Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 13 - Témoignages du 10 mai 2005
OTTAWA, le mardi 10 mai 2005
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui a été saisi du projet de loi C-15, Loi modifiant la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs et la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999), se réunit aujourd'hui, à 17 h 57, pour examiner ce projet de loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Avant de céder la parole à notre témoin, j'aimerais régler deux questions nous concernant. Premièrement, la semaine dernière, vous avez reçu un avis au sujet de la visite au Canada d'une délégation de parlementaires du Bangladesh dont les responsabilités, au sein de leur assemblée législative, ressemblent aux nôtres. Aucun membre du comité n'était disponible pour rencontrer ces parlementaires jeudi dernier, lorsqu'ils étaient ici. J'ai accepté de les voir et nous serons donc les hôtes du haut-commissaire du Bangladesh à l'occasion d'un déjeuner qui se tiendra le jeudi 12 mai, à midi, dans la salle 601. J'invite les sénateurs à communiquer avec le greffier pour lui dire s'ils pourront assister à ce déjeuner. Nous serons donc les hôtes du haut- commissaire du Bangladesh.
Deuxièmement, je propose que nous ne fassions pas l'étude article par article du projet de loi C-15 jeudi étant donné que nous entendrons, cette journée-là, des représentants des ministères de la Justice et de l'Environnement. La séance est censée durer deux heures et demie. Si je me fie à nos discussions antérieures, je ne crois pas que nous pourrons mener à terme l'examen article par article du projet de loi après la comparution des témoins de Justice Canada et d'Environnement Canada. À moins qu'il y ait de sérieuses raisons de procéder autrement, j'ai décidé de consacrer la totalité de la séance prévue dans une semaine, à compter d'aujourd'hui, à cet examen.
Le sénateur Spivak : Savez-vous si des membres du comité ont l'intention de proposer des amendements?
Le président : C'est possible.
Le sénateur Spivak : Dans ce cas, cela prendra du temps. Sinon, l'examen article par article devrait se faire rapidement.
Le président : Je ne veux présumer de rien, mais sachez que plusieurs d'entre vous m'ont dit qu'il est probable que des observations accompagnent le rapport sur ce projet de loi. Je pense que nous l'avons tous compris.
Le sénateur Spivak : Oui.
Le président : J'en suis arrivé à la conclusion que la manière la plus pratique de procéder serait de se pencher sur ces observations en même temps que nous ferons l'examen article par article du projet de loi, de sorte qu'on puisse immédiatement en faire rapport à la prochaine réunion qui devrait se tenir jeudi de la semaine prochaine. Encore une fois, je ne présume de rien, mais s'il y a des observations, elles seront jointes, d'une façon ou d'une autre, au rapport sur le projet de loi. Je crois que nous aurons besoin d'une séance pour traiter de cette question. Qu'en pensez-vous?
Le sénateur Spivak : Le seul problème est de savoir combien durera la présente législature. Pouvez-vous nous dire, étant donné que vous disposez de renseignements confidentiels, si le Parlement siègera toujours mardi prochain?
Le président : Le sénateur Angus et moi-même avons parié gros là-dessus, j'espère donc gagner et qu'il m'invitera à dîner. Oui, nous serons ici mardi prochain. Vous savez combien je m'y connais en politique.
Acceptez-vous le programme que je viens de vous proposer? J'attends vos commentaires.
Le sénateur Angus : Lors de la dernière séance du comité, vous nous avez dit que le ministre de la Justice allait venir. Qu'en est-il?
Le président : Je vous ai dit que nous avions invité le ministre de la Justice.
Le sénateur Spivak : Il ne vient pas.
Le président : Je vais répéter ce qu'il me semble avoir déjà dit. Je ne lui ai pas parlé directement. Le ministre de la Justice ne connaît pas bien le dossier et, s'il devait comparaître devant nous, il serait accompagné de fonctionnaires spécialistes de la question. Ce sont ces fonctionnaires que nous entendrons jeudi matin, avant le témoignage du ministre Dion.
Puis-je considérer que vous acceptez ma proposition de programme, même si c'est à contrecoeur?
Le sénateur Christensen : La seule autre possibilité que je vois serait de trouver une salle et de poursuivre nos travaux le restant de la matinée, jeudi prochain.
Le président : Nous ne pouvons pas.
Le sénateur Christensen : C'est impossible?
Le président : Oui, nous ne sommes pas autorisés à le faire. Je peux le demander, mais je doute que nous en obtenions la permission. Je sais que certains membres du comité ont d'autres engagements à partir de 10 h 30.
Le sénateur Milne : Le Comité des affaires juridiques se réunit ici.
Le président : Nous pourrions peut-être trouver une autre salle.
Le sénateur Angus : En ce qui me concerne, je dois participer à la séance du Comité des banques.
Le président : La vice-présidente du comité m'a fait savoir qu'il était peu probable qu'elle soit ici jeudi matin et qu'elle souhaitait être présente lorsque nous procéderons à l'examen article par article du projet de loi.
Le sénateur Buchanan : Nous ne pouvons pas le faire.
Le président : Je suis de votre avis. Ce serait une journée marathon. Je ne pense pas que ce soit vraiment faisable.
N'êtes-vous pas d'accord?
Des voix : Si.
Le président : Merci.
Monsieur Gold, je suis désolé de vous faire perdre votre temps avec ces détails. Je tiens à vous exprimer la gratitude des membres du comité. Nous sommes conscients du fait que vous vous êtes en quelque sorte libéré d'un procès devant jury. Nous vous avons invité avec un préavis très court et nous vous sommes reconnaissants d'avoir accepté de venir. Nous vous remercions également de l'opinion juridique très complète que vous nous avez remise par écrit avant votre comparution devant nous aujourd'hui. Je vous cède maintenant la parole et j'espère que vous accepterez de répondre à quelques questions après votre intervention.
M. Alan D. Gold, avocat, témoignage à titre personnel : Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur que d'être ici aujourd'hui. Habituellement, je parle de ces questions devant un tribunal. Ce que j'ai à vous dire est exactement ce que pourrait entendre un jour la Cour suprême sur ce sujet particulier.
Permettez-moi de vous parler un peu de moi. J'ai très bien travaillé à l'école de droit. J'ai eu assez de chance pour recevoir la médaille d'or de l'Université Queen's, lorsque j'ai obtenu mon diplôme. J'adore le droit criminel. Après avoir obtenu mon diplôme, j'ai enseigné l'instruction criminelle et la pratique du droit criminel, mais seulement à temps partiel parce que, pour parler franchement, j'adore les salles d'audience. J'aime beaucoup défendre des causes. Je passe énormément de temps à lire les lois. Je fais partie de ces quelques privilégiés qui gagnent leur vie en faisant un métier qui les passionne.
Mes travaux ont porté fruit. J'écris beaucoup. Actuellement, je suis conseiller du Barreau du Haut-Canada; j'ai été choisi du premier coup. En 1993, alors que ça faisait à peine 20 ans que j'étais avocat, j'ai été admis à l'American College of Trial Lawyers, qui est une organisation qui fonctionne sur invitation seulement. Beaucoup de juges de la Cour suprême du Canada assistent à nos rencontres.
J'ai toujours lu les décisions de justice. Je lis pratiquement chaque jugement écrit au Canada. Pour ce faire, je me sers du service QuickLaw. Comme je peux accéder à ce système, le samedi matin, je télécharge chaque décision rendue dans les procès au criminel. Évidemment, la plupart des jugements se lisent très rapidement. Toutefois, beaucoup méritent qu'on s'y attarde.
Je tiens à préciser que lorsque j'ai été saisi de l'affaire, quand ces gens m'ont contacté, cela faisait longtemps que je ne m'étais pas penché sur la question. Je ne savais pas quelle serait mon opinion. Ils m'ont dit : « Voici la loi. Elle nous semble injuste et indigne d'un pays démocratique. » Je l'ai examinée et, ironie du sort, c'était comme si un de mes enfants revenait à la maison au bout de 20 ans, car je m'étais investi dans ce dossier au tout début.
Ron Delisle, qui était l'un des meilleurs professeurs de droit que j'ai jamais connus à Queen's, est devenu juge. Un jour, il a déclaré quelqu'un coupable d'excès de vitesse. Ce quelqu'un était camionneur et il estimait qu'il était important de contester l'amende. Il jurait que son odomètre indiquait qu'il allait à 80 kilomètres à l'heure. Après avoir lu des remarques incidentes tirées de décisions de justice australiennes, M. Delisle l'a acquitté. Il a conclu que pour des infractions de responsabilité absolue, nous reconnaîtrons la défense fondée sur la diligence raisonnable. Si vous croyez de manière honnête, mais erronée, dans quelque chose qui vous rend innocent, je vous acquitterai.
Bien sûr, la Couronne n'était pas d'accord. Un excès de vitesse demeure un excès de vitesse, et nous avons besoin des recettes tirées des amendes dans notre province. Elle en a donc appelé du jugement, et le tribunal a renversé la décision en disant que si la province voulait en faire une question de responsabilité absolue, il n'y avait pas de problème. Il n'y avait pas de défense fondée sur la diligence raisonnable qui tienne.
M. Delisle m'a téléphoné pour me dire : « Alan, on ne peut pas laisser faire. Serais-tu prêt à amener cette affaire devant un tribunal supérieur? » J'ai donc porté la cause devant la Cour divisionnaire de l'Ontario, composée de trois juges de notre Cour supérieure. Je me souviens que c'était l'une des journées les plus drôles que j'ai jamais passée dans une salle d'audience. Les juges étaient vraiment intéressés et ils ont rendu une décision, à deux contre un, en vertu de laquelle les lois de l'Ontario reconnaissent la diligence raisonnable. Tout cela parce que M. Delisle m'avait téléphoné. La Couronne nous a renvoyés en Cour d'appel et, cette fois, nous avons perdu. La Cour d'appel a statué en disant : « C'est intéressant. Nous reconnaîtrons la diligence raisonnable, mais dans ce cas-ci, il s'agit d'une infraction de responsabilité absolue ». La personne a donc été condamnée.
Ensuite, il y a l'affaire Sault Ste. Marie. Si vous lisez le jugement rendu dans cette affaire, vous verrez qu'on y cite la décision Hickey. Ce qu'il faut retenir, c'est que tout cela est antérieur à l'adoption de la Charte. À l'époque, les parlements et les assemblées législatives pouvaient faire ce que bon leur semblait. Si on voulait, on pouvait même accuser quelqu'un pour délit de sale gueule.
La Cour suprême a dit qu'elle reconnaissait la responsabilité stricte jusqu'à un certain point. Elle a déclaré qu'on pouvait invoquer comme moyen de défense la diligence raisonnable, à moins qu'il y ait des indications claires, quelles qu'elles soient, de culpabilité. Le tribunal a ensuite statué qu'il incombait à l'accusé de faire la preuve de sa diligence raisonnable.
Tout ceci n'est pas mauvais parce qu'à l'époque, on était en train de créer quelque chose de nouveau pour la défense. L'alternative était la responsabilité absolue. Si l'alternative est la responsabilité absolue, je dois assumer le fardeau de la preuve et tout le reste. N'importe quoi vaut mieux que la responsabilité absolue.
Puis la Charte a été adoptée et tout a changé. La responsabilité absolue qui donne lieu à un risque d'emprisonnement est illégale au pays. Tout le cadre a changé. La responsabilité absolue n'est plus une sorte de privilège concédé par les parlementaires dans leur grandeur d'âme comme alternative à la responsabilité stricte. Il ne peut plus y avoir de responsabilité absolue. Maintenant, on se limite à la responsabilité stricte dans les cas où des peines d'emprisonnement sont envisageables.
Si vous adoptez ce projet de loi, je serai ravi de clamer devant les tribunaux à quel point il est inconstitutionnel et de dire qu'il est peut-être temps de revoir, après l'adoption de la Charte, la décision prise dans l'affaire Sault Ste. Marie. Il n'y a jamais vraiment eu d'analyse approfondie à cet égard.
Je ne vous ferais pas perdre votre temps avec des questions qui ne sont pas absolument claires, parce qu'il n'y a aucun doute quant à l'inconstitutionnalité de la mesure législative proposée. Pour vous montrer qu'il y a des chances raisonnables que je sais de quoi il retourne, je vais vous parler de quelque chose dont je suis fier. Je suis personnellement à l'origine, je crois, de six amendements au Code criminel. J'ai porté l'affaire Chabot devant la Cour suprême du Canada, qui a statué en ma faveur en disant qu'on ne pouvait ordonner le renvoi à procès, après une enquête préliminaire, pour des infractions dont l'existence a été révélée par la preuve recueillie. La Couronne a plaidé contre la position que je défendais. J'ai gagné et le Code criminel a été modifié. J'ai aussi plaidé dans l'affaire Duarte, en disant que si un policier enregistre des conversations privées sans mandat, cela contrevient à la Charte.
Alors que j'étais au tribunal pour plaider, le représentant de la Couronne, qui est une merveilleuse personne et un grand ami, m'a dit : « Alan, c'est la plaidoirie la plus stupide que j'ai jamais entendue ». La Cour suprême m'a pourtant donné raison puisque cinq juges contre deux étaient d'accord avec moi, je crois. Non seulement j'ai fait modifier le Code criminel, mais en plus, il faut désormais un mandat pour enregistrer des conversations.
Je vous ai dit cela parce que j'en suis fier. J'adore mon métier et j'aime faire des plaidoiries. J'ai gagné quelques procès, mais j'en ai aussi perdus beaucoup. Ne vous méprenez pas.
Je vais vous dire ce qui ne va pas dans ce projet de loi. Vous avez probablement entendu parler sur la Colline du Parlement de l'affaire Wholesale Travel, l'arrêt le plus important relatif à la Charte en matière de responsabilité de l'autorité réglementaire et de diligence raisonnable. Dans une décision à cinq contre deux, la Cour suprême a reconnu la responsabilité pour négligence dans certains cas, mais je ne rentrerai pas dans les détails; je me réserve pour le tribunal.
Dans une décision de cinq juges contre deux, le tribunal a déclaré que l'inversion de la charge de la preuve violait tout simplement la Charte. Le fait de demander à la défense de prouver sa diligence raisonnable contrevient purement et simplement à la Charte.
Pourquoi ce principe a-t-il été sauvegardé dans l'arrêt Wholesale Travel? C'est fascinant. Une majorité de cinq juges s'est prononcée pour. Mais qui étaient exactement ces juges? Quatre juges de la Cour suprême ont dit que non seulement cela contrevenait à la Charte, mais que même dans ce contexte de l'industrie du voyage plutôt chaotique, où les gens obtiennent des permis et où personne ne va en prison bien longtemps pour avoir fait de la publicité mensongère, cela ne peut être sauvegardé ou justifié en application de l'article premier.
Cinq juges ont confirmé la validité du texte de loi. C'est important. Trois ont dit que cela violait la Charte, mais que c'était justifié. Deux ont dit que cela ne contrevenait pas à la Charte. Du point de vue de la préséance, un avocat dirait qu'on ne pourrait pas prendre pour acquis ce qu'ont dit ces deux juges si ceux-ci étaient arrivés à la conclusion que cela contrevenait à la Charte étant donné qu'ils croyaient, au départ, que ce n'était pas le cas. Comment savoir, quand la prochaine affaire arrive et qu'ils s'entendent pour dire que cela contrevient à la Charte, parce que la Cour suprême l'a dit, s'ils vont déclarer que ce n'est peut-être pas sauvegardé en application de l'article premier?
Je sais que les spécialistes qui témoigneront jeudi vous diront qu'il y a eu trois décisions superficielles depuis, disant que la loi en question dans l'arrêt Wholesale Travel était valide. Je sais qu'ils vous le diront. Ces décisions n'ont absolument aucune valeur de préséance. Il n'y a pas eu de discussion intelligente sur le sujet depuis le verdict rendu dans l'affaire Wholesale Travel.
Lorsque je me suis impliqué dans le dossier, j'étais fasciné. Les clients ne savaient pas à l'avance quelle serait mon opinion; ils ne l'ont connue qu'après que j'ai fait des recherches et que je me suis exprimé sur le sujet. Voilà donc mon avis, à la lumière des recherches que j'ai effectuées.
Lorsque j'ai lu la décision dans l'affaire Canadian Pacific, j'ai espéré que la Cour suprême se prononcerait finalement là-dessus. La question n'a même pas été soulevée. On s'est seulement attardé sur la « cause d'imprécision ». Toujours est-il que l'inversion de la charge de la preuve viole absolument la Charte et que tout le gouvernement pourra vous dire que dans l'affaire Wholesale Travel, une majorité de cinq juges, composée des deux groupes que je vous ai cités, a dit que c'était justifié en vertu de la Charte. La moindre des choses serait que le gouvernement reconnaisse qu'il doit justifier la disposition portant sur le renversement du fardeau de la preuve. Il ne peut en être autrement. Dans la décision rendue dans l'affaire Wholesale Travel, on n'a pas dit que l'inversion de la charge de la preuve, dans ce contexte, était justifiée. On n'a pas dit que l'inversion de la charge de la preuve en ce qui concerne la diligence raisonnable était justifiée. On ne s'est pas prononcé là-dessus.
La Cour suprême a parlé des infractions réglementaires, et une partie de sa justification reposait sur le fait qu'il y a des milliers de poursuites par semaine; comment le gouvernement pourrait faire autrement. Cela vous montre dans quel état d'esprit ils se trouvaient lorsqu'ils ont dit que c'était justifié dans ce contexte.
Cela n'a rien à voir avec le million de dollars d'amendes et le risque d'emprisonnement. On ne parle pas d'infractions mineures, mais de poursuites très sérieuses. Ce n'est pas à cela que faisait référence la Cour suprême dans l'affaire Wholesale Travel.
La moindre des choses serait que le gouvernement admette qu'il lui incombe de justifier en quoi ce renversement du fardeau de la preuve, comme dans l'affaire Wholesale Travel, pourrait survivre, dans ce contexte, à une analyse du projet de loi à la lumière de l'article premier.
J'ai cherché en vain une telle justification, mais je n'ai rien trouvé. S'ils devaient se présenter devant le tribunal, il faudrait qu'ils proposent quelque chose. D'après ce que j'ai compris, on a fait référence à des avis juridiques, mais le privilège s'applique.
Permettez-moi de vous citer une autre décision dans laquelle j'ai gagné devant la Cour suprême du Canada; je veux parler de l'affaire Campbell and Shirose, qui, d'ailleurs, a conduit à une autre série de modifications du Code criminel qui permettait précédemment à la police d'enfreindre la loi. Dans l'affaire Campbell and Shirose, la Cour suprême a conclu que la police n'était pas autorisée à enfreindre la loi dans l'exercice de ses fonctions. L'autre question, dans cette affaire, était que la police avait déclaré que ses actions étaient justifiées en vertu de l'article premier de la Charte. Elle se justifiait en disant qu'elles avaient obtenu un avis juridique disant que c'était correct. La Cour suprême a déclaré en termes clairs que lorsqu'on se fie à des avis juridiques pour justifier la validité d'actions policières en vertu de la Charte, ces avis doivent être divulgués. Lorsque vous essayez de justifier quelque chose en vertu de la Charte, vous ne pouvez pas dire que vous agissez en vertu d'avis légaux et garder ces avis secrets.
Voilà ce que j'ai à vous dire : qu'est-ce qui justifie que des gens risquant la prison ou la détention aient à prouver leur diligence raisonnable?
À qui incombe la preuve? D'après l'article premier, le fardeau de la preuve repose sur le gouvernement. Autrement dit, lorsque la défense invoque la diligence raisonnable, elle doit présenter des preuves pour que la question soit pertinente. On ne peut pas se contenter d'invoquer la diligence raisonnable et c'est tout. La Cour suprême a établi les règles pour la défense. Il faut présenter des preuves et rendre la question pertinente. Quand on en est là, qu'est ce qui prouve qu'en faisant que le gouvernement démontre l'absence de diligence raisonnable hors de tout doute raisonnable, on minera le projet de loi proposé? Il n'y a rien que l'on connaisse qui appuie une telle conclusion. Je vous le dis, ce projet de loi, le fait que le fardeau de la preuve de la diligence raisonnable repose sur la défense, est tout à fait contraire à la Charte et il n'y a absolument aucune justification qui soit de notoriété publique que vous pourriez juger satisfaisante pour adopter ce projet de loi dans sa forme actuelle.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant vous. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président : Il se peut que nous en ayons quelques-unes.
Monsieur Gold, je dois vous dire que le sénateur Spivak a un problème d'audition temporaire dû à un virus. Elle lira les réponses sur l'appareil qu'elle a devant les yeux. Elles devraient apparaître avec quelques secondes de décalage.
Le sénateur Spivak : En fait, je l'ai bien entendu. Il parlait fort et de manière passionnée.
Le président : Continuez à parler fort, monsieur Gold.
Le sénateur Spivak : Monsieur Gold, je dois vous dire que si je devais être accusée de meurtre, c'est vous que je choisirais pour assurer ma défense. Vous êtes capable de faire croire que noir est blanc et blanc est noir.
M. Gold : Si vous n'êtes pas sûre de la couleur, je peux vous aider à voir ce qui est blanc et ce qui est noir.
Le sénateur Spivak : Avez-vous travaillé dans le droit environnemental, dans ce contexte particulier?
M. Gold : Je ne pense pas. J'ai lu les décisions rendues. Souvent, avant de se lancer dans un nouveau domaine, on doit lire la jurisprudence avant d'aller devant les tribunaux. Les principes dont je parle sont les mêmes. Quand on se retrouve en prison, que ce soit parce qu'on a été accusé d'une infraction aux lois environnementales ou d'avoir frappé quelqu'un, le résultat est le même.
Le sénateur Spivak : J'aimerais vous poser quelques questions, mais avant, je voudrais vous lire quelque chose émanant d'un mémoire présenté par un juriste renommé de la Sierra Defence League et qui dit ceci :
En termes généraux, l'affaire Wholesale Travel résulte en ceci que la présomption d'innocence à l'alinéa 11d) de la Charte ne pourra être invoquée pour protéger une personne de la responsabilité de ses actes illicites dans une sphère d'activité réglementée. Ainsi, lorsqu'on peut prouver qu'une infraction est réglementaire et non criminelle par nature, la responsabilité stricte s'appliquera et la défense de diligence raisonnable pourra être invoquée.
La responsabilité stricte et la diligence raisonnable font partie de la Loi sur la marine marchande du Canada depuis longtemps. Dans votre mémoire, vous déclarez qu'il est clair que l'inversion de la charge de la preuve pour la défense fondée sur la diligence raisonnable va incontestablement à l'encontre de l'alinéa 11d) et que, pour être valide, il faudrait qu'elle soit justifiée en vertu de l'article 1. Vous écrivez ensuite ceci : « Selon moi, cette justification ne viendra pas. »
Vous déclarez que l'inversion de la charge de la preuve est inconstitutionnelle. Cela m'amène à m'interroger sur la façon dont vous utilisez les mots. Si quelque chose est sauvé par l'article 1, cela ne signifie-t-il pas alors qu'il est constitutionnel?
Vous dites ensuite que cela doit être déterminé selon chaque cas. Je suis d'accord; d'ailleurs, n'est-ce pas toujours ainsi? Les avocats ont eu recours à la jurisprudence.
Laissez-vous entendre que l'affaire Wholesale Travel ne constitue pas un précédent? Je comprends ce que vous avez dit. Il n'y avait que deux juges, et vous avez affirmé qu'une telle coalition unique de facteurs juridiques ne pourra pas se reproduire. Pourquoi pas?
M. Gold : Pour répondre à votre première question, je dois vous dire que je connais cet article. Vous remarquerez que le rédacteur regroupe plusieurs questions qui doivent être examinées de façon distincte. Premièrement, il fait abstraction des questions liées à la violation de la Charte et du fait que l'infraction a été sauvée par l'article 1. Si vous lisez les notes de bas de page qui correspondent au passage que vous avez lu, vous observerez que l'auteur cite des décisions rendues par des tribunaux provinciaux. Ce qu'il faut notamment garder en tête, c'est que le droit criminel ne relève pas des provinces. Lorsque les provinces adoptent des lois environnementales, il s'agit, par définition, d'infractions réglementaires. Il est très important de s'en rappeler.
J'essaie de me souvenir de toutes vos questions. Je vais y répondre une à la fois.
L'affaire Wholesale Travel est en fait un précédent. Il s'agit d'un précédent sur lequel je m'appuie. Je m'y appuie pour dire que la justification en vertu de l'article 1 doit être effectuée pour un contexte différent.
Si vous examinez ce qu'a déclaré la Cour suprême au sujet des infractions réglementaires, vous comprendrez que les infractions dont il est question dans le projet de loi ne constituent pas des infractions réglementaires selon la définition donnée par la Cour suprême. Ces infractions auraient pu tomber sous l'égide du Code criminel. Certaines personnes cyniques pourraient prétendre que, parce qu'elles se retrouvent dans ce projet de loi, on se trouve à les déguiser. Il s'agit de crimes graves qu'on veut qualifier d'infractions règlementaires pour ne pas qu'ils soient assujettis au Code criminel. Ce sont des infractions isolées. Elles auraient facilement pu tomber sous l'égide du Code criminel. Par exemple, certaines infractions commises dans les milieux boursiers sont maintenant qualifiées d'infractions criminelles.
Deuxièmement, comme je l'ai dit dans ma lettre, il est peut-être temps pour la Cour suprême de revoir la dichotomie au niveau des infractions criminelles et réglementaires, qui date d'avant l'adoption de la Charte.
Le sénateur Spivak : La Loi sur la marine marchande du Canada est en vigueur depuis longtemps, et personne n'a dit qu'il ne s'agissait pas d'infractions réglementaires.
M. Gold : C'est le dernier point que je voulais aborder. J'ai effectué une recherche au sujet de dispositions similaires. Depuis à peu près 1995, 1996 ou 1997, il est arrivé à environ cinq reprises que des infractions similaires liées à la diligence raisonnable soient inclues dans des mesures législatives. Je me souviens d'une loi concernant l'Arctique, par exemple. Même si vous avez commis une erreur il y a 10 ans, que personne n'a encore repérée, je vous exhorte catégoriquement de résister à la tentation de...
Le sénateur Spivak : Il y a trente ans!
M. Gold : Non, le fardeau de la preuve concernant la diligence raisonnable remonte seulement à l'époque suivant les décisions rendues dans les affaires Sault Ste.-Marie et Wholesale Travel. C'est ce dont je me suis rendu compte entre autres lorsque j'ai effectué la recherche. J'ai remarqué quelque chose que personne n'a encore constaté. Des personnes comme l'auteur que vous avez cité ont complètement passé à côté de ces questions. Ils ont totalement fait abstraction de la distinction entre la compétence fédérale et la compétence provinciale. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui; je veux vous dire de cesser de commettre cette erreur, de cesser d'attribuer le fardeau de la preuve à la défense sans démontrer que cela s'avère nécessaire.
Le sénateur Spivak : Puis-je continuer? Vous n'abordez pas du tout, ou du moins très brièvement, l'une des autres raisons justifiant la responsabilité stricte, à savoir l'incapacité de prouver la mens rea. C'est l'une des principales raisons. Examinez le processus qui aura lieu. Il nous a été décrit par l'un des avocats du ministère de la Justice. Il ne va pas de soi que les procureurs porteront immédiatement une accusation sur une personne qui a clairement commis une infraction de façon accidentelle. Il s'agit d'un processus minutieux qui vise à faire en sorte que, si nous comptons traiter ces types de questions, nous le fassions dans le contexte du droit pénal. Les personnes innocentes ne sont pas automatiquement poursuivies, c'est le cas dans toutes les sphères du système juridique.
J'en viens à ma question.
D'un autre côté, je ne crois pas que vous accordez suffisamment d'importance à la gravité de ce qui se passe. Des navires vidangent leur huile de cale au Canada plutôt qu'aux États-Unis, car nous n'avons pas suffisamment de mesures de dissuasion. Cette huile de cale est nuisible non seulement pour les oiseaux, mais pour notre industrie touristique. C'est un sérieux problème. De toute évidence, établir une continuité entre la responsabilité criminelle et la responsabilité directe constitue une solution.
Je vais voir si je peux répondre à tous les points que vous avez fait valoir, qui sont tout à fait importants.
Je rejette catégoriquement l'argument selon lequel une mauvaise loi peut devenir bonne grâce aux procureurs. C'est un argument que les tribunaux ont rejeté à maintes reprises. C'est un des arguments préférés des procureurs : ne vous en faites pas si la loi est vague et si elle risque de créer de l'injustice; faites-nous confiance, nous y aurons recours seulement lorsque cela conviendra.
Dans le domaine du droit, on dit qu'on suit la règle du droit, et non pas la règle des hommes. Ce qui signifie que nous nous en remettons à nos lois, et non pas à notre bon jugement. Cette phrase a été inventée à l'époque à laquelle il n'y avait pas de femmes en politique, alors veuillez excuser son caractère sexiste. On devrait dire maintenant « la règle des personnes », mais, quoi qu'il en soit, vous comprenez ce que cette phrase signifie. Nos lois ne dépendent pas de la bonne volonté ni des capacités des procureurs. Elles dépendent des mots qu'elles contiennent.
Chaque jour, dans nos tribunaux, les procureurs prouvent l'existence de problèmes psychologiques, ils prouvent qui détestait qui, ils prouvent qui avait l'intention de tuer qui, et ils le font dans le cadre des affaires les plus graves. L'argument selon lequel les procureurs ne devraient pas avoir à prouver l'intention parce qu'elle est difficile à prouver nous amènera demain à modifier les dispositions législatives sur le meurtre parce qu'il est trop difficile de prouver que quelqu'un avait l'intention de tuer quelqu'un d'autre. La difficulté d'établir la preuve n'est pas une raison qui justifie la responsabilité stricte. Je ne pourrai jamais insister suffisamment là-dessus.
Enfin, personne ne sous-estime la gravité du problème. J'ai lu des documents du gouvernement à ce sujet. Étant donné qu'un certain nombre des prochaines étapes sont onéreuses et exigent beaucoup de temps, il est alors bien plus facile d'adopter une loi sur l'inversion de la charge de la preuve, car, de cette façon, on a l'air d'avoir accompli quelque chose. Il y a beaucoup à faire pour protéger l'environnement, mais là n'est pas la question. La question est la suivante : à quel point est-ce mieux d'attribuer à la défense la responsabilité de présenter une preuve de diligence raisonnable, ce qui est contraire à la Charte, que de laisser la Couronne réfuter la preuve une fois que la défense a présenté une preuve quelconque pour en faire une question réelle?
J'ai lu les rapports des procureurs — tant ceux qui ont gagné leurs causes que ceux qui les ont perdues — tout en ayant cette question en tête : quelle cause aurait connu une issue différente? Quels sont les acquittements injustes qui n'auraient pas eu lieu si le fardeau de la preuve avait appartenu à la défense? Je n'ai pu trouver aucun exemple. J'ai trouvé des causes qui ont échoué parce qu'on n'a pas pu démontrer qui était responsable. Je n'ai pas vu toutefois de causes qui ont échoué parce que la défense avait présenté une preuve de diligence raisonnable et que la poursuite n'avait pas réussi à prouver le manque de diligence hors de tout doute raisonnable. Je n'ai pas constaté qu'il existe un problème majeur à cet égard qui nécessite l'inversion de la charge de la preuve. Il faut poser les bonnes questions pour obtenir les bonnes réponses.
Obtenir des condamnations plus facilement ne justifie pas l'inversion de la charge de la preuve. La raison principale est que la preuve en question est difficile à établir pour la poursuite, mais très facile à établir pour la défense, si elle existe. Il faut garder en tête les deux membres de l'équation. Je dois dire, avec le plus grand respect, que je ne suis pas d'avis que la diligence raisonnable, telle qu'elle a été définie, est extrêmement facile à prouver. Au contraire, c'est très difficile.
Par conséquent, il est important de garder en tête que, même s'il est aussi difficile pour la défense de réfuter la preuve qu'il l'est pour la poursuite de prouver la diligence raisonnable, cela ne justifie pas l'inversion de la charge de la preuve. Dans notre société, le fardeau de la preuve comporte le risque de perdre une cause, et ce risque est assumé par la poursuite. Si on changeait cela, on se trouverait à altérer notre système juridique.
Vous pouvez lire toutes les décisions que vous voulez, en particulier celles rendues par des tribunaux provinciaux. Comme on vous l'a probablement dit, il y a deux causes en cours qui risquent de mener à une incarcération. Je crois qu'un dirigeant pourrait recevoir une peine d'emprisonnement. Je ne suis pas certain. Je ne pourrais pas vous le dire avec certitude. Nous sommes dans un champ de compétence fédérale. Vous allez envoyer en prison des gens comme des dirigeants. C'est ce que dit le projet de loi. Vous ne pouvez pas faire cela sans attribuer à la poursuite la responsabilité d'établir la preuve hors de tout doute raisonnable. Plus vous rendez facile de déclarer quelqu'un coupable, plus vous rendez facile de déclarer une personne innocente coupable.
Le président : Je vais vous demander d'en dire un peu plus long au sujet de deux réponses que vous avez données au sénateur Spivak. Premièrement, il y a le niveau de preuve, à savoir que la diligence raisonnable doit uniquement être prouvée selon la prépondérance des probabilités plutôt que hors de tout doute raisonnable. La Couronne doit prouver l'incident hors de tout doute raisonnable; la diligence raisonnable doit être prouvée selon la prépondérance des probabilités, ce qui est un niveau de preuve beaucoup moins exigeant.
Je vais vous décrire une situation hypothétique, et vous me direz comment nous pouvons régler le problème puisque vous dites qu'il ne s'agit pas d'une raison suffisante pour inverser la charge de la preuve. Supposons qu'il fait noir, qu'il y a du brouillard et qu'un navire, pour une raison quelconque — cela n'a pas d'importance parce que nous ne le saurons jamais — décide de déverser du pétrole et que cela a pour conséquence de tuer des oiseaux ou que cela met leur vie en danger. On peut prouver selon des preuves scientifiques que le pétrole a été déversé par le navire en question. On peut le prouver, d'après ce que je comprends, hors de tout doute raisonnable. Des preuves ont été présentées à cet égard. S'il n'y a aucun dénonciateur, comment serait-il possible d'attribuer la responsabilité de cet incident à une personne, par opposition à l'équipage, en l'absence du concept de la responsabilité stricte?
M. Gold : Premièrement, la prépondérance des probabilités est le niveau de preuve qui s'applique dans les causes au civil. Ce n'est pas un niveau de preuve qui n'est pas exigeant. Pour obtenir gain de cause, le demandeur doit parvenir à établir la preuve selon la prépondérance des probabilités. C'est le même niveau de preuve; il est élevé. Le fait qu'il soit moins exigeant que la preuve hors de tout doute raisonnable ne veut rien dire parce que personne ne pourrait demander à un accusé d'établir la preuve hors de tout doute raisonnable. Cela irait clairement à l'encontre de la Charte. On ne facilite pas la tâche à la défense puisque le niveau de preuve ne pourrait pas être plus élevé. C'est le niveau le plus élevé qu'on puisse demander à la défense.
Il est déjà arrivé que, dans une salle très sombre où se trouvaient des gens, il y ait eu des coups de feu et qu'on ait retrouvé un corps par la suite. Dans une telle situation, allez-vous déclarer tous les gens coupables du meurtre parce que vous ne savez pas qui l'a commis? Non.
Votre scénario hypothétique comporte un fait très important. Quelqu'un qui se trouvait à bord du navire a déversé le pétrole. Nous pouvons prouver cela. C'est souvent parce qu'on n'a pas fait ce raisonnement que la cause a échoué. Les causes échouent parce qu'on omet d'établir ce raisonnement. Si la Couronne parvient à prouver que quelqu'un à bord du navire a déversé le pétrole, elle aura gain de cause à moins que la défense ne présente une preuve de diligence raisonnable. Mais comment ferait-elle cela? Comment peut-il y avoir eu diligence raisonnable si le déversement s'est produit? Par conséquent, la Couronne n'a pas à s'inquiéter.
C'est lorsque la défense peut présenter une preuve de diligence raisonnable que le niveau de preuve importe. Les causes qui nous occupent sont liées à la pollution. La défense peut soulever un doute raisonnable quant au fait qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable, mais elle ne peut pas le prouver selon la prépondérance des probabilités. Les personnes en question seront alors reconnues coupables. Si la défense ne peut même pas prouver qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable, la Couronne obtiendra gain de cause, et il est alors inutile d'inverser la charge de la preuve.
Pensez-vous réellement qu'il est juste de déclarer coupables des personnes et de les emprisonner lorsqu'il existe un doute raisonnable quant au fait qu'elles ont fait preuve de diligence raisonnable, quoiqu'elles soient incapables de le prouver? Je ne crois pas que la Cour suprême accueillerait cela. S'il existe un doute raisonnable quant au fait que quelqu'un a fait preuve de diligence raisonnable, cette personne ne devrait-elle pas rester en liberté?
Le président : Oui, et je crois qu'aucun tribunal ne la déclarerait coupable.
M. Gold : Elle serait reconnue coupable si on inverse la charge de la preuve, car si cette personne ne parvient pas à prouver selon la prépondérance des probabilités qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable, elle obtiendra une peine d'emprisonnement. Il est important de garder en tête — il s'agit de la seule catégorie de causes dont il est question — le fait que, si la défense ne peut prouver qu'elle a fait preuve de diligence raisonnable, la Couronne obtiendra gain de cause. Il n'est pas nécessaire d'inverser la charge de la preuve.
Le sénateur Spivak : Alors personne n'est responsable.
M. Gold : Non, la personne sera déclarée coupable. Si la Couronne prouve que la personne a causé de la pollution et qu'elle ne dispose d'aucune preuve démontrant la diligence raisonnable, la personne sera déclarée coupable. Pour qu'il en soit autrement, il faut que la personne détienne suffisamment de preuves pour soulever un doute raisonnable au sujet de la diligence raisonnable, mais ne peut pas la prouver. Il est certes injuste qu'une personne soit incarcérée s'il existe un doute raisonnable à l'égard de la diligence raisonnable.
C'est pourquoi je ne peux pas croire que la Cour suprême accueillerait l'inversion de la charge de la preuve dans le présent contexte.
Le sénateur Milne : Je croyais que la diligence raisonnable dans le présent projet de loi concernait uniquement le capitaine ou le propriétaire du navire. C'est lui qui est ultimement responsable. Tant que le propriétaire peut démontrer qu'il suivait de bonnes règles et qu'il avait formé correctement l'équipage, cela prouve qu'il y a eu diligence raisonnable.
M. Gold : Premièrement, je pensais que la défense fondée sur la diligence raisonnable était d'ordre général. Je peux me tromper, mais je crois que j'ai raison.
Vous avez dit que, tant que le propriétaire peut démontrer qu'il y a eu diligence raisonnable, il obtiendra gain de cause. Ce n'est pas ce que stipule le projet de loi. Démontrer qu'il y a eu diligence raisonnable signifie soulever un doute raisonnable, présenter une preuve quelconque. Le propriétaire ou le capitaine n'obtiendra pas gain de cause à moins qu'il puisse prouver selon la prépondérance des probabilités qu'il a fait preuve de diligence raisonnable, comme s'il s'agissait d'une cause au civil. Parce qu'il aura démontré qu'il a fait preuve de diligence raisonnable, il sera emprisonné. Ce n'est pas sa défense.
La défense qu'on vous demande d'adopter dans le projet de loi à l'étude exige qu'on prouve qu'il y a eu diligence raisonnable selon la prépondérance des probabilités. Il faut prouver qu'il est plus probable qu'on a agi avec diligence raisonnable que le contraire. C'est là une charge de la preuve que beaucoup, même s'ils sont capables de faire naître un doute raisonnable, ne réussiront pas à assumer entièrement. Ils ne convaincront donc pas le juge et seront condamnés, ce qui va à l'encontre de la Charte.
Le sénateur Milne : S'ils ont mis en place de bonnes règles et qu'ils ont bien formé leurs gens, je ne vois pas ce qu'on pourrait exiger de plus comme preuve d'une diligence raisonnable.
M. Gold : On peut aussi soutenir le contraire. Si la défense démontre qu'elle a bien formé les gens et qu'elle a mis en place de bonnes règles, pourquoi alors la Couronne n'aurait-elle pas à prouver hors de tout doute raisonnable qu'il n'y a pas eu diligence raisonnable? Pourquoi faudrait-il que la défense fasse davantage? Que la Couronne prouve que ce sont des criminels, plutôt que les obliger, eux, à prouver qu'ils ne le sont pas. J'inverserais la situation.
S'ils prouvent qu'ils avaient en place de bonnes règles et qu'ils ont agi convenablement, c'est ce que j'entends lorsque je dis qu'il faut en faire une « question réelle ». C'est ce qu'un accusé est tenu de faire. Il appartient ensuite à la Couronne de prouver le contraire hors de tout doute raisonnable.
Le président : Vous laissez entendre maintenant, si j'ai bien compris, qu'en ce qui concerne la preuve exigée de l'accusé, il est plus difficile de prouver selon la prépondérance des probabilités qu'on a fait preuve de diligence que de susciter un doute raisonnable.
M. Gold : Tout à fait. C'est la loi. Il faudrait, pour mettre fin à ce déséquilibre, supprimer la charge de la preuve selon la prépondérance des probabilités. On peut maintenir la défense fondée sur la diligence raisonnable, dire simplement que l'accusé peut invoquer à sa décharge qu'il a fait preuve de diligence raisonnable. Cette loi sera ensuite interprétée comme exigeant que la défense produise des preuves, les règles, la formation — il faut qu'elle prouve ce qu'elle fait. Par contre, une fois qu'elle l'a prouvé, c'est à la Couronne qu'il appartient de prouver qu'elle est criminelle, non pas l'inverse.
Le sénateur Hubley : J'aimerais revenir à ceci pour quelques instants.
Une fois qu'un incident s'est produit — un déversement de pétrole, dont la source a pu être identifiée comme étant un certain bâtiment —, dans le cadre du processus d'enquête, la poursuite a les preuves voulues pour porter l'affaire devant un tribunal.
M. Gold : Pour tenir la source responsable de l'incident, de l'événement.
Le sénateur Hubley : Pour l'en tenir responsable. Quand la charge de la preuve est inversée, étant donné que la situation est unique du fait qu'il est difficile de prouver qu'il y a eu infraction à la loi, je n'arrive pas à comprendre tout à fait votre argument selon lequel il est déraisonnable de prévoir une défense fondée sur la diligence raisonnable.
M. Gold : Non, je ne dis pas que c'est déraisonnable de prévoir une défense fondée sur la diligence raisonnable. J'ai dit qu'il est déraisonnable d'obliger la défense à en faire la preuve comme s'il s'agissait d'une poursuite au civil.
Poussons plus loin l'exemple que vous avez donné. Supposons que c'est tout ce que prouve le gouvernement, soit un lien entre le déversement et un bâtiment particulier. Les bâtiments ne sont pas censés faire des déversements. Nous le savons tous. Si la défense ne fait rien et prétend ignorer ce qui se passe, elle sera déclarée coupable parce qu'elle n'a pas prouvé qu'elle avait fait preuve de diligence raisonnable. Il y a là quelque chose d'incorrect. Les rédacteurs de la loi ne sont pas des idiots. Si vous avez fait quelque chose d'incorrect et que vous demeurez muet, vous en serez tenu responsable.
La défense tente de répondre à l'accusation en déposant une preuve établissant quelles mesures elle a prises pour empêcher le déversement — la formation, les consignes, les règles. Une fois qu'elle l'a fait, le tribunal se prononce, à savoir si elle en a fait une question réelle. En d'autres mots, a-t-elle déposé suffisamment de preuves pour que le tribunal doive même en tenir compte?
S'ils ne le font pas, ils seront reconnus coupables. Nous allons donc supposer qu'ils le font. À ce stade, nous nous trouvons dans la zone qui sépare le projet de loi tel que rédigé et ce qu'il devrait signifier selon moi. On a introduit une certaine preuve capable de susciter un doute raisonnable quant au fait qu'on a fait preuve de diligence raisonnable. Pour une raison quelconque, soit que l'avocat n'est pas bon, que ce n'est pas un gros bâtiment, que l'entreprise n'est pas riche, elle ne peut se payer les meilleurs experts, de sorte qu'elle est incapable de convaincre le juge selon la prépondérance des probabilités.
La défense n'est pas si bonne que le tribunal est convaincu qu'on a fait preuve de diligence raisonnable, mais la cour conserve un doute raisonnable. Voilà où le bât blesse, parce que vous pourriez condamner ces personnes alors qu'à mon avis, la Charte l'interdit.
Pour vous en donner un exemple peut-être un peu plus clair, une de mes premières causes concernait de la fausse monnaie. À l'époque, on estimait qu'il revenait à la défense de réfuter qu'elle savait qu'il s'agissait de fausse monnaie.
Un gentil jeune homme avait payé son essence au moyen d'un faux billet de 50 $. Nous avons plaidé — l'accusé a tiré le faux billet de son portefeuille; c'était le seul qu'il avait; il n'a pas tenté de fuir. Le juge a tiré une conclusion malhonnête. Il a dit : « Vous savez, monsieur Gold, je ne suis pas sûr, hors de tout doute raisonnable, que votre client savait que le billet était faux, mais je ne suis pas convaincu selon la prépondérance des probabilités qu'il ne le savait effectivement pas. Par conséquent, aux termes de la loi actuelle, je suis obligé de le déclarer coupable ».
Nous sommes allés en Cour d'appel; elle a dit : « Non, ce n'est plus la loi. La Couronne doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'accusé savait que le billet était faux ».
Je m'en sers pour illustrer mon propos. En tant que juge des faits, le tribunal qui entend la cause et examine la preuve peut dire : « Je dois avouer que j'ai un doute raisonnable. Je ne suis pas convaincu à 100 p. 100 que cette entreprise n'a pas fait preuve de diligence raisonnable. Suis-je convaincu qu'elle a agi avec diligence raisonnable? Non, je n'en suis pas persuadé ». C'est pourquoi la charge de la preuve a tant d'importance.
Selon moi, si la preuve soumise par la défense suscite un doute raisonnable dans l'esprit des juges, au sujet de la diligence raisonnable, il faudrait acquitter l'accusé. En inversant la charge de la preuve, vous allez déclarer coupables des personnes comme celles-là. C'est là la différence.
Le sénateur Hubley : Il m'est difficile de supposer qu'on manquera d'opinions ou d'appuis juridiques dans de pareilles situations — en d'autres mots, que parce que l'avocat ne fait pas son travail comme il faut, la personne sera déclarée coupable. Je ne crois pas qu'on puisse aller aussi loin.
M. Gold : Je voulais simplement dire que, dans la réalité, la différence dans le fardeau de la preuve a d'énormes conséquences. De nombreux accusés qui défilent jour après jour devant les tribunaux sont acquittés parce qu'ils ont réussi à semer un doute raisonnable. Ils ne sont pas acquittés parce que le juge est convaincu qu'ils sont innocents, croyez-moi. C'est pourquoi la norme juridique a évolué, au fil des ans. Si vous exigez que l'accusé prouve quelque chose, vous allez juger coupables beaucoup plus d'accusés et, partant, plus d'accusés innocents.
Le sénateur Spivak : Prenons comme exemple l'excès de vitesse, qui est une infraction de responsabilité stricte.
M. Gold : D'accord.
Le sénateur Spivak : Quand vous examinez la situation et ce qui se passe dans le monde réel, 5 p. 100 environ des bâtiments sont exploités par des personnes malhonnêtes. Il est moins coûteux pour elles de déverser leur pétrole que d'entrer dans le port. C'est un coût d'entreprise. Peut-être se feront-elles prendre, peut-être pas. Or, on assure une surveillance. On constate la présence d'un déversement de pétrole. On voit le bâtiment. Votre solution est-elle alors de dire qu'il devrait y avoir responsabilité stricte?
M. Gold : Non, loin de là. L'excès de vitesse est une infraction de responsabilité stricte parce cela se produit littéralement des milliers de fois chaque soir partout au pays et qu'il serait impossible à la poursuite de prouver chaque fois que l'accusé savait. Or, en règle générale, l'accusé le savait. Désolé, mais je ne vois pas des milliers de causes environnementales entendues par un tribunal tous les soirs. Les excès de vitesse et les causes environnementales, sauf votre respect, ne relèvent pas du tout de la même catégorie, sans mentionner le fait que nul ne va en prison pour avoir fait de l'excès de vitesse, pas plus qu'il n'est condamné à verser des millions de dollars d'amendes. La peine est très importante. Plus elle est lourde, plus vous vous rapprochez du véritable crime.
Comme je le disais, pourquoi ne pas simplement prévoir ces dispositions dans le Code criminel et être honnête? Ce sont là des crimes environnementaux graves. Si ce sont des crimes, alors appliquons-y les règles prévues pour les crimes, plutôt que les règles prévues pour les excès de vitesse.
Le sénateur Christensen : Donc, selon vous, ce devrait être des infractions de responsabilité stricte?
M. Gold : Non, de par la loi, elles ne peuvent pas l`être.
Le sénateur Christensen : Qu'en ferez-vous alors?
M. Gold : On va poursuivre les contrevenants selon les lois du pays.
Le sénateur Spivak : Il existe beaucoup de crimes environnementaux.
M. Gold : La plupart sont visés par des règlements provinciaux et ne peuvent donc pas être d'ordre pénal. Il importe de s'en rappeler.
Le sénateur Spivak : Les peines criminelles sont prévues dans la Loi sur la marine marchande du Canada depuis longtemps. Si une peine criminelle n'était pas prévue pour acte de négligence, seriez-vous toujours du même avis?
M. Gold : L'inversion du fardeau de la preuve en matière de diligence raisonnable n'est pas une caractéristique historique. Elle vient de l'arrêt rendu dans Sault Ste. Marie et a été adoptée après l'introduction de la Charte et l'affaire Wholesale Travel. Je suis conscient qu'une Loi sur la marine marchande du Canada existe depuis longtemps, mais le genre de dispositions dont il est question, d'après mes recherches, est essentiellement venu se greffer après l'arrêt Sault Ste. Marie. Le gouvernement en a été ravi, particulièrement du fait que le tribunal a déclaré : « On ne devrait avoir recours que rarement à la responsabilité stricte ». Il importe de le comprendre. C'était en réalité avantageux pour l'accusé, non pas pour le gouvernement.
Depuis lors, j'ai pris conscience qu'il existait des dispositions analogues. Ce que j'ai trouvé étonnant, c'est que ces dispositions ne semblent jamais avoir été contestées. Je vous affirme qu'elles ne disent aucunement qu'il faut constamment répéter la même erreur. Pourquoi à ce moment-là ne pas supprimer l'inversion du fardeau de la preuve dans les autres dispositions? C'est ce qu'impose la situation. L'enjeu ici est de savoir si le fardeau de la preuve devrait être inversé. Malgré tout le respect que je vous dois, j'essaie de vous convaincre qu'il n'y a pas de justification démontrable pour inverser le fardeau de la preuve.
Le sénateur Spivak : Bien sûr, aux États-Unis...
M. Gold : Ils ont recours à des peines au civil, et les montants sont très élevés. C'est fort bien, mais cela n'a rien à voir avec un crime. Je sais qu'ils prévoient des peines, mais il importe également de se rappeler que notre loi, en vertu de la Charte, en ce qui concerne les motifs de faute d'infraction, a évolué bien au-delà des dispositions américaines.
Le sénateur Buchanan : Autant préciser clairement au départ qu'une grande partie de vos propos ne me cause aucune difficulté. Nous avons entendu de pareils propos d'experts juridiques tout à fait indépendants. Nous avons entendu des opinions juridiques sur le droit international de la Fédération internationale des armateurs. Des témoins ont affirmé que certains articles du projet de loi à l'étude vont à l'encontre des obligations internationales du Canada.
Le sénateur Spivak sait, comme le reste d'entre nous, que les États-Unis ne sont pas signataires de nombre de ces ententes dont nous avons parlé — MARPOL et UNCLOS. Elle cite les États-Unis en exemple. La plupart des peines imposées aux États-Unis, à moins de violations flagrantes, ne relèvent pas du droit criminel. Ce sont des peines au civil, et elles représentent des millions de dollars versés en amendes.
Or, il est question ici de droit criminel. Il est question de criminaliser les actes de marins, d'officiers et d'ingénieurs. Il est question de retirer du commerce aux ports canadiens. Ce n'est pas juste une fantaisie. Nous avons entendu parler de représentants internationaux, de syndicats, de représentants des gens de mer, des officiers, des ingénieurs et de l'association des capitaines. Ce sont là de sérieuses questions.
On nous dit aussi que beaucoup de renseignements qui nous sont fournis n'ont pas été entendus par le comité de la Chambre des communes. J'en ignore la raison, mais on nous a dit que de nombreux témoins que nous avons entendus ne savaient même pas qu'un comité de la Chambre des communes avait étudié le projet de loi C-15. L'eussent-ils su, ils se seraient présentés pour signaler en termes très clairs qu'il y a un problème constitutionnel.
On ne peut pas simplement déposer une loi qui va à l'encontre de la Charte des droits et libertés. J'en sais quelque chose. J'ai étudié la Charte en 1981. J'ai fait partie du processus, même si j'étais opposé à une partie de celle-ci et très favorable à la clause de dérogation. Par contre, la Charte est là, et nous ne pouvons pas sciemment la violer.
À quoi sert notre comité sénatorial? À quoi sert le Sénat? Nous sommes ici pour faire une seconde réflexion qui n'a peut-être pas été faite dans l'autre endroit. Nous savons en fait que cela ne s'est pas fait à l'autre endroit et nous savons également que 80 p. 100 des opinions juridiques tirent les mêmes conclusions que notre propre conseiller juridique, soit que le projet de loi est contraire à la Charte des droits.
Le président : Avez-vous une question à poser à M. Gold?
Le sénateur Buchanan : Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Gold : Oui, je suis d'accord.
Le sénateur Buchanan : J'ai exposé mon point de vue.
Le président : Chers collègues, j'essaie de vous laisser la plus grande liberté possible pour en débattre.
Le sénateur Buchanan : J'ai une question à poser. J'ai compris ce que vous avez fait. Dans vos recherches et votre propre pratique, qui naturellement a été imposante, et nous le savons tous, vous ne vous êtes pas arrêté aux dimensions internationales du projet de loi à l'étude?
M. Gold : Très sommairement. Avec l'Internet, il est facile de voir toutes sortes de choses. J'ai effectivement remarqué qu'un débat analogue se tenait en Europe où on affirme que la simple négligence est contraire aux textes constitutionnels. Si un avocat européen était ici, il vous dirait que vous devez apporter des modifications encore plus étendues. Toutefois, je refuse de me lancer dans ce débat.
Si je puis vous convaincre de supprimer l'inversion de la charge de la preuve, je serai très heureux. Dans la mesure où les Européens livrent ce combat, ils se rangent encore plus de notre côté. Selon eux, on ne peut pas invoquer la simple négligence pour justifier la responsabilité.
Le sénateur Buchanan : Vous avez tout à fait raison. La Chambre internationale de la marine marchande nous a soumis une opinion juridique selon laquelle le projet de loi à l'étude est, primo, inconstitutionnel et, deuzio, contraire aux traités qu'a signés le Canada.
J'ai appris il y a longtemps que si une loi est efficace, mieux vaut ne pas y toucher. L'inverse est tout aussi vrai : si elle n'est pas efficace, mieux vaut la changer, et le faire avant d'avoir un problème. Nous devrions probablement savoir maintenant que nous avons un problème.
Pourquoi adopterions-nous une loi sachant qu'elle nous posera un problème par la suite? Ne vaut-il pas mieux régler le problème tout de suite plutôt que de lire plus tard dans un arrêt de la Cour suprême du Canada que le comité sénatorial n'a pas bien fait son travail? N'êtes-vous pas d'accord avec moi?
M. Gold : J'ai été ravi d'apprendre que le Sénat examinait le projet de loi à l'étude. C'est ainsi qu'on m'a appris, à l'école de droit, que notre Parlement était censé fonctionner. J'ai examiné le projet de loi, et j'étais honoré de pouvoir venir ici vous expliquer les raisons de notre opposition plutôt que d'avoir à le faire en cour. Je vous en suis reconnaissant.
Le sénateur Buchanan : Bravo!
Je ne puis vous dire combien de fois nous avons adopté des lois en Nouvelle-Écosse et l'avons regretté par la suite parce que les tribunaux les ont déclaré ultra vires. On disait qu'on aurait dû modifier la loi avant de l'adopter. C'est ce que nous tentons de faire ici.
Le sénateur Hubley : J'ignore s'il est utile d'expliquer pourquoi l'industrie de la marine marchande n'a pas participé à l'étude du projet de loi dans l'autre endroit, mais elle s'est venu témoigner à deux occasions distinctes. On nous a aussi raconté que le ministère de l'Environnement a soumis le problème des oiseaux souillés par les hydrocarbures en mer à l'Organisation maritime internationale de nombreuses fois. J'ignore pourquoi l'organisation n'a pas réagi, mais elle a certainement eu une réaction au Sénat, ce dont nous pouvons lui être reconnaissants.
Je pourrais aussi souligner que nous entendons deux arguments, naturellement. Vous nous faites valoir le vôtre. Nous avons aussi entendu beaucoup d'autres témoignages, par exemple de Terre-neuviens et d'organismes environnementaux. C'est très important.
Il s'agit d'un problème canadien. Il persiste depuis quelque temps déjà. Nous avons des lois qui le régissent. Environ 5 p. 100 de l'industrie de la marine marchande contreviennent à la loi. Nous parlons comme si nous allions salir la réputation de toute l'industrie, ce que nous n'avons certes pas l'intention de faire. Un petit pourcentage enfreint la loi. Il pose des actes criminels. Cela a certainement un impact sur le Canada, beaucoup plus que sur les États-Unis. Les peines prévues aux États-Unis et dans certaines régions d'Europe sont beaucoup plus sévères que les nôtres. Le projet de loi C-15 alignerait nos peines sur celles d'autres compétences, ce qui, nous l'espérons, résoudra le problème du « coût d'entreprise ». On nous donne l'assurance qu'il existe suffisamment d'installations portuaires pour répondre aux besoins de l'industrie du transport maritime et, pourtant, ils choisissent de ne pas le faire. Ils choisissent plutôt de vidanger leurs cales en mer. Cela leur fait économiser du temps et, de toute évidence, de l'argent.
Il faut régler le problème. Le projet de loi est nécessaire pour nous en donner la possibilité aux termes à la fois de la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement.
J'ai lu votre mémoire, votre avis juridique. Parfois, je suis très encouragé du fait que vous n'affirmez pas que quelque chose est carrément mauvais, mais que vous préfériez que cela se fasse différemment. La seule source de problème chez vous, semble-t-il, est l'inversion de la charge de la preuve.
M. Gold : Cette inversion n'est pas bonne.
Le sénateur Hubley : De toutes les choses que vous avez dites, c'est l'inversion de la charge de la preuve surtout qui vous préoccupe. Je ne sais pas pendant combien de temps il faudra en débattre avant que je réussisse à vous faire changer d'idée ou vous, de me faire changer d'idée, bien que j'essaie de garder l'esprit ouvert. C'est là que vous constatez un problème, monsieur Gold.
M. Gold : Si je puis répondre à cette observation.
Le sénateur Hubley : Je vous en prie.
M. Gold : J'ignore si vous êtes avocat.
Le sénateur Hubley : Non, je ne le suis pas.
M. Gold : Il est difficile aux profanes de comprendre la grande importance qu'a le « fardeau de la preuve » lors de poursuites. Dans votre exposé, vous avez parlé de 5 p. 100 environ qui étaient responsables. Quand on parle de faute ou de faute de commission, on s'imagine toujours ceux qui ont commis les actes. C'est de ceux-là dont on parle, de ces 5 p. 100. Ce que les profanes ont de la difficulté à comprendre, c'est que, lorsque le tribunal se penche sur le cas de l'accusé, il ignore s'il fait partie de cette tranche de 5 p. 100 ou des 95 p. 100 qui sont innocents. C'est pourquoi nous nous retrouvons en cour.
Le sénateur Hubley : Je comprends cela.
M. Gold : Plus vous empêchez un des 95 p. 100 de se faire reconnaître comme tel, plus vous rendez facile qu'il soit déclaré coupable à tort. Voilà pourquoi le fardeau de la preuve est si important. Supposons qu'on impose à la défense de prouver qu'il n'y a pas eu diligence raisonnable. À la fin d'une année, vous auriez par exemple 50 condamnations, alors que si le fardeau consistait seulement à semer un doute raisonnable, à la fin de l'année, vous n'auriez que 45 condamnations. Je ne crois pas que cela fasse une si grande différence, mais il y en aura tout de même une. S'il n'y en a pas, alors rien ne justifie l'alourdissement du fardeau.
S'il y a une différence, vous avez un groupe de personnes au sujet desquelles subsiste un doute raisonnable d'innocence, mais elles sont condamnées. Dans ces cinq cas, les personnes sont déclarées criminelles bien que vous ne sachiez pas si elles faisaient partie des 5 p. 100 au départ. Elles ont peut-être été intégrées à ce groupe criminel simplement du fait qu'elles étaient incapables de supporter le fardeau de la preuve. Voilà quelque chose que je sais ne pas être évident aux profanes, mais les avocats et les juges sont aux prises avec le problème. C'est pourquoi le fardeau de la preuve est si important.
C'est pourquoi nous disons qu'un fardeau de la preuve supérieur nécessite une justification. La défense peut facilement établir la véracité de la justification, notamment la détention du permis. Si vous faites valoir pour votre défense que vous déteniez un permis, vous n'avez qu'à éliminer celui-ci et vous serez acquitté. C'est pourquoi, dans une affaire comme celle de Wholesale Travel, la défense peut facilement établir que l'inversion du fardeau de la preuve est justifiée, parce que vous ne risquez pas de condamner un innocent. Vous n'inversez pas simplement le fardeau de la preuve parce que c'est difficile pour la poursuite.
J'ai proposé quelque chose de limpide : éliminer le fardeau de la preuve. Si, dans cinq ans, quelqu'un vient vous dire : « Nous avons perdu 1 000 affaires à cause du fardeau de la preuve », vous aurez bien le temps d'inverser le fardeau de la preuve. Cela ne se produira pas. Je gage que, si vous éliminez le fardeau de la preuve, personne ne pourra, dans cinq ans, vous indiquer une affaire où l'acquittement était injustifié. Personne ne pourra vous faire valoir : « Dans cette affaire, les éléments de la preuve établissaient vraiment la culpabilité de cette personne, qui s'en est tirée à cause du fardeau de la preuve allégé. » Les choses ne se passent pas ainsi dans la réalité. J'en suis tout à fait convaincu. Si vous inversez le fardeau de la preuve, vous ne serez jamais témoins d'une injustice et d'une iniquité.
Le sénateur Angus : J'aimerais me faire l'écho de ce que les autres ont dit pour vous dire combien nous vous sommes reconnaissants de comparaître devant nous et de prendre du temps pendant votre procès.
Nous nous estimons privilégiés d'avoir pu entendre vos opinions sur une question épineuse. Nous essayons simplement de trouver un moyen d'empêcher que ces oiseaux ne soient souillés par les hydrocarbures. C'est probablement ce que vous ont indiqué vos clients.
Pendant que vous lisiez votre déclaration, j'ai pris note de ce que vous avez dit après nous avoir signalé combien vous aimiez votre travail. En passant soit dit, je suis également avocat. Voici ce qu'on raconte à Montréal : « Qu'arrive- t-il à l'avocat qui réussit mal? Il devient sénateur. » Vous nous avez affirmé : « Je suis tout à fait convaincu que cette mesure législative est anticonstitutionnelle. » C'est tout ce que j'ai noté, parce que je crois comprendre que mon travail consiste à m'assurer que nous n'adoptons pas les projets de loi inopportuns et certes les projets de loi anticonstitutionnels de prime abord. Je veux simplement que vous me rassuriez. Ai-je bien compris?
M. Gold : Il ne fait aucun doute que l'inversion du fardeau de la preuve viole la Charte. L'article 1 pourra-t-il être invoqué à ce titre? À mon humble avis, je ne crois pas que, étant donné la peine et le contexte, la Cour suprême le confirmera, compte tenu du fait que je n'ai absolument pas pu trouver de justification vérifiable.
Le sénateur Angus : Lorsque je travaillais comme avocat, je me spécialisais en droit maritime et en droit de l'amirauté. Je n'ai pas beaucoup plaidé en droit constitutionnel, mais j'ai suivi tous les cours de Frank Scott et des autres professeurs comme lui, des personnes que vous connaissez bien. J'étais dans la même classe que l'honorable juge Fish, que vous connaissez, je crois. Nous nous tirions assez bien d'affaire tous les deux en droit constitutionnel. Je me souviens que, après l'adoption de la Charte, nous sommes revenus comme anciens élèves à l'école de droit pour débattre de l'expression « conforme à la Charte ».
Dans ce contexte, le sénateur Hubley et moi avons posé la question suivante à plusieurs témoins : existe-t-il un moyen simple pour rendre le projet de loi constitutionnel et conforme à la Charte? Nous avons été saisis d'autres plaintes à cet égard, mais ce qui me fatigue vraiment, c'est lorsque quelqu'un comme vous affirme que c'est anticonstitutionnel. Selon vous, pourrait-on changer un ou deux termes pour rendre le projet de loi constitutionnel, et je ne vous parle pas d'une modification de 10 pages ni même de 20 mots?
M. Gold : Supprimer l'expression « le fardeau de la preuve qui incombe à l'accusé » ou à la défense. J'ai oublié le libellé exact. Quelqu'un en est-il au courant? Il existe une disposition dans laquelle cela incombe à l'accusé. Lisez chaque article portant sur la disculpation et les précautions voulues, et vous y verrez que la preuve incombe à l'accusé ou à la défense.
Le président : Nous trouverons cette disposition.
Le sénateur Angus : L'article 13 semble indiquer qu'il faut prouver que l'infraction a été commise.
M. Gold : Consultez la disposition sur la disculpation et les précautions voulues.
Le président : Nous la trouverons.
Le sénateur Angus : Est-ce que vous nous dites que ce serait un moyen de rendre le projet de loi conforme à la Charte tout en permettant d'accomplir ce que vous souhaitez vivement?
M. Gold : D'après moi, ce problème évident disparaîtrait si vous preniez cette mesure, ce qui ne signifie pas qu'un avocat ne pourrait pas présenter des arguments en ce qui concerne les autres.
Le sénateur Angus : Je comprends.
M. Gold : Le problème évident disparaîtrait. Je le répète, si par miracle — et je n'y crois absolument pas parce que j'ai déjà entendu ces expédients —, il était possible d'établir que cette absence de fardeau nuisait à l'application de la loi, vous pourriez alors modifier le libellé et le tout serait conforme à la Charte parce que vous pourriez ainsi convaincre le tribunal que cela était nécessaire et se justifiait. Je le répète, je ne pense pas que cela se produira parce que le fardeau est généralement inversé lorsque la défense est facile à établir, notamment annuler un permis ou un contrat pour montrer qui est responsable. C'est alors que le fardeau est inversé et non pas simplement parce qu'une question est épineuse.
Le président : Si vous me le permettez, je vous citerai la disposition dont nous parlons. Si je ne me trompe pas, elle se trouve à la page 14. Il s'agit du paragraphe 13(1)(1.8), qui est ainsi libellé :
La personne ou le bâtiment ne peut être déclaré coupable d'une infraction à la présente loi, autre que la contravention aux alinéas 5.2a), c) ou d) ou à l'article 5.3, s'il prouve qu'il a pris toutes les précautions voulues pour prévenir sa perpétration.
Il n'est pas question de la « prépondérance des probabilités ». On utilise plutôt l'expression « s'il prouve ».
M. Gold : En ce qui concerne le fardeau en matière civile, l'expression « s'il prouve » équivaut à « prépondérance des probabilités » dans la terminologie juridique. La Cour suprême l'a répété souvent. L'expression « s'il prouve » est une expression juridique reconnue. Elle équivaut à « fardeau en matière civile ». C'est exactement la disposition en question.
Si voue enleviez la notion de fardeau et ajoutiez une expression comme « le bâtiment ne peut être déclaré coupable s'il a pris toutes les précautions voulues », les tribunaux interprèteraient alors cela comme nécessitant uniquement un doute raisonnable. C'est l'expression « s'il prouve » qui déplace le fardeau de la preuve.
Le président : Est-ce la disposition pertinente?
Le sénateur Angus : J'ai signalé que c'était l'article 13.
Le sénateur Christensen : C'est à (1.8).
M. Gold : C'est l'expression « s'il prouve » qui pose problème. Certaines autres lois comprennent l'expression « selon la prépondérance des probabilités ». Toutes ces expressions ont le même sens : le fardeau incombe à l'accusé.
Le sénateur Spivak : Ce n'est pas uniquement de cet amendement qu'il est question ici. Vous évoquez la Loi sur la marine marchande du Canada. Vous parlez de toutes ces autres lois qui sont fondées sur ces principes, sans compter toutes celles en vigueur dans l'ensemble du Commonwealth. C'est effectivement exact.
Le sénateur Angus : Ce ne l'est pas, et vous le savez.
Le sénateur Spivak : Il me semble que vous êtes un avocat de la défense au criminel.
M. Gold : Vous en donnez une image négative.
Le sénateur Spivak : Non, non, vous ne m'avez pas laissée terminer. D'autres qui ont examiné la question ont établi une distinction entre une véritable infraction criminelle et une défense en vertu du bien-être public. J'ai écouté tous les arguments. Je n'ai pas contesté vos propos. Je comprends ce que vous dites, mais il me semble que tout cela devrait être une infraction criminelle. Cela devrait être le cas, parce que vous indiquez que c'est le début de la fin. Actuellement, l'état de nos mers se détériore incroyablement. Vous n'avez qu'à consulter les conclusions scientifiques. Vous devriez modifier toutes les lois. Il ne faut pas se contenter de celle-ci, parce que cela ne serait pas conforme au droit canadien. En fait, ce projet de loi réduit — il s'agit d'infractions criminelles — l'emprisonnement. C'est ce qu'il fait. Dans la Loi sur la marine marchande du Canada, l'emprisonnement est de cinq ans, alors que c'est trois ans dans le présent projet de loi.
Le président : Sénateurs, nous aurons amplement le temps de débattre ces points entre nous. Nous devrions poser des questions à M. Gold pendant qu'il est ici.
Le sénateur Spivak : Voici le problème : il ne s'agit pas uniquement du présent projet de loi. Préconisez-vous de modifier toutes ces lois?
M. Gold : Premièrement, je suis peut-être un avocat de la défense, mais je vis dans notre monde, je nage dans nos océans et j'aime ces oiseaux. Ils sont adorables. Si vous croyez que je suis ici pour défendre la pollution, je vous dirai avec respect que vous ne m'avez absolument pas écouté.
Le sénateur Spivak : Je ne le pense pas.
M. Gold : Ce n'est pas parce qu'un problème grave se pose qu'on peut dire que vous vous réagissez d'une façon excessive ou anticonstitutionnelle. Je comparais pour aborder le projet de loi. J'ai pourtant indiqué que mes recherches m'ont permis de trouver des dispositions analogues, qui semblent être passées inaperçues ou sous silence. Ce serait faire un pas dans la bonne direction si nous prenions les mesures qui s'imposent dans le cas présent. Ma joie sera même décuplée si cela vous amène à corriger certaines erreurs du passé. Je comparais uniquement pour aborder le présent projet de loi. Je vous propose les modifications qui s'imposent par rapport à ces dispositions et je vous laisse le soin de décider les mesures que vous voulez prendre à l'égard des autres dispositions.
Le sénateur Angus : D'après vous, cette disposition est anticonstitutionnelle dans son libellé actuel. Vous êtes d'avis que nous pourrions la rendre conforme à la constitution et à la Charte si nous en modifions le libellé.
Est-elle non conforme à la constitution et à la Charte parce que les pénalités, les amendes et l'incarcération possible peuvent être infligées à un particulier et non pas à une personne morale, notamment?
M. Gold : Oui.
Le sénateur Angus : Si nous enlevions le terme « la personne », cela conviendrait-il?
M. Gold : Ce serait très important. Les tribunaux font preuve de laxisme face aux dispositions provinciales en matière d'environnement notamment parce qu'elles ont toujours visé les personnes morales, outre le fait qu'elles sont de nature non pénale. Il est très difficile de s'apitoyer sur le sort des personnes morales. Vous ne pouvez les incarcérer. C'est une question de doctrine juridique et de bon sens. En rendant possible l'incarcération de particuliers, vous soulevez vraiment des problèmes constitutionnels — quel que soit le point de vue que vous adoptiez —, parce qu'il n'a jamais été question de responsabilité objective. La responsabilité stricte est actuellement ce qui peut arriver de pire à des êtres humains. Je préconise donc d'apporter une justification supplémentaire. Ce n'est plus une faveur que vous accordez à la défense. En règle générale, une personne ne devrait être incarcérée que si son intention était criminelle. Je suis très au fait des doctrines de la Cour suprême du Canada à propos des exigences constitutionnelles relatives à l'intention criminelle ou mens rea. Cependant, le commun des mortels croit qu'il est injuste d'incarcérer une personne qui n'avait pas l'intention de commettre un crime, qui ignorait ce qu'elle faisait ou qui a simplement fait preuve de négligence. Nous avons de toute évidence du mal à accepter cela.
Telle est la situation à laquelle vous exposez les particuliers. Il s'agit d'un élément important du projet de loi.
Le sénateur Angus : En droit de l'amirauté, il existe le concept de la personnification des navires. On leur donne la forme féminine en anglais. Un navire peut faire l'objet d'une arrestation et d'une poursuite. Lorsque vous intentez une action en droit de l'amirauté, vous ne le faites pas contre un particulier, mais contre un navire. Êtes-vous au courant de ce concept?
M. Gold : J'en suis au courant parce que j'ai lu le projet de loi.
Le sénateur Angus : La suppression du passage portant sur l'incarcération et la mise à l'amende des capitaines et des mécaniciens en chef pourrait-elle supporter une contestation aux termes de la Charte?
M. Gold : La disposition serait indiscutablement beaucoup plus pertinente, et ce non seulement sur le plan juridique. Les juges sont des êtres humains, et nous vivons tous dans un monde bien réel. Sur le plan psychologique, il en découlerait une énorme différence. Je pense que les tribunaux traiteraient les navires comme des personnes morales. Autrement dit, je pense que les juges accepteraient beaucoup plus le projet de loi si celui-ci ne comportait pas la possibilité qu'un être humain puisse se retrouver entre quatre murs pendant quelques mois ou quelques années. C'est indiscutable.
Le sénateur Angus : Vous avez parlé du privilège. Je n'ai pas bien saisi. Quelque chose m'a peut-être échappé lors d'une audience antérieure. Je pense qu'on vous a dit ou que vous vous croyez comprendre que les représentants d'Environnement Canada ont comparu devant le comité et ont affirmé qu'ils avaient obtenu des avis juridiques mais que c'est une information privilégiée. Est-ce bien cela? L'avez-vous lu dans le procès-verbal?
M. Gold : Je crois comprendre que, depuis l'entrée en vigueur de la Charte, le gouvernement a l'obligation de s'informer si toutes ses mesures législatives sont conformes à la Charte, et je connais des avocats qui donnent des avis juridiques à cet égard et s'en acquittent d'une façon très pertinente. Ils sont très compétents et essaient sincèrement de tous bien faire leur travail.
Lorsque je me suis intéressé à cette question, j'ai d'abord demandé notamment qu'on me montre l'avis juridique justifiant cette mesure. Je m'attendais franchement à ce qu'on me fasse valoir peut-être que tout était conforme à la décision dans l'affaire Wholesale Travel. Cependant, j'ai peut-être fait fausse route. Quelque chose m'a peut-être échappé. Je me demande toujours si je n'ai pas oublié un aspect. Je veux donner l'opinion la plus valable. Je demande donc quels sont les avis juridiques qui justifient cette mesure.
Le client m'a indiqué qu'on ne pouvait pas les consulter parce qu'ils étaient privilégiés. Dans l'affaire Jimmy Campbell, c'est ce que la GRC m'a fait valoir. On ne saurait jouer sur les deux tableaux lorsqu'il faut compter sur des avis juridiques pour justifier qu'une mesure est conforme à la Charte : vous ne pouvez pas dire que vous possédez un avis juridique, mais que vous ne le dévoilerez pas. C'est là où je voulais en venir.
Le sénateur Angus : Je comprends l'existence de concepts comme celui de l'information privilégiée. C'est un concept essentiel. Dans la présente affaire, je saisis que le client serait Environnement Canada et que l'avocat serait Justice Canada ou un de ses procureurs éventuellement.
M. Gold : Vous soulevez une autre question, celle que le client peut toujours renoncer à un privilège. Aucune loi ne précise qu'un document privilégié doit toujours le demeurer. C'est l'un des aspects qui a justifié la décision du tribunal. Si la GRC avait affirmé se fonder sur une opinion juridique qui est cependant privilégiée, non seulement elle s'en sert mais c'est vous qui êtes le client. Vous ne pouvez pas refuser à l'autre partie des renseignements en invoquant unilatéralement votre privilège. C'est absurde.
Il faut dévoiler l'information, que vous l'utilisiez pour fonder votre décision ou que le client s'en serve. Il faudrait pouvoir examiner la justification. Cela pourrait certes avoir un effet.
Je suis sûr que ce n'est pas le cas et je ne veux pas être désobligeant, mais si l'avis juridique consistait en une affirmation que tout est conforme en vertu de la décision dans l'affaire Wholesale Travel, ne voudriez-vous pas en être au courant pour étudier le projet de loi, par rapport à ce que je viens de vous faire valoir? Ne voudriez-vous pas connaître la pertinence et la validité de l'avis juridique? Je suis heureux de vous donner mon opinion, et vous pouvez très bien en préférer une autre, mais pouvez-vous travailler efficacement si vous ne disposez pas de tous les renseignements nécessaires?
Le sénateur Angus : Il y a une heure, on nous a appris que des fonctionnaires du ministère de la Justice comparaîtront à la place du ministre. Si vous étiez membre de notre comité, que leur demanderiez-vous?
M. Gold : Je leur demanderais très simplement : « Êtes-vous d'accord que l'inversion du fardeau de la preuve nécessite une justification en vertu de l'article 1? » Selon moi, il n'y a qu'une seule réponse possible.
Le sénateur Angus : Je veux parler des opinions.
M. Gold : Je demanderais ceci : « Quelle est votre justification? Sur quelles preuves vous fondez-vous? Ce ne peut être un avis juridique car il ne s'agit pas d'une question de droit. C'est une question de justification. En ce qui concerne l'avis juridique, la seule pertinence qui s'impose, c'est qu'il n'est pas nécessaire de le justifier. Vous n'êtes pas tenus d'en prendre connaissance parce que vous savez que cela ne convient pas. Il faut une justification aux termes de l'article 1.
Les premières questions seraient les suivantes : « Êtes-vous d'accord que l'inversion du fardeau de la preuve doit être justifiée en vertu de l'article 1? Quelle est votre justification? Qu'en est-il de l'avis juridique? Quelle est la pertinence de l'une ou l'autre de ces deux questions? » Cela vous éclairera beaucoup.
Le sénateur Angus : J'ignorais qu'ils avaient déjà fait valoir qu'il s'agissait d'une information privilégiée, mais j'ai entendu ma collègue, le sénateur Spivak, dire : « Nous avons déjà essayé en vain d'obtenir ces avis. C'est très difficile. » Que feriez-vous si vous étiez à notre place, si je peux m'exprimer ainsi? Au début de votre exposé, vous avez abordé la question de l'information privilégiée et vous avez souligné qu'on n'avait pas le droit d'invoquer un tel privilège parce que les règles ont été modifiées depuis l'entrée en vigueur de la Charte et depuis la jurisprudence découlant de celle-ci. Je crois que tels ont été vos propos.
M. Gold : S'ils se fondaient-ils sur un avis juridique aux fins de la justification en vertu de la Charge, ils doivent divulguer celui-ci. Vous ne pouvez pas apporter une justification en vous fondant sur un avis juridique privilégié. Nul n'a besoin d'être avocat pour comprendre la logique d'une telle règle.
Le sénateur Angus : C'est fréquent, et, en toute justice, bon nombre d'entre nous ne sont pas des avocats. C'est passablement intimidant de se retrouver face à ces représentants du ministère de la Justice qui disent : « Nous ne pouvons pas vous dévoiler cette information car elle est assujettie au secret professionnel. »
M. Gold : Vous avez de nombreux avocats qui sont compétents et chevronnés. C'est indiscutable, et je n'oserais pas prétendre le contraire.
Le sénateur Angus : Si vous étiez à notre place, les obligeriez-vous à la divulguer.
M. Gold : Premièrement, je demanderais sur quoi portait l'avis juridique. Préconise-t-il que vous n'êtes pas tenu d'apporter une justification et que le tout est automatiquement valable? Est-ce sur cela que l'avis juridique portait? Si les témoins répondaient par l'affirmative, vous ne voudriez peut-être plus vous préoccuper de cet avis juridique parce qu'il ne peut pas être pertinent. Je ne pense pas qu'il soit acceptable en droit d'affirmer que l'affaire Wholesale Travel montre que le projet de loi ne pose aucun problème dans son libellé actuel, et je le dis avec le plus grand respect.
Le sénateur Angus : Monsieur Gold, je vous remercie de votre réponse. En terminant, vous avez signalé quatre fois — si je sais bien compter — que ce sont des personnes chevronnées et très compétentes au ministère de la Justice. Vous avez indiqué que vous êtes convaincu que le projet de loi est indiscutablement anticonstitutionnel. Pourquoi pensez- vous que nous avons été saisis de ce projet de loi? Nous sommes dans une situation très difficile.
M. Gold : Parce qu'on a fait valoir cet argument en plusieurs occasions par le passé sans que personne ne s'y oppose. Quiconque a déjà eu des enfants sait qu'il est dans la nature intrinsèque de l'être humain de continuer tant que vous n'êtes pas pris en défaut. Je n'aime pas dire les choses ainsi, mais c'est une simple question de logique. Ils n'ont pas été pris en défaut, et j'espère que vous mettrez un terme à cette situation.
Le sénateur Angus : Merci, monsieur.
Le président : Monsieur Gold, c'est une façon intéressante de décrire le gouvernement canadien.
Le sénateur Christensen : Je souhaite simplement poursuivre dans la foulée de ce que le sénateur Angus a abordé.
Nous avons demandé comment nous pouvions améliorer le tout. Vous avez répondu qu'il faudrait supprimer le fardeau de la preuve ou l'inversion du fardeau de la preuve et/ou l'incarcération. Faudrait-il tout supprimer? Si l'on conserve l'incarcération tout en supprimant le fardeau de la preuve, le problème ne disparaît-il pas?
M. Gold : C'est un aspect intéressant. Sur le plan des principes juridiques, je dirais que, si vous supprimez le terme « la personne », vous ne devriez pas inverser le fardeau de la preuve, étant donné ce qui est en jeu —, sans justification clairement établie. Dans le monde réel, je sais que, sur le plan pratique, le tribunal sera peut-être plus enclin à maintenir l'inversion du fardeau de la preuve si la disposition vise uniquement les personnes morales. Je ne pense toujours pas que cela corrige le problème. Vous devez vous rappeler qu'une décision portant sur la conformité à la Charte comme dans l'affaire Wholesale Travel constitue une norme minimale. On circonscrit ce que vous pouvez faire. On ne précise pas ce que vous devriez faire ou ce que vous êtes en droit de faire.
Si les gens ne sont pas visés, la bataille sera plus difficile devant les tribunaux pour contester l'inversion de la charge de la preuve car il ne sera pas question de personnes. Il s'agira plutôt d'entreprises et de navires, qui n'ont pas de sentiments et qui ne sont pas faits de chair et de sang. Ça ne veut pas dire que c'est correct. Je n'hésite quand même pas à vous inciter à supprimer l'inversion de la charge de la preuve si vous n'avez pas de raison valable de l'inclure, même si on parle d'entreprises et de navires. Je sais que les tribunaux accueilleront plus favorablement l'inversement de la charge de la preuve s'il n'est question que d'entreprises et de navires.
Le sénateur Christensen : S'ils n'avaient qu'à payer une grosse amende, ça serait suffisant?
M. Gold : Les tribunaux font preuve de plus d'indulgence à l'égard de ce type de mesure législative lorsqu'il n'est question que d'argent. Je vous réponds très sincèrement. Je n'aime pas ça, mais je vous le dis franchement.
Le président : J'aimerais préciser quelque chose car je ne suis pas le plus vite dans ce domaine, monsieur Gold.
M. Gold : J'en doute.
Le président : Je peux vous l'assurer. On parle de deux corrections. Vous avez donné deux éléments de réponse au sénateur Angus. Premièrement, vous pensez qu'on pourrait améliorer le projet de loi en imputant la faute aux navires et non aux gens. Deuxièmement, vous croyez qu'il serait préférable de changer la nature du fardeau de la preuve et la description qu'en fait le projet de loi. Je suppose qu'une de ces corrections, ou les deux, permettrait d'atténuer les répercussions dont vous avez parlé.
Je veux m'assurer de bien comprendre ce que vous dites, en ce qui a trait à l'inversion de la charge de la preuve. Qu'en pensez-vous si ça disait, « La personne ou le bâtiment ne peut être déclaré coupable d'une infraction à la présente loi, autre que la contravention aux alinéas 5.2a), c) ou d) ou à l'article 5.3, s'il a pris toutes les précautions voulues pour prévenir sa perpétration »? Je vais relire la fin : « s'il a pris toutes les précautions voulues ». J'ai enlevé le verbe « prouver ». C'est bien ce que vous vouliez dire, n'est-ce pas?
M. Gold : Oui, parce que les tribunaux verraient que le fardeau de la preuve n'incombe pas clairement à quelqu'un. Sans indication précise de l'intention d'inverser la charge de la preuve, le tribunal prendrait pour acquis que c'est au procureur de prouver le manque de diligence, et les antécédents législatifs lui donneraient raison. Le tribunal tiendrait compte du fait que le verbe « prouver » a été supprimé; ainsi, le tribunal se limiterait au doute raisonnable comme preuve à avancer. Dans un monde idéal, vous pourriez stipuler clairement que le fardeau de la preuve revient au procureur, mais on ne voit pas ça souvent dans notre mode de rédaction législative. Il faudrait que je vous revienne avec des exemples.
À première vue, il suffirait d'enlever le verbe « prouver ». Les avocats de la Couronne — je sais qu'on essaie de maintenir un style de rédaction législative uniforme — ont peut-être développé un style qui s'applique aux situations où le fardeau de la preuve relève du procureur, mais je ne pourrais pas vous confirmer ça tout de suite. Peut-être y aurait-il un peu de rafistolage. Ce qui est important, c'est que vous enleviez des mots comme « prouver » ou « prépondérance des probabilités ».
Le président : Vous proposez de grands changements; beaucoup de lois environnementales renferment de telles dispositions. Ce n'est pas du tout quelque chose de simple.
Le sénateur Adams : Merci d'être venu, monsieur Gold. Je viens d'une petite collectivité. Je ne connais pas grand- chose au transport maritime si ce n'est d'avoir vu des navires passer par notre collectivité. Le projet de loi C-15 et le fait que 300 000 oiseaux sont tués par année en raison des navires me posent un problème. Dans ma région, on voit parfois un, deux ou trois navires. Ce serait différent si ce n'était pas du pétrole lourd. Ce type de pétrole demeure plus longtemps dans l'eau. Il aboutit dans l'atmosphère. Y a-t-il des propriétaires de navires qui utilisent d'autres bateaux pour faire du remplissage et est-ce la raison pour laquelle ils ont autant de problèmes avec les déchargements puisque les navires doivent se remplir d'eau pour aller ensuite au navire principal? Je n'ai jamais vu de navires laisser couler de l'huile ou quelque chose du genre. Selon moi, la seule raison pour laquelle le gouvernement croit qu'il est nécessaire d'adopter un tel projet de loi, c'est qu'il y a d'autres navires qui le font. Je vis à Rankin Inlet, qui n'est accessible à aucun grand navire. Un plus petit bateau s'y rend et remplit les réservoirs de la collectivité. Comment peut-on décharger ce pétrole sans qu'il se déverse dans la mer?
Le gouvernement le sait-il? Ça peut commencer parce qu'ils veulent nettoyer le système du navire. Voilà pourquoi j'ai un peu de difficulté avec la façon dont procèdent certaines personnes.
Si vous allez en Europe et que vous faites d'abord le plein d'eau, à votre retour vous devrez vous décharger de cette eau. Est-ce ainsi que ça s'est produit dans certains des cas que vous avez traités en tant qu'avocat?
M. Gold : Honnêtement, je ne suis pas certain de bien saisir ce que vous voulez dire en ce qui a trait aux cas de déversement de pétrole. Je ne comprends pas ce que vous me demandez.
Je ne prétends pas être un spécialiste du droit environnemental. J'ai lu avec beaucoup d'intérêt tous les cas sous ma main ainsi que ceux contenus dans le rapport figurant dans le site Web du Gouvernement du Canada, qui mentionnait le chiffre de 300 000 oiseaux. J'ai également lu avec intérêt la recherche qui serait à l'origine de tout ça, mais je ne crois pas être en mesure de vous répondre sur la situation que vous avez décrite, monsieur le sénateur.
Le sénateur Adams : Il n'y a aucune loi environnementale concernant nos eaux, si ce n'est la limite de 200 milles, celle de 12 milles ou quelque chose comme ça. Nous n'avons pas de loi. Le pétrole vient quand même d'une quelconque façon de quelque part. Des navires provenant d'Europe n'ont peut-être pas de fuites d'huile, mais ils déversent leur pétrole dans la mer. C'est une situation très difficile. À l'heure actuelle, on impose des amendes aux navires ou à certains expéditeurs pour avoir déversé du pétrole.
Le gouvernement a, à mon avis, besoin d'un technicien. J'étais un homme de métier, un électricien. Si le gouvernement a l'intention d'adopter une loi et d'accuser des gens, ne devra-t-il pas demander à chaque personne qu'il veut accuser comment s'est produit le déversement de pétrole? S'il a l'intention de porter des accusations, il devra poser la question à tous, n'est-ce pas? D'après le projet de loi C-15, il faudra demander à l'équipage et au propriétaire, non?
M. Gold : Il faut quand même qu'il prouve que le déversement a été fait par ce navire; il n'y a aucun doute là-dessus. Ensuite, oui, il pourrait attendre que tout le monde prouve son innocence. Voilà où est le problème.
De toute évidence, pour ce qui est du problème de pollution, il y a d'énormes enjeux, et bon nombre nécessiteront beaucoup de ressources, comme la surveillance satellite, ce genre de choses. Sauf votre respect, c'est beaucoup plus important que ce dont nous parlons actuellement. Ce n'est pas évident car c'est complexe, coûteux et ça requiert beaucoup d'efforts.
Le danger dans tout ça, c'est que les gens pensent qu'une fois la loi adoptée, le problème est réglé et qu'il n'est pas nécessaire de prendre ces autres mesures plus complexes et coûteuses. Ce n'est pas ainsi que ça fonctionne.
Le sénateur Adams : Supposons que vous ne trouvez personne sur le navire, que ce soit un capitaine, un ingénieur ou un autre membre de l'équipage, qui puisse confirmer vos soupçons? Habituellement, les navires ont un grand équipage. Il y a toutes sortes d'hommes de métier. Si quelque chose tourne mal et qu'il y a déversement, ces gens pourraient être accusés alors qu'ils n'ont même pas idée du type d'équipement à bord.
M. Gold : Vous venez de soulever un des meilleurs arguments contre le projet de loi. Si vous accusez tout l'équipage, vous ne faites que donner du travail aux avocats.
Le sénateur Adams : Si nous perdons la poursuite, les contribuables canadiens finiront pas en assumer les frais, n'est- ce pas?
M. Gold : Évidemment, nous payons les poursuites. Chaque cas que nous perdons nous coûte quelque chose, mais ce n'est pas une raison pour...
Le sénateur Adams : Non, mais si le navire est soupçonné, il sera certainement amarré au quai jusqu'à ce que la cause soit entendue, ce qui pourrait prendre un ou deux mois.
Le président : Je pense que ce que le sénateur Adams veut savoir, c'est s'il est possible qu'un armateur initie une poursuite contre le gouvernement du Canada, si son navire n'est pas reconnu coupable du délit en bout de ligne, afin d'obtenir réparation pour avoir été obligé de mettre son navire hors service pendant un bon moment.
M. Gold : Absolument.
Le sénateur Adams : Ça pourrait être plus élevé que l'amende d'un million de dollars pour déversement de pétrole.
M. Gold : Vous avez raison. Vous ne voulez pas faciliter les poursuites sinon vous pourriez vous retrouver avec beaucoup qui ne sont pas fondées, et ça pourrait coûter cher.
Le sénateur Adams : Vous souvenez-vous du projet de loi sur le contrôle des armes à feu?
M. Gold : Oui.
Le sénateur Adams : Est-ce que ça fonctionne?
M. Gold : J'ai entendu dire que ça soulevait la controverse.
Le sénateur Adams : Je suis un chasseur autochtone. Je suis également un contribuable, tout comme vous. Dans notre collectivité, la GRC a été chargée de contrôler les armes à feu. Elle s'est ensuite retirée. Nous avons dû engager d'autres spécialistes, qui ne savent même pas comment fonctionnent les mesures législatives sur le contrôle des armes à feu.
À un moment donné, la GRC a porté des accusations contre un homme de la localité. Le responsable à Edmonton a dit, « Vous êtes congédié ». Quelqu'un d'autre a été embauché. Celui-ci a ensuite dit qu'il n'avait pas les fonds nécessaires pour se rendre dans l'autre collectivité afin de remplir les formulaires concernant le nombre de chasseurs qui ont des armes à feu.
M. Gold : Je suis un citadin; je ne suis pas familier avec ce genre de situation.
Le sénateur Adams : Je veux seulement vous expliquer comment fonctionne le système. Nous avons adopté une loi qui ne fonctionne pas. La personne responsable du Registre des armes à feu à Edmonton avait proposé à cette personne de conduire jusqu'à ma collectivité, alors qu'il n'y a pas de chemin pour s'y rendre.
M. Gold : L'adoption d'une loi ne garantit rien.
Le sénateur Adams : Nous n'avons pas de route, mais on demande à cette personne de conduire jusqu'à la collectivité parce qu'il n'y a pas d'argent pour un billet d'avion. Il a dit qu'il conduirait un camion pour aller voir. Voilà ce que j'avais à dire à cet égard.
Je pense que c'est la même chose pour le projet de loi C-15. Les entreprises comprennent ce que veut dire la loi. Nous voulons adopter une loi, mais nous ne savons pas comment elle sera mise en application. Combien d'oiseaux pourrons- nous sauver par année? Les oiseaux sont à 200 milles des côtes. Je ne vois plus d'oiseaux près des côtes. Les oiseaux se nourrissent de ce qu'ils trouvent dans l'eau, mais ils ne restent pas dans l'eau; ils doivent pourtant revenir sur la terre ferme.
Le président : Nous aurons amplement l'occasion dans une semaine d'en parler entre nous. Nous devons poser à M. Gold, pendant qu'il est avec nous, des questions sur son opinion juridique.
Le sénateur Adams : Je voulais seulement qu'il comprenne comment ça se passe chez moi.
Le sénateur Buchanan : Vous avez dit quelque chose d'extrêmement intéressant quand vous avez parlé du fait qu'il suffirait d'apporter une très simple correction au projet de loi pour rétablir le tir en ce concerne la présomption d'innocence et le fardeau de la preuve.
À ma première année à l'école de droit, une des premières choses qu'on m'a enseignée, c'est que notre droit criminel est fondé sur la présomption d'innocence. Ça remonte au tout début de la common law, à la Grande Charte. La présomption d'innocence a été enchâssée dans la Charte canadienne des droits, en 1960.
Si je me souviens bien, ce principe a été renforcé dans l'article 11 de la Charte, et est assujetti uniquement à l'article 1. Ainsi on garantit que ces droits et libertés ne pourront être limités que raisonnablement par la loi et de manière pouvant être justifiée dans une société libre et démocratique.
Si je vous ai bien compris, vous dites que ce projet de loi va à l'encontre de la Charte et déplace le fardeau de la preuve. Vu les amendes et la criminalisation impliquées, aucun juge ne pourrait dire que c'est conforme à l'article 1, n'est-ce pas?
M. Gold : En résumé, c'est exact.
Le sénateur Buchanan : Le sénateur Adams a parlé du Nord. Quant au sénateur Spivak, elle a mentionné les 300 000 oiseaux. Je n'ai aucune raison de douter de ce chiffre. Je sais que ces oiseaux ne sont pas au large des côtes de la Nouvelle-Écosse. Ça ne fait aucun doute. Je ne sais pas quelle est la situation à Terre-Neuve; la Nouvelle-Écosse partage la même voie de navigation pour le transport international à destination des États-Unis. Mais ça, c'est une autre question.
Ce n'est pas uniquement parce que 5 p. 100 des navires vidangent leur huile de cale dans l'eau que 300 000 oiseaux meurent chaque année. Il y a beaucoup d'autres raisons que je n'invoquerai pas ici. Des gens d'Halifax m'ont expliqué pourquoi nombre de ces oiseaux mourraient.
Nous parlons d'adopter le projet de loi C-15 qui aborde un problème que personne ne réfute, c'est-à-dire que 5 p. 100 des expéditeurs — pétroliers internationaux et navires de transport qui ne sont pas canadiens — sont une source de problèmes.
Le président : Ce n'est pas tout le monde qui commet un homicide, mais nous avons pourtant adopté des lois contre ce crime. La plupart des gens ne violent pas la loi. Voilà la question.
Le sénateur Buchanan : Ce n'est pas ce que je dis. Nous ne devons pas pécher par excès de zèle en adoptant un projet de loi qui ne vise que 5 p. 100 des navires. Il ne fait aucun doute que cette loi sera contestée devant les tribunaux par des avocats en droit international, et ce pour de nombreuses raisons.
Vous avez dit quelque chose d'intéressant quand vous avez parlé du fait qu'une petite correction pourrait remédier à bon nombre de problèmes. Des spécialistes en droit international disent que le projet de loi contrevient à la convention MARPOL puisqu'il n'établit pas une différence entre un acte délibéré et un accident environnemental et qu'il ne tient pas compte de l'intention de l'accusé. Ce qui inquiète aussi nos marins, c'est la criminalisation. On pourrait corriger ça aussi.
M. Gold : Tout à fait. L'État se trouve quelque peu avantagé dans le sens où il revient à la défense de prouver qu'il y a eu diligence raisonnable. Dans la pratique, ça ne changera rien.
La responsabilité pour négligence demeurera. Je n'aborderai pas toutefois ce point. Il y a des arguments contre. C'est correct. Toutefois, en éliminant l'inversion de la charge de la preuve, on pourrait régler, à mon avis, l'anticonstitutionnalité du projet de loi.
Le sénateur Buchanan : Et nous pourrons attraper les 5 p. 100 de navires fautifs.
M. Gold : Oui, si c'est possible, mais il n'y a aucune garantie. Si vous voulez vraiment les prendre, vous devrez investir dans de meilleures ressources pour recueillir des preuves.
Le sénateur Buchanan : Merci de ce commentaire. Les États-Unis se servent de leur garde côtière, qui est d'ailleurs la troisième force navale en importance dans le monde. Il n'est pas étonnant qu'elle soit redoutée de tous. Nous avons des gens responsables des pêches. Nous allons maintenant confier cette responsabilité à des gardes-chasses. Je ne dis pas qu'ils sont bêtes.
Le président : Ils pourraient peut-être être formés.
Le sénateur Buchanan : Peut-être. Combien d'argent y sera consacré?
Un garde-chasse a pour mandat d'attraper des braconniers de chevreuils; ce n'est pas quelqu'un sur un gros navire qui attrape les gens qui déversent du pétrole.
Le président : Je vous prie de m'excuser, mais dire qu'un garde-chasse ne sert qu'à voir si quelqu'un va tirer sur un chevreuil, c'est comme dire qu'un agent de prévention de la pollution ne fait qu'attendre que quelqu'un jette des déchets dans l'eau.
Le sénateur Buchanan : Je plaisantais.
Le sénateur Hulbey : Le but du projet de loi C-15 est d'augmenter les amendes prévues dans la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs et de réduire la peine d'emprisonnement maximale prévue pour les actes criminels, soit de cinq ans qu'on inflige actuellement à trois ans. Quant à la peine d'emprisonnement pour les infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité, elle ne change pas, ça demeure six mois. Le projet de loi C- 15 ne modifie pas les amendes prévues dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, qui comprend celles proposées pour la Loi sur la convention concernant les oiseaux migrateurs.
Si je ne m'abuse, le ministère s'est engagé à augmenter le financement, pas nécessairement en raison du projet de loi, mais bien parce qu'il en voit le besoin.
Monsieur Gold, à la page 6 du document de la Coalition des groupes maritimes, vous dites que l'inversion de la charge de la preuve est inconstitutionnelle. Vous citez l'affaire Sault Ste. Marie et vous dites que cette décision n'est pas valide en raison de la présomption d'innocence garantie à l'article 1 de la Charte. Vous dites ensuite :
De manière spécifique, une telle inversion de la charge de la preuve a été confirmée par la Cour suprême du Canada comme étant une violation à la constitutionnalité de l'alinéa 11d) de la Charte, dans sa décision rendue relativement à Wholesale Travel. Pour survivre, une telle inversion de la charge de la preuve doit être justifiée fermement en vertu de l'article 1 de la Charte.
Pouvez-vous expliquer ce que vous voulez dire par « justifiée fermement »?
M. Gold : À ce moment-là, c'est le gouvernement qui doit présenter une justification. Par exemple, il y a eu des affaires constitutionnelles où le gouvernement a réussi à justifier l'inversion. Il y a aussi des cas où il n'a pas réussi à le faire.
En général, la justification peut comprendre des études, des preuves d'ordre social, des éléments de droit et la prise en compte de situations hypothétiques raisonnables. Pour vous donner un exemple extrême, si l'infraction consiste à faire une chose sans permis, l'inversion de la charge de la preuve peut être justifiée par le fait qu'il est très facile pour les gens de prouver qu'ils ont un permis si c'est le cas. Par conséquent, la nature même de l'enjeu peut servir de justification.
L'article 1 a été invoqué dans bien des poursuites. Par exemple, pour le trafic de drogue, l'inversion de la charge de la preuve obligeait la personne trouvée en possession de drogue à prouver que cette drogue ne servait pas à des fins de trafic. La Cour suprême a annulé cet argument et a dit que le gouvernement n'avait pas prouvé que l'inversion de la charge de la preuve était justifiée. Si vous prenez l'affaire Oakes, vous avez un exemple des types de justifications que le gouvernement peut invoquer. Il peut s'agir de preuves factuelles ou d'ordre science social. Selon l'article 1, cette justification doit pouvoir se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
Le sénateur Hubley : Ce projet de loi a pour but de résoudre un problème assez grave. Est-ce que l'article 1 est pris en compte?
M. Gold : Oui. Selon l'article 1, il faut examiner l'objectif de la règle de droit et l'objectif du gouvernement. Il faut ensuite examiner comment il procède. Est-ce que les moyens sont proportionnels à l'objectif? Le tribunal examinerait tous les aspects du problème des oiseaux souillés par les hydrocarbures ainsi que les études qui vous ont été présentées.
Je trouve cela très intéressant. J'ai eu l'occasion d'évaluer des preuves d'ordre social dans quelques affaires, et je serais ravi de contre-interroger l'auteur de cette étude. Toute cette étude semble dépendre totalement d'une personne, et il y a des erreurs factuelles évidentes dans les documents que j'ai examinés. Par exemple, dans le document officiel du gouvernement, on lit que le pourcentage des oiseaux souillés par les hydrocarbures est de 62 p. 100. C'est une erreur de lecture des chiffres.
Plus important encore, la recherche de départ a été effectuée pour faire valoir une position. Ce type de recherche sert à prouver un point de vue, mais elle prouve un point de vue prédéterminé. L'une des caractéristiques de ce type de recherche, c'est que l'article est écrit de façon à ce que l'information objective et nécessaire ne soit pas apparente. Je ne pense pas que les sénateurs se rendent compte que le chiffre de 300 000 oiseaux souillés soit une extrapolation du chiffre réel de 31 oiseaux souillés par année, en moyenne.
Le sénateur Angus : Merci.
Le sénateur Buchanan : Merci.
M. Gold : N'importe quel spécialiste de la recherche vous dira qu'il est ridicule de faire une extrapolation de 31 à 300 000 et qu'on y perd toute fiabilité, à moins de décrire les hypothèses de base et de justifier les multiplicandes. L'auteur de cet article ne fait rien de tel. Je serais ravi de contre-interroger cette personne devant un tribunal au sujet de cette recherche. Quoi qu'il en soit, le tribunal examinera soigneusement l'objectif de ce projet de loi, et c'est un objectif important. Les tribunaux attachent la plus grande importance aux objectifs environnementaux, et je ne le remets pas en question. Personne ne veut voir un seul oiseau souillé par les hydrocarbures. Il ne fait aucun doute que cet objectif sera considéré important. Est-ce que vos moyens seront considérés proportionnels? Est-ce qu'on jugera qu'ils ne dépassent pas le nécessaire pour atteindre l'objectif? Je ne pense pas que l'inversion de la charge de la preuve survive à une analyse en vertu de l'article 1.
Le sénateur Hubley : Pour revenir au projet de loi C-15, nous agissons ainsi parce qu'il y a eu bien de vaines tentatives de traduire en justice les gens de l'industrie du transport. Pourquoi avez-vous mentionné ces 62 p. 100?
M. Gold : Ce chiffre est faux, parce que les oiseaux morts ne sont pas tous des oiseaux souillés aux hydrocarbures.
Le sénateur Hubley : C'est juste.
M. Gold : Ce n'était que les oiseaux dont plus de 75 p. 100 du corps était souillé et dont on pouvait évaluer les hydrocarbures, et ce chiffre de 62 p. 100 laisse entendre que tous les oiseaux étaient souillés. Le véritable chiffre est de 26 p. 100.
Le sénateur Hubley : Non.
M. Gold : Je vous le lis. Le véritable pourcentage d'oiseaux souillés aux hydrocarbures était de 26 p. 100, et non de 62 p. 100. Ce chiffre de 62 p. 100 semble beaucoup plus dramatique et beaucoup plus horrible. Ce peut être une erreur faite en toute bonne foi, mais en tout déférence, si vous voulez déclarer quel est le pourcentage d'oiseaux souillés aux hydrocarbures chaque année, vous devriez au moins prendre le bon chiffre. Selon ce que je lis dans cet article, ce chiffre n'était en réalité que d'un peu moins de 26 p. 100.
Le sénateur Spivak : Ce n'est pas la seule raison.
M. Gold : Je me fonde sur ce qui a été publié.
Le sénateur Hubley : On n'a réussi à retirer que 2,5 p. 100 des carcasses d'oiseaux souillés.
M. Gold : Je parlais de l'étude de Terre-Neuve.
Le sénateur Hubley : Oui, l'étude de Terre-Neuve a été faite par des scientifiques de l'Université Memorial.
M. Gold : Quoi qu'il en soit, le tribunal va analyser le dossier.
Le président : Nous demandons des avis juridiques à M. Gold.
M. Gold : Le tribunal va analyser la question à la lumière de l'article 1.
Le sénateur Hubley : Je me demande ce qui pourrait être « justifié fermement » selon vous.
M. Gold : Il existe une jurisprudence détaillée des analyses effectuées à la lumière de l'article 1.
Le sénateur Hubley : Merci, monsieur Gold.
M. Gold : Vous feriez tous d'excellents juges, aussi compétents que tous ceux que j'ai rencontrés.
Le sénateur Spivak : Je comprends la conversation qu'ont les juges dans les affaires concernant la Charte et comment ils tiennent compte de l'intérêt public. Vous avez bien raison, et ce serait la justification. Il faudrait que cette justification soit établie dans une affaire s'inscrivant dans un contexte maritime. J'ai une question. Ai-je bien compris que vous avez dit au sénateur Angus qu'il serait préférable que nous laissions tomber le mot « personnes »?
M. Gold : La Charte s'applique toujours lorsque la liberté d'un esprit moins que coupable est en jeu. Si personne n'est jeté en prison, les tribunaux sont moins embêtés.
Le sénateur Spivak : Lorsque le sénateur Angus vous a demandé comment nous pourrions changer cela, avez-vous laissé entendre que nous devrions omettre le mot « personnes »?
M. Gold : Je répondais à une question du sénateur.
Le sénateur Spivak : Je comprends. Est-ce que c'est ce que vous recommandez au comité?
Le sénateur Angus : Oui.
M. Gold : Si vous voulez prévenir tout recours à la Charte, éliminez tout risque personnel.
Le sénateur Spivak : Ce n'est pas ma question.
Le sénateur Angus : C'était ma question et c'était sa réponse.
Le sénateur Spivak : Je ne vous pose pas la même question.
Le sénateur Angus : Vous essayez de la changer.
Le sénateur Spivak : Monsieur Gold, vous savez très bien que beaucoup de présidents d'entreprise sont tenus personnellement responsables. Nous dites-vous que dans ce projet de loi, qui porte sur le pouvoir, nous ne devrions pas cibler les personnes qui sont responsables de prendre les décisions sur ces navires? C'est ma question. Je ne cherche pas à prévenir tout recours à la Charte.
M. Gold : D'abord, cela soulève une toute autre question. La formule que vous utilisez apparaît dans les lois depuis une bonne quinzaine d'années. J'ai l'ai vue récemment dans une poursuite sur la TPS. Est-ce que j'aime cette expression? Absolument pas. Y a-t-il des problèmes liés à la Charte qui en découlent? Oui, absolument. Je ne me suis pas documenté sur ces questions en particulier avant de venir ici. Cependant, dans la mesure où l'on essaie d'imposer une responsabilité constructive aux personnes en raison de leur titre ou de leur statut, il est absolument clair que la Charte peut s'appliquer, et les tribunaux ne se sont pas encore prononcés sur la question parce qu'elle n'a pas encore été soulevée. J'ai été étonné de l'étendue de la disposition contenue dans la loi sur la TPS pour pénaliser les êtres humains en raison de leur titre pour le non-paiement de la TPS. Cette disposition a été rarement utilisée, voire même jamais. C'est l'une des raisons pour lesquelles ces dispositions lourdes de conséquences survivent souvent : elles ne sont pas utilisées, donc il n'y a pas lieu de les contester à la lumière de la Charte. Oui, je suis inquiet. Il y a certainement des choses à dire sur le fait d'imposer une responsabilité à des personnes simplement en raison de leur statut ou de leur titre de directeur.
Le sénateur Spivak : Ce n'est pas simplement une question de statut. Le fait est que ces personnes ont un certain pouvoir et qu'elles participent aux décisions.
M. Gold : Non. Il y a une différence entre le fait d'avoir du pouvoir et celui d'exercer des pouvoirs. Si l'on condamne les personnes qui « ont du pouvoir », on fait allusion à leur titre ou à leur statut.
Le sénateur Spivak : Alors, la responsabilité est liée à l'exercice du pouvoir et non au fait que ces personnes ont des postes de pouvoir. Le projet de loi en tient compte.
M. Gold : Je ne me suis pas documenté sur cette question avant de venir ici, madame le sénateur.
Le sénateur Spivak : Pour l'instant, vous ne proposez donc pas que nous éliminions le mot « personnes ». Est-ce exact?
M. Gold : Je dis que si vous éliminez le mot « personnes », cela rendra le projet de loi très respectueux de la Charte.
Le sénateur Spivak : C'est différent. Merci.
M. Gold : C'était un bon contre-interrogatoire.
Le président : Monsieur Gold, je vous remercie de votre temps de ce soir.
La séance est levée.