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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 2 - Témoignages du 17 novembre 2004


OTTAWA, le mercredi 17 novembre 2004

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été déféré le projet de loi S-10 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law se réunit aujourd'hui à 16 h 25 pour en étudier la teneur.

Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, pour l'étude du projet de loi S-10, nous avons aujourd'hui de l'Université de Calgary, Catherine A. Brown, professeure à la Faculté de droit. Nous vous souhaitons la bienvenue, madame Brown. Nous serons heureux d'entendre votre témoignage et de discuter de ce projet de loi avec vous. Mes collègues vous poseront certainement beaucoup de questions.

Mme Catherine A. Brown, professeure, Faculté de droit, Université de Calgary : Madame la présidente, lorsque j'ai reçu un appel de votre comité, je n'étais pas sûre si je pouvais être d'utilité au comité et je ai été encore moins sûre quand Mme Thomson m'a assurée que je n'étais pas votre premier choix. Cependant, je ferai certainement mon possible pour soulever les points qui, à mon avis, pourraient être utiles.

C'est suite à un appel de Sandra Hassan du ministère de la Justice que j'ai rejoint le projet de bijuridisme. À cette époque, ils étudiaient la Loi sur l'impôt sur le revenu. J'avais un peu travaillé pour le ministère des Finances et l'ARC sur des questions relatives à la Loi de l'impôt sur le revenu et particulièrement sur les questions relatives à la fiducie. On m'avait recommandée au groupe bijuridique comme étant quelqu'un qui pourrait étudier un concept très troublant de la Loi de l'impôt sur le revenu à cette époque. Ce concept était, bien sûr, la propriété bénéficiaire; la difficulté à laquelle se heurtait le groupe bijuridique portait sur la façon de traduire ce concept, qui est véritablement associé à la common law d'Angleterre, en quelque chose qui fonctionnerait aussi bien dans le droit civil.

C'était un projet que je trouvais très intéressant. J'étais plutôt sceptique au début. Je me suis dit, juste ciel, pourquoi perdons-nous autant de temps avec cette législation. Ce sera une entreprise difficile et troublant, sans avantage apparent, du moins de mon point de vue, pour les avocats de la common law. Je me suis rendue compte que je m'étais trompée. Dès que nous avons étudié la législation, nous nous sommes rendus compte combien il était très difficile dans beaucoup de cas d'appliquer le concept de la propriété bénéficiaire, même dans la common law. Nous nous sommes aussi rendus compte que nous gagnerons vraiment à examiner de près la façon dont nous utilisons certains mots et expressions dans nos lois; la plupart du temps nous ne faisons que de les lancer sans vraiment penser à leur signification. Pour vous donner un exemple très simple, et c'est un exemple que j'ai utilisé avec le groupe bijuridique : Quelle est la signification du mot amour? Je suis sûre que chacun d'entre nous a sa propre définition. Vous pouvez imaginer ce que ce serait d'essayer de trouver une définition qui fonctionnerait dans la common law, il faudrait en plus la traduire en français puis la traduire dans la terminologie française de la common law, et ainsi de suite.

L'autre chose très importante que j'ai apprise au cours de ce travail, et je n'y avais jamais pensée, c'est que nous utilisons chaque jour beaucoup de mots dont le sens, du moins dans la common law, est différent de celui utilisé dans le droit civil. Je vous donne un exemple très simple : qu'est-ce qu'un cadeau? Un autre mot très simple : qu'est-ce qu'un employé? Ces mots qui font partie du langage utilisé par un avocat de la common law ont une signification différente ou peuvent avoir une signification différente dans le cadre du droit civil. Je vous avoue que tout cela m'a donné à réfléchir.

Les mots de la Loi de l'impôt sur le revenu qui proviennent du droit civil, je n'avais aucune idée de ce qu'ils signifiaient, m'ont aussi donné à réfléchir. Bien sûr, un problème est venu me trouver là-bas en Alberta par le biais d'un mot « l'usufruit. » C'est un mot qu'il vaut mieux ne pas prononcer très vite là-bas afin de ne susciter aucune violence! Si je comprends bien, l'usufruit est la jouissance d'une propriété pendant toute une vie.

Il s'agissait d'un cas de succession d'un homme d'affaires de Louisiane qui avait aussi des propriétés de pétrole et de gaz en Alberta, et qui les avait laissées en usufruit à son épouse. Il fallait trouver le sens de ce mot dans le cadre de la Loi de l'impôt sur le revenu et dans la common law puis nous devions, bien sûr, passer au crible le droit québécois pour comprendre ce qu'il signifiait dans ce contexte. Cela a soulevé un problème, si nous utilisions ce type de terminologie, cela aura un effet dans tous les traités que nous conclurons, y compris, dans notre cas, la convention fiscale canado- américaine. On essayait de trouvait une équivalence : un usufruit par rapport à une fiducie en faveur du conjoint?

Pour résumer, il fallait traiter de certaines questions importantes pour trouver le sens de certains de ces mots très importants. J'ai passé un bon moment une fois au cours d'un vol de retour à la maison quand quelqu'un m'a demandé ce que je faisais, car j'étais en train de lire des documents sur la propriété bénéficiaire. J'ai expliqué que ce concept n'existait pas dans le droit civil. Il existe dans la common law, mais a une signification un peu vague. La dame a répondu : « Je ne voudrais certainement pas qu'on me qualifie de commune. »

En fait, nous avons une common law au Canada. Cette expression se retrouve dans les lois fédérales. Elle signifie quelque chose. À la fin de ce processus, il m'est apparu que si je travaillais dans le cadre d'une tradition juridique dans laquelle ces mots n'avaient pas de sens, j'aurais beaucoup de problèmes si je devais étudier une de ces questions. J'aimerais bien que les mots utilisés dans les lois me concernant aient une signification précise dans le système juridique en question.

J'ai passé énormément de temps à étudier le problème de la propriété bénéficiaire. Pour mieux vous expliquer ma conclusion, imaginons que nous soyons tous les bénéficiaires discrétionnaires d'une fiducie dont George Bush est le fiduciaire. Est-ce que l'un d'entre nous va être propriétaire bénéficiaire de beaucoup de biens? Cela n'a rien à faire avec M. Bush, mais puisque la fiducie est entièrement discrétionnaire, n'importe qui parmi nous peut tout prendre et disparaître. Voilà ce que l'utilisation de ce genre de langage pose comme problème. Nous ne savons plus ce qu'il signifie.

La présidente : Vous avez dit que vous êtes experte en taxation. Je voudrais vous poser une question concernant l'interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu. Dans certaines situations, les tribunaux canadiens ont eu tendance à se reporter au droit privé provincial pour interpréter la loi, alors que dans d'autres cas, des tribunaux ont séparé l'interprétation de la Loi du droit privé provincial.

Conformément aux paragraphes 8(1) et 8(2) de la Loi no 1 d'harmonisation, nous devrions nous reporter au droit privé provincial sauf indication contraire par la loi dans le processus d'interprétation. Certains universitaires pensent que quelquefois, surtout quand il s'agit de la Loi de l'impôt sur le revenu, cette approche peut créer des différences inacceptables entre les provinces. Ils recommandent, dans certains cas limités, d'apporter des modifications législatives pour restaurer l'uniformité. Quel est votre avis sur cette question? Êtes-vous d'accord?

Mme Brown : Il est vrai que des mots utilisés dans la Loi de l'impôt sur le revenu — une fois de plus, le mot « cadeau » en est un bon exemple — ont ou peuvent avoir un sens différent dans le droit civil et dans la common law. Il me semble que si nous utilisons des termes dans les lois, ils doivent être définis, et ils peuvent être facilement définis dans le contexte de la loi ou s'ils ne le sont pas, que ce soit le droit privé de la province qui s'applique.

Il est vrai, du moins selon mon expérience limitée, que cette situation peu éventuellement menée à des résultats différents, plus dans la province du Québec que dans les autres provinces. En conséquence, on a adopté une position de repli qui consiste à penser que puisque cela peut donner un résultat différent, nous utiliserons la common law, car après tout c'est ce que nous avions à l'esprit quand nous avons rédigé le projet de loi. Cela veut dire que vous appliquez des concepts du droit privé provenant des provinces utilisant la common law pour un résultat qui pourrait se produire au Québec.

Est-ce que je pense que ce résultat est correct? Il semble certainement pratique. Il faudra quand même définir ces termes dans la Loi de l'impôt sur le revenu et je ne pense pas que ce soit une tâche difficile. Je crois que nous devrions simplement dire ce que nous voulons signifier.

Le sénateur Joyal : Je suis impressionné par votre carrière en tant que professeur de droit et par la liste de publications que vous avez écrit ou coécrit. Je pense spécialement au chapitre « Taxation of the Family » dans Canadian taxation que vous avez signé avec Faye Woodman et au chapitre « Tax Planned perks for Executive Women : A New look at Compensation and Day Care, » publié dans Women, The Law and The Economy en 1985. Il semble que vous avez axé une partie de votre expertise sur l'analyse du « statut » des femmes par rapport à la taxation ou aux questions fiscales et sur la divergence qui pourrait apparaître entre ce que j'appelle la tradition de la common law dans les provinces et le droit civil.

Ma question est très vaste et mériterait une thèse dont vous serez l'auteure ou la coauteure. Y a-t-il des différences importantes dans l'implication du statut des femmes par rapport à la taxation, à leurs droits et au droit civil comparativement à la common law? Je sais très bien que certains de ces livres ont été publiés avant le nouveau Code civil et vous vous souvenez qu'avant 1994 la femme n'était pas considérée l'égale de l'homme dans le Code civil, surtout si elle était mariée, elle était sous la tutelle de son époux et était « incapable », comme nous le disions, de gérer ses propres affaires. Avez-vous pu revoir cet aspect et pouvez-nous partager votre point de vue?

Mme Brown : Le travail que vous mentionnez date du début des années 80. Il ne visait pas à étudier les différences entre les deux systèmes juridiques. Je dirais qu'il y a eu des résultats très différents au niveau de l'effondrement des mariages au Québec par rapport au reste du Canada. Beaucoup de femmes canadiennes ont consacré une partie considérable de leur temps à soulever ce type de questions et, en particulier, les questions relatives aux femmes. On m'a reproché de ne pas avoir consacré plus de temps sur ce genre de questions.

Le travail auquel vous faites allusion, la grande partie de ce travail fait au début de ma carrière est beaucoup plus descriptif, si je puis m'exprimer ainsi, que des analyses politiques, à l'exception de ce que j'ai écrit sur la famille en tant qu'unité d'imposition. C'était une analyse intéressante, car il y avait certaines questions importantes posées au États- Unis sur ce qui était mieux ou pire pour les familles. Toutefois, je n'ai pas analysé cette question pour comparer le droit civil et la common law.

Le sénateur Joyal : Vous n'êtes pas en position de nous suggérer si, dans toute la recherche que le ministère vous a demandée, il prépare la troisième phase — car, comme vous le savez, nous en sommes au second projet de loi d'harmonisation — qu'il devrait traiter cette question en priorité? Pensez-vous qu'il y ait suffisamment de différences ou suffisamment de zones grises pour qu'elle soit traitée en priorité?

Mme Brown : Je ne suis pas sûre de ce qu'est la proposition dans la troisième phase des changements que vous avez vus, je me sens assez mal à l'aise pour faire des commentaires à ce sujet, car je ne me suis pas penchée du tout sur les différences qui pourraient se produire au Québec, à l'exception des problèmes liés à l'effondrement des mariages et, sur ce point, les différences sont considérables.

Le sénateur Joyal : Au sujet de l'effondrement des mariages pouvez-vous expliquer rapidement où vous voyez des différences majeures entre la common law et le droit civil, autant que vous vous en souvenez?

Mme Brown : Je ne me sens pas à l'aise pour répondre à cette question, si vous n'y voyez pas d'inconvénient. Je n'ai pas suffisamment d'informations. Je suis désolée, je n'essaie pas de ne pas répondre à votre question. J'ai simplement le sentiment que je n'ai pas suffisamment d'informations pour en parler.

Le sénateur Joyal : Savez-vous si l'un de vos collègues dans le droit canadien a étudié cette question qui demeure importante pour nous?

Mme Brown : Voulez-vous dire la façon dont la loi fiscale peut avoir un effet différent sur les femmes du Québec?

Le sénateur Joyal : Oui.

Mme Brown : Je ne connais personne qui étudie cette question en particulier. Je sais qu'à un certain moment, le professeur Lahey de l'Université Queen's travaillait, il y a longtemps, sur le traitement fiscal des femmes au Canada en général. Je crois que quelqu'un faisait aussi ce genre de travail à l'UBC. Je crois qu'elle a fait de la rédaction pendant quelque temps pour le ministère des Finances. Son nom me reviendra dans quelques minutes. Ce sont les deux femmes qui, à ma connaissance, ont œuvré dans ce domaine.

Pour ce qui est du travail fait récemment, je ne connais personne qui en fait sur les femmes et la taxation.

Le sénateur Joyal : Avez-vous collaboré avec le ministère de la Justice sur d'autres questions se rapportant au projet de bijuridisme, excepté celui dont vous avez parlé?

Mme Brown : Il y avait deux projets avec le ministère de la Justice. La question de la propriété bénéficiaire dans le contexte familial. J'ai aussi fait partie d'un panneau d'une demi-douzaine de personnes qui assistaient à des tables rondes sur le concept de la propriété bénéficiaire dans les conventions fiscales qui causait certains problèmes. Cela cause des problèmes au niveau mondial. En février 2003, il y a eu un forum d'un jour à Toronto réunissant des professeurs et des fiscalistes.

Le sénateur Joyal : En vous basant sur votre expérience, y a-t-il d'autres aspects du statut juridique des femmes qui devraient être traités en priorité? Je fais référence aux questions qui semblent revenir ou aux questions qui ont été soulevées pour éclaircir le concept et pour s'assurer que la loi soit perçue comme étant égale pour tous.

Mme Brown : Parlez-vous de celles qui font partie du projet de bijuridisme?

Le sénateur Joyal : Oui.

Mme Brown : Je n'ai aucune information qui me permette d'en parler. Dans l'Ouest, les femmes s'inquiètent beaucoup de savoir si elles portent les bonnes bottes de cowboys. J'ai bien peur qu'elles ne soient pas aussi préoccupées qu'elles devraient l'être de la situation dans l'est du Canada, du moins pas sur cette question.

Je plaisantais au sujet des bottes de cowboys.

Le sénateur Milne : Madame Brown, je suis curieux de savoir pourquoi vous êtes ici. Vous ne nous avez rien dit au sujet du projet de loi qui est présenté devant nous même si vous nous avez raconté des histoires très intéressantes.

Pourquoi ne pas nous dire comment vous traduisez ou définissez des mots comme « propriété bénéficiaire » et des mots qui posent problème comme « don » et « employé »? Nous avons besoin de quelque chose de précis pour ce projet de loi particulier que nous examinons.

Mme Brown : Je comprends. On m'a invitée à comparaître devant le comité. J'ai examiné le projet de loi. À mon humble avis, je ne pense pas qu'il y ait quoi que ce soit de controversé dans ce dernier, parce que les mots traduits ne semblent que des termes techniques. Le projet particulier sur lequel je travaillais se retrouve dans la prochaine phase. Il est beaucoup plus controversé que celui-ci

Je me suis présentée en vous disant comment j'ai été amenée à participer à ce projet. Il s'agit d'un projet très important, à la fois pour la tradition du droit civil et celle de la common law. J'aimerais pouvoir dire que nous avons trouvé des réponses. J'ai certainement participé à des exercices de rédaction qui visaient à trouver des réponses, mais il est difficile de trouver la bonne terminologie. Le projet avance.

Le sénateur Milne : Un pas en avant et trois en arrière, vous venez juste de me dire.

Mme Brown : Je ne pense pas que ce soit vrai. Les changements terminologiques proposés dans ce projet de loi sont simples et directs. Je pense que ces termes ont une signification tant dans la common law que dans le droit civil. J'ai vu une partie de la terminologie utilisée dans la Loi de l'impôt sur le revenu et cela ne pose pas de problème ni à un avocat de la common law ni à un avocat du droit civil.

Pour vous donner un exemple, il y a des termes comme « fiduciaire » et « exécuteur testamentaire ». Nous savons de quoi il s'agit. Mais tout à coup, apparaît quelque chose qu'on appelle « liquidateur de succession ». Je ne sais pas ce qu'est un liquidateur de succession. Je suis certaine que cela signifie quelque chose comme un fiduciaire ou un exécuteur testamentaire dans la tradition de la common law. Lorsque des mots de ce genre se retrouvent dans la législation, ils deviennent très peu dérangeants pour un avocat qui travaille avec les langues. Certains termes sont beaucoup plus faciles à traduire que d'autres.

Pour moi, il s'agit d'un projet de loi technique, très simple. Il ne change pas l'intention du Parlement ni la signification qu'il a voulu donner. Que je sache, il clarifie le langage.

Le sénateur Milne : C'est ce que nous avions besoin d'entendre.

Le sénateur Mercer : Madame Brown, merci d'avoir accepté de comparaître devant le comité; je vous demande d'excuser mon retard.

Un de mes domaines d'expertise est la philanthropie et les dons. Je suis préoccupé du fait que lorsque nous examinons le droit civil et la common law, ils sont traités de la même manière. Voyez-vous des différences quelconques ici? Voyez-vous des différences au sujet desquelles nous devrions être inquiets, en raison des nuances que l'on observe aujourd'hui dans la communauté philanthropique? Un de mes objectifs de vie en tant que sénateur est de continuer à exercer des pressions sur le gouvernement pour qu'il élimine l'impôt sur les gains en capital de 50 p. 100 qui reste sur les dons sous forme de rentes ou de biens réels. Voyez-vous des problèmes quelconques ici?

Mme Brown : Il y a eu dans le passé des abus importants touchant les dispositions de l'impôt sur le revenu régissant les dons de bienfaisance. Vous serez très heureux de savoir que plus tôt cette année, une bonne partie de la législation et de la terminologie a fait l'objet d'un nettoyage. On a défini ce qu'était un don et pris des mesures importantes pour prévenir d'autres abus des dispositions régissant les dons. Je crois savoir que de nombreux changements dans la nouvelle terminologie aboutiront au même traitement des dons et à la même compréhension de ce qu'est un don, peu importe quelle tradition juridique est appliquée.

Le sénateur Mercer : Mon autre préoccupation ne concerne pas ce projet de loi. Peut-être puis-je attirer votre attention sur un projet de loi, et son règlement, qui viennent juste d'être présentés à l'autre endroit concernant les organismes à but non lucratif. J'ignore quand ce projet de loi arrivera au Sénat. J'espère que lorsqu'il arrivera, vous, ou quelqu'un d'autre de la communauté juridique, viendrez nous en parler.

J'attire votre attention sur le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce qui est en train de réaliser une étude sur les œuvres de bienfaisance. Je suis très préoccupé que nous, du Sénat, ou nos collègues de la Chambre des communes, nous pencherons sur ceux d'entre nous qui oeuvrent dans le domaine des œuvres de bienfaisance. Bien que bon nombre d'entre nous autour de cette table ne soyons pas des professionnels dans ce domaine, la plupart d'entre nous avons été bénévoles pour rassembler des fonds pour des organismes de bienfaisance. Nous pourrions nous mettre dans une situation dans laquelle nous serions enfermés. Je vous recommande cette question pour vos études futures.

Mme Brown : Évidemment, il y a des questions de responsabilité importantes pour les bénévoles. Naturellement, cela serait une préoccupation.

Le sénateur Cools : Ma question ne porte pas sur quelque chose d'astronomique. Elle porte davantage sur la question de la rédaction. J'examine le projet de loi et je constate que presque chacune des dispositions est une disposition nouvelle qui est ajoutée, plutôt qu'une disposition antérieure dans ce projet.

Par exemple, si on regarde à la page 1 du projet de loi, la disposition 2, à la Partie 1 :

Le paragraphe 13(2) de la Loi sur la généalogie des animaux est remplacé par ce qui suit :

Est-ce la façon normale de rédiger ou disons-nous habituellement que quelque chose est abrogé et qu'il est remplacé par autre chose? Le même libellé se retrouve dans le cas des dispositions 3 et 4. Je suppose qu'on l'utilise dans l'ensemble du projet de loi.

Par exemple, dans le cas de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité, on peut lire dans le paragraphe 7(3) :

La définition de « sheriff », à l'article 2 de la version anglais de la même loi, est abrogée.

L'observation peut être importante, ou non, mais je suis curieuse, madame la présidente.

La présidente : Je ne suis pas en mesure de répondre à cette question.

Le sénateur Cools : Est-ce que « remplace » signifie « abrogé »? J'avais l'impression que vous deviez abroger quelque chose avant de faire une nouvelle proposition.

La présidente : Sénateur Cools, les fonctionnaires du ministère de la Justice seront ici demain. Peut-être pourriez- vous leur poser cette question.

Le sénateur Cools : Je remercie le témoin d'être venue, mais bon nombre d'entre nous qui n'avons pas d'expérience en matière de droit civil sommes dans une situation très désavantageuse parce qu'on nous demande de croire que c'est le mieux que l'on puisse faire. Le sénateur Joyal a une très grande connaissance du droit civil du Québec, mais je me sens toujours dans une position extrêmement difficile lorsque je dois me fier à la seule confiance dans ce genre de question.

Avez-vous des observations à cet égard? Les seules personnes à connaître le droit civil sont les avocats du droit civil du Québec. Il s'agit de quelque chose de volumineux et j'aimerais que ce genre d'initiative soit précédée d'une étude à laquelle bon nombre d'entre nous peuvent participer.

J'ai fait beaucoup de travail récemment sur la nouvelle loi sur la sécurité publique et la protection civile. Je pense que chaque fois qu'un changement majeur dans l'appareil gouvernemental ou un changement majeur dans le gouvernement ou dans la loi a lieu, ce changement devrait toujours être précédé par des études très approfondies et tangibles auxquelles nous pouvons nous référer, plutôt que de voir le ministère venir simplement nous dire qu'il a travaillé sur la question pendant des années. Il ne s'agit pas d'une matière que mon esprit peut comprendre parfaitement parce que je ne connais pas le droit civil, la terminologie, les principes ou la méthodologie employés.

Pouvez-vous nous donner des conseils? Vous ne prenez pas part à ce projet, mais vous dites que vous participez au prochain. Je n'aime pas l'admettre, mais bon nombre d'entre nous autour de cette table votons pas mal à l'aveuglette et je me sens toujours très mal à l'aise dans ce genre de situation.

Mme Brown : Je comprends cela. Avez-vous un exemplaire du sommaire législatif?

Le sénateur Cools : Je dois l'avoir, mais cela ne m'aide pas beaucoup.

Mme Brown : Il y a des pages à la fin qui parlent des mots qui ont été ajoutés. Par exemple, le mot « forthwith » est remplacé par « without due delay ». Les mots « pecuniary or proprietary interest » sont remplacés par « pecuniary or other interest ».

Le sénateur Cools : C'est toujours le même problème. Quelqu'un me dit.

La présidente : Peut-être que notre attaché de recherche peut vous aider, sénateur Cools.

Le sénateur Cools : Je ne suis pas de celles qui veulent que le personnel prenne la parole au cours des réunions.

La présidente : Je suis en faveur que le personnel prenne la parole si c'est pour vous aider.

M. Wade Raaflaub, attaché de recherche, Bibliothèque du Parlement : En réponse à votre question initiale, je crois savoir qu'il s'agit d'une technique de rédaction très courante d'utiliser simplement le mot « remplace » et cela a pour effet d'abroger ce qui existait à l'origine et de le remplacer par la nouvelle version de la subdivision ou du paragraphe.

Le sénateur Cools : S'agit-il d'une vieille tradition?

M. Raaflaub : Je ne suis pas certain si c'est quelque de très récent ou non.

Le sénateur Cools : On me dit souvent que les traditions sont vieilles de deux ans.

Je suis très curieuse. Peut-être que les gens en mesure de répondre correctement à ces questions sont les responsables du ministère.

La présidente : Ils seront ici demain.

Le sénateur Cools : Ou peut-être le ministre. Je suis peut-être totalement dans l'erreur, mais j'ai toujours eu l'impression que vous deviez abroger d'abord et faire votre nouvelle proposition ensuite.

Nous avons étudié un projet de loi comme celui-là auparavant et j'avais le même problème à ce moment-là. Je suis un peu réticente, assez souvent, parce que je me sens si inexpérimentée. Je ne me sens pas inexpérimentée dans la common law. Je comprends les notions de la common law parce que j'ai été élevée avec ces notions. Cependant, je sens que je dois être extrêmement prudente, et très souvent réticente, parce que quelqu'un pense que c'est une bonne chose d'harmoniser. Personne n'a rien à redire là-dessus. Cependant, je suis ici depuis longtemps et j'ai vu beaucoup de choses défiler devant nous dans les projets de loi avec lesquelles j'étais en désaccord. Je n'accepte pas l'idée du « faites- nous confiance ». Peut-être l'aurais-je fait lorsque j'étais plus jeune.

Mme Brown : La question est de savoir si les mots signifient réellement la même chose?

Le sénateur Cools : Oui. Le ministère le dit et le sommaire reflète la même idée, alors c'est comme si on se parlait à soi-même. Peut-être qu'il n'y a pas de solutions, mais j'ai le sentiment d'être dans l'obscurité.

Mme Brown : Je peux vous en dire un peu sur le processus auquel j'ai participé, si cela peut vous être utile. Ils ont fait examiner certaines notions que j'étais en train d'étudier à des avocats spécialisés dans le droit des biens. Ils ont fait examiner les concepts par des avocats spécialisés dans le droit des biens de la common law. J'ai essayé de décrire ce que nous pensions que nous voulions dire dans la législation, en utilisant la terminologie de la common law et nous avons essayé d'apparier cela avec les notions du droit des biens au Québec. Dans notre exercice, nous avons essayé très fort. Nous travaillons dans ce processus depuis maintenant quelques années et je pense qu'il est raisonnable de dire que nous ne sommes pas encore arrivés à une terminologie qui marche. Je crois qu'il est raisonnable que nous n'y soyons pas parvenus, même si je pense que nous avons fait un très bel effort. Il faut plus de travail.

Certains termes semblent correspondre très bien. « Hypothèque » et « morgage » semblent être la même chose. Le mot « agent » est ici et je vois qu'ils ont utilisé le mot « mandataire ». J'ai demandé que signifie ce concept et, en réalité, il s'agit uniquement d'un type d'agence.

Certains de ces concepts sont très transparents, alors que d'autres sont très difficiles. J'espère que nous trouverons une solution à un moment donné, mais parce qu'une si grande partie de la common law anglaise est tirée de la tradition que nous appelons « equity » provenant des anciennes cours de la chancellerie et qu'elles est mélangée au droit canon, il devient très difficile de faire correspondre certains de ces concepts avec la tradition du droit civil.

Le sénateur Cools : Je suis heureuse que vous compreniez, parce qu'il n'est même pas connu de manière répandue, particulièrement lorsque vous touchez à certains concepts de la common law, que vous deviez regarder du côté du droit canon. Après l'élimination des cours de chancellerie au Canada, dans les années 1870, je pense, nous avons tenu beaucoup de choses pour acquises. Nous en sommes arrivés à une situation où de nombreux avocats et juges n'ont plus de formation en equity. Je suis heureuse que vous ayez parlé de cela.

Je dis cela aux fins du compte rendu pour expliquer que, pour moi, en raison de mes antécédents britanniques, une grande partie de tout cela m'est très étranger. Peut-être que personne d'autre ne ressent un sentiment d'anxiété du fait qu'il ne sait pas vraiment sur quoi il travaille, mais j'ai un sentiment très net d'anxiété lorsque je donne mon accord à des choses sur la foi de la bonne volonté, mais certainement pas de la connaissance ou de la sagesse, et il y a une différence entre les deux.

Mme Brown : Je ne suis certainement pas sûre de ce que le mot usufruit signifie.

Le sénateur Mercer : Ce que je vais dire pourrait se rattacher à ce que disait le sénateur Cools. Nous participons à un processus très théorique. Ce n'est pas quelque chose que nous avons l'habitude de faire à cause de la nature du mélange des deux types de droit, la common law et le droit civil. Je pense que vous sentez qu'il y a un peu de réticence de la part de certains d'entre nous, surtout ceux qui n'ont pas de formation en droit, ce dont je suis fier. Il s'agit d'un processus théorique et nous avons de la difficulté à bien saisir la question.

Il y a également le fait que, comme d'autres, lorsque nous voyons des mots dans une langue dans laquelle nous ne sommes pas habitués de travailler et qui ont l'air différents dans l'autre langue, cela jette de la confusion. Je ne sais pas si j'ai une question. Je commente la frustration que nous éprouvons. Vos observations ont été utiles et nous vous en sommes reconnaissants. Vous avez dit certaines choses que nous voulons dire, mais avec une connotation juridique, ce qui est utile.

Le sénateur Milne : J'ai un commentaire très court. Je suis d'accord avec le sénateur Cools. Le comité souffre de l'absence du sénateur Beaudoin, qui a été vice-président de ce comité pendant tellement d'années; il était celui qui décelait ces différences et qui aidait tout le monde à les comprendre.

La présidente : Nous avons des gens cultivés qui peuvent aider.

Le sénateur Cools : Pouvez-vous nous en dire davantage sur la prochaine phase à laquelle vous participez, non pas tant pour divulguer des choses que vous ne devriez pas, mais pourriez-vous nous dire, au niveau conceptuel, les problèmes que vous essayez de résoudre?

Mme Brown : Mon problème spécifique était de regarder la traduction de la Loi sur l'impôt ainsi que la législation sur le droit des sociétés et d'autres types de législation. Dans le cas de la législation fédérale que j'examinais, j'ai commencé avec l'impôt, parce que c'est là que se trouvait le problème le plus évident. Je pense que c'est la faute de gens comme vous, pour dire la vérité, parce que les politiciens doivent créer des fonds fiduciaires sans droit de regard pour y placer leur propriété. Ils sont arrivés avec une loi vers l'an 2000 pour dire qu'il n'y aurait pas de disposition lorsque vous placez votre propriété dans des fonds fiduciaires sans droit de regard tant et aussi longtemps qu'il n'y avait pas de changement dans la propriété bénéficiaire. Que veut dire propriété bénéficiaire et que faites-vous si vous êtes un politicien au Québec? Comment pouvez-vous placer votre propriété dans ce type de fiducie sans qu'il y ait un changement de propriété bénéficiaire? Nous avons commencé avec certains de ces concepts dans Loi de l'impôt sur le revenu. On retrouve cela partout également dans la législation sur le droit des sociétés. Qui est bénéficiairement propriétaire des actions? Qui a droit de vote pour les actions? Il y a plein de questions de ce genre.

La première partie du projet auquel j'ai participé était : « Kathy, vous êtes une avocate de la common law; pouvez- vous s'il vous plaît nous expliquer ce que cela signifie dans la tradition de la common law? » Cela est devenu un projet difficile et je peux dire que cela est devenu un projet difficile parce que si vous avez un courtier qui détient des actions pour vous, vous savez que vous êtes le propriétaire bénéficiaire. Je reviens à mon exemple précédent, si le président Bush mettait sur pied une fiducie discrétionnaire pour nous tous, qui est le propriétaire bénéficiaire de cette propriété? Tous nous le sommes et chacun d'entre nous l'est. Cela devient une question difficile à répondre. Voilà le genre de questions auxquelles j'étais confrontée dans la législation sur l'impôt.

Une fois que nous avons identifié les problèmes, nous avons dit : « D'accord, y a-t-il une manière de décrire cela dans des termes autres que les anciens équivalents de la common law? Pouvons-nous utiliser des termes qui ont le même sens? » J'ai travaillé beaucoup avec des avocats du droit civil. Nous avons identifié là où se trouvent les problèmes. Nous avons eu de la difficulté avec la terminologie. Je ne travaillais qu'en anglais, car mon français n'est pas assez bon pour travailler en français, et j'essayais d'en arriver à des formulations qui seraient adéquates pour un avocat de la common law — je suis apparemment un expert en loi régissant les fiducies — mais qui respecterait également la tradition du droit civil. Il est devenu de plus en plus difficile, car nous avions tendance à utiliser les termes que nous sommes habitués d'utiliser, comme « beneficial owner » et « beneficial enjoyment ». Ce sont des termes que nous connaissons et qui ont un sens pour nous.

Le sénateur Cools : Dans ce cas, comment en arrivez-vous à établir la terminologie? Une langue est quelque chose de très culturel. Dans quelle mesure êtes-vous certain que le texte communique ce que la loi doit communiquer? Depuis plusieurs années, et cela couvre différents sujets, on a beaucoup parlé du langage simple, et du langage simple en matière de loi. Beaucoup de choses ont été écrites dans le domaine juridique en voulant respecter le principe du langage simple, et bien des choses ont été perdues. J'admire le fait que vous vous débattez avec ce dossier énorme, et je respecte cela, mais lorsque vous essayez d'introduire un nouveau langage, quelle certitude avez-vous que ce langage signifie la même chose, et qu'il sera utilisé dans la législation de la manière dont vous voulez? S'il y a quelque chose que l'on connaît au sujet de la loi et de l'élaboration des législations, c'est que les choses changent de côté très rapidement.

Mme Brown : Le domaine dans lequel je travaille dans le cadre du projet, puisque vous désirez savoir quel est le procédé, est très difficile et très controversé. La majorité des termes utilisés dans le projet de loi que vous avez en main ne sont pas controversés. Par exemple, lorsque l'on dit de remplacer « forthwith » avec un terme qui signifie « without delay », le sens est très clair, et il ne s'agit que d'éliminer certains termes archaïques et de les remplacer par des termes plus clairs.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il y aura des changements terminologiques difficiles, dans le cours des choses. Le processus sera très long. Mais je ne vois pas cela dans ce projet de loi. J'espérais qu'il en serait ainsi avec le dossier sur lequel j'ai travaillé, mais ce n'est pas le cas.

Le sénateur Cools : Dites-vous que celui-ci est plus direct?

Mme Brown : Oui, très direct. Cependant, vous avez posé une question au sujet du processus, et je peux vous expliquer ce qu'il en est. Dans le cadre du processus, nous avons engagé des avocats du droit civil de la common law, il y a eu échange de dossiers et il y a eu des universitaires, qui avaient probablement trop de temps pour penser à ces choses, et nous avons beaucoup discuté de l'utilisation de la terminologie, et cetera. J'étais sceptique au début du projet, mais je crois que le tout s'est très bien déroulé.

Le sénateur Cools : C'est encourageant. Merci.

Le sénateur Pearson : Mes commentaires ne sont pas tout à fait liés au projet de loi, car je me fie sur ce que vous dites sur ce que vous dites, que ce n'est pas très compliqué. C'est intéressant, car nous avons parlé de l'harmonisation de deux traditions, mais nous parlons également de l'harmonisation de deux langues. Je ne sais pas si vous avez de l'expérience dans ce domaine, mais en Alberta, d'où vous venez, est-ce que l'on plaide en français? Y a-t-il une pratique de la common law en français en Alberta?

Mme Brown : À vrai dire, je ne crois pas qu'il y en ait beaucoup, mais quiconque veut le faire en français a le droit de le faire. Il y a eu un certain débat l'année dernière, car une personne voulait absolument que son procès se déroule en français. Un certain nombre de mes collègues de l'école de droit ont été nommés à la barre.

Le sénateur Pearson : Au Manitoba, je suppose qu'il y en a beaucoup, et on pourrait obtenir de l'information à ce sujet en vue de l'harmonisation. Le sénateur Cools a dit que la langue est un fait culturel. Le sénateur Watt a participé aux négociations dans le nord du Québec, et il a parlé de certains défis liés aux concepts des deux traditions, et les concepts de la tradition inuite, par rapport à l'harmonisation. Je trouve qu'il s'agit d'un procédé intéressant. C'est très technique, mais enrichissant.

Mme Brown : J'ai également trouvé enrichissant de comprendre ce que la loi entend faire dans le cadre de la common law en anglais.

Le sénateur Cools : C'est un sujet délicat.

Le sénateur Pearson : Pour continuer brièvement, je trouve que vous avez été assez surpris par l'ampleur du défi lorsque vous avez commencé à y travailler, et que vous n'avez pas pensé beaucoup avant de commencer. Y a-t-il, dans les lois comme telles, une certaine évolution au sujet de la pensée conceptuelle?

Mme Brown : Je crois.

Le sénateur Pearson : Je me demande si vous pouvez nous dire de quel type d'évolution s'agit-il?

Mme Brown : Je travaille dans un domaine vaste, si vous payez de l'impôt, mais une petite partie des changements législatifs ont été proposés. Dans le cadre de ce processus, j'ai été en contact avec des personnes du ministère des Finances et de l'Agence du revenu du Canada, et j'explore certaines de ces questions avec ces personnes. Lors des dernières modifications, au sujet des fiducies, j'ai fait certains travaux qui ont mené à des modifications de la législation. Il y a eu d'autres modifications le 16 septembre. J'ai envoyé un courriel à ce sujet à l'Agence du revenu du Canada — j'étais supposée la rencontrer, mais Westjet m'a gardée à Toronto — alors c'est encore à l'étape du projet de loi.

Il y a eu une évolution et une concrétisation, si je peux m'exprimer ainsi, des concepts entourant l'utilisation de la terminologie dans la législation fédérale, mais je crois que c'est le processus bijuridique qui a réellement porté fruit. Certaines personnes se sont interrogées : qu'est-ce que cela signifie vraiment, les termes utilisés dans notre législation? Dans quel but, quelle était l'intention? Je crois qu'il y a un laisser-aller en matière de langue.

Le sénateur Pearson : Ah oui. Il serait intéressant de voir la différence avec ce qui se passe aux États-Unis, où il n'y a pas de tradition bijuridique, à savoir si cela nous aiderait à établir une loi plus moderne, ou pas. Je me pose simplement la question. Vous n'avez pas besoin d'y répondre.

Le sénateur Joyal : C'est le code civil.

Mme Brown : Je crois que c'est le code civil. La Louisiane a cela.

Le sénateur Cools : Ils ont encore un code civil au moins en Louisiane.

Mme Brown : Certaines lois sur la propriété dans certains États — la Californie, par exemple, appartenait à l'origine par l'Espagne, et possède encore un régime législatif sur la propriété similaire à celui du Québec.

Le sénateur Joyal : Pour faire suite à la question que vous a posée le sénateur Cools au sujet de l'incertitude ou de l'insécurité, que certains des sénateurs ont peut-être étant donné qu'ils s'aventurent dans un territoire inconnu, selon votre point de vue professionnel, du procédé suivi par le ministère de la Justice, pour en venir à une conclusion au sujet de la définition ou de l'harmonisation de la terminologie, qui contient des garanties que nous pouvons avoir confiance dans le résultat?

Mme Brown : Je peux uniquement vous parler du processus avec lequel j'ai travaillé. Je n'en suis pas arrivée à une conclusion encore, mais je crois que le processus d'enquête était très clair. Tous les efforts ont été faits pour trouver des universitaires de tous les coins du pays ayant de l'expertise dans le domaine de travail du projet. Je crois qu'ils ont consulté le ministère des Finances et l'Agence du revenu pour trouver des personnes qui travaillaient dans le domaine, et je crois qu'ils ont constitué les meilleures équipes possibles. Je ne parle pas de moi, bien sûr, car ce sont eux qui m'ont choisie, mais j'étais impressionnée par le processus.

Je ne peux parler au sujet de ce projet de loi, mais je peux certainement parler des documents qui l'ont précédé, les documents de recherche, qui sont affichés sur le site Web et qui peuvent être lus par quiconque désire savoir comment le processus s'est déroulé. Je suis venu à Ottawa un certain nombre de fois et j'ai rencontré ce groupe, et nous avons tenu un certain nombre de téléconférences. Tout le processus ne s'est pas fait dans le cadre d'un calendrier, mais plutôt pour essayer de trouver une signification commune au terme. J'ai trouvé qu'il s'agissait d'un processus très coopératif, et davantage de recherche.

Le sénateur Joyal : Ce n'est pas vrai que si, à la fin de l'ensemble du processus, il y a encore des parties qui ne sont pas certaines de la conclusion, qu'ils ne vont pas aller de l'avant et qu'ils vont laisser la question maturer avant de prendre une décision, au lieu de risquer d'en arriver avec une définition qui pourrait être trop difficile à interpréter.

Mme Brown : Je ne peux que parler de la partie du processus dans laquelle j'étais impliquée. Je me suis battue pour trouver une manière d'utiliser des termes qui pourraient fonctionner pour un avocat de la common law. Je suppose qu'étant donné que nous sommes encore bloqués, et que personne n'a dit que les modifications de terminologie que j'ai trouvées ne peuvent être comprises par les avocats de droit civil. Je suppose qu'il faudra du temps avant d'en arriver à une entente. Il est possible que nous ne parvenions pas à trouver une terminologie neutre pour résoudre le problème. Il est possible que nous devions avoir recours aux définitions dans la législation comme telle afin de trouver une solution.

Le sénateur Joyal : Vous comprenez le point soulevé par le sénateur Cools. En tant qu'avocat, je me préoccupe beaucoup d'être certain que je peux me fier à un texte que je lis, et que je suis appelé à interpréter pour l'avantage des clients, et pour le bien de la loi, et si le ministère de la Justice conclut que sur certains points, ils n'ont pas tout à fait résolu la question, j'aimerais qu'ils ne se dépêchent pas à résoudre la chose pour simplement nettoyer la loi. S'ils font ça, il y aurait certains articles ou certains concepts qui seraient mis de côté, au lieu d'être intégrés à la législation. Je crois que cela dépend beaucoup du ministère, d'après ce que j'ai entendu d'eux, et nous entendrons leurs témoignages demain, et cela nous aidera peut-être à nous rassurer; ils vont peut-être nous dire qu'ils vont mettre le projet en attente si d'autres travaux sont nécessaires, s'il faut apporter plus de détails à un concept.

Mme Brown : D'après moi, l'objectif est d'en arriver au même résultat si une loi fédérale est appliquée, d'avoir un résultat uniforme, ou de l'avoir dans toutes les provinces. Les personnes qui tiennent le plus à cet objectif sont les personnes de la tradition du droit civil, alors je crois que pour y arriver, il faut être aussi strict que possible. Personne n'a avantage à ce que des documents en français qui représentent la tradition de droit civil, ou même des documents traduits vers l'anglais pour représenter la tradition de la common law, en français, si les textes ne sont pas aussi précis et clairs que possible. Je crois que cela est l'objectif de cette législation.

Le président : Merci, madame Brown.

Le sénateur Eyton : J'aimerais poser une question. Elle est peut-être un peu naïve, et je m'excuse de mon retard.

Selon vous, le projet de loi que nous avons ici, cette loi, est-il nécessaire ou utile? Je fais référence au fait qu'il y a quelques années, j'ai pratiqué à titre d'avocat commercial. J'ai travaillé à Toronto, mais j'ai passé beaucoup de temps à Montréal, car à cette époque, c'était le centre financier du pays. J'ai aidé des personnes à acheter et à vendre des entreprises, et à financer, à gérer et à traiter toute la question des accords qui devaient s'appliquer aux sociétés et aux entreprises nationales, parfois internationales.

C'était normal de devoir prendre certaines dispositions pour ajuster l'application de ces accords au Québec, ou pour les appliquer à l'extérieur du Québec. Nous faisions cela tout naturellement. Dans ce contexte, vous examinez les lois, vous rédigez des textes, des ébauches, et vous supposez que vous avez pris en considération les différences et vous faites les modifications selon les circonstances particulières. Cela semblait travailler très bien, du moins lorsque je le faisais, et c'était il y a 15 ans.

Avec tout ceci, c'est très subtile et très difficile, mais selon vous, est-ce que ce projet de loi est nécessaire et est-il utile dans les activités concrètes des Canadiens?

Mme Brown : Je vais en revenir à ce que vous avez dit au sujet de vos activités à Toronto. Je suppose que vous traitiez de contrats privés entre des parties privées?

Le sénateur Eyton : Nous utilisions différentes terminologies pour faire les ajustements afin que les choses concordent.

Mme Brown : Faisiez-vous affaires avec deux parties qui voulaient s'entendre et faire partie d'une entente commerciale?

Le sénateur Eyton : Bien, il pouvait y avoir des douzaines et des douzaines de parties.

Mme Brown : Ce que je veux dire, c'est que c'est différent dans le secteur privé, avec des parties qui font des transactions commerciales, et si l'une des parties se base sur une loi dont la terminologie ne s'applique pas à vous, ou n'a pas de signification pour vous, c'est la différence, le fait de regarder une loi et d'essayer de comprendre ce qu'elle signifie. Je ne veux pas être trop pointilleuse, mais le problème avec l'utilisation de la langue est un problème avec lequel l'OCDE se bat actuellement. C'est un combat lorsqu'il s'agit de réunir d'un seul système juridique. Ce qui se passe, c'est que vous essayez de trouver une terminologie commune qui fonctionnera. Je crois que le processus est important.

Lorsque j'ai commencé à lire certaines des dispositions sur l'impôt qu'utilisait une terminologie qui fait partie du droit civil, je dois dire que j'étais très frustrée. Je n'avais aucune idée de la signification de ces termes. J'ai été à la bibliothèque — je suis devenue membre du Barreau en 1977 et je crois que je m'y connais assez bien en matière juridique — et les termes n'avaient aucune signification pour moi. Quand je consultais une loi fédérale, je voulais que les termes aient une certaine signification pour moi, alors je crois que c'est important. Est-ce qu'on peut y arriver? Bien sûr. On y parvient depuis des siècles. Je ne sais pas si c'est ce que vous vouliez dire.

Le président : Je crois que nous devons faire très attention au processus d'harmonisation et conserver une vue d'ensemble, et ne pas voir l'arbre qui cache la forêt seulement. C'est très important, et nous aurons d'autres réponses demain à nos questions. Merci d'être venus aujourd'hui. Vous nous avez beaucoup aidé.

La séance reprendra demain à 10 h 45, et je demanderais aux membres du comité permanent si c'est possible d'être ici à 10 h 30 pour une courte réunion avant la séance.

La séance est levée.


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