relation avec l'eau. Je vais ajouter à ma collection de documents un résumé de ces recherches également, et je vous le transmettrai.

Le sénateur Milne : Voici une réponse caractéristique d'un bon professeur. Vous dites: « Je ne connais pas la réponse, mais je vais m'informer, et je vous reviendrai là-dessus. »

M. Raynolds : La question du méthane de houille a suscité pas mal de discussions et elle est à l'origine de quelques inquiétudes assez sérieuses. Il faut reconnaître qu'il s'agit d'un type différent de méthane de houille que celui que l'on retrouve au sud de la frontière, où l'on a décelé quelques problèmes sérieux en rapport avec les ressources en eau. À mon avis, il s'agit d'une situation comparable, mais qui ne suscite pas d'inquiétudes aussi vives.

L'une des plus grandes inquiétudes associées au méthane de houille tient au nombre de puits qui devront être forés. Je préférerais ne pas avoir à même essayer de vous donner un chiffre à cet égard, mais il suffit de retenir qu'il est d'environ cinq à six fois supérieur à celui qui est nécessaire pour les forages classiques de l'exploitation gazière. Autrement dit, pour les propriétaires de terrains, cette option accroît le nombre de trous qui devront être percés dans leurs propriétés.

Je vais vous envoyer des documents plus détaillés concernant le méthane de houille.

Le sénateur Milne : Très bien. Vous avez mentionné que vous vous étiez rendu sur le glacier Crowfoot cette fin de semaine. Cela m'entraîne des aquifères au débit des eaux de ruissellement des glaciers qui revêtent une telle importance en Alberta. Qu'est-ce qui se passe avec ces glaciers? Avez-vous dit qu'il y avait eu une diminution de 40 p. 100 du débit?

M. Raynolds : Désolé, je vais devoir consulter mes notes.

À la fin du XXe siècle, le débit en été dans les principales rivières avait diminué à environ 60 p. 100 de ce qu'il était au début du siècle.

Le sénateur Milne : Donc, on peut parler d'une réduction de 40 p. 100.

M. Raynolds : Oui, une réduction de 40 p. 100. Toutefois, cette réduction s'étale sur tout un siècle et elle vise les rivières de l'Alberta. Quelle quantité d'eau provient des glaciers plutôt que des précipitations, je ne suis pas le mieux placé pour vous répondre.

Il est clair que les glaciers reculent. Il y a des tonnes de raisons qui expliquent ce recul, mais nous savons que les changements climatiques y contribuent d'une manière quelconque. Mais à long terme, nous savons que cela se traduira par une pénurie d'eau en Alberta, et c'est ce qui suscite de graves questions et de sérieuses inquiétudes.

Le sénateur Milne : A-t-on procédé à des mesures? Vous dites qu'il y a eu une réduction de 40 p. 100 du débit au cours du dernier siècle, mais a-t-on fait des recherches sur les réductions sur une base annuelle? Que se passe-t-il? Est-ce que le processus s'accélère?

M. Raynolds : Le professeur Schindler, de l'Université de l'Alberta, est sans doute la meilleure personne pour répondre à cette question.

Le sénateur Milne : Il est venu témoigner devant le comité.

Le président : Et il reviendra.

M. Raynolds : Malheureusement, concernant l'eau, je ne possède pas l'expertise scientifique.

Le sénateur Milne : Merci beaucoup.

Le président : Comme vous le voyez, il y a encore beaucoup de questions que nous aimerions vous poser, monsieur Raynolds, mais en raison des contraintes mécaniques, nous ne pouvons pas vous accorder plus de temps.

Je vais vous lancer deux ou trois questions à la volée, à la toute fin. J'espère que vous accepterez de revenir témoigner devant le comité, parce que nous prévoyons consacrer pas mal de temps à cette étude.

Nous avons également l'intention d'accorder du temps à un autre sujet, à la fin du mois. En effet, on va nous confier la tâche de réexaminer, tel qu'il est prévu dans la loi, la Loi sur la protection de l'environnement. Cette tâche sera confiée à notre comité et nous devrons, par conséquent, emprunter des avenues quelque peu différentes à cet effet. Et nous aimerions vous poser quelques questions à ce sujet, aussi.

Récemment, votre institut a publié une étude intitulée Government Spending on Canada's Oil and Gas Industry, dans laquelle vous êtes arrivés à la conclusion que le gouvernement du Canada avait accordé au secteur des hydrocarbures des subventions pouvant atteindre le milliard et demi de dollars en 2002, et ainsi de suite.

Avez-vous obtenu une réaction de la part du gouvernement du Canada d'une part, et de l'industrie, d'autre part?

M. Raynolds : Oui. Nous avons eu une réaction de la part de l'Association canadienne des producteurs pétroliers — d'ailleurs, vous allez rencontrer M. Alvarez cet après-midi — une réaction très détaillée, à laquelle nous avons également répondu. Le dialogue entre les deux organisations se poursuit, aussi nous avons bon espoir d'en arriver à jeter un peu plus de clarté sur toute cette histoire.

Oui, c'est vrai. Depuis 1996-1997, les dépenses fédérales en matière d'investissement dans les sables bitumineux ont oscillé entre 500 millions et 1,4 milliard ou 1,5 milliard de dollars.

Le président : Ces investissements ont donné des résultats?

M. Raynolds : Financièrement, oui, ils ont donné des résultats. Mais sur le plan de l'environnement, ils sont à l'origine d'incroyables difficultés, et ils soulèvent la question suivante : s'il a fallu attendre 30 ans et injecter un investissement de cet ordre pour créer un succès financier avec une ressource de combustibles fossiles, que faudra-t-il faire au cours des 30 prochaines années pour créer une réussite comparable avec l'énergie renouvelable?

Le président : Voici ma dernière question : est-ce que j'ai bien compris lorsque vous avez dit que l'industrie pourrait prendre dès aujourd'hui des mesures qui permettraient de réduire les émissions de 29 mégatonnes par année, en utilisant la technologie actuelle, et sans aucun frais supplémentaires?

M. Raynolds : En termes d'investissement dans les immobilisations, oui absolument. Cette information provient de l'Association canadienne des producteurs pétroliers. Eric Lloyd en est le président, et c'est lui qui est le mieux placé pour vous confirmer les résultats de cette étude. Mais, oui en effet, il est possible de réduire les émissions de 29 mégatonnes au moyen de méthodes de mise en œuvre rentables, et l'on prévoit même que le secteur des hydrocarbures pourrait réaliser des profits à hauteur du milliard de dollars annuellement grâce à ces méthodes.

Le président : Étant donné les félicitations qui pleuvraient si l'industrie décidait d'opter pour cette approche, pourquoi a-t-elle besoin d'autres mesures incitatives pour procéder?

M. Raynolds : Si je travaillais dans cette industrie, et si je vivais dans l'incertitude à savoir si je devrai me conformer à une réglementation et répondre à des objectifs précis dans l'avenir, pourquoi prendrai-je le risque d'aller de l'avant?

Le président : Autrement dit, c'est le manque de précision dans les intentions du gouvernement en ce qui concerne la politique qui sera appliquée?

M. Raynolds : Exactement.

Le président : Merci.

Monsieur Raynolds, merci beaucoup de vous être déplacé. Je regrette que nous n'ayons pas plus de temps à vous accorder. Mais nous avons bien l'intention de vous réinviter.

Nous accueillons maintenant M. Steve O'Gorman, directeur du Développement de l'entreprise et du marketing pour la Canadian Hydro Developers Association; Mme Theresa Howland, directrice de la Commercialisation de l'énergie verte, pour Vision Quest et présidente en 2005 de l'Association canadienne de l'énergie éolienne; M. Jason Edworthy, directeur des Relations extérieures pour Vision Quest; M. Jim Provias, vice-président, Énergie renouvelable et développement commercial pour Suncor, dont nous visiterons les installations vendredi; ainsi que M. David Lewin, premier vice-président, Développement durable, pour EPCOR, mieux connue auparavant sous le nom d'Edmonton Power Corporation, mais qui affiche aujourd'hui une raison sociale beaucoup plus économique.

Mesdames et messieurs, vous êtes les bienvenus. Comme vous pouvez le constater, cette réunion est relativement informelle. Je vous fais mes excuses pour le peu de temps dont nous disposons. Nous vous invitons à présenter une déclaration aussi brève que possible, mais néanmoins suffisamment éclairante pour faire valoir vos arguments, ce qui nous ménagera le plus de temps possible pour vous poser des questions ultérieurement.

M. Steve O'Gorman, directeur, Développement de l'entreprise et marketing, Canadian Hydro Developers : Merci beaucoup de nous donner l'occasion de comparaître devant vous ce matin. Je vais vous parler d'énergie renouvelable. La société que je représente, Canadian Hydro Developers, est une entreprise cotée en bourse. Nous existons depuis maintenant 15 ans, et nous construisons exclusivement des projets faisant appel à l'énergie verte.

Nous nous concentrons sur l'énergie renouvelable ayant peu d'impact sur l'environnement, et nous considérons que l'énergie que nous produisons est propre, simple et fiable. Elle est propre dans le sens qu'elle comporte peu d'impact sur l'environnement et qu'elle repose sur une énergie renouvelable. Elle repose également sur un portefeuille équilibré d'installations éoliennes, hydroélectriques et de biomasse. Nous avons d'excellents antécédents pour ce qui est de démontrer que nous sommes à la fois en mesure de répondre aux intérêts des investisseurs et aux exigences de l'environnement.

Nous avons des installations un peu partout au Canada — en Colombie-Britannique, en Alberta et en Ontario. Nous possédons en tout 15 installations, et nous sommes en train d'en mettre sur pied deux autres.

Notre première centrale alimentée à la biomasse devrait être raccordée au réseau incessamment, et nous prévoyons également le raccordement au réseau d'une centrale hydroélectrique, sur la côte de la Colombie-Britannique, en juin ou en juillet. Nous avons investi tout près de 179 millions de dollars depuis 2000 et près d'un quart de milliard depuis nos tout débuts, en 1990.

Nous comptons 50 employés à temps plein, et notre liste de projets comprend notamment des projets dans la fourchette des centrales de 800 mégawatts qui entraîneraient, si nous les développions toutes au cours des dix prochaines années, un investissement de 2 milliards de dollars.

Je ne dis pas que nous avons l'intention de donner suite à tous ces projets, mais il est clair que cette industrie recèle un potentiel énorme.

Pour vous donner une idée de ce qui se passe dans cette industrie, je me suis concentré sur une analyse régionale. Nous sommes un peu plus au courant de ce qui se passe ici qu'en Ontario. J'aimerais vous donner des chiffres, mais malheureusement je ne les ai pas sous la main. Aussi, je vais me concentrer sur l'Alberta et la Colombie-Britannique.

À titre de résumé, au cours des cinq dernières années seulement, le secteur de l'énergie verte, celui du développement de l'énergie renouvelable ayant un faible impact sur l'environnement, a mis sur pied des installations qui génèrent aujourd'hui une puissance de 2 300 gigawattheures.

Ce chiffre représente une puissance assez impressionnante. Il correspond en effet à la consommation totale d'environ 230 000 ménages dans la région. Il correspond également à un investissement en capital d'environ 920 millions $, et nos dépenses au chapitre du F et E se situent annuellement aux environs de 43 millions $.

Le président : Nous avons mis en place un système d'amendes, si vous dites un acronyme sans avoir d'abord expliqué au long en quoi il consistait, ça vous coûte dix dollars.

M. O'Gorman : Dans ce cas, je suis dans le pétrin. Merci de l'avertissement. Pour dire les choses simplement, il est question de 230 000 ménages. Et pour ce qui est de la consommation annuelle, plutôt que de vous compliquer l'existence avec les kilowattheures...

Le sénateur Milne : Pas de problème avec kilowattheures. Mais un gigawatt correspond à combien de kilowatts?

M. O'Gorman : À un million.

Le président : Pour le compte rendu, que signifie F et E?

M. O'Gorman : Fonctionnement et entretien.

Le président : Merci.

M. O'Gorman : Il y a un mélange de ce que je considère comme de petites sociétés indépendantes, comme la nôtre, et de grandes sociétés énergétiques intégrées, dont quelques-unes sont représentées ici, aujourd'hui.

Le président : Si vous me permettez, monsieur O'Gorman, pour le compte rendu, quels moyens utilisez-vous pour produire l'électricité?

M. O'Gorman : Nous la produisons à l'aide de nos éoliennes, situées dans le sud de l'Alberta et avec des centrales hydroélectriques situées à l'intérieur de la Colombie-Britannique. Nous avons aussi une centrale alimentée à la biomasse qui en est aux étapes finales des essais, à Grande Prairie. Vous voyez que nous couvrons un large spectre.

Le genre d'accélération et de croissance que nous nous attendons à voir dans cette industrie, en adoptant une perspective régionale, est tel que nous pouvons facilement doubler les chiffres de production des cinq dernières années au cours des cinq prochaines, et que ces chiffres pourraient bien doubler encore une fois au cours de la période de cinq ans subséquente.

Pour être capables d'accomplir cela, il faut penser à un investissement important en capitaux dans la région, un investissement qui frôle les 2,76 milliards $, pour produire de l'électricité pour 690 000 ménages additionnels.

J'aimerais souligner un point important, et c'est le fait que ces investissements retombent principalement dans l'économie rurale. Nos installations sont disséminées un peu partout dans les régions rurales, dans le sud de l'Alberta, dans la région de Pincher Creek, de Lethbridge, à Grande Prairie, à Revelstoke; ainsi qu'à Squamish, au nord de Vancouver. Je voulais seulement vous donner une idée de la situation qui prévaut en Alberta et en Colombie- Britannique.

Quoi qu'il en soit, partout au Canada où l'on travaille à la mise au point de sources d'énergie renouvelables, on s'aperçoit qu'elles sont étroitement intégrées à l'économie rurale. Nous embauchons des gens dans les localités; et lorsque nous achetons du béton, c'est auprès du fournisseur le plus proche.

Nous injectons une bonne partie de cet argent directement dans l'économie rurale, dans les immobilisations, mais aussi dans le fonctionnement et l'entretien. Nous contribuons à créer une assiette fiscale rurale. Cette industrie comporte des avantages importants pour l'économie rurale.

J'ai mentionné brièvement quelques-uns de ces avantages : nouveaux capitaux et création d'emplois, et souvent dans les districts ruraux. Mais il y a un autre avantage lié au développement de l'énergie verte : la fixation de prix stables à long terme. Nous n'avons aucun risque lié au coût du combustible, aussi nous sommes en mesure d'offrir des contrats qui s'échelonnent sur des périodes de 20 ans. Et il pourrait arriver, pour certains projets, que l'on envisage d'aller aussi loin que 50 ans.

Nous contribuons à produire un air plus propre et à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous diversifions l'approvisionnement énergétique du Canada. Nous contribuons à faire en sorte que l'approvisionnement énergétique soit plus sécuritaire, et nous servons également de moteur à l'innovation de façon générale.

Je vais seulement souligner deux ou trois petites choses importantes pour notre industrie dans le Budget 2005. Ce budget prévoit la création d'une mesure incitative à la production d'énergie renouvelable pour les autres ressources ayant un faible impact sur l'environnement, comme les centrales hydroélectriques au fil de l'eau, les centrales alimentées à la biomasse, la géothermie, l'énergie des vagues, l'énergie marémotrice, l'énergie solaire.

Cette disposition place les autres sources d'énergie renouvelable sur un pied d'égalité avec l'énergie éolienne, avec son encouragement à la production, que le budget a également visée et accrue à 4 000 mégawatts, ce qui garantit une stabilité du prix à 10 $ le mégawattheure.

Cela représente un progrès important aussi, et le gouvernement mérite qu'on l'applaudisse. Il a commencé à remarquer que notre industrie a de l'avenir, et que des mesures d'encouragement de cet ordre influent réellement sur son développement.

On note aussi une accélération du taux de déduction pour amortissement, une mesure qui a certainement une influence sur les grandes sociétés qui ont des revenus imposables.

Voici quelques brefs commentaires sur le budget : il est clair que ce budget a un impact positif important sur le développement des ressources renouvelables, non seulement dans cette région, mais partout au Canada. Vous pouvez vous attendre à ce que l'on connaisse une croissance énorme, de façon générale.

Nous sommes impatients de voir ces caractéristiques du budget intégrées dans la législation. Nous attendons impatiemment la mise en œuvre des mesures incitatives à la production d'énergie renouvelable et nous espérons collaborer avec le gouvernement à la mise au point de ce programme.

Mon dernier commentaire touche la stratégie nationale sur l'énergie renouvelable, et je pense que l'on y a fait allusion dans le budget. Nous croyons qu'elle est essentielle pour attirer l'attention sur notre industrie, pour établir son potentiel et pour fournir une feuille de route en vue de son développement. Nous avons beaucoup à offrir, et une stratégie nationale de l'énergie serait une réalisation d'envergure.

Pour résumer brièvement, notre industrie n'est plus un créneau particulier. Nous faisons désormais partie de la norme. Si on considère les capitaux investis en dollars au cours des cinq dernières années, ils comportent de nombreux avantages pour la société. Pas seulement des avantages pour l'environnement, mais aussi des avantages économiques et sociaux, et ces avantages vont directement dans les districts ruraux des quatre coins du pays.

Nous offrons des prix stables, ce qui représente un avantage de taille. Nous sommes persuadés que l'adoption d'une loi est une étape importante, nous aimerions accélérer la croissance et voir la mise en œuvre d'une stratégie nationale sur l'énergie renouvelable.

Le président : Merci, monsieur O'Gorman.

Mme Theresa Howland, directrice, Commercialisation de l'énergie verte, Vision Quest; présidente en 2005 de l'Association canadienne de l'énergie éolienne : Merci. Je tiens simplement à vous dire à mon tour que c'est un plaisir d'avoir été invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.

Comme on l'a déjà mentionné, je suis la présidente du conseil d'administration de l'Association canadienne de l'énergie éolienne. Cette association réunit les représentants de l'industrie de partout au Canada. Nous comptons 150 entreprises membres qui se recrutent au sein des sociétés énergétiques intégrées, des sociétés d'énergie éolienne, des producteurs d'électricité indépendants, des constructeurs d'éoliennes et de pièces d'éoliennes. Par conséquent, nous représentons l'éventail complet de l'industrie, de même qu'un certain nombre d'intervenants à titre personnel.

Je vais vous donner un peu d'information sur l'énergie éolienne en particulier. Comme bon nombre d'entre vous le savez, la taille des éoliennes a augmenté énormément depuis les vingt dernières années, ce qui a permis à cette technologie d'atteindre la rentabilité sur le plan commercial.

Il s'agit de la source d'énergie qui connaît la croissance la plus rapide dans le monde, et elle affiche un taux de croissance soutenu de 30 à 35 p. 100 depuis les cinq dernières années.

La puissance globale installée en 1999 était de 13 500 mégawatts. À la fin de 2004, elle avait atteint 46 000 mégawatts, nous avons donc enregistré une croissance impressionnante. On prévoit que la croissance se maintiendra à un rythme similaire, ce qui devrait nous permettre d'atteindre 95 000 mégawatts dans le monde entier en 2008.

Mais la situation est un peu différente au Canada. Même si nous avons affiché une croissance semblable, nous partons d'une plus petite base. Par conséquent, en 2000 nous avions une puissance de 137 mégawatts; en 2004, elle était de 445 mégawatts, et l'on sait qu'une puissance d'environ 2 000 mégawatts est soit déjà en construction, soit sur le point de l'être grâce à des accords d'achat d'énergie devant conduire à des développements dans un avenir rapproché.

Nous nous attendons à disposer d'un parc d'éoliennes au Canada capable de produire 56 000 mégawatts d'ici 2012, ces chiffres ayant été établis à partir de toutes les initiatives provinciales annoncées et des mesures contenues dans le budget visant à accroître l'encouragement à la production d'énergie éolienne à hauteur de 4 000 de ces mégawatts.

Sur cette page, vous pouvez voir où nous nous situons pour ce qui est de la puissance installée à l'échelle mondiale; le Canada se classe douzième dans le monde. L'Allemagne a déjà une puissance installée de plus de 16 000 mégawatts, et le Danemark possède au-delà de 3 000 mégawatts. Nous nous préparons à rattraper certains pays ayant commencé à faire largement usage de l'énergie éolienne au cours des cinq à dix dernières années.

Il est important de souligner qu'à l'heure actuelle, moins de 1 p. 100 de l'électricité produite au Canada provient de l'énergie éolienne. Il est clair qu'il est possible d'atteindre 20 p. 100 au fil du temps.

Nous avons été à même de le constater dans d'autres pays. Dans le nord de l'Allemagne, par exemple, l'électricité d'origine éolienne représente plus de 15 p. 100 du total, et au Danemark elle dépasse les 20 p. 100. Par conséquent, il y a certainement d'énormes possibilités de croissance au Canada. Nous considérons l'énergie éolienne comme une avenue de développement économique dans ce pays.

Comme l'a mentionné M. O'Gorman, les économies rurales bénéficient de cette forme d'énergie. En effet, chaque mégawatt d'énergie éolienne entraîne un investissement de 1,5 million $ et la création de deux emplois et demi directs en personnes-années. Vous pouvez voir que nos améliorations et nos prévisions feront de cette industrie un secteur très rentable.

J'aimerais mentionner en passant que jusqu'ici nous n'avons pas effectué d'études précises sur l'impact économique de l'énergie éolienne au Canada, mais que nous collaborons actuellement avec Industrie Canada en vue de le faire et que nous prévoyons publier nos conclusions d'ici deux ou trois mois. Cette perspective nous stimule beaucoup.

Il est clair que nous avons constaté une forte croissance et que l'encouragement à la production d'énergie éolienne joue, évidemment, un rôle capital pour l'industrie; et certaines autres mesures annoncées dans le budget devraient contribuer à maintenir cette croissance.

Nous voyons une avenue de développement économique intéressante dans les initiatives provinciales ayant été annoncées. Ces initiatives doivent être menées à bien. Plusieurs des provinces don vous êtes issus annoncent des projets qui se chiffrent par milliers de mégawatts. Le Manitoba, par exemple, veut produire 1 000 mégawatts; l'Ontario envisage quant à elle de produire jusqu'à 2 700 mégawatts.

Il faut que ces provinces continuent de remplir leurs engagements stratégiques, parce que cela ait un effet de levier sur les investissements consentis par le gouvernement fédéral.

Les années qui viennent comporteront des défis au fur et à mesure que nous entreprendrons le type de croissance que je vous ai mentionné. L'un de ces défis est lié à l'interconnexion. Nous devons collaborer avec les compagnies d'électricité locales, les fournisseurs de services de transmission — ceux qui sont propriétaires du câblage et de l'infrastructure — afin de déterminer le meilleur moyen de se raccorder au réseau et d'éviter de créer des obstacles onéreux qui empêcheraient la réalisation de cette interconnexion dans tous les champs d'application que j'ai mentionnés.

Cette industrie comporte un certain nombre d'intervenants, comme on l'a mentionné, y compris des entreprises commerciales qui continuent de travailler avec la technologie. Nous sommes enthousiasmés par le niveau des investissements que ces entreprises sont prêtes à réaliser. Nous savons que le secteur poursuivra sa croissance et nous sommes impatients de voir quelles avenues de développement économique émergeront de tout cela.

Au fur et à mesure que nous irons de l'avant, nous savons que l'industrie éolienne des quatre coins du Canada sera davantage exposée à l'examen minutieux et continu du public, aussi nous envisageons la mise en place de mécanismes d'intéressement du public. Comment comptons-nous œuvrer avec les diverses collectivités afin de nous assurer qu'elles accepteront massivement les projets d'énergie éolienne dans les régions rurales où il n'y a eu pour ainsi dire pas de développement jusqu'à maintenant? Cela repose sur une bonne connaissance de la technologie, sur l'adoption de ces nouvelles structures et de ce qu'elles signifient en tant que source d'énergie propre et e gage d'un avenir reposant sur l'énergie propre au Canada.

Nous envisageons de tenir au cours de l'année qui vient d'importantes activités sur l'énergie éolienne, des activités qui feront appel à la participation du public afin d'éviter d'avoir à affronter des obstacles sérieux au développement. L'un des défis à relever, et pour lequel nous espérons continuer de recevoir du soutien, est celui de la stratégie pleinement intégrée sur l'énergie éolienne au Canada. Nous considérons que l'énergie éolienne occupera une large part dans la production d'électricité au Canada, dans le futur, et qu'elle contribuera énormément à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la création d'avenues de développement économique.

Par ailleurs, à notre connaissance, il n'y a eu aucun engagement à l'égard de cette stratégie. Nous ne voyons pas l'énergie éolienne comme la solution universelle à tous les problèmes de développement, mais il reste qu'elle est un élément de la stratégie et qu'elle a un rôle important à jouer pour ce qui est de déterminer la forme qu'elle prendra.

Notre association a proposé plusieurs initiatives susceptibles de favoriser cet exercice, y compris l'élaboration d'une stratégie complète de l'énergie éolienne et l'intégration des initiatives du gouvernement fédéral et des provinces.

Par exemple, lorsque des études d'impact sur l'environnement sont requises pour avoir accès au financement lié à l'encouragement de la production d'énergie éolienne, est-ce que ces études sont harmonisées avec les processus d'études d'impact menés par les provinces qui doivent également être réalisés?

Nous aimerions voir la création d'un organisme de coordination à cet égard.

Le président : Nous aussi.

Mme Howland : Les initiatives provinciales comptent parmi les éléments les plus importants que nous examinons en ce moment. Les provinces ont emboîté le pas et ont déclaré être prêtes à produire une partie de leur électricité à partir de l'énergie éolienne. Nous devons nous assurer que l'on reconnaît la valeur de l'énergie éolienne pour l'environnement dans le contexte du changement climatique et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

M. Jason Edworthy, directeur exécutif, Relations extérieures, Vision Quest : Merci beaucoup de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui. Messieurs les sénateurs Banks et Adams, c'est un plaisir de vous revoir. Mesdames les sénateurs Spivak et Milne, merci beaucoup de nous fournir cette occasion de nous exprimer devant le comité.

Comme nous l'avons mentionné dans notre documentation, Vision Quest est un groupe spécialisé dans la production d'énergie éolienne. Nous ne nous intéressons à rien d'autre qu'à la production d'énergie éolienne. Et même si nous avons des tas de concurrents, nous sommes toujours les chefs de file actuellement au Canada.

Comme l'a mentionné Mme Howland, il s'agit encore d'un petit marché. Mais nous sommes aussi une filiale d'une société de production d'électricité beaucoup plus importante et beaucoup plus diversifiée, TransAlta.

Aujourd'hui, je voulais vous entretenir d'un sujet bien précis. J'ai pensé qu'il serait peut-être utile que je me concentre sur une seule question, et Mme Howland m'a fourni l'entrée en matière. Il s'agit du rôle joué par l'énergie éolienne et les autres sources d'énergie propres dans le plan du Canada sur les changements climatiques.

D'un point de vue général, évidemment, les sources d'électricité qui ne créent aucune émission — les sources d'électricité propres — permettent de réduire les émissions dans l'atmosphère en déplaçant une autre source qui en crée, ou en évitant la construction de nouvelles centrales susceptibles d'être des sources plus polluantes.

La plupart des gens trouvent logique que les sources d'énergie propres entraînent une réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Aussi, il est logique de faire la promotion de ces sources, de tirer parti de leurs avantages et de reconnaître et de récompenser leur contribution. L'énergie éolienne pourrait apport une contribution importante au Canada.

L'Association canadienne de l'énergie éolienne, dans son objectif de production de 10 000 mégawatts d'ici 2010, estime que sa contribution pourrait atteindre les 25 mégatonnes. D'après l'entretien que vous avez eu tout à l'heure avec M. Raynolds, vous comprendrez qu'il s'agit d'une contribution non négligeable.

Le plan du Canada sur les changements climatiques, dans la forme sous laquelle il nous a été livré au fil des années, ne semble pas tenir compte de cet aspect, ni le reconnaître et encore moins le récompenser. Nous croyons que c'est une erreur. Nous croyons que les Canadiens vont trouver cela illogique.

Nous n'avons pas vu la version la plus récente, mais nous croyons comprendre qu'en vertu des dispositions relatives aux grands émetteurs finaux, si les choses continuent comme elles ont commencé, l'énergie éolienne et les autres sources d'énergie renouvelable ne seront pas admissibles aux crédits compensatoires intérieurs accordés au titre du système d'échange.

J'aimerais établir un parallèle avec les mécanismes liés au Protocole de Kyoto, y compris avec le mécanisme de développement propre, ou MDP, qui reconnaîtrait cet état de chose. Pour mettre les choses en perspective, nous avons examiné divers moyens d'obtenir des crédits compensatoires pour l'énergie éolienne, et de les utiliser, par exemple, pour notre propre société mère, TransAlta.

TransAlta a récemment conclu un marché tout à fait inédit avec le Chili au cours duquel elle a acheté des crédits au regard du mécanisme de développement propre, crédits qui seront utilisés plus tard, lors de la mise en œuvre de Kyoto. Cette transaction est une première et elle permet de tirer parti des mécanismes du Protocole de Kyoto. En théorie, nous pouvons investir notre argent dans des parcs d'éoliennes dans un pays en développement, comme par exemple, le Mexique, où TransAlta exploite déjà des centrales électriques.

Nous pourrions, en théorie, construire et exploiter une telle installation, vendre l'électricité produite localement, et revendre les crédits compensatoires admissibles au regard des mécanismes de Kyoto au Canada, ces mêmes crédits au regard du mécanisme de développement propre, ou MDP. Par conséquent, nous pourrions investir à l'extérieur du Canada, exporter nos dollars, notre expertise et nos emplois en vue d'obtenir des crédits compensatoires là-bas que nous pourrions utiliser ici. Il s'agit de crédits compensatoires que nous sommes incapables de produire à partir de nos propres installations ici même au Canada.

J'essaie de vous faire valoir simplement que nous préférerions investir au pays, développer notre filière ici, et aider le Canada à respecter ses engagements à cet égard. Nous sommes très préoccupés à l'idée que ce ne sera pas possible de le faire.

Mon message est bien simple : nous vous demandons instamment de suggérer à Environnement Canada et à EnerCan de toutes les manières possibles d'inclure toutes les sources d'énergie propres, et pas seulement l'énergie éolienne, dans le programme d'échange des crédits compensatoires à l'échelle rurale et intérieure.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Edworthy, ce fut un plaisir de vous revoir.

M. Jim Provias, vice-président, Énergie renouvelable et développement de l'entreprise, Suncor : Eh bien, comme les autres témoins avant moi, je vous remercie beaucoup de l'invitation, mesdames et messieurs.

Je pense que l'on vous a distribué la documentation, aussi je vais la passer en revue avec vous. Suncor a défini l'énergie renouvelable comme faisant partie de son engagement envers le développement durable. À titre de grande société d'énergie — je me trouve à la première page du document, à la page titre — avec un solide bilan financier, nous pouvons prendre le risque de faire des investissements visant à soutenir le nouveau secteur de l'énergie renouvelable au Canada.

Que ce soit à l'interne ou à l'externe, nous l'appelons l'approche du chemin parallèle : premièrement, le développement responsable et durable de nos ressources en hydrocarbures, dont M. Raynolds vous a parlé un peu plus tôt; et deuxièmement, l'investissement visant à diversifier les diverses sources d'énergie du Canada afin de répondre aux besoins futurs en matière d'énergie.

Nous nous concentrons sur l'énergie éolienne parce que la source d'énergie est prévisible, pour peu que l'on utilise les bonnes méthodes scientifiques. Les observations que nous avons faites des deux projets que nous avons mis sur pied jusqu'à maintenant nous permettent d'étayer cette affirmation.

Il s'agit d'une source d'énergie propre. Elle ne produit aucune émission et elle exerce une faible empreinte terrestre, par éolienne.

La technologie a fait ses preuves et elle est utilisable sur une grande échelle. Comme l'a avancé Mme Howland, il y a des milliers d'éoliennes déjà installées — environ 7 000 en Amérique du Nord seulement, et à l'échelle de la planète, le chiffre grimpe jusqu'à 40 000 et plus.

Les tendances en matière de rentabilité des capitaux ont montré que l'énergie éolienne est en passe de devenir beaucoup plus concurrentielle que l'énergie classique. Nous croyons aussi qu'en mettant en place les bonnes politiques et en se dotant des outils appropriés de commercialisation, l'énergie éolienne deviendra une industrie autonome viable au Canada. Un fait important : en moyenne, les coûts de production de l'énergie éolienne sont encore plus élevés que ceux des sources classiques. Mais il y a quelques exceptions néanmoins. En présence de ressources éoliennes suffisantes, l'énergie éolienne deviendra concurrentielle en ce qui concerne les coûts avec les centrales au gaz, lorsque les prix du gaz sont élevés, et avec les centrales au charbon, si les coûts de la réduction des émissions de gaz à effet de serre sont inclus.

Ceci dit, l'énergie éolienne est intermittente, et même si elle est concurrentielle au niveau des coûts, elle ne pourrait pas devenir une énergie de remplacement complète pour les centrales classiques, mais elle pourrait néanmoins être un complément. La souplesse des centrales au gaz naturel et des centrales hydroélectriques équipées de barrages réservoirs fait d'elles les compléments idéaux de la variabilité de l'énergie éolienne.

La semaine dernière, nous avons entendu le département de l'Énergie des États-Unis affirmer que certaines administrations commençaient à tirer parti de cette complémentarité.

Pour poursuivre avec la question des coûts, les constructeurs ont amélioré les coûts de la technologie en accroissant la taille des éoliennes, comme l'a souligné Mme Howland, ce qui a eu pour effet d'améliorer leurs courbes de puissance et de diminuer l'entretien requis. L'année dernière, ces améliorations relatives aux coûts ont été annulées par les coûts de plus en plus élevés des matériaux, soit l'acier ou la résine, et du transport, et surtout le prix du carburant, parce qu'il n'y a pas d'usine d'assemblage au Canada. La plupart des composants sont transportés sur de longues distances à partir de divers ports de l'Amérique du Nord, et plus particulièrement des États-Unis.

Pour l'avenir, à court terme, nous pensons que la majeure partie des améliorations au chapitre des coûts pour les éoliennes terrestres viendront des perfectionnements réalisés dans la gestion de la chaîne d'approvisionnement nord- américaine.

Pour pouvoir réaliser ces améliorations au chapitre des coûts, il faudra mettre en place des politiques et des outils commerciaux efficaces qui viendront stimuler les commandes d'éoliennes et la concurrence entre fournisseurs.

Ce n'est que lorsque l'on aura atteint une masse critique soutenue de commandes d'éoliennes que l'on pourra réaliser l'éventail complet des avantages liés à une industrie autonome viable au Canada.

Dans les marchés réglementés, les politiques provinciales telles que les normes relatives aux portefeuilles d'énergies renouvelables, combinées à une structure d'appel d'offres permettant aux producteurs d'obtenir un rendement équitable ont favorisé le développement de projets.

Le Québec et l'Ontario ont été des pionniers au chapitre des demandes de propositions liées à des projets en matière d'énergie renouvelable. En outre, des outils commerciaux, comme les incitatifs fiscaux permettant la déduction du coût d'acquisition, es actions accréditives et, en particulier, l'encouragement à la production d'énergie éolienne du gouvernement fédéral, ont contribué à la fois à rendre les capitaux plus disponibles et à améliorer de façon générale les conditions économiques des projets.

Ces mesures ont eu une incidence à la baisse sur les prix des soumissions concurrentielles sur les marchés de l'Ontario et du Québec, et ont favorisé le développement de projets sur le marché déréglementé albertain.

Malheureusement, et je pense que c'est ce que voulait dire M. Edworthy, les certificats verts n'ont pas encore démontré qu'ils sont de bons outils commerciaux en raison de l'absence d'une politique clairement définie et d'un intérêt de la part du marché.

Au Canada, comme l'a indiqué Mme Howland, on a développé environ 450 mégawatts de puissance installée, par comparaison avec plus de 16 000 mégawatts en Allemagne. La majeure partie de ce développement s'est effectuée au Québec et en Alberta, et l'Ontario et le Québec sont les provinces qui prévoient la plus forte croissance, si l'on en croit les annonces de projets ayant résulté des appels d'offres provinciaux au cours de l'année écoulée.

Les difficultés de transmission associées aux frais d'interconnexion, au choix du moment, aux normes et à la compréhension du rendement ont émergé dans les régions où l'on note la plus forte concentration de projets d'éoliennes, et ce, malgré la puissance installée relativement faible du Canada.

À notre avis, dans les régions les plus densément peuplées et où l'on compte aussi un plus grand nombre de groupes d'intérêt, comme dans le sud de l'Ontario, les préoccupations des intervenants, comme celles liées à l'impact sur le paysage, devraient être plus marquées selon les régions, et on s'attend à ce que les échéanciers de projet soient plus longs.

Toutefois, nous croyons qu'avec une participation dès les premières étapes des projets et une bonne sensibilisation, la plupart des préoccupations des intervenants devraient trouver une solution satisfaisante.

J'aimerais conclure avec la diapositive qui comporte une invitation à passer à l'action, et qui porte plus particulièrement sur les politiques et les outils commerciaux.

Nous pensons qu'une combinaison de politiques efficaces et de bons outils commerciaux est requise pour permettre la mise en place d'une industrie éolienne autonome viable.

Les provinces doivent continuer d'établir des normes en ce qui concerne les portefeuilles d'énergie renouvelable, et elles doivent aussi fournir un mécanisme d'établissement des prix concret et cohérent pour l'énergie renouvelable, un mécanisme qui se traduise par un rendement équitable pour le producteur.

Un bon exemple de ce qui précède est le processus d'appel d'offres de l'Ontario et les accords d'achat d'énergie subséquents qui ont eu lieu en 2004, et que l'on devrait répéter en 2005.

Le gouvernement fédéral doit continuer à offrir des encouragements à la production et des incitatifs fiscaux, parce que ces derniers ont prouvé leur efficacité en tant qu'outils de commercialisation. Le dernier budget a annoncé une expansion de l'encouragement à la production d'énergie éolienne ainsi qu'un encouragement à la production de l'énergie renouvelable, comme vient de vous le dire le précédent témoin. Ce même budget a également prévu des taux plus élevés de déduction pour amortissement ou des montants plus élevés de déduction au titre de l'impôt.

Une politique claire concernant les certificats verts et la façon de les utiliser dans le contexte des obligations du Canada en matière de changements climatiques est requise afin que ces certificats deviennent des outils efficaces de commercialisation et, selon nous, le complément nécessaire aux outils existants.

Enfin, nous pensons que les autorités réglementaires provinciales et les compagnies d'électricité doivent améliorer leurs connaissances de la gestion de réseau en fonction de l'énergie éolienne et rationaliser le processus de délivrance de permis afin de réduire les coûts et de raccourcir les échéanciers relatifs à l'interconnexion.

Le président : Merci beaucoup. Monsieur Lewin.

M. David A. Lewin, premier vice-président, Développement durable, EPCOR : Merci, mesdames et messieurs, de m'avoir invité à venir témoigner devant vous aujourd'hui. Afin d'accélérer les choses, je vais passer rapidement en revue les documents qui vous ont normalement été distribués.

Mais d'abord, quelques mots au sujet de notre société, EPCOR : nous sommes une société d'énergie intégrée. Et en réalité, nous sommes l'ancienne Edmonton Power. Nous fournissons de l'électricité, de l'eau et du gaz naturel. Nous sommes à la fois propriétaires et exploitants de centrales. Par ailleurs, nous possédons et exploitons une partie du réseau de transport et de distribution de l'électricité, plus particulièrement à Edmonton.

Nous construisons, possédons et exploitons des usines de traitement et des réseaux d'adduction d'eau. Nous offrons également à nos clients des solutions en matière d'eau et d'énergie.

Sur le plan de la gouvernance, le seul actionnaire d'EPCOR est la Ville d'Edmonton, toutefois notre structure est elle que notre conseil d'administration est complètement indépendant du conseil municipal et fonctionne indépendamment de son actionnaire unique, la Ville d'Edmonton. En 2004, nous avons eu le plaisir de recevoir le grand prix national de gouvernance du Conference Board du Canada.

Nous exerçons nos activités aujourd'hui en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario ainsi que dans le Nord- Ouest américain.

Notre portefeuille de centrales est principalement constitué de centrales à combustibles fossiles. Voilà donc notre historique. Nous exploitons des centrales électriques à combustibles fossiles, soit au charbon ou au gaz naturel, depuis de nombreuses années. Nous possédons des centrales à combustibles fossiles, des centrales au charbon en régime sous- critique, à Genesee; des centrales au gaz naturel à Clover Bar; et aussi à Rossdale, la centrale historique du centre d'Edmonton, qui a derrière elle une longue carrière marquée par des hauts et des bas, mais dont le déclassement est déjà prévu.

Nous menons également une coentreprise à Joffre où nous avons une centrale au gaz naturel. Dans le Nord-Ouest américain, plus précisément à Frederickson, dans l'État de Washington, nous sommes également copropriétaires d'une centrale à cycle combiné au gaz naturel.

À Genesee, une troisième tranche est maintenant en exploitation commerciale. Il s'agit d'une centrale au charbon en régime surcritique.

Je pourrais ajouter, surtout en ce qui concerne le charbon, que nous sommes les membres fondateurs de la Canadian Clean Power Coalition. Ce groupe a pour objectif de trouver des moyens de poursuivre l'utilisation du charbon, mais d'une manière beaucoup plus respectueuse de l'environnement. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet.

La nouvelle tranche Genesee 3 est d'une puissance de 450 mégawatts. En fait, nous en avons vendu la moitié à TransAlta. C'est pour cela que dans la documentation, nous avons inscrit une puissance de 225. Nous disposons au total d'un parc de centrales à combustibles fossiles dont la puissance dépasse légèrement les 1 900 mégawatts.

Dans le domaine de l'énergie renouvelable, nous avons une centrale au fil de l'eau à Taylor Coulee, en Alberta. Nous sommes également propriétaires d'une éolienne dans le sud de l'Alberta appelée Weather Dancer en partenariat avec la Piikani Utility Corporation.

Nous possédons aussi deux centrales hydroélectriques en Colombie-Britannique. L'une est une centrale hydroélectrique classique, et elle se trouve à Brown Lake; et l'autre est une centrale au fil de l'eau située à Miller Creek. Elles sont toutes en exploitation.

À Clover Bar, nous avons un projet de valorisation énergétique du gaz d'enfouissement qui nous permet de produire 4,5 mégawatts d'électricité à partir du méthane produit par un lieu d'enfouissement appartenant à la Ville d'Edmonton. Depuis de nombreuses années, nous récupérons ce méthane et l'utilisons comme carburant dans notre centrale de Clover Bar, ce qui nous permet d'éliminer le méthane dans l'atmosphère.

Étant donné le ralentissement des activités au lieu d'enfouissement de Clover Bar, il fallait trouver un autre moyen d'utiliser le gaz d'enfouissement plutôt que de se contenter de le flamber, aussi nous avons mis en place des tranches qui l'utiliseront comme carburant.

Nous avons obtenu l'autorisation de construire un parc d'éoliennes d'une puissance pouvant atteindre presque 40 mégawatts à Kingsbridge, en Ontario, donc nous disposons d'un portefeuille d'énergie renouvelable d'environ 90 mégawatts. Ce chiffre frôle les 5 p. 100 de notre puissance totale, et non seulement dans la province, mais à la grandeur du Canada.

Le sénateur Milne : Où se trouve Kingsbridge, en Ontario? Est-ce dans le sud-est, près de Windsor?

M. Tim Boston, directeur, Relations gouvernementales, EPCOR : C'est en bordure du Lac Huron.

M. Lewin : Près de Port Albert.

Nous sommes en faveur des mesures destinées à accroître le recours à l'énergie renouvelable. Comme vous le voyez, nous exerçons nos activités dans le domaine de l'énergie renouvelable, au même titre que dans celui des combustibles fossiles. Du point de vue de la capacité d'offrir un éventail de combustibles pour produire de l'électricité, nous sommes d'avis que c'est d'une importance primordiale. En fin de compte, nous ne pensons pas qu'il soit avisé pour quiconque, que ce soit à l'échelle nationale ou provinciale, de mettre tous ses œufs dans le même panier, si je peux m'exprimer ainsi, du strict point de vue de la sécurité de l'approvisionnement en électricité.

C'est pourquoi nous avons opté pour la diversification dans ces diverses sources d'énergie. Ce choix comporte des défis et des contraintes, mais néanmoins, nous sommes convaincus que c'est la manière la plus durable et la plus satisfaisante de fonctionner.

Nous pensons également que la diversification des sources de production d'électricité permet au réseau d'optimiser les caractéristiques positives de chaque type de ressource. Autrement dit, aucune source de production n'est absolument parfaite, mais l'idée est de les utiliser en combinaison les unes avec les autres.

La diversité contribue également à stabiliser les prix de l'électricité et à accroître la fiabilité et la sécurité du réseau. Je vais élaborer sur ce point dans un petit moment.

Par ailleurs, la nécessité d'opter pour la diversité origine des contraintes géographiques présentes au Canada en matière d'approvisionnement énergétique. Chacun sait que chaque province a commencé à produire de l'électricité à partir de ses propres ressources naturelles.

Et en matière d'énergie renouvelable, il faut se rendre à l'évidence, nous disposons de moins de 50 mégawatts. C'est ainsi que nous définissons la situation. Cette énergie renouvelable comprend la biomasse, le biogaz, l'énergie éolienne, les centrales hydroélectriques au fil de l'eau et l'énergie solaire. Parce que nous utilisons, depuis un certain nombre d'années d'ailleurs, des panneaux solaires sur l'édifice de notre siège social, dans le centre-ville d'Edmonton, et l'électricité produite est suffisante pour éclairer deux étages.

À la page suivante, nous avons essayé de comparer la situation du Canada avec celle d'autres pays, et je sais que d'autres témoins en ont déjà parlé. Toutefois, en ce qui a trait au développement de l'énergie renouvelable, il faut tenir compte historiquement des variantes régionales en matière de ressources au pays.

La géographie et les ressources naturelles sont les raisons qui expliquent pourquoi le Canada utilise moins d'énergie renouvelable que bien d'autres pays. Accroître la production de l'énergie renouvelable comporte sa part de défis. Bien entendu, l'encouragement à la production offert par le gouvernement fédéral, une mesure qu'il vient d'augmenter, plus particulièrement au chapitre de l'énergie éolienne, ne peut qu'être utile.

Mais il arrive souvent que l'on ait besoin d'augmenter le nombre de lignes de transport et d'élargir l'infrastructure ce qui, bien entendu, vient s'ajouter au coût du développement des ressources énergétiques renouvelables. Et le fameux syndrome « Pas dans ma cour » sévit toujours. Et même, cette fin de semaine, j'en ai découvert un nouveau, le syndrome BANANA pour « Build Absolutely Nothing, Anywhere, Near Anybody ». Je le mentionne parce que, oeuvrant dans le domaine de l'électricité depuis bon nombre d'années, il me semble que cela devient de plus en plus difficile de construire quoi que ce soit, où que ce soit, de nos jours. Il n'y a jamais rien de facile.

La puissance produite par l'énergie éolienne, par exemple, et les autres témoins y ont fait allusion, comporte elle aussi ses contraintes. On a tôt fait de découvrir, peu importe le réseau électrique, que dès que l'on atteint environ 5 p. 100 de la production — et tout dépendant de la configuration du réseau — il faut tenir compte de la stabilité de la tension et de divers aspects techniques de cet ordre.

Le défi tient ensuite à la mosaïque canadienne. Comme je l'ai déjà mentionné, l'Alberta possède d'abondantes ressources en combustibles fossiles, et il est naturel qu'elle veuille continuer à les utiliser. La province possède un certain potentiel hydroélectrique. Et dans le Grand Nord, ce potentiel est énorme, mais il se trouve à une telle distance des marchés que l'on doit prendre en considération les difficultés liées au transport.

Le Québec et la Colombie-Britannique possèdent en revanche d'abondantes ressources hydrauliques. Il n'est donc pas surprenant que la majeure partie de leur électricité soit d'origine hydraulique. Et aussi, la proximité de l'Alberta avec la Colombie-Britannique crée une situation intéressante, parce que des synergies pourraient être créées entre une province dont l'électricité est d'origine hydraulique, et une autre dont l'électricité provient de centrales à combustibles fossiles. Nous en avons déjà fait la démonstration, mais pour le moment les projets achoppent en raison de contraintes liées aux lignes de transport. Notre raccordement avec la Colombie-Britannique est relativement peu important.

Dans pratiquement toutes les provinces, sauf en Alberta, où nous avons un marché déréglementé et où nous fonctionnons sur la base de la mise en commun des ressources énergétiques, l'électricité est un monopole. Le marché de l'électricité albertain est concurrentiel, et il comporte un plus grand nombre d'intervenants que par le passé. C'est un marché qui fonctionne différemment de celui de la plupart des autres provinces.

Nous aimerions seulement faire une mise en garde en ce qui concerne l'utilisation de mécanismes extérieurs au marché pour encourager la production additionnelle d'électricité de toute origine, et surtout en Alberta, où il existe un marché concurrentiel.

En Alberta, la demande entraîne la croissance de la production d'énergie renouvelable d'une manière ou d'une autre. Par exemple, le gouvernement de l'Alberta a signé un contrat vert avec ENMAX. La Ville de Calgary semble-t-il alimente le réseau de transport léger sur rail à l'aide de l'énergie verte.

Et chez nous, à Edmonton, nous avons signé un contrat avec le club Royal Glenora afin que 10 p. 100 de son électricité provienne de sources vertes. D'autres entreprises et fabricants font également appel aux sources d'énergie verte fournies par EPCOR.

Nous sommes convaincus que le marché facilite la croissance de la production d'énergie renouvelable dans la province quoi qu'on fasse, mais nous tenons à ce que l'on laisse les règles du marché jouer librement.

Dans les autres provinces — et peut-être ne serait-il pas juste de dire sur les « marchés non concurrentiels » — ce sont les administrations publiques qui fixent les objectifs de développement pour la production de l'énergie renouvelable. Parmi les exemples, il y a l'Ontario, bien entendu, et ses appels d'offres pour de l'énergie verte, ainsi que la Colombie-Britannique.

Fixer un objectif en termes de mégawatt ou de mégawattheure, et ensuite aller en appel d'offres est le meilleur moyen de s'assurer que ce sont les projets les plus concurrentiels qui seront construits.

Nous sommes assez favorables à la poursuite du programme d'encouragement à la production d'énergie éolienne ou EPÉÉ. Il contribue à modérer l'incidence des prix de la production additionnelle d'énergie renouvelable, pour la plupart des types de ces énergies. Je suis d'accord avec vous que l'énergie éolienne est actuellement la source d'énergie la plus concurrentielle, mais elle a tendance à être plus onéreuse que la production d'énergie classique, ce qui en soi présente déjà un défi particulier.

Comme je l'ai mentionné plus tôt, il faut tenir compte de la contrainte technique que représente le raccordement de l'énergie renouvelable à un réseau donné, et des frais qui y sont associés.

Et pour conclure, je crois que tous les types de production d'électricité ont leur place à l'échelle du Canada. Nous encourageons tout un chacun à examiner attentivement toutes les solutions de rechange et à ne pas se cantonner dans une solution d'un type en particulier, parce que la diversité offre une plus grande sécurité. Chaque type de production doit tout simplement trouver son créneau. Et enfin, permettez-moi seulement de mentionner que le festival Scène albertaine que nous commanditons — c'est une publicité pour EPCOR — est le présent qu'offre notre société à la population albertaine à l'occasion du centenaire de la province, en 2005, et que cet événement est présenté en collaboration avec le Centre national des arts.

Le président : C'est une commandite de grande valeur, et je m'y connais. Je vous en félicite et vous en remercie.

Monsieur Lewin, avant que nous passions à la période de questions, vous produisez de l'électricité à partir de pratiquement toutes les sources d'énergie, renouvelables et classiques?

M. Lewin : Oui.

Le président : Nous évaluons l'efficacité en comptabilisant les coûts de production de l'énergie, mais dans le cas de l'énergie éolienne, il faut tenir compte des coûts de construction de l'ensemble du réseau de transport. Ce coût est bien réel.

Certains nous ont suggéré qu'en ce qui concerne les combustibles fossiles de tout genre, tous les coûts ne sont pas aussi réels et ne sont pas internalisés.

Étant donné que vous produisez de l'électricité à partir des deux types de ressources, pensez-vous que si ces coûts réels étaient internalisés dans la production d'autres genres d'électricité que cet avantage concurrentiel s'en trouverait soudainement modifié?

M. Lewin : C'est bien possible, en effet. Si vous voulez parler de l'établissement des coûts du cycle de vie.

Le président : Et de certains coûts bien précis, aussi, parce que, pour vous donner un exemple, dans le cas de l'énergie éolienne, vous nous avez signalé qu'à cet égard il n'y avait aucun coût rattaché à l'assainissement en raison de l'absence d'émissions, ou encore, dans le cas de l'hydroélectricité pure, il n'y a aucun coût de nettoyage, sauf ceux qui sont rattachés au nettoyage après la construction.

M. Lewin : C'est exact.

Le président : La plupart des coûts de nettoyage ou de dépollution, dans le cas des combustibles fossiles, sont reportés d'une manière ou d'une autre, et c'est quelqu'un d'autre qui acquittera la facture, plus tard. Pour ce qui est de l'eau, qui est utilisée pour faire l'extraction du pétrole, comme nous venons de l'entendre, aucun coût ne lui est attribué.

Alors, je veux parler de l'internalisation des coûts de ce genre afin que l'on établisse un prix réel pour ces sources d'énergie. Dites-moi si je fais fausse route?

M. Lewin : Encore une fois, je crois que vous voulez parler du coût complet durant le cycle de vie, c'est-à-dire pour le charbon ou le gaz naturel, de la tête de puits ou de la mine de charbon, jusqu'à l'autre extrémité, si vous voulez, que représentent les coûts externes pour les émissions, les incidences de celles-ci, et ainsi de suite.

J'ai pris connaissance de nombreuses études sur le sujet, et c'est une question à laquelle il devient difficile de répondre. Il ne fait aucun doute que si l'on commence à ajouter certains coûts externes, l'écart va se rétrécir. Mais il m'est difficile de chiffrer avec précision de combien.

Le président : Tout dépend du prix que l'on va exiger pour l'eau?

M. Lewin : Oui.

Le président : Merci beaucoup.

Le sénateur Milne : J'ai des pages de notes et je ne sais pas par où commencer. Si je pose une question à l'un d'entre vous, et que vous avez quelque chose à ajouter, n'hésitez pas, parce que nous avons vraiment besoin de connaître la réponse à ces questions.

Monsieur O'Gorman, vous avez parlé des aspects économiques et des avantages pour la société, principalement des projets hydroélectriques, pour les régions rurales.

Malheureusement, cependant, les régions rurales sont celles où il en coûte le plus cher pour se raccorder au réseau. Vous avez tous parlé des coûts rattachés au raccordement au réseau pour distribuer l'électricité que vous produisez. J'aime bien cette expression, le syndrome BANANA. Je trouve qu'il exprime parfaitement la situation.

Vous vous dites particulièrement préoccupés de la situation en Alberta et en Colombie-Britannique. Que fait l'Alberta justement pour favoriser l'expansion de son réseau afin de diminuer les coûts liés au raccordement de l'énergie hydroélectrique et de l'énergie éolienne?

Est-ce qu'on a envisagé l'expansion du réseau vers le nord de sorte que l'on pourrait éventuellement raccorder une partie de ce réseau potentiel que constituent les centrales au fil de l'eau ou les centrales hydroélectriques du nord de l'Alberta à celui du sud des Territoires du Nord-Ouest?

Je sais que les gens des Territoires du Nord-Ouest sont très intéressés à trouver un moyen de contourner le Parc Wood Buffalo afin de pouvoir transporter de l'électricité propre à destination de l'Alberta, ou dans l'autre sens, vers la Saskatchewan, parce qu'il n'existe pas de raccordement au réseau comme entre l'Ontario et le Québec et avec les États- Unis. Il n'existe pas de raccordement entre les provinces dans cette région, ni entre l'Alberta et la Saskatchewan ou avec le Manitoba ou encore la Colombie-Britannique.

Il s'agit bien sûr de projets extrêmement coûteux, et je ne vois pas comment des sociétés d'énergie privées pourraient jamais être capables d'entreprendre ce type d'expansion.

M. O'Gorman : Merci, sénateur. Les coûts de raccordement au réseau sont un sujet de préoccupation, et lorsque nous faisons de la prospection, que ce soit en vue de construire des éoliennes ou des centrales hydroélectriques, nous étudions très sérieusement la distance par rapport au réseau.

Parce que le raccordement au réseau peut en effet représenter un coût majeur, il faut vraiment que le projet soit de grande envergure pour envisager qu'il s'étende sur une distance quelconque. Nous avons construit une centrale de 45 mégawatts au sud de Revelstoke et nous avons dû construire une ligne de transport sur plus de 20 kilomètres; c'est une vaste entreprise.

En Colombie-Britannique, il existe maintenant une société indépendante de transport de l'électricité. Il y a également une société indépendante de transport en Alberta. C'est une bonne chose, parce que ces entreprises sont mieux placées pour évaluer les écarts à combler, le potentiel, ainsi que pour envisager la construction d'une ligne de transport quelconque. Toutefois, dans le sud de l'Alberta, où il existe un énorme potentiel de développement pour l'énergie éolienne, il n'a pas été facile d'y faire construire les lignes de transport.

Vous avez tout à fait raison. Les raccordements au réseau d'est en ouest, entre l'Alberta et la Colombie-Britannique sont très restreints. Nous sommes membres du Western Electricity Coordinating Council, ce qui nous permet de transporter de l'électricité à la Colombie-Britannique très facilement grâce à une ligne de transport de 500 mégawatts.

Toutefois, à l'est de la Saskatchewan, c'est un autre organisme qui assure la coordination, et il y a aussi certains obstacles matériels au transport. Il existe pourtant une petite ligne de transport entre l'Alberta et la Saskatchewan.

J'ai étudié récemment le sud des Territoires du Nord-Ouest. Il s'y trouve en effet d'excellentes possibilités sur le plan de la production d'énergie renouvelable. High Level est le point le plus éloigné au nord où se rend le réseau albertain. Il y a deux centrales sur le trajet qui conduit à High Level, et les deux fonctionnent indépendamment. Ce sont des centrales autonomes.

Le sénateur Milne : Il ne se rend même pas aussi loin que Fort McMurray?

M. O'Gorman : C'est à l'est, et nous nous trouvons à l'ouest de l'Alberta. Oui, il s'y rend. Il se produit beaucoup d'électricité dans la région de Fort McMurray, mais cette production suivra les sables bitumineux dans la mesure où ils iront jusqu'à Wood Buffalo.

Et du côté ouest de l'Alberta, il faudrait une ligne de transport de 200 kilomètres pour suivre la route de High Level jusqu'à Hay River.

Maintenant, qui construirait cette ligne et pourquoi? C'est la vieille histoire de l'œuf et de la poule. Quel est le potentiel dans cette région? Quelle en serait la valeur? Construire cette section du réseau n'est pas une mince entreprise.

Le potentiel existe. Construire une ligne de transport n'est pas irréalisable. C'est tout simplement un énorme investissement en capitaux, et quelqu'un va devoir assumer les coûts du transport, et ce quelqu'un, en Alberta, c'est habituellement le consommateur. Ce n'est pas une question qui va de soi. Construire une ligne de transport, c'est toute une entreprise.

Le sénateur Milne : Et il y a les pertes de transport.

M. O'Gorman : Oui, il faut tenir compte de cela aussi.

Le président : Puis-je vous poser une question à ce sujet? Le sénateur Milne a mentionné les pertes de transport. Qu'en est-il des pertes d'insertion? Que se passe-t-il lorsque vous décidez de transporter de l'électricité sur une longue ligne de transport et que vous y insérez 4,5 mégawatts? Que reste-t-il à l'autre extrémité? Y a-t-il une perte d'insertion?

M. O'Gorman : Elle est d'environ 5 p. 100.

Le sénateur Milne : Pour quelle distance?

M. O'Gorman : Je pense que l'on peut parler d'une perte générique de 5 p. 100.

Mme Howland : En règle générale, il y a une perte de 5 p. 100 lors du raccordement au réseau, et par la suite il faut effectuer divers calculs à l'échelle de la province pour l'ensemble du réseau, et les résultats peuvent être aussi élevés que 9 p. 100, et aussi bas que 3 p. 100.

Le président : Toutefois, la perte varie suivant la distance, n'est-ce pas?

Mme Howland : Elle varie selon la distance, mais aussi en fonction de la nature des installations dans le secteur — le type de ligne utilisé, le nombre de sous-stations, la charge, l'équilibrage de la charge et l'équilibrage de la production.

On peut obtenir un effet cumulatif, dépendant de l'endroit où l'on se trouve, et les pertes peuvent atteindre les deux chiffres dans certains secteurs.

Le sénateur Milne : A-t-on déjà envisagé de localiser les éoliennes — pour en revenir à la production d'énergie éolienne — le long des lignes de transport d'électricité de manière à se trouver à portée du réseau?

A-t-on déjà envisagé de construire de petits parcs d'éoliennes qui serviraient à alimenter une maison ou un bâtiment d'usine? Ne pourrait-on pas en installer quelques-unes sur une toiture afin qu'elles n'obstruent pas la vue et que les gens ne puissent se plaindre qu'elles sont inesthétiques?

Est-ce qu'il se fait des expériences ou des essais à cet égard? Beaucoup de maisons dans les régions rurales sont flanquées de ces énormes réflecteurs paraboliques radar qui permettent de capter des canaux de télévision, alors je ne vois pas pourquoi les gens auraient des objections à y installer une éolienne aussi?

M. Edworthy : Sénateur, je vais essayer de vous répondre. Premièrement, pour ce qui est de situer les éoliennes le long des lignes de transport d'électricité, il est certain, comme l'a fait valoir M. O'Gorman, que tous les projets que nous envisageons tiennent soigneusement compte de la distance par rapport à ces lignes de transport, parce qu'il en coûte très cher pour s'y raccorder.

L'interconnexion d'une simple machine à des lignes à haute tension n'est pas une mince affaire et elle entraîne des coûts non négligeables. Les dispositifs de protection, les disjoncteurs, les transformateurs entraînent tous des coûts importants. Tous ces facteurs nous incitent à construire de plus grands parcs d'éoliennes avec une sous-station.

À titre d'exemple, les disjoncteurs que l'on utilise habituellement pour une connexion de 138 000 volts coûtent presque un demi-million de dollars chacun, quelle que soit la taille de l'éolienne.

C'est pourquoi nous avons intérêt à être un peu plus centralisés. Mais le bon côté de cette situation est que lorsque l'on se raccorde à ces lignes de transport rurales, cela permet d'améliorer l'efficacité et de réduire considérablement les pertes, parce qu'au lieu d'avoir à transporter l'électricité à partir d'une centrale sur toute la distance jusqu'au sud de l'Alberta, nous ne faisons que la rediriger ailleurs. Cela permet d'économiser l'énergie et contribue à améliorer l'efficacité globale du réseau.

C'est un gros avantage, même si ces lignes n'avaient pas été conçues initialement pour cet usage, et que nous nous en servons comme point de départ à certains endroits.

Pour ce qui est de construire de plus petites éoliennes, il se trouve qu'il existe déjà un assez bon marché dans ce domaine depuis quelques années. Avant de me joindre à Vision Quest, je vendais du matériel, et nous avions mis sur pied un projet qui a remporté pas mal de succès auprès d'une association de chasseurs et de trappeurs qui évoluait dans ce qui est devenu le Nunavut. Ce projet consistait à expédier des trousses permettant d'électrifier de petits villages.

Le problème avec ce produit c'est que la technologie a tendance à être conçue davantage pour des maisons unifamiliales ou des propriétés récréatives. Il ne s'agit pas d'une technologie lourde. Elle est très coûteuse, et les produits livrés au consommateur s'usent rapidement. Ils n'ont pas été fabriqués suivant les mêmes spécifications industrielles que les machines dont il est question ici.

Mais il est clair qu'il y a un marché pour ce genre de technologie aussi, même si ce marché est assez restreint. Je sais que l'Association canadienne de l'énergie éolienne déploie beaucoup d'efforts pour revitaliser ce marché et qu'elle s'y intéresse de près parce qu'il suscite beaucoup d'intérêt.

Tout le monde aimerait avoir sa propre éolienne, mais le fait est que pour des raisons d'efficacité et de rentabilité, dans le sud du Canada, l'approche du parc d'éoliennes semble être plus appropriée.

Le sénateur Milne : C'est intéressant, parce que je me rappelle que dans les années 1940, avant que l'électricité ne se rende jusque dans les régions rurales de l'Ontario, un de mes oncles avait installé une petite girouette, à l'autre bout de la grange, et il s'en servait pour alimenter la radio, et il avait aussi des batteries pour stocker l'électricité produite.

J'ignore quels sont les règlements en place ici, mais certaines provinces ont permis à des particuliers qui produisent de l'électricité de se raccorder au réseau, et ainsi ils peuvent soit vendre leur électricité et en tirer des revenus, soit réduire leur facture d'électricité.

C'est ce que l'on fait en Ontario, mais on ne permet pas, par exemple, à des entreprises forestières qui se servent de la biomasse, des gaz d'enfouissement, pour la cogénération de se raccorder au réseau, ce qui, à mon sens, traduit un manque de vision.

Est-ce qu'il y a des projets de ce genre en Alberta? Je sais qu'il y a un certain nombre d'entreprises forestières qui utilisent la biomasse pour la cogénération.

Le président : Est-ce que vous n'avez pas justement un projet à Grande Prairie qui fait directement appel à la cogénération?

Le sénateur Milne : C'est bien ce que l'on utilise là-bas, n'est-ce pas?

M. O'Gorman : Oui. Canadian Hydro est en train de construire une centrale alimentée à la biomasse, la centrale se trouve juste à côté de la scierie Canfor à Grande Prairie. Nous utilisons l'écorce et la sciure qui autrement seraient rejetées dans un site d'enfouissement ou entreposées dans un silo.

Le sénateur Milne : Je crois que l'on y utilise aussi les eaux usées, n'est-ce pas?

M. O'Gorman : Dans les usines de pâte à papier. Dans une scierie, contrairement à une usine de pâte, on ne produit que de l'écorce et de la sciure. Alors que dans une usine de pâte à papier, on retrouve de l'écorce et de la sciure ainsi que ce que l'on appelle la liqueur noire.

L'écorce et la sciure sont ce que l'on appelle du « combustible de déchets de bois ». Je ne connais pas la réglementation en Ontario, mais oui, effectivement, nous alimentons l'usine et aussi le réseau.

De fait, nos sommes responsables de la moitié de l'infrastructure liée à la consommation d'énergie écologique de l'Alberta. Cela correspond essentiellement à l'énergie éolienne du sud de l'Alberta et à la biomasse du nord de l'Alberta sur une période de 20 ans. Le contrat à long terme a réellement contribué au développement de cette infrastructure.

Mme Howland : Si vous me permettez, sénateur, j'ajouterai que l'Ontario, étant donné la crise énergétique qui la menace, a déterminé les obstacles à la cogénération et a annoncé, la semaine dernière, la création d'un organisme indépendant chargé de s'occuper exclusivement de la cogénération.

Le sénateur Milne : C'est très bien.

Mme Howland : Pour les applications industrielles.

Le sénateur Milne : J'étais occupée ailleurs, la semaine dernière, aussi je n'ai pas entendu cette annonce. Mais je suis ravie de l'apprendre. Il était grandement temps.

Vous avez parlé des certificats verts et de la possibilité de permettre aux consommateurs de compenser pour les émissions indirectes associées à la production de l'électricité. Comment fonctionne exactement ce programme? Vous avez fait allusion à des problèmes tels que l'exportation de l'expertise et des emplois en vue de récupérer des avantages liés aux émissions de carbone plutôt que de le faire directement ici. Pourquoi ne pouvons-nous pas le faire directement ici?

Quels sont les obstacles? Quels sont les problèmes précis?

M. Edworthy : J'aimerais dire d'abord que nous avons commencé à vendre ce genre de certificats la toute première semaine où nous avons commencé à produire de l'énergie éolienne en Alberta, en 1997. Les acheteurs étaient optimistes quant à leur valeur, soit dans le contexte des actions précoces menées à l'époque, ou ultérieurement dans celui de Kyoto.

Nous avons travaillé fort pour obtenir des normes nationales et une homologation. Nous avons aussi collaboré avec les groupes de formulation de normes américains visés, parce que, fait intéressant, ces certificats s'échangent intensivement aux États-Unis.

Ces certificats ont subi de nombreuses mutations, des certificats de réduction vérifiée des émissions qu'ils étaient à l'origine, jusqu'aux étiquettes vertes ou aux certificats d'énergie renouvelable. C'est surtout de ces derniers qu'il est question maintenant.

Rien ne s'oppose à ce que l'on vende ces certificats à un particulier motivé ou à une entreprise du Canada ou des États-Unis actuellement, aussi nous continuons à le faire. Et en réalité, c'est ce que fait Mme Howland pour nous, et elle est probablement la meilleure vendeuse de ce produit en Amérique du Nord.

Ces dernières années, les ventes ont chuté radicalement au Canada. Cette chute s'explique, d'après ce que nous pouvons en juger, par l'incertitude qui prévaut dans le secteur de la politique en ce qui concerne les plans sur les changements climatiques. On se demande si on sera en mesure d'utiliser les crédits compensatoires ou les certificats obtenus avec l'énergie renouvelable ou avec l'énergie éolienne dans le cadre de la mise en œuvre de Kyoto, pour réduire les émissions sur papier, à titre de mesure compensatoire.

Oui, les ventes se sont effondrées. Et justement à un moment où, comme l'ont dit si bien M. O'Gorman et M. Provias, nos coûts de développement continuent de monter en flèche. Ce qui a toujours été un secteur difficile est en passe de devenir un secteur extrêmement difficile. C'est pourquoi je vous incite fortement à demander que l'on définisse la politique à cet égard.

Le sénateur Milne : C'est très intéressant.

Monsieur Provias, vous avez parlé du matériel dont vous avez besoin pour la production de l'énergie éolienne et la construction des éoliennes. Toutes les pièces sont-elles importées? D'où viennent-elles? Où se trouve l'industrie qui les fabrique, et pourquoi ne se lance-t-on pas dans cette industrie, nous aussi?

M. Provias : Je peux vous parler de l'expérience que nous avons vécue lors de notre dernier projet, à titre d'exemple. Dans le cadre de ce projet, nous avons utilisé des éoliennes de la société General Electric qui était chargée de fournir les composants de base des éoliennes à partir de ses divers établissements.

Cette société fait fabriquer les pales par un sous-traitant, elles sont donc construites au Brésil. Elles arrivent au port de Houston, et elles ont ensuite été transportées jusque dans le sud albertain.

On dispose d'une certaine marge de manœuvre pour les pylônes. En effet, il existe quelques constructeurs de pylônes au Canada. En bout de ligne, la décision concernant le choix du fournisseur de pylônes a été prise en fonction des garanties et des spécifications sur lesquelles le constructeur des éoliennes a insisté.

Dans notre cas, même si nous visions des produits canadiens, nous avons dû nous approvisionner aux États-Unis en raison des délais et des spécifications à respecter. Je pense que nous les avons achetés au Dakota du Nord.

Le sénateur Milne : Ce n'est pas si mauvais.

M. Provias : Non, en effet.

Sur le dessus de l'éolienne est posé ce qui ressemble un peu à un minibus, à l'intérieur s'y trouvent la boîte d'engrenages, le générateur et le système de commandes. Le principal centre d'assemblage de la General Electric se trouve à Tehachapi, en Californie, pour des raisons historiques qui sont liées à l'origine de leur entreprise.

Ces nacelles, comme on les appelle, étaient assemblées en Californie et transportées à leur tour. Finalement, quelque 160 gros camions sont arrivés sur les lieux chargés de toutes ces pièces qui provenaient de diverses régions de la Californie, du Texas et du Dakota du Nord.

Le sénateur Milne : Seulement pour une éolienne.

M. Provias : Non, pas pour une seule éolienne, mais dans notre cas, pour 20 éoliennes. C'est le transport sur cette longue distance qui gonfle les coûts.

Pour ce qui est de l'activité en ce domaine en Ontario et au Québec, je sais que des discussions sont en cours en vue de déménager certaines de ces usines d'assemblage au Québec, en particulier dans le cadre de ce processus d'appel d'offres.

Il est à espérer que cet exercice créera des synergies, mais il est clair qu'une concurrence additionnelle est nécessaire en Amérique du Nord. Lors de nos discussions avec les responsables de General Electric ou de Vestas, ceux-ci nous ont fait valoir que le principal facteur de ralentissement est la masse critique des commandes d'éoliennes.

Vu l'insuffisance de commandes d'éoliennes, les entreprises qui traditionnellement avaient des établissements en Amérique du Nord, comme General Electric, se tournent principalement vers le marché européen où elles sont en concurrence avec des constructeurs européens qui n'ont pas d'usines de fabrication ni d'usine d'assemblage au Canada ou aux États-Unis.

Le sénateur Milne : Plutôt que d'expédier des produits du Brésil jusqu'à Houston et ensuite de les transporter par camion jusqu'ici, est-ce qu'il ne reviendrait pas moins cher de les expédier par le canal jusqu'à Prince Rupert?

M. Provias : Je l'ignore. Je sais que ces entreprises s'efforcent d'expédier au meilleur prix possible, et c'est en fonction de ce facteur que nous établissons notre décision en bout de ligne.

Ces commandes ont été passées il y a environ un an et demi. Mais étant donné la hausse des prix des matières premières au cours de l'année écoulée, tous les avantages rattachés aux éoliennes sur le plan de l'analyse coût-efficacité ont été réduits à néant.

Le sénateur Milne : Complètement annulés par les coûts.

M. Provias : Oui.

Le sénateur Milne : Vous avez dit que l'empreinte laissée par une éolienne est petite, mais dans le cas d'un parc d'éoliennes, elle n'est pas si petite que cela. Les gens qui font partie du groupe atteint par le syndrome BANANA se plaignent qu'elles sont affreuses à voir. Il est vrai que ce n'est pas particulièrement esthétique de voir des hectares et des hectares de ces éoliennes dans les montagnes de la Californie.

Quels sont les problèmes suscités par ces éoliennes? Les collisions d'oiseaux, la pollution par le bruit? Bien sûr, le manque d'uniformité de la puissance est toujours un problème auquel on cherche des solutions.

Peut-être pourrait-il être résolu si l'on décidait de construire ces parcs d'éoliennes le long des barrages hydroélectriques.

M. Provias : La première partie de votre question, sénateur Milne, portait sur l'empreinte laissée par les éoliennes et sur leurs caractéristiques esthétiques.

L'empreinte d'une seule éolienne est en effet extrêmement réduite. C'est vraiment étonnant, lorsque l'on considère la remise en état du terrain après la construction, de constater que la surface utile se trouve littéralement au-dessous de l'éolienne.

Le sénateur Milne : Il y en a une sur les terrains de l'ENC, dans le centre-ville de Toronto, et on peut difficilement dire qu'elle laisse une empreinte. Toutefois, la situation est différente lorsque l'on considère un parc d'éoliennes.

M. Provias : Il y a deux ou trois choses à considérer au sujet des parcs d'éoliennes. La première concerne la dimension des éoliennes. Le fait qu'elles soient maintenant plus grandes signifie qu'il en faut moins pour obtenir une certaine puissance en mégawatts.

Et quant au point de vue esthétique, il est clair que l'on en utilise beaucoup moins aujourd'hui que comparativement aux cinq dernières années, ou même aux dix dernières années.

La plupart des gens, lorsqu'ils pensent aux aspects négatifs de leur esthétique, font référence à l'expérience californienne. Et tous ceux qui oeuvrent dans ce domaine, que ce soit relativement récent ou qu'ils en soient les ardents défenseurs depuis des décennies vous diront que les choses sont bien différentes aujourd'hui.

Lorsque nous étudions la possibilité de construire un parc d'éoliennes, nous accordons beaucoup d'attention à l'aménagement paysagé et à l'espacement des éoliennes.

Nous nous efforçons d'optimiser les caractéristiques de l'aménagement paysagé du parc d'éoliennes en fonction du terrain environnant. Ce ne sont pas tous les parcs d'éoliennes qui sont conçus de cette manière. Nous reconnaissons parfaitement que cela constituera toujours un problème, et nous devons faire de notre mieux pour démontrer au grand public que nous optimisons les aspects esthétiques, dans la mesure du possible.

Certains sont en faveur des parcs d'éoliennes et ils en apprécient l'apparence. Mais bien entendu, il y a aussi ceux qui ne les apprécient pas du tout, et il est à espérer que nous arriverons à trouver un terrain d'entente qui nous permettra d'en poursuivre le développement.

Nous sommes persuadés qu'il existe un terrain d'entente. En ce qui concerne la pollution par le bruit et les collisions d'oiseaux, il existe des normes et des règlements à respecter dans le domaine de la construction des parcs d'éoliennes. Nous pensons que ces normes sont faciles à respecter.

Les parcs d'éoliennes peuvent coexister de façon acceptable avec les résidants et les propriétaires fonciers, sur le plan du bruit produit.

Nous surveillons de près les dépassements de normes et nous nous efforçons de réduire au minimum les problèmes, donc nous adoptons une attitude proactive face à ces questions.

Tous les projets de construction de parcs d'éoliennes doivent d'abord passer par l'étape de l'étude des chemins des oiseaux migrateurs. En tenant compte des résultats de ces études et des considérations relatives à l'emplacement choisi, il nous est facile de contourner cet aspect particulier du problème.

J'ai oublié la troisième question.

Le sénateur Milne : Le troisième point était en fait une suggestion voulant que les promoteurs de parcs pourraient régler les difficultés de raccordement au réseau en décidant de les construire le long des barrages hydroélectriques afin de compenser pour la variabilité de l'approvisionnement.

M. Provias : C'est justement l'argument que je faisais valoir dans mon exposé, à savoir que l'on devrait exploiter les synergies de réseau qui existent entre la variabilité du vent, comme vous venez de le souligner, et la souplesse des barrages des centrales hydroélectriques.

L'autre exemple que j'ai utilisé est celui des centrales au charbon, pour la simple raison qu'elles peuvent être mises en route ou arrêtées sur demande.

Comme je l'ai déjà mentionné, le département de l'Énergie américain a donné une conférence sur l'état de la Nation aux États-Unis. Il a fait une allusion directe aux compagnies d'électricité qui devraient viser de plus en plus la complémentarité, et il a mentionné que certaines régions des États-Unis ont réussi à tirer parti de la variabilité de l'énergie éolienne en la combinant avec la souplesse de l'hydroélectricité ou du gaz. Ce que l'on considérait initialement comme bizarre du point de vue de la gestion de réseau est en passe de devenir une approche plus acceptable et de plus en plus axée sur la synergie. Et les Américains sont persuadés que ce sera de plus en plus vrai, d'autant que la réglementation de l'électricité là-bas est de plus en plus équilibrée afin de tenir compte de la variabilité et de la souplesse de l'énergie renouvelable.

Pour le moment, la réglementation n'est pas conçue à cet effet. Mais on s'attend, au fur et à mesure que la réglementation tiendra davantage compte des attributs du rendement de l'énergie renouvelable, à ce que la gestion de réseau devienne de plus en plus acceptable et rentable pour les compagnies d'électricité, de même que pour le producteur et les consommateurs.

Mme Howland : Puis-je ajouter deux ou trois petites choses?

Je voudrais simplement apporter des éclaircissements en qui concerne l'esthétique et l'utilisation du sol. Je pense qu'il est important de souligner que notre étude, de même que celles réalisées par d'autres groupes indépendants, a montré que le grand public est favorable à l'énergie éolienne dans une proportion qui dépasse largement les 80 et même les 90 p. 100.

Dans l'ensemble, il y a très peu d'opposition. Il est important d'insister sur le fait que les entreprises qui sont réunies ici aujourd'hui font en sorte d'obtenir la participation de la collectivité locale pour régler ces questions.

Le président : C'est-à-dire, du moment que vous construisez vos éoliennes chez eux, n'est-ce pas?

Mme Howland : Étant donné les avantages économiques que retirent les propriétaires fonciers qui reçoivent des redevances, on constate habituellement un appui très élevé.

M. Edworthy : De fait, lors de nos événements porte ouverte, le gros de la discussion ne porte pas tellement sur l'apparence générale que le projet va prendre, mais plutôt sur les moyens de devenir un participant au parc d'éoliennes. On ne sent aucune réticence, parce que les Albertains connaissent déjà très bien les parcs d'éoliennes. On ne note pour ainsi dire aucune manifestation liée au syndrome NIMBY en Alberta, ni où que ce soit où il y a des projets en activité.

Ce qui ne signifie pas que personne ne fait d'erreur et que cette attitude n'est pas justifiée dans certains cas, mais comme l'a fait remarquer Mme Howland, les intervenants réunis autour de cette table ont fait de l'excellent travail.

Puis-je aborder une autre question? Vous avez parlé de la variabilité, parce qu'il existe un mythe comme quoi le vent est très intermittent, pour ainsi dire totalement aléatoire, et que l'on ne sait jamais quand il va se lever.

C'est une croyance qu'il est important de contester, et particulièrement sous nos latitudes au Canada.

D'après notre expérience, avec 220 éoliennes, nous avons constaté que la production a tendance à diminuer durant la nuit et à augmenter en début d'après-midi.

Le sénateur Milne : Après 4 heures de l'après-midi.

M. Edworthy : Même au début de l'après-midi, et particulièrement en été. Le vent atteint le maximum de son intensité entre 1 heure et 5 heures, et il souffle plus fort en hiver qu'en été.

En fait, en Alberta, où nous avons acquis le plus d'expérience, l'industrie a tendance à suivre les pointes de consommation. Je demande toujours : si nous devions stocker cette énergie, et la redistribuer à un autre moment, quand pourrait-on le faire?

Je suggère fortement que le mythe comme quoi le vent est intermittent et variable et ne correspond pas à la demande est justement cela — un mythe. Il y a bien sûr des endroits, comme l'Iowa, où le vent ne correspond pas à la demande. Mais en Californie il a tendance à suivre la demande en été, la demande liée à la climatisation, et c'est très bien. La situation est différente en hiver, et c'est la raison pour laquelle les retraités migrateurs disent souvent que les parcs d'éoliennes ne fonctionnent pas, parce qu'il n'y a pas de vent, c'est vrai, mais il n'y a pas de demande non plus.

Ici, en revanche, nous avons tendance à avoir une excellente correspondance entre la production et la demande, une correspondance supérieure à 90 p. 100 en moyenne en Alberta, et je pense que c'est un élément important à faire valoir.

Le sénateur Milne : C'est très intéressant. Je voulais seulement féliciter M. Lewin d'utiliser le méthane produit par des lieux d'enfouissement. J'espère que vous envisagez de construire d'autres centrales de ce genre ailleurs, parce que à Calgary, il doit bien y avoir un gros lieu d'enfouissement quelque part.

M. Lewin : C'est peut-être étrange, mais nous aimons bien les lieux d'enfouissement. Toutefois, ils ne sont pas tous pareils, j'en ai bien peur. Et, oui, nous avons étudié le lieu d'enfouissement de Calgary. D'après ce que nous pouvons en juger, il s'agit d'un lieu d'enfouissement beaucoup plus sec. Il faut que les conditions gagnantes soient réunies et, malheureusement — ou autrement — le bon mélange de déchets doit se trouver dans le lieu d'enfouissement pour que la biodégradation se produise et qu'il s'en dégage du méthane.

Nous avons déjà signé un contrat pour la construction d'une centrale utilisant le méthane produit par un lieu d'enfouissement situé dans le sud de l'Ontario, et nous faisons également partie d'un consortium en Colombie- Britannique.

Le sénateur Milne : De quel lieu d'enfouissement s'agit-il dans le sud de l'Ontario?

M. Lewin : Je savais que vous alliez me poser la question. C'est dans le sud de la province.

M. Boston : Nous allons devoir vous revenir là-dessus.

Le sénateur Milne : Ce doit être dans les environs de Toronto.

M. Lewin : Puis-je faire un commentaire, en passant, sur les certificats verts? Ils agissent un peu comme des obstacles. En fin de compte, étant donné la manière dont les règles du Protocole de Kyoto ont été rédigées — ou l'interprétation des règles de Kyoto, et je ne sais jamais s'il faut faire référence aux unes ou aux autres — ces certificats agissent à bien des égards comme un frein et n'incitent pas les gens à faire ce qu'il faut et à essayer ce genre de projets.

L'interprétation que l'on donne du Protocole de Kyoto est pour nous un sujet de constante frustration, et si on assouplissait certaines de ces règles, cela ouvrirait la porte à toutes sortes de possibilités et créerait des occasions favorables.

Les conditions imposées à notre nouvelle tranche Genesee 3 par exemple exigent que l'on compense pour la production des gaz à effet de serre, du dioxyde de carbone, jusqu'à un niveau équivalent à celui d'une centrale mixte au gaz naturel. Nous nous y sommes engagés.

Maintenant, on nous permet de nous adresser n'importe où pour faire l'acquisition de ces crédits compensatoires parce que la province n'impose aucune restriction à cet égard. Mais en 2008, lorsque nous tomberons sous le coup de l'accord international mieux connu sous le nom de « Protocole de Kyoto », nous ne pourrons acquérir ces certificats qu'au pays ou auprès de pays signataires du Protocole.

Cette règle a pour effet de restreindre le marché sur lequel on peut obtenir ce genre de crédits compensatoires.

Le sénateur Milne : Il est clair que cela réduit les possibilités sur le marché voisin.

M. Lewin : Exactement. Les dollars suivent le chemin qui offre le moins de résistance. Nous allons vouloir acheter ces crédits auprès des fournisseurs qui produisent à meilleur marché. Pour le moment, les États-Unis ne figurent pas parmi les signataires du Protocole de Kyoto, mais ce marché recèle tout un éventail de possibilités qu'il est facile de faire vérifier par un tiers, et c'est la raison pour laquelle nous nous en prévalons aujourd'hui.

Ces possibilités sont vérifiées par la firme PricewaterhouseCoopers. Nous respectons les règles adoptées à l'échelle provinciale, mais en 2008, il se pourrait bien que nous ne puissions plus continuer à le faire parce que les États-Unis n'ont pas signé Kyoto. Cette règle nous prive d'une bonne occasion de continuer à fonctionner de cette manière et, évidemment, de réduire nos coûts en tant qu'exploitant.

Le sénateur Milne : C'est une remarque importante pour le compte rendu.

Le sénateur Adams : Je viens d'une région où le seul problème c'est que la plupart des équipements ne pourraient pas tenir le coup. Le vent est trop fort.

Ma première question concerne l'Association canadienne de l'énergie éolienne.

Je m'intéresse à la région du Nunavut, où comme on sait le coût de la vie est très élevé, et où je paie 45 cents le kilowattheure pour l'électricité, chez moi. Si je décidais d'opter pour le diesel, il m'en coûterait 47 cents le kilowatt, et c'est la même chose pour le reste de la collectivité.

À mon avis, le problème ne vient pas de certaines compagnies d'électricité, mais plutôt de gens qui ne sont pas vraiment intéressés à voir les prix de l'électricité baisser pour la collectivité. Les gens qui travaillent là-bas sont des fonctionnaires du gouvernement. La compagnie n'est pas privatisée. Et il est très difficile de s'entendre avec eux. Ils s'en fichent pas mal, du moment qu'ils reçoivent leur salaire pour leurs huit heures de travail par jour, 12 mois par année.

Les gens de ma collectivité souhaitent être propriétaires de leur maison, ils paient très cher leur électricité, et encore plus cher le combustible. Ils paient des taxes et des impôts, des taxes foncières et des taxes scolaires. La vie est très difficile au Nunavut, et elle continuerait de l'être même si on privatisait l'énergie et si on optait pour l'énergie éolienne.

Actuellement, nous avons une éolienne expérimentale qui a été installée il y a trois ou quatre ans, elle a une puissance de 60 kilowatts. J'ai demandé à la Nunavut Power Corp : « Combien de kilowatts réussissez-vous à produire chaque année, 360 kilowatts? » On m'a répondu : « Oh, c'est secret. On ne peut pas vous le dire. » J'ai rétorqué : « Je suis membre du Comité sénatorial de l'énergie, et le Sénat veut savoir ce que vous faites ici, avec votre éolienne expérimentale de 60 kilowatts. »

J'ai finalement réussi à savoir qu'en un an ils avaient réussi à produire autour de 139 000 kilowatts. J'ai trouvé que c'était pas mal pour une éolienne de 60 kilowatts.

Mais, si une éolienne de 60 kilowatts peut produire 139 000 kilowattheures en une année, et s'il en coûte 45 cents le kilowatt, il sera très difficile de trouver un seul propriétaire prêt à investir dans une éolienne de 60 kilowatts.

Toutes les éoliennes que vous construisez doivent être équipées d'un système de refroidissement quelconque. Je suppose que parfois elles doivent être ouvertes.

L'éolienne que nous avons actuellement à Rankin a été réglée pour une puissance de 60 kilowatts, mais nous avons un problème, car il arrive que certains roulements cèdent.

Je ne sais pas à quoi ressemble la technologie aujourd'hui. Il m'est arrivé d'assurer la maintenance sur certaines éoliennes dans notre collectivité, et de les lester avec une charge, avec un baril de 45 gallons rempli de sel.

Deux choses : je me demande si dans le futur, on pourrait réaliser quelque investissement au Nunavut et en retirer des profits tout en réduisant les coûts. Pour le moment, les gens s'inquiètent au sujet du bruit occasionné par le vent, et d'autres problèmes du même genre. Aussi, toutes les éoliennes qui sont actuellement en service ne peuvent tourner à plus de 60 kilomètres heure. Dès que cette vitesse est atteinte, des freins s'appliquent automatiquement.

Comme ça, on arrive à réduire le bruit, mais si on dépasse 60, les pales dont vous parliez tout à l'heure, qui sont fabriquées au Brésil, commencent à se défaire.

Nous avons un problème avec le système qui a été installé chez nous. Existe-t-il une meilleure technologie et un système d'éolienne capable de résister aux conditions qui existent dans l'Arctique? Deux amis à moi ont eu une de ces éoliennes durant trente ans à Cambridge Bay, et un autre de mes amis en avait installé trois; mais ils ont peut-être abandonné depuis le temps. Ils m'ont raconté qu'à chaque fois qu'elles tombaient en panne, ils devaient se rendre sur place, la démonter et l'expédier par avion. Il leur en coûtait 5 000 $ pour se rendre sur place et s'occuper de la maintenance de l'éolienne.

Il me semble qu'avant Noël le ministre nous avait fait une promesse. Il avait déclaré que le Nunavut était une priorité en ce qui concerne l'énergie éolienne. Il nous a affirmé cela devant notre comité, à Ottawa. J'espère qu'il sera capable de libérer des crédits pour améliorer le développement de la collectivité dans la région du Nunavut.

Je ne sais pas si vous avez une quelconque expérience des conditions qui existent dans notre territoire, le Nunavut.

Mme Howland : M. Edworthy possède une expérience directe dans la région. Il est vrai que le Grand Nord canadien recèle d'intéressants défis pour l'énergie éolienne.

À bien des égards, les gens de cette région ont été parmi les premiers à adopter la technologie et ils ont dû affronter certains des obstacles que vous venez de mentionner, notamment le manque d'expertise pour assurer la maintenance, le fait d'avoir à transporter le matériel dans le sud pour y faire effectuer la maintenance, et ne serait-ce que d'avoir à absorber les coûts supplémentaires liés au transport des personnes et des pièces. Il est évident que tous ces facteurs n'ont pas contribué à laisser des souvenirs très positifs de cette expérience.

Mais cela ne signifie pas que la région ne recèle pas de possibilités intéressantes. Pour ce qui est de la construction d'éoliennes de la dimension que vous avez mentionnée, celles qui se trouvent dans la fourchette entre 60 kilowatts et 200 kilowatts, le Canada travaille actuellement à mettre au point une expertise dans ce domaine.

Deux ou trois entreprises du Canada atlantique se penchent plus particulièrement sur la mise au point d'une expertise dans cette technologie et sur la construction d'éoliennes destinées à l'utilisation dans les régions éloignées et nordiques.

Notre association a proposé un projet visant particulièrement les collectivités éloignées et du Nord dans le cadre de nos demandes pour le budget 2005. Nous souhaitions que des crédits soient consacrés à la R et D parce que c'est l'un des secteurs de l'énergie éolienne où l'on pourrait faire davantage de recherche afin de perfectionner la technologie dans le but d'éviter tous ces problèmes de maintenance ou de fonctionnement.

Nous souhaitons que l'on investisse un peu d'argent dans la R et D, que l'on procède ensuite à un projet de développement fondé sur l'étude de trois cas, et que l'on réalise des installations dans des régions éloignées et du Nord afin d'acquérir de l'expérience sur le terrain. Nous sommes convaincus que l'industrie est rentable dans ces régions, mais elle doit affronter les mêmes difficultés, et jusqu'ici, le succès s'est fait attendre justement en raison des coûts que vous avez mentionnés.

Mais on sent un intérêt renouvelé, et nous avons tout ce qu'il faut, ici même au Canada, pour développer une très bonne expertise à cet égard. Il ne faut pas oublier que cette technologie peut être exportée vers d'autres pays aussi. Elle ne se limite pas aux applications dans les régions nordiques, elle peut aussi être utilisée dans les régions éloignées au sud, dans les zones équatoriales par exemple.

M. Edworthy : J'ai une petite longueur d'avance dans cette industrie, par rapport à plusieurs qui sont réunis autour de cette table, ayant participé au premier projet de parc d'éoliennes du Canada, à Cambridge Bay, c'était en 1987.

Mais j'ai bien peur de ne pas être aussi optimiste que ma collègue. Et mon expérience m'a notamment enseigné que les conditions sont extrêmement éprouvantes pour le matériel dans l'Arctique, comme vous le savez si bien.

On ne peut même pas s'attendre à ce qu'un camion Ford tout neuf réussisse à franchir les 2 000 kilomètres qui y conduisent. Il tombera en panne bien avant d'arriver. Tous ceux d'entre nous qui vivons dans le sud n'avons aucune idée des conditions qui sont imposées au matériel et à l'infrastructure.

Par ailleurs, ces régions représentent un très petit marché, et sur le plan de la logistique, on ne peut y installer que des machines relativement petites, en raison des seules contraintes que représentent la réalisation des fondations, le levage du matériel ou son déplacement dans les environs. Nous n'avons tout simplement pas accès au même type de matériel.

Le marché des éoliennes vise désormais des machines qui dépassent largement cette taille. Aujourd'hui, dans le sud de l'Alberta, nous travaillons avec des machines dont le rotor mesure 90 mètres de diamètre et qui sont capables de produire 3 000 kilowatts, mais les appareils qui conviennent dans les collectivités de l'Arctique se situent plutôt, comme l'a mentionné Mme Howland, dans la fourchette de 60 à 200 kilowatts.

Il est intéressant de travailler avec ces éoliennes, mais le problème tient à ce qu'elles ont tendance à ne pas faire usage de la technologie la plus récente. Ces éoliennes sont en réalité des rééditions d'une machine plus petite et plus ancienne, d'une génération antérieure. C'est un peu comme une prophétie qui s'exauce, parce que l'on se retrouve devant une possibilité dont personne ne veut plus.

Toutefois, c'est une très bonne idée d'encourager les progrès dans ce domaine. Ces efforts peuvent jeter une note d'optimisme, mais la triste réalité est la suivante : étant donné le petit marché visé, les défis que représentent la logistique et les conditions, tout cela risque de coûter très cher. Il est à espérer que les coûts ne seront pas aussi élevés que 45 ou 75 cents le kilowattheure, mais ils ne se situeront certainement pas dans l'ordre des 10 cents le kilowattheure, comme c'est le cas dans le sud.

Le sénateur Adams : À mon avis, il y a de l'avenir dans ce domaine, et des possibilités d'y arriver. Le seul problème, c'est la maintenance. La nouvelle technologie est difficile à entretenir sous nos latitudes. Je pense que l'expérience dont nous avons besoin pour la maintenance est un peu différente de celle qui est requise pour s'occuper d'un tableau de contrôle dans une centrale.

Nous avons 26 collectivités dont les habitants se préoccupent de la qualité de l'environnement. Nous brûlons du combustible 24 heures par jour, 365 jours par année, dans 26 localités, en plus de ce qui est utilisé dans les territoires, et le gouvernement s'inquiète des dommages que nous causons à l'environnement.

M. Edworthy : Sans parler du transport du combustible. L'expédition et le stockage du combustible dans les collectivités comportent un risque très élevé.

Je suis parfaitement d'accord avec vous. Je ne voudrais pas avoir l'air de dorer la pilule.

Le sénateur Adams : Entre-temps, dans le sud, vous faites encore largement affaire avec les municipalités. Est-ce que vous avez adopté le modèle qui a cours aux États-Unis? Je suis allé à quelques reprises en Californie, et surtout dans la région de San Francisco.

Comment le système fonctionne-t-il, un peu comme avec la société d'énergie albertaine, c'est-à-dire, que vous livrez l'électricité directement au résidant et suivez la politique du gouvernement, plus particulièrement celle de la province en ce qui concerne l'office d'énergie? Est-ce plus facile de produire davantage de kilowattheures?

Mme Howland : Je pense que notre plus grande réussite, surtout en Alberta, tient au fait que nous avons évolué au sein d'un marché concurrentiel. De nombreux facteurs sont intervenus pour permettre à toutes les ressources de se développer comme il convient au sein de ce marché. Évidemment, tout n'est pas parfait, et il reste encore des difficultés à aplanir, nous les avons d'ailleurs abordées au cours de la discussion.

Le sénateur Spivak : J'aimerais vous poser une question au sujet du projet Genesee. Il affiche de très bons résultats avec le soufre, mais pas aussi intéressants en ce qui concerne les émissions de dioxyde de carbone, parce qu'il n'obtient qu'une réduction de 10 p. 100.

Est-ce que le pourcentage existant de 18 p. 100 est plus bas que la moyenne? Ces résultats portent sur une centrale de 762 mégawatts, mais qu'en est-il du reste de vos centrales au charbon?

Et pour commencer, quels sont leurs résultats sur le plan du rendement? Sont-elles équipées de la technologie la plus récente, ou de l'ancienne?

M. Lewin : Pour répondre à votre premier commentaire au sujet de Genesee 3, je vais essayer d'être très clair. Lorsque nous parlons d'un régime surcritique — qui est une expression du jargon pour dire que nous allons fonctionner à des températures et des pressions plus élevées — cela signifie que le rendement thermique global du cycle de la vapeur est amélioré, comme vous l'avez dit, d'environ 10 p. 100 comparativement aux autres tranches qui sont exploitées à Genesee. Lorsque l'on établit la comparaison, en moyenne, avec les autres centrales de toute la province, on obtient une amélioration d'environ 18 p. 100.

En optant pour la meilleure technologie disponible, ce que l'on obtient en fait c'est une amélioration du rendement. Nous nous sommes également engagés — et cela fait partie des exigences liées au permis d'exploitation délivré par le ministère albertain de l'Environnement — à réduire encore davantage les émissions de carbone jusqu'à ce qu'elles soient l'équivalent de celles d'une centrale à cycles combinés au gaz naturel. Par conséquent, nous réduisons les émissions de dioxyde de carbone de 52 p. 100, et non seulement de 10 p. 100.

Cette réduction représente une diminution importante dans l'ensemble. La technologie utilisée pour y parvenir dans les centrales n'est pas abordable financièrement. Nous devons nous tourner vers d'autres solutions — les projets de centrales alimentées par les gaz d'enfouissement, l'énergie éolienne, et il est à espérer que nous pourrons compter sur eux. Mais nous ne sommes toujours pas assurés de pouvoir le faire. Il nous faut des projets de ce genre pour faire l'acquisition de crédits compensatoires ou même aller sur le marché pour acheter ces crédits, afin d'en arriver à réduire les exigences.

Les tranches existantes datent des années 80. Je dirais même plus probablement des années 70 pour ce qui est de la conception, et ainsi de suite. Ce sont de vieilles centrales.

Lorsque le Protocole de Kyoto entrera en vigueur en 2008 et que nous prendrons connaissance du plan du gouvernement fédéral concernant ces centrales en particulier, nous devrons nous tenir prêts à réagir.

Toutefois, du strict point de vue de la technologie, il n'y a rien qui soit abordable financièrement pour faire la capture du dioxyde de carbone. Je le répète, nous sommes forcés d'avoir recours au processus qui consiste soit à acheter des crédits compensatoires, soit à investir dans des projets qui permettent d'obtenir une réduction des émissions, ou alors de l'intensité des émissions, probablement. Mais nous attendons toujours avec impatience le moment de connaître ces objectifs.

Le sénateur Spivak : Quel pourcentage de vos centrales utilisent le charbon comme combustible? Et parmi celles-ci, quel est le pourcentage de vieilles centrales et dans quelle mesure serait-il possible de les équiper d'épurateurs-laveurs ou de dispositifs semblables? Il doit bien exister une meilleure technologie en prévision du moment où ces exigences vont devenir obligatoires? Parce que le charbon représente toujours un pourcentage important du combustible utilisé pour produire de l'énergie en Alberta, par ailleurs la province en possède en abondance et il est bon marché.

M. Lewin : C'est là tout le défi, bien entendu.

Le sénateur Spivak : On tourne en rond. Vous allez devoir trouver une solution.

M. Lewin : Il n'y a pas non plus d'autre marché pour le charbon que nous utilisons, par conséquent nous pouvons compter sur un approvisionnement relativement sûr aussi pour ce qui est du prix.

Le sénateur Spivak : Il ne convient pas pour les aciéries?

M. Lewin : Non, pas le charbon que nous utilisons. Le charbon métallurgique dont les gisements se trouvent sur les contreforts et ailleurs convient à l'industrie métallurgique. Et en fait, il est expédié en Chine, au moment où l'on se parle, pour leurs aciéries.

Le président : Mais vous ne l'utilisez pas.

M. Lewin : Non, pas celui-là. C'est un charbon de qualité supérieure, aussi il a un marché dans le domaine des aciéries. Nous utilisons un charbon de qualité inférieure, le charbon subbitumineux, et il n'y a pas vraiment d'autre marché pour ce produit. Tout dépendant de la méthode de calcul utilisée, cette province recèle suffisamment de ressources en charbon économiques pour répondre aux besoins durant l'équivalent de 80 à 1 100 années. Le défi consiste à l'utiliser d'une manière plus respectueuse de l'environnement.

Il n'existe pas de dispositif abordable apparenté à un épurateur-laveur et que nous pourrions relier aux centrales existantes en vue de faire la capture du dioxyde de carbone, pour ensuite en tirer quelque chose.

Il n'y a rien d'abordable pour obtenir ce résultat, et il n'existe pas non plus d'infrastructure nous permettant de tirer parti des énormes volumes de dioxyde de carbone que l'on pourrait en tirer.

L'un des projets sur lesquels nous travaillons, en collaboration avec la Canadian Clean Power Coalition, consiste à examiner la prochaine génération de centrales fonctionnant au-delà de la surcriticité et à nous demander si nous pouvons continuer à utiliser le charbon, mais en éliminant une grande quantité des cinq grandes émissions, comme nous les appelons. Les cinq grandes émissions sont les oxydes d'azote, les oxydes de soufre, les particules, le mercure et le dioxyde de carbone.

En optant pour la gazéification du charbon qui, selon nos conclusions, sera la prochaine étape, nous parviendrons à éliminer des quantités importantes de ces cinq grandes émissions.

Pour le moment, il n'y a pas de boîte noire, par exemple, que l'on pourrait simplement rattacher à une centrale existante et qui ferait tout ce que nous aimerions qu'elle fasse.

Le sénateur Spivak : Et il faudra attendre combien d'années dans le futur pour voir cela arriver?

M. Lewin : Pas si longtemps. En fait, nous travaillons avec la coalition qui regroupe les compagnies d'électricité de l'Alberta, les producteurs de charbon, mais aussi les autorités provinciales de l'Alberta, la Saskatchewan et la Nouvelle-Écosse. À un certain moment, l'Ontario en faisait partie aussi, mais plus maintenant.

Cette année, nous arrivons à l'étape où nous allons nous adresser aux divers paliers de gouvernement, et en particulier au gouvernement fédéral, par l'entremise de Ressources naturelles Canada — qui, en passant, fait partie de la Canadian Clean Power Coalition — afin d'obtenir du financement pour pouvoir aller de l'avant avec la construction de ce que nous appelons une centrale de démonstration utilisant la technologie du charbon épuré.

Cette centrale devrait avoir la puissance d'une installation commerciale de 300 ou 400 mégawatts, et elle devrait selon toute probabilité reposer sur la gazéification du charbon. Mais il faut également se poser la question : qu'allons- nous faire de cette quantité de dioxyde de carbone que l'on aura capturée durant le processus?

Nous avons la chance, dans cette province, que les terrains houillers se trouvent à très grande proximité des champs pétrolifères de Pembina, où il y a beaucoup de gisements qui n'ont pas été complètement utilisés. Aussi, grâce à aux méthodes de récupération assistée des hydrocarbures, il est possible d'extraire davantage de pétrole de ces gisements. C'est d'ailleurs ce que l'on fait à Weyburn, en Saskatchewan, depuis un certain nombre d'années.

Le sénateur Spivak : Une autre question. Lors de la conférence GLOBE qui se tient tous les deux ans à Vancouver, j'ai entendu parler d'un projet qui reposait sur une technologie chinoise, je crois. Il semble que l'on pouvait utiliser des blocs de béton pour réduire les émissions de dioxyde de carbone et en même temps faciliter la fabrication du ciment.

M. Lewin : Eh bien, c'est quelque chose que nous faisons aujourd'hui.

Le sénateur Spivak : Ah oui, vraiment.

M. Lewin : Oui. EPCOR fait même la commercialisation de cette technologie.

Le sénateur Spivak : Donc, vous utilisez cette technologie?

M. Lewin : Oui. Vous faites référence à l'utilisation des cendres volantes, c'est-à-dire les cendres qui sont contenues dans le charbon et que nous capturons pour les revendre ensuite. Nous les revendons à Inland Cement, et je sais qu'une partie de ces cendres volantes se rend jusqu'en Californie où on les utilise dans la construction routière. Et on peut même les utiliser pour fabriquer des matériaux de construction dans l'habitation.

Le sénateur Spivak : En quoi cela contribue-t-il à la réduction des émissions de dioxyde de carbone?

M. Lewin : De façon indirecte, parce que ces cendres simplifient le processus de fabrication utilisé par les cimenteries. Par conséquent, elles leur permettent de réduire la production de dioxyde de carbone.

Le sénateur Spivak : Très bien, mais pas les émissions de dioxyde de carbone?

M. Lewin : Non, pas dans notre centrale. Ce processus permet de réduire les émissions produites par la cimenterie. Il faut voir cela comme un processus intégré.

Le sénateur Spivak : Merci.

Le président : Mesdames et messieurs, je n'ai pas pu poser mes questions, et nous n'avons plus de temps. Il se pourrait donc qu'on vous convoque de nouveau, soit ici, soit dans un autre endroit.

Je sais que vous êtes très occupés, mais nous aurons peut-être l'audace de vous demander de revenir témoigner. Vous êtes une véritable mine d'or pour répondre aux questions que nous avons sur divers aspects de notre mandat.

Nous accueillons maintenant M. Duke du Plessis, gestionnaire principal de la recherche, Énergie propre et technologies pétrolières, au sein de l'Alberta Energy Research Institute, ainsi que M. Eddy Isaacs, qui en est le directeur général.

M. Isaacs doit nous quitter à 12 h 50. Monsieur du Plessis, pourrons-nous compter sur vous pour les dix dernières minutes?

M. Duke du Plessis, gestionnaire principal de la recherche, Énergie propre et technologies pétrolières, Alberta Energy Research Institute : Oui.

Le président : Je vous laisse choisir qui de vous deux commencera.

Auparavant cependant, j'invite mes collègues à poser leurs questions à M. Isaacs en premier, puisque M. du Plessis sera là dix minutes de plus.

M. Eddy Isaacs, directeur général, Alberta Energy Research Institute : J'aimerais tout d'abord vous remercier de nous avoir invités. Nous sommes ravis de témoigner devant le comité et de vous donner un aperçu de notre travail.

Nous avons rédigé un exposé de position sur le thème du développement énergétique et des perspectives d'avenir.

Je réalise à l'instant que nous ne vous avons pas expliqué le rôle de l'Alberta Energy Research Institute, et je m'en excuse. Je vous propose donc de prendre quelques minutes pour faire un survol de nos activités, en faisant des liens avec l'exposé de position que nous vous avons remis.

L'Alberta Energy Research Institute est un organisme du gouvernement provincial fondé en août 2000. On le considère parfois comme le descendant de l'AOSTRA, le bureau de recherche et de technologie des sables bitumineux de l'Alberta.

Notre mandat a été étendu à tous les types d'énergie qui ont un intérêt pour l'Alberta. On nous a également demandé d'établir la position d'avenir de l'Alberta en matière d'énergie. Notre conseil d'administration est extrêmement dynamique et puissant. Composé de membres représentant des entreprises, l'industrie et le gouvernement, c'est à lui que nous, les membres du personnel, rendons des comptes. Il veille à ce que toutes les actions de l'Institut soient stratégiques.

Depuis fort longtemps, l'Alberta se tient à l'affût des défis et des possibilités dans le domaine de l'énergie. Cette veille nous a conduits à la stratégie albertaine d'innovation dans le domaine de l'énergie.

Le rôle de l'AERI est d'investir dans les technologies et dans l'innovation qui nous permettront d'accomplir cette stratégie, si vous voulez, ou du moins qui nous mettront sur la bonne voie pour suivre les orientations stratégiques.

Cette stratégie est devenue partie intégrante du plan d'action albertain en matière de changement climatique, car nous ne parlons pas seulement d'énergie, mais bien d'énergie propre.

Nous avons étudié les changements climatiques et les principaux moyens d'intégrer les diverses sources d'énergie afin de créer la synergie nécessaire à ce que nous appelons l'économie intégrée de l'énergie. Dans ce modèle économique, on utilise les produits dérivés d'une source d'énergie pour, si on peut dire, optimiser l'exploitation d'une autre source et en accroître l'efficacité, l'utilisation et le rendement environnemental.

Dès les débuts du processus d'élaboration de la stratégie, il nous est apparu très clair que nous ne pouvions agir en solo. Nous devons collaborer avec les autres pour la mettre en oeuvre.

Nous avons beaucoup réfléchi au principe de la collaboration et de l'intégration, à l'échelle de la province mais surtout avec le reste du pays. L'Alberta est aux commandes, mais elle a vite progressé vers un modèle de collaboration. De cette collaboration est né un réseau d'innovation énergétique, qui pourrait servir de modèle en matière de collaboration et d'accélération du rythme de l'innovation dans ce secteur.

Voilà pour la présentation de notre institut.

J'aimerais maintenant vous donner un bref aperçu de notre exposé de position, qui a été le précurseur du concept de réseau d'innovation énergétique. Soit dit en passant, le lancement public aura lieu le 16 mars, à Ottawa et à Calgary simultanément. Vous êtes invités.

La première partie de l'exposé de position aborde la question de l'augmentation de la demande énergétique dans le monde. Bien que cela n'ait rien de nouveau, nous tenions à inscrire l'exposé dans ce contexte.

Au Canada, nous cherchons des sources d'énergie non traditionnelles parce que les ressources traditionnelles s'épuisent, que ce soit les réserves de pétrole ou autres. Les sables bitumineux sont un bel exemple de source de remplacement des sources de pétrole plus traditionnelles en voie d'épuisement.

D'autres sources de gaz non classiques existent, comme le méthane des gisements houillers, le gaz de houille. Les gisements extracôtiers à forte teneur constituent une autre source non traditionnelle.

Même les gisements extracôtiers traditionnels sont, sous maints aspects, des sources non traditionnelles à cause de l'ampleur et de la complexité de leur exploitation. C'est cette complexité qui est à l'origine des innovations dont nous parlons.

C'est ce dont parle cette section.

Selon nous, la technologie du charbon propre, pour vous donner un exemple, est non traditionnelle. En effet, et je rejoins en cela David Lewin, de l'EPCOR, il faut mettre à jour et améliorer les technologies traditionnelles en même temps que le stock de capital est renouvelé dans l'industrie. Notre objectif est de développer des technologies de gazéification du charbon et du charbon propre.

Même ce virage, à mon avis, est un exemple d'exploitation des ressources non traditionnelles ou d'utilisation non traditionnelle des ressources.

Une autre partie du document traite de « technopétrole ». On y présente une étude de cas axée sur les sables bitumineux, dont l'exploitation n'aurait jamais pu être rentable ni économique n'eût été de la technologie.

L'exploitation des sables bitumineux illustre bien la force des partenariats gouvernement-industrie. L'effervescence actuelle du secteur est le résultat de longues années d'investissements.

Je souligne au passage qu'il a fallu surmonter d'énormes difficultés, dont la gestion des émissions de dioxyde de carbone, de l'eau, le développement de nouvelles technologies, l'accès à de nouvelles ressources, entre autres. Dans ce genre d'aventure, l'industrie doit composer avec beaucoup de difficultés.

C'est de ces obstacles dont il est question dans la section suivante, intitulée Franchir les barrières économiques et environnementales. Une liste des obstacles y est donnée. À nos yeux, l'intégration technologique est la clé du futur. J'ai évoqué déjà notre stratégie d'intégration, qui a donné naissance au réseau de l'innovation énergétique, également décrit dans l'exposé. L'objectif est de garantir un approvisionnement abondant en énergie dans le respect de l'environnement, en visant l'intégration de toutes les formes d'énergie de façon à assurer notre prospérité économique dans un cadre de rendement environnemental.

La dernière section traite de la nécessité d'investir dans la recherche, la technologie et l'innovation, dans une optique positive. Cette responsabilité incombe à la fois aux gouvernements et à l'industrie.

Les gouvernements doivent investir parce que les ressources appartiennent à toute la population. Les sociétés naissent et meurent et, si on en juge par leur portefeuille de titres, elles tendent vers la facilité pour ce qui est de l'exploitation des ressources au Canada.

Nos ressources sont très complexes. Il reste à régler bien des problèmes. M. du Plessis élaborera sur ce thème, en parlant notamment de la technologie du charbon propre.

La collaboration revêt une grande importance dans notre stratégie d'intégration. Par le passé, chacun investissait de son côté, mais le temps est venu de le faire en partenariat pour atteindre nos cibles et nos objectifs. L'époque du chacun pour soi est révolue.

J'ai assez pris de votre temps. Je m'arrête ici.

M. du Plessis : Je vais poursuivre sur la lancée de M. Isaacs. Les combustibles fossiles resteront la principale source d'énergie à l'échelle mondiale, et le charbon continuera de dominer dans le secteur de la production d'énergie, et surtout d'énergie électrique, dans un avenir proche. Le charbon ne disparaîtra pas. Il continuera de faire partie du paysage, que cela nous plaise ou non.

Nous aurons besoin de nombreuses sources d'énergie pour notre approvisionnement en électricité. Toutefois, parmi les choix qui s'offrent à nous, peu de ressources sont aussi abondantes que le charbon. Le charbon est, de loin, la principale source de carburant fossile dans le monde, et particulièrement au Canada.

Incidemment, le charbon représente 66 p. 100 des réserves d'énergie du Canada. En comparaison, les sables bitumineux comptent pour 25 p. 100. Ces chiffres se passent d'explication — le charbon est nettement plus abondant que les sables bitumineux.

Le monde change, nous n'y pouvons rien. Le marché du gaz naturel est en profonde métamorphose. Il est de moins en moins abondant et de plus en plus cher. Les dernières centrales électriques construites sont alimentées au gaz, mais ce sont les dernières. De telles centrales ne seront plus construites, pour des raisons économiques.

Le charbon propre représente une source énergétique stratégique pour combler les besoins des Canadiens en matière de chauffage, d'électricité, d'hydrogène et de produits chimiques. Le charbon permet de produire non seulement de l'électricité, mais de l'hydrogène aussi. Si nous voulons prendre le train de l'économie de l'hydrogène, nous n'aurons pas le choix de compter avec le charbon.

La bonne nouvelle est que la technologie du charbon propre permettra de produire de l'énergie sans nuire à l'environnement. C'est une différence fondamentale, qui n'est pas encore bien comprise. La technologie n'est pas économique, mais elle renferme un potentiel certain de production d'énergie propre de façon économique.

La technologie aura raison de la méfiance de la société à l'égard du charbon, et ce, très prochainement puisque la mise au point sera bientôt achevée.

La technologie clé sera la gazéification, grâce à laquelle on pourra dégager le plein potentiel du charbon pour produire de l'énergie électrique propre, et même de l'hydrogène.

Il existe des ouvertures partout au pays pour la technologie du charbon propre mais, actuellement, ce sont les régions du Canada atlantique, de l'Ontario, de la Saskatchewan et de l'Alberta qui en ont le plus besoin.

Pour que les choses avancent, nous avons besoin d'un leadership visionnaire, de la part des autorités gouvernementales autant que de notre industrie. C'est le grand défi qui nous attend : faire preuve d'un leadership éclairé et trouver une vision commune pour atteindre notre objectif de constituer un approvisionnement abondant en énergie propre et abordable.

Le président : Merci, messieurs.

Le sénateur Milne : Monsieur Isaacs, vous avez annoncé le lancement d'ÉnergINet en mars. Aura-t-il lieu ici, à Calgary?

M. Isaacs : L'idée est de créer un réseau. Ce réseau agira comme catalyseur de l'innovation partout au pays, dans divers secteurs clés. Il ne vise pas tous les secteurs, mais il pourra assurément servir de modèle à tous ceux qui désirent travailler en collaboration.

L'intention est de mobiliser les organismes subventionnaires, les fournisseurs en recherche, l'industrie et les gouvernements autour d'une vision commune du progrès.

M. du Plessis a parlé de leadership visionnaire. Il a raison, mais à cela j'ajouterai que nous devons nous aligner sur un objectif commun, pour mettre un terme au progrès chaotique, réalisé chacun dans son coin.

Le réseau servira de catalyseur de l'énergie novatrice. Ce n'est pas la démarche classique.

Le sénateur Milne : Nous sommes en plein cyberespace et nous parlons de partager l'information et les sources?

M. Isaacs : L'idée est de partager l'information. De stimuler le financement conjoint, les investissements dans diverses technologies, l'élaboration de plans d'affaires. Nous voulons poser les jalons qui nous permettront de faire des choix technologiques éclairés, à partir de toute l'information disponible à l'échelle mondiale, et de bien saisir toutes les options possibles afin de les exploiter ici, au Canada, pour créer des ouvertures.

Le sénateur Milne : Comment entendez-vous appliquer l'information que vous trouvez dans Internet, sur le web, pour alimenter les quatre stratégies d'investissement qui seront, comme vous nous l'avez dit, essentielles pour exploiter des sources non traditionnelles d'huile et de gaz comme les sables bitumineux, le méthane de houille ou, si on en croit nos derniers témoins, le méthane des sites d'enfouissement, déjà exploités? Cette source de méthane est certainement la plus proche pour les utilisateurs d'électricité et les réseaux de distribution.

Je ne vois vraiment pas comment vous allez réussir à transformer le monde irréel du web, qui foisonne d'idées, de sources d'information et de liens vers d'autres données, en une véritable stratégie d'investissement.

Vous aurez besoin de quelqu'un pour réunir l'information et d'argent pour réaliser votre projet, non?

M. Isaacs : Sans aucun doute. Je suis désolé pour la confusion. Quand je parle de « réseau », je ne fais pas allusion seulement à Internet. Le réseau englobera le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux participants, soit ceux de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de la Saskatchewan et, nous l'espérons, de l'Ontario, même si ce n'est pas encore certain.

EnerCan et Environnement Canada ont participé. Le but est de réunir les bâilleurs de fonds et de travailler en partenariat, en mettant l'argent dans une seule cagnotte et en évoluant de concert avec l'industrie pour atteindre les objectifs ciblés.

Ce n'est pas une démarche classique. Je ne parle pas nécessairement d'un réseau concret, bien qu'il pourrait y avoir des bureaux d'affaires à Calgary, à Regina et à Vancouver.

Les efforts porteront essentiellement sur les principales énergies fossiles, mais également sur des énergies de remplacement ou renouvelables, qui doivent faire partie de la recherche technologique.

Nous aurons besoin de toute l'énergie que nous pourrons produire. Nous en exportons une bonne partie, mais nous aurons également besoin de beaucoup d'énergie renouvelable à l'avenir.

Étant donné la multitude des éléments en cause, l'approche intégrée nous est apparue la plus logique. Il existe d'innombrables exemples qui démontrent qu'une forme d'énergie peut contribuer à l'exploitation efficace d'une autre.

Le sénateur Milne : Où et quand le lancement aura-t-il lieu?

M. Isaacs : Le 16 mars. C'est mercredi prochain, je crois.

Le sénateur Milne : Où? À Ottawa?

Le président : Et ici même, simultanément.

M. Isaacs : Le lancement aura lieu au Centre de convention Telus.

Le sénateur Milne : Ici même. Je connais quelques personnes qui seront certainement intéressées à y assister.

M. Isaacs : J'enverrai des invitations par courrier électronique.

Le sénateur Milne : Merci beaucoup.

J'ai appris que le gouvernement albertain avait investi 30 millions de dollars sur 3 ans, il y a un peu plus d'un an et demi, dans les énergies renouvelables. Les fonds sont partagés entre votre Institut et le ministère de l'Environnement de l'Alberta.

Avez-vous fait des recherches sur la technologie des piles à combustible avec cet argent? Quelles applications avez- vous étudiées et où en êtes-vous?

M. Isaacs : L'investissement fait partie du plan d'action sur le changement climatique, mis au point il y a deux ou trois ans. Les fonds ont été répartis entre divers organismes. L'AERI, quant à elle, les a investis dans la recherche technologique et l'innovation.

Le ministère de l'Environnement a financé diverses initiatives. Il a notamment payé les frais d'exploitation de l'organisme Climate Change Central et il a acheté de l'énergie verte, pour donner l'exemple.

L'AERI s'est intéressée à des technologies de récupération du pétrole moins nuisibles pour l'environnement — qui utilisent notamment des solvants au lieu de la vapeur, par exemple — et moins énergivores.

C'est le genre de projets auxquels nous avons travaillé. Pour répondre à votre question au sujet de la pile à combustible, nous avons créé un programme qui réunit des fournisseurs de recherche importants comme l'Université de Calgary, l'Université de l'Alberta et le Conseil de recherches de l'Alberta.

Actuellement, nous tentons d'établir des contacts avec des collaborateurs potentiels en Colombie-Britannique, au sein notamment de l'Institut d'innovation en piles à combustibles du CNRC et de l'Université de Victoria. En ce moment même, notre directeur de programme se trouve à Victoria, où il rencontre des chercheurs intéressés aux piles à combustible.

M. du Plessis : En Alberta, une installation de démonstration de la pile à combustible se trouve à l'Institut de technologie du nord de l'Alberta, le NAIT, qui est financé conjointement par l'industrie et l'AERI.

C'est la première étape pour approfondir nos connaissances sur cette nouvelle technologie et donner la formation sur son utilisation et son entretien.

Le sénateur Spivak : Monsieur du Plessis, je vous encourage à continuer vos recherches sur la technologie du charbon propre. Même si le Canada trouvait moyen de s'en passer, ce ne sera certainement pas le cas du reste de la planète.

Pour ce qui est du cycle de vie de la gazéification du charbon, pour prendre cet exemple, quelle est la différence de coût comparativement à celui de la génératrice à piles à combustible, dont la commercialisation est imminente? Personne n'a parlé du nucléaire jusqu'ici.

Au Manitoba, nous avons de la chance. Nous pouvons compter sur l'énergie hydroélectrique, ce qui n'est pas le cas de l'Ontario, qui dépend beaucoup du nucléaire. Le Québec utilise aussi l'hydroélectricité, de même que la Colombie- Britannique et, possiblement, Terre-Neuve. L'Alberta et le Canada atlantique sont les seules régions où le charbon est resté la principale source d'énergie. Cependant, le charbon occupe la première place à l'échelle mondiale, de sorte que toute percée dans ce domaine rapportera immensément au Canada.

Pouvez-vous nous indiquer quels sont les coûts réels, après internalisation, pour l'ensemble du cycle de vie? Je suis quelque peu sceptique quand l'industrie prétend que tous les coûts externes doivent être imputés aux contribuables, ce qui est une façon de les camoufler.

On ne peut pas perpétuer ce secret. Nous devons connaître les coûts réels.

M. du Plessis : Nous connaissons déjà les coûts réels, mais la question est de savoir si nous voulons de l'énergie propre ou de l'énergie polluante.

Nous savons ce qu'il en coûte pour produire de l'énergie avec du charbon sans tenir compte des émissions de dioxyde de carbone.

Cependant, si nous voulons produire de l'énergie propre, il faut supprimer les émissions de dioxyde de carbone du charbon, et cela coûte plus cher. La formule est simple : l'énergie non polluante coûte plus cher. Ce principe s'applique aussi aux piles à combustible et à d'autres sources d'énergie. Nous utilisons les technologies selon nos besoins.

La Canadian Clean Power Coalition a effectué des recherches poussées pour établir les coûts de développement des énergies propres.

J'insiste sur le fait que nous parlons d'énergie non polluante, totalement exempte de toute émission, y compris de dioxyde de carbone. Pour produire cette énergie, il faut compter environ la moitié plus que pour produire de l'énergie polluante.

Je vais vous donner un exemple. La centrale de Genesee produira de l'énergie au coût de 60 $ par mégawattheure. Si on construisait une centrale qui éliminerait totalement le dioxyde de carbone, de même que toutes les autres émissions polluantes, il en coûterait entre 90 et 100 $ par mégawattheure. Ce sont les chiffres de la Canadian Clean Power Coalition.

Il reste à savoir qui doit payer le coût supplémentaire de 50 p. 100. Il faudra trouver un terrain d'entente entre le gouvernement, l'industrie et la société concernant les modalités de paiement de cette énergie propre.

La même chose pour l'énergie éolienne. C'est une énergie propre, mais elle est plus dispendieuse. Quelle est la meilleure avenue du point de vue économique?

Le sénateur Spivak : Je comprends. Cependant, je le répète, il faut aller de l'avant avec la technologie du charbon propre. Mais comment faire les bons choix en matière d'investissement? Quelle est la différence de coût entre le gaz naturel et le charbon propre? Les prix du gaz naturel montent en flèche et le nucléaire n'est pas bon marché non plus, mais quelle est la différence de coût?

Vous avez mentionné qu'il en coûterait 100 $ par mégawattheure. Quel est le coût par mégawattheure si on utilise le gaz naturel? Et le nucléaire?

M. du Plessis : Il faut plutôt poser la question en ces termes : veut-on produire de l'énergie totalement propre avec du gaz? Si oui, il faut savoir que les coûts seront plus élevés par rapport à ce qu'ils sont actuellement puisqu'il faudra supprimer les émissions de dioxyde de carbone des gaz de combustion du gaz naturel.

Je ne peux pas vous fournir les coûts réels comparés. Je peux toutefois affirmer, sans risque de me tromper, que nous devrons payer au moins la moitié de plus pour de l'électricité propre.

Le gaz naturel ne produit pas de l'énergie propre. Les sables bitumineux non plus. Il faut tenir compte de l'ensemble du cycle, à partir du combustible lui-même.

Tôt ou tard, il faudra choisir la source la plus abondante et la plus abordable. Le charbon présente des avantages naturels puisque son abondance et son coût relativement faible garantissent une certaine stabilité du prix.

Le président : Avez-vous répondu au sénateur Spivak que la technologie du charbon propre — ou les techniques non polluantes de combustion du charbon, plus précisément — était déjà une réalité?

M. du Plessis : Oui, ces techniques existent, mais elles sont onéreuses. C'est le premier aspect.

L'autre aspect est la réception de cette technologie sur les marchés. La prochaine étape sera l'essai commercial. C'est particulièrement important pour ce type de charbon.

La fiabilité de cette technologie est bien connue pour les charbons de qualité supérieure — nous avons déjà parlé des différentes qualités de charbon. La démonstration reste à faire pour ce qui est des charbons de moins bonne qualité que l'on trouve ici.

L'AERI, de concert avec l'industrie, travaille à la mise au point de technologies fiables de production d'énergie propre, de charbon propre, pour l'Alberta.

Le sénateur Milne : La Nouvelle-Écosse pourrait en bénéficier puisque son charbon est également de qualité inférieure.

M. du Plessis : Non, le charbon est de meilleure qualité en Nouvelle-Écosse. Il faudrait comparer avec d'autres régions. La Nouvelle-Écosse peut importer du mazout, par exemple. Soit dit en passant, ce charbon coûte plus cher.

Le sénateur Spivak : Notre travail est d'influencer les décisions du gouvernement en matière de politiques. Nous devons tendre vers l'idéal, le long terme — ce qui n'exclut pas le moyen terme. Dans un monde idéal, l'énergie serait exclusivement non polluante. Êtes-vous d'accord?

M. du Plessis : Tout à fait.

Le sénateur Spivak : Merci.

M. du Plessis : Nous poursuivons tous cet idéal. Je crois que l'industrie et le gouvernement partagent tous deux ce point de vue.

Le président : J'aurais une dernière question à cet égard, après quoi je vous laisserai partir, monsieur Isaacs. Sur la question des combustibles propres et de la diminution des GES, le point de vue de l'Alberta diverge de celui, pour des raisons très évidentes, d'autres provinces. Des témoins venant de partout au pays, y compris de l'Alberta — et vous nous le confirmez aujourd'hui —, nous ont répété que le gouvernement n'avait pas d'orientation définie... Bien que je n'aime pas le terme « politique », je consens à utiliser l'expression « politique nationale de l'énergie », sans majuscule. Sans une politique nationale de l'énergie, personne ne sait quoi faire, où aller, vers quelle direction se tourner.

Ce matin, plusieurs témoins représentant l'industrie — des générateurs d'électricité, si vous me pardonnez cette expression un peu bancale — nous ont affirmé qu'ils ne savaient pas au juste ce qu'on attendait d'eux. Ils sont indécis parce qu'ils ne savent pas quelle direction prendra le gouvernement canadien.

Je sais que j'ouvre une nouvelle boîte de Pandore, mais il me semble que votre perspective se limite à l'Alberta — du moins, celle de votre organisme. Je comprends bien par contre que l'EnergINet vous permettra d'ouvrir les horizons.

Avons-nous bien compris? Est-il exact que tous attendent qu'on leur dise quoi faire?

M. Isaacs : C'est typique des industriels, je crois. Ils ont besoin de certitudes.

Le président : C'est tout à fait raisonnable, non?

M. Isaacs : Sans conteste. L'industrie a besoin de savoir combien il lui en coûtera précisément sur le plan des émissions de dioxyde de carbone, entre autres.

Au début, notre analyse se limitait au contexte albertain, mais nous avons ouvert les écoutilles. Nous sommes tout à fait conscients maintenant que la question est d'envergure nationale.

La raison en est que nous aurons besoin de toutes les formes d'énergie que nous pourrons trouver, et qu'elles devront être propres.

Il faut cesser de parler uniquement en termes de production d'électricité. La technologie du charbon propre nous permet déjà de produire de l'hydrogène par un procédé de gazéification.

L'hydrogène ainsi produit pourra servir dans le domaine des engrais, qui pourra en extraire de l'ammoniaque, entre autres, ou de l'urée. Il pourra également servir à l'amélioration du bitume. Il pourra aussi être utilisé comme hydrogène « impur » — une forme différente de l'hydrogène pur utilisé actuellement dans les piles à combustible, qui pourra produire de l'énergie et des piles à combustible plus efficaces.

L'autre possibilité est d'utiliser le dioxyde de carbone dans les procédés améliorés de récupération du pétrole. Nous avons le devoir de réfléchir sur les nouvelles formes d'énergie, sur leur capacité à faire de nous bien plus que des producteurs d'électricité, de pétrole ou d'huile, ou de produits pétrochimiques. Nous vivons dans une économie de l'énergie intégrée, si vous voulez. Nous produisons de l'énergie.

Cette énergie pourrait être de l'hydrogène; ce pourrait être de l'électricité. Nous devons tirer le maximum de toutes ces formes d'énergie.

Tout cela nous mène inévitablement vers une action stratégique qui ne peut être que nationale.

Le président : Il y a quelque temps déjà, je me souviens que nous avions parlé ici même des méthodes nouvelles d'exploitation, et plus particulièrement des sables bitumineux. Je me trouvais ici, à Calgary, pour annoncer, présenter, révéler, amener — vous y avez fait allusion tout à l'heure — l'idée d'utiliser des solvants. À l'époque, nous en étions à sortir le concept des laboratoires pour faire l'essai sur le terrain. Pouvez-vous nous dire où vous en êtes? Cette technologie nous permettra-t-elle d'économiser autant d'eau que prévu? L'essai sur place est-il concluant? Et de façon plus générale, où en sommes-nous par rapport au concept même de l'économie de l'eau? Allons-nous réussir à stopper le gaspillage d'eau dans les exploitations des sables bitumineux?

M. du Plessis : Permettez-moi d'apporter une précision. Vous avez affirmé que chaque province considérait ses propres besoins, qu'il n'y avait pas d'action commune. C'est plus ou moins vrai. La Canadian Clean Power Coalition est un projet national mené par l'industrie et dont l'objectif est d'établir les besoins technologiques ainsi que les applications partout au pays. La recherche technologique se fait très rarement de façon isolée.

C'est la raison d'être du réseau ÉnergINet : promouvoir la collaboration pour trouver des solutions communes à des problèmes communs.

M. Isaacs : Monsieur Banks, pour en revenir à votre question concernant les substituts de la vapeur dans le procédé de SGSIV, je tiens à souligner que le développement et la commercialisation d'une technologie ne se font pas en criant lapin.

Il a fallu attendre 30 ans entre la conception du procédé de SGSIV — l'oeuvre de Roger Butler, qui travaillait alors pour la Compagnie pétrolière impériale, et par après à l'Université de Calgary — et son application concrète sur le terrain.

Une trentaine de sociétés au moins ont fait des essais pilotes pour trouver comment appliquer la technologie à leur propre ressource. La nature de la ressource est toujours déterminante dans l'application des technologies.

Ce n'est pas un procédé homogène. Toutes sortes de considérations entrent en ligne de compte, notamment les caractéristiques géologiques.

Dans le cas de la technologie DOVAP, du procédé VAPEX également, des sociétés se sont associées au gouvernement albertain et au fédéral.

C'est un bel exemple de collaboration, de mise en commun de programmes pour faire la mise à l'essai de technologies. Dans ces procédés, le solvant remplace la vapeur — on n'a pas besoin de générer de la vapeur au moyen du gaz naturel.

Le sénateur Milne : Est-ce que le solvant peut être récupéré?

M. Isaacs : Il faut le récupérer. La rentabilité de ce procédé est en fait fonction de la quantité de solvant récupéré. Si on ne le récupère pas entièrement, la rentabilité est quasiment nulle.

Un consortium dirigé par Devon Energy fait actuellement l'essai de cette technologie sur le terrain. Il est question que Devon Energy vende ses titres de propriété et qu'une autre société prenne la barre du consortium. C'est un projet de dix ans.

Le président : Vous parlez de l'essai sur le terrain?

M. Isaacs : Oui. L'essai sur le terrain se déroule sur dix ans — entre cinq et dix ans. Nous en sommes à peu près à la troisième année.

Une partie importante des essais concerne l'application du solvant. Il faut mesurer les taux nécessaires — les taux de perte, essentiellement — pour trouver à quelle température et à quel niveau de pression le procédé devient efficace.

Beaucoup d'essais ont été faits à partir d'un solvant à froid, sans application de chaleur, mais les résultats sont plus ou moins concluants. On a constaté qu'une certaine quantité de chaleur sera nécessaire. Un puissant comité technique de l'industrie cherche la solution.

Le sénateur Milne : Ce matin, un représentant du Pembina Institute est venu nous parler de l'extraction du pétrole de sources géothermales profondes.

Votre groupe fait-il des recherches dans ce domaine?

M. Isaacs : Nous avons été informés par la Suncor, il y a quatre ou cinq mois, de son intention de forer en profondeur. Et dans ce cas, forer en profondeur veut dire creuser des puits aussi profonds que le mont Everest est haut. Les gisements en question ne sont vraiment pas à portée de main.

Nul besoin de vous dire que la technologie de forage doit être à la fine pointe, et la technologie de production de même.

Le sénateur Milne : Il faut aussi connaître les lignes de chaleur dans l'écorce terrestre.

M. Isaacs : Exactement. Cependant, si on creuse assez profond, il est possible d'atteindre les gisements. Pour y parvenir, il faudra créer du matériel à partir de plusieurs technologies.

Les sociétés d'exploitation des gisements de sables bitumineux cherchent ensemble des solutions pour rendre cette technologie viable. Nous sommes invités à leurs réunions. Des ingénieurs des forages et de la production étudient toutes les technologies disponibles.

Si on réussit à appliquer la technologie pour produire la vapeur nécessaire à l'extraction des sables bitumineux, ce serait un débouché fantastique pour l'énergie géothermique.

Le président : Monsieur Isaacs, je sais que vous êtes captivé par la conversation et que vous avez perdu la notion du temps, mais c'est l'heure. Merci énormément de votre visite.

M. Isaacs : Merci à vous tous de nous avoir accueillis.

Le président : J'espère que vous accepterez nos questions par écrit. Il en reste beaucoup que nous n'avons pas eu le temps de vous poser.

Monsieur du Plessis, si vous étiez le roi et qu'il vous incombait de donner des ordres au gouvernement canadien pour qu'il fasse avancer tous ces dossiers de façon responsable sur les plans de l'économie, de l'emploi et de l'efficacité de la ressource, que lui conseilleriez-vous? Qu'est-ce que le gouvernement canadien devrait faire qu'il ne fait pas actuellement?

Par exemple, on entend partout : « Nous n'avons aucune certitude concernant les coûts. » Si j'ai bien compris, pour ce qui est de la réduction des GES, le gouvernement a affirmé qu'il allait bloquer les coûts à 15 $ et que, s'ils dépassent ce plafond, le Trésor public paierait la différence. Les coûts sont donc plafonnés à 15 $ la tonne.

C'est un exemple. Quels sont les autres gestes attendus du gouvernement?

M. du Plessis : Je crois que les hautes instances du gouvernement et de l'industrie devraient s'entendre sur une vision commune de l'avenir du Canada en matière énergétique. L'un des éléments clés de ce plan d'avenir sera l'investissement dans des technologies qui nous permettront d'atteindre notre objectif de produire des énergies non polluantes.

Nous connaissons déjà les technologies capables de provoquer les changements. Maintenant, il faut proposer des mesures qui inciteront l'industrie à les commercialiser.

J'ai bon espoir que les forces du marché jouent en faveur de ces technologies.

Notre souhait est que cela se produise au plus tôt. À mon avis, le gouvernement doit proposer des mesures qui encourageront la commercialisation rapide des principales technologies.

Le président : De toute évidence, vous avez déjà réfléchi à la question. Et quel moyen proposez-vous au gouvernement?

M. du Plessis : Il existe déjà de bons exemples dont il peut s'inspirer. L'exploitation des sables bitumineux aurait été impossible sans le plafond de 1 $ sur les redevances d'exploitation des nouveaux gisements, moyennant des investissements de la part des sociétés et jusqu'à concurrence de la récupération des dépenses en immobilisations. De telles exemptions sont une avenue possible.

L'autre avenue consiste à investir conjointement avec l'industrie dans des installations de démonstration de cette technologie, pour qu'on puisse en démontrer plus rapidement la fiabilité.

Nous pouvons nous inspirer de divers exemples réussis d'investissements conjoints, et il existe aussi d'autres moyens.

Le président : Est-ce que vous pensez à des moyens qui seraient plutôt du côté du bâton que de celui de la carotte?

M. du Plessis : Non. Tous ceux que j'ai évoqués sont du côté de la carotte. Je ne crois pas que le gouvernement doive se servir du bâton.

Le gouvernement devrait exposer clairement ses attentes à l'industrie, avec qui il se montrera disposé à partager une partie des risques, inévitables au début.

L'exploitation des sables bitumineux constitue un exemple classique de partage des risques par le gouvernement. Il n'est pas nécessaire de chercher de nouveau modèle. Celui-là a fonctionné, au-delà des espérances.

L'investissement d'AOSTRA, devenu depuis l'AERI, dans les premières technologies d'exploitation des sables bitumineux a été précurseur d'un succès sans précédent pour l'Alberta. La formule est pourtant toute simple. Le gouvernement ne donne pas de subventions, mais il assume sa part de risque.

Le président : Il y a quand même eu des subventions. Le gouvernement canadien a octroyé des montants substantiels qui, ajoutés au plafond sur les redevances consenti par l'Alberta, ont rendu l'exploitation possible.

On nous a confirmé ce matin que les subventions et l'aide des deux ordres de gouvernement ont permis l'avènement d'une industrie très rentable, pour le grand bien de tous, bien entendu.

Ces mêmes gouvernements tiendront-ils compte des recettes, et les industries rempliront-elles leurs obligations à l'endroit des contribuables pour prendre les décisions auxquelles vous faites allusion? La carotte suffira-t-elle pour faire évoluer les technologies plus rapidement? Ce serait sensationnel. Est-il permis d'y rêver?

M. du Plessis : Le gouvernement peut toujours prendre la voie législative pour donner un coup de bâton au besoin.

Le président : C'est la méthode qu'il a utilisée pour imposer l'essence sans plomb. Il a aussi utilisé le bâton pour exiger que le gaz naturel soit débarrassé du soufre.

Quand le gouvernement a pris ces décisions, tout le monde s'attendait à ce que le ciel lui tombe sur la tête. Les pertes d'emplois devaient se chiffrer par milliers et le pays devait se vider. Rien de tout cela n'est arrivé. Les bâtons ont eu la main heureuse.

M. du Plessis : Je ne suis pas contre cette approche. Parfois, pour que les choses bougent plus vite, le bâton peut être utilisé pour signifier : « Il en sera ainsi. » Tout le monde trouvera bien le moyen de faire en sorte qu'il en soit ainsi.

Le président : Serait-ce l'une des fonctions dévolues aux leaders dont vous avez parlé?

M. du Plessis : Oui, tout à fait. Mais nous manquons surtout de leaders visionnaires. Les possibilités sont infinies et les récompenses phénoménales.

Nous avons besoin d'un gouvernement qui a une vision, la volonté de dire clairement ses attentes et, s'il n'obtient pas les résultats escomptés, qui utilise son pouvoir législatif.

Le cadre législatif n'a pas besoin d'être draconien. Une simple petite poussée suffira pour mettre l'industrie sur la bonne voie.

Le sénateur Spivak : La politique devra englober les prix du pétrole, pas seulement les prix de l'énergie produite avec le pétrole, pour que les consommateurs paient leur partie de la facture. Il n'est plus réaliste de continuer de parler d'énergie à bon marché. Nous pouvons continuer de parler de conservation et d'efficacité énergétiques, mais il faudra bien que quelqu'un prenne le taureau par les cornes et annonce que l'ère de l'énergie à bon marché est révolue.

Êtes-vous d'accord pour qu'on ajoute cette constante à l'équation?

M. du Plessis : Les prix de l'énergie sont fixés par le marché international. Et ce marché est totalement hors de notre contrôle. Toutes les actions doivent s'inscrire dans un contexte de concurrentialité.

Je ne pense pas que le gouvernement puisse fixer les prix du marché, ou fixer artificiellement les prix de l'énergie. Vous avez raison de dire que l'énergie bon marché est chose du passé. C'est une époque révolue.

Les consommateurs devront s'y faire. L'énergie propre coûte plus cher, un point c'est tout.

Le président : Croyez-vous que les Canadiens l'ont compris?

M. du Plessis : Non, je ne pense pas.

Le président : N'est-ce pas surprenant?

Le sénateur Milne : Pas vraiment, si on en juge par le type de voitures qu'ils achètent.

Le président : Ma dernière question est un peu rhétorique, mais j'aimerais connaître votre opinion sur le sujet. En règle générale, les gouvernements n'aiment pas recourir à la coercition.

Ce n'est jamais la meilleure solution de toute façon. L'exemple vaut toujours mieux. Il vaut mieux faire le ménage dans sa propre maison, établir des objectifs et inviter les autres à suivre la direction indiquée, au nom du bien collectif. C'est le meilleur point de départ.

Selon ce qu'on a pu constater récemment — je ne parle pas seulement de la production d'électricité ni d'aucun secteur en particulier, en fait —, les industries les plus polluantes semblent les moins enthousiastes.

Le gouvernement hésite toujours à dire : « Nous avons fait de notre mieux pour diriger la parade, pour donner l'exemple et pour expliquer pourquoi il faut agir ainsi pour le bien-être de tous à long terme... » Certains secteurs de notre économie sont restés de glace, c'est le moins qu'on puisse dire.

Croyez-vous que dans ces cas, et je crois que vous y avez fait allusion déjà, après avoir servi des arguments irréfutables et donné l'exemple de différentes façons, le gouvernement devrait s'imposer et ordonner, pour vous paraphraser, « qu'il en soit ainsi »?

M. du Plessis : Oui, mais dans certaines limites. Ces mesures ne doivent pas être subites, mais progressives. Dans certains cas, c'est assurément le mieux à faire. Cette méthode a donné de bons résultats ailleurs, en Californie notamment.

Nous sommes les pires émetteurs à cause de nos véhicules. C'est de loin la principale source d'émissions de dioxyde de carbone. Le secteur de la production arrive loin derrière.

Le président : Selon le gouvernement — cela a été repris dans un rapport publié par notre comité il y a quelque temps —, les arguments ont été entendus, les bienfaits de l'efficacité énergétique la plus élémentaire ont été reconnus, et on a réussi à démontrer les avantages économiques d'un effort collectif pour éteindre les lumières, arrêter l'eau en nous lavant les dents, acheter de l'éthanol-carburant et des voitures plus efficaces.

Pourtant, nous continuons de fermer les yeux. Nous continuons d'acheter des VUS éléphantesques pour faire nos courses en ville, malgré les besoins réels. La population n'a pas emboîté le pas, malgré les messages inspirants et les annonces publicitaires de Rick Mercer. Depuis le temps qu'on nous rebat les oreilles, nous ne sommes pas encore convaincus. Nous en avons déjà parlé. Nous n'avons pas encore compris que l'eau a un prix et que l'énergie ne peut plus être bon marché.

En corollaire à la question concernant la méthode du bâton à l'égard des grands émetteurs, je vous demande s'il faut faire de même avec la population?

M. du Plessis : Les racines du problème étant très lointaines, je ne crois pas que notre société puisse comprendre ce concept. Notre utilisation de l'énergie restera probablement toujours excessive et inefficace.

Mon point de vue est qu'il faut avant tout investir dans des technologies qui abaisseront les coûts des procédés efficaces le plus rapidement possible. C'est la seule voie gagnante, et encore plus si on considère que la technologie crée de l'emploi. De cette façon, nous investissons dans le futur, dans la recherche de nos propres solutions techniques, au lieu d'acheter des crédits à l'étranger.

Le gouvernement a tout à fait raison de se concentrer sur la technologie. Tout le monde y gagnera au change, un atout évident pour convaincre la population. Personne ne s'objectera à ce que le gouvernement investisse plus d'argent dans la commercialisation de solutions technologiques gagnantes.

Le sénateur Milne : J'aimerais poursuivre sur la même lancée que le sénateur Banks. À la dernière page de votre mémoire, monsieur du Plessis, vous indiquez qu'un travailleur sur six en Alberta travaille dans le secteur de l'énergie, que le chemin qui mène de la conceptualisation à la commercialisation est long et ardu, et qu'il faut entre 15 et 25 ans en moyenne pour qu'une technologie soit commercialisable.

Vous concluez que la meilleure approche est le partenariat gouvernement-industrie. Je suis tout à fait d'accord. C'est ce qu'il faut faire, mais il ne semble pas que l'Alberta aille dans ce sens, n'est-ce pas?

L'électricité, l'énergie et le pétrole sont exclusivement régis par le marché.

Il est par conséquent fort difficile de réconcilier les deux concepts.

M. du Plessis : Je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous. J'ai dit que le gouvernement ne pouvait interférer avec le marché. Il ne peut pas fixer un autre prix que le prix du marché mondial pour le pétrole. Le Canada ne peut pas décider des prix du pétrole.

Ce sont les forces du marché qui décident des prix. Cependant, rien n'empêche le gouvernement d'investir dans des technologies d'exploitation des sources d'énergie au plus bas coût possible et de la façon la plus propre possible.

C'est là que la technologie prend tout son sens, où le gouvernement dispose d'une marge de manoeuvre. Il exploite déjà cette marge de manoeuvre en Alberta, en investissant des sommes importantes par l'entremise de l'AERI. Je collabore moi-même avec l'industrie sur une douzaine des projets fortement financés par le gouvernement albertain. C'est faisable. Tout est une question d'échelle. Nous pourrions faire plus, pour accélérer le rythme du développement et de la commercialisation des nouvelles technologies.

Peut-être pourrions-nous réduire les délais de 30 à 10 ans — c'est au gouvernement de voir à ce qu'on y arrive. C'est un domaine à très haut risque dans lequel l'industrie ne peut pas ou ne veut pas investir, à cause des actionnaires.

Néanmoins, l'industrie est prête à partager le risque avec le gouvernement parce que, en bout de ligne, le risque sera rentable. Elle pourra faire de l'argent. Nous sommes simplement en période de transition.

Le président : Nous allons faire en sorte de forcer les choses en ce sens.

C'est à regret que je dois interrompre cette intéressante conversation. Monsieur du Plessis, j'ose vous demander si vous accepteriez d'autres questions par écrit de notre part?

M. du Plessis : Bien entendu.

Le président : Nous attendrons vos réponses avec beaucoup d'impatience. Nous avons à peine effleuré le sujet avec vous et M. Isaacs.

Merci de votre présence parmi nous aujourd'hui.

La séance est levée.


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