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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 11 - Témoignages - le 22 mars 2005


OTTAWA, le mardi 22 mars 2005

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement de 1999, se réunit aujourd'hui à 17 h 20 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous recevons aujourd'hui des membres de divers organismes qui représentent la marine marchande.

Je demande à nos témoins de bien vouloir nous excuser pour ce retard, mais je voudrais vous en expliquer la raison. Le Règlement du Sénat du Canada n'autorise pas les comités sénatoriaux à se réunir pendant que le Sénat siège et le Sénat vient tout juste de suspendre sa séance. Notre comité peut se réunir le mardi après-midi à l'ajournement du Sénat, mais pas avant 17 heures.

J'ai d'autres mauvaises nouvelles. Le Sénat recommencera à siéger à l'appel de la présidence, vers 19 heures, et nous devrons alors suspendre cette réunion afin d'adopter une petite mesure qui, pour des raisons budgétaires, doit être votée au Sénat aujourd'hui. Nous reprendrons ensuite notre séance.

Je vous présente mes excuses pour ces inconvénients, mais le Règlement du Sénat nous interdit de nous réunir lorsque le Sénat siège.

Avant que nous ne procédions à l'audition des témoins, le sénateur Angus désire soulever une question de Règlement.

Le sénateur Angus : Monsieur le président, je voudrais dissiper tout malentendu ou toute confusion que pourrait susciter ma participation à ces audiences. J'ai été membre du Barreau du Québec, de l'Association du Barreau canadien et de l'Association canadienne de droit maritime depuis 1963, c'est-à-dire depuis 42 ans. Je me suis spécialisé en droit maritime pendant une quarantaine d'années et j'ai été le président de l'Association canadienne de droit maritime, l'ACDM pendant trois ans, de 1989 à 1992. En 1992, j'ai été nommé membre honoraire à vie de l'Association canadienne de droit maritime.

Un de mes collègues du cabinet Stikeman Elliott, de Montréal, Peter J. Cullen, est actuellement président de l'ACDM qui doit comparaître devant nous aux environs du 14 avril. Même si je suis toujours membre du cabinet Stikeman, de Montréal, je suis actuellement à la retraite. À ma connaissance, chers collègues, ce cabinet n'a pas été engagé pour représenter qui que ce soit au sujet du projet de loi C-15 et je ne l'ai pas été non plus personnellement.

Je tiens à déclarer ici que je n'ai aucun intérêt économique ou autre intérêt conflictuel en ce qui concerne ce projet de loi. Je désire seulement faire mon devoir en tant que membre du Sénat et du comité afin que le projet de loi C-15 soit examiné comme il se doit.

Le président : Merci, sénateur Angus.

Le premier organisme que nous entendrons est l'Association des armateurs canadiens représentée par M. Donald Morrison, président, et le capitaine Réjean Lanteigne, vice-président. Ils sont accompagnés du secrétaire général de l'International Chamber of Shipping, M. Chris Horrocks.

M. Donald Morrison, président, Association des armateurs canadiens : Honorables sénateurs, nous nous réjouissons de pouvoir vous rencontrer cet après-midi pour vous parler de nos préoccupations concernant le projet de loi C-15.

Je vais vous donner un aperçu général de nos opinions à l'égard du projet de loi et je vous parlerai du processus de consultation qui a eu lieu jusqu'ici les deux fois où le gouvernement a essayé de faire adopter cette mesure. Le capitaine Lanteigne vous parlera de certaines des difficultés et préoccupations qu'elle suscite, tandis que M. Horrocks nous parlera de son expérience européenne avec ce genre de loi et des préoccupations internationales que suscite le projet de loi C-15.

Je suis certain de parler au nom de tous les représentants de notre secteur qui sont présents ici en disant que l'AAC et les autres membres de la marine marchande sont toujours en faveur d'une industrie soucieuse de l'environnement. Ce qui nous pose un problème, ce n'est pas le souci de l'environnement, mais le projet de loi C-15.

L'Association des armateurs canadiens représente les intérêts des navires battant pavillon canadien qui desservent les Grands Lacs, la voie maritime du Saint-Laurent ainsi que l'Arctique et la côte est du Canada et des États-Unis. Nos membres participent principalement au cabotage, c'est-à-dire le transport maritime en provenance et à destination du Canada, ainsi qu'au commerce dans les Grands Lacs entre le Canada et les États-Unis. À l'occasion, ils naviguent aussi le long de la côte est américaine et régulièrement jusqu'à Terre-Neuve et dans l'Arctique canadien. La flotte intérieure compte quelque 70 navires qui transportent en moyenne 70 millions de tonnes de marchandise par année comprenant du charbon, du minerai de fer, du calcaire, du sel, des céréales, du coke, du ciment et des produits pétroliers ainsi que des marchandises générales et conteneurisées. Nous fournissons aux collectivités et aux industries canadiennes un transport fiable, économique et respectueux de l'environnement. J'ajouterais que le secteur du transport maritime intérieur, discrètement efficace, joue un rôle essentiel pour l'économie des ressources naturelles et industrielles du Canada.

Le mandat de l'AAC consiste dans l'ensemble à promouvoir une industrie canadienne du transport maritime canadienne qui soit économique et concurrentielle, en établissant de solides relations de travail avec ses partenaires de l'industrie maritime, les gouvernements et les industries locales. Je reviendrai sur cette question, car même en ce qui concerne l'environnement, nous avons essayé d'établir des partenariats avec le gouvernement et les industries locales.

Je vais maintenant passer au processus de consultation qui a été, ou n'a pas été mis en place pour formuler ce projet de loi. Je parlerai d'abord du premier projet de loi qui a été présenté au Parlement, mais qui a expiré au Feuilleton quand les élections ont été déclenchées l'année dernière. À ma connaissance, aucun de nous n'a pu, avant la préparation de ce projet de loi ou en deuxième lecture, faire valoir les besoins, les exigences et les difficultés de notre secteur. De toute façon, les élections ont été déclenchées et le projet de loi a expiré au Feuilleton. Nous pensions que cette mesure n'irait pas plus loin étant donné que nous nous étions plaints de ne pas avoir été consultés.

Toutefois, si le processus de consultation qui a eu lieu lorsque le Parlement a été reconvoqué en septembre n'a pas été un grand succès, à notre avis, c'est parce que normalement, lorsqu'une nouvelle loi ou une modification de la législation en vigueur touche la marine marchande, le ou les ministères concernés mettent en place un processus de consultation semi-officiel qui permet aux représentants de l'industrie de faire connaître leurs besoins et de participer en tant qu'experts, au libellé de la loi et de son règlement d'application.

Les consultations que Transports Canada a organisées récemment pour l'élaboration des règlements d'application de la Loi sur la sûreté du transport maritime en sont l'exemple le plus récent.

Ce n'était pas une tâche facile. Du point de vue opérationnel, c'est sans doute l'entreprise la plus difficile dans laquelle le ministère se soit lancé depuis des années. Néanmoins, il n'a pas fermé la porte et n'a pas décidé d'agir de son propre chef. Il a fait appel à l'industrie. Nos représentants ont participé au processus et ceux de l'industrie internationale également. Ce processus de consultation nous a permis d'obtenir une réglementation que nous jugeons acceptable, qui peut être appliquée et qui donne de bons résultats.

À ma connaissance, cela n'a pas été fait, tant au niveau des bureaucrates qu'au niveau du ministre, pour préparer le projet de loi C-15. Nous n'avons même pas pu témoigner devant le comité parlementaire. On nous a demandé d'envoyer un mémoire, que nous avons fait parvenir à l'avance, en plusieurs exemplaires et dans les deux langues officielles, mais nous n'avons pas obtenu d'audience. C'est la première fois que notre association est invitée officiellement à faire connaître son avis au sujet du projet de loi C-15. C'est la première fois que cela arrive depuis le début de ma carrière sans doute trop longue. C'est avec plaisir que nous sommes ici cet après-midi.

À mon avis et c'est une opinion que partagent bien des gens c'est à cause de la façon dont on a procédé, en nous écartant dans une large mesure du processus, que notre secteur estime qu'il s'agit là d'un mauvais projet de loi. C'est tout ce que nous pouvons dire d'une loi qui a pour but de criminaliser les marins comme aucune autre loi. Les marins risquent de se retrouver en prison en cas de déversement accidentel. En raison de son application, cette loi vise injustement les armateurs domiciliés au Canada, qu'il s'agisse d'entreprises canadiennes ou internationales. Ces entreprises peuvent être rejointes à l'intérieur du pays alors qu'il est évidemment beaucoup plus difficile, sinon impossible de poursuivre les armateurs qui sont domiciliés à l'étranger, surtout au niveau de la haute direction.

Si cette loi doit en remplacer une autre et si la possibilité de la mettre en oeuvre est moins importante que pour celle qui la précédait, il y a lieu de s'interroger sur sa raison d'être. M. Lanteigne vous en parlera plus en détail, mais dans ce document nous comparons les personnes responsables de l'application de la loi. Nous ne sommes pas convaincus que l'application sera meilleure si les agents chargés de la prévention de la pollution aux termes de la Loi sur la marine marchande sont remplacés par des personnes ayant d'autres responsabilités. Nous espérons que c'était là un des objectifs du projet de loi.

Comme vous pouvez le voir, cette mesure nous cause de nombreux problèmes. M. Lanteigne vous parlera d'autres difficultés. Je vous remercie de nous avoir invités à faire connaître nos préoccupations et nous aurons quelques mots à ajouter en guise de conclusion.

Le sénateur Angus : Monsieur le président, je tiens à m'assurer que le document dont parle le témoin est celui qui porte la date d'aujourd'hui et s'intitule « Mémoire au Comité sénatorial permanent de l'énergie... », et qu'il fera partie du compte rendu de nos délibérations.

Le président : Tous les documents qui nous sont présentés font partie du compte rendu.

Le sénateur Angus : Je voulais seulement le souligner.

Le capitaine Réjean Lanteigne, vice-président, Association des armateurs canadiens : Honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je prends la parole devant vous.

Le mémoire que nous avons adressé au Sénat et que le sénateur Angus vient de mentionner aborde trois aspects du projet de loi auxquels nous voyons des objections. En premier lieu, cette mesure entre en conflit avec le droit international. M. Horrocks, de l'International Chamber of Shipping, va vous en parler. Nous voudrions ensuite aborder la question des effets de cette mesure sur les marins. Ensuite, et surtout, nous voudrions parler des dispositions d'application de ce projet de loi, par rapport à celles qui sont déjà en vigueur à l'égard de la pollution marine.

En ce qui concerne le conflit entre cette mesure et le droit international, notre mémoire est assez direct. M. Horrocks vous en parlera tout à l'heure dans un contexte plus large, mais je dirais que notre pays a une certaine influence sur la conception, la rédaction et le libellé des traités internationaux et des conventions internationales.

Notre pays cherche également depuis longtemps à trouver des solutions internationales aux problèmes internationaux. Nous estimons que ce projet de loi ne respecte pas ces engagements internationaux et que cela va, à l'avenir, nuire sérieusement à notre influence et à notre réputation.

Notre deuxième objection concerne les marins. L'une des conséquences majeures de ce projet de loi sera l'incidence néfaste que la criminalisation aura sur la communauté maritime, y compris sur les gens de mer canadiens, surtout en ce qui a trait aux déversements accidentels. En lisant le compte rendu de vos délibérations d'il y a quelques semaines, nous avons constaté que vous étiez déjà au courant de l'incident du Tecam Sea, survenu en septembre 2002. Un inspecteur ou agent de la faune à l'emploi du Service canadien de la faune avait arrêté et détenu le capitaine de ce navire à Terre- Neuve. On a pu lire dans les médias que le capitaine avait été arrêté et emprisonné sans preuve raisonnable. Si je me souviens bien, c'était un citoyen ukrainien. Il a été emprisonné à Terre-Neuve pendant plus d'un an. Sa détention n'était pas justifiée et aucune accusation n'a été portée contre lui.

Comme M. Morrison l'a mentionné, ce projet de loi défavorise encore plus les armateurs, les capitaines et les officiers des navires canadiens en les rendant passibles de sanctions pénales qu'il sera très difficile d'imposer à des armateurs non résidents. Une fois de plus, les armateurs canadiens sont spécialement visés.

De plus, en cas de déversement accidentel ou délibéré, des accusations seront portées contre le capitaine, le chef mécanicien, le propriétaire et l'exploitant d'un navire en vertu de ce projet de loi plutôt qu'en vertu des dispositions existantes de la Loi sur la marine marchande.

Les dispositions actuelles de la Loi sur la marine marchande régissent toutes les questions concernant la pollution marine et prévoient de lourdes sanctions en cas de déversement accidentel ou délibéré.

Le projet de loi C-15 établit la même infraction, mais en fixant l'amende minimum à un niveau relativement élevé. Si ce projet de loi est adopté, les dispositions actuelles de la Loi sur la marine marchande deviendront redondantes. Autrement dit, la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la LCPE formeront la législation par excellence contre la pollution pétrolière.

À part cela, il est contraire au principe Kienapple établi par la Cour suprême, il y a de nombreuses années, de porter de multiples accusations, comme dans le cas de l'incident du Tecam Sea, à la fois en vertu de la Loi sur la marine marchande et de ce projet de loi, pour des infractions qui se basent en grande partie sur les mêmes faits. Si j'étais un garde-chasse, je porterais des accusations en vertu de la Loi sur les oiseaux migrateurs en sachant parfaitement que l'amende est déjà fixée à un niveau minimum assez élevé qui, comme nous l'avons constaté, n'est pas couvert par les clubs de protection et d'indemnisation qui assurent les navires pour ce genre de sinistres.

Qui en subira les conséquences? Ce seront les marins, tant canadiens qu'étrangers. Est-ce bien ce que le gouvernement canadien et les autorités cherchent à faire? D'autre part, contrairement à ce que les fonctionnaires d'Environnement Canada ont déclaré lors de leurs témoignages, il s'agit là d'un changement de politique important de la part du gouvernement. La criminalisation des marins prend une toute nouvelle dimension.

Nous nous préoccupons également de l'application régulière de la loi. Nous espérons que votre comité se demandera si la criminalisation des capitaines et des officiers est vraiment une façon positive d'améliorer la sécurité et la protection de l'environnement.

L'établissement d'amendes minimales est une arme à double tranchant lourde de conséquences. Nous recommandons certainement au comité d'étudier cette question de près et de proposer un amendement au projet de loi en ce qui concerne cet aspect.

Je voudrais mentionner un article publié dans le Globe and Mail du 14 mars. L'opinion publique canadienne, surtout au Parlement, estimait qu'une sentence minimale devrait être imposée aux propriétaires de serres clandestines de marijuana à la suite du terrible meurtre de quatre agents de la GRC en Alberta. Voici la teneur de cet article :

Les critiques que la ministre de la Sécurité publique, Anne McLellan, a portées contre les tribunaux qui imposent des peines trop indulgentes aux propriétaires de serres clandestines, au lendemain du meurtre des quatre officiers, ne font qu'alimenter le débat.

M. Cotler a toutefois souligné que, selon plusieurs études, les sentences minimales n'étaient pas efficaces.

« Nous en sommes tous venus à la conclusion que les sentences minimales n'étaient ni dissuasives ni efficaces », a déclaré M. Cotler.

Si ce n'est pas jugé nécessaire pour un acte criminel comme la culture de la marijuana, nous nous demandons pourquoi le crime qui consiste à déverser des hydrocarbures accidentellement ou délibérément exige une sentence minimale.

Je terminerai par l'application des lois antipollution au Canada. Dans leur témoignage du 17 février, les fonctionnaires d'Environnement Canada ont dit qu'il y avait 55 agents de conservation à l'emploi du Service canadien de la faune. Dix d'entre eux travaillent à Hull, ce qui laisse environ 55 gardes-chasse pour appliquer ce projet de loi.

Je connais très bien les qualités requises des gardes-chasse. Je suis né dans un village du Nouveau-Brunswick et je sais donc ce qu'est un garde-chasse. Je suis sidéré par la portée des pouvoirs qui sont conférés à cette personne à l'égard des marins.

Les armateurs recommandent que les pouvoirs d'application du projet de loi soient confiés aux agents de prévention de la pollution qui sont déjà dûment désignés pour remplir cette fonction en vertu de la Loi sur la marine marchande. Étant donné que ces personnes sont déjà en poste un peu partout au Canada — il y a 952 agents de prévention de la pollution dûment chargés de jouer ce rôle — nous estimons que l'application de la loi sera plus efficace étant donné qu'il s'agit de personnes qui ont une formation d'inspecteur de navire à vapeur et qui connaissent bien le secteur maritime.

À notre avis, ce projet de loi rendrait l'application plus problématique.

M. Chris Horrocks, secrétaire général, International Chamber of Shipping : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité. Je dois vous dire tout de suite que je suis venu pour cette raison. Vous n'avez pas eu à me tordre le bras. Cette mesure m'inquiète.

Comme on vous l'a expliqué, je suis le secrétaire général de l'International Chamber of Shipping ou ICS. Il s'agit de l'association professionnelle internationale de notre secteur. Nos membres sont non pas les entreprises de transport maritime, mais les associations nationales d'armateurs de 38 pays du monde allant du Chili à la Norvège en passant par l'Australie et l'Irlande. Au Canada, nous comptons parmi nos membres à la fois l'Association des armateurs canadiens et la Chamber of Shipping of British Columbia. À nous tous, nous représentons plus de la moitié des flottes marchandes du monde.

Je dirais d'abord une chose qui peut paraître évidente, mais qu'il vaut la peine de répéter, à savoir que nous sommes d'accord pour que les infractions à la réglementation antipollution soient punies. Il n'est dans l'intérêt de personne, pas même dans l'intérêt de notre industrie, que ces règlements soient enfreints, car cela rejaillit sur tout le monde. On ne doit certainement pas pouvoir enfreindre impunément les règles environnementales. Nous voulons tous éliminer le petit nombre de mauvais joueurs. C'est une responsabilité collective que nous partageons entièrement.

Nous avons toutefois, au sujet de ce projet de loi, des inquiétudes que partagent nos partenaires de l'industrie avec lesquels nous ne sommes pas toujours entièrement d'accord. Le mémoire écrit qui a été adressé au président le 11 mars a été cosigné par moi-même et mes homologues de l'International Transport Workers' Federation ainsi qu'une organisation appelée Oil Companies International Marine Forum. Il s'agit, autrement dit, des armateurs, des syndicats internationaux de marins et des noliseurs de navires-citernes, des gens qui ont tendance à avoir des intérêts divergents plutôt que convergents.

Depuis une trentaine d'années que je travaille dans ce secteur, je ne pense pas avoir jamais constaté un consensus aussi important qu'au cours du débat actuel qui se déroule non seulement au Canada, mais également en Europe au sujet de la criminalisation des marins, la question qui nous préoccupe au sujet de ce projet de loi.

Je vais résumer nos inquiétudes sans répéter ce que les autres ont déjà dit.

C'est peut-être une évidence, mais je crois nécessaire de le répéter. La marine marchande est une industrie internationale. Un principe fondamental pour notre secteur ainsi que toute la communauté maritime des pays membres de l'Organisation maritime internationale, qui est notre organisme des Nations Unies, et cela depuis non pas des décennies, mais des siècles, est que la réglementation de la marine marchande doit être faite au niveau international. Cela remonte à l'époque de Grotius et des premiers principes de droit de la mer. Le Canada a été l'un des plus ardents partisans de ce principe, un participant actif de l'OMI, le pays de résidence de son ancien secrétaire général, le pays d'origine du président actuel de son comité juridique et un intervenant important dans les discussions maritimes au niveau international.

À notre avis, tel qu'il est libellé, ce projet de loi contreviendrait à ce principe à plusieurs égards, ce qui irait à l'encontre de ses obligations internationales en vertu de la Convention MARPOL, la convention sur la pollution marine, et de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer que le Canada a signé pas plus tard que l'année dernière, je crois.

Plus particulièrement, et c'est ce que nous faisons surtout valoir, le projet de loi semble ne faire aucune distinction entre les actes délibérés et les accidents en faisant d'un incident de pollution une infraction quelle que soit l'intention de l'accusé. C'est non seulement contraire à MARPOL qui exclut expressément les accidents des manquements à la convention, mais également une source d'inquiétude pour nos collègues de l'industrie du renflouement. Il est important de le souligner, car ce sont les remorqueurs de sauvetage qui sont les premiers à se porter au secours d'un navire en détresse. Ces gens de mer disent que, dans le but d'éviter la pollution, ils risquent de commettre un acte qui augmentera la pollution et d'être immédiatement déclarés coupables en vertu de ce projet de loi jusqu'à ce qu'ils puissent prouver leur innocence. À leur avis, cette mesure a véritablement un effet dissuasif. Ils font valoir que les efforts qu'ils déploient pour éviter la pollution n'entrent pas suffisamment en ligne de compte lorsqu'on attribue la rémunération de sauvetage.

Cela envoie un signal regrettable non seulement à l'industrie et aux gens de mer, mais à ceux qui ont toujours considéré que le Canada était pour le droit de la mer. Malheureusement, nous avons vu récemment plusieurs cas de capitaines et d'équipages qui ont été emprisonnés pour des infractions criminelles après des incidents de pollution résultant d'accidents. C'est arrivé en Europe et au Venezuela. Nous avons également entendu parler d'un cas qui s'est produit au Canada. C'est arrivé aussi ailleurs.

Lundi dernier, un avocat spécialisé en droit maritime m'a demandé, dans le contexte de cet incident et de ce qui s'est passé en Europe : « Seriez-vous content que votre fils devienne marin aujourd'hui sachant qu'il risque de se faire emprisonner suite à un accident? » J'ai bien peur de devoir répondre par la négative. C'est un avis que partagent non seulement des gens gonflés de leur importance comme les experts en droit maritime, mais également les pays qui fournissent la majeure partie de la main-d'oeuvre des flottes maritimes internationales.

Je tiens à répéter que nous appuyons entièrement et sans équivoque une application rigoureuse des règlements contre la pollution, car nous croyons que c'est dans l'intérêt non seulement de la société, mais de l'industrie que je représente. Cela dit, nous exhortons le Canada à respecter ses obligations internationales et à réviser une loi qui, à notre avis, est contraire à ses obligations et qui semble criminaliser de simples accidents.

Le président : Merci pour cet exposé concis, monsieur Horrocks.

M. Morrison : J'aimerais dire un dernier mot, si vous le permettez.

Pour résumer les recommandations de l'AAC, s'il est jugé contraire aux conventions et aux traités internationaux que le Canada a ratifiés, ce projet de loi ne devrait pas s'appliquer aux navires. Deuxièmement, nous suggérons et recommandons que les dispositions relatives aux amendes minimales soient supprimées de cette mesure. Troisièmement, comme l'a dit le capitaine Lanteigne, nous recommandons également que la responsabilité de l'application et les pouvoirs connexes soient confiés à des agents de prévention de la pollution dûment nommés en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada.

Telles sont les trois recommandations qui figurent dans notre mémoire à la page 6. Je tenais à les souligner de nouveau.

Le président : Merci beaucoup messieurs. J'espère que vous pourrez rester pour participer à la discussion qui suivra.

Je dois, encore une fois, vous demander d'être le plus bref possible. Nous allons maintenant entendre les représentants de l'International Ship-Owners Alliance of Canada et de la Coalition des groupes maritimes. Je crois que nous entendrons d'abord M. Robert Ho, de Fairmont Shipping (Canada) Limited, puis M. Peter Lahay, qui est le coordonnateur national de la Fédération internationale des ouvriers du transport, après quoi ce sera au tour de M. George Heinmiller et de M. Jack Hsu. Je crois que M. Ho va commencer. La parole est à vous.

[Français]

M. Robert Alexander Ho, Fairmont Shipping (HK) Ltd., International Ship-Owners Alliance of Canada et de la Coalition des groupes maritimes : Bonsoir. Je suis le président de Fairmont Shipping Global. Aujourd'hui, je représente mes collègues dans la Coalition des groupes maritimes. Je vous prie de bien vouloir m'excuser, car mon anglais est bien meilleur que mon français. Je préfère continuer cette présentation en anglais.

[Traduction]

Honorables sénateurs, soyez certains que nous appuyons entièrement l'objectif de ce projet de loi qui consiste à protéger l'environnement. Nous sommes déterminés à mettre en place des pratiques exemplaires pour protéger l'environnement.

Notre coalition est un groupe d'organisations diversifiées du secteur maritime qui représente une trentaine d'organisations et 400 entreprises, lesquelles s'inquiètent énormément de certains aspects du projet de loi C-15. Ces entreprises vont des exploitants de ports aux armateurs en passant par les administrateurs et les syndicats.

Nous sommes accompagnés aujourd'hui d'un échantillon représentatif de nos membres qui aimeraient se présenter à vous.

M. George Heinmiller, avocat général associé, Teekay Shipping (Canada) Ltd., International Ship-Owners Alliance of Canada et de la Coalition des groupes maritimes : Monsieur le président et sénateurs, Teekay Shipping Corporation a son siège social opérationnel à Vancouver depuis 1991, par l'entremise de sa filiale à 100 p. 100, Teekay Shipping (Canada) Ltd. Environ 275 personnes travaillent actuellement à notre bureau de Vancouver.

Teekay est une société publique cotée à la Bourse de New York. Elle transporte plus de 10 p. 100 du pétrole mondial acheminé par mer et elle a récemment étendu ses opérations au transport de gaz naturel liquéfié.

Avec une flotte de plus de 150 pétroliers modernes, des bureaux dans 14 pays et environ 5 500 employés qui travaillent en mer ou à terre, Teekay apporte une importante contribution à l'économie de Vancouver et est un fournisseur clé de services maritimes pour les plus grandes compagnies pétrolières et gazières mondiales.

Nos navires desservent le Canada et, l'année dernière, ils ont fait environ 90 visites dans les ports canadiens, surtout ceux de la côte est. Teekay est une entreprise très attachée au Canada et un chef de file de la marine marchande qui tient beaucoup à protéger l'environnement.

Notre entreprise tient d'abord et avant tout à assurer l'exploitation sécuritaire de ses navires. Nous croyons que nos résultats sur le plan de la sécurité, de la qualité et de l'innovation, nous ont valu une réputation d'entreprise de premier rang sur la scène internationale. Nous vous remercions d'avoir permis à la Coalition de comparaître devant vous.

M. Jack C.K. Hsu, vice-président exécutif, Oak Maritime (Canada) Inc., International Ship-Owners Alliance of Canada et de la Coalition des groupes maritimes : Honorables sénateurs, une tâche très importante a été confiée au Sénat. Je sais également que le Sénat joue un rôle important dans notre processus démocratique. J'apprécie donc cette occasion de comparaître devant vous.

Oak Maritime est une entreprise familiale qui possède et gère des navires. Je représente la quatrième génération de propriétaires de cette entreprise familiale que mon arrière-grand-père a fondée à Shanghai, il y a une centaine d'années. Nous avons décidé, il y a 11 ans environ, de déménager à Vancouver, d'investir et de vivre au Canada en raison de son environnement attrayant.

Notre bureau de Vancouver est maintenant notre quartier général opérationnel. Nous avons toutefois des bureaux à Shanghai, Taipei, Hong Kong et Londres. Nous avons une flotte de 26 navires qui comprend de nouveaux bateaux. À l'échelle mondiale, nous employons environ 500 personnes. Nous faisons le transport de matières premières industrielles, c'est-à-dire de minerai de fer, de charbon et de céréales ainsi que de pétrole brut.

M. Peter Curtis, vice-président exécutif, Seaspan Ship Management Ltd., International Ship-Owners Alliance of Canada et de la Coalition des groupes maritimes : Honorables sénateurs, je suis un architecte naval et un ingénieur naval diplômé. Seaspan Ship Management Ltd., de Vancouver, est chargée de la gestion et de l'exploitation de la flotte de Seaspan Container Lines. Nous avons également une société soeur, Seaspan International Ltd., à Vancouver, qui est la plus grosse entreprise de remorqueurs et de barges de la côte ouest.

Seaspan Ship Management exploite principalement des porte-conteneurs de ligne pour le commerce international. Nous sommes une entreprise relativement jeune, fondée il y a quatre ans, qui croit fermement en l'avenir de l'industrie maritime canadienne et c'est pourquoi nous sommes établis à Vancouver.

En l'espace de quelques années, nous sommes parvenus à exploiter neuf navires et nous en avons maintenant 15 en construction. Cela représente une valeur moyenne de 80 millions de dollars U.S. par navire. Cela comprend les porte- conteneurs les plus gros au monde qui ont une capacité de 8 500 conteneurs et nous sommes en train de dessiner les plans d'un navire encore plus grand, qui pourra porter 9 600 conteneurs.

Nous assurons l'exploitation et la conception de navires, l'application des normes internationales et de normes volontaires plus élevées ainsi que des mesures de sécurité, ce qui comprend naturellement les mesures antipollution que nous prenons à bord de nos navires.

Nos bureaux sont situés à Vancouver, Mumbai et Shanghai, et nous avons un effectif international d'à peu près 280 personnes à terre et en mer.

M. Peter Lahay, coordonnateur national, Fédération internationale des ouvriers du transport, International Ship- Owners Alliance of Canada et de la Coalition des groupes maritimes : Honorables sénateurs, c'est un privilège pour moi que de comparaître devant votre comité au sujet de cette question importante. Nous sommes une fédération syndicale internationale à laquelle sont affiliés des syndicats du secteur du transport. Nos membres se situent aussi bien dans le secteur de l'aviation civile que dans ceux du camionnage, du débardage, des chemins de fer, du transport des marchandises par mer, de la pêche et du tourisme, en fait tout ce qui bouge.

Au Canada, nos membres comprennent la B.C. Ferry & Marine Workers' Union, le Syndicat international des marins canadiens, le Syndicat national de l'automobile, le Syndicat international des débardeurs et magasiniers — Division maritime — ainsi que la Guilde de la marine marchande du Canada qui doit, je crois, comparaître devant le comité à une date ultérieure.

Nos syndicats affiliés canadiens sont regroupés. Nous avons un comité de coordination nationale canadien. Nous nous réunissons deux fois par an à Ottawa. Ces réunions ont lieu en même temps que la réunion de Transports Canada, de la Garde côtière et du ministère des Pêches et des Océans qui porte le nom de Conseil consultatif maritime canadien. C'est en novembre et en mai.

En tant que partie prenante, nous travaillons avec le gouvernement fédéral à la promulgation de toutes sortes de lois et de règlements. Nous travaillons en collaboration très étroite avec Transports Canada, surtout au sujet de la formation et des règlements très importants sur la sûreté du transport maritime. Je crois que nous apportons une contribution utile dans ces domaines.

Nous nous plaignons notamment de ne pas avoir été consultés, comme nous l'avons souligné. Nous possédons de nombreuses connaissances dans ces domaines. C'est nous qui faisons naviguer les bateaux que ces messieurs possèdent et gèrent dans le monde entier. Nous pensons qu'une bonne partie de la confusion suscitée par ce projet de loi résulte de certains naufrages dont on a beaucoup parlé et d'événements tragiques et catastrophiques qui se sont produits au large des côtes canadiennes. Nous sommes tout à fait en faveur d'un nettoyage de l'industrie maritime. Ce sont nos gens qui travaillent à bord de ces navires et ce sont nos gens qui risquent de se retrouver en prison.

J'ai été marin depuis un très jeune âge, jusqu'à ce que je vienne à terre pour représenter les travailleurs étrangers qui ont visité nos côtes il y a 12 ans. Les gens me demandent à quoi ressemble la vie à bord d'un navire. Ils s'imaginent que c'est un travail romantique. Pour plaisanter, nous disons que travailler à bord d'un navire, c'est comme être en prison avec, en prime, le risque de se noyer. Maintenant nous sommes en prison, mais en plus de risquer de nous noyer, nous risquons d'être emprisonnés une nouvelle fois.

Comme l'a dit M. Horrocks, il est notre partenaire social à l'échelle mondiale. Nous travaillons avec l'ICS dans de nombreuses tribunes internationales dont l'Organisation maritime internationale et l'OIT. Nous sommes en plus du même côté de la barrière, même si nous avons été des adversaires pendant longtemps. Nous avons derrière nous 50 ou 60 années d'histoire. Néanmoins, pratiquement dans tous les cas, nous constatons que nous devons maintenant travailler ensemble et en fait, c'est une chose que nous apprécions.

Travailler à bord d'un navire n'est plus une expérience agréable. C'est vraiment difficile en raison des questions de sécurité, du manque de congés à terre et de toutes sortes d'autres problèmes. Cette mesure va réduire encore davantage l'attrait de la mer. À la place des armateurs, j'aurais très peur de ne pas pouvoir trouver d'équipage qualifié. Depuis trois ans, il y a une pénurie d'officiers de marine à l'échelle mondiale et on s'attend à ce qu'elle dure dix ans. La main- d'oeuvre provient en majeure partie des pays en développement. Les groupes d'armateurs parcourent le globe à la recherche de marins qualifiés et ils doivent aller les chercher sur les derniers marchés qui existent encore.

Quand j'ai fait mes débuts dans ce métier, il y avait de nombreux Coréens et Norvégiens à bord des navires, ainsi qu'un grand nombre d'autres nationalités. Néanmoins, comme le monde se développe rapidement et que la marine marchande devient moins attrayante, les personnes les plus compétentes dont on a besoin pour faire marcher les bateaux hésitent à aller en mer.

La Chine, les Philippines et l'Inde avaient commencé à fournir de la main-d'oeuvre, mais comme leur économie se développe très rapidement, les gens ont maintenant le choix. Il était intéressant pour eux d'aller en mer et de gagner jusqu'à 1 400 $ U.S. par mois. Les marins chinois des régions côtières ne vont plus en mer. Le gouvernement chinois et les armateurs chinois recrutent maintenant des marins dans les déserts de Chine. Comme ce n'est plus un métier qui attire les gens, notre main-d'oeuvre n'est plus ce qu'elle était.

Le monde a besoin de bateaux. Quatre-vingt-dix-sept pour cent de tout ce que nous consommons doit être transporté par bateau à un moment donné. Les bateaux ne disparaîtront pas. Je suis convaincu qu'Environnement Canada a compris une chose à savoir qu'il y a un problème au large de nos côtes. Cela ne fait aucun doute, mais je ne vois pas comment ce projet de loi y remédiera. J'ai quelques idées quant à la façon de résoudre le problème et peut-être que nous pourrons en parler lorsque vous nous poserez des questions.

Je vais m'arrêter là, mais je tiens à vous dire qu'au niveau international comme dans notre propre pays, les syndicats sont absolument horrifiés par ce genre de projets de loi.

M. Ho : Notre organisme possède et gère des bateaux à l'échelle mondiale. Fairmont Canada gère une trentaine de navires à Vancouver et emploie une soixantaine de personnes. Nous avons huit bureaux dans le monde entier qui travaillent dans différents domaines de l'activité maritime et nous employons environ 25 000 personnes.

Nous avons constitué cette coalition de toute urgence après avoir entendu parler de ce projet de loi par M. Peter Lahay, de la Fédération internationale des ouvriers du transport, en novembre 2004. Notre coalition a essayé de comparaître devant le Comité de l'environnement et du développement durable de la Chambre des communes pour lui faire part de ses inquiétudes, mais sans succès. Nous sommes donc reconnaissants au Sénat de jouer son rôle de Chambre de réflexion en nous offrant l'occasion de faire connaître nos opinions. En tant que Canadien, il est merveilleux de voir la démocratie à l'oeuvre.

Voici les sujets de préoccupation pour lesquels nous voudrions des amendements. Le projet de loi contrevient aux droits de la personne, à la Charte canadienne des droits et des libertés, et à l'article 11 de la Déclaration universelle des droits de l'homme ainsi qu'à l'article 230 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

La Déclaration universelle des droits de l'homme des Nations Unies porte, à l'article 11, que :

Toute personne accusée d'un acte délictueux est présumée innocente jusqu'à ce que sa culpabilité ait été légalement établie.

Le projet de loi va à l'encontre de ce principe, car il abandonne la présomption d'innocence.

L'article 230 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer porte que :

Seules des peines pécuniaires peuvent être infligées en cas d'infractions aux lois et règlements nationaux ou aux règles et normes internationales applicables visant à prévenir, réduire et réprimer la pollution du milieu marin, qui ont été commises par des navires étrangers au-delà de la mer territoriale.

[...]sauf s'il s'agit d'un acte délibéré et grave de pollution.

À cause de la criminalisation générale prévue, l'assurance responsabilité du propriétaire se trouve aussi compromise. La criminalisation et l'incertitude concernant l'assurance peuvent également nuire au financement bancaire. Comme l'a mentionné M. Horrocks, les activités de sauvetage et de renflouement sont également touchées. D'autre part, les sociétés et les navires étrangers sont mieux traités que ceux du Canada. Nous voulons dire par là qu'un garde-chasse peut arrêter un navire canadien sur lequel pèse des soupçons sans le consentement du procureur général. Enfin, il y a la question de l'amende minimale dont l'Association des produits forestiers vous a parlé il y a quelques semaines.

Les amendements que nous demandons, article par article, ont été envoyés à votre bureau. Nous nous ferons un plaisir de vous en fournir des exemplaires supplémentaires.

En ce qui concerne la pollution, Environnement Canada a reconnu que, dans l'ensemble, notre industrie n'a pas de reproches à se faire, ce que nous apprécions. Il y a lieu de se demander ce qui cause la pollution marine.

Le Groupe mixte d'experts des Nations Unies sur les aspects scientifiques de la pollution des mers estime que 88 p. 100 de la pollution océanique provient de sources autres que le transport maritime. La pollution provient à 44 p. 100, des rejets terrestres; à 33 p. 100, des retombées atmosphériques; à 1 p. 100, de l'exploration au large des côtes et à 10 p. 100, des déversements illégaux en haute mer en dehors de l'industrie maritime. Honorables sénateurs, ce sont les chiffres des experts des Nations Unies et non pas ceux de notre secteur. Cela laisse 12 p. 100 de pollution de source maritime. Selon les statistiques de l'industrie, 68 p. 100 de cette pollution provient des petites embarcations. Cela veut dire que le tiers des 12 p. 100 de pollution de source maritime provient des navires.

Quels que soient les chiffres, nous sommes absolument déterminés à prévenir la pollution. Au niveau international, notre secteur est très réglementé et travaille toujours en collaboration avec de nombreuses institutions telles que des associations nationales et internationales, des sociétés de classification pour la conception et la sécurité des navires, des groupes environnementaux, des organismes gouvernementaux, y compris les nations maritimes, de même qu'avec les syndicats afin de prévenir le déversement d'hydrocarbures dans nos mers. Nous améliorons également les pratiques exemplaires au niveau international grâce à la formation et au perfectionnement de notre personnel. Parmi les autres mesures prises conformément à l'OMI, citons des programmes visant à améliorer la formation et la certification des marins et la gestion de la pollution. Nous suggérons également de mettre facilement à la disposition de tous les navires, grands et petits, des récepteurs d'eau mazouteuse et des installations de collecte des déchets afin d'aider les bateaux qui n'en ont pas les moyens à traiter l'eau de cale et à s'en débarrasser.

Sénateurs, le Canada a eu pour politique de faire de l'industrie un partenaire actif pour la recherche de solutions. Une criminalisation générale n'atteindra pas cet objectif. Nous sommes de fiers citoyens qui veulent contribuer à bâtir notre pays. Voilà pourquoi certains membres de notre coalition ont établi, en 2004, l'International Ship-Owners Alliance of Canada. Cette initiative vise à aider le gouvernement canadien à créer une nouvelle initiative de flotte internationale en établissant un registre international canadien de la marine marchande pour les entreprises du transport maritime qui desservent non pas le marché national, mais le marché international. Ce modèle a eu du succès en Irlande, dans d'autres pays européens et à Hong Kong. Rien qu'à Hambourg, il a créé 50 000 emplois directs et indirects. Sous sa forme actuelle, le projet de loi C-15 crée un climat d'incertitude pour cette initiative.

Nous croyons que le Canada doit jouer un rôle de premier plan dans les affaires maritimes mondiales et l'environnement au niveau multilatéral. Nous tenons beaucoup à travailler avec votre comité, le gouvernement canadien et Environnement Canada à l'amélioration de ce projet de loi afin d'obtenir des mers propres, non seulement au Canada, mais dans le monde entier.

Au nom des membres de la coalition, je vous remercie encore une fois de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui.

Le président : Merci à tous d'avoir été aussi brefs que je vous l'avais demandé. J'ai été informé que la sonnerie retentira très exactement à 18 h 45, sénateurs, et le Sénat commencera à siéger à 19 heures précises. Cela veut dire, pour nos invités, que nous devrons sans doute suspendre la séance pendant une quarantaine de minutes afin d'aller régler certaines affaires urgentes dont nous devons nous occuper aujourd'hui, après quoi nous reprendrons cette conversation.

Bien entendu, nous sommes tous du côté du bien et il est entendu que personne ici ne polluerait jamais quoi que ce soit et que tout le monde désire voir cesser la pollution afin que la question soit réglée une fois pour toutes.

Le sénateur Milne : Absolument, mais je dois reconnaître que j'ai déjà certaines idées sur la question et je vais vous dire pourquoi.

Tout d'abord, monsieur Morrison, c'est le groupe le plus nombreux que nous ayons jamais fait comparaître devant le comité ou tout autre comité dont j'ai fait partie. Je dois vous dire que le président s'est montré très obligeant en laissant tout le monde parler. Normalement, nous donnons la parole à un ou deux représentants de chaque groupe qui comparaît. Quand vous avez commencé, monsieur Morrison, j'ai eu l'impression d'être à l'église, en train d'écouter le prêtre se plaindre que les fidèles ne sont pas assez nombreux. Nous sommes là et nous vous écoutons, en principe avec l'esprit ouvert, mais je dois vous dire pourquoi mon esprit n'est peut-être pas aussi ouvert que cela.

Depuis plusieurs semaines, monsieur Ho, votre organisation a fait des instances assez énergiques auprès des membres du comité. C'est normal. Vous dites que ce projet de loi viole les traités internationaux et va peut-être à l'encontre de votre droit de recours. Vous faites valoir, à juste titre, que cette mesure crée des infractions de responsabilité stricte, mais vous ajoutez que cela contrevient à vos droits.

Mon bureau a passé beaucoup de temps à discuter de ces questions avec votre organisation et nous avons dit à vos représentants qu'à mon avis, en raison de la décision que la Cour suprême a rendue, en 1978, dans La Reine c. la Ville de Sault Sainte-Marie, le projet de loi est parfaitement constitutionnel et approprié. Nous avons demandé à vos représentants de prouver le contraire, de me fournir des motifs juridiques d'en douter.

Honorables sénateurs, je dois vous informer, à mon grand regret, que la réponse qui a été envoyée à mon bureau représente le travail le plus bâclé qui m'aie jamais été présenté depuis que je suis sénateur. J'ai présidé le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat pendant cinq ans. Ce document était entièrement composé d'extraits de la décision de la Cour suprême qui étaient soit pris hors contexte soit sans aucune pertinence. Il ne contenait aucune analyse et ne cherchait aucunement à répondre aux questions soulevées par mon bureau. J'ai des copies de ce mémoire, si quelqu'un désire y jeter un coup d'oeil. C'est en anglais, bien entendu.

Je dois dire, messieurs, qu'en raison de la négligence avec laquelle cette question a été traitée, je ne peux pas accorder beaucoup de valeur aux arguments que vous nous présentez aujourd'hui.

Le président : Avant que nous ne commencions la conversation, vous devriez nous communiquer cette réponse.

Le sénateur Milne : Absolument.

Vous nous avez dit que ce projet de loi viole les accords internationaux. Je peux seulement supposer que vous avez obtenu une meilleure opinion juridique, car si je me fie à ce que vous nous avez dit à l'égard de la décision rendue dans l'affaire Sault Sainte-Marie — dont j'ai également copie — cette analyse a été faite sans la moindre rigueur. Je n'accorderai donc pas beaucoup de poids à ce que vous dites.

J'ajouterais toutefois que si nous-mêmes ou le président ne le faisons pas, le sénateur Angus ne manquera pas de soulever certaines des questions que vous avez mentionnées quand le ministre comparaîtra devant nous, ce qu'il n'a pas encore fait.

Le président : Et quand les autres témoins comparaîtront. Nous avons une assez longue liste de témoins, plus longue que nous ne l'avions prévu. Il est important que nous entendions tous les points de vue.

Quelqu'un désire-t-il répondre à ce que le sénateur Milne vient de dire avant que je ne passe à un autre sénateur?

M. Morrison : Je dirais seulement un mot au sujet de ce que le sénateur a dit à propos de mon exposé. Si je ne l'ai pas présenté comme j'aurais dû le faire, c'est peut-être parce que c'est la première fois que je peux parler de ce projet de loi en public et que cela m'a sans doute beaucoup énervé. J'apprécie vivement cette audience et je suis sincère en le disant.

Le président : Je ne pense pas que le sénateur Milne faisait allusion à ce que vous nous avez dit ici aujourd'hui.

Le sénateur Milne : On nous a prêché la bonne parole.

Le président : Le document que vous avez surtout critiqué est celui que vous avez reçu en réponse à des questions juridiques.

Le sénateur Milne : Je vous demanderais de bien vouloir présenter le monsieur qui est au micro.

M. Ho : C'est Lew Lederman, qui nous a conseillés sur un grand nombre de ces questions.

M. Lew Lederman, c.r., directeur et secrétaire général, International Ship-Owners Alliance of Canada et de la Coalition des groupes maritimes : C'est moi qui ait préparé le document. Il devait s'agir d'une note d'information à l'intention du personnel. Ce n'était pas une opinion juridique complète.

Nous croyons toutefois que cette décision est suffisamment éloquente et nous demandons au Sénat de se servir de son propre jugement pour analyser la décision du juge Dickson. Nous croyons que cette affaire étaye nos propositions. Il s'agissait d'une simple note d'information et non pas d'un factum à l'intention de la Cour suprême.

Le sénateur Milne : Un autre document d'information nous est donc distribué, alors.

Le président : Nous l'avons aussi. Je tiens à signaler que nous sommes en train d'obtenir une opinion juridique indépendante des avocats de l'amirauté au sujet de toutes ces questions, car nous devons entendre les différents points de vue. La vérité réside parfois au milieu, mais nous allons obtenir un avis juridique indépendant au sujet de toutes les opinions pour et contre.

Le sénateur Angus : En guise de préambule, étant donné les restrictions que vous imposez à ces messieurs — ils ne font pas tous partie de la même association. Par exemple, le groupe de M. Morrison est entièrement distinct du groupe de M. Ho. J'estime qu'ils ont très bien réussi à exprimer leur point de vue dans un délai aussi court. La seule chose qui m'ait offusqué — et je le dis avec mon sérieux habituel — c'est d'entendre M. Horrocks dire que les juristes de la marine sont des gens gonflés de leur importance. Étant donné les résultats de mon régime amaigrissant, je n'ai pas beaucoup apprécié.

Monsieur Horrocks, j'ai une ou deux brèves questions à vous poser. Je vous remercie d'être venu du Royaume-Uni. Il y a deux choses sur lesquelles j'aimerais vous poser des questions. D'abord, j'ai entendu dire qu'en Europe — je crois que c'était dans les médias — la Communauté européenne s'est beaucoup inquiétée, comme le gouvernement canadien et peut-être aussi les États-Unis, de la pollution du littoral de pays comme l'Espagne et le Portugal et qu'elle a mis en place le même genre de lois pénales. N'est-ce pas la réalité, monsieur Horrocks? Pourriez-vous nous dire ce qu'il en est exactement?

M. Horrocks : Je vais essayer, mais c'est une situation extrêmement complexe. Un projet de directive a franchi toutes les étapes au Parlement européen et s'il est approuvé par Conseil des ministres, il aura certains des mêmes effets. Je dois dire, n'étant pas moi-même avocat — et je vous présente mes excuses, mais c'est aux avocats londoniens que je pensais.

Le sénateur Angus : Merci pour cette distinction, mais quand même.

M. Horrocks : Ils sont suffisamment gros et méchants pour pouvoir se défendre eux-mêmes. Même si ce processus long et tortueux est sur le point d'aboutir, cela suscite encore énormément de confusion en Europe où les avocats de Bruxelles disent qu'à leur avis cette directive n'entre pas en conflit avec les obligations des signataires en vertu de MARPOL et du droit international tandis que la plupart des spécialistes en droit maritime affirment le contraire. Pour le moment, la confusion totale et l'incertitude règnent dans notre secteur. Les avocats disent que nous devons attendre de voir dans quelle mesure cette directive européenne sera intégrée dans les lois nationales et comment les tribunaux l'appliqueront. Les fonctionnaires s'inquiètent de ne pas savoir quoi conseiller à leurs ministres, car certains d'entre eux se rendent compte que leur propre législation nationale risque d'être en conflit avec MARPOL tandis que d'autres sont d'avis contraire. N'étant pas moi-même avocat, j'ai bien peur de ne pas savoir du tout à quoi m'en tenir, comme la plupart de mes collègues.

Au risque de parler trop longtemps, la réponse à votre question est que, bien entendu, depuis deux incidents majeurs qui ont sans doute fait davantage les manchettes en Europe que dans le reste du monde, le naufrage de l'Erica au large des côtes françaises, en 1999 et celui du Prestige, dont on a parlé davantage, trois ans plus tard, c'est une question qui inquiète maintenant le public au Canada pour des raisons légèrement différentes. Je pense pouvoir le dire en toute honnêteté, cela a donné lieu à un certain nombre de décisions politiques qui ont causé beaucoup de difficultés aux parlementaires.

Oui, nous connaissons le même genre de difficultés, qui suscitent les mêmes réactions et les mêmes inquiétudes de la part des mêmes gens, de nos collègues des syndicats, des marins ainsi que des armateurs et, bien entendu, c'est une opinion que partagent les responsables du droit international de l'Organisation maritime internationale qui s'inquiètent énormément de ce que l'initiative européenne va à l'encontre des accords internationaux.

Le président : Je ne veux pas vous interrompre, mais permettez-vous au sénateur Spivak de vous poser une question supplémentaire sur ce sujet?

Le sénateur Spivak : Vous savez ce qu'a dit Shakespeare : « Commençons par tuer les avocats ».

Le sénateur Angus : Il a aussi dit, je crois que, la loi est un âne.

Le sénateur Spivak : Personne n'a vraiment parlé du régime américain et des navires qui, nous a-t-on dit, viennent dans le Nord vider leur eau de cale. Que fait le système américain à cet égard?

Le sénateur Angus : Je ne vois pas en quoi c'est une question supplémentaire. Je n'ai même pas obtenu la réponse à ma question.

Le président : Sénateur Spivak, je vais considérer cela comme une question distincte. Vous êtes la prochaine sur ma liste.

Le sénateur Angus : Tout ce que je voulais savoir, monsieur Horrocks, c'est si la Communauté européenne a, oui ou non, adopté une loi similaire au projet de loi dont nous sommes saisis? J'ai cru comprendre qu'un projet de loi avait été déposé, mais qu'il n'a pas été adopté et qu'il suscite beaucoup d'opposition. Ai-je tort ou raison? Il faut que nous le sachions.

M. Horrocks : Je ne peux pas vous répondre simplement pour oui ou par non. Ce projet de directive a suivi toutes les étapes du processus officiel et doit être maintenant approuvé par le Conseil des ministres des 25 États membres, ce qui devrait être fait en mai ou juin.

Le président : Si cette approbation supranationale a lieu, la directive entrera-t-elle en vigueur?

M. Horrocks : Elle entrera en vigueur à la date qui sera fixée et je crois que ce doit être au moins 18 mois plus tard. Toutefois, au risque de compliquer encore les choses, un débat parallèle se déroule actuellement entre les ministres de la Justice au sujet de la criminalisation. Par conséquent, si les ministres de la Justice peuvent proposer des changements qui rendront l'infraction criminelle moins sévère s'il y a des circonstances atténuantes ou si des mesures sont prises pour réduire l'impact d'un acte jugé négligent, ce genre de détail devra faire l'objet d'autres discussions, mais le processus est arrivé à son terme malgré l'opposition.

Le sénateur Angus : Peut-être serait-il utile de demander à M. Horrocks de nous envoyer un exemplaire de cette directive. Cela nous aidera à comprendre où en sont les choses en Europe, mais je crois qu'il n'y a pas de loi équivalente pour le moment.

M. Horrocks : Je pourrais en remettre un exemplaire à quelqu'un. C'est un épais document.

Le sénateur Angus : Vous avez parlé des sauveteurs. Pour la gouverne des sénateurs, qu'entendez-vous par « sauveteurs »? Est-ce que ce sont les gens à qui on fait appel en cas de déversement et qui vont sur les lieux de l'accident?

M. Horrocks : Il y a un certain nombre d'entreprises spécialisées dans le monde. Les Pays-Bas en ont fait leur spécialité depuis de nombreuses années, depuis des générations. La seule raison d'être de ces entreprises spécialisées est de procéder à des renflouements et de se porter au secours des navires en détresse. Nous les qualifions parfois, assez méchamment, de « vautours de la mer ». Ils attendent qu'un naufrage se produise. Par le passé, ils étaient payés en fonction de la valeur du navire et de la cargaison.

Le sénateur Angus : Quel était votre argument?

M. Horrocks : Ces gens disent que si le simple fait de causer de la pollution, de façon accidentelle ou autrement, constitue un acte criminel, en tant que sauveteurs, ils courent des risques en raison de la nature de leur travail et du fait qu'il arrive parfois que leur intervention cause une certaine pollution. Ils empêchent que la pollution ne s'aggrave, mais ce faisant, ils en causent probablement un peu.

Récemment, le chef d'une opération de sauvetage a été incarcéré pendant deux mois, à Karachi. Les autorités pakistanaises estimaient qu'il avait contribué à la pollution au lieu d'empêcher qu'elle ne s'aggrave.

Le sénateur Angus : Voulez-vous dire que cela les dissuaderait d'aider à nettoyer les dégâts?

M. Horrocks : Ils disent qu'ils hésitent sérieusement à se porter au secours d'un navire sous le contrôle d'un État où il s'agit automatiquement d'une infraction criminelle jusqu'à preuve du contraire.

Le sénateur Angus : Combien de gens de mer représentez-vous, monsieur?

M. Lahay : Environ 600 000 au total.

Le sénateur Angus : Monsieur Curtis, vous avez dit, je crois, que vous aviez un certain nombre de navires qui valent 80 millions de dollars chacun.

M. Curtis : C'est leur valeur moyenne, en effet.

Le sénateur Angus : Pour ce qui est du représentant de Teekay Shipping, quelle est la valeur moyenne de vos navires?

M. Heinmiller : Cela dépend du type de navire, mais pour un pétrolier moderne, à double coque, il s'agit probablement de 60 ou 70 millions de dollars. Un méthanier coûte plus de 100 millions à 150 000 millions de dollars U.S.

Le sénateur Angus : Quand ces navires sont détenus, pour une raison quelconque, suite à un accident, pour une réclamation relative à la cargaison ou une autre raison prévue dans la loi, quel est le coût journalier ou même horaire? Pouvez-vous nous donner une idée générale des coûts à assumer si vos navires sont immobilisés?

M. Curtis : En fait, cela dépend du maillon de la chaîne où vous vous situez. Par exemple, notre situation est différente de celle de Teekay. Teekay possède le navire, trouve la cargaison et octroie un contrat pour transporter la cargaison du point A au point B. Si les taux sont élevés ce jour-là, elle obtient un bon rendement, s'ils sont bas, son profit est plus faible.

Notre entreprise est quelque peu différente. Nous sommes propriétaires des navires et nous les nolisons à un exploitant de ligne principale comme APL.

Le sénateur Angus : American President Line?

M. Curtis : Oui. Nous avons un contrat de 10 ans qui prévoit un montant X par jour pour le navire, disons 20 000 $ pour les petits bateaux.

Le sénateur Angus : Par jour, pour les petits bateaux.

M. Curtis : Oui.

Le sénateur Angus : C'est ce que cela coûte.

M. Curtis : C'est ce que cela nous rapporte.

Le sénateur Angus : Les navires représentent des immobilisations extrêmement coûteuses et je suppose donc que vous avez tout intérêt à les confier à des capitaines et à des mécaniciens compétents. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Curtis : C'est pour cette raison que nous sommes là, sénateur. Nous sommes venus vous voir en raison de la nature même de ce projet de loi qui, au lieu de traiter tout le monde comme des voyous et des malotrus devrait tenir compte de ce qui se passe en cas d'accident. Par exemple, sans vouloir nous vanter, nous investissons davantage dans nos navires afin qu'ils répondent à des normes plus élevées que celles qu'exige la réglementation internationale. Par- dessus le marché, nous investissons beaucoup dans la formation et même dans le recrutement de notre personnel en mer en allant même jusqu'à offrir à des jeunes un programme de formation qui les conduira du rang de cadet à celui de capitaine au lieu d'aller chercher des gens Dieu sait où. Ces personnes ne connaîtraient pas nos systèmes et le système de gestion de la sécurité qui se trouve à bord conformément à la réglementation internationale. Je pourrais citer bien d'autres exemples.

Le sénateur Angus : Ma dernière question, monsieur Lanteigne, concerne ce que vous avez dit au sujet des agents de lutte contre la pollution. Vous avez mentionné le chiffre de 600, je pense, en le comparant avec le nombre de gardes- chasse. Quel était votre argument, afin que je comprenne bien?

M. Lanteigne : Cette question a été soulevée au cours d'un témoignage antérieur portant sur l'application de ce projet de loi. On a fait valoir que l'application était le principal problème que posait le déversement d'hydrocarbures sur les côtes est et ouest. Nous voulons faire valoir premièrement, qu'à notre avis, les gardes-chasse ne possèdent pas la formation, l'éducation ou les connaissances du secteur maritime nécessaires pour appliquer efficacement la loi qui sortira de ce processus. Nous disons qu'il y a actuellement une loi, appelée la Loi sur la marine marchande, qui prévoit des sanctions pénales et civiles.

Le sénateur Angus : Au Canada?

M. Lanteigne : Au Canada, et qui reflète le régime international. Cette loi est appliquée efficacement contre les pollueurs du pays par des agents dûment nommés pour la faire respecter. Ces agents sont des agents de prévention de la pollution. Ce sont surtout des inspecteurs maritimes à l'emploi de Transports Canada, de la Sécurité maritime ou de la Garde côtière canadienne. Ils sont au nombre de 950 et répartis de St. John's, à Terre-Neuve jusqu'à Prince Rupert, dans le Haut Arctique. Si l'application de la loi pose un problème, ces mandataires de l'État, déjà nommés, éduqués et formés, qui ont la capacité de faire ce travail, devraient être chargés d'appliquer toute loi émanant du Parlement.

Le sénateur Spivak : Pour revenir à ma question précédente, qu'en est-il du système américain? Comment se compare-t-il et pourquoi des navires viennent-ils dans le Nord? Est-ce parce qu'ils pensent plus facile de se débarrasser de leur mazout ici qu'au large des côtes américaines?

M. Lanteigne : Je peux vous répondre en ce qui concerne les navires américains sur la côte est et, dans une certaine mesure, sur la côte ouest. L'itinéraire le plus court entre le nord de l'Europe et, dans une certaine mesure, entre la Méditerranée et la côte est passe par le grand cercle au sud du Groenland. Chemin faisant, les navires traversent nos eaux, en dehors de nos limites territoriales, mais certainement à l'intérieur de notre zone économique exclusive. C'est la même chose sur la côte ouest. Pour commercer avec l'Asie et la Chine, les navires prennent la route du Nord, la route du grand cercle, comme vous le faites en avion lorsque vous passez d'un continent à l'autre. C'est la voie la plus directe. En cours de route, ces navires traversent les eaux de notre zone économique exclusive.

Au cours d'un témoignage précédent, on a fait valoir au comité que ce sont ces navires qui, apparemment — des avions qui les survolaient en ont été témoins — déversaient du pétrole dans les eaux canadiennes même s'ils ne se dirigeaient pas vers les ports canadiens.

Le sénateur Spivak : Vous n'avez pas répondu à ma question au sujet du régime américain, de la loi américaine. Comment se compare-t-elle? Pourquoi est-elle censée être plus stricte que la nôtre?

M. Lanteigne : Je ne suis pas avocat, mais je vais essayer de vous répondre de mon mieux.

Comme pour tout ce qui se passe aux États-Unis — nous l'avons vu récemment dans le cas de Martha Stewart — on veut toujours attraper les gens pour les jeter en prison. En ce qui concerne la pollution pétrolière, les États-Unis ont également un régime qui personnalise la pollution. C'est la personne responsable qu'ils attrapent et punissent et emprisonnent au besoin. Il y a eu récemment, aux États-Unis, des cas très regrettables d'équipages étrangers qui ont été emprisonnés pendant une longue période, non seulement le capitaine et les officiers, mais tout l'équipage.

Aux États-Unis, c'est un événement très personnalisé. En fait, la pollution — le navire ou les lieux de l'incident — sont considérés comme la scène d'un crime par le FBI et les autres autorités, ce qui nuit aux opérations de sauvetage. C'est quelque chose de très personnalisé aux États-Unis. C'est une infraction criminelle dans les eaux territoriales américaines, mais pas en dehors de ces eaux.

M. Ho : Je ne suis pas avocat. Je travaille dans ce secteur depuis maintenant 30 ans. Je pourrais peut-être vous aider en essayant de vous expliquer la situation.

Il faut d'abord comprendre que les États-Unis ont toujours agi unilatéralement, contrairement au Canada. Le Canada s'est joint au reste du monde pour atteindre certains objectifs, que ce soit dans le cadre de MARPOL ou de toutes les autres conventions. Comme ils le font souvent, les États-Unis ont décidé d'agir unilatéralement. Ils ont tendance à faire seulement ce qu'ils veulent. C'est une des raisons pour lesquelles le régime semble très différent par rapport aux régimes européens ainsi qu'aux régimes canadien, australien et asiatique.

Cela dit, la chose importante à retenir en ce qui concerne la criminalisation, c'est que, même aux États-Unis, malgré le régime de l'OPA, vous êtes considéré innocent jusqu'à ce que vous soyez trouvé coupable. Ce que je trouve inquiétant, en tant que Canadien, c'est qu'on aille à l'encontre de ce principe en imposant des sanctions criminelles.

En Europe, même si le débat se poursuit et qu'on est en train de définir ce qui est criminel, pour le moment, un accident est considéré comme une négligence grave. Et ce n'est pas le cas pour n'importe quel accident, mais seulement pour un accident grave. Dans la Loi sur la marine marchande du Canada, on parle de négligence grave, de même qu'en Europe, mais la présomption d'innocence est maintenue.

Ce qu'il y a de si regrettable dans ce projet de loi c'est qu'il supprime la présomption d'innocence. En tant que Canadiens qui nous rendons régulièrement en Chine pour conseiller nos collègues chinois sur leur comportement en matière de droits de la personne, allons-nous adopter ce genre de loi ici? C'est ce qui m'ennuie vraiment.

Nous sommes ici pour travailler avec l'environnement. Nous sommes ici pour essayer de faire du Canada un grand pays. Dans nos propositions, nous avons des suggestions que nous aimerions adresser à Environnement Canada sur les moyens dont notre industrie, qui connaît les problèmes opérationnels, peut arrêter ceux qui font des déversements délibérés dans le monde. Ce n'est pas en criminalisant ainsi les choses que l'on remédiera nécessairement à la situation.

Le sénateur Spivak : Il faut que nous puissions faire la comparaison entre les systèmes européen et américain à l'égard des questions qui ont été soulevées ici. Comme personne parmi nous n'a les compétences juridiques pour le faire, nous devrons attendre.

Le président : Et nous le ferons.

M. Horrocks a promis de nous envoyer une copie de cette directive supranationale. Nous aurons donc au moins ce document à examiner.

Capitaine, nous allons également vérifier, mais pourriez-vous dire à la greffière, quand cela vous conviendra, quelle est la source de ce chiffre de 950 que vous avez cité? Ces agents proviennent de divers endroits, de la Garde côtière canadienne et d'ailleurs. Même s'ils travaillent pour des organismes gouvernementaux différents, vous avez laissé entendre qu'ils étaient tous formés pour faire ce genre de travail. Si vous pouviez nous aider en indiquant à notre greffière, au cours des prochains jours d'où provient ce renseignement, nous pourrons également vérifier.

Le sénateur Hubley : Je parlerai des 5 p. 100 qui ne sont pas représentés ici ce soir. Ils sont sans doute à l'origine du projet de loi C-15.

J'ai déploré que vous ne vous sentiez pas concernés par ce problème avant qu'il n'y ait ce projet de loi. Je suis sûre que vous étiez au courant. Vous êtes-vous rendu compte du nombre d'oiseaux de mer qui ont été tués chaque année au large des côtes?

La Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs est une mesure en place depuis 1917. Les interdictions à l'égard du rejet de substances dangereuses et surtout d'hydrocarbures existent depuis 1948. En reprenant la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, le projet de loi C-15 donne simplement au gouvernement la possibilité d'appliquer ces dispositions, surtout dans la ZÉE.

J'aimerais avoir votre réponse à ce sujet. Voilà les questions que nous avons examinées. Nous avons centré notre attention sur les problèmes de la marine marchande. Sachez que nous travaillons très fort sur ce dossier.

Le but du projet de loi C-15 est d'accroître les pouvoirs d'application du gouvernement. C'est bien simple. Nous ne voulons pas criminaliser cette question. Ce n'est pas notre intention. C'est difficile lorsque...

Le sénateur Milne : La diligence raisonnable.

Le sénateur Hubley : J'y arrive. Elle a une longueur d'avance sur moi.

Lorsqu'on détecte un déversement d'hydrocarbures, en exerçant une surveillance ou par d'autres moyens, nous sommes en mesure de l'attribuer à un certain navire. À ce moment-là, la présomption d'innocence ne durera sans doute pas très longtemps et ce navire sera accusé d'être l'auteur du déversement. Je reviens tout de suite à ce qu'on appelle la diligence raisonnable et qui est un élément très important. Je ne parle pas de vos organisations et des efforts que vous avez déployés pour protéger une ressource qui appartient à tous les habitants de la planète, les mers du monde, mais de ceux qui ne le font pas.

Chacun d'entre vous pourra certainement nous parler de la façon dont il protège l'environnement, de ce qu'il utilise à terre, des moyens dont il dispose à bord de ses navires, des réservoirs et de toutes les installations nécessaires. C'est alors qu'intervient le principe de la diligence raisonnable. C'est votre défense. Si elle est acceptée, les tribunaux vous déclareront non coupable. Nous visons les 5 p. 100 de navires à cause desquels 300 000 oiseaux de mer sont mazoutés chaque année.

Pour rester sur une note positive, comme vous avez les réponses et que nous avons les questions, vous avez mentionné la criminalisation alors que ce n'est pas le but de ce projet de loi. Cette mesure a été examinée de près par des avocats environnementalistes et des spécialistes du droit de la mer, de même qu'à l'autre endroit. Lorsqu'elle a expiré au Feuilleton, les juristes l'ont de nouveau étudié à la loupe, car c'est une mesure très importante. Ce projet de loi vise à permettre au gouvernement à mettre en place un régime qui mettra un terme à cette situation. Nous visons seulement une petite partie de l'industrie. Je suis certaine que vous avez également parlé aux ministères.

Y a-t-il une solution? Vous dites une chose et je dirais probablement que ce n'est pas ce que prévoit le projet de loi. Je vois donc qu'il y a un malentendu. Si nous pouvions vous assurer que tel n'est pas le cas, diriez-vous que c'est un bon projet de loi? Pourriez-vous dire que c'est une bonne loi?

M. Ho : Encore une fois, je ne suis pas juriste. Néanmoins, pour commencer, nous n'avons pas été consultés. Nous n'avons pas participé. Ce n'est pas que nous ayons besoin d'être consultés, mais nous avons rencontré certains membres du comité et nous sommes toujours à la recherche de solutions pour améliorer les choses. Les navires à double coque ont finalement été mis en service. Nous trouvons constamment des solutions et je dois dire que c'est en grande partie grâce au Comité de l'environnement qui impose des exigences ou formule des suggestions que l'industrie trouve le moyen de satisfaire.

Comme je l'ai expliqué dans mon mémoire, le fait est que la plupart des navires de haute mer ont à bord des installations pour le traitement de l'eau de cale. Nous avons des séparateurs d'eau mazoutée. Nous pouvons vous expliquer comment cela fonctionne. Nous le ferons avec plaisir. M. Lahay a d'autres documents qu'il peut vous présenter sur la façon dont ces problèmes peuvent être réglés.

Comme je l'ai expliqué dans mon mémoire, il y a encore, dans le monde, une forte proportion de flottes de petits bateaux. Ce sont des bateaux de pêche ou de plaisance. Cela ne veut pas dire que les gros navires commerciaux ne violent pas les règlements. Certains le font, sans aucun doute. Nous avons une proposition que nous comptons remettre à M. Horrocks pour qu'il la soumette à l'IMO et autres autorités compétentes. Nous aimerions beaucoup travailler avec Environnement Canada à des moyens de mettre en place ce genre de mesure.

Pour commencer, les bateaux de pêche, les navires militaires et les bateaux de plaisance n'ont pas de séparateur d'eau mazoutée. Que font-ils de leur eau de cale? Nous suggérons d'installer des récepteurs, comme dans de nombreux ports européens et que le gouvernement invite l'entreprise privée à participer à ce genre de nettoyage. Autrement, nous adopterons un projet de loi qui risque de toucher de nombreux pêcheurs innocents qui ne s'y attendent même pas. Ils seront traités en criminels du jour au lendemain. Nous devons procéder par étapes.

La deuxième proposition dont j'ai parlé, la semaine dernière, aux syndicats et dans les écoles des Philippines, consiste à soustraire de la STCW les questions touchant la pollution marine et d'en faire un programme distinct qui exigera de renouveler la formation de tous les équipages du monde entier qui devront passer un examen pour pouvoir obtenir leur permis. Cela s'applique aux équipages de Grèce, de Norvège, des Philippines et de n'importe quel pays. Ils doivent comprendre que lorsqu'ils acceptent de travailler à bord d'un navire, ils doivent appliquer la convention baptisée MARPOL. Ils devraient subir un examen portant sur les mesures à prendre si l'équipement du navire tombe soudainement en panne. Toutes nos entreprises ont mis en place de nombreuses procédures à suivre en pareil cas. Si c'est imposé par l'IMO, je suis certain que ces agissements cesseront. Pour le moment, il n'y a pas de lien entre la formation et l'obtention du permis. C'est comme pour le permis de conduire. Tout le monde doit recevoir cette formation, y compris les pêcheurs et les militaires, car je sais qu'ils font d'importants déversements dans les océans. Ils doivent respecter l'objectif de votre comité. Nous devons arrêter cela et il est possible de le faire. C'est possible en prenant des mesures sur le plan de la formation et de l'émission des permis, comme nous le faisons pour les automobiles. Vous n'êtes pas censé boire quand vous conduisez, sous peine de perdre votre permis.

Nous pouvons le faire étant donné que le Canada est à l'origine d'un grand nombre de conventions. Il n'y a aucune raison pour qu'Environnement Canada et Transports Canada ne puissent pas exercer des pressions sur la Chambre internationale de la marine marchande. Nous exercerons ces pressions. Nous en exercerons sur les pays d'origine des équipages comme les Philippines. C'est tout simplement inacceptable.

M. Lahay : Je m'efforce, depuis un certain temps, de trouver des éléments positifs dans ce projet de loi. Comme je l'ai dit dans ma déclaration, je reconnais que le problème existe dans un certain segment de la marine marchande. Depuis 12 ans que je représente certains des travailleurs les plus marginalisés et isolés au monde, les gens de mer, nous avons vu arriver au Canada des navires dans un état désastreux, nous avons été témoins de véritables tragédies.

Une des choses que j'ai constatée pour avoir visité un grand nombre de ces bateaux est que nous pouvons communiquer avec l'équipage. Il nous parle et nous fait confiance. Il n'y a pas un seul armateur ou marin qui ne connaisse pas notre organisation et le travail qu'elle accomplit. Nous avons su gagner le respect de la communauté de la marine marchande.

Quand j'ai débuté à ce poste, un grand nombre de navires sous-normes arrivaient dans ma ville, le port de Vancouver. Le Canada a finalement ratifié plusieurs protocoles et conventions dont le document baptisé OIT 147. L'OIT 147 est le seul instrument de l'Organisation internationale du travail que Transports Canada puisse appliquer. Il porte sur les conditions de vie et de travail à bord des bateaux, les aspects sanitaires du navire et ce genre de choses. Transports Canada réglemente aussi les installations de sauvetage et les batteries afin que votre radio puisse fonctionner lorsque vous n'avez plus de courant. Le Canada a ratifié un document appelé le Protocole d'entente de Paris sur le contrôle des navires par l'État du port et nous avons depuis ratifié le Protocole d'entente de Tokyo sur le contrôle des navires par l'État du port. Quand cela a été fait, le Canada s'est trouvé obligé d'inspecter au moins 25 p. 100 des navires battant pavillon étranger qui arrivaient dans les ports canadiens.

Cela a pris du temps, mais nous avons constaté une nette amélioration de la qualité des navires qui arrivent dans les ports canadiens. Je peux vous dire que dans mon port, qui est celui que je connais le mieux, pendant de nombreuses années, j'ai essayé de récupérer des arriérés de salaire allant jusqu'à 1 million de dollars pour des marins qui s'étaient fait exploiter. Maintenant, je suis loin d'atteindre ce chiffre en raison de la qualité des navires qui arrivent dans nos ports. Comme l'a expliqué M. Lanteigne, il y a parfois des bateaux qui suivent la route du grand cercle. Certains d'entre eux sont inférieurs aux normes. Les gens qui exploitent ces navires le font en marge du marché. Je suis sûr que pratiquement toutes les organisations d'armateurs autour de cette table souhaitent s'en débarrasser parce que ce sont des concurrents directs. En 1997, l'OCDE a réalisé une étude selon laquelle les exploitants de ces bateaux sous normes peuvent économiser au moins 100 000 $ par rapport au vraquier moyen en sous-payant l'équipage, en n'assurant pas l'entretien nécessaire, en nourrissant mal l'équipage, en le privant de soins médicaux, en le gardant à bord plus longtemps que le contrat ne le prévoit et par ce genre de moyens. Ils peuvent parfois se faire attraper, mais c'est rentable pour eux.

Quand le Prestige a sombré, le ministre de l'Environnement, M. Anderson, a déclaré publiquement dans les journaux que le Canada devrait interdire les navires battant un pavillon de complaisance. C'était sans doute trop sévère et il est revenu plus tard sur ses paroles en disant que le Canada travaillerait au sein des tribunes internationales pour empêcher ce genre de navires de fréquenter les côtes canadiennes. Je crois que le ministre Anderson avait parfaitement raison. Il avait parfaitement raison de dire que le Canada devrait travailler au sein des tribunes maritimes internationales, car c'est ainsi que notre industrie peut s'améliorer.

L'Australie a publié un rapport surnommé « l'étude des navires de la honte » qui porte officiellement le titre « Safer Ships and Greener Seas ». C'est un rapport d'une importance capitale. Les études de ce genre, qui sont réalisées par des experts, par des critiques de l'industrie, dont nous faisons partie, contiennent de nombreuses solutions. Nous avons sévèrement critiqué la marine marchande pendant des années, mais en tant qu'organisation de travailleurs, nous avons essayé de faire la distinction entre les escrocs et ceux qui essaient de gagner honnêtement leur vie. Notre organisation s'est attaquée au problème et représente une sorte de force policière. Nous savons ce qui se passe. J'inviterais les sénateurs à examiner cette question par le grand bout plutôt que le petit bout de la lorgnette comme le fait le projet. Vous devez vous pencher sur des solutions globales aux causes profondes de ces problèmes.

Personnellement, je pense que M. Ho a raison. Il a fait des promesses ici ce soir. Ce sont les armateurs conscients de leurs responsabilités qui pourront chasser les indésirables du marché grâce à une réglementation internationale qui s'applique également à tous les pays, à tous les pavillons. Les marins connaîtront ces règlements. Si un navire vogue au large des côtes atlantiques cette nuit, avec un équipage ukrainien, ce dernier ne connaîtra pas ce projet de loi. Ce projet de loi n'empêchera pas un déversement d'hydrocarbures cette nuit. Ces marins ne seront pas au courant.

M. Horrocks : J'hésite à le dire, car je ne sais pas dans quelle mesure je suis qualifié pour parler de la législation canadienne, mais vous avez demandé si cette mesure pouvait devenir un bon projet de loi. Tel était le sens de votre question, sénateur. Ce projet de loi repose certainement sur un objectif valide. Nous l'avons dit dès le début et personne ne peut le contester. Pourquoi qui que ce soit le contesterait-il? L'ennui, c'est que les avocats peuvent discuter de leur côté quant à savoir si c'est le cas ou non, mais la façon dont ce projet de loi est libellé donne certainement l'impression que le Canada fait cavalier seul. La raison pour laquelle le Canada aborde les choses de cette façon ressort peut-être clairement de ce que vous avez dit au début. Cela fait longtemps que je suis dans ce secteur et je dois dire que je souscris entièrement à ce que Peter Lahay vient de déclarer. La seule façon dont nous nous attaquerons au problème continu, même s'il est en diminution, des navires sous-normes — et c'est devenu le leitmotiv de l'industrie et pas seulement des organisations intergouvernementales — c'est en menant une campagne coordonnée et constante. Ce n'est possible que si tout le monde pousse à la roue dans la même direction. C'est une des difficultés qui se posent.

J'en reviens à une question que le sénateur Spivak a posée au sujet des États-Unis. L'ennui, c'est que personne ne sait si les États-Unis poursuivent les mêmes objectifs ou s'intéressent seulement à leurs propres objectifs nationaux. C'est là une source de préoccupations constantes pour la communauté internationale qui essaie d'amener tout le monde à souscrire aux accords internationaux, contrairement à ce qui s'est passé aux États-Unis. Voilà pourquoi ces questions suscitent autant d'inquiétude actuellement en Europe. L'Europe semble vouloir agir de son côté, au niveau régional, dans une région du monde qui, jusqu'ici, a toujours appuyé le principe d'un régime international. Les réactions politiques semblent évoluer au fur et à mesure des événements. C'est vrai non seulement pour notre secteur, mais pour tout le reste. Aux États-Unis, l'opinion a basculé très loin dans une certaine direction après l'incident de l'Exxon Valdez. L'attitude générale de la communauté maritime des États-Unis est qu'il faudrait tenter de ramener les États-Unis sur la scène internationale. Certains ont une opinion diamétralement opposée, mais l'opinion a certainement largement basculé et les États-Unis essaient maintenant de participer pleinement aux discussions internationales.

L'inverse s'est produit en Europe il y a quatre ou cinq ans. Les choses vont sans doute de nouveau commencer à changer en temps voulu. Néanmoins, le thème qui ressort de tous ces débats, même si ce n'est qu'un voeu pieux, est qu'il nous faut bien sûr soutenir le régime international. Si ce projet de loi pouvait s'aligner clairement avec le régime international, il obtiendrait de nombreux appuis.

Le sénateur Hubley : Je voudrais répondre à M. Ho. Vous avez mentionné les pêcheurs, la navigation de plaisance et les navires militaires. Quand l'amendement a été déposé à l'autre endroit, comme on voulait viser les principaux responsables, les pêcheurs ont été laissés de côté, même s'ils causent de petits déversements. Ils ne sont pas responsables des importants déversements d'hydrocarbures dans les eaux canadiennes, même si je ne les exonère pas de toute responsabilité. C'est là que les 5 000 tonnes de jauge brute entrent en jeu. Ce secteur n'a pas été inclus. Cette mesure est sans doute une première étape satisfaisante, mais voilà son contexte, monsieur Ho. Je tenais seulement à le mentionner.

Monsieur Lahay, je dois vous féliciter pour votre conception de ce que la marine marchande devrait faire, car je suis entièrement d'accord avec vous. Par où commencer? Vous êtes tous des transporteurs conscients de leurs responsabilités mais nous avons pourtant au Canada un problème monstrueux en ce qui concerne la faune marine. Ce projet de loi a vu le jour en partie parce que les changements nécessaires n'ont pas été apportés. Le problème existe toujours. Il a persisté année après année. Ce projet de loi a été examiné. Il est conforme à la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et à MARPOL. Cela a été établi. J'en ai entendu parler à une ou deux reprises ce soir. Je peux attendre une opinion, mais je suis d'accord avec vous. Ce que nous visons, c'est un élément extrêmement restreint d'une énorme industrie, mais c'est cet élément très restreint que nous espérons viser. Ce sont les 5 p. 100 de l'industrie auxquels nous voulons nous attaquer.

Le président : Pourrais-je vous demander de poser une question, s'il vous plaît?

Le sénateur Hubley : Oui, j'y arrive. Je ne pense vraiment pas que le Canada sera le seul à agir. Je dois préciser qu'un projet de loi semblable attend l'approbation du Conseil des ministres en Europe si bien que nous ne faisons pas cavalier seul. L'autre question à laquelle je voudrais que vous répondiez concerne le fait que, sur la côte des États-Unis, seulement 2,5 p. 100 des oiseaux rejetés par la mer sont mazoutés. Dans les eaux canadiennes, c'est 60 p. 100 de ces oiseaux qui sont mazoutés. De toute évidence, cela pose un sérieux problème pour nous.

Le président : Ils sont morts.

Le sénateur Hubley : Un oiseau mazouté est un oiseau mort. Je ne pense pas que nous soyons les seuls à agir. Je pense vous aurez un rôle à jouer. Vous devez jouer ce rôle.

Le président : Est-ce une question?

Le sénateur Hubley : Je pense que oui. Peut-être pourriez-vous me dire ce que vous en pensez. Je tiens à vous assurer que certains des problèmes soulignés dans votre mémoire ne correspondent pas du tout à ce que nous voyons dans ce projet de loi.

M. Morrison : Sénateur, si nous avions pu proposer ici ce soir des solutions toutes simples pour résoudre nos problèmes, nous l'aurions fait.

Si le sénateur Angus n'était pas là, je dirais que lorsque j'entends tous les avocats de la fonction publique se dire d'accord avec ce projet de loi, cela m'inquiète encore plus, mais nous laisserons cela de côté pour le moment.

Si vous le permettez, je voudrais mentionner rapidement ce qui nous préoccupe tant et inquiète tellement nos armateurs au sujet de ce projet de loi dont ils ne veulent à aucun prix. Il suffit de lire la définition de « immersion ou rejet » qui dit : « le versement, le déversement, l'écoulement, le suintement, l'arrosage, l'épandage, la vaporisation, l'évacuation, l'émission, le vidage, le jet, la décharge ou le dépôt ». Si vous passez à l'article 13(1.7) : « Dans les poursuites intentées pour contravention à l'article 5.4 » — et cela concerne l'immersion ou le rejet de substances — « il suffit, pour établir la culpabilité de l'accusé, de prouver que le bâtiment a procédé à l'immersion ou au rejet d'une substance en contravention à l'article 5.1 ». Autrement dit, cela prouve suffisamment le versement, le déversement, l'écoulement, et cetera. Trois ou quatre de ces dispositions nous donnent de bonnes raisons de nous inquiéter.

« Dans les poursuites contre une personne morale pour une infraction à la présente loi autre que la contravention à divers alinéas, il suffit, pour établir la culpabilité de l'accusé, de prouver que l'infraction a été commise par son employé ou son mandataire, que cet employé ou mandataire soit ou non identifié ou poursuivi ». Nous ne pouvons pas accepter cela. Désolé, sénateur Milne, si j'ai encore l'air de prêcher, mais nous y voyons vraiment des objections.

Nous voyons des objections au libellé concernant les poursuites, au libellé disant : « La personne ou le bâtiment ne peut être déclaré coupable d'une infraction à la présente loi, autre que la contravention aux alinéas x, y, z, s'il prouve qu'il a pris toutes les précautions voulues pour prévenir sa perpétration. » Cela vise une personne ou un bâtiment, mais pas une personne morale. Pour une raison que j'ignore, la société ne peut pas se disculper, même si elle peut prouver qu'elle a pris toutes les précautions voulues, car ce n'est pas prévu dans le projet de loi tel qu'il est formulé.

Nous avons examiné le projet de loi en détail, mais nous ne pouvons pas comprendre qu'on puisse dire : « Vous pouvez prendre les précautions voulues, mais cela ne s'applique pas aux personnes morales et si elles font un déversement qui justifie des poursuites, nous allons faire appliquer la loi par les gardes-chasse ». Nous voyons vraiment des objections à cela.

Je ne veux pas trop dramatiser les choses, mais voilà le noeud du problème pour quiconque possède un navire, exploite un navire, possède des navires, les nolise ou construit ses propres bateaux pour transporter ses propres cargaisons ou celles de quelqu'un d'autre. Nous qualifions ces dispositions de « draconiennes ». Je ne pense pas que nous l'avons inscrit dans notre mémoire, mais nous trouvons cette mesure vraiment très sévère et nous aimerions beaucoup contribuer à rendre ce projet de loi efficace..

Je suis entièrement d'accord avec nos amis qui ont parlé des 5 p. 100 de délinquants et de la nécessité de se débarrasser des navires mal gérés. Nous voulons croire que nous n'avons plus de bateaux de ce genre dans notre système. Quoi qu'il en soit, c'est très décourageant; nous aimerions beaucoup proposer une solution.

Le sénateur Milne : Savez-vous qu'en vertu de la Loi d'interprétation, une personne physique est la même chose qu'une personne morale et vice versa?

M. Morrison : En vertu de la Loi sur les corporations canadiennes, en effet. Alors pourquoi ce...

Le sénateur Milne : En vertu de la Loi d'interprétation.

M. Morrison : Pourquoi ce projet de loi fait-il alors cette distinction? Nous ne comprenons pas.

Le sénateur Milne : Lorsque le projet de loi parle de « personne », cela couvre ...

M. Morrison : Non, sénateur, excusez-moi. Il y a une clause concernant les poursuites contre une personne morale qui n'est pas la même que pour les poursuites contre un bâtiment ou une personne physique. Les gens nous disent qu'ils vont se renseigner là-dessus, mais nous n'arrivons pas à trouver la réponse.

Le président : Nous allons la trouver.

Le sénateur Buchanan : Tout d'abord, je tiens à vous remercier d'être venus ici ce soir. Depuis plus de 40 ans que je suis en politique, je n'ai jamais vu un groupe aussi diversifié de gens représentant autant de facettes d'une industrie. C'est incroyable. Je tiens à vous féliciter pour vos exposés qui étaient brefs, concis et pertinents.

Cela dit, je pense que tout le monde autour de cette table est d'accord avec le principe de ce projet de loi. Nous le sommes tous. Vous l'êtes. Nous sommes d'accord avec le principe à la base de cette mesure et c'est surtout vrai pour ceux d'entre nous qui vivent sur la côte ouest, la côte est ou la côte nord. Nous approuvons ce principe. Ce qui sort de l'ordinaire, c'est que le représentant des syndicats est là avec le groupe et que parmi les membres affiliés à son syndicat figurent l'Association internationale des débardeurs, le syndicat des vérificateurs. Il y a deux semaines, je les ai rencontrés à Halifax pour parler de questions de sécurité, mais ils ont réussi à mentionner ce projet de loi.

Si cela les inquiète, ce n'est pas parce qu'ils sont des marins, car ils ne vont pas en mer. Ils s'inquiètent à cause du va- et-vient constant de porte-conteneurs dans les ports de Halifax, St. John, Charlottetown et St. John's. Plus de 700 à 800 de ces hommes gagnent leur vie grâce aux vraquiers et porte-conteneurs qui arrivent à Halifax. Ils craignent que, si ce projet de loi est adopté sans amendement, il ait des répercussions sur leur avenir en tant que débardeurs et vérificateurs.

Sur la côte atlantique, nous devons constamment lutter pour conserver ce que nous avons. Il y a d'autres ports, ceux de Philadelphie, Boston, New York et autres, qui aimeraient beaucoup détourner davantage les porte-conteneurs de Halifax comme ils l'ont déjà fait. Ces travailleurs nous demandent donc de ne rien faire qui puisse détourner d'autres bateaux du port de Halifax. Ils veulent davantage de travail.

Je m'inquiète en leur nom, au nom de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l'Île-du-Prince-Édouard et de Terre-Neuve des effets que l'adoption de ce projet de loi pourrait avoir sur l'économie des provinces de l'Atlantique. Pensez-vous qu'il aura des effets négligeables, aucun ou quelques-uns?

M. Curtis : Je pense que nous le saurons, dans bien des cas, une fois que le projet de loi sera adopté et que la loi sera en vigueur et quand la GRC montera sur la passerelle pour aller arrêter quiconque, à bord, sera jugé responsable. C'est alors que nous serons vraiment fixés. Ensuite, les gens sauront exactement ce qui se passe au Canada.

Il suffit de prendre le cas du Prestige, un navire qui était en difficulté et qui voulait chercher refuge. On lui a dit de rester à l'extérieur, le navire a sombré et le capitaine est allé en prison. S'il était entré au port et que son bateau avait sombré, d'après notre interprétation de ce projet de loi, il serait quand même allé en prison. Voilà ce qui nous préoccupe.

Je m'inquiète du fait que nous fassions cavalier seul au lieu de rallier les autres à nous au sein de la communauté internationale. J'ai rencontré M. Horrocks il y a plusieurs années. Nous étions membres de ce qui s'appelait à l'époque l'International Ship Managers' Association. Je vivais à Chypre et j'étais directeur technique de l'entreprise de gestion de navires qui était alors la deuxième au monde. Nous gérions plus de 140 navires allant des bateaux de croisière aux vraquiers.

L'ISMA a été mise sur pied par des membres de la communauté maritime avant l'adoption du Code ISM ou Code international de gestion de la sécurité. C'est la preuve qu'il y a des braves gens. Ils voulaient établir des normes supérieures aux normes de l'industrie.

Le code est entré en vigueur. Il a obligé tout le monde à mettre au moins en place des systèmes de gestion de la sécurité qui sont vérifiés par un tiers. Ce document est publié par De Norska Veritas, l'une des plus grandes sociétés de classification au monde. Elle est accréditée par Transports Canada pour inspecter les navires, parce qu'elle sait ce qu'elle doit vérifier. C'est notre deuxième source d'inquiétude, car sans vouloir insulter les inspecteurs des pêches, saurons-ils ce qu'ils doivent chercher?

Toujours en ce qui concerne la dimension internationale — et comme vous l'avez vu, de nombreux intérêts sont représentés ici — si nous sommes là, c'est parce qu'il s'agit d'une entreprise internationale dont tous les participants, qu'ils soient employeurs ou employés, sont de nature internationale.

Si une loi est adoptée par l'entremise de l'OMI et devient un code ratifié et mis en place, un navire qui va dans n'importe quel port du monde, qu'il batte pavillon sud-africain, canadien ou autre, pourra être inspecté par l'État du port qui vérifiera s'il se conforme aux exigences de l'OMI. Ce n'est pas possible si vous légiférez isolément, bien que cette mesure soit plus punitive que réglementaire, car vous vous placez en dehors de ce système de protection mondiale, le mécanisme au moyen duquel notre industrie cherche à améliorer sa façon de travailler.

Si vous prenez les naufrages de vraquiers survenus au cours des 20 dernières années, des navires ont disparu corps et biens au milieu de la nuit. Cela n'arrive plus grâce à la coopération internationale. On s'est penché sur la conception et le vieillissement des navires et on a modifié de nombreux paramètres, qui sont établis à l'échelle internationale.

Nous avons tous entendu parler des pétroliers à double coque. Si la première coque est percée, il n'y a pas de fuite de pétrole. Il y a maintenant un livre blanc sur les porte-conteneurs. Nos grands porte-conteneurs transportent 11 000 ou 12 000 tonnes de carburant. Cela correspond à la capacité d'un pétrolier de la Seconde Guerre mondiale. L'IMO a produit un livre blanc qui suggère que si le réservoir de carburant dépasse une certaine taille, le navire devrait être à double coque.

Que font les entreprises comme Seaspan ou Teekay, qui participent à la conception de nouveaux bâtiments atteignant au moins les normes internationales minimales? Je dirais que nous nous dirigeons tous vers des normes nettement plus élevées. Si un bateau arrive et qu'à cause d'une mauvaise vague sa coque est percée, 3 000 tonnes de mazout vont s'échapper. D'après la façon dont nous interprétons ce projet de loi, nous allons tous y passer, du directeur de l'entreprise jusqu'au chat qui vit à bord. Voilà le problème. C'est un accident. Nous travaillons dans un secteur dangereux à cause des périls de la mer. Voilà ce que j'en pense.

Le sénateur Spivak : Je voudrais savoir combien des pétroliers qui parcourent les mers du monde ont une double coque et combien ont encore l'ancien système, étant donné que cela fait longtemps qu'on en parle.

M. Curtis : Cela fait longtemps que je n'ai pas exploité de pétroliers, mais cela figure dans ce document. Ce sont les règlements de l'IMO. Vous avez là la clause des droits acquis, la date à laquelle certaines mesures doivent être mises en place, selon qu'il s'agit d'un nouveau bateau, d'un bateau vieux de 10 ans ou vieux de 20 ans. Tout est là et tout a été réglementé et ratifié.

Disons par exemple qu'un pétrolier à coque simple arrive maintenant au Canada. En fait, comme je crois que la date est dépassée, il n'aurait pas le droit de venir ici.

Le sénateur Spivak : Quelle est la réponse?

Le président : Sénateurs et messieurs, j'insiste pour qu'à partir de maintenant, pour gagner du temps, les questions soient plus précises et que les réponses soient plus directes. Cela répond-il à votre question, sénateur Spivak?

Le sénateur Spivak : Non, je n'ai pas eu de réponse.

M. Lanteigne : Sénateur Spivak, selon les données les plus récentes de l'International Association of Tanker Owners, qui représente 90 p. 100 de la flotte mondiale de pétroliers, près de 80 p. 100 de la flotte de pétroliers de moyenne et de grande taille a maintenant une double coque. Le reste, les 20 p. 100 restant, doit recevoir une double coque d'ici 2015 au plus tard. Tous les pétroliers canadiens qui desservent nos ports sont maintenant à double coque.

Le président : Je crois que M. Curtis a cité des chiffres plutôt que le régime auquel ils doivent se conformer, n'est-ce pas?

M. Curtis : En effet.

Le sénateur Spivak : Oui.

Le président : Monsieur Hsu, avez-vous une réponse à une question précédente?

M. Hsu : Sénateur Buchanan, pour répondre à votre question, je dois dire que je ne suis pas suffisamment informé pour savoir quelles conséquences cela aura pour la Nouvelle-Écosse, mais comme je viens de Colombie-Britannique, je peux vous dire ce que j'ai vécu et constaté.

Mon entreprise a été créée en 1994 directement à la suite de la création du Centre maritime international, dont je vous ai déjà parlé.

À ma connaissance, 20 à 25 entreprises se sont installées à Vancouver suite à cette initiative. Ces entreprises font surtout du transport international et desservent à l'occasion le marché canadien. Je veux toutefois vous faire comprendre que la gestion internationale des navires est une industrie florissante à Vancouver. Nous sommes en constante expansion.

Je peux dire que Teekay, l'entreprise que mon collègue qui est ici représente, a rapidement doublé de volume. En ce qui nous concerne, nous avons connu une croissance d'environ 60 à 70 p. 100 en 10 ans. Nous sommes constamment à la recherche d'administrateurs locaux pour soutenir cette croissance.

Pour revenir à ce qu'a dit M. Lahay, je crois que s'il est adopté, ce projet de loi aura un effet négatif sur les jeunes qui prendront notre relève. Quelqu'un a mentionné tout à l'heure le fils d'un avocat qui a demandé à son père s'il devrait se lancer dans cette industrie et à qui le père a répondu non. Pourquoi voudriez-vous courir le risque d'être poursuivi au criminel pour un accident?

Nous contribuons à l'économie de la Colombie-Britannique. Si ce projet de loi est adopté, cela se répercutera certainement sur nos entreprises.

D'un autre côté, je connais une entreprise de transbordeurs de Colombie-Britannique. Elle joue un rôle crucial pour les îles de la province. Cette entreprise souffrira énormément de ce projet de loi, pour les mêmes raisons. Elle est constamment à la recherche de personnel pour remplacer ses marins et ses administrateurs. Je crois que cela va nuire à la croissance de notre industrie.

Le sénateur Buchanan : Je voudrais faire une observation et poser ensuite une autre question.

Je crains que si cela arrive sur la côte ouest, cela peut arriver aussi sur la côte est, dans les ports de Halifax, de Saint John ou de St. John's. Notre croissance économique dépend de nos ports. L'initiative de flotte internationale a créé de nombreux emplois.

Cela pourrait nous empêcher de profiter d'une initiative de ce genre sur la côte est, la région que je connais bien. Les répercussions économiques sont importantes.

En tant que parlementaire de longue date et avocat, j'ai fait partie de ceux qui se sont longuement battus et qui se battent encore pour conserver la présomption d'innocence. En 1982, j'ai signé la Charte des droits qui préserve la présomption d'innocence dans notre pays. Chaque année, nous avons célébré, en Nouvelle-Écosse, la Déclaration des droits de l'homme des Nations Unies, qui protège la présomption d'innocence.

Pourtant, nous sommes en train d'inverser le fardeau de la preuve. Je sais que des gens affirment le contraire. Je peux vous assurer que c'est bien le cas. Si cela se concrétise, il y aura des contestations judiciaires un peu partout au pays. Pourquoi nous exposer à cette situation alors qu'il suffirait de simples amendements pour y remédier?

Le président : Et votre question au témoin est?

Le sénateur Buchanan : Ma question est : ai-je raison?

M. Curtis : Oui, nous croyons que vous avez entièrement raison.

M. Ho : Je me soucie beaucoup des oiseaux. Je n'en avais pas entendu parler. Lorsque nous avons appris l'existence de ce projet de loi, en novembre, nous ne savions pas ce qui se passait. Depuis combien de temps cela se produit-il?

Le sénateur Hubley : Depuis longtemps.

Le sénateur Adams : Je tiens à remercier les témoins d'être venus.

Ce projet de loi nous touchera en ce qui concerne le coût de la vie dans l'Arctique.

En 1970, Greenpeace est venue interdire les pièges à ressort dans l'Arctique. Depuis, l'économie est en baisse. En 1970, une peau de renard valait environ 70 $. Elle ne vaut plus que 5 $. Vous devez faire vivre votre famille et vivre de la terre. C'est la même chose pour les entreprises. S'il y a trop de restrictions, vous ne pouvez pas poursuivre vos activités. Si un accident cause des dommages à l'environnement et que vous êtes condamné à payer une amende, vous devrez déclarer faillite.

Depuis 1950, lorsque la GRC est venue chez nous s'occuper des gens, il y a eu des accidents. Comme plusieurs enfants ont été tués par des chiens Husky, les chiens ont été abattus. Pour les gens, les chiens Husky étaient leur moyen de transport qui leur permettait d'aller chasser, si bien que les gens ne vont plus chasser. C'est une simple comparaison avec ce qui se passe aujourd'hui. Vous possédez l'entreprise, vous avez des gens qui travaillent pour vous et vous devez payer leur salaire.

Greenpeace est venue interdire les pièges à ressort et maintenant nous n'avons plus le droit de tuer des phoques. Les gens disent que vous pouvez vous rendre à la Baie d'Hudson pour acheter de quoi manger et toucher l'aide sociale. La population ne vit plus de la terre autant qu'avant. Aujourd'hui, nous avons le problème du suicide. Nous avons la télévision et le gouvernement nous fournit davantage de logements. C'est difficile. À l'époque, nous étions indépendants jusqu'à ce que le gouvernement intervienne. Aujourd'hui, il y a beaucoup de réglementation, ce qui a des effets sur notre culture. La vie est vraiment difficile au Nunavut, surtout maintenant.

Nous avons au Nunavut 26 communautés où tout est apporté par bateau, plus de 80 p. 100. L'approvisionnement arrive chaque été. À certains endroits, les marchandises arrivent par avion jusqu'à Resolute, disons. Il faut payer 66 $ le kilo pour n'importe quelle commande de marchandises.

Ma famille vit de la terre. Nous sommes des gens conscients de l'environnement. Nous veillons à ne pas tuer plus que nécessaire. Nous tuons ce dont nous avons besoin pour faire vivre la famille.

Nous vivons dans les 26 communautés; une communauté réside à l'intérieur des terres, à Baker Lake, et les 25 autres, le long de la côte. Nous n'avons pas vu un seul mammifère mort ou un seul oiseau de mer. Des eiders du Nord vivent dans l'Arctique 12 mois par an. Je ne sais pas si 300 000 oiseaux sont tués par les déversements d'hydrocarbures chaque année dans la mer. Est-ce vrai? C'est ce que dit le projet de loi. Les oiseaux vivent là. Nous ne les mangeons pas, ils sont dans la mer. Nous ne les tuons pas. Je comprends que les gens s'inquiètent du sort des mammifères. Ce n'est peut-être pas entièrement causé par les déversements d'hydrocarbures.

Nous n'avons pas de route. Certaines localités sont entièrement approvisionnées par le Sud. Dans 100 ans, si nous avons 26 communautés, nous n'aurons toujours pas de route d'accès. Il y a davantage de règlements et maintenant il est question de développement économique et d'exploitation minière. Il y a quelques années, on a construit une mine de diamants près de Yellowknife. Plus de 6 000 camions sont venus d'Edmonton apporter des matériaux pour construire cette mine.

Le président : Sénateur Adams, avez-vous une question à poser à ces messieurs?

Le sénateur Adams : Je voulais simplement expliquer ce qui se passera si ce projet de loi est adopté. Il n'y aura plus de gens ou de sociétés minières, car la réglementation sera trop restrictive. Nous n'aurons plus à construire de routes, les routes d'hiver. Nous allons réduire la nécessité de construire des routes pour donner accès à la communauté à cause des pétroliers. Les prix vont augmenter parce que l'assurance coûtera plus cher à cause de la glace et de tout le reste.

Nous vivons dans l'Arctique; ce n'est pas comme dans le Sud. Nous vivons des ressources de la terre. J'étais encore là-bas avant-hier. J'étais sorti et il y a eu un voile blanc. Je n'ai pas de GPS, mais j'ai réussi à rentrer chez moi. Il était impossible de voir quoi que ce soit, mais je suis rentré.

Je vous comprends. Nous essayons de faire de notre mieux, mais il y a quand même des accidents. Ce n'est pas à cause du capitaine ou de qui que ce soit. Parfois, la mer est déchaînée ou il y a de la glace. Ce n'est pas nécessairement pour une raison humaine. Le gouvernement dit que si un accident se produit, de lourdes peines seront imposées. Voilà le genre de choses que nous faisons pour la population canadienne. Nous sommes un peu différent des autres pays. Je n'appuie pas vraiment le projet de loi C-15, car je crois qu'il coûtera plus cher de vivre dans l'Arctique.

Cela va faire du tort à plus de gens des communautés du Nord, car parfois, les sociétés, les gens comme vous, ne veulent pas courir de risque. Si votre pétrolier se prend dans les glaces, vous devrez payer une amende d'un million de dollars au gouvernement.

M. Hsu : Sénateur Adams, je vous remercie pour vos commentaires. Je voudrais seulement ajouter quelque chose. J'ai participé à l'établissement d'une coalition qui, comme vous l'avez peut-être entendu dire tout à l'heure, comprend plusieurs centaines de membres. Ce faisant, j'ai communiqué avec une entreprise du nom de NTCL qui est, je crois, une société de la côte nord qui fourni des services de transport à ces 23 communautés côtières. Elle m'a dit qu'elle n'avait pas été consultée au sujet du projet de loi C-15. Je voulais seulement le mentionner.

M. Lanteigne : Nous sommes les transporteurs maritimes de choix pour les produits pétroliers et les marchandises qui sont acheminées chaque été dans l'est et le centre de l'Arctique. Nous transportons plus de 4,5 millions de tonnes de marchandises pour approvisionner les communautés et les sites industriels, surtout les sites miniers et les bases.

Le sénateur Angus : Vous parlez des membres de votre association?

M. Lanteigne : Les membres de notre association qui battent pavillon canadien. Nous avons une flotte de pétroliers de cote glace qui sont tous à double coque. Nous avons une flotte de cargos dont la plupart sont de cote glace et ont des réservoirs de carburant à double coque. Je peux vous assurer qu'au cours des 10 dernières années, nous n'avons jamais laissé fuir une seule goutte d'hydrocarbures dans l'Arctique.

Au nord du 60e parallèle, l'Arctique bénéficie de certaines des lois antipollution les plus strictes au monde. Ce régime a été mis en place par le premier ministre Trudeau à la fin des années 60 après la tentative faite par le Manhattan, le pétrolier américain d'Exxon, pour entrer par le passage du nord-ouest. C'est le modèle que la communauté internationale a utilisé pour rédiger la convention MARPOL actuellement en vigueur. Elle interdit tout rejet. Il n'est même pas question de séparateurs qui permettent de déverser 5 parties par million.

Le président : Cette loi avait de nombreuses années-lumière d'avance sur tout le reste, n'est-ce pas?

M. Lanteigne : En effet, et elle est efficace.

Le sénateur Angus : Ce n'est pas une loi criminelle.

M. Lanteigne : Non.

Ce régime a été le précurseur du régime international et nous devrions en être fiers.

Vous nous avez entendus ici ce soir. Nous ne sommes pas très fiers de l'approche adoptée dans ce projet de loi. À mon avis, nous devrions être fiers de notre histoire et essayer de s'en servir pour que nos mesures antipollution visant à protéger les 300 000 oiseaux soient beaucoup plus efficaces qu'elles ne l'ont été par le passé.

C'était le cas dans l'Arctique. Comme l'a dit le sénateur Adams, au cours des 30 dernières années d'existence de cette loi, le transport maritime qui approvisionne l'est, le centre ou l'ouest de l'Arctique n'a eu aucun effet négatif sur l'environnement arctique.

M. Curtis : Monsieur le président, suite à ce qu'on vient de dire et à ce que M. Lahay a mentionné tout à l'heure, n'oublions pas où cette mesure se situe dans le contexte de la pollution marine.

À titre d'exemple, je voudrais vous lire la liste des vérifications auxquelles nous soumettons nos navires comme l'exige la loi et, dans certains cas, de façon volontaire. Il y a les oxydes d'azote qui sortent de la cheminée. Nos systèmes de réfrigération ne doivent pas contenir de substances qui détruisent la couche d'ozone et ne doivent pas fuir. Il faut démontrer que les systèmes de lutte contre les incendies n'utilisent pas de halons qui détruisent la couche d'ozone; il y a la prévention de la pollution provenant du combustible de soute, de même que les réservoirs de boue et l'huile usée. En ce qui concerne les cargos, ce sont des choses sur lesquelles l'accent a été mis. Vous pouvez toutefois aller plus loin que MARPOL ne l'exige au niveau de la conception des systèmes du navire, par exemple en dirigeant d'un côté l'eau qui se condense et de l'autre les mélanges de mazout et d'eau afin de ne pas avoir autant d'eau à traiter.

Aucun de nous ne veut jeter ces matières par-dessus bord. En fait, ces matières ont de la valeur pour nous, car nous pouvons les vendre en Chine. Nos boues nous rapportent de l'argent et nous ne voulons donc pas les jeter en mer, car ce serait jeter de l'argent par-dessus bord. Il y a là un important message à retenir pour le monde occidental.

La gestion des déchets : le plastic, le papier, et cetera; le traitement des eaux usées, à savoir si vous pouvez les rejeter ou non. En fait, vous êtes obligés de les rejeter à un moment donné, mais c'est après leur traitement et vous pouvez utiliser volontairement des méthodes de traitement beaucoup plus poussées que la loi ne l'exige.

Disposition anti-salissure de la coque. Là encore, MARPOL nous interdit d'utiliser des systèmes anti-salissure à base d'étain. Des systèmes encore plus perfectionnés arrivent actuellement sur le marché.

Eau de ballast : Nous avons tous entendu parler de l'importation de divers organismes d'une zone à une autre. Il y a certains traitements qu'on peut utiliser pour l'empêcher et cette technologie commence également à se développer.

Les eaux grises : les eaux provenant d'autres endroits comme les cabines, et cetera et la façon de les traiter; la protection des réservoirs de carburant. Nous avons parlé des doubles coques; les émissions de vapeur. Vous avez tout ce mazout. Nous ne pouvons pas l'injecter dans le moteur avant qu'il ait atteint une température de 120 degrés Centigrade, parce qu'il est trop épais. Comme il est à un niveau au-dessus du mazout utilisé sur les routes, il faut le chauffer, ce qui produit des émissions qu'il faut capter.

Ce ne sont là que quelques exemples des contrôles antipollution mis en place dans notre industrie. Il n'y a pas seulement un peu de pétrole qui se retrouve dans l'eau et qui va tuer quelques oiseaux. Il y a aussi les poissons et l'air. Des contaminants se retrouvent dans le Fraser et ailleurs. Il faut voir les choses dans une optique plus globale.

Le sénateur Adams : Monsieur Lanteigne, vous connaissez peut-être le delta du Mackenzie. On y transporte beaucoup de pétrole et vous pouvez imaginer ce qui se passera si un de ces pétroliers cause un déversement accidentel. Avez-vous une idée de l'amende que vous pourriez avoir à payer si ce projet de loi était adopté? NTCL a transporté du pétrole de Hay River jusqu'au Nunavut, en allant jusqu'à Tuktoyaktuk et Cambridge Bay. Que se passera-t-il une fois ce projet de loi adopté si des millions de litres s'échappent d'une de ces barges et se déversent dans la rivière?

M. Lanteigne : Que se passera-t-il si ce projet de loi est adopté?

Le sénateur Adams : Si le projet de loi est adopté, cette société aura combien de millions de dollars d'amende à payer?

M. Lanteigne : Personnellement, je pense que si le projet de loi est adopté, NTCL aura un sérieux défi à relever, même si ses bateaux jaugent moins de 4 500 tonnes. Ils sont quand même passibles d'une amende. Le projet de loi n'exclut pas les navires de 4 500 tonnes de jauge brute. Ils sont maintenant assujettis à l'amende minimum. Les pêcheurs, les petits transporteurs de la côte et la navigation de plaisance sont également visés par ce projet de loi.

Le président : NTCL est-elle membre de votre organisation?

M. Lanteigne : NTCL n'est pas membre de notre organisation. En cas de négligence, NTCL serait passible d'une amende de 500 000 $. Cela porterait un sérieux coup à sa viabilité financière.

M. Ho : Je m'étonne qu'on fasse une distinction en disant que tout bateau de plus de 5 000 tonnes sera passible d'une amende, tandis que tous les bateaux dont la jauge est inférieure n'en paieront pas.

Le président : Le projet de loi ne dit pas cela; c'est l'amende minimum.

M. Ho : Oui. Néanmoins, la plupart des navires de 5 000 tonnes ont des séparateurs d'eau mazoutée tandis que les petits navires n'en ont pas. Je me souviens qu'un témoin d'Environnement Canada a dit s'inquiéter des petits rejets qui polluent continuellement la mer. Cela me laisse perplexe. Nous devrions faire en sorte d'empêcher les petits déversements provenant de tous les bateaux, y compris les petites embarcations à moteur hors-bord. Tout cela doit cesser. Notre industrie est là pour vous y aider.

Il n'est pas logique de s'intéresser uniquement aux grands navires pendant que les petits bateaux continuent de rejeter leur eau de soute. Ce n'est pas logique. Nous sommes ici pour mettre un terme à cette pratique. Les ports doivent mettre des installations à la disposition des petits bateaux pour se débarrasser de leur eau sale. Comme l'a dit M. Lahay, l'entreprise privée pourrait peut-être se lancer dans ce commerce. Si on peut le faire en Chine, pourquoi ne pouvons-nous pas le faire ici?

Le président : C'est un bon argument, un des plus convaincants que nous ayons entendu ce soir. Néanmoins, ce projet de loi s'applique à tous les bâtiments. Une amende de 500 000 $ pourrait être imposée pour un bâtiment de 500 tonnes.

M. Ho : C'est exact.

Le président : Messieurs, je voudrais vous soumettre une idée à laquelle je ne vous demande pas de répondre maintenant, à moins que vous ne souhaitiez le faire. Je voudrais plutôt que vous y réfléchissiez et que vous nous répondiez plus tard. Vous avez évoqué à plusieurs reprises le principe de la responsabilité stricte, du fardeau de la preuve. J'aimerais que vous demandiez à votre conseiller juridique de réfléchir à plusieurs choses.

Premièrement, dans le contexte juridique canadien, la Cour suprême a déterminé que les infractions de responsabilité stricte comme celles que prévoit la législation environnementale depuis très longtemps sont parfaitement constitutionnelles. Tel est le contexte juridique actuel.

Deuxièmement, quand vous nous répondrez, n'oubliez pas que la Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable qu'un incident s'est produit et que le fardeau de la preuve est alors inversé. La personne, le bâtiment ou la personne morale qui a été accusé doit alors prouver selon la prépondérance des probabilités, un niveau de preuve beaucoup moins exigeant — qu'elle a effectivement pris toutes les précautions requises.

Demandez à vos juristes de répondre à cela. La première chose que j'ai mentionnée c'est le contexte juridique qui est le nôtre, que cela nous plaise ou non. Telle est la loi du pays. Contrairement à ce que vous avez dit, ce projet de loi n'impose pas une nouvelle obligation. De nombreuses autres lois environnementales canadiennes n'exigent pas que l'intention criminelle soit prouvée. Vos réponses devront en tenir compte. Deuxièmement, il y a la question du fardeau de la preuve qui n'est pas aussi lourd.

Cela dit, nous allons maintenant passer au deuxième tour.

Le sénateur Milne : Monsieur le président, en mentionnant la Cour suprême, vous m'avez gentiment ouvert la voie. J'avoue être offusquée par ce que votre avocat a dit tout à l'heure. Lorsque des membres de mon personnel demandent une opinion, ils le demandent pour moi et non pas pour eux-mêmes. Il ne s'agit pas d'une séance d'information pour le personnel. Ces personnes travaillent pour moi et, bien entendu, le Sénat n'est pas la Cour suprême du Canada, mais le Parlement et les Chambres du Parlement représentent le deuxième tribunal du pays. C'est ici qu'on fait les lois, lesquelles sont interprétées par la Cour suprême. Cela dit, je m'attends au moins à ce qu'on fasse preuve d'un certain respect et qu'on prépare les réponses avec soin lorsque je demande quelque chose.

Deuxièmement, je dois dire, messieurs, que vous vous êtes rachetés à mes yeux en faisant des suggestions positives. Je n'ai pas vu les amendements que vous suggérez, mais je vais les examiner.

Depuis 30 ans, la législation environnementale canadienne qui s'applique à toutes les industries s'est basée sur le principe de la responsabilité stricte. Pourquoi pensez-vous que ce projet de loi devrait vous traiter de façon différente?

Le président : Cela fait peut-être partie de la réponse que vous donnerez à la question précédente.

M. Heinmiller : Nous avons entendu le président et nous allons obtenir une opinion plus complète. Je regrette que vous ayez pris la note d'information comme vous l'avez fait, cela ne visait aucunement à vous offenser.

Si nous nous inquiétons, c'est sans doute parce que le projet de loi confond les déversements accidentels et intentionnels. C'est là que réside le problème. Si quelqu'un se rend coupable d'un rejet intentionnel ou de négligence, il est entendu que le droit pénal devrait s'appliquer rigoureusement. S'il s'agit toutefois d'un accident, j'estime que la protection de la Charte des droits et des libertés en ce qui concerne la présomption d'innocence devrait être maintenue, surtout si c'est non seulement une personne morale, mais aussi une personne qui peut être tenue responsable.

Le président : Toutefois, la Cour suprême n'est pas d'accord avec vous, monsieur.

Le sénateur Milne : L'accident est une défense.

Le président : Cela fait partie de la réponse que je vous ai suggéré de nous adresser. Qu'il s'agisse d'un fermier qui laboure le champ du fond sans se rendre compte qu'il détruit l'habitat d'une chevêche des terriers ou d'un navire qui rejette quelque chose, la difficulté de prouver l'intention est insurmontable. Il n'est pas possible de prouver l'intention dans de telles circonstances et c'est pourquoi la Cour suprême a estimé, dans les causes types qui lui ont été soumises jusqu'ici, que le principe de la responsabilité stricte devait s'appliquer dans le contexte de la législation environnementale.

Je suggère que nous laissions cette question de côté pour le moment, car je vous ai soumis quelques idées, qui s'écartent peut-être de ce que vous avez entendu, en vous demandant de consulter vos conseillers juridiques. Plusieurs de nos membres sont des avocats, mais je pense que vous voudrez peut-être aborder la question dans une optique différente.

M. Hsu : Comme nous sommes tous ici et qu'il est si rare que nous puissions tous être là ensemble, comme nous sommes des armateurs et non pas des avocats, nous avons confié à certains de nos juristes le soin de préparer notre prise de position. À cet égard, je crois que M. Lederman a été en contact avec vous et je vais donc lui laisser la parole pour qu'il puisse en parler.

M. Lederman : Pour vous expliquer le contexte, j'ai rencontré l'adjoint exécutif du sénateur Milne il y a un certain temps pour discuter de nos préoccupations. Il m'a dit que pour pouvoir réagir, nous devions nous baser sur la décision rendue dans l'affaire Sault Sainte-Marie. Je lui ai répondu que je n'étais pas un avocat spécialisé dans l'environnement, même si j'exerce le droit depuis 30 ans et que je suis conseiller de la reine depuis 1990. J'ai lu l'affaire Sault Sainte-Marie et je lui ai envoyé une note disant : « Voici ce que j'en pense ». Je n'ai jamais présenté cela comme une opinion juridique. On ne m'a jamais demandé d'opinion juridique. Voilà le contexte.

Nous avons essayé sincèrement et en toute bonne foi de faire connaître nos préoccupations et nous vous remettrons les notes que vous avez demandées.

Le président : Nous le comprenons tous. Je n'ai pas formulé la moindre critique en vous demandant de présenter une optique différente. C'est simplement que ce point de vue n'a pas été abordé et que nous voulons connaître votre réaction pour faciliter nos délibérations.

M. Lederman : Je suis d'accord, monsieur le président, et je l'apprécie, mais c'est très frustrant pour moi, car je me sens personnellement insulté lorsqu'on porte atteinte à ma réputation.

Le sénateur Milne : Moi aussi, monsieur Lederman.

Le président : Nous n'irons pas plus loin. Je ne pense pas qu'on ait voulu porter atteinte à votre réputation, monsieur Lederman. Aucun de nous n'a porté la moindre atteinte à votre réputation.

Le sénateur Adams : Tout cela me met mal à l'aise. Je ne pense pas que ces personnes comprennent ce qui se passe. Je ne pense pas que nous devrions lancer des accusations simplement parce que le personnel du sénateur Milne n'était pas d'accord avec ce que l'avocat lui a dit. Nous sommes ici pour essayer d'aider ces gens. Je ne pense pas que nous devrions nous en prendre aux témoins.

Le sénateur Milne : Sénateur Adams, j'ai essayé d'obtenir des renseignements qui aideraient cette cause. Malheureusement, cela n'a pas été le cas.

Le président : Nous comprenons maintenant pourquoi. Nous avons posé une question différente et on prendra le temps de nous donner une réponse.

Le sénateur Angus : Pour répéter ce que j'ai dit tout à l'heure, je pense que vous êtes tous venus ici très bien préparés. Il est très utile pour le processus législatif d'entendre des gens comme vous.

Je regrette que le sénateur Spivak soit partie, car je voulais revenir sur l'exemple américain. Elle essayait d'examiner avec vous le fait que nos amis du Sud ont également une loi prévoyant une responsabilité stricte.

La loi américaine fait-elle intervenir des agents de la faune et autres autorités de ce type ou est-ce une autre catégorie d'employés qui surveille le transport maritime? Autrement dit, cette loi correspond-elle exactement au projet de loi C- 15 ou présente-t-elle des différences importantes dont vous aimeriez nous parler?

M. Lanteigne : Je n'ai qu'une réponse partielle à donner à votre question. J'ai suivi cela de très près depuis 10 ans étant donné que nos pétroliers vont constamment aux États-Unis. La législation américaine n'est pas centrée sur les oiseaux, les poissons ou les plages, mais sur le fait que les rejets d'hydrocarbures constituent une infraction criminelle. Le navire devient la scène d'un crime. La Garde côtière américaine participe à l'enquête et le FBI porte les accusations criminelles. Cette loi ne met pas l'accent sur certains mammifères, oiseaux ou quoi que ce soit d'autre. Si vous déversez des hydrocarbures, une amende vous est imposée et vous payez très cher. La Garde côtière participe également au nettoyage..

Je vais me renseigner davantage et je vous donnerai une réponse.

M. Horrocks : Je ne suis pas d'accord avec mes collègues. Je crois pouvoir dire que la Loi américaine contre la pollution pétrolière fait des déversements des infractions civiles et non pas criminelles, ce qui constitue une différence importante. La responsabilité est stricte, mais il s'agit d'une infraction au civil.

Pour répondre à la deuxième partie de votre question, l'équivalent du garde-chasse dans le contexte du projet de loi C-15 est, sans aucun doute, la Garde côtière des États-Unis.

Le sénateur Angus : Les gens qui comprennent les navires et qui savent à quoi ils ont affaire.

M. Horrocks : C'est exact. C'est l'organisme avec lequel l'industrie du transport maritime a des rapports, aussi bien quand les choses vont bien que lorsqu'elles vont mal.

M. Morrison : Comme on l'a déjà mentionné, la législation américaine porte sur les rejets d'hydrocarbures et pas seulement en mer. C'est une loi plus générale. La Garde côtière applique toute la législation maritime et tout ce qui touche la mer aux États-Unis et voilà pourquoi elle joue un rôle. C'est elle qui commence le processus.

M. Lahay : Je ne suis pas un expert de la législation américaine, mais je peux vous dire qu'il y a eu récemment un cas dont on a beaucoup parlé, celui du Katrina. La législation américaine comprend un système de dénonciation ce qui a posé des problèmes à certains armateurs, car le dénonciateur obtient un pourcentage important de l'amende imposée. Il y a eu quelques cas de ce genre et le Katrina en était un bon exemple. Je relate cette histoire dans mon mémoire.

En résumé, trois marins ont été arrêtés, le capitaine, qui était Grec et deux Philippins, qui étaient le chef mécanicien et le deuxième mécanicien. Ils ont fini par plaider coupable, mais en attendant, le gouvernement a retenu 13 membres d'équipage comme témoins. Ils ont été mis aux fers pendant un certain temps.

L'armateur a abandonné l'équipage et l'a laissé sans salaire ou logement. Les États-Unis n'ont pas assumé les frais d'hébergement de ces marins. Ils ont dû subsister aux États-Unis pendant des mois. Finalement, une organisation d'aide aux marins leur est venue en aide et leur a permis de dormir sur le sol de leurs locaux pendant des mois et des mois.

Voilà ce que signifient les poursuites. J'ai eu connaissance de nombreuses affaires criminelles qui se sont produites à bord d'un navire et j'ai parlé aux organisations policières et aux autorités d'immigration du pays lorsqu'il y a eu du trafic d'immigrants clandestins et des activités de ce genre. Le gouvernement fédéral n'a jamais cherché à retenir toutes ces personnes au Canada, car il faut détenir non seulement l'accusé, mais également les témoins étant donné qu'ils sont citoyens d'un autre pays. Allez-vous extrader des témoins d'un autre pays? C'est une autre disposition du projet de loi qu'il n'est pas possible d'appliquer, selon moi, car cela pose un problème pratique.

Je sais que, comme moi, vous avez sans doute beaucoup trop de documents à lire, mais j'exhorte les sénateurs à prendre le temps de lire le mémoire que j'ai rédigé. J'essaie d'y décrire la culture de la marine marchande et certains de ses éléments. Je crois qu'il existe de meilleures façons de résoudre le problème.

Le président : Tous les sénateurs ont reçu cette lettre avec tous les exemples que vous avez donnés, monsieur Lahay.

Le sénateur Angus : Plusieurs d'entre vous ont mentionné indirectement la question de l'assurance. Si ce projet de loi était adopté tel quel, quelles en seraient les répercussions sur le plan de l'assurance?

M. Ho : Je crois que M. Horrocks pourra aussi vous répondre.

Le sénateur Angus : Nous avons reçu un document d'une organisation qui est une sorte de club de protection et d'indemnisation pour les flottes de pêche.

M. Ho : C'est pour les bateaux plus petits. Je pourrais peut-être vous parler de ce que nous appelons les clubs de protection et d'indemnisation. Je suis vice-président du Club de Londres. Ce sont des compagnies d'assurances mutuelles. Les mutuelles assurent ce qui n'est pas assurable. Si vous achetez une automobile, vous achetez une assurance pour la protéger. Les clubs de protection et d'indemnisation couvrent ce qui n'est pas assurable sur le marché commercial.

Le sénateur Angus : C'est de l'auto-assurance. C'est une assurance mutuelle. L'industrie s'assure elle-même. Tout le monde y participe.

M. Ho : Oui. Par exemple, quand les premiers immigrants sont arrivés en Amérique du Nord, il n'y avait pas d'assurance. Lloyds n'assurait pas leur traversée. Les armateurs ont dit qu'ils offriraient cette assurance pour la traversée, la responsabilité civile, la cargaison et ce genre de choses. Le risque est très élevé. Cette tradition se poursuit toujours. Environ 90 à 95 p. 100 de tous les navires s'assurent eux-mêmes.

Le sénateur Angus : C'est pour la responsabilité civile.

M. Ho : La responsabilité civile, pas les biens, mais les blessures ou le décès des membres de l'équipage et des manutentionnaires, la cargaison, et cetera.

Quand j'ai vu ce projet de loi, ce qui m'a alarmé, c'est la criminalisation à cause des règles de ce type d'assurance. Si la criminalisation est générale, la garantie est mise en question.

Le sénateur Angus : Cela annule l'assurance.

M. Ho : Pas pour certaines choses. Par exemple, pour les déversements d'hydrocarbures, l'assurance demeure quand même valide. Disons qu'il y ait un grave accident comme celui du Prestige. Toute l'industrie le couvrira. Nous pouvons couvrir jusqu'à 4 milliards de dollars par incident. Toute l'industrie participe. C'est très complexe, mais nous assurons tous ce genre d'incidents.

Le problème c'est ce qui se passerait si, par exemple, comme l'a dit M. Lahay, la coque était percée à cause du mauvais temps et qu'il y ait une fuite de mazout. Voilà pourquoi nous disons qu'il faut faire une distinction entre les accidents, l'imprudence, la négligence grave et les déversements délibérés. S'il s'agit dans tous les cas d'une infraction criminelle, y compris pour les accidents comme celui dont M. Lahay a parlé, l'assurance est annulée à cause du caractère criminel de l'incident. C'est seulement une fois que le propriétaire a été déclaré innocent que le club paiera les amendes et le reste.

Nous voulons arrêter les gens coupables de négligence grave ou de déversement délibéré, mais nous ne pouvons associer les accidents à cela.

Le président : Je veux m'assurer d'avoir bien compris ce que vous venez de dire. L'assurance mutuelle ne verse pas d'indemnisation si un acte criminel a été commis.

M. Ho : Exactement. Voilà pourquoi dans le cas de l'OPA, la présomption d'innocence est maintenue. Le gouvernement devra prouver que l'accusé est coupable. Tout le mécanisme se met en branle. Nous sommes là pour essayer de faire fonctionner le système, mais si tous les incidents sont criminalisés, cela suscite énormément de confusion. Les règles exigent que l'incident soit renvoyé devant le comité, lequel se réunit quatre fois par an. Que faisons-nous en attendant?

Voilà pourquoi je suis prêt à vous aider. J'ai beaucoup de travail à faire, mais il est important d'avoir un bon projet de loi. Je suis tout prêt à vous expliquer le problème. En ce qui concerne ces oiseaux, j'aimerais beaucoup savoir depuis quand ils meurent. Meurent-ils depuis 30 ans, 20 ans ou 10 ans? Si c'est depuis 30 ans, pourquoi ne s'en est-on pas occupé? Voilà les questions à se poser. Pourquoi agit-on tout à coup maintenant avec un projet de loi aussi rigoureux qui ne tient pas compte d'un grand nombre de ces questions? Nous sommes ici pour voir si nous pouvons apporter notre aide afin de mettre un terme à ce genre de pratique. Il ne faudrait pas que l'assurance et le sauvetage soit touchés par cette criminalisation générale.

Le sénateur Angus : Quand vous parlez des sauveteurs, s'agit-il de l'industrie du sauvetage?

M. Ho : Oui, ce sont les entreprises de sauvetage.

Le sénateur Angus : Dans votre réponse, vous avez utilisé l'expression « OPA ». Je voulais seulement mentionner qu'il s'agit, je crois, de la U.S. Oil Pollution Act, de 1990.

M. Ho : C'est exact. Même l'OPA et le projet de directive européenne définissent le type d'accidents. Il s'agit avant tout des accidents résultant d'une négligence grave. Au Canada, la responsabilité stricte s'applique à ce genre d'accidents.

Néanmoins, il faudrait faire une distinction pour les accidents, comme l'a suggéré M. Lahay. Cela me paraît essentiel. Ce mécanisme d'assurance existe depuis 200 ans et il faut le préserver.

M. Curtis : En plus des effets que cela aurait sur la façon dont nous fonctionnons, des initiatives comme l'initiative du Pacifique, qui a amené de nombreuses entreprises de Hong Kong à s'installer à Vancouver et l'initiative du deuxième registre qui se déroule actuellement tomberaient à l'eau, si je puis dire.

Le sénateur Buchanan : J'ai déjà dit ce que je pensais de ce que vous appelez une criminalisation générale et je suis d'accord avec vous. J'ai déjà également parlé de la Déclaration universelle des droits des Nations Unies.

Je voudrais revenir sur une question que l'un de vous a mentionnée au départ, celle des terminaux pour les méthaniers. Depuis des années, depuis la fin des années 80, nous avons essayé d'obtenir un nouveau port pour méthaniers à Bear Head, au Cap-Breton. Tant que nous sommes en concurrence avec le Nouveau-Brunswick, il n'y a pas de problème. Néanmoins, il y a une autre concurrence qui se développe, celle de l'État du Maine. Le gouverneur Baldacci m'a dit qu'il était déterminé à construire un terminal pour méthaniers. On m'a demandé, à Halifax, de soulever la question. Si ce projet de loi est adopté avec la criminalisation et les autres aspects dont vous avez parlé, les États-unis, et plus particulièrement l'État du Maine, auront sans doute plus de chance d'obtenir un terminal pour méthaniers que Bear Head, au Cap-Breton. C'est ce que certaines personnes de Halifax m'ont dit lorsqu'elles ont appris que vous alliez comparaître devant le comité.

M. Ho : Si vous me permettez de répondre, c'est sans doute vrai. Il y a trop d'incertitude sur le plan des responsabilités. L'initiative visant à établir le deuxième registre au Canada visait en partie à aider toutes nos organisations à cibler les meilleurs navires dans lesquels les Canadiens peuvent investir. Ce sont les méthaniers. Ces bâtiments coûtent 150 millions de dollars. Leur capitaine doit suivre une formation très poussée.

Nous pensons également que des navires de croisière peuvent être exploités à partir de Vancouver ou Montréal comme c'était le cas il y a 50 ans. Il s'agissait des bateaux du CP, par exemple. Ils sont maintenant tous exploités à partir de Los Angeles. Ce sont des bâtiments qui coûtent un demi-milliard de dollars et qui desservent toutes les destinations touristiques, jusqu'en Alaska. C'est la raison pour laquelle nous avons pensé que le Canada pouvait exploiter ces débouchés. Ce n'est pas dans l'intérêt de notre entreprise, car ce sont des immobilisations très coûteuses, mais cela permettra d'adopter une loi qui offrira cette possibilité aux entreprises qui peuvent le faire et qui établira les normes à suivre, afin de favoriser une plus grande transparence. Ce genre de criminalisation n'est pas nécessaire. Les normes seront établies par les Canadiens. Pourquoi ne pas le faire et améliorer la sécurité dans ce domaine? C'est très important. Tel est le but de notre initiative.

M. Curtis : Je pourrais laisser notre spécialiste bancaire, qui se trouve en arrière, répondre à ma place, mais je crois que si nous envisageons ce genre d'activité au Canada et si des armateurs canadiens possèdent des bâtiments comme les méthaniers, ce que nous envisageons également — j'aimerais savoir ce que les banquiers en pensent avant qu'ils ne nous financent. Cet actif pourrait être repris un jour par quelqu'un d'autre.

Le président : Cela peut arriver que la responsabilité soit criminelle ou civile. Un navire peut être saisi dans un cas de responsabilité civile.

M. Ho : La présomption d'innocence est essentielle en cas d'accident.

Le président : Messieurs, il se peut que nous vous écrivions ou vous contactions pour vous poser d'autres questions. J'espère que vous n'hésiterez pas à en faire autant si certaines questions vous viennent à l'esprit à la suite de cette réunion.

Excusez-moi de devoir vous demander de partir le plus rapidement possible afin que nous puissions passer au reste de nos travaux, et je vous remercie infiniment pour le temps que vous avez passé avec nous.

M. Ho : Monsieur le président, c'est nous qui devons remercier votre comité de nous avoir donné l'occasion de faire valoir notre point de vue. Merci beaucoup.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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