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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 19 - Témoignages du 29 juin 2005


OTTAWA, le mercredi 29 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui, à 16 h 9, pour examiner les documents Survol, Diplomatie, Développement et Commerce de l'Énoncé de politique internationale du Canada.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette première séance que le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères tient sur l'Énoncé de politique internationale du Canada.

[Français]

L'Énoncé de politique internationale du Canada a été rendu public le 19 avril dernier. Le ministre des Affaires étrangères déclara alors que l'énoncé propose une « stratégie intégrée qui guidera l'engagement international du Canada pour la prochaine génération de Canadiens ». Il s'agit donc d'une convergence de stratégies en matière de diplomatie, de défense, de développement, de commerce et d'investissement.

Nous tenterons de voir comment la mise en œuvre de ces stratégies se fera.

[Traduction]

Je signale à notre auditoire que le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense étudie actuellement la partie de cet énoncé de politique qui traite de la défense.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui Robert McRae, directeur général, Secrétariat de la planification des politiques, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui va nous parler des questions de diplomatie de l'EPI, Robert Greenhill, qui vient tout juste d'être nommé président de l'Agence canadienne de développement international, et qui va discuter avec nous des questions de développement de l'Énoncé de politique; ainsi que Randle Wilson, sous-ministre adjoint par intérim, Communications, Politique stratégique et planification générale, au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui lui va aborder les questions de commerce de l'EPI. Bienvenue au Sénat du Canada.

Monsieur McRae, la parole est à vous.

M. Robert McRae, directeur général, Secrétariat de la planification des politiques, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Affaires étrangères) : Je suis heureux de m'entretenir avec vous de l'Énoncé de politique internationale. Comme vous le savez, l'EPI a été rendu public le 19 avril; il représente le premier cadre stratégique de politique internationale dont se dote le Canada pour définir et guider son nouvel engagement dans le monde. Bénéficiant d'un financement de près de 17 milliards de dollars sur cinq ans, comme le prévoit le budget de 2005, l'Énoncé met l'accent sur cinq priorités.

[Français]

À savoir : revitaliser notre partenariat nord-américain; rendre le monde plus sûr par la lutte antiterroriste, la stabilisation des États en déroute ou défaillants et la lutte contre la prolifération des armes de destruction massive; accroître la prospérité par le renforcement de la compétitivité du Canada, un engagement commercial accru et le soutien ciblé des entreprises canadiennes; promouvoir le respect des droits de la personne et encourager un réel développement; concevoir un nouveau multilatéralisme et une diplomatie nouvelle et plus souple.

[Traduction]

L'EPI met aussi en évidence les nouvelles stratégies et les nouvelles réalités de la politique internationale. D'abord, il adopte une approche intégrée à l'égard des relations internationales. Pour vous expliquer ce que nous entendons par là, tout l'Énoncé fait clairement ressortir que les problèmes actuels sont de plus en plus complexes et de plus en plus étroitement liés, et que la distinction entre le national et l'international s'en trouve irrévocablement gommée. L'Énoncé formule donc un plan d'action pangouvernemental et pancanadien pour relever les défis internationaux auxquels le Canada est confronté aujourd'hui.

Ensuite, l'Énoncé constate l'évolution du paysage géopolitique dans lequel nous vivons, et dont les principaux aspects sont les suivants. En Amérique du Nord, qui occupe une place de premier plan dans notre document, le gouvernement veut assurer un juste équilibre entre une sécurité accrue et des relations économiques et personnelles en progression. L'Énoncé indique aussi qu'il faut adopter de nouvelles stratégies dans nos relations continentales et que le Mexique, pays plus ouvert et engagé, prend de l'importance.

Ensuite, au sujet des États fragiles et en déroute, tous les documents de l'EPI soulignent que les États fragiles constituent l'une des principales menaces à la sécurité de nos jours. Il précise que, pour changer les choses, il faut s'engager à long terme à aider ces pays à établir les institutions, la société civile et la culture politique propres à assurer leur sécurité et leur prospérité.

Viennent ensuite les questions mondiales. L'Énoncé fait bien comprendre, de manière générale, que le Canada doit être plus actif dans le monde pour s'attaquer comme il se doit aux enjeux planétaires que sont la santé, le développement durable et le terrorisme.

Enfin, à propos des nouveaux géants, l'Énoncé tient clairement compte de l'importance des pays comme la Chine, l'Inde, le Brésil et les États-Unis, tout en faisant remarquer que nous devons également approfondir nos liens avec les pays du Sud en général.

[Français]

Troisièmement, l'EPI recommande un réinvestissement majeur dans le rôle international du Canada.

Le Budget fédéral de 2005 prévoit augmenter considérablement le niveau de financement de nos instruments internationaux pour que le gouvernement soit en mesure d'appliquer l'EPI. Comme je l'ai mentionné précédemment, quelques 17 milliards de dollars supplémentaires sur cinq ans y ont été prévus pour nous aider à assumer nos responsabilités mondiales et rehausser l'image du Canada sur la scène internationale. Ce financement accru nous permettra de renforcer notre présence diplomatique à l'étranger et de lui conférer plus de souplesse, de consolider notre défense nationale, de doubler notre aide internationale et de resserrer nos relations économiques internationales.

[Traduction]

J'aimerais vous donner un bref aperçu des priorités du document sur la diplomatie et de la mise en œuvre de l'EPI par les Affaires étrangères. Depuis l'examen de la politique étrangère effectué en 1995, il est clair que la situation des pays fragiles et en déroute et l'augmentation des conflits au sein des pays menacent toujours davantage la sécurité internationale. Le nouveau groupe de travail sur la stabilisation et la reconstruction, ou GTSR, établi au sein du ministère des Affaires étrangères, veillera à réagir rapidement à toute crise internationale. Pour qu'il puisse remplir sa mission, le ministère va créer le Fonds pour la paix et la sécurité dans le monde qui sera doté de 100 millions de dollars par année. Les formalités en vue de sa mise en œuvre auprès du cabinet du Conseil du Trésor progressent rapidement et le GTSR devrait se mettre à l'œuvre dans les mois à venir.

Nous encourageons un nouveau multilatéralisme axé sur les résultats, qui mettra à profit les forces des diverses institutions internationales selon le travail à accomplir. D'ailleurs, le Canada pourra agir en faveur de ces mesures au moment de l'étude des questions de réforme pendant le sommet des dirigeants de l'ONU qui aura lieu en septembre.

Une autre priorité sur le plan diplomatique consistera à établir de nouveaux réseaux d'influence en élaborant ce que nous appelons des stratégies pangouvernementales pour étendre et consolider nos liens avec les nouvelles puissances que sont la Chine, l'Inde et le Brésil.

L'EPI nous engage à plus de transparence étant donné que nous publierons périodiquement des rapports sur les priorités et les réalisations sur la scène internationale afin que les Canadiens soient plus conscients des raisons pour lesquelles l'engagement international est important pour eux. L'EPI, comme le premier ministre et le ministre des Affaires étrangères l'ont fait observer, est un document vivant, et les opinions de votre comité et d'autres comités parlementaires seront pris en considération dans le premier rapport annuel de l'EPI qui sera présenté par le ministre.

Enfin, le document sur la diplomatie souligne que le ministère des Affaires étrangères va renouveler ses capacités, en renforçant sa présence sur le terrain, en accroissant sa capacité en matière d'élaboration de politiques, en accordant une place importante à la diplomatie publique et en modernisant les services consulaires et ceux relatifs à la délivrance de passeports pour servir du mieux possible les Canadiens à l'étranger. Les mesures pour renforcer notre présence à l'étranger sont sur la bonne voie. Nous espérons déjà avoir plus d'agents à l'étranger cet été, et augmenter leur nombre au cours des étés suivants.

Pour accroître la capacité d'élaboration des politiques, nous allons travailler en très étroite collaboration avec d'autres intervenants gouvernementaux afin d'améliorer la prévision et le leadership au sein du gouvernement et proposer des pistes d'action plus fouillées en matière de politique étrangère.

Comme l'indique l'EPI, on entend par diplomatie publique le fait de parler d'une voix cohérente à tous ceux qui ont de l'influence sur la scène internationale et pas seulement aux gouvernements. Nous tenons à faire de la diplomatie publique une priorité pour qu'elle s'intègre à tous nos objectifs en matière de politique étrangère.

Le gouvernement s'engage à fournir de meilleurs services consulaires et de délivrance de passeports aux Canadiens en continuant d'améliorer la sécurité des pièces d'identité, en révisant de façon continue les renseignements sur les voyageurs à l'aide de systèmes de communication électronique dernier cri, et en créant une commission consultative consulaire qui examinera les grands enjeux qui ont une incidence sur les services consulaires.

Les consultations engagées avant la publication de l'Énoncé de politique étrangère nous ont indiqué que les Canadiens voulaient que leur gouvernement joue un rôle important sur la scène internationale. L'intérêt manifesté par la population à l'égard de l'EPI nous l'a d'ailleurs confirmé. Depuis avril, à peu près 90 000 personnes ont visité le site Web de l'EPI. Plus de 32 000 exemplaires du document Survol et 13 000 du document Diplomatie, en particulier, ont été téléchargés à partir du site du ministère.

J'aimerais maintenant céder la parole à mes collègues qui vont vous parler des aspects de l'énoncé qui les concernent.

M. Robert Greenhill, président, Agence canadienne de développement international : Je suis heureux de venir vous rencontrer aujourd'hui. Votre invitation m'offre l'occasion non seulement de répondre à certaines de vos questions, mais aussi de recevoir vos commentaires et vos suggestions étant donné que je viens à peine d'être nommé président de l'ACDI.

J'aimerais vous parler des aspects de l'Énoncé de politique internationale qui ont trait au développement et, plus particulièrement, de la cohérence, sujet abordé par M. McRae tout à l'heure.

[Français]

Comme vous le savez, l'Énoncé de politique internationale nous permet de réitérer notre engagement à mettre en œuvre la Déclaration du Millénaire et atteindre les objectifs du millénaire en développement. Il nous permet aussi de renforcer les mesures que nous prenons pour rendre notre aide plus efficace.

[Traduction]

Une aide plus efficace est nécessaire pour contribuer à offrir des services de santé et d'éducation et à faire fonctionner le secteur privé, de même que pour promouvoir la bonne gouvernance et protéger l'environnement, mais cette aide n'est pas suffisante. L'allégement de la dette est tout aussi important, et les échanges commerciaux sont essentiels. La science et la technologie sont également cruciales pour résoudre beaucoup de problèmes que ces pays éprouvent.

Au-delà de tout ce que nous faisons, la cohérence est cruciale à trois niveaux. Il y a premièrement la cohérence au sein de l'ACDI et la cohérence dans les activités menées conjointement avec les ministères fédéraux et d'autres organismes, y compris la société civile canadienne. Deuxièmement, il y a la cohérence entre nos interventions d'aide et les priorités que les pays en développement ont eux-mêmes définies. Et, troisièmement, il y a la cohérence que nous assurons entre nos programmes d'aide et ceux des autres donateurs.

Dans les prochaines minutes, j'aimerais vous parler des mesures que nous avons commencé à prendre pour améliorer la cohérence à ces trois niveaux en vue de mettre en œuvre l'EPI et d'en faire une réalisation concrète. Pour ce qui est de la cohérence chez nous, nous voulons rendre plus efficace notre approche à l'égard de la coopération et du développement international; pour ce faire, nous allons mieux définir l'aide bilatérale qui ciblera 25 pays, qui vont recevoir les deux tiers de notre aide d'ici 2009-2010, et nous choisirons ces pays en fonction de leur capacité, entre autres, à utiliser cette aide de façon efficace.

Nous essayons d'améliorer la cohérence à l'interne en concentrant nos programmes dans les cinq secteurs de la santé, de l'éducation, de la bonne gouvernance, du développement du secteur privé et de l'égalité entre les sexes, qui est un thème transversal systématique de tous nos programmes.

Nous voulons aussi améliorer la cohérence dans les activités que nous menons avec nos ministères partenaires, à savoir le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qui est représenté ici aujourd'hui, et le ministère de la Défense — qui, comme vous l'avez signalé, mène lui aussi une étude que des comités sénatoriaux étudient — ainsi que d'autres organisations comme le ministère de la Justice, le ministère de l'Agriculture, la Société canadienne d'hypothèques et de logement et d'autres services gouvernementaux qui contribuent largement à faire en sorte que l'intervention du Canada compte vraiment.

Pour ce qui est de la mise en œuvre, nous unissons nos efforts pour coordonner nos programmes et d'autres initiatives. Je vais vous donner un exemple. Sur le plan stratégique, nous avons formé le comité des affaires mondiales composé de sous-ministres qui discutent des nouveaux enjeux liés à la politique internationale. En outre, l'ACDI travaille en étroite collaboration avec le ministère de la Défense et le ministère des Affaires étrangères qu'elle consulte régulièrement sur des questions précises, surtout concernant des pays comme le Soudan, Haïti et l'Afghanistan. Sur le plan commercial, l'ACDI collabore avec Commerce international Canada, et nous comptons un représentant au sein de l'équipe de négociation de l'OMC à Genève. Voilà comment nous collaborons pour améliorer la cohérence. La cohérence suppose également que nous décidions ensemble qui fait quoi, de sorte qu'il n'y ait pas de chevauchements inutiles.

Pour les pays à revenu intermédiaire en voie de gradation, il est important de les aider à accroître leurs capacités techniques pour qu'ils participent à des discussions sur le commerce international et pour que leurs exportations, surtout de nourriture — comme le protocole d'entente que nous venons de signer avec le Vietnam le montre — puissent répondre aux exigences internationales; le Canada doit envisager de réduire l'aide accordée à ces pays en voie de transition pour la remplacer par d'autres types d'engagement économique en matière de commerce international. Cela suppose de faire davantage dans certains domaines et moins dans d'autres, ce qui peut s'avérer difficile à réaliser.

[Français]

Au pays également nous regroupons nos efforts non seulement entre nous mais aussi avec les donateurs importants des autres pays à développer. Pour maximiser l'efficacité de notre aide, nous coordonnons et harmonisons nos politiques et pratiques avec celles des autres donateurs. De cette façon, chacun sait ce que font les autres, si bien que nous pouvons avancer dans la même direction et formuler des avis cohérents.

[Traduction]

C'est un important changement de mentalité. Il y a vingt ou trente ans, nous participions à des projets et non à des programmes. Dans bien des cas, ils faisaient double emploi avec ceux d'autres pays donateurs, et même entraient en concurrence avec eux. Par exemple, en Tanzanie, en remplaçant les projets mal coordonnés mis en œuvre il y a 20 ou 30 ans par une approche coordonnée entre donateurs pour que tous contribuent à d'importants programmes de développement — dans les domaines de l'enseignement au niveau primaire et de la santé, notamment — nous assurons la cohérence non seulement avec les autres ministères fédéraux mais aussi avec les autres donateurs.

Le troisième niveau de cohérence — qui est peut-être le premier sur le plan stratégique — consiste à répondre aux besoins réels que les pays bénéficiaires ont définis. Après plusieurs années — comme la Banque mondiale fait abstraction des documents stratégiques sur la réduction de la pauvreté qu'elle a elle-même produits — les pays en développement prennent de plus en plus d'initiatives et, avec l'aide de la société et d'autres intervenants, ils peuvent mettre sur pied des programmes qui sont financés par le Canada et d'autres pays et qui sont les plus en mesure de réduire la pauvreté chez eux.

Il y a vraiment beaucoup à faire. Comme je suis en poste depuis quatre semaines, je ne peux pas dire que je connais tous les défis qui nous attendent et encore moins que j'ai les réponses à tous les problèmes. Cependant, adopter une approche cohérente chez nous et à l'étranger est une condition préalable au succès. L'EPI a l'avantage de nous offrir un document clair qui va assurer que nous adoptons une approche cohérente. Il peut servir de document de référence pour ce qui est des rapports annuels que nous allons produire pour montrer que nous faisons preuve de cohérence. En ce sens, la mise en œuvre de l'EPI est constructive.

Je répondrai volontiers à vos questions et j'accueillerai avec plaisir vos commentaires ou suggestions.

M. Randle Wilson, sous-ministre adjoint par intérim, Communications, Politique stratégique et planification générale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (Commerce international) : La stratégie commerciale dans l'Énoncé de politique internationale est la première mise à jour que le gouvernement fait de sa politique commerciale et, de façon plus générale, des intérêts commerciaux du Canada à l'étranger depuis 1983. Vous pouvez comprendre qu'elle a fait l'objet d'une longue réflexion et que le monde a énormément changé depuis, tout comme le Canada d'ailleurs.

La stratégie commerciale s'intègre à la politique internationale du Canada parce qu'elle détermine essentiellement le succès du Canada et des Canadiens dans l'économie mondiale, compte tenu de la concurrence internationale dont on peut à peine mesurer l'ampleur en citant des chiffres — par exemple, les échanges commerciaux d'à peu près 20 millions de dollars que nous avons engagés avec les États-Unis depuis que nous avons commencé cette réunion, ou des exportations qui à elles seules correspondent à près de 40 p. 100 de notre PIB, sans parler des autres formes d'échanges internationaux. Le temps était venu de faire le point et d'évaluer les répercussions de ces changements fondamentaux et des orientations que les entreprises et les intervenants gouvernementaux devraient prendre pour consolider notre prospérité future, qui dépend justement de notre succès dans l'économie mondiale.

[Français]

L'énoncé trace donc la route à suivre. Il s'agit de créer au Canada un climat commercial compétitif pour assurer la prospérité future des Canadiens dans une économie mondialisée. Pour ce faire, nous fondons nos actions sur trois grands piliers. Tout d'abord, dans un contexte où la distinction entre l'international et l'intérieur demeure sans validité pour une économie aussi mondialisée et aussi imbriquée que la nôtre, il s'agit d'assurer un environnement intérieur qui puisse attirer le talent et l'investissement au Canada. Ce premier pilier vise à faire du Canada un lieu de choix pour l'activité économique.

Le deuxième pilier consiste à cultiver nos relations nationales clef à tous les niveaux.

Le troisième pilier, plus classique, de la part du ministère du Commerce, consiste à offrir aux entreprises canadiennes les services dont elles ont besoin pour se positionner stratégiquement dans la nouvelle économie mondiale.

Je vais m'attarder brièvement sur ces trois thèmes, en passant par le diagnostic mis à jour.

[Traduction]

D'abord, l'économie mondiale ne désigne pas seulement les échanges de matières primaires. Les matières premières du Canada, qui vont de l'énergie aux produits forestiers, retiennent beaucoup l'attention des marchés mondiaux de nos jours en raison de la vigueur et de la demande que connaît ce secteur.

Avant tout, nous assistons à l'émergence de chaînes de valeur régionales et mondiales qui vont bien au delà de ce qui se faisait sur le plan de la production depuis les années 1970 et 1980, parce que les différentes composantes de la production pourraient être éloignées des sièges sociaux et même installées aux États-Unis et maintenant n'importe où dans le monde. La relocalisation ne touche pas seulement la fabrication, la conception, les essais et la commercialisation, mais aussi les services de la paie et des ressources humaines et le service après-vente. Ces activités peuvent être accomplies par l'entreprise elle-même, mais aussi confiées à une société indépendante ou effectuées dans le cadre d'un investissement réciproque ou d'un autre partenariat stratégique. Les activités commerciales internationales ne sont vraiment pas limitées aux exportations et aux importations, comme on peut le voir. Voilà pourquoi nous avons délibérément choisi d'employer le terme « commerce » plutôt qu'« échanges ».

Donc, il faut réussir sur les deux fronts à la fois. En somme, nous ne pouvons pas négliger nos forces traditionnelles, mais nous ne pouvons pas lever le nez non plus sur tout ce qui pourrait conférer un avantage au Canada. Par là, il faut entendre, au sein de l'économie mondiale interdépendante, une position assise sur des relations réciproquement avantageuses.

En s'écartant de ses fondements, il faut que l'économie canadienne soit compétitive, et il n'y a plus de distinction entre la concurrence internationale et la concurrence nationale. On parle d'économie canadienne. Notre stratégie commerciale vise, à un certain niveau, à faire en sorte que nous avons le bon genre de relations avec les bons partenaires, avec ceux qui nous permettront d'ancrer la prospérité canadienne pour le reste du siècle. Ces relations commencent au plus haut niveau, soit sur le plan politique et diplomatique, nourries par le premier ministre et par les Affaires étrangères. Elles passent par des accords commerciaux et des accords d'investissement et la prise d'une foule de règles et d'engagements. Les relations gravitent de plus en plus autour du genre d'ententes qui ont de l'importance pour le milieu des affaires au Canada.

Par exemple, il existe des accords aériens qui vous donnent l'assurance de pouvoir atteindre vos marchés cibles et d'avoir accès au bon genre de transport aérien ou maritime. Il existe des conventions fiscales et des accords de coopération en matière de sciences et de technologie. Tous ces textes nous offrent des débouchés et facilitent la conduite des affaires internationales. Les gouvernements ont un rôle clé à jouer dans l'établissement de ces relations, surtout celles qui s'appuient sur des accords.

[Français]

Toutefois, les entreprises doivent s'assurer, dans leur stratégie d'ensemble, qu'elles cherchent à se maintenir dans une position avantageuse en tenant compte de l'intégration de l'économie nord-américaine. Il est de plus en plus évident qu'il faut concevoir l'économie non seulement sous une perspective canadienne mais nord-américaine, car la réussite des entreprises canadiennes s'insèrent dans ce contexte précis. Les entreprises doivent également s'assurer qu'elles déploient tous les efforts nécessaires pour se tailler des positions de choix et créer des relations durables et fiables avec des partenaires à travers le monde.

[Traduction]

À partir de là, il n'y a qu'un pas à faire pour se retrouver dans le troisième secteur d'activité visé par la stratégie commerciale du gouvernement. À nouveau, je parle de « gouvernement » parce que cette activité est entreprise par bien au-delà d'une douzaine de ministères et d'organismes gouvernementaux, en partenariat avec des provinces, des territoires, des municipalités, des groupes commerciaux, des ONG et des universités. Ils s'efforcent donc d'offrir des services précis qui aideront les entreprises à trouver le créneau ou l'avantage particulier, le partenaire fiable, le distributeur et la technologie qui leur fourniront l'atout concurrentiel qui leur permettra de constamment être à l'avant-garde de l'innovation et de devancer la concurrence.

Ce sont-là des exemples de services à grande valeur ajoutée qui sont ancrés dans le travail repensé des délégués commerciaux classiques, soit de fournir des contacts et des connaissances locales. Nous vivons dans une économie du savoir, et le gouvernement vise à se trouver là où on a besoin de lui un peu partout au Canada et à l'étranger pour fournir les connaissances dont ont besoin nos entreprises pour réussir.

À mesure que nous allons de l'avant, que nous misons sur nos partenariats, nous traitons l'Énoncé de la politique internationale comme un point de départ, plutôt que comme un but. Nous avons désormais la responsabilité de transformer ce diagnostic de haut niveau en stratégie concrète visant à assurer notre réussite dans trois grands domaines. Par exemple, il y a l'Amérique du Nord et les nouveaux marchés que nous avons tendance à appeler « les nouvelles puissances économiques » parce que l'expression décrit mieux le poids de la Chine et de l'Inde dans le monde. Cependant, la liste ne s'arrête pas là. On pourrait y inclure le Brésil, le Conseil de coopération du Golfe, la Russie et, selon le secteur dans lequel vous brassez des affaires, de nombreux autres pays. Ce sont-là des pays qui joueront un rôle essentiel dans le succès de l'économie canadienne ou de ces secteurs et industries.

En troisième lieu, le gros du commerce, de l'investissement et de l'innovation mondiaux est dicté par les États-Unis, le Japon et l'Union européenne. Nous devons veiller à ce que l'économie canadienne soit bien positionnée dans cet axe. Nous sommes en train d'élaborer pour ces trois secteurs des stratégies qui feront l'objet de consultations plus poussées, et nous y travaillons avec nos partenaires.

[Français]

Ces stratégies seront conçues afin de se doter de moyens pour s'assurer que l'économie canadienne soit dans une position avantageuse à long terme, en faisant dès aujourd'hui les investissements pour atteindre cette position d'ici cinq ans et assurer la prospérité des Canadiens. Sans cette prospérité, nous ne jouirons plus des choix que nous prisons et n'aurons plus les moyens de poursuivre tant les politiques internes que les politiques internationales qui nous caractérisent.

Il s'agit donc, pour nous, d'un point fondamental. Le Canada, dans l'économie mondialisée, à titre de petite économie, n'a pas le choix : la réussite est la seule voie.

Le sénateur Corbin : J'aimerais tout d'abord, au nom du comité, remercier nos intervenants pour ces excellentes présentations liminaires. Le sujet est vaste, il va sans dire.

J'ai en mains un document très intéressant qui m'a a été remis par notre analyste et recherchiste M. Peter Berg.

Monsieur Greenhill, c'est à vous que s'adresse ma question. Vous avez fait une présentation le 27 janvier 2005, si je ne m'abuse, qui s'avérait être un rapport intérimaire, The External Voices Project. Dans votre présentation, et c'est pertinemment que je vous pose la question car c'est une préoccupation que j'ai souvent soulevée devant ce comité, certains pays semblent beaucoup plus performants que le Canada. J'avais cité à l'occasion les Pays-Bas et certains autres pays nordiques, mais vous avez découvert, semble-t-il, que le pays le plus performant au niveau de l'aide et de l'assistance internationale, c'est la Grande-Bretagne. Pourriez-vous nous en dire plus et nous mettre sur des pistes quant aux possibilités futures pour le Canada d'exceller dans ce domaine?

M. Greenhill : Pour mettre en perspective tout cela, lorsque j'ai décidé de m'impliquer dans les questions de politique publique internationale, j'ai pris une année pour faire des recherches au Centre de recherche de développement international. Dans ce contexte, j'ai fait des recherches sur The External Voices Project, qui a demandé à des gens de partout dans le monde de faire des prospectives sur l'impact du Canada et ce qu'on doit faire pour être plus performant à l'avenir.

Il devait y avoir deux rapports. Le premier rapport était Making a Difference? Le deuxième devait être Making it Happen. Suite à l'appel que j'ai reçu, au lieu d'écrire ce chapitre, je vais essayer, avec mes collègues de le mettre en place.

[Traduction]

Les éléments que l'on jugeait faire la force du MAECI étaient la cohérence et l'intensité de sa vision et de sa focalisation. Quand le gouvernement a nommé Clare Short ministre, il a en réalité adopté une approche claire qu'il a énoncée publiquement et qu'il a documentée, ce qui a entraîné un certain alignement de la cohérence dont je parlais.

Deux aspects sont intéressants. L'un, c'est que pendant qu'en réalité, un peu partout dans le monde, on avait vraiment l'impression que le MAECI avait fait un travail extraordinaire, dans le nouveau monde, après avoir eu l'occasion d'en parler directement avec eux, je me suis rendu compte qu'un domaine où ils reconnaîtraient la supériorité du Canada est peut-être la rigueur d'une certaine partie de la mise en œuvre et de la surveillance de notre projet. C'est peut-être un indice intéressant de leur force qu'ils sont toujours disposés à reconnaître les points au sujet desquels nous les surpassons.

Le second élément important, particulièrement à la lumière des échanges d'aujourd'hui, c'est que l'EPI nous donne l'occasion de faire preuve de la même focalisation, de la même discipline et de la même cohérence. En un certain sens, il nous appartient maintenant de le faire. La vision est aussi claire. Elle ne l'est peut-être pas autant qu'en Grande-Bretagne, mais ce sont la vision et la clarté canadiennes telles que décrites dans l'EPI, et nous avons maintenant l'occasion de chercher à les réaliser avec la même discipline et la même concentration qu'eux.

En fait, un des objectifs de mon équipe serait de faire en sorte que nous faisons preuve en réalité de cette persévérance et de cette concentration. Si nous nous rencontrons périodiquement, vous pourrez constater ce genre de progrès. Ce que j'aimerais, c'est que, lorsqu'on procédera à l'étude dans dix ans, la note que nous obtiendrons soit différente.

Le sénateur Downe : Ma question s'adresse au nouveau président de l'ACDI également. Êtes-vous préoccupé par le fait que le Canada n'a pas de politique indépendante en matière d'aide à l'étranger? Je pose la question parce que nous avons entendu des témoignages, dans le cadre de notre étude sur l'Afrique, selon lesquels, après que les États-Unis eurent envahis l'Afghanistan, l'ACDI est allée y faire de l'assistance, une assistance qui a maintenant atteint un niveau supérieur à tout ce qu'elle fait dans n'importe quel pays d'Afrique. Si la situation se stabilise en Irak, je suppose que nous accroîtrons notre assistance dans ce pays également. Nous avons entendu dire que nos politiques sont dictées par les décisions américaines plutôt que par les priorités canadiennes.

M. Greenhill : En ma nouvelle capacité, je serais probablement incapable de vous faire une analyse chronologique de certains de ces éléments. Je pourrais cependant souligner la nette intention, que nous pouvons réaliser selon moi, de concentrer les deux tiers de tous les fonds du programme bilatéral sur les 25 pays que nous avons nous-mêmes identifiés, par l'intermédiaire d'un processus très clair, comme étant les bons endroits non seulement en termes de leur capacité d'absorber efficacement l'aide au développement, de notre engagement historique, mais également parce que ce sont les pays qui en ont le plus besoin. Les pays que vous avez mentionnés figurent parmi ceux qui obtiendraient, dans ce contexte, le tiers de notre assistance totale.

Le sénateur Downe : Pourriez-vous répéter cela?

M. Greenhill : Dans l'enveloppe d'aide bilatérale, non pas multilatérale, mais bien bilatérale, l'EPI fixe comme cible que les deux tiers de notre aide iront, en 2009-2010, à ces 25 partenaires du développement.

Le sénateur Downe : J'ai maintenant compris. Cependant, la situation change constamment, et je crains qu'une politique adoptée ailleurs n'ait une influence sur les priorités de l'ACDI. J'aimerais avoir l'assurance jusqu'à un certain point que, dans dix ans, nous constaterons que la répartition des fonds aux pays que nous avons identifiés s'est bel et bien fait comme prévu, plutôt que de voir l'activité déployée ailleurs dans le monde par les Américains ou les Britanniques nous obliger à réaligner nos priorités et ressources. Y a-t-il moyen de se prémunir contre pareille situation et de faire en sorte que nous avons une politique indépendante? Je crains que ce ne soit plus le cas.

M. Greenhill : Il faut se pencher sur deux éléments. L'un, c'est que nous avons une cible claire. Si, en 2009-2010, les deux tiers de notre aide ne vont pas à ces pays, on pourra tirer une certaine conclusion. Si, comme c'est notre intention, nous avons réussi à concentrer cette aide, la conclusion sera tout autre.

Le second élément que je soulignerais dans le cadre de cette approche pangouvernementale, c'est qu'avec une structure d'enveloppe comme celle dont on est en train de se doter, 100 millions de dollars par année sont réservés à des travaux de paix et de sécurité. L'enveloppe est expressément conçue pour nous permettre de nous concentrer essentiellement sur des programmes de développement à long terme, même si le Canada doit intervenir de manière active dans des situations nouvelles auprès d'États fragiles ou en déroute. J'ignore si je puis demander à mon collègue qui serait chargé d'administrer ces fonds de commenter.

Le président : Faites, je vous en prie.

M. McRae : Je vous remercie d'avoir posé la question. Il s'agit en fait d'une interrogation constante dans le contexte de la politique étrangère du Canada. Manifestement, un des problèmes du passé était le fait que, souvent, l'ACDI, en matière d'engagements financiers, a été mise à contribution en un certain sens quand certains problèmes et certaines priorités de la politique étrangère sont survenus, souvent sans planification et sans prévision. Certaines mesures sont prises dans l'EPI et dans le budget pour commencer à régler le problème que vous avez soulevé.

Une des mesures prises est ce que nous décrivons comme le principe des bonnes clôtures qui font les bons voisins. Pour l'aide civile comportant un élément de sécurité, nous pouvions être appelés à fournir à l'État en déroute de l'aide en matière de justice, entre autres. Or, le financement de cette activité relève en réalité, comme il convient, des Affaires étrangères. Nous avons maintenant créé, aux Affaires étrangères, un fonds global pour la paix et la sécurité de 100 millions de dollars par année qui sera administré par ce groupe de travail permanent que nous avons établi, c'est-à-dire le GASR, Groupe d'action pour la stabilisation et la reconstruction, qui sera responsable d'apporter de l'aide civile pour résorber des crises lorsque la sécurité est en jeu, plutôt que de travailler à des dossiers de développement. L'idée est de laisser l'ACDI s'occuper des questions de développement. Il se peut fort bien qu'il faille régler des questions de développement, y compris dans des pays comme l'Afghanistan, qui relèvent de l'APD.

Nous avons aussi, comme l'a mentionné M. Greenhill, restructuré dans le budget l'enveloppe de l'aide internationale. Non seulement avons-nous désormais aux Affaires étrangères accès à des crédits dans le cadre de ce Fonds pour la paix et la sécurité mondiales, mais nous avons également une provision pour crise, dans cette même enveloppe, pour intervenir quand surviennent des crises de l'ampleur de celle de l'Afghanistan pour lesquelles les 100 millions de dollars ne suffisent pas — et ils ne suffiront pas dans le cas de l'Afghanistan. À l'avenir, d'après ce raisonnement, les Affaires étrangères seraient les premières à réagir, s'il y avait une crise, aux demandes d'aide civile en matière de sécurité et, si ces demandes sont vraiment très importantes, la provision serait mise à contribution. Toutefois, la politique vise, dans ce cas-ci, à prévenir que le budget de développement serve à ce genre d'activité, comme ce fut le cas dans le passé.

Je crois que nous avons pris des mesures pour prévenir ce dont vous avez parlé.

Le sénateur Downe : Je suis heureux de vous l'entendre dire. À défaut d'une forte contribution militaire, le Canada utilise l'ACDI pour concrétiser son apport international, ce qui me convient — c'est bien, ce qu'il fait. Par contre, le gouvernement ne doit pas perdre de vue ses priorités, et je suis content qu'on ait pu trouver des fonds supplémentaires.

Le président : J'aurais une autre question à ce sujet.

Le sénateur Downe : J'aimerais aborder un autre sujet.

Le président : J'aimerais être sûr que j'ai bien compris. Tel que j'ai compris la question du sénateur Downe, il s'agit d'un important examen de la politique; il engage de nombreux aspects de notre politique étrangère, et je suppose que je continue de m'interroger au sujet de l'Afrique, car le comité s'est penché sur la situation sur ce continent. Si j'ai bien compris la question, l'ACDI, qui à mon sens est un organisme de développement, est vraiment active en Afghanistan. Je soupçonne que notre rôle dans ce pays, avant que les Américains l'envahissent, était minuscule. Les Américains débarquent en Afghanistan, et tout à coup, voilà que notre agence de développement mène en Afghanistan des projets que d'aucuns qualifieront de développement, mais que d'autres qualifieraient de projets de sécurité. Comme on ne peut s'aventurer à l'extérieur des villes sans escorte armée, il est difficile de concevoir la mise en oeuvre d'une politique de développement dans le contexte afghan. Par conséquent, l'ACDI est détournée de ses objectifs et transformée en organe d'aide aux Américains pour régler leurs problèmes en Afghanistan. Ai-je bien saisi le sens de votre question, sénateur Downe?

Le sénateur Downe : Oui.

Le président : Est-ce bien ce qui s'est produit?

M. McRae : Puis-je répondre à cela? Pour ce qui est de la raison pour laquelle nous sommes présents en Afghanistan, tous les engagements que nous prenons pour résorber ce genre de crise internationale sont de nature très politique. Nous ne pouvons être partout dès qu'éclate une crise. Il n'existe pas toujours une série de critères à appliquer qui nous sera forcément utile. C'est en réalité le gouvernement de l'heure qui fait un choix politique.

En ce qui concerne plus particulièrement l'Afghanistan — et jusque dans une certaine mesure, j'établirais un parallèle avec la situation dans les Balkans durant les années 90 —, nous avons une situation fort complexe qui exige, quand nous décidons de participer à l'aide internationale, une action sur le plan des 3-D — développement, diplomatie et défense. En fait, nous parlons souvent de 3-D plus C parce qu'à l'occasion, nos collègues du commerce font aussi une contribution importante en vue de régler des problèmes très complexes.

Quant aux intérêts du Canada dans les Balkans et en Afghanistan — et, bien sûr, la situation afghane comporte de très importantes questions de sécurité —, les États fragiles et en déroute préoccupent de nombreux pays et le genre de menace qu'ils peuvent représenter est un facteur au Canada également. De plus, nous participons maintenant à l'opération de l'OTAN en Afghanistan, et le rôle que nous assumons au sein de l'OTAN, notre engagement à l'égard de cet organisme et le rôle qu'il joue lui-même dans le monde transatlantique sont importants. Par conséquent, des intérêts canadiens sont également en jeu quand l'OTAN mène une opération en...

Le président : Je sais tout cela, mais j'arrive mal à concevoir l'ACDI comme une espèce de composante de l'OTAN, ce qui semble être le cas en Afghanistan.

Quoi qu'il en soit, je rends la parole au sénateur Downe. Je crois avoir compris.

Le sénateur Downe : Je tiens à déclarer officiellement qu'à mon avis, l'ACDI a fait du bon travail en Afghanistan et qu'elle continue de le faire, plus particulièrement en ce qui concerne l'aide fournie aux femmes et aux enfants notamment. Ce qui me préoccupe, c'est qu'une crise survient et que les fonds sont détournés d'ailleurs pour parer à cette crise. M. McRae nous a affirmé que la nouvelle politique apporte une solution à ce problème, que son ministère a un fonds à cette fin, qu'il demandera des fonds additionnels et qu'il laissera l'ACDI voir à ses priorités, point sur lequel j'insiste.

Ma seconde et dernière question a deux volets. Je m'intéresse — ce qui s'adresse à M. McRae, je suppose — au principe sur lequel s'appuie la politique visant à intensifier et à améliorer nos relations avec nos partenaires en Amérique du Nord.

Le comité a entendu au cours des derniers mois des témoignages au sujet de l'imposante présence du gouvernement du Mexique aux États-Unis. Je suppose que, puisqu'il s'agit de notre plus grand partenaire commercial, ce serait notre priorité, et je tiens à avoir confirmation que c'est là que nous investissons le gros de nos ressources, dans nos efforts en vue d'accroître notre présence diplomatique dans le monde. Ai-je raison?

M. McRae : Nous réglons ce problème particulier de plusieurs façons. L'examen fait bien ressortir la question. Si je puis me permettre de faire une petite parenthèse, ce qui différencie cet examen des nombreux autres qui l'ont précédé, c'est le fait que nous commençons par insister sur notre base nord-américaine comme étant la clé à partir de laquelle nous pouvons assumer notre rôle mondial. De plus, notre rôle mondial renforce notre présence en Amérique du Nord.

Pour ce qui est des ressources supplémentaires, comme le fait bien ressortir l'examen, nous augmentons le nombre de nos consultats aux États-Unis. Je peux vous en fournir le nombre exact plus tard, mais si ma mémoire est bonne, nous en ajouterions dix. Par ailleurs, en matière de dotation en personnel, nous prévoyons aussi du soutien supplémentaire à Washington même — nous avons là-bas un secrétariat parlementaire qui s'occupe du rôle des provinces et ainsi de suite. L'examen souligne bien qu'il faut assurer une meilleure présence pancanadienne aux États-Unis en particulier.

Le dernier aspect, c'est que lorsque vient le temps de faire de la diplomatie ouverte, nous sommes conscients que le Canada a un défi particulier à relever pour faire en sorte d'être vu et entendu et que nos priorités dans le monde sont estimées à leur juste valeur, pas seulement à Washington. Par conséquent, dans le domaine de la diplomatie ouverte, nous intensifions aussi nos efforts.

Tant pour le personnel que les ressources, vous avez raison de présumer que les États-Unis demeurent une grande priorité pour nous.

Le sénateur Downe : Dans votre document, vous parlez des efforts diplomatiques déployés dans les pays clés, mais le pays clé pour le Canada sur le plan du commerce est les États-Unis. Notre autre partenaire nord-américain, le Mexique, a une présence beaucoup plus importante là-bas. Investissons-nous la majorité de nos ressources afin d'atteindre le même niveau que les Mexicains ou en faisons-nous un peu plus aux États-Unis et dans certains autres pays clés du monde? Nous éparpillons-nous trop? Je pense que nous devrions commencer par accroître notre présence aux États-Unis, puis nous occuper des autres pays clés.

M. McRae : Mon collègue du Commerce international voudra peut-être ajouter quelque chose sur la dimension commerciale de votre question.

En ce qui concerne le Mexique, les Mexicains ont beaucoup de consulats aux États-Unis. Vous le savez sans doute. Si je me rappelle bien des discussions que j'ai eues récemment avec les Mexicains, aux cours des derniers mois, ils en ont une quarantaine environ. Je leur ai demandé pourquoi ils avaient un si grand réseau de consulats, qui dépasse de loin le réseau consulaire canadien, et ils m'ont répondu qu'ils s'occupaient d'environ 400 000 citoyens mexicains qui traversent la frontière américaine chaque année, c'est ce qu'ils m'ont dit.

Le président : S'agit-il de citoyens illégaux?

M. McRae : Exactement. Essentiellement, leurs consulats s'occupent d'un problème, soit de la présence de ces 400 000 Mexicains illégaux aux États-Unis et de leurs interactions avec les autorités américaines. Leur problème consulaire aux États-Unis est immense comparé au nôtre.

Pour ce qui est du côté commercial de votre question, je vais demander à mon collègue du Commerce international d'y répondre.

Le président : Je voulais seulement ajouter qu'il s'agit ici de 400 000 citoyens mexicains illégaux connus aux États-Unis chaque année.

M. Wilson : En bref, l'importance commerciale de concentrer nos efforts pour recueillir des renseignements sur le marché local et user de diplomatie publique pour favoriser notre programme commercial et nos autres objectifs, notamment la promotion de notre bois d'œuvre, ont mené à l'Initiative de représentation accrue, qui a été lancée il y a quelques années et qui se poursuit. Le gouvernement du Canada est maintenant représenté dans 31 villes dans États-Unis, dont huit ont de représentants « honoraires ». Nous les faisons travailler fort.

Ce n'est qu'une façon de promouvoir nos intérêts commerciaux. Nous avons une série de missions, dont certaines se fondent sur des intérêts régionaux. Il y a par exemple l'Équipe Atlantique. Nous sommes donc très présents chez les Américains pour faire valoir nos intérêts stratégiques à long terme et nos intérêts commerciaux particuliers.

Le sénateur Downe : Nous avons un volume commercial quotidien aux États-Unis. Je n'ai pas le chiffre en tête. Le président l'a peut-être. Je pense qu'il tourne autour de 1,8 milliard de dollars par jour. J'aimerais que les témoins donnent aux membres du comité de l'information sur le plan d'investissement des Affaires étrangères au cours de la prochaine année afin d'augmenter leur présence diplomatique pour que nous puissions comparer nos efforts dans le reste du monde à nos efforts aux États-Unis.

Le sénateur Mahovlich : Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi le Mexique a un consulat à Strasbourg, alors que le Canada n'en a pas? Y a-t-il une explication? Il y a le Conseil de l'Europe qui y est, de même que le Parlement européen. Tout le monde est présent à Strasbourg.

M. McRae : Je dois admettre que c'est une question difficile. Je sais que notre présence à l'étranger fait l'objet d'un examen en ce moment et que cela nous ramène en fait à la question précédente de savoir où nous allons placer nos ressources humaines additionnelles à l'étranger au cours des prochaines années.

Comme vous le savez, dans le budget, des sommes plutôt modestes sont allouées pour accroître notre présence à l'étranger. Cela ne comprend pas la création de nouveaux postes. Il y a des postes de l'administration centrale qui seront transférés à l'étranger. Nous sommes toujours en train de réfléchir aux endroits où ces ressources iront.

J'aimerais demander la permission au sénateur Mahovlich de lui répondre ultérieurement par écrit à cette question très précise pour que je puisse lui donner la réponse la plus détaillée possible.

Le président : Nous sommes très curieux de connaître la réponse.

Au nom des membres du comité, j'aimerais rappeler à tous que dans notre examen de l'Accord de libre-échange, nous avions recommandé l'établissement d'un plus grand nombre de consulats aux États-Unis. Notre comité a examiné l'Accord de libre-échange il y a deux ans et nous avons fait quelques recommandations, dont certaines sont abordées cet après-midi.

Le sénateur Andreychuk : L'énoncé de politique internationale est un document très imposant, donc nous ne pouvons évidemment pas parler de tous les éléments que nous aurions aimé aborder. La plupart des gens ont dit qu'il était bien écrit. Nous aurions pu dire les choses différemment ou les placer dans un autre ordre, mais en gros, c'est un bon document bien rédigé. La grande question est maintenant la façon dont il sera mis en pratique.

L'une des grandes préoccupations — et je sais que le sénateur Prud'homme en a parlé à maintes reprises, comme moi —, c'est le rôle du Parlement d'établir des priorités tant pour l'ACDI que pour le gouvernement. La Chambre des communes a fait valoir avec beaucoup de vigueur que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ne devait pas être scindé.

Des voix : Bravo!

Le sénateur Andreychuk : Il y a toute une série de raisons pour lesquelles ils croyaient que ce n'était pas judicieux. Cependant, malgré le fait que nous voulons faire des choses valables dans l'énoncé de politique, il doit y avoir un point de convergence où toutes les politiques sont mises ensemble. J'en parle en toute connaissance de cause.

Lorsqu'il y a un problème lié au commerce, aux droits de la personne, à l'ACDI ou qu'une crise éclate et touche notre défense, il doit y avoir quelqu'un qui a une vue d'ensemble de la perspective de la politique étrangère. Je ne passerai pas par quatre chemins, j'ai déjà dit que ce devrait être le ministre des Affaires étrangères. Vous pourriez mener vos activités sous ce régime.

Nous savons qu'il y a souvent une déconnexion entre l'immigration aujourd'hui, la politique étrangère et le ministère, et cela crée de nombreux problèmes que nous connaissons.

Je ne veux pas vous interroger sur la politique, puisqu'il ne vous incombe pas d'établir cette politique. J'aimerais savoir si tous les ministères travaillent comme si vous étiez toujours le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ou si vous menez vos affaires comme deux ministères séparés?

M. Wilson : Je vais bien sûr éviter, en toute déférence, d'émettre des hypothèses sur la politique gouvernementale. Cependant, la situation que nous avons analysée et présentée dans l'énoncé de politique internationale ne se prête plus au contrôle ni à la supervision d'un ministère en particulier. Nous avons conclu que nous n'étions que quatre ministères responsables qui contribuent beaucoup plus activement à la présence du Canada dans le monde.

Les enjeux qui touchent à la fois le commerce et les droits de la personne ou le commerce et le développement, par exemple, étaient, sont et continuent d'être administrés en collaboration par les ministères, c'est d'ailleurs pourquoi nous en sommes venus à articuler ces politiques gouvernementales, et cela sans mention de ministères en particulier, le plus souvent. Par exemple, dans la stratégie commerciale, il n'y a aucune mention du ministère parce que cet enjeu n'est plus propre à un seul ministère.

Je reviens à mon argument que le commerce se trouve à la croisée des politiques internationales et qu'il pourrait être intégré au portefeuille d'un ministre et qu'il se trouve à la croisée de toutes les politiques économiques et qu'il pourrait être intégré au portefeuille d'un autre ministre. D'un point de vue pratique, il n'est pas tellement important que nous ayons une forme d'organisation ou une autre, il faut surtout veiller à ce que les Canadiens soient bien positionnés pour prospérer et réussir.

Le président : Monsieur McRae, vous êtes directeur général du Secrétariat de la planification des politiques. Voudriez-vous tenter de répondre à cette question?

M. McRae : Merci. J'aimerais confirmer ce que M. Wilson a dit sur l'importance de la cohérence au sein du gouvernement et le fait que ce doive vraiment devenir un nouveau mode de vie pour tous les ministères à vocation internationale. Il ne faut pas oublier que dans l'EPI, le gouvernement s'engage à établir un processus de consultation pour examiner les moyens appropriés afin d'atteindre nos objectifs stratégiques, y compris la relation entre les Affaires étrangères et le Commerce international.

Le rôle du Parlement est très important, et il y a une chose toute nouvelle à ce sujet dans cet examen lui-même. Le ministre des Affaires étrangères s'engage à présenter au Parlement chaque année un bilan de la mise en œuvre de l'EPI et à garder un œil sur ce qui est prévu au cours de la prochaine année. C'est un nouveau pas ou une nouvelle orientation qui reconnaît l'importance du rôle parlementaire à cet égard.

De plus, on met l'accent sur l'essence de la question, soit la façon dont nous allons véritablement arriver à cette cohérence dont il est si facile de parler. Dans cet énoncé, on propose l'élaboration de stratégies à l'échelle du gouvernement pour nos grandes priorités. Par exemple, pour les pays, nous envisageons de concevoir des stratégies à l'échelle du gouvernement pour la Chine, l'Inde, la Russie ou le Brésil pour nous assurer qu'ici à Ottawa, tous les ministères, et pas seulement ceux à vocation internationale, sont en mesure de participer à l'élaboration de ces stratégies, mais également que ces stratégies elles-mêmes apportent une certaine cohérence à tout le travail qui se fait.

Ces stratégies à l'échelle du gouvernement se refléteront dans les rôles des chefs de mission. Il est clair que les chefs de mission doivent être en mesure de parler d'une seule voix et de représenter tout le gouvernement ainsi que tous ses intérêts dans un pays à l'étranger. Naturellement, il se dégage de notre examen que le rôle de nos chefs de mission, à tout le moins, sera et doit vraiment être accru pour qu'ils s'expriment d'une seule voix à l'étranger. Cette question même, qui est très importante, s'inscrit au cœur de l'EPI de diverses façons, et ce sont-là quelques-unes des façons dont nous allons essayer de nous attaquer à la chose.

Le sénateur Andreychuk : J'ai une autre question à ce propos. Je comprends que vous allez essayer de coordonner le travail des chefs de mission et de solliciter leur participation, ce qui semble logique. Cela va probablement fonctionner dans la plupart des cas. Cependant, dans les quelques cas qui pourraient préoccuper la plupart des Canadiens, il y aura un conflit.

Je me rappelle que lorsque je suis arrivée au Sénat, il y avait une grande raison incontestable de vouloir faire partie de la poussée commerciale en Chine, d'y pénétrer, de nous établir et d'obtenir notre juste part du marché pour pouvoir commercer, investir, et cetera. C'étaient des objectifs louables. Par contre, on s'inquiétait beaucoup de leur bilan au chapitre des droits de la personne et de leur gestion de la question, et cela n'a pas changé.

Certaines des réponses dans un domaine en influencent d'autres. Quelqu'un doit prendre une décision. Je ne voudrais pas que M. Wilson prenne une décision sur les droits de la personne. Je ne suis pas certaine, monsieur McRae, que vous puissiez le faire pour le commerce. Je ne suis pas certaine que vous puissiez le faire dans bien d'autres domaines non plus. La sécurité est une autre raison de nous ouvrir et de gagner de la confiance dans la région de l'Asie et du Pacifique. Où la responsabilité s'arrête-t-elle lorsqu'il y a un conflit ou un changement d'orientation? Est-ce au ministre? Vous avez parlé d'un comité de coordination. C'est très bien, mais si le comité ne peut pas intervenir, il faudra prendre une décision politique. Où se prennent les décisions politiques? Attendons-nous dorénavant une décision du cabinet? Est-ce l'enjeu?

M. McRae : C'est une très bonne question. Il est clair qu'en bout de ligne, il faudra viser l'équilibre entre ces priorités souvent concurrentes et que l'équilibre devra découler d'une décision politique du gouvernement du jour. Quoi qu'il en soit, l'intention est que nous puissions préparer, dans l'administration publique, des stratégies intégrées à l'échelle du gouvernement pour la Chine, disons, des stratégies qui visent à donner une vision cohérente de notre rôle, mais il y a des questions qui devront être étudiées par le cabinet et pour lesquelles il faudra prendre des décisions politiques. Pour l'instant, l'intention est d'abord de favoriser ces stratégies à l'échelle du gouvernement pour que nous puissions mieux comprendre les types de tensions qui pourraient bien être présentes dans nos façons d'aborder des pays aussi importants que la Chine et de permettre au cabinet, au niveau politique, de prendre les décisions requises pour atteindre l'équilibre délicat entre ces priorités parfois concurrentes.

Madame le sénateur, vous mettez le doigt sur une question difficile. Il y a un mécanisme qui ressort de l'EPI et qui, nous l'espérons, nous offrira une solution plus adaptée et plus éclairée à ces questions difficiles et délicates.

M. Wilson : Je suis d'accord avec tout ce que M. McRae a dit. En vérité, vous parlez ici des cas limites, et il y a des cas limites. En tant que professionnels, nous travaillons très fort à trouver un moyen de faire en sorte que les choses avancent en tandem plutôt qu'en opposition. Par exemple, comment pouvons-nous utiliser l'accession de la Chine à l'OMC pour renforcer la primauté du droit et les droits économiques, un cheval de Troie du point de vue de certains, mais sans aucun doute l'établissement des droits? Toutefois, il existe évidemment des conflits fondamentaux, soit entre des valeurs opposées, soit dans le cas que vous allez peut-être mentionner, entre un intérêt et un autre. Comme les essais nucléaires et le commerce en Inde, par exemple, ou la Chine et Tiananmen et l'investissement et le commerce.

En fin de compte, je dois convenir avec M. McRae que s'il faut choisir entre un ensemble d'intérêts ou de valeurs canadiennes et un autre ensemble d'intérêts ou de valeurs, nous ne pouvons que faire des recommandations. C'est une décision politique. Nos ministres le savent bien et ils sont toujours prêts à en assumer la responsabilité.

Le sénateur Mahovlich : Tout récemment, nous avons entendu parler d'une entreprise investissant 80 ou 90 millions de dollars en Chine. On a apporté à l'attention des investisseurs les problèmes que la Chine a avec Taïwan, sa relation avec Taïwan et notre relation. Ils ont balayé le tout du revers de la main et nous ont répondu que c'était un problème politique. Tant que les politiciens ne disent rien, nos entreprises peuvent investir où qu'elles veuillent. N'est-ce pas?

M. Wilson : À moins qu'il n'existe une contrainte précise en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales, par exemple, la réponse est oui. Cela ne signifie cependant pas que nous leur conseillons d'agir de certaines façons. En fait, nous nous engageons à divers niveaux. Par exemple, avec Industrie Canada, nous sommes les champions des codes volontaires de responsabilité sociale d'entreprise. C'est une possibilité.

Dans le cas de la Chine et des problèmes qu'elle risque de connaître, nous conseillons certainement à toute entreprise qui entre en Chine de bien garder les yeux ouverts sur divers facteurs, y compris le respect des droits du personnel, le respect ou le manque de respect de la propriété intellectuelle et les facteurs de risque politique. Le sénateur Andreychuk a mentionné l'enthousiasme et l'empressement de participer à la croissance économique de la Chine, tant pour cet événement en soi que du point de vue de la production pour le reste du monde. Les créatures du gouvernement du Canada, comme Exportation et Développement Canada et nous, essayons de porter ces facteurs à l'intention des gens d'affaires canadiens. Le fin mot de l'histoire, c'est que c'est leur argent et leur décision.

Le sénateur Mahovlich : Comment les États-Unis voient-ils nos investissements là-bas? Sont-ils en concurrence avec nous pour pénétrer la Chine?

M. Wilson : Il y a deux parties à cette réponse. Pour les entreprises intégrées, par exemple, dans le secteur automobile, ce n'est qu'une grande entreprise. Cependant, dans d'autres secteurs, ils sont sans contredit nos concurrents, tout comme les Australiens, les Français et les Allemands.

Le sénateur Andreychuk : Nous avons sélectionné 25 pays et nous allons être là en 2010 pour leur apporter notre aide. Quelle proportion de cette aide par pays prendra la forme d'argent dans ces 25 pays et quelle proportion se traduira par des investissements dans des institutions multilatérales? J'ai de la difficulté à déterminer ce que nous faisons en ce qui concerne les ONG et les gouvernements, parce que je ne fais pas le suivi de tout de la bonne façon. Nous donnons beaucoup d'argent à la Banque mondiale, mais il y a toute une liste d'institutions multilatérales. Ensuite, lorsque je vois un chiffre, je me dis que je ne pensais pas que nous donnions autant à un tel pays, mais ce chiffre vient du fait que nous tenons compte de tous les fonds de l'ONU, des institutions financières internationales, et cetera. Combien d'argent sera donné directement à ces 25 pays et combien passera par une institution multilatérale?

M. Greenhill : C'est une question très importante à se poser au moment où nous nous demandons comment nous allons mettre en œuvre l'EPI. Il y a notre financement bilatéral, soit notre travail direct avec un pays bénéficiaire, et tout le système multilatéral. Il y a aussi le financement par nos autres partenaires, dont les ONG. La concentration sur ces 25 pays et les deux tiers du financement dont j'ai parlé correspondent à la partie bilatérale. De tout l'argent que nous dépensons, approximativement le tiers du financement total va dans le système bilatéral, et d'ici 2009-2010, 25 pays recevront les deux tiers du financement total.

Comme vous le soulignez à juste titre, il y a toute une autre partie des fonds qui va dans le système multilatéral. Il y a deux éléments contradictoires : comment pouvons-nous utiliser notre contribution aux institutions multilatérales, à l'UNICEF qui finance des filets de lit ou au PNUD, par exemple, pour accroître la cohérence et la coordination dans les dons à la Tanzanie? Comment pouvons-nous utiliser cela pour renforcer ce que nous faisons avec nos principaux partenaires de développement, d'une part, et d'autre part, comment pouvons-nous utiliser l'engagement multilatéral pour nous assurer de faire notre part dans les autres pays en développement qui valent qu'on les aide mais qui ne sont pas compris dans notre sélection de 25?

Pour ce qui est de la mise en œuvre de notre programme, de ce que nous devons faire sur le plan bilatéral, il y a beaucoup de pain sur la planche, mais ce qu'il y a à faire est assez clair. Nous continuerons de d'essayer de déterminer comment les investissements multilatéraux s'insèrent dans tout cela. L'une des façons de déterminer si nous avons une incidence, peu importe le mécanisme utilisé, c'est d'utiliser davantage les objectifs de développement du prêt eux-mêmes comme indicateurs lorsque nous examinons la situation des pays. En ce moment, nous avons tendance à nous demander si un programme ou un projet en Tanzanie répond à ces critères. C'est très bien. Ce sont des indicateurs directs, mais il y a aussi des indicateurs indirects.

Au bout du compte, ce qui importe, c'est que l'alphabétisme au niveau primaire est passée en Tanzanie de 68 p. 100 il y a sept ou huit ans à 93 p. 100; nous avons réussi à faire diminuer le taux de mortalité infantile de manière constante et nous avons vu d'autres indicateurs importants des objectifs de développement du prêt s'améliorer comme voulu. Avec nos pays partenaires, nous allons de plus en plus nous pencher sur ces indicateurs de résultats critiques et nous demander si nous réalisons des progrès selon ces indicateurs. Que nous utilisions un mécanisme multilatéral ou bilatéral, constatons-nous des résultats?

[Français]

Le sénateur Prud'homme : Le sénateur Andreychuk a touché une de mes grandes appréhensions. Pour être clair, j'ai beaucoup d'admiration pour nos hauts fonctionnaires, qui sont les grands serviteurs de notre pays. Par exemple, j'ai prononcé l'éloge de M. Théodore Arcand, à la cathédrale, et j'ai vu comment les maîtres politiques pouvaient être absents quand il s'agissait de venir honorer un des grands serviteurs de l'État. Il n'y avait aucun représentant du gouvernement du Canada. Je vous admire donc beaucoup car vous avez à déchiffrer les vœux de vos maîtres politiques. Cela demande beaucoup de doigté, mais vous y arrivez.

J'ai été pendant 30 ans très proche de l'ACDI et je veux vous féliciter de votre rôle. J'aurais une question précise à ce sujet.

Le gouvernement n'était pas obligé de diviser le ministère en deux sections. Il aurait pu le faire sans consulter le Parlement. Il a décidé de consulter le Parlement.

[Traduction]

Contrairement à ce qui a été dit à la télévision hier soir, soit que le Parlement a ajourné et que les députés sont partis, il se trouve que le Sénat continue de siéger. Il y a méprise totale. Seule la Chambre des communes a ajourné.

Les maîtres politiques du jour ont décidé de consulter le Parlement, à commencer par la Chambre des communes. Ce projet de loi a été débattu et rejeté, donc nous n'avons même pas besoin d'en parler au Sénat. Il ne s'est pas rendu à nous. Il est déjà rejeté et mort. Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé d'aller de l'avant après avoir consulté le Parlement? Ce n'est pas votre problème; c'est une décision politique avec laquelle je suis en désaccord et je vais continuer d'être en désaccord.

Nous multiplions les sources de décision. Je vais vous donner un exemple, c'est un piètre exemple, mais je vais vous le donner quand même. C'est comme si un ministre regardait par-dessus l'épaule du ministre des Affaires étrangères, qu'il scrutait chaque mot prononcé et chaque décision prise concernant le Moyen-Orient. Nous savons tous que M. Cotler surveille tout ce qui concerne le Moyen-Orient et la question palestinienne. Cela me déplaît vivement.

Nous devons vivre dans le vrai monde. Cela ne fait qu'ajouter à votre problème.

[Français]

Je m'adresse à vous tout particulièrement, monsieur le président de l'ACDI. Lorsque vous arrivez en Afrique, vous avez des décisions à prendre qui ont des implications commerciales et des implications sur le plan de la politique étrangère. Et voilà que votre maître politique vous dit : n'oubliez pas qu'il y a maintenant un ministre responsable de toutes les questions commerciales.

Ma question est en quelque sorte un monologue auquel vous ne pouvez répondre, car il s'agit d'une question politique.

J'ai écouté attentivement vos prédécesseurs et les intervenants de l'ACDI qui sont venus témoigner et j'ai senti un certain malaise. Lorsqu'on veut décider, on tranche la question. Toutefois, s'il y a beaucoup de consultation, trop d'impondérables compliquent votre vie.

Comment pouvez-vous vous entendre sur des décisions immédiates lorsque vous avez deux ministres responsables, et dans certains secteurs deux ministres et demi, qui doivent concilier la politique extérieure énoncée par le Canada. Vous avez toujours mon admiration.

[Traduction]

Le président : Je ne vois pas comment le témoin peut répondre à cette question.

Le sénateur Prud'homme : Il pourrait me dire comment la gestion se fait dans ce nouveau contexte.

[Français]

M. Greenhill : Ma réponse se divise en deux volets. Pour ce qui est du volet structurel, comme mon collègue vient de le souligner, trois ministres sont en poste depuis au moins 15 ans. Nous avons le ministre du Développement, le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international. Ce défi de coordination date donc depuis de longtemps.

Il existe toutefois certaines questions fondamentales pour lesquelles il faut prendre des décisions politiques. Je reviens de l'Afrique et je puis vous dire que sur le terrain, comme par exemple en Tanzanie, on travaille étroitement. Les gens travaillent dans le même établissement et peuvent se voir de façon quotidienne. L'avantage de l'IPS est qu'il existe une cohérence dans l'approche. Ceci permet de s'assurer que les énergies sont canalisées dans la bonne direction et en même temps.

Au cours des quatre dernières semaines où j'ai pu observer la situation sur place, j'ai trouvé que les gens travaillent bien ensemble. Il y a l'aspect politique et le quotidien. La coordination entre nos intervenants est appréciée par les gens de la Tanzanie et des autres pays d'Afrique.

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme : Vous marquez un point, monsieur Greenhill.

[Français]

Vous avez dit que sur le terrain il ne faut pas s'inquiéter. Évidemment, mon problème se situe dans les échelons supérieurs et non sur le terrain.

Le président : Nous allons laisser M. McRae répondre à la question. Nos témoins ne peuvent toutefois pas répondre aux questions qui s'adressent aux ministres puisqu'ils ne sont pas ministres.

M. McRae : Monsieur Greenhill a bien décrit les choses au niveau du ministre. Nous avons maintenant plusieurs forums de coordination et de cohérence. Nous avons entre autres le nouveau Comité des affaires globales qui permet au ministre d'avoir des discussions sur l'intégration et la coordination. Le gouvernement a donc pris certaines décisions à cet égard pour renforcer l'importance de la cohérence.

La revue de la politique internationale est un pas important pour la mise en place d'un encadrement de toute la politique internationale du Canada. Cet encadrement touche non seulement la politique de nos quatre ministères mais aussi des autres ministères qui traitent d'enjeux internationaux importants. Ce n'est qu'un premier pas pour aborder ce problème. L'encadrement politique à Ottawa va ajouter à cette importante cohérence.

Comme M. Greenhill l'a indiqué, la coopération sur le terrain est toujours excellente. Le rôle de nos chefs de mission est la clé de ce succès. Cette cohérence demeure un défi très important pour nous. Toutefois, dans la revue de la politique internationale, on a déployé certains efforts vers une plus grande cohérence en général.

M. Wilson : Le portefeuille du commerce existe depuis 1890. Le premier titulaire était d'ailleurs le sénateur Bull. Ce portefeuille existait donc bien avant la création du ministère des Affaires extérieures.

Les instances politiques connaissent, de longue date, cette bifurcation. D'ailleurs, j'ai eu le plaisir et l'honneur de travailler étroitement avec le ministre Pettigrew pendant cinq ans, avant qu'il ne passe au ministère des Affaires étrangères et du commerce international. Nous pouvons donc être certain que le ministre des Affaires étrangères s'y connaît en matière de commerce.

Le problème réside au fait que le monde n'est plus contenu. Il existe, sur le plan des principes, plusieurs oppositions. Notre travail consiste à nous assurer que, dans les faits, les conflits se dissipent, ou du moins ne s'aggravent pas. Pour une question de principe, personne ne voudra choisir, d'ores et déjà, en toute circonstance, la prospérité plutôt que la sécurité ou quelque chose d'ordre général. Ce n'est pas un choix qu'on peut poser aux Canadiens ou au gouvernement.

Nous, fonctionnaires, avons toujours la passion des détails. Les menus détails sont l'étoffe de tous les jours.

[Traduction]

Le sénateur Prud'homme : Mon agonie vient de mes 41 années au Parlement. J'ai vu beaucoup de changements. Je vais vous donner un exemple. C'est un exemple très dangereux, bien sûr. Je me suis éminemment opposé à la création du SCRS en 1984. J'ai eu une longue discussion avec M. Trudeau, et je pensais que nous devions moderniser et actualiser la GRC. Je suis supposé être un fan de la GRC. C'est une autre histoire.

Je pensais qu'en diluant le pouvoir, on crée des conflits. Prenons l'exemple des États-Unis, où on a découvert qu'il y avait trop de directives différentes en matière de sécurité. Maintenant, ils reviennent à une seule gouverne sous laquelle tout le monde doit travailler, mais il y a toujours quelqu'un qui donne les directives.

C'est pourquoi j'ai cette question tellement à cœur. Je ne vais rien résoudre et je n'ai jamais exercé le pouvoir, mais je suis cette question de très près. Je suis un partisan des affaires étrangères et j'appuie le bon commerce avec les États-Unis. Sans votre sensibilité à l'ACDI, il ne vaudrait pas la peine de nous appeler Canadiens. J'essaie d'être positif, même si j'ai l'air négatif. Je veux qu'il y ait un patron qui force les gens à travailler ensemble. Je sais que vous ne pouvez pas le dire, mais je sais qu'il y a des frictions. Mon travail, en tant que vieillard sur le pas de la porte, sera d'essayer de huiler l'engrenage le plus possible pour qu'il n'y ait plus de friction. Dès qu'on acquiert des pouvoirs, on acquiert de la puissance et on crée des divisions. Espérons que la structure actuelle, même si une partie du Parlement y a dit non, portera fruit et que vous pourrez travailler ensemble, tous les trois.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Vous avez beaucoup parlé de cohérence par rapport à notre approche. Est-ce que cette nouvelle cohérence dont vous parlez pourrait avoir une influence ou une incidence sur nos interventions auprès de l'Organisation mondiale du commerce? On dit que les prochaines rondes de négociations de Doha sont très importantes pour les pays d'Afrique en voie de développement.

Cela aura-t-il également une influence concernant nos interventions auprès de la Banque mondiale? Nous voulons réduire la pauvreté et la Banque mondiale, par des politiques qu'ils ont mises en place, ainsi que le Fonds monétaire international, n'allaient pas tout le temps dans la même direction ou avaient peut-être des objectifs louables mais qui ne donnaient pas les résultats auxquels on pouvait s'attendre lorsqu'on parle des pays pauvres et que l'on veut réduire cette pauvreté.

Cette cohérence nous donnera-t-elle plus d'influence auprès de ces institutions internationales qui, dans certains cas, forment un blocage à la lutte contre la pauvreté en Afrique?

M. Greenhill : C'est une question fondamentale. Je vais commencer à vous répondre et j'inviterai M. Wilson à ajouter ses commentaires.

Clairement, si l'on prend Doha, nous devons tenir compte de l'importance des pays en voie de développement. Comme je l'ai mentionné auparavant, nous avons un membre de l'ACDI qui, avec l'équipe de commerce international à Genève, s'assure d'une façon structurelle et continue, pour que nous adoptions une approche cohérente tenant compte des besoins des pays en voie de développement.

Concernant la Banque mondiale de commerce, c'est le ministre des Finances qui représente le Canada, mais l'ACDI est très impliquée dans l'organisation. Si je me souviens bien, l'alternative est moi, qui suis là pour assurer que, effectivement, dans ce cas aussi, les perspectives de développement sont bien prises en main.

Je dois noter que notre directeur exécutif là-bas est maintenant Marcel Massé qui a déjà été, à deux reprises, le président de l'ACDI. Je peux donc vous assurer que les points de vue progressistes de développement sont bien communiqués par l'entremise des gens de la Banque mondiale.

J'invite M. Wilson à ajouter ses commentaires.

M. Wilson : En effet, la cohérence est le mot d'ordre de l'OMC et de plusieurs des institutions onusiennes qui visent le développement mondial. Il n'y a pas une seule instance qui possède tous les éléments qui puissent rassembler.

Le chef de file dans cette cohérence à l'échelle internationale est le programme qui vise les besoins des pays les plus démunis, les pays les moins avancés. Le cadre intégré qui regroupe l'OMC et d'autres institutions est une initiative canadienne qui remonte aux années 1990.

S'il y a un endroit où la cohérence interne existait déjà dans les faits au gouvernement du Canada, je peux afficher le commerce et développement. Il en résulte que nous sommes effectivement influents, et ce non seulement au début, c'est-à-dire dans les années 90, mais aujourd'hui toujours dans les divers éléments des négociations de la ronde de Doha. Ceci se fait par un processus interministériel; sans entrer dans le détail je peux dire qu'il y a au moins six grands joueurs, dont l'ACDI; Agriculture et Agroalimentaire Canada; Affaires étrangères Canada; Finances Canada et Industrie Canada. Tout cela sert à harmoniser nos approches, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur du pays.

Il en résulte que cette cohérence se traduit non seulement par une cohérence d'accès international mais aussi de suivi à l'interne. Voilà pourquoi nous avons pu réaliser des gains concrets en vue des intérêts d'exportation des pays les moins avancés, et, par exemple, en vue de l'accès des pays démunis aux médicaments essentiels.

Pour le reste, c'est une négociation en cours. Mais je peux dire que ce genre de cohérence assure que le Canada est bien respecté et est chef de file dans ces négociations.

[Traduction]

M. Greenhill : Je tiens à souligner l'importance de votre argument sur la cohérence de l'approche, et je tiens à porter à votre attention une analyse effectuée chaque année par le Centre for Global Development. Avec les gens d'une revue nommée International Policy Options, ils effectuent une étude chaque année sur l'efficacité du développement. Ils tiennent compte non seulement de l'APD, soit de l'Aide publique au développement que chaque pays offre, mais aussi de leurs politiques commerciales, d'immigration et de leur contribution au maintien de la paix dans le monde pour que les gens puissent vivre leur vie dans un environnement de sécurité. De façon très structurée, ils essaient d'établir un indice composé.

En matière d'immigration et de commerce, le Canada fait très bonne figure. Dans la publication que vous avez peut-être vue sur la contribution du Canada au plan d'action du G8, on fait remarquer le progrès réalisé non seulement pour l'allègement de la dette, mais aussi pour la quasi-élimination des barrières tarifaires et la réduction importante des barrières non tarifaires imposées aux pays les plus pauvres qui veulent accéder aux marchés canadiens. C'est une avancée qui remonte à quelques années, qui montre que Commerce international a contribué grandement au développement de pays d'une façon au moins aussi importante que le rôle qui nous incombe tous les jours.

Le président : J'ai lu une bonne partie de l'analyse de politique internationale et je me suis dit que malgré les difficultés d'en arriver à ce type d'analyse, elle était assez bonne. Qui aurait cru en l'an 2000 que quelqu'un allait faire s'écrouler le World Trade Center l'année suivante? Il est très difficile de prévoir les événements internationaux.

Je regarde la partie sur le commerce et je m'interroge sur cette zone de libre-échange des Amériques, qui a tout l'air de remâché. C'est toujours la même rengaine. J'ai passé beaucoup d'années dans les pays hispanophones et j'y vais encore souvent. Je me demande en quoi consiste vraiment l'accord de libre-échange des Amériques. Je repense à 1961, où il y a eu l'Alliance pour le progrès. Je me rappelle encore de ses signes de déclin. Ensuite, il y a eu l'Initiative concernant le bassin des Caraïbes, puis ceci et cela et cetera. Est-ce vraiment réel?

M. Wilson : Dans l'histoire récente de cet accord, c'est l'initiative la plus importante entreprise dans le cadre du Sommet des Amériques, ou du moins était-ce la perception à Santiago, lorsqu'elle a été lancée. C'est le type de problème qui se présente lorsqu'une chose se concrétise et qu'elle touche des intérêts.

Les coprésidents, les États-Unis et le Brésil, essaient toujours de surmonter leurs difficultés ou pour être plus franc, leurs visions divergentes de ce que la zone de libre-échange des Amériques devrait être.

Nous sommes loin du modèle d'intégration économique hautement ambitieux dont l'objectif sous-jacent était, par-dessus tout, la stabilité politique, le renforcement de la démocratie et la création de solutions de rechange économiques viables au commerce de la drogue, par exemple. Ce modèle a été repoussé, non pas par les États-Unis ou le Canada tant que par le Brésil et quelques autres pays.

Il ne me revient pas de juger s'ils ont eu raison de deviner qu'ils n'obtiendraient jamais les concessions qu'ils voulaient des États-Unis et du Canada dans des secteurs comme le sucre ou la volaille, ce qui aurait justifié l'exercice à leurs yeux. Tant que nous n'aurons pas surmonté cet obstacle, le processus continuera de stagner.

À ce stade-ci, cependant, le programme de développement de Doha pourrait en fait faire débloquer les choses. S'il relance les discussions et permet aux gouvernements de toutes les parties des Amériques de trouver l'appui politique nécessaire pour prendre le risque calculé d'un engagement envers la libéralisation du commerce plutôt qu'une libéralisation unilatérale du commerce, alors je ne serais pas surpris que le processus de la ZLÉA meure de sa belle mort.

À certains égards, cette idée est sur la table depuis tellement longtemps que le vrai monde a évolué et qu'il n'attend plus. Les investissements vont bon train, le commerce va bon train et il y a déjà des échanges de personnes. Je suppose que nous pourrions en arriver à tous déclarer que nous avons réussi à rentrer chez-nous.

Le président : Merci beaucoup. Ce que vous venez de dire correspond à certaines de mes impressions personnelles.

Honorables sénateurs, je tiens à remercier nos témoins en votre nom. Ils nous ont présenté un exposé très intéressant. C'est notre première séance sur l'examen de la politique. Il fait très chaud dehors, donc je tiens à remercier tout le monde, y compris les sénateurs, d'être venus. Nous avons toujours un bon taux de participation au comité, et je pense qu'il faut féliciter tout le monde pour cela.

La séance est levée.


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