Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 9 - Témoignages - Séance de l'après-midi
CALGARY, le mardi 8 mars 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 13 h 35, pour étudier de nouvelles questions concernant son mandat et en faire rapport.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare la séance ouverte.
Nos invités sont M. Dennis Fitzpatrick, vice-président de la recherche au Water Institute for Semi-arid Ecosystems, et Mme Hester Jiskoot, professeure adjointe à l'Université de Lethbridge. Mme Jiskoot est glaciologue, un terme que je ne connaissais pas. C'est pourquoi j'ai proposé de l'inviter.
Il a fréquemment été question des glaciers pendant les audiences du comité dans l'Ouest, et je suis certain que les membres du comité auront de nombreuses questions à poser à nos deux témoins.
M. Dennis Fitzpatrick, vice-président, Recherche, Water Institute for Semi-arid Ecosystems : Mes observations auront une touche très personnelle, parce que la question de l'eau me tient à cœur.
Lorsque nous discutons du bassin hydrologique de l'Alberta, c'est ce que nous faisons : nous parlons des problèmes qui y sont reliés. Il s'agit, pour moi, d'un véritable problème car l'Alberta n'a pas de bassin hydrographique comme tel, bien qu'elle soit à la source du bassin hydrologique de l'Ouest.
Lorsque la neige tombe sur les montagnes de l'Alberta, une partie de cette neige se retrouve dans la baie d'Hudson et dans la rivière Nelson. Il s'agit d'un réseau intégré qui traverse l'Ouest canadien.
Lorsque je parle à mes amis albertains des problèmes touchant l'Alberta, en fait ces problèmes ne concernent pas que l'Alberta; ils sont propres à l'ensemble de l'Ouest canadien. Ils concernent aussi l'agriculture dans l'Ouest, parce que l'eau et l'agriculture sont intimement liées.
La semaine dernière, au cours d'une réunion de l'Association des projets d'irrigation de l'Alberta, à laquelle j'assistais, on a présenté un compte rendu sur l'état du réseau hydrologique de l'Ouest. Les ressources hydrologiques sont surexploitées, et c'est là le problème fondamental auquel nous sommes tous confrontés : nous utilisons trop d'eau pour l'irrigation et l'agriculture.
Au cours de la réunion, il a beaucoup été question de notre région, de son écosystème semi-aride et des problèmes qui y sont reliés. Je rappelle l'analogie suivante : le verre est-il à demi-plein ou à demi-vide? En fait, bien que nous vivions dans un écosystème semi-aride, l'eau y est utilisée de façon tellement productive et efficace que j'estime qu'il faut voir le verre comme à demi-plein plutôt qu'à demi-vide.
Je sais que la plupart des gens ont un point de vue différent. Ceux qui s'occupent d'irrigation, par exemple, parlent des incertitudes qui planent sur ce champ d'activité, et ils s'inquiètent des incertitudes considérables qu'engendrera le réchauffement climatique. Ils se demandent comment nous pourrons gérer ces changements. Nous apprendrons, nous nous adapterons et nous ferons face à la réalité.
Tout en nous adaptant, nous devrons trouver une solution mitoyenne qui intègre les connaissances scientifiques touchant la gestion de l'eau et qui tienne compte de l'importance de l'eau pour l'environnement et l'écosystème dans lequel nous vivons.
La croissance urbaine va-t-elle entrer en conflit avec la façon dont nous utilisons l'eau et pratiquons l'agriculture?
Une partie de la société sera-t-elle amenée à s'opposer à une autre?
La rencontre a été très intéressante, parce que le directeur du plus important office de gestion des eaux a déclaré que si la croissance urbaine entre en conflit avec l'agriculture, la première l'emportera et l'eau sera mise au service de l'économie.
Par ailleurs, un représentant de l'office d'irrigation de l'Est a parlé de l'utilisation productive de l'eau en agriculture et de sa contribution à la croissance économique.
En fait, je pense que cela dénote un problème de communication et un manque de respect entre les deux parties.
Je ne veux pas trop insister sur l'aspect sociologique de la question, mais une question se pose : avons-nous compris ce qu'est l'eau, sommes-nous vraiment conscients de la valeur de cette ressource?
Comprenons-nous comment les villes et les collectivités rurales utilisent l'eau? Comprenons-nous leurs besoins?
Je crois que tant que nous continuerons d'aborder les problèmes d'un seul point de vue, nous serons toujours perdants. Qu'il s'agisse des habitants des villes ou de ceux des régions rurales, les deux groupes devront trouver un moyen de se rencontrer et de dialoguer. Sinon, on ne trouvera jamais de solution.
Selon moi, il faut concevoir l'eau comme le fondement de l'infrastructure de la vie. Il faut voir l'eau non pas comme l'élément qui coule du robinet, mais comme une ressource qui interagit avec l'environnement.
Il m'apparaît important d'insister sur la notion d'« avoir naturel » et de voir l'environnement comme un actif majeur que nous devons beaucoup mieux comprendre que ce n'est le cas à l'heure actuelle.
J'ai fréquenté les universités toute ma vie. J'étais aussi pressé d'aller à l'université qu'on peut l'être d'aller au cirque. Dès l'âge de 18 ans, je me suis retrouvé à l'université et je n'en suis jamais reparti. Ma mère n'en est pas encore revenue.
L'une des choses que nous devons faire, c'est d'aller au-delà des aspects théoriques de l'environnement, de l'eau, de l'agriculture et des biens et services environnementaux. Il faut aller au-delà des aspects scientifiques de l'eau et en aborder les aspects sociaux.
Nous sommes tous conscients de la valeur de la croissance urbaine. Quand on regarde Calgary, on voit comment les villes croissent et comment l'économie change. Toutefois, nous n'avons pas encore compris les répercussions de l'étalement urbain sur l'environnement et sur les éléments environnementaux qui donnent toute sa valeur à la vie.
Lorsque nous sommes confrontés à un problème, nous cherchons à le résoudre. Par exemple, s'il y a un étang, nous l'asséchons, mais, du même coup, nous éliminons son pouvoir de purification et l'habitat qu'il représente. Il y a donc un coût à supporter.
Si nous aménagions pleinement la route d'ici jusqu'à Banff, combien de personnes pourraient se rendre là-bas pour admirer le paysage?
Combien de personnes le Canada attirerait-il à Banff?
Le capital naturel, l'environnement sont parmi nos dernières richesses. Or, nous n'avons pas encore pleinement compris la situation.
Je fréquente les universités depuis 25 ans. J'ai entendu des gens discuter de biens et services environnementaux. Or, tant que nous ne procéderons pas, sous une forme ou l'autre, à une évaluation de l'environnement, nous ne comprendrons pas ce que coûte la croissance; et c'est là l'un des principaux problèmes auquel nous sommes confrontés. Le public ne comprend pas ce que nous coûte la croissance.
En terminant, je suis très heureux que vous soyez venus dans l'Ouest pour prendre connaissance de nos préoccupations concernant l'eau.
Il y a trois semaines, je me trouvais à Ottawa. J'ai rencontré les représentants d'un service de recherche d'un important organisme fédéral. Nous leur avons suggéré de créer un programme qui permettrait d'étudier l'eau et de communiquer avec le public. Franchement, il est difficile pour des gens qui travaillent sur les berges de la rivière des Outaouais, où il y a suffisamment d'eau pour alimenter des forêts, de vraiment comprendre ceux qui viennent leur dire que leur région est frappée par une terrible sécheresse depuis trois ou quatre ans.
Voyez ce qui se passe en Colombie-Britannique : l'intérieur des terres est frappé par une sécheresse, alors qu'à l'extérieur il y a trop de pluie. Des glissements de terrain se produisent sur les flancs des montagnes. Nous allons vraiment devoir aborder la question de l'eau et de l'environnement sous un angle différent.
Nous avons créé, à l'Université de Lethbridge, l'Institut des eaux pour les écosystèmes semi-arides. L'institut a pour mandat de s'assurer qu'on réponde aux besoins du secteur environnemental sud, en particulier les besoins en eau.
J'en resterai là. Je ne sais pas si vous voulez entendre Mme Jiskoot avant de passer aux questions, car la discussion semble se dérouler assez librement.
Mme Hester Jiskoot, professeure adjointe, Université de Lethbridge, témoignage à titre personnel : Merci beaucoup de m'avoir invitée pour discuter de cette importante question.
Je précise, en partant, que je suis glaciologue. Ma spécialité est la dynamique des glaces, qui consiste à étudier le déplacement des glaciers, l'interaction entre les glaciers et l'environnement et entre les glaciers et le climat.
J'ai fait des recherches dans les régions arctiques et alpines de l'hémisphère nord. Certains de mes étudiants travaillent également dans le domaine de la recherche sur la neige. Je connais passablement bien le sujet dont je vous parlerai aujourd'hui.
Pendant les 25 premières années de ma vie, j'ai vécu aux Pays-Bas, qui sont situés sous le niveau de la mer et qui ont une surabondance de pluie et d'humidité. Nous n'avons jamais les pieds secs, si je puis dire. Les effets du changement climatique aux Pays-Bas sont très différents de ce qu'ils sont dans l'ouest du Canada. Les Pays-Bas doivent lutter contre la hausse du niveau de la mer, alors qu'ici, c'est la sécheresse qui cause problème.
Je vous ai fait parvenir un document manuscrit de quatre pages; je vais préciser les principaux aspects dont je vous parlerai.
Premièrement, seulement 2,5 p. 100 de la masse totale des eaux du globe sont constitués d'eau douce, et les deux tiers de cette eau sont retenus dans les glaciers et dans la nappe glaciaire. Le fait que cette eau soit retenue signifie qu'elle est temporairement en réserve. Les glaciers emmagasinent l'eau de diverses façons, et pour des durées variables. Un glacier peut retenir de l'eau pendant un jour, ce qui est une courte période. Il peut capter les averses de pluie et les retenir pendant une journée, jusqu'à ce qu'elle s'écoule dans les rivières. Les glaciers peuvent aussi emmagasiner l'eau pendant des années, et même des millénaires dans la nappe glaciaire. Lorsque l'eau est retenue dans un glacier, elle y reste pour longtemps et, tant qu'elle y est, nous ne pouvons pas l'utiliser comme eau potable, à moins de faire fondre la glace, bien sûr.
Les cours d'eau qui prennent leur source dans des glaciers sont alimentés en eau tout au long de l'année, en raison de la fonte lente du glacier. Dans le cas de l'eau emmagasinée qui se retrouve dans un cours d'eau, on parle de « débit de base », par opposition au « débit rapide », qui est le résultat des averses de pluie ou de la fonte des neiges.
À la fin de la saison estivale, lorsque les pluies sont rares et qu'il reste peu de neige dans les montagnes, le débit de base des rivières provient en grande partie de la fonte des glaciers.
Quelle quantité d'eau un glacier fournit-il lorsqu'il fond à un rythme normal? Un petit glacier, d'une superficie d'un kilomètre carré, produit environ un mètre cube d'eau par seconde, ou 86 millions de litres d'eau par jour.
Un glacier ne fond pas pendant une seule journée, mais tout au long de la saison de fonte, qui court habituellement de juillet à septembre, soit sur trois mois. L'eau qui s'écoule de ce glacier peut approvisionner 25 millions de personnes pendant une journée, ou 71 000 personnes pendant un an, en supposant une consommation quotidienne normale de 300 litres d'eau par habitant.
Un petit glacier peut alimenter pendant une année complète toute la ville de Lethbridge, qui compte 73 000 habitants.
Le président : Tant que le glacier existe.
Mme Jiskoot : Tant qu'il existe. Par ailleurs, la neige alimente le glacier, mais si la neige ne fond pas au même rythme que la fonte du glacier, il en résulte un déséquilibre. L'important n'est donc pas uniquement la période de fonte du glacier, mais aussi le rythme de la fonte.
Combien de glaciers alimentent l'ouest du Canada et l'Alberta, puis les autres provinces de l'Ouest et les régions du Nord? Certains glaciers s'écoulent également vers l'océan Arctique.
Les versants orientaux des montagnes Rocheuses comptent un peu plus de 1 300 glaciers, qui couvrent une superficie d'environ 1 000 kilomètres carrés. Ces glaciers produisent plus de 7 000 milliards de litres d'eau par année, soit moins de 6 p. 100 du débit de base de tous les cours d'eau. Autrement dit, 6 p. 100 de l'eau qui s'écoule de l'Alberta provient des glaciers. Cela peut vous sembler peu, mais vers la fin de l'été, certains glaciers fournissent 50 p. 100 du débit de base des rivières. L'importance de la fonte des glaciers, pour les rivières, varie selon la période de l'année.
Le réchauffement climatique a un quadruple effet sur l'approvisionnement en eau. Premièrement, les précipitations de neige sont moindres; s'il y a moins de neige dans les montagnes, il y en a moins dans les rivières.
Deuxièmement, la neige fond plus tôt, de sorte que la crue maximale des rivières se produit plus tôt en saison. Cette situation est peu propice à l'agriculture car, pour croître, les plantes ont besoin de températures plus élevées. Il faudrait que la crue maximale des eaux intervienne un peu plus tard et non pas un peu plus tôt dans le cours de l'année.
Le troisième effet est le rétrécissement des glaciers. Plus un glacier diminue, moins il fournit d'eau. Au cours des 100 dernières années, les glaciers des montagnes Rocheuses ont perdu 25 p. 100 de leur superficie. Il y a donc beaucoup moins d'eau aujourd'hui qu'il y en avait au siècle dernier.
Le quatrième effet est l'accroissement de l'évapotranspiration. L'évaporation est provoquée par la hausse des températures. L'eau s'évapore avant même que nous ne puissions l'utiliser.
Je peux vous illustrer la situation par des chiffres que j'ai dans mon rapport. Je ne sais pas si vous voulez m'entendre citer des chiffres.
Au cours du dernier siècle, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, le GIEC, a estimé que la température du globe s'est élevée de 0,6oC au cours du dernier siècle. Le changement climatique est un phénomène indéniable, qui se traduit non seulement par une hausse des températures mais également par la fonte du permafrost et des glaciers, par une fonte printanière précoce et par la migration des plantes et des animaux. Il existe de nombreuses données qui confirment le changement climatique.
Comme je le disais, le réchauffement climatique a déjà fait disparaître 25 p. 100 de la masse des glaciers. Si la température, dans les Rocheuses canadiennes, augmente de 1,4oC, ce qui n'est pas beaucoup, tous les glaciers auront disparu en 2050. Il s'agit d'un phénomène rapide, dont nous devons tenir compte, car une partie du débit de nos rivières en dépend.
Le cas du parc national des Glaciers illustre bien la situation. Certains glaciers du parc alimentent le bassin de la rivière Oldman. En 1850, le parc comptait 150 glaciers. Il n'y en a plus aujourd'hui que 35. Or, ces 35 glaciers ne couvrent plus que 17 kilomètres carrés.
Certains prédisent que les glaciers auront totalement disparus en 2030. Il nous faudra peut-être alors modifier le nom du parc national des Glaciers.
On a également mesuré la période de fonte des neiges. On prédit qu'au cours des 20 prochaines années, la fonte printanière des neiges se produira entre cinq et dix jours plus tôt. Au cours des 20 années suivantes, soit d'ici 2050, ce phénomène se produira 25 jours plus tôt, soit près d'un mois. Voilà un autre problème auquel nous devons réagir.
On a également établi que les précipitations de neige ont considérablement diminué au cours des 30 dernières années. Hier, j'ai consulté l'Internet pour mettre à jour les données qui figurent dans le rapport que vous avez présenté.
Le gouvernement de l'Alberta possède un site web qui indique en permanence l'épaisseur de la couche de neige. On constate que le long de la rivière Bow, les conditions sont normales. La rivière Oldman, située dans une région qui compte peu de glaciers, dépend des chutes de neige; or, la quantité de neige y est de 0 à 71 p. 100 inférieure à la moyenne. Certaines régions sont donc dépourvues de couche neigeuse à cette période-ci de l'année, alors qu'au cours des 25 années précédentes, il y avait au moins un mètre de neige. En certains endroits, les accumulations de neige sont inférieures à 70 p. 100 de la normale. Les prévisions météorologiques pour les prochains mois annoncent peu de changement. Il est donc certain que même des chutes de neige abondantes en avril ne permettraient pas de compenser la situation actuelle.
L'amincissement de la couche de neige, la fonte précoce et la disparition des glaciers sont autant de facteurs qui influent sur l'écoulement des eaux des rivières. Il faut savoir que l'agriculture, le secteur domestique et l'industrie utilisent surtout l'eau de surface, et peu d'eau souterraine. Seulement 2,5 p. 100 de l'eau que nous utilisons est de l'eau souterraine. Or, la fonte précoce des neiges, l'amincissement de la couche de neige et la fonte des glaciers ont des répercussions sur les réserves d'eau de surface que nous utilisons quotidiennement.
Le tableau que je vous ai fourni illustre la situation. Il indique l'écoulement maximum précoce résultant de la fonte des neiges et l'absence d'écoulement à la fin de la période de fonte. À la fin de juillet et en août, où il y a peu de précipitations, l'écoulement des eaux est faible; or, c'est la période de l'année où le secteur agricole a le plus besoin d'eau. Pendant cette période, le niveau des eaux dans les rivières peut être si bas qu'il devient impossible d'utiliser l'eau qui s'y trouve.
Je sais que des recherches sont actuellement en cours afin de trouver un moyen d'exploiter davantage l'eau souterraine, car il y a de l'eau sous terre, mais nous ne savons pas exactement ce qui se passera si nous puisons dans cette réserve.
Le sénateur Milne : Le tableau que nous avons sous les yeux est en noir et blanc. Il est très difficile de voir à quoi correspond chacune des deux lignes, car elles sont semblables. On ne peut pas voir où elles se croisent et où se situe le niveau maximum et le niveau minimum. Je suppose que la ligne de projection correspond à l'écoulement printanier précoce, mais s'agit-il de la ligne supérieure ou inférieure?
Le président : La ligne inférieure.
Mme Jiskoot : La ligne inférieure correspond à la situation actuelle.
Le sénateur Milne : Laquelle?
Mme Jiskoot : La ligne de projection correspond à l'écoulement printanier précoce.
Le sénateur Milne : Oui, mais il y a deux lignes, l'une correspondant à l'écoulement actuel et l'autre à l'écoulement prévu. Ce que je regarde correspond donc à l'écoulement printanier précoce.
À quoi correspond la ligne qui monte en flèche?
Mme Jiskoot : La ligne de projection correspond à l'écoulement printanier précoce, alors que la ligne correspondant à l'écoulement printanier tardif est en rapport avec la situation actuelle.
Le sénateur Milne : D'accord. C'est donc l'inverse.
Mme Jiskoot : C'est l'inverse.
Les chiffres que nous avons posent un problème dans le cas des glaciers. Nous ne connaissons pas précisément leur épaisseur. Nous avons mesuré l'épaisseur du glacier Athabasca et celle du glacier Columbia, mais nous n'avons pas les données pour de nombreux autres glaciers. Nous ne pouvons pas calculer leur volume exact. Nous savons que les glaciers Athabasca et Columbia ont plus de 500 mètres d'épaisseur en leur centre, et nous pouvons évidemment calculer leur volume.
D'après les données actuelles, je suis en mesure de prédire que le débit de base des rivières, en fin d'été, sera de 70 p. 100 inférieur à ce qu'il est actuellement. Cette donnée ne s'applique pas uniquement à cette région; des chercheurs en Europe et aux États-Unis ont également calculé qu'environ 70 p. 100 du débit de base, à la fin de la période estivale, provient des glaciers.
La recherche que j'ai effectuée contient certaines recommandations générales. Je précise que nous n'avons pas suffisamment de données à long terme. Le gouvernement fédéral a réduit le financement de nos études longitudinales.
Depuis les années 1970, nous avons mesuré seulement deux glaciers canadiens : le glacier Peyto, dans les Rocheuses et le glacier White, au Nunavut. Nous avons, à leur sujet, des données qui couvrent une longue période, mais nous ne pouvons pas nous fonder sur ces seules données pour établir nos prédictions concernant plusieurs milliers de glaciers.
D'autre part, les données du groupe d'étude du bassin de la rivière Oldman ou du groupe d'étude du bassin de la rivière Saskatchewan Sud n'incluent pas les glaciers. Les gens ont tendance à penser qu'ils n'ont pas à tenir compte des glaciers parce que ces derniers ne produisent que 2 p. 100 de la totalité des eaux de ruissellement. Pour ma part, j'estime qu'il faut intégrer les données concernant la fonte des glaciers dans les rapports de gestion, surtout pour l'établissement des données concernant la fin de la période estivale.
Dennis Fitzpatrick disait, plus tôt, que nous faisons une bonne utilisation de nos ressources en eau. Nous ne pouvons pas utiliser plus d'eau que nous n'en avons. Si les villes et l'agriculture continuent de se développer, nous devrons réduire la consommation d'eau dans les deux cas.
Nous devons trouver des moyens d'optimiser la consommation d'eau. Je pense qu'il y a deux façons d'y arriver. Nous pourrions conserver l'eau, c'est-à-dire tenter de réduire la consommation par habitant, et utiliser l'eau de façon plus efficace. Il nous faudra, pour cela, développer des technologies, en faire la promotion et rendre gratifiant pour les gens le fait qu'ils utilisent moins de 300 litres par jour par habitant.
Le gouvernement fédéral a lancé la campagne du Défi d'une tonne. Nous pourrions peut-être lancer un défi des 100 litres pour amener les gens à réduire de 100 litres leur consommation d'eau. Il suffirait, pour y arriver, de procéder à des changements technologiques mineurs, et peut-être amener les gens à modifier leurs habitudes. Ce changement ne comporterait pas nécessairement de coûts.
Ceci met un terme à mon exposé. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup à vous deux.
Le sénateur Spivak : Monsieur Fitzpatrick, pouvez-vous nous dire quelle partie des Prairies du sud est semi-aride? Je viens du Manitoba, plus précisément de la vallée de la Rivière Rouge. Quels défis particuliers vous pose l'eau?
M. Fitzpatrick : L'expression « semi-aride » ne convient pas, car la région n'est pas suffisamment sèche pour être considérée, à l'heure actuelle, comme semi-aride.
L'écosystème dont il est question s'étend de l'intérieur de la Colombie-Britannique jusqu'à Winnipeg. La ceinture agricole qui entoure Winnipeg est confrontée aux mêmes défis et à certains problèmes de gestion comparables : la situation concernant la culture irriguée de la pomme de terre, dans votre région, est similaire à la nôtre. Les effets sur l'environnement sont exactement les mêmes.
Le sénateur Spivak : Êtes-vous en train de nous dire qu'il n'y a pas d'écosystème semi-aride à l'heure actuelle?
M. Fitzpatrick : Non, nous parlions des régions les plus sèches où l'agriculture repose sur l'irrigation. Nous avons employé l'expression « semi-aride » au sens technique. Rigoureusement parlant, il faudrait réduire le niveau d'eau de 20 p. 100 pour parler véritablement d'une région semi-aride.
Nous sommes confrontés aux mêmes problèmes. Je pense que Mme Jiskoot reconnaîtra, comme moi, que la plupart des gens qui s'intéressent à la recherche sur l'eau ont un intérêt particulier pour le système révulaire, c'est-à-dire le système de la rivière. Nous nous intéressons à l'eau potable. Les changements aquatiques et climatiques auront des effets considérables sur l'écosystème terrestre, dont dépendent toutes nos cultures.
Imaginez un régime de culture qui nécessite des changements constants dans l'application des fertilisants. Imaginez que vous deviez modifier votre calendrier de gestion pour pouvoir affronter des invasions intermittentes d'ennemis des cultures, ou faire face à des sécheresses intermittentes.
Les chercheurs n'ont pas encore bien défini les effets des changements climatiques et aquatiques sur l'écosystème terrestre. Le centre de recherche de Swift Current, qui est situé en plein centre de la province, dans une région très aride, effectue une partie de ce travail.
Je ne pense pas qu'on puisse dire que la recherche, au Canada, consacre une part importante de son activité aux effets des changements aquatiques et climatiques sur l'écosystème terrestre. Or, quand on sait que cet écosystème constitue le panier à provisions du Canada, je crois que la question mérite notre attention.
Le sénateur Spivak : S'il n'y a plus d'eau de ruissellement provenant de la fonte des glaciers, quels seront les effets sur le bassin hydrographique de la Rivière Rouge?
M. Fitzpatrick : Le bassin de la rivière Rouge est un système différent. L'eau provenant des glaciers se retrouve dans les rivières du nord du Manitoba, dans la rivière Nelson, mais pas dans la rivière Assiniboine, ni dans la rivière Rouge.
Le sénateur Spivak : Ces eaux ne se retrouvent pas dans la rivière Assiniboine.
M. Fitzpatrick : Non, elles n'y vont pas.
Le sénateur Spivak : Ces eaux ne s'écoulent pas non plus vers le lac Winnipeg, le système du Manitoba.
Mme Jiskoot : Les eaux de la rivière Saskatchewan Sud proviennent de la rivière Bow.
M. Fitzpatrick : En fait, quelle que soit la source des eaux, nous ferons face aux mêmes problèmes liés aux eaux.
Au Manitoba, la culture du blé dépend du moment où surviennent les précipitations. L'échelonnement des précipitations au printemps et pendant la période de croissance fournit au Manitoba des conditions de culture plus favorables que ce ne serait normalement le cas. Le système y est lié à la sécheresse.
Le sénateur Spivak : Dans ce cas, ma question s'adresse à vous deux.
Dans le nord du Manitoba, on a établi un plan d'aménagement hydroélectrique dont la réalisation est prévue dans 10 ans. Ce projet aura des répercussions sur l'Ontario, car il permettra de vendre de l'électricité ou d'unir le réseau du Manitoba à celui de l'Ontario.
Ces plans sont-ils fiables quand à ce qui peut survenir au cours d'une période où il n'y a pas d'eau provenant de la fonte de glaciers?
M. Fitzpatrick : Les rivières dont vous parlez dépendent peu de l'écoulement des eaux provenant des glaciers.
Le sénateur Spivak : Je pensais que vous disiez le contraire.
M. Fitzpatrick : Une petite partie seulement de cette eau se retrouve dans le système fluvial.
Nous parlons presque de deux choses différentes. Les glaciers jouent un rôle important, en particulier au printemps et à l'été, car leurs eaux contribuent à maintenir le système physiologiquement vivant.
Nous parlons ici du concept de débit minimal, qui contribue à maintenir la température de l'eau suffisamment basse, afin que le niveau d'oxygène dissous permette aux poissons de vivre.
Dans le cas des glaciers, il s'agit de petites quantités d'eau qui alimentent les rivières chaque année. Même si les glaciers fournissent peu d'eau, ils jouent un rôle important à ce moment de l'année, car il y a très peu d'eau en provenance d'autres sources. C'est une chose souvent difficile à comprendre.
Quand va se produire la demande de pointe en énergie? De façon générale, les barrages situés sur les rivières du Manitoba qui s'écoulent vers le nord vont emmagasiner de l'eau tout au long de l'année, afin de répondre aux besoins en énergie. Les barrages auxquels vous faisiez référence ont été placés en réserve, il y a dix ou quinze ans, parce que leur exploitation n'était pas économiquement rentable pour l'Ontario, cette province devant en supporter les coûts. L'Ontario a financé les barrages à l'époque et elle continue d'en supporter les coûts, à cause des changements survenus dans les régimes de gestion. Je ne pense pas que la diminution de l'écoulement des eaux provenant des glaciers aura une incidence marquante sur la capacité de stockage d'eau.
Il faut se demander si les avantages résultant du stockage d'eau en valent le coût, compte tenu des modifications subies par l'écosystème du nord du Manitoba.
Prenez le cas du projet de la Baie James et des conséquences qu'il a eues sur l'utilisation des terres de la Baie James. Il faut bien comprendre que l'eau a une capacité thermique différente de celle de la terre et qu'elle modifie la dynamique de toute une région.
En définitive, tout cela nous ramène à la question de l'environnement et de sa valeur. Je n'ai pas la réponse, parce que, à ma connaissance, personne n'a analysé la valeur d'un environnement en parfait état, du point de vue de l'économie et du bien-être de la société. Si vous passez une fin de semaine à Banff ou dans le parc Waterton et que vous descendez la rivière Elk, vous y verrez un très grand nombre de personnes qui viennent au Canada parce que ce nom est synonyme d'écosystème en parfait état et d'espaces récréatifs de grande qualité. Ce sont les mêmes personnes qui vont pratiquer la pêche dans le nord du Manitoba.
Nous devons utiliser ce genre d'analyses lorsque nous faisons nos choix, parce que ces choix sont définitifs.
Le sénateur Spivak : Il existe déjà des données très fiables au sujet de l'incidence des aménagements hydroélectriques sur l'écosystème, et vous avez tout à fait raison.
Madame Jiskoot, comment qualifieriez-vous l'incidence à long terme du changement climatique et des glaciers? Comment le changement climatique influe-t-il sur la disponibilité des réserves en eau dans cette partie-ci du pays?
Avez-vous abordé la question dans vos recherches?
Mme Jiskoot : Non. En fait, l'approvisionnement en eau n'occupe pas une place importante dans ma recherche. L'été dernier, j'ai mesuré l'écoulement des eaux dans la Kananaskis, afin d'en mesurer l'effet dilatoire sur les précipitations. En tant que glaciologue, je ne suis pas spécialiste de l'approvisionnement en eau. J'en connais toutefois plus sur le sujet que la plupart des gens.
Le sénateur Spivak : Oh, il y a d'autres glaciologues spécialisés.
Mme Jiskoot : Il y a un glaciologue spécialisé, Mike Demuth, qui travaille pour la Commission géologique du Canada. Il effectue de la recherche à long terme sur le glacier Peyto et le glacier Ram. Vous devriez l'inviter.
Je tiens à souligner une chose : même si les rivières ne sont pas alimentées par les glaciers, elles le sont par l'accumulation annuelle de neige. Comme je le disais, à mesure que le climat se réchauffera, la couche de neige s'amincira et apportera de moins en moins d'eau. Je prédis que, à long terme, la quantité globale d'eau diminuera considérablement, peu importe qu'il y ait des glaciers ou non.
Je tiens également à signaler qu'il existe un lien entre la qualité et la quantité d'eau. Une diminution de la quantité d'eau entraîne une pollution accrue. Comme le disait M. Fitzpatrick, l'eau provenant des glaciers et de la fonte des neiges représente un important apport d'oxygène à l'écosystème. On observe déjà que l'absence d'eau froide, dans les cours supérieurs des rivières, cause la disparition de populations de poisson.
M. Fitzpatrick : Le ministère des Pêches et des Océans a envoyé des représentants en Alberta, parce que l'extraction d'eau, dans certaines parties de la rivière, faisait en sorte que la température de l'eau dépassait les 20 degrés en été. C'est une température mortelle pour les poissons.
Nous parlions de stockage; les glaciers retiennent l'eau sous une forme très bénéfique pour l'écosystème. L'eau froide est très bonne pour l'écosystème.
Le sénateur Spivak : Très bien. Monsieur Fitzpatrick, puisque nous nous occupons de la mise en œuvre des politiques fédérales, j'aimerais connaître votre point de vue au sujet du niveau du financement et de l'aide accordés au genre de recherche que vous faites.
Comment qualifieriez-vous la contribution fédérale, et quelle serait la contribution idéale à ce genre de recherche?
M. Fitzpatrick : Pour moi, deux choses sont importantes. Premièrement, il faut mettre à contribution les connaissances accumulées, car nous ne pouvons pas attendre d'avoir trouvé toutes les réponses. Je suis prêt à discuter de cet aspect.
Je ne crois pas qu'il faille accroître le financement de la recherche avant que nous n'ayons trouvé une façon de régler cette question. Il faudrait consacrer trop de temps au lancement de nouvelles recherches et à la communication avec les gens. Plus que jamais auparavant, nous devons entamer un véritable dialogue avec les gens.
La recherche fédérale est paralysée en raison de la réorganisation. Je le sais, parce que je travaille dans les universités. Depuis cinq ans, Agriculture Canada procède à un réaménagement, à une réorganisation et propose des façons différentes de faire la recherche. Pendant ce temps, je n'ai pas vu de chercheurs du domaine agricole se manifester.
Environnement Canada semble faire les choses un peu différemment et envoie des chercheurs dans des laboratoires universitaires et en divers endroits, notamment à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, ou à Victoria, en Colombie- Britannique. Je pense que c'est une tendance positive.
Je crois que le programme de recherche de la fonction publique fédérale doit permettre un redéploiement des chercheurs fédéraux dans des régions qui ont besoin d'une attention particulière.
La recherche de Santé Canada sur les maladies hydriques, par exemple, se fait en grande partie dans le sud de l'Ontario. Je crois savoir que la plupart des parcs d'engraissement qui rejettent le E. coli et de nombreux pathogènes dans le réseau hydrographique sont situés dans le sud de l'Alberta. Il ne semble donc pas y avoir concordance entre les lieux où se fait la recherche et ceux où elle devrait se faire.
J'encourage les organismes et les services de recherche fédéraux à affecter leur personnel aux dossiers importants.
Il y a une vingtaine d'années, je travaillais pour Agriculture Canada et je me souviens qu'on favorisait la recherche à long terme et le renforcement des capacités à long terme dans certaines régions précises. Je ne pense pas que ce soit une mauvaise chose.
L'enveloppe budgétaire fédérale ne contient pas de fonds suffisants pour la recherche en sciences naturelles, en génie, dans les Instituts de recherche sur la santé du Canada ou au SHIRC. Il faudra effectuer énormément de recherche sur les aspects humains liés à l'eau, notamment l'eau dans la société, l'eau dans l'environnement. Je ne pense pas que ces organismes, en particulier le SHIRC, aient suffisamment d'argent pour financer ce genre de recherche, qui est nécessaire.
Le président : Le SHIRC ne fait pas de recherche, il la finance. N'est-ce pas?
M. Fitzpatrick : En effet. Le SHIRC et les Instituts de recherche en santé du Canada financent tous les deux la recherche.
Si vous obtenez une subvention de 40 000 $ par année, vos ambitions seront à la mesure de cette somme. Si votre subvention est de 400 000 $ par année, vous aurez une vision plus large, plus intégrée. Au cours des 25 dernières années, nos ambitions sont demeurées modestes.
Je ne veux pas dire par là que la recherche canadienne n'a pas un impact important. Nous avons obtenu un très bon rapport investissement-résultat. Je crois cependant que le moment est venu de voir plus grand et de réagir plus rapidement.
Le sénateur Angus : Monsieur Fitzpatrick, d'après ce que j'ai compris de votre exposé et de votre mémoire, nous n'avons qu'effleuré la question de l'eau. Je crois que vous avez dit qu'il existe de nombreuses idées fausses au sujet de l'approvisionnement en eau. Vous disiez que le bassin hydrologique de l'Alberta ne dépend pas simplement de l'eau provenant des glaciers.
M. Fitzpatrick : En fait, il dépend d'un ensemble de choses.
La raison pour laquelle je m'oppose à ce qu'on prenne l'Alberta comme seul centre d'attention, c'est que, lorsque le conseil du bassin hydrologique de la rivière Oldman prend des décisions concernant la gestion de la rivière, ces décisions ont des répercussions sur la rivière Saskatchewan Sud, qui alimente une bonne partie de la Saskatchewan. Je trouve inquiétant que des gens, à Lethbridge, prennent des décisions qui ont des répercussions sur les habitants de Regina. Voilà en quoi il faut modifier les choses et adopter une conception plus globale.
La recherche sur l'eau est une science extrêmement complexe. Quand j'emploie le mot « nous », je fais référence au monde entier, car nous ne comprenons pas les complexités liées à l'utilisation de l'eau.
Voici un exemple qui l'illustre parfaitement : dans les années 1990, on a construit le barrage de la rivière Oldman, sur les contreforts des Rocheuses, pour assurer un approvisionnement continuel en eau.
Où est le problème?
Le problème, c'est que la construction du barrage a mis fin aux inondations périodiques du bassin fluvial. Or, l'inondation du bassin déclenche le mécanisme de reproduction des peupliers deltoïdes, lesquels retiennent les berges de la rivière. S'il n'y a plus d'inondations, les peupliers disparaissent et les berges de la rivière se détériorent. Or, une détérioration des berges provoque une diminution de la qualité de l'eau.
Ce n'est pas difficile à comprendre. Nous devons en prendre conscience. Mais, il faut y mettre temps, argent et patience.
Le sénateur Angus : Vous parliez de croissance urbaine et de gestion de l'eau. Disiez-vous que nous ne comprenons pas la croissance urbaine?
Y a-t-il pénurie de recherche et manque de connaissances partout dans le monde sur cette question, ou est-ce uniquement le cas au Canada?
M. Fitzpatrick : Non, mais il y a assurément des leçons à tirer de ce qui se passe ailleurs.
Le problème, dans le cas de l'eau, c'est qu'on n'en saisit pas toute la valeur tant qu'elle ne nous coûte rien. De très nombreuses personnes arrosent leur pelouse avec une eau qui coûte très cher; c'est un fait révélateur.
Il y a quelques semaines, je lisais un article intéressant, dans le Lethbridge Herald, au sujet des protestations des habitants de Saskatoon. Ces derniers sont mécontents parce que leurs résidences vont être équipées de compteurs d'eau. C'est la première étape vers la réduction de la consommation d'eau : les gens utilisent moins d'eau lorsqu'ils doivent la payer.
Malgré toutes les preuves du contraire, les gens croient qu'il existe une réserve illimitée d'eau douce et propre.
Le sénateur Angus : Voulez-vous dire que l'ensemble de la population est mal informée? Les scientifiques sont au courant de la situation; vous êtes au courant.
M. Fitzpatrick : Les scientifiques connaissent la situation.
Le sénateur Angus : Nous apprécions votre présence ici. Nous avons commencé notre étude sur l'eau il y a quelques mois, dans l'espoir de présenter un rapport qui serait utile pour sensibiliser la population à l'utilisation de l'eau.
Dans le cours de notre étude, nous avons commencé à nous sensibiliser nous-mêmes. Nous en avons appris davantage au sujet des aquifères et nous avons appris que le Canada n'a pas une nappe d'eau souterraine convenable; ça donne un choc.
Nous sommes en 2005. Cela devrait être comme une seconde nature pour chacun de nous, n'est-ce pas? Est-ce bien ce que vous dites?
La plupart des gens laissent l'eau froide couler pendant cinq minutes, quand ils se brossent les dents. Toute cette eau s'en va à l'égout.
M. Fitzpatrick : Cette eau repasse dans le système pour un nouveau traitement.
Il y a trois ans, j'ai fait un exposé devant Alberta Environment. Dans cet exposé, j'ai parlé du besoin critique de recherche en hydrologie. Quelqu'un au bout de la table avait alors dit qu'il y avait déjà beaucoup de chercheurs dans le domaine. Je l'ai arrêté, l'ai regardé, et j'ai employé ce vieux truc qui consiste à lui demander de m'en nommer un. Nous sommes restés silencieux un moment. Puis il m'a dit que les sociétés pétrolières faisaient des études en hydrologie, mais qu'elles ne partageaient pas l'information qu'elles obtenaient.
Une somme incroyable d'information ne devient jamais du domaine public. De l'information qui serait utile est de propriété exclusive.
J'ai pris la parole la semaine dernière devant l'association des projets d'irrigation de l'Alberta. Au cours de la réunion, M. Jay White a parlé de détection des sources de bactérie E. coli dans les eaux de surface. Il nous a fait une description très intéressante de la manière de retracer ces sources au moyen de techniques de détection propres à la biologie moléculaire. Quelqu'un lui a demandé s'il nagerait dans un lac de l'Alberta, n'importe lequel, et il a répondu non.
Le public est-il au courant de cela?
Le sénateur Angus : Non, parce que les gens nagent dans ces lacs.
M. Fitzpatrick : Parce qu'ils nagent dans ces lacs. Il a dit que non seulement il n'y nagerait pas lui-même, mais qu'il ne laisserait pas ses enfants le faire non plus.
Si ce n'est pas là une série de preuves que nous n'avons pas suffisamment communiqué les problèmes de l'eau au public, je ne sais pas qu'est-ce que c'est.
Le sénateur Angus : Je crois que vous avez dit que, il y a 100 ans, le recul glaciaire était attribuable à une hausse de température de 0,6oC et que cette hausse est maintenant de 1,6oC, mais ce calcul s'appuyait sur une période de 30 ans.
Cette différence me laisse songeur. Est-ce une façon de dire que le changement climatique a un effet dévastateur?
Mme Jiskoot : J'ai mentionné que la hausse de 0,6 oC sur les 100 dernières années avait eu un effet sur la fonte des glaces. Dans nos Rocheuses et dans l'ensemble des cordillères pacifiques, les glaciers ont perdu 25 p. 100 de leur superficie. Les glaciers dans les Alpes européennes ont perdu 50 p. 100 de leur volume. Le changement climatique a eu un impact plus grand là-bas, parce que le climat des Alpes est déjà un peu plus chaud. Donc, si la température monte, les glaciers fondront davantage.
L'autre chiffre que j'ai cité était 1,4 oC. Il s'agit d'une prévision. Si l'on pose pour hypothèse que la température sera plus élevée de 1,4 oC au cours des 30 prochaines années, un modèle informatique nous permet de déduire que tous les glaciers des Rocheuses canadiennes situés au sud du 54e parallèle disparaîtront d'ici 50 à 100 ans.
Je ne dis pas que cela va se produire, mais je dis tout de même que 1,4 oC, ce n'est pas grand-chose, puisque nous avons déjà atteint la moitié de ce degré de réchauffement au cours des 100 dernières années.
Le sénateur Angus : Est-ce que cela s'était déjà produit avant? Il y a cette incroyable théorie qui veut que tout cela ne soit qu'une partie d'un grand cycle qui comporterait une ère glaciaire, puis un retrait des glaces, puis la fonte et ainsi de suite. Croyez-vous à cette théorie?
Mme Jiskoot : Bien sûr, je crois aux changements climatiques naturels. Quand il y avait des dinosaures sur la planète, le climat était beaucoup, beaucoup plus chaud ici, et il n'y avait pas de glaciers au Canada. Il n'y avait pas de montagnes Rocheuses non plus.
C'est un fait connu que, entre 1650 et 1850, environ, nous avons connu une période froide, qu'on appelle la petite ère glaciaire. Les oeuvres des peintres danois illustrent le climat de cette période qui a été naturellement froide.
Il y a un lien certain entre la concentration de CO2, les gaz à effet de serre et le changement climatique, et nous voyons ce lien les noyaux des glaces au cours de périodes antérieures à l'arrivée des industries et des émissions massives de CO2.
Que nous soyons ou non la cause du changement climatique, nous devons nous ajuster en conséquence. Pour pouvoir nous ajuster au changement climatique, nous devons savoir qu'est-ce qui est en train de se passer.
Je viens d'entendre M. Fitzpatrick dire que nous avons des sommes de données faramineuses et que nous n'avons pas assez de scientifiques. Je ne crois pas que nous ayons tant de données. Nous manquons de données longitudinales sur beaucoup d'aspects. Vous venez de mentionner qu'il n'y a pas de nappes d'eau souterraines. Or, nous ne savons pas exactement ce que nous avons en réserve dans le sous-sol.
Nous, scientifiques, ne pouvons faire des prédictions plus justes que le Canadien moyen si nous n'avons pas les données. Même si nous avons de bons scientifiques, nous avons besoin de beaucoup plus de données.
M. Fitzpatrick : Nous devons avoir certaines informations compilées par des chercheurs autres qu'universitaires. La compilation à long terme des activités exige des compétences en gestion autres que celles qu'on trouve dans les universités.
Par exemple, une université est mal placée pour étudier tout ce qui a trait au forage pétrolier et gazier dans l'Ouest et à la mesure des eaux souterraines effectuée aux fins de ce forage. Ce genre d'information permettra l'élaboration de lignes directrices et de règlements, et deviendra un savoir fondamental pour la prise de décisions.
Je pense que, aux fins de la recherche, il faudrait mettre ensemble les résultats de la recherche effectuée par le secteur public, par les fonctionnaires et par les universités. Nous devons trouver un moyen d'unir tous ces outils de recherche pour que nous puissions arriver à des réponses plus sûres.
Mme Jiskoot : Le financement de programmes universitaires se fait généralement sur des périodes de quatre ou cinq ans. Ensuite, il faut présenter une nouvelle demande. Des institutions fédérales comme Environnement Canada et Agriculture et Agroalimentaire Canada ainsi que la Commission géologique du Canada ont des projets à plus long terme, et pourraient fournir les données à long terme que nous pourrions utiliser pour mesurer les changements.
M. Fitzpatrick : Je n'ai jamais laissé entendre que les universités ne pouvaient pas donner toutes les réponses, parce que si nous n'avons pas l'information, nous allons donner des réponses quand même.
Le sénateur Milne : M. Fitzpatrick, je voudrais savoir comment vous définissez ce qu'est une zone aride et ce qu'est une zone semi-aride. Vous avez dit que Lethbridge n'était pas située dans une zone semi-aride.
M. Fitzpatrick : S'il s'agissait d'une zone aride, rien n'y pousserait. La zone où se trouve Medicine Hat est semi- aride, parce que les précipitations y atteignent le seuil voulu. Il s'agit d'un seuil de faible précipitation fixé assez arbitrairement.
Le sénateur Milne : Avez-vous des cartes de ces zones pour le sud des Prairies?
M. Fitzpatrick : Les deux zones de faible précipitation au Canada sont la ceinture qui va de Kelowna à Winnipeg, et la ceinture du Nord, où la teneur en humidité due aux précipitations est également faible. Ce sont les zones où l'évapotranspiration pourrait bien être supérieure à la quantité de précipitations ou au degré d'humidité.
Nous parlons alors de zones semi-arides. Ainsi, les gens comprennent.
Le sénateur Milne : C'est pourquoi je suggère que vous ne changiez pas ce terme.
M. Fitzpatrick : Oui. Je crains que quelqu'un qui connaîtrait la définition et qui s'apercevrait que sa région reçoit un millimètre de plus que le seuil voulu m'appellerait pour me demander d'utiliser un autre terme.
Le fait est que, à partir de Red Deer en allant vers le sud, l'eau est le principal facteur contraignant pour l'agriculture.
Prenons deux villes distinctes. Drumheller et Lethbridge ont déjà été des villes de même taille. Lethbridge a l'avantage d'être bien irriguée; Drumheller a les dinosaures. Lethbridge compte 73 000 habitants; Drumheller, 15 000. L'activité économique et les retombées ne sont pas très grandes dans cette ville. C'est en partie dû au hasard. Nous sommes plus près des montagnes et nous avons donc l'avantage d'être dans une région bien irriguée par les neiges et les rivières qui descendent des montagnes.
Le sénateur Milne : Nous admettons que ce n'est pas seulement la réorganisation de la fonction publique fédérale qui a paralysé la recherche, c'est le manque de fonds alloués à la recherche.
Le Canada ne fait plus de recherche spécialisée depuis 10 ans.
Quelle serait votre liste de priorités si vous étiez Dieu et que vous distribuiez de l'argent?
M. Fitzpatrick : Je ne veux pas empiéter sur l'exposé du professeur Klein.
Le sénateur Milne : Je vais la laisser répondre elle-même.
M. Fitzpatrick : Le professeur Klein est assis derrière nous.
Il ne s'agit pas seulement de savoir; il faut transformer ce savoir en mesures concrètes.
Je ne suis pas sûr du tout que nous faisions le meilleur usage possible de l'eau que nous avons en agriculture pour maximiser les gains économiques. Je ne suis pas sûr que de faire pousser des semences qui exigent beaucoup d'eau, comme la patate et la betterave, soit bien avisé. Nous pourrions faire mieux en cultivant des produits qui demandent moins d'eau.
Ce sont des enjeux complexes, et je pense que l'aspect économique de l'utilisation de l'eau est important dans le secteur agricole.
Nous devons toujours nous demander si nous faisons les meilleurs choix sur le plan de l'utilisation de l'eau.
Nous devons comprendre comment notre politique sur l'eau et notre politique en matière d'émission de permis influent sur l'utilisation que l'on fait de l'eau et sur sa valeur économique.
Ce n'est pas partout au monde que les terres cultivées ont leurs propres sources d'eau. Nous venons d'obtenir la venue au Canada d'un chercheur de l'University of Southern Australia, à Adélaïde, qui nous fera profiter de sa riche expérience des méthodes appliquées dans le bassin Murray-Darling, qui sont un exemple de vente et d'utilisation de l'eau comme instrument économique. L'eau est ainsi amenée dans les régions où elle a la plus grande valeur.
Toutefois, le fait de considérer l'eau comme une marchandise me préoccupe. Nous devons faire bien attention si nous nous engageons dans cette voie et, si nous choisissons de le faire, nous devrons trouver l'équilibre entre les valeurs sociétales et les valeurs économiques. Beaucoup de gens à Lethbridge paieraient n'importe quoi pour avoir un gazon vert. Cela ne créerait pas grand activité économique, mais ces gens auraient l'argent pour se payer l'eau nécessaire. C'est typique de la situation au Canada. Nous devrions faire la part des choses.
Je pense que nous devons comprendre quelles sont les obligations prévues en vertu des traités internationaux. C'est ce qui déterminera notre utilisation de l'eau, à long terme.
Le sénateur Milne : La rivière Milk et la rivière St. Mary.
M. Fitzpatrick : Ce n'est pas tant l'eau des rivières Milk et St. Mary qui m'inquiète, c'est l'ensemble des réserves d'eau.
C'est ma tribune, et je crois que nous vivons une époque très intéressante de notre vie, parce que les gens signent des traités mondiaux, et nous n'avons rien réalisé de concret encore. Nous ne savons pas comment ces traités influeront sur notre capacité d'utiliser et de gérer l'eau.
Je pense que l'eau sera ce que le pétrole a été pour le siècle dernier. Ce sera le principal moteur économique. Je pense que les Canadiens doivent trouver un moyen de maximiser l'utilisation de l'eau.
La réponse courte, c'est que, avant d'investir un autre sou dans les sciences de l'eau, je me pencherais sur les questions sociales et juridiques liées à l'eau. C'est particulièrement pertinent quand on parle d'agriculture et de recherche dans le domaine agricole. C'est là-dedans que j'investirais des fonds.
Le sénateur Milne : Parlant d'agriculture et de recherche dans le domaine agricole, y a-t-il des travaux dans ce domaine qui se font au sein de votre institution, étant donné que l'université avait à l'origine une vocation agricole?
Y a-t-il des études sur l'avenir des pratiques agricoles dans des régions comme le sud de l'Alberta ou la Saskatchewan?
Si le réchauffement de la planète s'avère aussi grave que nous nous y attendons, l'industrie agricole peut-elle survivre à la diminution des réserves d'eau et à des sécheresses de plus en plus fréquentes?
Fait-on de la recherche sur les récoltes ou le mode de mise en marché, se passe-t-il quelque chose du genre dans ces régions qui seront les premières touchées, après le Grand Nord?
M. Fitzpatrick : C'est une très bonne question.
Le sénateur Milne : Lethbridge a d'abord été une université à vocation agricole.
M. Fitzpatrick : La mauvaise nouvelle, c'est le réchauffement de la planète, et la bonne nouvelle, c'est le réchaufferment de la planète. Le réchauffement planétaire fera augmenter le nombre de jours sans gel, et cela permettra de cultiver de nouveaux produits. Cela pourrait très bien accroître les précipitations dans la région.
Le problème, c'est que cela accroîtra le taux global d'évapotranspiration dans la région, et c'est là que ça va nous tuer.
Le sénateur Milne : C'est pour cette raison que vous devez vous tourner vers l'Australie et le sud des États-Unis pour trouver des méthodes de gestion de l'eau.
M. Fitzpatrick : Pour être honnête, je ne me fierais pas aux méthodes du sud des États-Unis pour régler quoi que ce soit.
Le sénateur Milne : Non, vous avez raison. Il y a trop de sel à la surface du sol là-bas.
M. Fitzpatrick : Dans le Midwest américain, on prend l'eau des aquifères à des fin d'irrigation et d'entretien des récoltes. On ne peut pas puiser cette eau éternellement, et je m'inquiète des conséquences de cette méthode.
La Chine puise aussi son eau des aquifères. Si la nappe d'eau souterraine diminue et que les puits doivent être plus profonds chaque année, on est dans le trouble.
J'ai lu sur le sujet, et j'en ai parlé aux gens d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, qui est partenaire avec la Chine dans les programmes de recherche sur l'irrigation, et je pense tout simplement que nous sommes vraiment dans le trouble.
Je pense vraiment que nous devrions réfléchir aux questions de politique, de droit et d'internationalisation, en ce qui concerne l'eau. J'ai l'intention de commencer à travailler là-dessus dès que j'en aurai fini avec certains projets en cours.
Il nous a fallu deux ans pour dénicher un chercheur qui pourrait constituer une chaire canadienne de recherche qui se penchera sur le problème de l'eau au regard des questions sociales et économiques. J'ai dû me rendre en Australie, en novembre, avec une mallette pleine d'argent. Cela a l'air d'un scandale fédéral, mais c'était plutôt un scandale local. Je me suis rendu à Adélaïde et j'ai passé une semaine avec sa femme et lui pour les convaincre de venir au Canada.
Je pense que le plus important, c'est que nous commencions à en parler, afin que nous puissions tous comprendre les conséquences des décisions que nous prenons.
Le sénateur Milne : Afin qu'elles soient prises avec des données scientifiques sûres à l'appui et qu'on sache d'avance les conséquences auxquelles on doit s'attendre.
Mme Jiskoot, qu'y a-t-il sur votre liste de souhaits?
Mme Jiskoot : Mon voeu serait de ne pas faire de recherche scientifique avec un budget de misère. Bien sûr, j'ai une vision un peu étroite du problème, puisque je m'intéresse essentiellement aux glaciers. J'aimerais intégrer tous les glaciers et toutes les eaux de glacier dans les calculs. J'aimerais que des études longitudinales aient du financement et que des études soient financées pour l'établissement de prévisions à court et à long termes. Les scientifiques n'établissent pas les politiques. Nous essayons souvent de fournir les données nécessaires, mais ce que nous présentons n'est jamais catégorique. Nous disons toujours que nous sommes sûrs à 95 p. 100, mais les politiciens veulent une certitude de 100 p. 100.
Le sénateur Milne : Rien n'est certain à 100 p. 100.
Mme Jiskoot : J'aimerais avoir du financement, non seulement pour les études en glaciologie, mais aussi pour des études sur les nappes d'eau souterraine et pour l'ensemble de l'eau. J'aimerais obtenir les données qui permettraient de faire des prévisions sur l'état futur de la situation.
Le sénateur Milne : Vous parlez de cartographier les nappes d'eau souterraines et les aquifères.
Mme Jiskoot : Je parle de cartographier les glaciers. Nous n'avons pas d'inventaire des glaciers des Rocheuses canadiennes. Nous avons des inventaires pour l'île Axel Heiberg, par exemple, au Nunavut, mais rien encore de très exhaustif pour l'île d'Ellesmere et pour d'autres régions.
Je pense que nous devons aussi nous pencher sur l'attitude des gens qui n'évoluent pas dans le monde scientifique. Je ne suis pas d'accord avec M. Fitzpatrick, d'une certaine manière, parce que, en Californie, les gens ont changé. C'est maintenant très bien vu d'avoir une petite auto par respect pour l'environnement.
Il y a des petites choses qui peuvent être faites à partir des édifices fédéraux et municipaux. Si vous arrosez la pelouse avant le lever ou après le coucher du soleil, vous ne perdez pas toute l'eau avec l'évapotranspiration. Si nous changeons l'attitude des gens pour les amener à penser conservation de l'eau, je pense que ce sera déjà quelque chose. Les gouvernements fédéral et provinciaux peuvent agir en ce sens.
Le sénateur Buchanan : Je vais tenir des propos un peu controversés, contrairement à mes collègues.
Je suis du Missouri, et mes origines paraissent quand on parle de changement climatique. J'ai lu beaucoup d'ouvrages de différents scientifiques.
À l'institut Bedford, à Dartmouth, on trouvera environ 60 p. 100 des gens qui sont d'accord pour dire qu'on assiste à un changement climatique, et 40 p. 100 des gens qui contestent cette affirmation. Certains spécialistes disent qu'il s'agit seulement de changements cycliques et que la situation s'est déjà produite avant. Ils disent que ce n'est qu'une répétition d'un phénomène connu, comme le veut la mère nature.
Vous venez de dire : « Que nous soyons ou non la cause du changement climatique, nous devons faire quelque chose à cet égard. » Oui, vous avez dit cela.
Mme Jiskoot : J'ai dit que nous devions « nous ajuster en conséquence ».
Le sénateur Buchanan : En effet, vous avez employé le mot ajuster.
Pourquoi y a-t-il une controverse? Vous n'êtes pas d'accord avec moi là-dessus, bien sûr; je sais que vous ne l'êtes pas.
Il y a eu un article assez récemment sur la théorie du bâton de hockey. Les déclarations de quelques scientifiques et économistes sur cette théorie ont eu l'effet d'une douche froide. Ils ont dit que les gens qui parlent de changement climatique depuis des années utilisent des modèles informatiques erronés et que, si l'on retourne 100 ans en arrière, on trouvera le même changement climatique, qui s'est produit à la fin des années 1800. Le graphe des températures monte comme ça, puis redescend comme ça, puis il monte encore. Aujourd'hui il est de nouveau à la hausse.
Croyez-vous quelque chose là-dedans?
Il y a quelques années, j'étais en Alaka et nous avons navigué jusqu'à un glacier. Les gens à bord du traversier que nous avons pris disaient que le glacier avançait et reculait constamment.
Mme Jiskoot : Le glacier Columbia, oui.
Le sénateur Buchanan : C'est près de Ketchikan, je pense.
Quelqu'un a fait remarquer que le changement climatique était la raison du mouvement du glacier. On a dit que le glacier existait depuis longtemps et que, dans 20 ans, il pourrait avoir reculé énormément et que, dans 20 autres années, il pourrait être de retour là où il est maintenant. Il avance et recule constamment.
Il y a environ 20 ans, lors d'une conférence des premiers ministres, nous nous sommes rendus sur un glacier près d'Edmonton. Nous y sommes allés à bord d'un énorme autobus équipés de pneus ballons. Il était toujours là il y a quatre ans, et pas tellement différent de ce qu'il était il y a 20 ans. Je ne l'ai pas mesuré, mais il ne paraissait pas tellement différent.
Pourquoi ces cycles se sont-ils produits au fil des ans?
Bien sûr, si vous allez en Nouvelle-Écosse et dans la région de Peggy's Cove, vous verrez les traces laissées par l'ère glaciaire, mais la glace était partout à cette époque. Il n'y en a plus, et ce sont de gros rochers qu'on trouve à cet endroit. Des ères glaciaires se sont produites à répétition.
Je suis d'accord pour dire que, que nous ayons causé le changement climatique ou non, nous devons nous ajuster en conséquence, mais les gens disaient peut-être déjà cela en 1890.
Mme Jiskoot : Bon, je pense que vous avez posé deux questions.
Les gens qui contestent les données ne sont pas des scientifiques indépendants.
Le sénateur Angus : Un instant; les scientifiques du centre océanographique de Dartmouth sont indépendants.
Mme Jiskoot : Ce n'est qu'une institution, et il n'y a là qu'une poignée de scientifiques. Les scientifiques se comptent par centaines.
Le président : Vous avez là un argument sémantique.
Ils ne contestent pas le fait que des changements climatiques se produisent, ils remettent en question le degré auquel la population est la cause de ce changement.
Ai-je raison? N'est-ce pas exact?
Le sénateur Angus : Oui, vous avez raison, comme toujours. J'ai déjà dit à Harry Currie que vous aviez toujours raison.
Mme Jiskoot : Bien sûr, j'ai entendu parler de la théorie dite du « bâton de hockey ».
Bon, d'accord, notre façon de mesurer la température pose un problème. Les instruments n'étaient pas précis au 0,5oC près il y a 100 ou 200 ans. Comment pouvons-nous donc affirmer que la température a augmenté de 0,5oC?
La température n'est pas le seul signe des changements climatiques. J'ai parlé de la fonte du pergélisol. Les glaces marines fondent beaucoup plus rapidement. Le gel des rivières ne se produit pas aussi tôt dans la saison et fond beaucoup plus tôt. Les précipitations de neige ont également diminué. Des changements écologiques s'opèrent.
Se sont là autant de preuves circonstancielles des changements climatiques.
Le sénateur Angus : Croyez-vous que cela aurait pu se produire en 1890?
Mme Jiskoot : Bien sûr. Cela a toujours existé. Les Vikings en ont été témoins : ils ont vécu au Groenland pendant un certain temps et ils y faisaient pousser des pommes de terre. Mais ils n'ont pas su s'adapter aux changements climatiques et n'ont pas survécu. Ils sont morts car ils ne se sont pas adaptés au climat. Ils voulaient continuer de cultiver des pommes de terre même si ce n'était plus possible.
Voilà ce qui nous arrivera : nous ne survivrons pas si nous ne nous adaptons pas aux changements climatiques.
Votre deuxième question portait sur l'instabilité des glaciers. Vous abordez un de mes sujets de prédilection, car j'ai étudié ces glaciers.
Le sénateur Buchanan : Et moi, bien sûr, je n'y comprends rien.
Mme Jiskoot : Les glaciers s'ajustent aux changements climatiques. Si le climat se refroidit et les précipitations augmentent, ils entrent en expansion, grossissent et avancent. Si la fonte dépasse les précipitations, ils reculent.
On appelle « glacier en crue » un glacier instable, qui semble animé d'une volonté propre. L'instabilité interne entraîne parfois une avancée rapide du glacier. Pendant jusqu'à 40 ans, son avancée est lente et stable, puis, pendant un, deux ou trois ans, il avance très rapidement.
L'un de ces glaciers que vous avez observés est un glacier de marée, dont le comportement est également instable.
Nous ne nous servons pas de ces glaciers pour mesurer les changements climatiques. Nous ne nous en soucions pas.
Le sénateur Buchanan : Vous ne vous en souciez pas?
Mme Jiskoot : Nous ne nous en soucions pas en ce qui a trait à l'observation des signes de changements climatiques dans les glaciers. Nous devons observer seulement les glaciers dont l'avancée est stable, qui n'ont pas de poussée rapide suivie d'un recul, car cela brouille les signaux climatiques. Ces signaux sont tout de même contenus dans ces glaciers, car chaque poussée est toujours suivie d'un recul à l'endroit exact où il se trouvait avant. Si le glacier contient un signal climatique, son recul est légèrement supérieur à son avancée.
Nous choisissons avec soin les glaciers que nous étudions, soit les glaciers stables.
Le sénateur Buchanan : D'accord, monsieur le président. Je suis désolé d'avoir accaparé la conversation.
Je suis plutôt satisfait, par contre, que Mme Jiskoot soit maintenant en quelque sorte d'accord avec moi et que nous soyons tous deux du Missouri.
Le président : Et je suis convaincu qu'elle en est aussi très heureuse.
Je vous remercie beaucoup de votre présence. Nous pourrions visiblement poursuivre cette conversation pendant quelques heures encore.
Le sénateur Adams : Monsieur le président, je suis volontaire.
Le président : J'en prends note, sénateur Adams, mais nous n'avons malheureusement plus de temps. D'autres sénateurs figurent également sur la liste des intervenants, mais nous n'avons plus de temps.
Le sénateur Angus : Pouvons-nous lui demander si elle va faire du ski en hélicoptère?
Le président : Je suis convaincu que ce n'est pas le cas.
Mme Jiskoot : Je me rends sur mon glacier en hélicoptère, oui.
Le président : Nous demanderons à vous rencontrer de nouveau. Entre-temps, il est possible que nous vous écrivions pour vous poser des questions découlant de votre exposé d'aujourd'hui. J'espère qu'il vous sera possible d'y répondre. Nous vous inviterons peut-être à nous rencontrer de nouveau, peut-être à Ottawa, ou nous viendrons vous rendre visite.
Nous allons en rester là, sénateurs, et je vais demander au professeur Klein de venir et de se joindre à nous, et nous poursuivrons l'audience.
M. Fitzpatrick : Avant de conclure, je voudrais simplement faire une observation. Je voudrais vous dire que les Nations Unies ont un programme d'eau douce. Le 22 mars, elles vont proclamer la Décennie internationale d'action : l'eau, source de vie.
Les personnes qui ont organisé le projet « L'eau, source de merveilles » ont déplacé ces activités vers l'Université de Lethbridge, et nous allons en être les organisateurs. En partenariat avec Global Television, nous allons produire une série de messages d'intérêt public. Global Television a dirigé ce projet. Il va nous donner un temps d'antenne gratuit d'une valeur de 8 millions de dollars. Cela montre clairement que l'université de Lethbridge prend très au sérieux cette question de l'eau et de l'environnement.
Je vous remercie de votre temps.
Le président : Je tiens à remercier les deux témoins de leur présence. Cela a été très utile.
Le professeur Kurt Klein vient aussi de l'Université de Lethbridge. Nous avez entendu les mises en garde que j'ai adressées aux autres témoins, professeur Klein. Vous avez donc la parole.
Je suis heureux de constater que vos collègues restent. Merci.
Kurt Klein, professeur, Université de Lethbridge, à titre personnel : Eh bien, je remercie sincèrement de cette invitation le sénateur Banks et le comité.
C'est la première fois que je comparais devant un comité de ce genre, et je n'étais pas vraiment certain de la démarche que je devais adopter.
Je suis économiste agricole et j'ai consacré la plus grande partie de ma carrière professionnelle aux problèmes de la politique et des questions commerciales agricoles.
Je constate que le sénateur Buchanan est parti, et c'est peut-être une bonne chose, car j'ai dirigé une équipe d'économistes qui se sont penchés sur le Programme d'aide au transport des céréales fourragères, au début des années 1970, et sur la question du commerce de l'arbre de Crow's Nest.
Plus récemment, mes recherches ont porté sur deux domaines. Je dirige une équipe de spécialistes canadiens en sciences sociales qui font des études concernant les aspects socio-économiques des produits biologiques et la conversion du biotraitement à une bioéconomie.
Il y a plusieurs études en cours à l'Université de Lethbridge, à l'Université de la Saskatchewan et à l'Université Laval à Québec, et dans d'autres intitutions associées, sur les conséquences économiques et sociales d'une éventuelle conversion à une bioéconomie. Il s'agit notamment de l'éthanol, du biodiesel, des bioplastiques et d'autres combustibles biologiques.
Mon deuxième domaine de recherche et celui de l'eau, sur lequel mon intervention va porter. En ce qui la concerne, nous essayons d'établir une équipe de spécialistes en sciences sociales qui étudiera les questions de l'eau.
J'ai préparé un mémoire de quatre pages environ pour le comité, et je serai très bref et je n'aborderai que quelques- uns des points principaux.
Au cours de tout le XXe siècle, l'utilisation de l'eau, au Canada et ailleurs, a constitué une partie intégrante de la politique économique et sociale. Les barrages, les réservoirs, et les canaux ont été construits afin d'augmenter la productivité des terres dans les régions plus arides, afin de réduire le facteur risque pour les récoltes, de créer des emplois, et d'accroître la production alimentaire à des fins de consommation interne et d'exportation.
Il s'agissait de politiques visant à renforcer l'offre qui mettaient l'accent sur une plus grande disponibilité et de meilleures capacité de stockage de l'eau. Elles ont laissé la place aux préoccupations au plan de la durabilité environnementale, de la sécurité à long terme de l'approvisionnement en eau, et d'une meilleure compréhension de la nécessité d'envisager des stratégies axées sur la demande afin d'assurer l'utilisation optimale d'une ressource qui se raréfie de plus en plus.
À la fin de 2003, le gouvernement de l'Alberta a publié un document stratégique intitulé L'eau pour la vie : la stratégie de l'Alberta pour assurer la durabilité. Un des éléments clefs de ce document est que, au plus tard en 2007, le province devrait avoir complété une évaluation des instruments économiques et avoir fait des recommandations sur la question de savoir s'il est justifié d'avoir recours à des instruments de ce genre pour atteindre les objectifs relatifs à la conservation de l'eau et à la productivité. Cette stratégie signale qu'il est nécessaire de faire des recherches sur l'efficacité des instruments économiques suivants : la fixation du prix de l'eau, l'imposition des pratiques qui aboutissent à des gaspillages, les subventions à la conservation, l'utilisation de droits sur l'eau aliénables.
À l'heure actuelle, pour la première fois au Canada, on fait des recherches sur certaines des questions socio- économiques de manière systématique. Au centre d'ingéniosité albertaine pour la recherche sur l'eau, qui vient d'être créé, nous avons établi une petite équipe de chercheurs en sciences sociales chargée de faire ce genre de recherches.
Très peu de recherches ont été faites dans ce domaine et cela est vraiment tragique. Non seulement il nous manque des données de base, mais il nous manque aussi le personnel bien formé pour faire ces recherches.
Voilà qui nous démarque nettement de nombreux autres pays, et l'on pense immédiatement aux États-Unis, où un consortium, le W190 Group, subventionné par le gouvernement fédéral, et composé d'environ 50 chercheurs en sciences sociales, fait des recherches et forme des étudiants de deuxième et troisième cycle sur les questions de l'eau depuis des années et des années.
Nous commençons à étudier ces questions très importantes de politiques de stimulation de l'offre en disposant de très peu de données fondamentales et en l'absence presque complète de personnel qualifié. Nos activités ont démarré, mais le financement de ce genre de recherches est minime, et cela a retardé les progrès dans ce domaine qui est négligé depuis longtemps. Dans ce nouveau centre de recherches sur l'eau, on ne consacre qu'un peu plus de 10 p . 100 du budget de recherches à celles qui ont trait aux questions socio-économiques.
Nous entendons plus tôt aujourd'hui M. Fitzpatrick, qui nous a parlé de l'importance d'obtenir des réponses dans ce domaine.
Je suis ici pour vous dire que s'il s'agit de domaines très prioritaires, nous ne savons toujours pas grand-chose sur ces questions.
Nous vivons dans une économie de marché, une économie de marché qui a recours aux incitations destinées à guider les actions des producteurs et des consommateurs, qui sont canalisées par les institutions et règlements sociaux que nous avons en place dans l'économie. Tout ce qui oriente les décisions est d'une importance critique pour les résultats. C'est un problème réel pour nous, car nous ne savons vraiment pas de quelle manière, et à quel rythme, les agriculteurs, et d'autres, adopteront de nouvelles technologies, ce qui les porte à le faire, ou si les différentes pratiques seront profitables.
J'ai énuméré quatre priorités clefs pour ce genre de recherches, qui occupent environ deux pages et demi.
Le premier domaine prioritaire dans ce genre de recherches est celui qui porte sur la gestion de la demande d'eau, la fixation administrative des prix, et les marchés de l'eau. Un bon nombre d'entre vous ne sont pas sans savoir que les marchés de l'eau ont été créés ou rendus possibles grâce aux récentes modifications législatives adoptées en Alberta, et la sécheresse de 2001 nous donne un bon exemple où les marchés de l'eau ont été opérationnels.
J'ai une étudiante de deuxième cycle qui a presque complété son mémoire de maîtrise sur l'incidence du marché de l'eau sur le district d'irrigation de la rivière St. Mary. Elle s'est penchée sur l'étendue du champ opérationnel des marchés, sur les conclusions, sur les prix de l'eau, et cetera.
Un deuxième domaine est constitué par le réchauffement global. Nous avons fait quelques études à ce sujet, pas sur la question de l'eau en tant que telle, mais sur la manière dont le réchauffement global pourrait avoir des répercussions sur l'agriculture dans les trois provinces des Prairies. Nous avons collaboré avec des pédologues, des phytotechniciens et des météorologues agricoles d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, afin de faire une série d'études sur le réchauffement global. Il reste encore beaucoup à faire. Il faut des études supplémentaires afin de comprendre la question de l'approvisionnement en eau, de comprendre quels ajustements des choix de cultures et des pratiques agricoles sont nécessaires au regard des variables climatiques.
Le troisième domaine est constitué par les questions écologiques et environnementales. Nous avons vu que le détournement d'eau aux fins d'irrigation s'est traduit par la dégradation de l'habitat des poissons dans les ruisseaux et rivières du sud de l'Alberta. De plus, d'autres animaux, comme la chevêche des terriers, sont touchés par l'intensité des cultures dans les régions irriguées.
Il y a beaucoup d'autres questions liées à l'environnement et les compensations économiques, car nous agissons dans le cadre d'une économie de marché où les producteurs et les consommateurs prennent leurs décisions en fonction des messages qu'ils perçoivent. Dans de nombreux cas, les agents économiques ont tenté de promouvoir leurs propres intérêts, et cela a eu des conséquences défavorables sur les variables environnementales.
Le quatrième domaine est celui de la gestion agricole. L'irrigation constitue la plus forte source de consommation d'eau dans cette région plus aride du Canada. Les décisions prises par les agriculteurs concernant leur propre consommation d'eau pourrait avoir un incidence importante au plan de l'efficacité et de la durabilité de la consommation d'eau dans toute cette région.
Si on augmentait les prix de l'eau, une ressource rare, cela voudrait dire que les agriculteurs essaieraient de réduire dans une certaine mesure leur consommation d'eau, peut-être pour maintenir leur rentabilité.
Nous n'avons pas de bonnes idées et nous n'avons pas de bonnes données sur la question de savoir si les réductions de consommation d'eau se traduira par des changements au plan de la production des différentes cultures. Les productivités supplémentaires de l'eau dépendent des différentes cultures, elles ne sont pas les mêmes pour le blé d'une région à l'autre.
Nous devons en savoir beaucoup plus en ce qui a trait à la réaction des cultures à différents niveaux d'irrigation, des coûts et des rendements des différentes stratégies de conservation d'eau, et cetera...
La plupart de nos connaissances dans ce domaine provient d'études effectuées par des ingénieurs, ou d'études de sols, dont les auteurs ont essayé de trouver les quantités d'eau qui assurent les productions optimales ou maximales pour les cultures. En fait, ce n'est pas de cette manière que les agriculteurs s'y prennent, et nous le savons grâce à notre longue expérience et un grand nombre d'études. Nous savons que ces sortes de productivités marginales seraient touchées.
Nous n'avons vraiment pas de bonnes données; en fait, nous aucune donnée. Si un agriculteur me pose une question à ce sujet, je ne peux que lui répondre de donner un coup de téléphone certains de mes collègues du W190 Group aux États-Unis afin de voir quels renseignements ils ont, et ils en ont beaucoup. J'essaie ensuite, de manière concrète, d'adapter leurs renseignements à nos conditions, car ils travaillent non seulement sous un climat et dans des conditions de terrain différentes, mais dans un environnement juridique et institutionnel complètement différent.
Je vous remercie. Je suis prêt à répondre à toutes vos questions.
Le président : Merci beaucoup, professeur Klein. Votre exposé était très concis, et nous avons le document, qui ramène à la surface encore plus de choses.
Le sénateur Adams : Je ne suis pas agriculteur, je suis chasseur.
Vous avez dit que vous aviez fait une étude agricole. Nous avons subi une sécheresse assez grave dans la région ouest. La situation a été si grave il y a quelques années que nous avons dû obtenir du foin de l'Ontario pour nourrir notre bétail.
Dans l'ouest, il y a l'élevage et l'agriculture classique, et ils consomment beaucoup d'eau.
M. Klein : Oui. Je vous remercie de votre question. Bien entendu, l'eau est essentielle pour l'agriculture, comme est l'est pour la vie et la survie des humains.
Notre élevage constitue une grosse industrie, surtout dans l'Ouest canadien; on élève du bœuf et du porc. C'est vraiment le sud de l'Alberta qui constitue le centre de production du bœuf au Canada.
J'ai dit que j'avais participé à deux grandes catégories de projets, encore que, depuis un an et demi, au lieu de mettre l'accent sur les questions d'eau et de produits biologiques, j'ai consacré la plus grande partie de mon temps à la question de l'ESB.
De manière générale, nous avons un approvisionnement en eau suffisant pour nos industries de l'élevage. Évidemment, le bétail consomment beaucoup d'eau, et de nombreux déchets agricoles constituent un corollaire de l'élevage. Dans le sud de l'Alberta, où se trouve le plus grand nombre d'animaux, la quantité de déchets agricoles est la plus forte. Selon certaines estimations, la quantité d'excréments produits simplement par les animaux du seul comté de Lethbridge est équivalente à celle produite par une ville comptant entre 8 ou 9 millions d'habitants, ce qui cause souvent la contamination des eaux souterraines et des écoulements en surface. Agriculture et Agroalimentaire Canada, ainsi que d'autres organismes du gouvernement fédéral et l'université participent à des études en cours afin de déterminer les conséquences de ces déchets agricoles.
Les conditions de sécheresse que vous avez mentionnées ont principalement touché le bétail, en ce qui concerne le foin, comme vous l'avez signalé. Cela dit, nous avons des sécheresses presque chaque année, quelque part dans les provinces des Prairies. La campagne Hay West a eu droit à beaucoup de publicité, car il est inusité de transporter du foin aussi loin; en fait, ce n'est, en général, pas économique. Elle n'aurait pas eu lieu sans des subventions gouvernementales considérables et des donations provenant de particuliers et de groupes privés. La quantité de foin qui est arrivée là-bas était faible et plutôt symbolique, mais elle a eu droit à beaucoup de publicité.
Bien entendu, les sécheresses ont touché non seulement le foin, mais les récoltes, dont le bétail a besoin, pas seulement pour le grain qui sert à le nourrir, mais aussi la paille et les autres produits dérivés du grain.
Le sénateur Adams : Surtout cette année, entre la Californie et la Colombie-Britannique, où il y a eu un glissement de terrain en raison de pluies abondantes.
Quelle est la différence en ce qui a trait à la quantité de pluie? Le terrain est-il trop plat dans certains lieux?
M. Klein : Je ne suis pas qualifié pour répondre à ce genre de question. Je porte mon attention aux réactions des humains aux conditions qui prévalent concrètement.
Les éleveurs doit s'adapter au problème de l'ESB. Ils doivent s'adapter aux sécheresses lorsqu'il y en a. Quelle sorte de signaux suivent-ils pour ce faire?
Du côté des consommateurs, si, comme M. Fitzpatrick l'a mentionné, nous utilisons plus de compteurs d'eau à Calgary et d'autres villes, cela aura une incidence sur la consommation d'eau.
Comment les consommateurs réagissent-ils? Comment les producteurs réagissent-ils aux changements de prix en fin de production et qui touchent le processus de production , et aux changements des règlements?
Nous nous résignons à la pluie, et c'est ainsi que pensent nos agriculteurs.
Le sénateur Adams : Les personnes concernées par le pipeline étaient ici ce matin. Nous ne prévoyons pas que ces pipelines à gaz pomperont le gaz et le pétrole éternellement.
Je sais que nous avons un lac autour des Territoires. Si rien ne changeait, seraient-ils capable de faire cela dans le système à l'avenir?
M. Klein : Eh bien, là encore, je ne suis pas qualifié pour répondre à cette question.
Évidemment, notre société consomme une quantité phénoménale de ressources. Nous sommes l'un des plus gros consommateurs de ressources par habitant au monde. C'est dû en partie à notre climat froid, à notre faible densité de population, et à la richesse de notre pays. Nous avons les moyens de consommer beaucoup. Nous cherchons toujours des nouvelles ressources, car cela contribue à notre mode de vie et à la manière dont les gens vivent.
En qualité d'économiste, je veux aider à fournir les renseignements servant au débat public sur le rapport coût- bénéfice des différentes sortes de formules d'acquisition de ressources. Personnellement, je veux que nous consommions nos ressources de la manière la plus sage possible. Lorsque je dis « sagement », cela ne veut pas dire que nous ne devons rien consommer, mais le faire de manière optimale et donc la maintenir au minimum.
Le sénateur Adams : Où nous vivons, à la Baie d'Hudson, nous avons environ cinq parcs et il y a des fleuves qui aboutissent à celle-ci.
Nous prévoyons plus de sécheresses à l'avenir. Il doit y avoir une manière de ralentir l'eau et de l'empêcher d'aboutir à la mer et de nuire à notre poisson. Les provinces et le gouvernement fédéral doivent se concerter pour prendre des mesures. Si nous voulons conserver notre eau, assurons-nous qu'elle ne s'écoule pas vers la mer. Nous devons trouver une manière de conserver l'eau.
Est-il possible de ralentir le barrage, ou cela causerait-il des dommages à l'environnement?
M. Klein : Eh bien, il y a toujours des manières bien sûr. Nous construisons des barrages et des réservoirs depuis plus d'un siècle. En fait, les agriculteurs en parlent souvent. Ils veulent retenir plus d'eau de source plutôt que de la voir disparaître dans la Baie d'Hudson et se transformer en eau de mer. Ils ont besoin de plus d'eau pour leurs cultures et considèrent le stockage d'eau de source comme une bonne chose à cet égard.
Bien entendu, si nous agissons dans ce sens, il y aura des conséquences au plan environnementales et économiques. Ces barrages sont coûteux et il faut beaucoup de fonds publics pour les construire. Si les fonds publics sont affectés à des barrages coûteux, ils ne le seront pas à d'autres domaines prioritaires, comme l'éducation, les soins de santé, ou les routes.
Le sénateur Angus : Nous avons entendu certains témoins qui se sont exprimés au sujet des zones écologiques, des gens de Canards Illimités, qui connaissent bien la question. Ils nous ont raconté des histoires d'horreur à leur sujet, et de quelle manière, avec une bonne irrigation et des dépenses minimales, ils pourraient faire un extraordinaire travail de gestion de ces ressources. Ils ont fait toutes sortes de recommandations sur la manière dont on pourrait donner les terres aux gens qui agiraient de la manière indiquée, si seulement ils pouvaient avoir une déduction fiscale, et cetera..
Que savez-vous des personnes qui pensent comme ceux de Ducks Unlimited?
Il me semble que nous entendons beaucoup trop souvent le terme affreux de « désertification » au sujet du sud de l'Alberta.
M. Klein : C'est un phénomène qui s'étend dans tout le pays, et certainement partout dans les provinces des Prairies.
Je suis originaire du nord de la Saskatchewan, du nord-ouest de Prince Albert. J'y ai été agriculteur pendant 10 ans environ avant de retourner à l'université. J'y ai toujours ma terre.
Lorsque j'étais enfant, il y avait des marécages et des saules dans une partie de la ferme, et il y avait beaucoup de grenouilles, que sais-je, là-bas. Lorsque j'étais agriculteur, moi, et d'autres, avons transformé toutes ces terres; nous avons coupé des arbres et les terres se sont asséchées. La plupart sont entièrement cultivées. Ce sont des terres marginales, elles gèlent souvent, la saison agricole est courte, et elles ne sont pas très bonnes pour l'agriculture. Les oiseaux qui y étaient lorsque j'étais enfant n'y sont plus; ils sont partis depuis longtemps. Plus vous allez vers le sud, plus c'est comme ça.
En tant qu'agriculteur, je peux dire que c'est une industrie en difficulté, une industrie primaire. C'est comme la pêche sur la côte est. Dans ces industries, les marges de profit sont très faibles, parfois négatives.
Je pense que nous sommes tous conscients des difficultés qu'a vécues l'industrie de l'agriculture tout au cours de notre histoire. Nous avons tendance à penser que notre époque est vraiment difficile, mais l'une des raisons pour lesquelles j'ai abandonné l'agriculture au début des années 1970 était que les choses étaient trop difficiles; j'étais dans une impasse, et ça n'allait pas changer.
En tant qu'agriculteur, je peux dire que retirer des terres d'une éventuelle exploitation agricole et les donner aux canards est coûteux, car non seulement on diminue le nombre d'exploitations, mais aussi ces fichus canards piétinent les bonnes récoltes, et causent encore plus de dommages.
Cela dit, la plupart des citadins savent que les canards comptent de nombreux avantages environnementaux, et nous voulons qu'il y en ait, même si nous ne les voyons pas nous-mêmes. Nous voulons savoir que les canards sont là, mais les agriculteurs, eux, ne veulent pas voir leur production diminuer, et considèrent les canards comme un don trop coûteux.
À l'Université de Lethbridge, nous venons d'entamer une étude qui posera la question suivante : quels en sont les avantages environnementaux?
Pouvons-nous faire une collecte par le truchement du système fiscal et aider les agriculteurs à céder ces terres aux canards?
En d'autres termes, pouvons-nous communiquer un message différent aux producteurs du secteur primaire, et amener les agriculteurs à prendre volontairement les mesures que nous jugeons collectivement bonnes?
Le sénateur Angus : Quand vous dites « nous », parlez-vous du W190 Group?
M. Klein : Je parle des citoyens et contribuables canadiens. Nous ferons une collecte et, par le truchement de notre système fiscal, recueillerons quelques fonds dont nous nous servirons alors pour subventionner ces pratiques avantageuses.
Le sénateur Angus : Qu'est-ce que le W190 Group?
M. Klein : C'est un groupe subventionné par les autorités fédérales, plus précisément le ministère américain de l'agriculture, le USDA. Il sont beaucoup de ces groupes de recherches.
Il permet, en ce qui concerne l'eau, aux chercheurs en sciences sociales, aux économistes, aux économistes agricoles et aux sociologues, et à certains experts juridiques, de se réunir et de coordonner leurs recherches.
J'ai déjà été membre de l'Organisation nationale de recherche agricole (NARO), et j'ai été le co-auteur d'un livre sur la mise en marché du boeuf au Japon. À l'époque, j'appartenais à un de ces groupes « W » qui voulaient mettre en marché du boeuf au Japon. Il avait alors un nom différent, mais il porte aujourd'hui la désignation de W190.
Aux États-Unis, dans presque toutes les universités offrant des programmes d'agriculture de l'ouest du Mississipi, vous trouverez trois ou quatre économistes spécialisés dans les questions de l'eau. De mémoire, je pourrais probablement vous mentionner 25 personnes aux États-Unis qui ont consacré la plus grande partie de leur carrière à ce genre de recherches. Je n'en connais aucune au Canada.
Le sénateur Angus : Vraiment?
M. Klein : Il n'y en a pas une.
Le sénateur Angus : Pensez-vous que ce que nous faisons pourrait contribuer à sensibiliser le public à ce problème?
M. Klein : Je pense qu'il y a un certain nombre de manifestations qui ont cet effet sensibilisateur. J'ai mentionné la stratégie « L'eau pour la vie » en Alberta.
Nous en arrivons maintenant à une situation où nous reconnaissons que les solutions fondées sur la stimulation de l'offre, consistant à construire plus de barrages et de réservoirs, n'offrent que des possibilités limitées pour l'avenir. Lorsque nous voulions plus d'eau, nous construisions un barrage; c'est comme ça que les choses se passaient.
M. Fitzpatrick a parlé du barrage de la Oldman River. J'ai la conviction que nous ne verrons probablement plus de ces barrages et, puisque l'eau est complètement répartie, nous devons essayer de trouver des solutions axées sur la diminution de la demande, et donc de trouver des manières de réduire la demande d'eau.
Nous devons trouver des manières de consommer l'eau destinée aux industries, à des fins commerciales, aux ménages, ou à des fins récréatives, qui ont une plus grande valeur que la production d'une tonne supplémentaire d'orge. Nous devons trouver une manière de la consommer de manière plus productive.
L'Australie a connu de graves problèmes de répartition de l'eau. M. Fitzpatrick a mentionné le bassin de Murray- Darling en Australie méridionale, où les problèmes d'eau ont été plus graves. En Afrique du Sud, au Chili, et dans des régions de la Californie, les questions d'eau sont devenus des problèmes graves. Avec l'aide des recherches effectuées dans ces pays, nous apprenons comment changer les institutions et changer les incitations à la consommation d'eau des producteurs et des consommateurs. Nous sommes simplement un peu en retard sur ces pays.
Le sénateur Spivak : Nous avons fait une étude au comité sur l'agriculture, qui y a proposé d'utiliser les terres marginales pour en faire des fermes forestières. C'est une idée qui a obtenu beaucoup d'appuis.
Vous êtes économiste et il y a ce que l'on appelle le capital naturel. Je ne crois pas que les agriculteurs devraient être subventionnés pour des motifs charitables. Ces terres humides ont une valeur économique et elles sont utiles. Il n'y a pas que les canards. Elles nettoient beaucoup plus de choses. Nous devons faire comprendre au public qu'il y a un capital naturel et que nous l'exploitons, et que nous ne devons pas le diminuer, nous ne devons pas détruire ce capital, nous devons y être sensible.
Que pensez-vous de cette idée concernant les arbres?
J'ai visité Israël et leur désert, et il n'y a pas d'eau. Ils ont pris le désert et l'ont transformé en une magnifique terre agricole et horticole. Je suis sûr que je ne vous apprends rien. Leur système d'irrigation est si précis qu'ils ne se servent que de quelques gouttes pour arroser ce qu'il faut.
Il me semble qu'il n'y a pas d'obstacle technologique aux pratiques d'irrigation efficaces . C'est simplement une question de bon sens et d'appliquer les bonnes stratégies au bon moment. Nous devons éduquer les gens, car ils pensent que nous avons beaucoup d'eau.
M. Klein : Je vous remercie de vos questions; je vais répondre à vos questions concernant l'irrigation goutte à goutte.
Oui, un bon nombre de ces solutions sont techniquement possibles, et nous savons comment les mettre en œuvre, mais elles sont extrêmement coûteuses; par conséquent, si nous pouvons imiter Israël, il y a peu de chances que nous le fassions en raison du facteur coût.
La région irriguée dans le sud de l'Alberta s'étend à environ 600 000 hectares, ou 1 million et demi d'acres. Cette grande étendue de terre sert aux cultures de faible valeur, comme l'orge , le blé, le canola , le foin, l'alfalfa, et cetera. Il n'y a qu'une faible surface, presque infinitésimale en termes de pourcentage, consacrée aux cultures de haute valeur. La raison en est qu'il n'y a tout simplement pas de marché suffisant pour elles.
Nous produisons bien 40 000 acres de betteraves à sucre annuellement; c'est une culture qui consomme beaucoup d'eau. Nous pouvons acheter du sucre qui coûte moins que celui produit par notre agriculture, et c'est peut-être aussi le cas des pommes de terre.
La raison pour laquelle nous faisons ces cultures et que nous consommons l'eau de cette manière, est que, jusqu'à présent, l'eau n'a pas de prix. Le prix que les agriculteurs payent constitue un paiement reflétant leurs propres coûts de pompage et une cotisation calculée en fonction du nombre d'acres, prélevé par le district d'irrigation. Jusqu'à maintenant la quantité d'eau consommée n'est pas prise en compte.
Cela dit, si nous devions obtenir de l'eau très chère, comme en Israël, eh bien, vous verriez certains agriculteurs qui ont un marché pour des produits de haute valeur commencer à se servir de ce système d'irrigation goutte à goutte.
En ce qui concerne la première question relative aux fermes forestières, il me semble que cette proposition est très bonne. J'aimerais bien me faire payer pour planter des arbres dans ma ferme, car je pense que je gagnerais beaucoup plus d'argent avec les arbres qu'avec l'orge, qui parfois pousse sans problème, et qui parfois gèle.
Le problème est que nous n'avons pas de marchés suffisamment bien établis qui veulent acheter les produits des fermes forestières; par conséquent, les agriculteurs ne produisent pas d'arbres car le faire ne va pas dans le sens de leurs intérêts économiques. Si on les paie, ils le feront.
Le sénateur Spivak : Si je me fie à ce que nous lisons et ce que nous voyons, l'Alberta exploite sa forêt boréale à un rythme incroyable.
C'est une province riche, dont le gouvernement est très riche. Il me semble qu'avoir des fermes forestières serait une bonne idée. Il me semble que cela constitue une priorité. Les fermes forestières comporteraient d'autres avantages au plan des précipitations, et cetera.
M. Klein : Oui, c'est vrai.
Le sénateur Spivak : Je voulais dire qu'il doit y avoir des raisons économiques pour qu'il y ait des fermes forestières.
M. Klein : Nous essayons d'étudier le domaine de la cyclestration du carbone, par exemple, relativement aux crédits et de gaz à effet de serre, aux crédits de compensation, et à leur valeur.
Vous savez sans doute que, à l'heure actuelle, le marché des crédits de compensation se développe lentement. Nous pensons qu'il y aura des marchés en place dans un an ou deux.
Nous savons que TransAlta a signé un gros contrat avec une société au Chili afin d'acheter des crédits de compensation.
Le président : M. Klein, pourrais-je vous demander de parler un peu plus lentement, comme si vous étiez dans une grande salle de classe? Il s'agit d'un processus parlementaire et l'on fait la transcription de vos déclarations.
M. Klein : Le comité voudra bien m'excuser.
Le président : Je ne suis pas le moins fautif, M. Klein, pas le moins fautif.
Sénateur Spivak, a-t-on répondu à votre question?
Le sénateur Spivak : Je n'en suis pas sûr.
Le président : Vous aurez l'occasion d'y revenir.
Le sénateur Milne : À titre de propriétaire de ferme forestière, je peux vous dire que l'on ne peut pas attendre huit ans sa première récolte, c'est-à-dire des arbres de Noël. On a alors une récolte chaque année pendant environ huit ans. Il faut ensuite attendre 25 ans avant d'en avoir des clôture de ferme. Enfin, il faut attendre entre 35 et 40 ans pour pouvoir y couper le bois. Il y a de longues périodes de vache maigre entre ces chèques.
M. Klein, vous dites que des marchés de l'eau seront peut-être bientôt possibles en Alberta. Je ne sais pas ce que vous entendez par « marchés de l'eau ».
M. Klein : J'entends l'achat et la vente d'eau. Il y a deux types de marchés et l'un d'eux concerne l'aliénation temporaire des droits sur l'eau. Vous savez peut-être que ces droits sont rattachés à la terre en Alberta. Dans d'autres parties du monde, on essaie de les déréglementer. J'ai la conviction que cela se produira dans une certaine mesure, tôt ou tard, en Alberta aussi.
À l'heure actuelle, les districts d'irrigation détiennent les droits sur l'eau pour les agriculteurs qui s'y trouvent. Il y a aussi un nombre important d'« irrigateurs privés », qui ont leurs propres droits.
Il y a une loi en Alberta qui permet l'aliénation temporaire d'eau par un titulaire de droits sur l'eau à un autre pour un an. En 2001, il y a eu des publicités de vente d'eau et des négociations effectuées pour des achats d'eau.
Rien que dans le district d'irrigation de la rivière St. Mary, il y a eu environ 150 transactions de ce genre en 2001. Des agriculteurs qui avaient le droit d'obtenir un quota d'eau l'ont volontairement cédé à un autre agriculteur.
Nous avons constaté que l'eau, qui avait été utilisée pour des cultures de faible valeur était cédée à des agriculteurs se livrant à des cultures de haute valeur. Certains agriculteurs qui, par exemple, cultivaient l'orge ont constaté qu'ils pouvaient faire plus d'argent en vendant leurs droits sur l'eau à quelqu'un qui en avait besoin, par exemple pour cultiver des pommes de terre. Par conséquent, l'eau, qui avait été utilisée pour des cultures de faible valeur était cédée à des agriculteurs se livrant à des cultures de haute valeur.
Depuis 2000, il a eu un autre droit sur l'eau aliénable, à savoir le droit permanent sur l'eau. Environ 20 transactions soit en cours, soit complétées, concernent la cession permanente d'eau d'une ferme à l'autre. Il y a des colonies huttériennes, des coopératives, des clubs de golf, et cetera, qui achètent de l'eau, sous réserve du processus d'approbation et de suivi du ministère de l'Environnement de l'Alberta. Le processus est long et coûteux, et il n'y a qu'un nombre limité de ces cessions permanentes d'eau qui ont lieu à l'heure actuelle.
Je suis convaincu que ces marchés vont se développer et que l'eau servira plus aux agriculteurs faisant des cultures de haute valeur, car les propriétaires actuels de l'eau trouveront avantageux de vendre leurs excédents en eau ou de faire plus d'argent en la vendant plutôt qu'en l'utilisant.
Le sénateur Milne : Quelles seront les conséquences pour la rivière St. Mary et la rivière Milk?
Je crois comprendre qu'il y a un différend entre les agriculteurs du Montana qui veulent plus d'eau et ceux de l'Alberta et du sud de la Saskatchewan qui la consomment.
M. Klein : Les lois dont j'ai parlé sont des textes législatifs de l'Alberta; nous ne pouvons avoir que le marché en Alberta.
Selon les accords de répartition provinciaux, il est convenu de fournir 50 p. 100 de l'eau à la Saskatchewan; cependant, il n'y a pas de raison pour lesquelles nous ne pourrions pas avoir un marché où nous pourrions en racheter si cette province voulait en revendre. Si elle concluait qu'elle n'a pas besoin d'autant d'eau qu'elle avait cru, elle pourrait trouver avantageux d'en revendre une partie à l'Alberta. Elle pourrait lui en vendre pour un an ou deux, ou peut-être de manière définitive, et cela constituerait un transfert d'argent et une cession de droits sur l'eau de la Saskatchewan à l'Alberta. Cela n'est pas possible car aucune loi ne le permet.
Le sénateur Milne : M. Klein, vous avez parlé du barrage de la rivière Oldman et de l'eau qui est intégralement répartie.
M. Klein : Oui.
Le sénateur Milne : Voulez-vous dire que l'eau est complètement répartie dans ces districts d'irrigation?
M. Klein : C'est exact. En l'espèce, le district d'irrigation du nord de Lethbridge est titulaire des droits sur l'eau, et elle est répartie selon la formule tant de pouces l'acre. Voilà qui dispose de toute l'eau, la plupart des années, et on fait une provision pour les années plus sèches.
Le sénateur Milne : Ne doivent-ils pas acquérir l'eau en aval?
M. Klein : Oui. Avec tous ces éléments à l'esprit, l'eau a été répartie.
Il y a un moratoire sur la répartition de l'eau dans le sud de l'Alberta. Si vous voulez construire une nouvelle installation qui consomme de l'eau, vous ne pouvez obtenir un quota d'eau. Vous devez trouver une manière d'acheter de l'eau de quelqu'un qui dispose d'un quota.
Le sénateur Milne : J'ai une ferme et je veux irriguer la nuit, plutôt que pendant le jour, et il y a tant de pouces l'acre qui m'ont été attribués.
Le moment de la journée où je dois consommer l'eau est-il aussi précisé dans cette répartition?
Est-ce l'un des obstacles à une utilisation plus efficace de l'eau d'irrigation?
M. Klein : Non. Dans la plupart des districts, la répartition est faite selon la formule un pied et demi l'acre. Quand on veut de l'eau, on prévient le gestionnaire de l'eau du district et le canal est ouvert à la ferme pendant tant d'heures. Le flux d'eau est suivi, et l'on obtient 2 ou 4 pouces chaque fois; en gros, c'est comme cela que les choses se passent.
Du point de vue de l'agriculteur, l'irrigation de nuit ne comporte pas d'avantages particuliers par rapport à celle de jour, même si cette consommation est plus efficace, tant qu'il y a assez d'eau. Si ça coûte plus, on ne va probablement pas le faire.
Le sénateur Milne : Y a-t-il des coûts reliés à cette eau?
M. Klein : Il y en a. Il y a des coûts reliés à l'utilisation de l'eau : pour la pomper et en arroser le champ. L'eau elle- même est gratuite. On paie une taxe au district qui peut être aussi faible que 7,50 dollars l'acre, et aussi haute que 20 dollars. C'est déterminé. C'est comme une partie de vos impôts. Que vous utilisez l'eau, ou non, intégralement ou en partie, la taxe est la même.
Le sénateur Milne : D'accord. Je commence à comprendre le système albertain. Il est très différent du système ontarien.
M. Klein : Oui. C'est exact. Il est très différent.
Le président : Là est la clef : le fait que l'eau ne coûte rien et que nous pensons tous que l'eau ne coûte rien.
Vous avez dit que nous n'emploierons pas la méthode perfectionnée d'utilisation d'eau qui est suivie en Israël car elle est trop coûteuse. La réalité concrète est qu'elle ne donneront pas lieu à quelque économie que ce soit, sauf qu'elle rendre notre consommation d'eau plus efficace. Elle ne règlera pas le problème évoqué par les deux autres personnes qui ont déposé auparavant.
Nous devons consommer l'eau efficacement et avec plus de précautions, et nous devons commencer à nous servir de compteurs d'eau dans les villes afin que les citadins paient un certain prix pour l'eau.
Vous êtes économiste. Pensez-vous que cela soit vrai?
M. Klein : Oui. C'est exact.
En fait, la plupart des questions auxquelles nous faisons face au quotidien se rapportent aux prix. Il ne s'agit pas de faire des profits, il s'agit de répartir les ressources.
Si le prix du combustible augmente lorsque le pétrole se raréfie, c'est afin de répartir les quantités disponibles.
Si le prix du hamburger augmente lorsque le bœuf se raréfie, c'est pour répartir ce qui est disponible.
Le président : Dans notre étude antérieure, notre comité s'est penché sur le Défi d'une tonne. Nous avons entendu de nombreux témoins nous dire que l'éducation, c'est très bien, la persuasion, c'est très bien, et que les exhortations à un comportement responsable, tout ça c'est très bien; mais la seule chose qui incitera de manière directe les gens à être plus prudents dans leur consommation est le facteur coût.
Abondez-vous dans ce sens?
M. Klein : Il y a de nombreuses choses autour de nous qui nous influencent, vous, moi, et tous les autres. Nous voulons être de bons citoyens. La persuasion aide, et même beaucoup mais, quand nous prenons la plupart de nos décisions, le facteur fondamental est le coût. Lorsque les prix grimpent, nous consommons moins.
Je ne veux pas mettre de côté le fait que, si le prix de l'eau passe de zéro à un certain montant, cela aurait des conséquences dramatiques sur la viabilité financière de nombreuses exploitations agricoles.
Le président : Ou modifierait la nature des cultures.
Le sénateur Milne : Il y a déjà des problèmes.
M. Klein : C'est exact, il y a déjà des problèmes.
Il y a urgence; nous devons entamer des recherches à ce sujet.
Le président : Par exemple, pour reprendre un exemple que vous avez mentionné, s'en servir pour cultiver des betteraves à sucre pourrait ne pas en constituer le mode de consommation le plus efficace.
M. Klein : C'est exact, peut-être pas, et probablement pas.
Nous avons une politique de la betterave à sucre, et nous produisons annuellement environ 9 p. 100 de notre sucre aux fins de consommation interne. Cela fait partie de notre politique du sucre.
La betterave à sucre exige une forte consommation d'eau, et comme nous garantissons la production de sucre, il faut consommer tant d'eau pour le produire.
Le président : J'ai une question secondaire. Pourriez-vous me dire si ceci est vrai : Nous avons entendu , en ce qui a trait au léger décalage entre la consommation d'eau au Montana et dans le sud de l'Alberta, que de nombreux agriculteurs du Montana consomment l'eau avec extravagance, qu'ils inondent littéralement leurs champs, et que telle est leur conception de l'irrigation.
M. Klein : Le Montana n'a pas investi autant que l'Alberta dans les installations de stockage et de transfert de l'eau et ne fait pas le meilleur usage de l'eau dont il dispose.
L'Alberta a investi des fonds publics énormes pour développer l'infrastructure que nos agriculteurs utilisent à leur avantage. Le Montana n'a pas procédé à des investissements similaires et, de ce fait, n'a pas la capacité d'utiliser son eau dans la même mesure.
Le président : Si je comprends bien, la politique du gouvernement en ce qui concerne l'eau est que, dans les lois, on ne devrait jamais parler de l'eau comme étant une « marchandise ». Le gouvernement parle de l'eau pour des raisons écologiques et environnementales, le danger étant que, si il admet que l'eau est une marchandise, elle tombera sous le coup de l'ALENA, ce qui donnerait aux autres pays le droit d'y avoir accès librement et sans contestation.
Avez-vous étudié cette question?
M. Klein : Je suis le débat. Je pense qu'il y a beaucoup de choses que nous ne comprenons pas. Je sais que, en vertu de la législation albertaine, on ne peut avoir recours aux marchés pour transférer de l'eau d'un bassin à un autre. Les échanges doivent se faire au sein du même réseau de canaux, et ce, pour des raisons environnementales.
Selon moi, il n'est pas nécessaire de traiter l'eau comme une marchandise pour permettre, comme vous l'avez mentionné, le commerce international de l'eau; on pourrait avoir recours au système des prix pour mieux la répartir.
Par exemple, à Edmonton, toutes les maisons ont un compteur; et les gens paient l'eau en fonction de la quantité utilisée. Ce n'est pas le cas à Calgary. Seulement un peu plus de la moitié des maisons ont un compteur. Les autres paient un tarif de base. À Lethbridge, nous avons tous des compteurs.
On pourrait faire la même chose pour les agriculteurs car c'est eux qui utilisent le plus gros pourcentage d'eau potable. Nous pouvons nous servir des avantages du système de prix pour répartir cette ressource rare, sans en faire une marchandise qui ferait l'objet d'échanges commerciaux en vrac d'un réseau hydrographique à un autre.
Le président : Vous avez dit qu'il y avait des gens qui passaient des annonces dans les journaux pour vendre leur eau.
M. Klein : C'est exact, mais dans le même district, dans le même réseau de canaux.
Le district et le ministère de l'Environnement de l'Alberta doivent approuver chaque vente. On ne peut vendre de l'eau entre la rivière St. Mary, par exemple, et les rivières Oldman ou Bow. La loi albertaine ne le permet pas.
D'après ce que je peux voir, ce n'est pas une chose qu'on envisage de faire. Il s'agit seulement d'utiliser au mieux l'eau de chaque affluent.
Le président : Vous ne pensez pas que le seul fait de faire le commerce de l'eau pourrait donner à quelqu'un un avantage et, en vertu de l'ALENA, accès à l'eau en tant que marchandise?
M. Klein : Je ne suis pas spécialiste dans ce domaine. Mais je ne le pense pas.
Le sénateur Buchanan : Je trouve cette discussion extrêmement intéressante. Pour vous démontrer à quel point j'en sais long sur l'utilisation de l'eau, je vais vous donner quelques chiffres.
En passant, ils sont vrais. Bien sûr, tout ce que je vous dis est vrai.
Le sénateur Angus : Ils viennent de la Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Buchanan : Non non, ces chiffres viennent d'ici, de l'Alberta.
Eau utilisée pour forer un puits de 3 000 pieds, forage à la boue et stimulation des fissures :
Forage du trou de surface : 937 gallons; trou profond : 4 303 gallons; eau en réserve dans une citerne louée : 3 500 gallons; total pour le forage : 8 740 gallons.
Cimentation du trou de forage : 7 pouces : 436 gallons; 4,5 pouces : 1 700 gallons; total : 2 137 gallons.
Quantité totale d'eau utilisée pour le forage et la cimentation : 10 877 gallons pour un puits de 3 000 pieds.
Stimulation des fractures dans plusieurs zones : 10 500 gallons pour un minimum de cinq zones.
Quantité totale d'eau utilisée pour le forage, la cimentation et la stimulation : 21 377 gallons.
Quantité d'eau consommée quotidiennement, en moyenne, par un bouvillon de 800 livres : 10,54 gallons.
La quantité d'eau utilisée pour forer à la boue, cimenter le trou de forage et stimuler les fissures suffirait à abreuver 2 028 bouvillons pendant une journée.
M. Klein : Quelle est votre question?
Le sénateur Buchanan : Ce que je viens de dire, est-ce vrai?
Le président : Sénateur Buchanan, de quel genre de puits parlez-vous, et où est-il situé?
Le sénateur Buchanan : Ici, en Alberta.
Le président : Un puits de pétrole.
Le sénateur Buchanan : Un puits de pétrole.
Le président : Et les chiffres vous ont été fournis par qui?
Le sénateur Buchanan : Un type à qui je viens de parler, du Cap-Breton, qui était ici.
Le sénateur Angus : Cela doit être vrai alors.
Le sénateur Buchanan : C'est ce que m'a dit ce type du Cap-Breton. Il était assis là-bas et il est venu me voir.
Il faut beaucoup d'eau pour forer un puits de pétrole.
Le président : Et votre question, sénateur Buchanan?
Le sénateur Buchanan : Il existe une méthode d'extraction du gaz naturel qui n'utilise pas beaucoup d'eau. Il s'agit du méthane de houille. Si on utilisait cette méthode, il resterait suffisamment d'eau pour ces pauvres bouvillons.
M. Klein : Eh bien, c'est exact.
Le sénateur Spivak : Pourrions-nous avoir une copie de ces chiffres?
Le sénateur Buchanan : C'est M. Jim Livingston qui me les a donnés, et je lui fais confiance. Il est originaire du Cap- Breton.
Où est passé mon autre papier?
Voyons, j'ai dû le laisser quelque part.
Le président : Eh bien, pendant que vous le cherchez nous allons demander au professeur Klein de poursuivre sa réponse.
Le sénateur Buchanan : Ah, le voici.
Le Calgary Herald rapporte les propos suivants de Guy Boutilier, ministre des Affaires municipales de l'Alberta :
L'eau est en train de devenir l'un des plus gros problèmes auxquels est confrontée l'industrie gazière et pétrolière. À l'heure actuelle, il n'y a qu'une chose qui soit plus importante que l'or noir, c'est l'or bleu. L'un de mes amis, qui en sait très long sur le forage de puits, un inventeur qui détient neuf brevets en la matière...
L'homme dont parle M. Boutilier est Jim Livingston. C'est M. Livingston qui m'a donné ces chiffres et qui m'a dit qu'il y avait du méthane de houille en Nouvelle-Écosse. Selon lui, il y en a au moins 80 billions de pieds carrés dans les comtés de Pictou et du Cap Breton qui pourraient être extraits avec le genre de brevets qu'il détient.
Le président : Eh bien, un jour, ce serait une question formidable à poser quand nous aurons des représentants du secteur pétrolier. Mais aujourd'hui ce sont des spécialistes de l'eau que nous avons ici.
M. Klein : Ces chiffres pourraient très bien être exacts.
L'utilisation d'eau pour nettoyer les puits de pétrole est une technologie assez récente qui a amélioré la disponibilité et le recouvrement d'une autre ressource très rare et très précieuse, le pétrole. L'eau constituait un moyen bon marché de procéder à cette opération car l'eau n'était pas encore rare, toutefois, l'eau est devenue rare à la suite d'une récente sécheresse.
Il n'y a pas vraiment de pénurie d'eau pour le bétail, certainement pas là où nous forons à la recherche de pétrole, en général, loin des régions les plus sèches de la province.
Je crois que le gouvernement albertain et d'autres envisagent d'exploiter le méthane de houille et qu'ils essaient de trouver des méthodes pour extraire le pétrole et le gaz qui soient aussi bon marché que possible et qui n'utilisent pas autant d'eau. Je ne suis certes pas un expert en la matière.
M. Fitzpatrick : J'ai deux commentaires rapides à faire.
Le problème de l'eau au Montana a deux origines distinctes. Le Montana est en litige avec ses Premières nations et, bien que cinq affaires aient déjà été jugées, le Montana n'a eu gain de cause dans aucune. Cela a complètement changé la dynamique de la question de l'eau dans cet État.
Votre comité, dans son étude de ces questions environnementales, doit donner la priorité à la collectivité.
La deuxième question concerne le méthane de houille. Lethbridge est à 140 kilomètres des Rocheuses; cette région renferme un filon de charbon ininterrompu qui contient du méthane de houille qui n'a encore jamais été exploité.
Peut-être devrions-nous nous étudier ce que font ceux qui exploitent le méthane de houille avant d'envisager de le faire nous-mêmes car le méthane de houille et l'eau sont indissociables. Si je comprends bien, il faut d'abord extraire l'eau avant d'extraire le méthane.
Si l'on observe l'extraction du méthane de houille au Wyoming et au Montana, on constatera les conséquences environnementales de cette méthode. Si l'on compare les effets écologiques de l'extraction du méthane de houille avec sa valeur réelle, on conclut qu'on n'est pas beaucoup plus avancé.
Je rentre tout juste d'une visite au Wyoming et, bien que je ne sois pas spécialiste de cette méthode, je sais que le processus a eu son lot de problèmes. Avant de nous lancer dans la même voie, nous devrions prendre le temps d'apprendre des erreurs des autres.
Je retourne maintenant dans le poulailler et je ne reviendrai plus.
Le sénateur Buchanan : Je me permets de faire un commentaire.
Ce que vous dites est tout à fait exact. Jim Livingston partage votre point de vue.
Il existe de nouvelles méthodes d'extraction du méthane de houille qui ne nécessitent pas l'extraction de toute cette eau. Neuf brevets de M. Livingston ont été reconnus au Wyoming et au Montana et sont maintenant utilisés. Selon ce processus amélioré, on utilise une sorte de foreuse pour atteindre les couches de méthane de houille et en tirer le méthane et le charbon fracturé jusqu'à la surface, sans avoir à enlever toute l'eau en même temps.
Le président : Sénateur Buchanan, je dois vous interrompre car ces gens ne sont pas des experts en méthane de houille.
Le sénateur Buchanan : Si j'en parle, c'est simplement parce qu'il en a fait mention.
Le président : Non.
Jeudi matin, nous nous rendrons sur les lieux afin d'observer ces opérations minières. À ce moment, vos questions seront appropriées.
Sénateur Spivak, je crois que vous souhaitiez poursuivre?
Le sénateur Spivak : Non, je ne le souhaite pas. Merci, ça va comme ça.
Le sénateur Adams : Quelqu'un sait-il quelque chose sur le livre du sénateur Sparrow?
Le président : Le rapport du sénateur Sparrow intitulé Nos sols dégradés?
M. Klein : Oui, bien sûr.
Le président : Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir pris le temps de nous rencontrer. Nous vous ferons parvenir nos questions et j'espère que nous pourrons nous rencontrer de nouveau. Merci infiniment.
La séance est levée.