Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 18 - Le onzième rapport du comité
Le lundi 18 juillet 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a l'honneur de présenter son
ONZIÈME RAPPORT
Votre Comité, auquel a été renvoyé le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel (protection des enfants et d'autres personnes vulnérables) et la Loi sur la preuve au Canada, a, conformément à l'ordre de renvoi du lundi 20 juin 2005, étudié ledit projet de loi et en fait maintenant rapport sans amendement, mais avec des observations qui sont annexées au présent rapport.
Respectueusement soumis,
La présidente,
LISE BACON
OBSERVATIONS
annexées au 11e rapport du
Comité sénatorial permanent
des affaires juridiques et constitutionnelles
La question de la protection des enfants contre la violence sexuelle et l'exploitation sexuelle préoccupe profondément le Comité depuis longtemps. Nous souscrivons donc dans l'ensemble aux objectifs et aux méthodes du projet de loi. Nous avons cependant des réserves sur certains points de détail.
Nous avons de graves réserves au sujet de l'élargissement de la définition de pornographie juvénile et de la défense reformulée. La nouvelle définition pourrait mener à une condamnation pour un délit de pornographie juvénile même s'il n'y a pas eu d'abus d'une personne réelle.
Ce qui nous inquiète aussi, c'est la défense révisée qui permettra l'art qui a un « but légitime », à la condition que les actes incriminés « ne posent pas un risque indu » pour les mineurs. Cette nouvelle défense est vague et subjective; elle suscitera des incertitudes pour les artistes et les écrivains et pourrait brimer leur créativité.
Le Comité s'inquiète aussi des peines d'emprisonnement minimales obligatoires qui s'appliquent à certaines infractions contre les enfants. De telles peines nuisent à la pleine application des principes de détermination de la peine énoncés par le Parlement.
Nous tenons à signaler également que l'imposition obligatoire d'une peine minimale fait perdre un outil important, particulièrement dans les cas où l'on envisagerait autrement une peine avec sursis. En effet, lorsqu'il y a ordonnance de sursis, l'article 742.3 du Code criminel permet au tribunal d'imposer au délinquant de suivre un programme de traitement. Lorsqu'il n'est pas possible d'imposer une peine avec sursis, comme dans le cas où il y a obligation d'imposer une peine d'emprisonnement minimale, le délinquant peut accepter ou refuser de suivre un programme de traitement aux termes d'une ordonnance de probation (article 732.1). Les programmes de traitement semblent particulièrement appropriés dans le contexte des infractions d'ordre sexuel. Sans eux, le délinquant pourrait quitter la prison inchangé, et le cycle d'abus pourrait se poursuivre.
On a besoin de plus de recherches dans le domaine de la violence sexuelle et de l'exploitation sexuelle des enfants. Il est évident que nous devons mieux connaître les facteurs de risque de comportement déviant pour pouvoir intervenir et tenter de prévenir des préjudices. Le manque de programmes pour les hommes qui risquent de commettre des abus contre les enfants a été mentionné explicitement. Nous avons également besoin d'en savoir davantage sur la manière de prédire le risque de récidive. Nous pensons en outre qu'on manque de données sur l'efficacité des mesures de contrôle du comportement des personnes visées par une ordonnance de surveillance à long terme.
Il serait bon aussi d'étudier les effets des peines minimales obligatoires prévues dans le projet de loi. Nous recommandons la réalisation de travaux de recherche sur tous les sujets précités, de manière à ce qu'on dispose d'informations plus complètes lors de l'examen parlementaire quinquennal prévu dans le projet de loi.
Enfin, vu l'importance du projet de loi C-2 et le fait qu'il contient un certain nombre de dispositions controversées, nous souhaitons le revoir avant cinq ans. Ainsi, nous serons informés à l'avance si l'application du projet de loi présente des difficultés et nous pourrons vérifier si les travaux de recherche que nous avons recommandés sont suffisamment avancés pour fournir des informations fiables lors de l'examen parlementaire quinquennal prescrit.