Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 25 - Témoignages du 3 novembre 2005
OTTAWA, le jeudi 3 novembre 2005
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-39, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire, se réunit aujourd'hui à 10 h 50 pour en examiner la teneur.
Le sénateur Lise Bacon (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : La séance est ouverte. Permettez-moi de vous dire deux mots sur ce qui s'annonce dans les deux prochaines semaines. Nous ne siégeons pas la semaine prochaine et nous avons la possibilité de ne pas nous réunir la semaine suivante, si nous le désirons. Voulez-vous que le comité siège ou pas durant la semaine du 14 novembre?
Le sénateur Milne : De quel projet de loi sommes-nous saisis?
La présidente : Il y a le projet loi S-39. Nous devrions recevoir l'ombudsman le 23 novembre, passer à l'étude article par article le lendemain, puis entamer l'étude du projet de loi C-49.
Le sénateur Joyal : L'autre Chambre a-t-elle entendu beaucoup de témoins au sujet du projet de loi C-49?
La présidente : Uniquement des fonctionnaires et à l'occasion d'une seule réunion.
Le sénateur Andreychuk : Cela fait quelque temps déjà que nous avons été saisis du projet de loi C-49 et je crois que les gens d'en face sont relativement d'accord avec la nécessité d'en disposer. Certains partis ont estimé qu'il ne va pas assez loin et d'autres se sont inquiétés de ce que pourrait donner sa mise en œuvre. J'ai parlé de questions de politique générale — et la criminalité devrait être la seule — et il ne devrait pas être nécessaire d'effectuer le genre d'examen serré auquel nous nous livrons habituellement, à moins que nous constations que ce projet de loi soulève un problème de constitutionnalité à côté duquel nous ne pourrions pas passer.
Le sénateur Joyal : Je ne veux pas me mêler du travail du comité directeur, mais j'ai l'impression que nous devrions entendre des gens de l'immigration parce que cette dimension est très importante dans ce projet de loi.
La présidente : J'ai une amorce de liste de témoins pour le projet de loi C-49.
Le sénateur Milne : De toute façon, je dois être ici mardi et jeudi de cette semaine pour le Comité de l'énergie.
[Français]
Le sénateur Nolin : Vous parlez de quelle semaine?
La présidente : La semaine du 14 novembre.
Le sénateur Nolin : Ce sera impossible pour moi, je serai ici seulement le 18 novembre.
[Traduction]
Le sénateur Andreychuk : J'ai une réunion mardi et mercredi matin.
La présidente : Comme il y a énormément de dates à considérer, j'ai suggéré que nous ne siégions pas. Nous pourrions revenir la semaine suivante pour poursuivre notre étude de S-39, en compagnie de l'ombudsman, avant de passer à l'étude article par article le lendemain.
Le sénateur Joyal : Nous sommes saisis du projet de loi C-49. Quels sont les autres projets de loi qui nous ont été adressés? Je songe au travail que nous allons devoir accomplir durant la dernière partie de la session, jusqu'au 16 décembre.
La présidente : Le projet de loi C-72 a été déposé hier par le ministre. Il concerne la Loi sur la défense nationale.
Le sénateur Milne : Nous n'en serons pas saisis avant Noël.
Le sénateur Joyal : Ça, ce ne sont que des projets de loi gouvernementaux parce qu'il y a aussi quelques projets de loi d'initiative privée.
La présidente : Le projet de loi C-53 devrait nous être soumis à notre retour.
Le sénateur Joyal : Quel est l'objet du projet de loi en question?
Robin MacKay, analyste, Bibliothèque du Parlement : Il s'agit d'un projet de loi modifiant le Code criminel et qui vise à inverser le fardeau de la preuve dans les cas de saisie des produits de la criminalité.
Le sénateur Joyal : C'est un projet de loi important qui est contesté devant les tribunaux.
Le sénateur Bryden : Je suis d'accord avec votre suggestion. Je copréside le Comité mixte permanent d'examen de la réglementation qui va se rencontrer le 17 novembre. J'y serai et je vais d'ailleurs revenir spécialement pour cette réunion. Nous nous réunissons toutes les deux semaines et si je devais sauter l'une de ces réunions, le report serait de deux semaines.
La présidente : Étant donné que nous sommes occupés par d'autres comités, il va nous être difficile de trouver une journée qui nous convienne. Voilà pourquoi je recommande que nous ne siégions pas durant la semaine facultative et que nous revenions ensuite pour traiter des projets de loi S-39 et C-49.
Le sénateur Milne : Le Comité de l'énergie siège jeudi de cette semaine, toute la journée.
Adam Thompson, greffier du comité : Un autre comité au moins a l'intention de demander la permission de siéger en dehors des créneaux alloués pendant une assez longue période, ce qui pourrait donner lieu à d'autres conflits d'horaire.
Le sénateur Milne : Lequel?
M. Thompson : Je n'en suis pas certain, mais ce n'est pas le Comité spécial sur la Loi antiterroriste.
[Français]
Le sénateur Rivest : La semaine suivante?
La présidente : Oui.
Le sénateur Rivest : Cela va.
La présidente : Cela va?
Le sénateur Rivest : Le 23 novembre?
La présidente : Oui, le mercredi.
[Traduction]
Nous sommes à présent saisis du projet de loi S-39, loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire. Nous avons demandé à M. Hoover, qui est avocat à la Section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice, de revenir nous rencontrer. Nous sommes tout ouïe, mais vous pourriez commencer par nous présenter vos collaborateurs.
Doug Hoover, avocat, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je suis très heureux de revenir devant le comité pour vous expliquer davantage les parties du Code criminel qui sont visées par ce projet de loi. Bill Bartlett, qui est avocat général à la Section de la politique en matière de droit pénal m'aidera à vous expliquer les dispositions du projet de loi S-39.
Il est possible que votre comité ait manqué de temps quand nous sommes venus vous rencontrer la dernière fois pour vous communiquer les réponses de Justice Canada au sujet des dispositions qui concernent plus particulièrement notre ministère. Nous n'étions pas le ministère responsable du projet de loi initial, le projet de loi C-16, pas plus que du projet de loi S-39. Toutefois, nous avons un intérêt évident dans cette mesure législative étant donné que certaines dispositions du Code criminel exigent la surveillance judiciaire de toute ordonnance d'inscription au registre ainsi que des aspects discrétionnaires relatifs aux infractions prévues par le Code criminel, y compris des nouvelles. Il convenait donc que nous vous revoyions pour vous expliquer exactement quelle est l'intention visée par ces dispositions.
Je dirais a priori que, s'il semble que ce projet de loi vise à modifier un grand nombre de dispositions du Code criminel — avec plus ou moins 45 amendements — un tiers de ces amendements, toutefois, concerne strictement la Loi sur la défense nationale. Ils sont nécessaires pour renuméroter la loi et pour en modifier le libellé.
On pourrait dire qu'un autre tiers est constitué d'amendements techniques. Quand nous avons cherché à établir une méthodologie pour que les Forces armées participent à ce projet, nous avons constaté qu'il fallait adopter des conventions de rédaction permettant de préciser les libellés. Il était logique d'appliquer la même démarche rédactionnelle pour les dispositions du Code criminel que pour les propositions concernant la Loi sur la défense nationale.
On pourrait considérer qu'un petit nombre d'amendements constituent des changements subtils concernant les instances judiciaires ou l'administration de la justice en ce qui a trait au registre des délinquants sexuels. Ces amendements découlent d'un examen des propositions de modification de la Loi sur la défense nationale, qui ont été réclamées par Sécurité publique et Protection civile Canada, ainsi que des amendements proposés pour la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels que Justice Canada a appuyé à l'étape de l'examen. En général, les amendements à apporter au Code criminel reflètent les autres dispositions. Il s'agit d'un petit nombre de modifications quant à la nature du Code criminel. Nous avons déjà parlé de l'un d'eux, qui consiste à normaliser la définition des infractions par la modification des infractions prévues au paragraphe 17(2) de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, la LERDS, grâce à l'adoption d'une nouvelle disposition, le paragraphe 490.031(1).
Il y a une chose que j'aimerais ajouter à mon dernier témoignage devant votre comité, c'est qu'il est important de comprendre que, comme l'infraction de l'ancien paragraphe 17(2) se trouvait dans la LERDS, un certain nombre de provinces ont suggéré que seul un procureur fédéral pourrait entamer des poursuites en vertu du paragraphe 17(2), les procureurs provinciaux pouvant poursuivre pour d'autres infractions. L'infraction en vertu du Code criminel concernait le défaut de s'inscrire au registre et celle de la LERDS concernait la communication délibérée de faux renseignements. Les deux infractions sont étroitement liées. Il n'était pas logique, sur le plan de la procédure, que les ministères publics provinciaux entreprennent, par exemple, des poursuites contre un délinquant ne s'étant pas inscrit ou ne s'étant pas présenté et que le ministère public fédéral, de son côté, entame une action en justice, peut-être en même temps et dans le cadre de la même procédure, pour communication de faux renseignements. On nous a demandé d'examiner la situation et de regrouper la jurisprudence soit sous le Code criminel, soit sous la LERDS. Nous étions d'avis qu'il fallait effectivement regrouper les deux jurisprudences. Nous n'avions rien contre le fait d'inscrire l'infraction du paragraphe 17(2) dans le Code criminel. D'ailleurs, c'est le consensus qui a semblé se dégager parmi les procureurs généraux provinciaux et les procureurs fédéraux chargés de ce genre de poursuites dans les territoires. Nous étions tout à fait d'accord avec cette orientation étant donné la nature de l'infraction. L'autre changement qui concerne la politique, et sur lequel je tiens à attirer votre attention, tient au fait que les pouvoirs d'obtention des renseignements contenus dans le registre en vertu de l'article 490.034 sont désormais confiés aux tribunaux dans le cadre de l'administration de la justice, par exemple en vue d'obtenir un mandat de perquisition. Cette disposition se trouvait déjà dans le Code criminel, mais elle n'était pas très explicite. Les procureurs généraux et leurs substituts ont exprimé des réserves quant à la façon dont elle était libellée. Ils estimaient en outre qu'elle avait davantage sa place dans la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. À l'examen, nous avons conclu qu'il valait mieux placer cette disposition dans les aspects administratifs du paragraphe 16(4), et c'est précisément ce que donne cette nouvelle disposition. Par ailleurs, cela permet de mieux préciser les cas où l'information devrait être transmise et ceux où elle ne devrait pas l'être, pour donner un ensemble de garanties. Certains ont craint que cette formule n'expose indûment le personnel des tribunaux qui n'a d'autres choix que de traiter ce genre d'information. Une interprétation stricte du libellé de l'ancien paragraphe 490.03(4) aurait pu effectivement établir leur responsabilité au sens de la loi. Le paragraphe 17(1) prévoit une peine maximale de six mois d'emprisonnement pour divulgation ou diffusion abusive d'informations extraites du registre sur les délinquants sexuels, ce qui est donc un aspect très important du projet de loi. Nous reconnaissons que c'est à cause de cela que nous avons appuyé cette disposition.
Voilà donc quels étaient les deux aspects les plus importants que nous tenions à porter à votre attention.
[Français]
La présidente : Certaines questions sont revenues plusieurs fois au cours des discussions que nous avons eues avec nos témoins. Elles concernaient le processus en deux étapes distinctes en ce qui concerne les infractions qui ne sont pas explicitement à caractère sexuel comme les mauvais traitements envers un subalterne.
Il faut prouver l'infraction comme telle. Ensuite, dans une deuxième audience, s'il veut obtenir l'inscription au registre, le procureur doit assumer le fardeau de la preuve de la composante sexuelle de la première infraction.
Cela semble être le processus en vigueur au civil, mais sur le plan de la lisibilité de la loi, j'ai des réserves quant au processus en deux étapes dans le cas qui nous concerne. Est-ce que c'est un problème de rédaction de la loi ou est-ce qu'on peut faire mention de « mauvais traitements à un subalterne » dans la description de l'infraction?
Est-ce qu'on ne pourrait pas avoir une seule infraction qui serait assortie d'un aspect sexuel dans sa définition et ne pas avoir ces deux étapes à franchir?
[Traduction]
M. Hoover : Je suis accompagné des fonctionnaires du ministère de la Justice qui vont vous pouvoir vous parler des infractions à la Loi sur la défense nationale. Je préférerais que ce soit eux qui vous répondent.
Je recommande que la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, la Loi sur la défense nationale et le Code criminel reflètent la même approche politique. S'agissant des infractions à caractère non sexuel, il importe de comprendre que le gouvernement fédéral a soigneusement consulté les procureurs généraux provinciaux au sujet du projet de loi C-16 initial. C'est à la demande des ces derniers et des ministres de la Justice provinciaux et territoriaux que nous avons soigneusement examiné la situation d'une personne qui pourrait ne pas être accusée d'une infraction sexuelle, mais qui aurait pu ouvertement montrer son intention de commettre une telle infraction. Justice Canada n'est intervenu qu'en fonction de la suggestion formulée par toutes les provinces au sujet de cette politique, suggestion qui a été ensuite reprise par Sécurité publique et Protection civile Canada. Quand on nous a demandé d'examiner cette question, nous n'y avons pas vu de problème constitutionnel ou procédural, étant entendu que le ministère public doit prouver hors de tout doute raisonnable que l'entrée par effraction, par exemple, a été commise dans l'intention de perpétrer un acte sexuel illicite. Nous nous étions dit que, dans ce cas, rien ne s'opposait à ce que le ministère public introduise une requête. Nous avons cependant insisté pour que ce critère soit mentionné. À l'occasion de discussions précédentes à cette même table, au sujet du projet de loi, les honorables sénateurs ont posé un certain nombre de questions à ce propos et sont entrés dans le détail de la négociation de plaidoyers. Justice Canada a été simplement invité à étudier la viabilité de cette politique.
La présidente : Est-ce vous qui avez rédigé la loi?
M. Hoover : Nous avons rédigé la partie concernant le Code criminel et la direction législative reçoit ses consignes des ministères clients.
La présidente : C'est pour cela que je vous pose cette question.
M. Hoover : Je ne peux parler des raisons pour lesquelles les élus ont pris certaines décisions en matière de politique. J'avais pour consigne de transposer cette politique dans la loi. Nous travaillons en étroite collaboration avec les rédacteurs et avec de nombreuses autres directions, et nous consultons les provinces pour nous assurer que le tout fonctionne. Le ministère de la Justice est chargé de surveiller tous les aspects concernant le respect de la Charte et l'application de la procédure par les tribunaux. Nous n'avons trouvé aucun problème dans cette proposition ni dans la position de Justice Canada. Pour ce qui est de l'efficacité de la politique, tout ce que je puis dire c'est qu'il y a eu un cas de condamnation pour infraction non sexuelle qui a fait l'objet d'une ordonnance pour ces motifs. J'ai retenu de mes entretiens avec les procureurs du ministère public qu'ils semblent favorables à cette approche. En revanche, je ne peux vous dire si l'objet de la négociation de plaidoyers est fondé. Tout ce que je peux affirmer, c'est que cela pourrait fonctionner, selon nous, et que ça n'enfreint pas la Charte. Pour ce qui est des infractions à la Loi sur la défense nationale, je vous recommanderais de rappeler les témoins du ministère
La présidente : J'ai oublié de parler de l'alinéa 203c).
Le sénateur Joyal : Je remercie le témoin du ministère de la Justice d'avoir précisé qu'il s'agit d'une simple mise à jour ou d'un changement technique. Comme le comité va réexaminer ce projet de loi plus tard, j'aimerais avoir un exemplaire du tableau des amendements corrélatifs qui représentent un tiers de notre comité, ainsi que des photocopies des pages du projet de loi qui sont concernées. De prime à bord, ce projet de loi ne semble pas convivial. Vous nous aideriez beaucoup si vous pouviez nous fournir la liste des amendements en question. Vous avez dit que le second tiers de ces amendements est constitué de dispositions techniques. Je crois savoir que vous avez modifié certains mots dans la version française pour vous assurer qu'elle reflète bien la version anglaise. Puis, vous nous avez dit que le dernier tiers des amendements concerne des dispositions plus substantielles.
Il nous serait donc utile que vous en dressiez la liste et que vous l'accompagniez d'une petite explication ne face de chaque amendement proposé. Vous nous avez donné une bonne explication pour les premiers amendements au Code et je veux être certain de bien comprendre les autres modifications qui peuvent être tout aussi importantes. Ce serait utile pour notre travail. Si le ministère de la Justice pouvait nous préparer ce genre de document pour les projets de loi dont nous allons être saisis dans l'avenir, nous serions mieux outillés pour examiner les mesures législatives, comme nous sommes censés le faire.
M. Hoover : Je serais heureux de vous préparer cela le plus rapidement possible en ce qui concerne les dispositions du Code criminel et de vous les transmettre par l'intermédiaire du greffier. Par ailleurs, nous nous tiendrons à votre disposition à l'étape de l'étude article par article, advenant que vous ayez des questions. Je vous concède qu'a priori il peut paraître compliqué et difficile de comprendre la façon dont fonctionne chacun de ces amendements.
Le sénateur Joyal : Vous savez, ce serait également très utile pour l'autre Chambre.
Pour enchaîner sur la question qu'a posé la présidente, au sujet de l'article 203, en pages 2 et 3 du projet de loi, j'essaie de comprendre les différences que l'on fait ici dans le cas des amendements apportés à la Loi sur la défense nationale. Je veux être certain de bien comprendre. Il y a une question de fond et nous devons être au fait de ce que nous allons faire quand nous voterons sur cet article.
Est-ce que je comprends bien que les infractions énumérées à l'alinéa c) peuvent être liées à l'intention de commettre une infraction sexuelle, mais pas forcément?
Par exemple :
c) infraction visée à :
(i) l'alinéa 77f) (atteinte aux biens ou à la personne d'un habitant ou résidant d'un pays),
Il existe une infraction semblable dans le Code criminel. Un individu qui essaierait d'entrer par effraction dans une résidence dans le dessein d'y commettre un viol se rendrait-il coupable d'une infraction donnant lieu à une inscription dans le registre sur les délinquants sexuels?
M. Hoover : Oui, en vertu du Code criminel.
Le sénateur Joyal : Dans le civil! Toutefois, quand on dit « violence envers un supérieur », je crois savoir que dans le civil, si l'on vous trouve coupable d'agression avec intention de commettre une infraction, votre nom est automatiquement inscrit dans le registre de renseignements sur les délinquants sexuels. C'est cela?
M. Hoover : Vous me prenez au dépourvu, parce que vous nous demander d'interpréter une infraction à la Loi sur la défense nationale.
Le sénateur Joyal : Non, je parle du Code criminel.
M. Hoover : Le Code criminel est très clair sur la façon dont fonctionnent les infractions de l'alinéa b). Selon l'article 490.012, les infractions prévues à cet alinéa ne peuvent faire l'objet d'une requête par le ministère public que si la Couronne peut prouver, en instance judicaire, que le délinquant avait l'intention de commettre l'une des infractions sexuelles énoncées à l'alinéa a). Si le ministère public ne peut le prouver hors de tout doute, à la satisfaction du tribunal, la requête est rejetée.
Le mode opératoire est très clair. À cause de la structure de la loi, il n'est pas facile de parvenir à cette conclusion, mais on y arrive quand on lit le texte de près. Je crois que les dispositions de la Loi sur la défense nationale visent à refléter cette réalité. Les fonctionnaires de la Défense sont là et vous pourrez leur poser des questions plus précises, si vous le désirez.
Le sénateur Joyal : J'essaie de comprendre le Code criminel, qui s'applique dans le civil. J'essaie de comprendre le parallèle entre les civils et les militaires. L'infraction de « cruauté ou conduite déshonorante » n'existe pas dans le Code criminel. Je ne vois pas comment nous pourrions établir le lien entre cette disposition et l'intention de commettre une infraction sexuelle. Personnellement, j'y vois quelque chose de différent.
Un militaire reconnu coupable de cruauté ou de conduite déshonorante peut être accusé d'avoir perpétré ce crime dans l'intention de commettre une infraction sexuelle et il peut donc faire l'objet d'une inscription dans le registre des délinquants sexuels, même si cette disposition concernant la cruauté ou la conduite déshonorante n'existe pas dans le Code criminel.
M. Hoover : Il n'existe pas, dans le Code criminel, d'infraction particulière qui pourrait ressembler directement à celle-ci, mais je crois que les fonctionnaires de la Défense pourraient vous expliquer pourquoi, selon eux, il existe un parallèle entre les deux. Toutes deux reflètent le même genre d'intention politique.
Le Code criminel prévoit de nombreuses condamnations pour des crimes n'ayant pas forcément été perpétrés avec l'intention de commettre une infraction sexuelle, même si c'est souvent le cas. Dans la plupart des cas, si la Couronne pense que cette intention était présente, elle essaie d'obtenir une condamnation pour intention de commettre une agression sexuelle, mais ce n'est pas toujours possible.
Les procureurs généraux craignent que l'on retire les noms de délinquants dangereux du registre des délinquants sexuels alors qu'il y aurait de bonnes raisons qu'ils apparaissent dans ce registre, conformément à la politique en vigueur. Ils ont demandé d'inclure une liste d'infractions spécifiques que les hauts fonctionnaires de la Justice ont examinée de très près. Le ministère de la Défense nationale est en train de se livrer au même exercice et il lui appartiendra de nous dire pourquoi, selon lui, ces dispositions correspondent aux résultats de ces cogitations.
Le sénateur Joyal : J'essaie de comprendre pourquoi il y aurait plus d'infractions commises avec une intention sexuelle dans l'armée que dans le civil. Nous avons tous la même préoccupation au sujet de cette liste qui, à première vue, ne semble pas refléter les dispositions du Code criminel.
Bill Bartlett, avocat principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice Canada : Je vous suggère de poser la question aux fonctionnaires de la Défense qui vous éclaireront sur le genre de situations pouvant donner lieu à une inculpation pour cruauté ou conduite déshonorante. Il n'y a rien dans le Code criminel qui rappelle une telle disposition, mais il pourrait y avoir des situations de fait qui, elles, correspondent aux infractions prévues dans le Code criminel. Toutefois, seuls les fonctionnaires de la Défense pourront vraiment vous répondre sur le genre de situation de fait dont on veut parler ici.
Le sénateur Joyal : Vous devez comprendre que c'est très important pour nous parce que ce n'est pas évident à la lecture de l'alinéa v) où l'on mentionne l'alinéa 120a) : « mauvais traitement dans les cantonnements ».
Je suis bien sûr conscient que les cantonnements sont une réalité bien militaire qui n'existe pas forcément le civil. Quelle serait la situation parallèle? Il est important que nous comprenions le genre de responsabilité supplémentaire qui intervient dans le cas d'une infraction commise avec une intention sexuelle, dans le civil d'un côté, et dans l'armée de l'autre.
La présidente : Vous devriez peut-être poser votre question au colonel McAlea.
Colonel Dominic McAlea, juge-avocat général adjoint/Justice militaire et droit administratif, Défense nationale : Nous avons déjà buté là-dessus à la réunion précédente. Je devrais peut-être vous donner un exemple qui illustrera mieux le lien que nous percevons entre l'armée et le civil.
Il y a quelques années, nous avons été saisis d'une affaire où un couple, qui participait à des débats amoureux consensuels, avait été filmé à son insu par une autre personne.
Nos avocats chargés de la poursuite avaient déterminé que le fait de filmer quelqu'un sans son consentement ne correspondait à aucune infraction sexuelle au sens traditionnel du terme. Nous avions pourtant considéré que tel était le cas et le coupable a été poursuivi et condamné pour cruauté ou conduite déshonorante.
À la suite de notre dernière rencontre, et en réponse à une question du sénateur Andreychuk, si je ne m'abuse, nous avons décidé de ressortir tous les dossiers d'inculpation au titre de l'une ou l'autre de ces cinq infractions pour voir s'ils comportent une dimension sexuelle. Nous espérons parachever ce travail sous peu.
Le sénateur Joyal : Colonel, est-ce à vous ou à votre confrère du ministère de la Justice, de me dire à quoi correspondrait l'infraction semblable dans le Code criminel.
Le sénateur Andreychuk : J'ai l'impression que la Loi sur la défense nationale revêt un caractère tellement unique qu'il n'y a peut-être pas de correspondance dans le Code criminel. Nous devrions le savoir.
Le sénateur Joyal : C'est précisément ce que je veux savoir.
Col McAlea : Ce n'est pas le seul cas de figure. Je crois que le sénateur Ringuette a fait remarquer qu'il y a des différences. Notre objectif, dans cette loi, consiste à appliquer ce régime aux militaires tout en tenant compte du caractère opérationnel unique des Forces canadiennes.
Le major Wry et moi-même sommes régis par l'ensemble des lois et des règlements applicables à n'importe quel Canadien. De plus, nous sommes visés par un code de conduite et nous en avons ici un exemple.
Le sénateur Joyal : Je crois comprendre que votre profession est soumise à une éthique particulière, étant donné la nature des services que vous rendez. Cependant, nous parlons ici du Code criminel. Il faut qu'il y ait un recoupement en matière de responsabilité pénale, tout autant qu'il faut faire une distinction sur le plan éthique étant donné la réalité très différente du métier des armes. Nous devons comprendre les dispositions du Code criminel quant au fond, dispositions que nous voulons appliquer ici à une autre loi.
Col McAlea : Eh bien, celui qui désobéit à un ordre dans le civil risque de porter atteinte à la productivité de son service ou de saper l'autorité de son supérieur. Les conséquences ne sont donc pas forcément très graves.
Dans l'armée, en revanche, quand quelqu'un désobéit à un ordre, il y a de fortes chances pour que des Canadiens ou les populations que nous sommes chargés de protéger le paient de leur vie. J'invite le comité à envisager la chose sous l'angle de l'éthique, comme l'a précisé le sénateur Joyal, et à considérer que les conséquences peuvent être graves.
Nous sommes régis par un code de conduite que l'on appelle code de discipline militaire. Celui ou celle qui l'enfreint doit s'attendre à être puni et être éventuellement emprisonné. Cela fait partie de nos responsabilités. Quand les enjeux sont importants, la hiérarchie doit pouvoir exercer son autorité pour que les militaires canadiens se comportent comme il se doit et qu'ils exécutent les missions que leur confie le gouvernement du Canada.
Le sénateur Joyal : Merci d'avoir porté cela à notre attention. Je me répète, ce dont nous traitons ici est très important. Je vais parler de « rationalisation » des responsabilités. Si vous nous demandez de consigner dans le Code criminel une responsabilité propre aux militaires, je veux le savoir pour en tenir compte à l'étape du vote sur cette mesure.
Il est normal que nous voulions comprendre ce que nous faisons ici. Je ne suis pas en principe opposé à cela, mais nous devons être très prudents pour des raisons évidentes.
Le sénateur Milne : Je vais poursuivre dans la même veine, parce que l'alinéa c) me préoccupe beaucoup.
Je préférerais de loin que l'on précise dans la Loi que, pour les cinq infractions ajoutées ici, il faut qu'il y ait une intention sexuelle. Je ne sais pas comment il faut s'y prendre pour le faire simplement et je ne veux pas que nous ajoutions un article dans le Code criminel pour y parvenir.
Pourrait-on laisser aux procureurs, militaires et civils, le soin de préciser dans leurs déclarations préliminaires, au début du procès, que l'infraction a été commise dans une intention sexuelle? Je ne suis pas rédactrice de projet de loi, mais j'ai l'impression que si l'on indiquait quelque part que ces cinq infractions doivent obéir à une intention sexuelle, j'accepterais volontiers que l'on conserve l'infraction de « violence envers un supérieur ».
En l'espèce, le nom du militaire qui a été condamné pour une telle infraction apparaîtrait encore dans le registre à sa sortie de l'armée pour une faute qui ne lui aurait pas valu cette inscription s'il avait été dans le civil.
Col McAlea : Je ne suis pas rédacteur. Je partage votre étonnement quant à la façon dont ce texte se présente actuellement. Je crois comprendre que cela est dû à la façon dont la loi est appliquée, mais le résultat est exactement celui que vous recherchez en ce sens qu'une personne qui se serait rendue coupable d'une de ces infractions sans intention sexuelle ne se retrouverait pas dans le registre.
La question qui se pose revient à savoir si nous devons rédiger l'article sur les infractions d'une façon aussi détaillée que vous le souhaitez ou si nous devons en rester à ce qui est dit dans le projet de loi. Je ne prétends pas avoir la réponse, mais il est possible que mon confrère de la Justice puisse nous éclairer.
M. Hoover : La solution que vous proposez risque de poser problème. Selon moi, et j'ai tendance à être d'accord avec mon confrère de la Défense, ce que vous recherchez est déjà réglé et, en ce qui concerne les civils, Justice Canada a très nettement fait savoir aux procureurs généraux que le critère à appliquer pour les infractions non sexuelles de l'alinéa b) doit obéir au concept d'absence de doute raisonnable. Nous avons bien précisé cela à tous les ministères publics.
Je voudrais ajouter deux choses. D'abord, même si ce n'est pas spécifiquement en fonction de la Loi mais plutôt à cause de conventions en instance judiciaire, nous sommes obligés, dans une certaine, mesure d'aviser l'avocat de la défense que nous avons l'intention de réclamer l'émission d'une ordonnance d'inscription au registre des délinquants sexuels.
Un justiciable qui plaide coupable a le droit de connaître toutes les conséquences de son plaidoyer. Si le procureur ne l'avise de ses intentions et qu'il dépose sa requête soudainement à l'étape de la détermination de la peine, le justiciable a de bonnes raisons de retirer son plaidoyer et d'aller en procès sur cette base.
Je crois savoir que les ministères publics de la plupart des provinces ont déjà déterminé que c'est ainsi qu'il fallait procéder. C'est aussi la politique de la Couronne. Les provinces ne suivent pas toutes les mêmes manuels de politique, mais la plupart d'entre elles ont décidé d'agir ainsi dans les cas où un substitut aurait l'intention de déposer une telle requête.
Même en cas d'infraction de nature non sexuelle, le ministère public fait systématiquement part de ses intentions. Deuxièmement, Justice Canada estime que cette formule fonctionne et qu'elle est viable parce que nous demandons au ministère public de prouver tous les faits hors de tout doute raisonnable avant de formuler de telles requêtes.
Comme nous l'avons vu lors de la dernière audience au sujet de ce projet de loi, il s'agit là du critère le plus exigeant du Code criminel. Nous ne pouvons pas imaginer de critère plus astreignant. Vous réclamez une chose qui est déjà visée par cette disposition. Si ce n'était pas prévu, votre préoccupation serait fondée parce qu'on pourrait craindre qu'un justiciable soit visé par une telle requête, même en n'ayant pas commis ce type d'infraction.
Le sénateur Milne : Avez-vous plus de renseignements à ce sujet? Je ne suis pas plus rassurée. Vous dites que cela se fait dans la plupart des provinces, mais ça ne me rassure pas plus que cela.
M. Hoover : Le principe de la justice fondamentale veut que, lorsqu'un justiciable plaide coupable, il a le droit d'être informé des conséquences possibles de son plaidoyer. Si la Couronne ne divulgue pas ses intentions, le justiciable est alors fondé à retirer son plaidoyer. C'est un principe très exigeant de la procédure pénale.
Il existe donc une première protection automatique en ce sens. La deuxième c'est qu'il faut établir la preuve hors de tout doute raisonnable, ce qui est exigeant. La pratique exige que cette preuve apparaisse dans le dossier et qu'il soit très clair — à la suite de l'aveu du justiciable, dans son plaidoyer de culpabilité, ou du verdict du juge — qu'on avait bien l'intention de l'inculper. Peu importe la condamnation susceptible d'être portée par la suite, les décideurs voulaient s'assurer que le ministère public a la possibilité de déposer une telle requête même après avoir répondu aux critères du juge.
Même quand les aveux sont faits en plein tribunal ou lors du plaidoyer, il reste encore au ministère public à convaincre le tribunal que ces aveux correspondent à une preuve échappant à tout doute raisonnable. Même après des aveux écrits, le justiciable peut décider de contester le fait qu'il répond aux critères établis. Il a le droit, dans ce cas, de déposer une preuve complète devant le tribunal.
Même une fois que cette exigence est remplie, le justiciable a donc la possibilité de prétendre, par la voix de son avocat, qu'il est disproportionné de le stigmatiser au nom de la sécurité publique et d'enfreindre ses libertés. Il existe une protection supplémentaire dans le cas particulier des infractions de l'alinéa b).
Mon ministère est relativement certain que les droits des justiciables, dans ce genre de situations, sont raisonnablement pris en compte et que peu d'inculpés seront visés, d'abord par une requête, puis par une ordonnance d'inscription au registre; seuls ceux qui correspondront exactement aux critères établis pour les infractions de l'alinéa a) seront visés.
Le sénateur Andreychuk : C'est nous qui avons adopté la loi et nous comprenons cette différence. Je suppose que nous allons suivre les choses pour nous assurer que les accusés savent, d'avance, qu'ils pourraient être visés par les dispositions relatives à l'inscription dans le registre.
C'est plutôt dans le cas de militaires que les choses m'inquiètent, et pour deux raisons. D'abord, je voudrais savoir si c'est la même chose qui se passe dans l'armée? Dans les cas de discipline, va-t-on appliquer les dispositions de cette loi à la fin du processus disciplinaire?
Je ne comprends pas très bien comment fonctionnent les tribunaux militaires. Les choses vont-elles se passer comme devant les tribunaux civils et peut-on avoir l'assurance raisonnable que c'est comme cela que ça va fonctionner, compte tenu des travers que nous avons soulignés?
Deuxièmement, le ministère nous a dit que tout ça découle de recherches, de données, de preuves empiriques et autres, et que c'est ainsi qu'il a été amené à sélectionner certaines infractions dans le Code criminel. Personne, jusqu'ici, ne m'a convaincue que ce choix a obéi aux mêmes processus dans l'armée et pourquoi il faudrait supposer qu'il y a plus de cas de ce genre avec intention sexuelle.
J'aurais pensé que les cas de violence envers un supérieur ou de mauvais traitement à un subalterne auraient relevé du code de discipline, qu'il se serait agi d'un conflit d'autorité en milieu de travail. Je n'ai pas entendu parler d'intention sexuelle. En revanche, si tel est le cas, notre société doit être au courant et il est alors justifié que nous laissions ce type d'infraction ici.
Y a-t-il beaucoup de situations disciplinaires actuellement dans l'armée qui ont une connotation sexuelle? Si c'est le cas, il est alors justifié de recourir au registre. Toutefois, si ce genre d'événement ne se produit que de façon sporadique, comme le ministère l'a souligné, il serait donc possible, dans certaines situations de fait, que n'importe quelle infraction prévue au Code criminel revête une connotation sexuelle. Or, on ne retrouve pas ici toutes les infractions du Code criminel, mais quelques-unes seulement. Il faudrait que j'aie la certitude d'une prépondérance du phénomène pour dire qu'il y a intention sexuelle dans ces cas. Nous ne disposons pas de telles données.
Le sénateur Joyal : J'aimerais utiliser l'exemple de l'utilisation dangereuse d'une arme à feu. Pourquoi ne retrouve-t-on pas cette disposition qui concerne l'utilisation dangereuse d'une arme à feu?
Col McAlea : Pour répondre à vos questions, sénateur Andreychuk, sachez que nous n'effectuons pas d'analyse statistique en regard du Code criminel. Sur le plan de la politique, nous examinons les infractions visées à l'alinéa b) du paragraphe 490.011(1) du Code criminel et nous avons fait une analyse de principe. Nous ne disposons pas d'analyses statistiques à propos de ce dont vous parlez.
Pour ce qui est de la procédure et de la pratique des cours martiales, elles sont semblables à celles en vigueur dans les tribunaux civils, si ce n'est que le décorum est un peu plus important parfois. L'avocat de l'accusation doit veiller à ce que son confrère de la défense soit saisi, avant le début du procès, de toutes les preuves qu'il a l'intention d'utiliser. La preuve ne doit donner lieu à aucune surprise et l'intention de réclamer une ordonnance en vertu de cette loi ou d'une autre loi ne doit pas, non plus, faire l'objet d'une surprise.
La Charte, la Loi sur la preuve et le Code criminel s'appliquent tous en parallèle. Il s'agit d'un régime juridique qui se déploie sur trois axes. Il est parfait. Nous pouvons être différents du civil quant à certains de nos objectifs et principes, mais nos valeurs fondamentales sont les mêmes.
Pour revenir à votre question de tout à l'heure, sénateur Milne, je dois dire que vous avez raison. Il est possible que le nom d'un ex-militaire soit inscrit dans le registre pour une infraction pour laquelle il n'aurait pas été condamné dans le civil. Cette personne pourrait tout de même demander un pardon et obtenir une ordonnance pour être retirée du registre. Tout militaire reconnu coupable d'infraction grave par une cour martiale tomberait, de toute façon, sous le coup de la Loi sur le casier judiciaire et son nom serait pris en compte par le Centre d'information de la police canadienne, le CIPC. Ce serait le cas, que l'individu ait ou non fait l'objet d'une accusation en vertu de ces infractions.
Cela répond-il à votre question? Vous voudrez peut-être ajouter quelque chose, maître Hoover.
M. Hoover : C'était une réponse complète et satisfaisante. Je me permettrais simplement d'ajouter que nous avons discuté des infractions qu'il faudrait retenir en vertu des lignes directrices de la politique. Nous sommes convaincus que les infractions énumérées à l'alinéa 490.0111b) satisfont à ce critère.
À la Section de la politique en matière de droit pénal, la SPDP, nous n'avons pas effectué d'études très poussées. Nous avons bien sûr eu vent de certains cas, de façon anecdotique ou autres. Tout ce que je peux vous dire c'est que toutes les infractions visées à l'alinéa b) du paragraphe 490.011(1) du Code criminel répondent à ce critère. Il est possible que les fonctionnaires de la Défense aient le même niveau de confiance envers la liste qu'ils proposent et qu'il pourra arriver que des justiciables soient accusés de telles infractions selon les circonstances de fait.
Le sénateur Milne : Qu'adviendrait-il si le militaire ne plaidait pas coupable? Quelle protection existe-t-il pour que l'accusé sache, avant le procès, qu'une ordonnance sera réclamée contre lui?
M. Hoover : En général, toute personne qui se rend coupable d'un acte criminel doit savoir qu'il peut y avoir des conséquences juridiques. En revanche, cela n'empêche pas forcément les criminels de commettre leurs méfaits. Le seul cas où la divulgation des intentions de la poursuite devient un problème, c'est quand le criminel n'est pas responsable de ses actes parce que, en vertu des principes de la justice fondamentale, il faut que la personne ait une intention coupable.
Quoi qu'il en soit, nul ne peut plaider qu'il n'était pas au courant des conséquences de ses actes en vertu du Code criminel et qu'il ne devrait pas avoir à faire face à des conséquences administratives ou juridiques en vertu du Code.
Ce serait sans doute la même situation que celle de la personne qui, accusée de conduite avec facultés affaiblies, dirait « Je ne savais pas que j'aillais perdre mon permis, ni avant ni après que j'ai commis cette infraction et surtout pas avant que je me retrouve devant le tribunal ». C'est un principe bien connu que nul n'est censé ignorer la loi. Toutes les dispositions de ce genre sont imprimées dans les lois du Canada et un avis réglementaire paraît dans la Gazette du Canada.
Dire que l'on n'est pas au courant ne revient pas à dire qu'on ne devrait pas être exempté de l'application d'une ordonnance d'inscription dans le registre des délinquants sexuels. À bien des égards, il s'agit, là encore, d'une décision découlant de la politique. Je respecte votre point de vue à cet égard, mais il faut bien se rendre compte que les conséquences sont annoncées. Je pense que l'avocat du justiciable — si celui-ci en a retenu un — informera son client à un moment donné si les faits établissent clairement qu'il avait une intention sexuelle quand il est entré quelque part par effraction ou qu'il a commis une autre infraction de base. Je ne sais pas si cet argument pourrait être différent par la suite en fonction du déroulement du procès. De plus, après le prononcé de la peine, l'émission d'une ordonnance d'inscription dans le registre des délinquants sexuels doit être justifiée hors de tout doute raisonnable.
La partie défenderesse a donc la possibilité d'argumenter dûment et pleinement devant le juge qui est investi du pouvoir discrétionnaire ultime d'émettre ou non l'ordonnance. Le ministère public, pour sa part, doit se plier à l'exigence du doute raisonnable qui est très contraignante.
Le sénateur Milne : J'ai encore des problèmes. D'après cette liste de cinq infractions strictement militaires, j'ai de la difficulté à imaginer une situation où une seule d'entre elles pourrait obéir à une intention sexuelle et ne pas être en même temps qualifiée d'agression sexuelle ou de tentative d'agression sexuelle.
Col McAlea : Le meilleur exemple est celui d'une tentative d'agression qui n'a pas abouti à cause de l'intervention d'un tiers.
Le sénateur Milne : Ne s'agirait-il pas alors d'une tentative d'agression sexuelle?
Col McAlea : Effectivement. Cela tomberait sous le coup de l'alinéa d) ou de l'alinéa e), selon les circonstances.
Le sénateur Milne : Eh bien, l'alinéa e) nous renvoie à l'alinéa c) et c'est justement ce dernier qui me pose problème.
M. Hoover : Il est très important de comprendre le véritable objectif qui est poursuivi ici, autrement dit qu'il s'agit de disposer d'une base de données sur des individus qui, à cause de leur conduite passée, sont susceptibles de récidiver, et il est question de fournir à la police, et uniquement à la police, la possibilité d'avoir accès à cette base de données dans le cadre d'une enquête policière.
Grâce à cette base de données, les corps policiers seront mieux en mesure de protéger les autres membres du public parce qu'ils connaîtront la description et le modus operandi des individus dont les noms apparaîtront dans la base de données. Si leur nom s'y trouve, ce sera sans doute parce qu'ils se seront rendu coupables d'une infraction à caractère sexuelle dans le passé ou qu'ils avaient eu l'intention d'en commettre une. C'est également que le ministère public a été en mesure de démontrer que tel était le cas.
Le problème c'est que, si l'on restreint trop les conditions d'inscription dans cette banque de données, on risque de passer à côté d'un grand nombre d'individus auxquels la police ne pourra pas avoir rapidement accès dans le cadre d'enquêtes à la suite d'infractions sexuelles. Ces individus disparaîtront de la carte tandis qu'il aurait fallu les garder à l'oeil.
Dans le cas des enlèvements d'enfants et d'adultes vulnérables, par exemple, on ne dispose que de peu de temps pour trouver le coupable. La police a réclamé ce registre pour obtenir très rapidement les caractéristiques des suspects à partir du peu de preuves dont elle dispose tout de suite après l'événement. Il est possible qu'on connaisse la couleur des cheveux et des yeux du suspect et son modus operandi.
Le sénateur Milne : Vous n'avez pas besoin de me convaincre de la nécessité du registre. Je ne suis pas convaincue de certaines particularités. Je vais vous donner une situation hypothétique. Un militaire est condamné en vertu de l'un de ces articles et il est ensuite libéré de l'armée. Son nom apparaît sur la liste. À sa demande, on retire son nom de la liste. Quand il se présente pour un emploi ensuite, on lui demande s'il est déjà apparu sur la liste des délinquants sexuels.
M. Hoover : Quelle serait la responsabilité de cet individu, civile ou autre, s'il refusait de répondre à cette question ou s'il y répondait incorrectement? Je ne sais pas. Il pourrait ne pas avoir l'emploi. Je ne le sais pas. Mais même un employeur fédéral n'a pas accès au registre fédéral des délinquants sexuels.
Le sénateur Joyal : Donc, on peut mentir?
M. Hoover : Je ne suis pas en train de recommander à qui que ce soit de mentir. Tout ce que je dis, c'est qu'il ne sert à rien à un employeur, qu'il s'agisse de la fonction publique fédérale ou autre, de poser ce genre de question parce qu'il n'y a pas de moyen de vérifier les réponses. C'est une question inutile. Il est plus utile de demander si la personne a déjà été condamnée. Cela, c'est licite. On ne peut pas légalement vérifier le contenu du registre des délinquants sexuels.
Je ne sais pas d'ailleurs pourquoi un employeur voudrait poser ce genre de question. C'est un problème dans le cas des autres registres. Même dans les ressorts où l'on tient toutes sortes de registres, celui-ci n'est pas accessible. Non seulement il existe des dispositions visant à en garantir la confidentialité mais, de plus, il pourrait être illégal de s'en servir, selon les conditions dans lesquelles on le ferait.
Le sénateur Joyal : Je songe à une situation où l'on pourrait poser cette question. Prenez par exemple le cas des agents de bord. C'est peut-être une chose que les employeurs du secteur aéronautique voudraient savoir.
Qu'adviendrait-il d'une personne qui, postulant à ce genre d'emploi et dont le nom apparaîtrait dans le registre des délinquants sexuels, après avoir commis un acte de violence contre un subordonné, répondrait non à la question « Votre nom apparaît-il dans un registre de délinquants sexuels »? Supposons que l'individu réponde par la négative.
M. Hoover : Selon moi, l'employeur devrait poser la question suivante : « Avez-vous déjà été condamné pour une infraction sexuelle? », parce que l'inscription au registre est la conséquence de l'infraction et si l'employeur ne peut pas vérifier le contenu du registre, il ne lui sert à rien de poser la question.
Le sénateur Joyal : Il y a une différence entre le fait de demander « Avez-vous déjà été reconnu coupable d'une infraction sexuelle? » et « Votre nom est-il déjà apparu dans un registre de délinquants sexuels? ». Dans ce cas, on parle de gens qui récidivent, qui présentent un risque. C'est cela la différence entre le fait de ne jamais avoir son nom dans un registre de délinquants sexuels et le fait d'avoir été reconnu coupable d'une infraction sexuelle.
M. Hoover : Vous avez raison. Je reconnais que certaines personnes pourraient répondre non à la question « Avez-vous déjà été condamné au criminel? », et qu'elle répondrait par oui à la question « Votre nom est-il apparu dans un registre? ». On a du mal à voir pourquoi un employeur poserait ce genre de question, puisqu'il ne serait pas en mesure de vérifier la réponse. Même la GRC ne peut pas vérifier, dans un tel cas de figure, si le nom de la personne se trouve dans le registre. À cause d'une décision d'orientation, le registre n'est pas destiné à permettre ce genre d'accès. Toute personne qui désirerait accéder au registre enfreindrait le paragraphe 17(1) de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Je ne sais pas si nous pouvons aller plus loin. Nous pourrions toujours prévoir une disposition indiquant qu'on ne peut poser ce genre de question, mais cela soulèverait peut-être un autre débat.
Quant à la nécessité de réaliser l'équilibre entre la protection des droits du justiciable après une condamnation et la nécessité de veiller à la sécurité publique, il faut dire que le registre n'a pas été conçu pour vérifier les antécédents des individus. Il existe d'autres moyens pour cela.
Le sénateur Pearson : Je me proposais précisément de rappeler à tout le monde ce à quoi était destiné le registre et je vous remercie de l'avoir fait, maître Hoover. Il est destiné à protéger le public et à être utilisé par la police dans des circonstances très limitées. Un point c'est tout. Je ne vois pas de problème dans les infractions retenues par la Défense parce que j'ai constaté que, dans tous les cas d'exploitation sexuelle, il y a un jeu de pouvoir. Plus les pouvoirs entre les deux personnes sont déséquilibrés et plus on risque de trouver ce genre d'infraction. C'est un message que l'on adresse aux militaires; on leur dit de veiller à ne pas abuser de leur situation de pouvoir et à ne jamais s'irriter de recevoir des ordres — je pense ici à la violence envers un supérieur — mais j'ai l'impression qu'il y a eu des cas bien particuliers où, au nom de la défense nationale, nous avons créé des circonstances favorables à la commission de ce genre d'infraction. Nous avons vu cela à l'occasion d'événements tragiques survenus dans des prisons ailleurs dans le monde, comme à la prison d'Abou Ghraib. Je comprends pourquoi vous avez prévu cela et je me réjouis que ça y soit. Il pourrait être difficile de démontrer le nombre de cas où cela a pu se produire, mais la mixité du corps des officiers supérieurs pourrait aussi donner lieu à une certaine dynamique. Nous devons donc être très clairs quant à nos intentions.
Le sénateur Bryden : Je veux être certain d'avoir bien compris. Dans l'armée, les gens tombent sous le coup du Code criminel du Canada et peuvent donc être accusés pour des infractions à caractère sexuel visées à l'alinéa a) ou b) du paragraphe 490.011(1) du Code criminel. Les infractions visées à l'alinéa c), pour ceux et celles qui servent sous les drapeaux, sont nouvelles et elles ne concerneront jamais les civils. Il existe donc d'autres infractions pour une partie importante de notre société et vous dites qu'il y a une bonne raison à cela; vous avez peut-être raison. Personnellement, j'ai des réserves quant au fait que l'on s'en remette à un nouvel ensemble d'infractions. J'ai toujours cru comprendre que la culture des ministères publics, des procureurs généraux et des juges est telle qu'il existe déjà une jurisprudence dans le cas des Forces armées pour les infractions visées aux alinéas a) et b). Je sais qu'afin de cerner l'esprit de la loi, afin de déterminer la politique à appliquer, le juge commence par examiner la partie présentant l'objet de la loi. Quel est l'objet de cette loi-ci que propose le Parlement? Ce n'est que si l'on ne peut se faire une opinion sur l'esprit de la loi l'on doit chercher ailleurs. Rares sont les juges, surtout dans le cas d'une infraction pouvant priver le justiciable de sa liberté ou risquant d'avoir sur lui des répercussions durables, qui ne se montrent pas très prudents dans ces cas-là; dès lors, ils s,en tiennent systématiquement à ce qui est dit dans la loi au sujet de telle ou telle infraction.
Voilà que vous avez cinq nouvelles infractions. Elles touchent aux particularités de votre profession, à ce que vous faites sur les drapeaux. Cela n'enlève rien aux nouvelles infractions qui ne s'appliquent qu'aux militaires. Je ne vois rien de mal à ce que l'on précise la volonté du législateur en adoptant ces cinq infractions, que l'on dise qu'un acte de violence envers un supérieur peut être commis avec une intention sexuelle.
De toute façon, il faudra prouver l'application de l'article 2 hors de tout doute raisonnable. Nous avons ici affaire à des circonstances particulières et ces infractions, également particulières, concernent les militaires. Plus leur formulation sera claire et moins il y aura de risque d'erreurs ou de défaut d'application. Il en faudra beaucoup pour me convaincre que ces infractions pourraient servir à autre chose qu'à faire inscrire le nom d'un justiciable dans le registre des délinquants sexuels. Si c'est uniquement à cela qu'elles servent, pourquoi ne pas le préciser? Je ne vois pas quel tort cela pourrait porter aux soldats, aux aviateurs ou aux marins. Le tribunal, le ministère public, les avocats de la défense et le juge sauraient ainsi très précisément ce dont il retourne.
Je suis tout aussi préoccupé par le risque que quelqu'un se retrouve sur cette liste, tandis qu'il ne devrait pas y être, que par la nécessité de permettre à la police de faire enquête sur un individu ayant commis une infraction et étant susceptible de récidiver, parce qu'il faut pouvoir mettre la main sur tous les délinquants possibles.
Je ne veux pas m'éterniser sur ce point et je vous invite simplement à me donner une réponse ou à faire un commentaire. Je ne veux pas me lancer dans une rhétorique.
Col McAlea : Vous parlez de quelque chose de très émotionnel. Je tiens à préciser tout de suite qu'il ne s'agit pas de nouvelles infractions, puisqu'elles existent déjà. En revanche, ce qui est nouveau, c'est qu'elles peuvent faire l'objet d'ordonnances d'inscription.
Je suis ici pour vous expliquer la politique, mais je ne peux pas la défendre. Quoi qu'il en soit, si je comprends bien votre question, je peux vous dire que, si nous apportions le genre de changements dont vous venez de parler, cela reviendrait à transformer cette infraction en infraction visée à l'alinéa a). Nous indiquons ici que le fait de commettre un acte de violence envers un supérieur avec une intention sexuelle n'est plus une infraction à caractère non sexuel. Nous nous retrouvons donc dans le cas de figure d'une infraction de l'alinéa a). C'est fort possible. Cela relève de la politique, mais je ne peux rien vous dire d'autre que de vous préciser ce dont il s'agit.
Le sénateur Bryden : Je ne suis pas en train de dire qu'il faut éliminer l'autre cas de figure. Les infractions avec intention sexuelle demeurent, ces cinq-là restent ici. Il y a cinq nouvelles infractions, soit celles commises avec une intention sexuelle, et ce sont celles-là qui doivent se retrouver ici.
M. Hoover : M. Bartlett a indiqué que le libellé du Code criminel suit d'assez près celui de la Loi sur la défense nationale et, quitte à ce que cela soit confirmé par ailleurs, je pense que nous sommes en train de parler d'une dimension sexuelle éthérée. La disposition stipule que la Couronne doit démontrer, hors de tout doute raisonnable, que le justiciable avait l'intention de commettre l'une des infractions sexuelles désignées.
Le sénateur Bryden : Ces infractions ne sont pas désignées.
M. Hoover : Il faudrait demander aux gens de la Défense de vous répondre. J'essaie de vous décrire de façon générale la structure de cette loi. Vous vous demandez pourquoi on ne peut pas carrément apporter cette précision dans la disposition afin que les tribunaux puissent en prendre automatiquement connaissance. Je ne suis pas, moi non plus, rédacteur de loi. Je suis un ancien avocat de la défense. Je me rappelle l'époque où je consultais le Code criminel en me demandant à quoi ils avaient bien pu penser à Ottawa en rédigeant tel ou tel article. Tout ce que je peux dire, c'est qu'au cours des cinq dernières années que j'ai passées à la Justice, j'ai pu constater qu'on s'efforce de rédiger les lois selon la convention et de façon cohérente. Qui suis-je pour m'élever contre plus de 100 ans de convention? Tout le monde veut que l'objet de la loi saute immédiatement aux yeux, qu'on connaisse l'intention du législateur et que l'on devine tout de suite le but visé dans chaque disposition.
Jusqu'ici, on a signalé une cinquantaine de cas de récidive de délinquants sexuels dont les noms apparaissaient dans le registre au Canada. À la lecture de ces cas, je n'ai pas conclu que les tribunaux avaient été confus. Je suis convaincu que les juges ont parfaitement compris l'essence de cette loi et les mécanismes en place. Il y a toujours des maux de jeunesse avec les nouvelles lois. Et puis, il m'est arrivé de voir que des juges n'avaient pas bien lu la loi ou qu'ils n'avaient pas pleinement pris connaissance des dispositions à appliquer parce qu'il existait deux lois. Toutefois, nous sommes généralement satisfaits de l'orientation prise par les tribunaux. Dans la majorité de ces 50 cas, des ordonnances ont été émises, comme on pouvait s'y attendre. Il demeure que, dans 10 ou 20 p. 100 des cas, les juges n'ont pas consenti les ordonnance d'inscription parce qu'ils les ont jugées grossièrement disproportionnées par rapport à l'infraction, ce qui veut dire que les délinquants se sont acquittés du fardeau de la preuve.
Dans trois cas, le juge saisi a conclu qu'il était en présence d'une question faisant intervenir la Charte. Dans tous ces cas, il s'agissait de requêtes visant à obtenir une ordonnance d'inscription rétroactive pour des délinquants qui avaient inculpés avant l'entrée en vigueur de la loi et condamnés après. Les tribunaux d'appel seront invités à trancher. Nous n'avons pas de problème face à cela et nous allons nous conformer aux décisions des juges. Cela ne remet pas la loi en question.
Dans l'ensemble, je reconnais la validité de votre point de vue en ce qui concerne le régime applicable dans le civil, en ce sens qu'il faudrait davantage préciser l'intention visée. Tout ce que je peux dire, c'est que les tribunaux n'ont jamais remis en question les aspects de la procédure, ni douté du fait que le fardeau de la preuve incombe au ministère public.
Le sénateur Bryden : Nous avons la possibilité de miser juste pour ces cinq infractions, alors, pourquoi ne le ferions-nous pas.
Le sénateur Milne : Jusqu'à présent, cela n'a concerné que les civils.
Le sénateur Joyal : Sommes-nous en train de créer une infraction pénale? Elle est là, la question à se poser. J'ai essayé de comprendre toutes les nuances que vous nous avez apportées dans vos réponses, mais les tribunaux ont bien fait leur travail en interprétant le Code et nous devrions donc leur faire confiance pour cela, si je m'en remets à l'analyse que vous venez de faire.
Cependant, nous devons réfléchir à deux fois avant de prendre une décision et de voter sur ce projet de loi, et nous devons nous assurer d'avoir pleinement levé les doutes qui nous habitent ou d'avoir examiné toutes les autres solutions.
Je ne suis pas favorable au type d'ajout proposé par le sénateur Bryden ni au fait que nous disséquions le Code. C'est certain. Nous comprenons bien que le Code est cohérent et qu'il est modifié à plusieurs reprises chaque année, puisque nous le faisons régulièrement ici. Nous ne voulons pas ajouter d'incohérence, mais nos préoccupations sont justifiées.
M. Bartlett : Le droit criminel repose sur une énorme jurisprudence qui s'est constituée au fil du temps et qui nous renseigne sur la façon dont les tribunaux interprètent les dispositions du Code et sur les principes qu'ils appliquent afin de trancher les ambiguïtés en faveur de l'accusé ou sur d'autres principes qui sont le fondement du genre de jurisprudence dont M. Hoover vous a parlé.
Les termes spécifiques que vous recherchez pourraient aider. Ils pourraient ouvrir à interprétation. D'après ce que M. Hoover nous a dit, la jurisprudence nous indique que les tribunaux ont compris ou ont appliqué le genre de principes que vous recherchez. Je ne suis pas certain que le libellé que vous visez permettrait de cristalliser cette réalité; peut-être qu'il ne servirait qu'à introduire une nouvelle ambiguïté et qu'il prêterait davantage à interprétation. Il est difficile de rendre en des termes simples le genre de jurisprudence nuancée dont M. Hoover parlait.
Le sénateur Milne : Toute la jurisprudence est civile et ce genre d'infraction n'existe pas dans le civil.
M. Bartlett : C'est la jurisprudence qui sera appliquée par les juges militaires quand ils se poseront le même genre de question d'interprétation.
Le sénateur Bryden : Je ne comprends pas pourquoi le fait d'être plus clair et plus précis va prêter davantage à interprétation. Je ne suis pas en train de vous suggérer un libellé et je pense que vous comprenez bien ce que je veux dire. Je me demande simplement pourquoi nous ne pouvons pas mieux préciser ce que nous entendons ici. Si, en nous montrant clairs et très arrêtés au sujet de ce que nous recherchons, nous courrons le risque de laisser place à interprétation, alors je me demande bien ce qu'il faut faire. C'est ce que vous avez dit. Est-ce que ce que je propose est susceptible de nous aider ou est-ce que cela va prêter à davantage d'interprétation? Ma question est la suivante : en quoi est-ce qu'on ouvre davantage à interprétation?
M. Bartlett : Si vous précisez « avec intention sexuelle » vous vous trouvez à aller plus loin que ce que précise la jurisprudence et vous élargissez donc la portée de la disposition. Ces mots ne donnent pas les résultats que vous visez et si la jurisprudence traduit le principe que vous recherchez et s'il s'agit de la même jurisprudence que les juges militaires vont appliquer, on court le risque de trop préciser les choses au point que cette disposition pourrait sembler plus large qu'elle ne l'est. Nous avons ici affaire à une jurisprudence nuancée et il peut donc être difficile d'en saisir l'essence par quelques mots seulement.
Le sénateur Bryden : Les tribunaux vont faire ce que vous suggérez, s'ils veulent en savoir plus, ils consulteront la masse de précédents et de définitions et de jurisprudence portant sur tous les cas d'intention sexuelle dont ils auront entendu parler. Il n'y a donc rien de différent. Tout est là, c'est toujours d'intention sexuelle dont on parle et il faut savoir ce que l'on entend par là, dans les circonstances. Les juges vont examiner la question avant de se tourner vers la jurisprudence.
Le sénateur Cools : J'essaie de savoir pourquoi nous avons été saisis de ce projet de loi et pourquoi nous essayons d'englober les spécificités des militaires quand cela fait près d'un millier d'années que les systèmes de justice essaient de faire la part entre la justice militaire et la justice civile. Là où j'ai un énorme problème, c'est que ce projet de loi qui vient du ministère de la Justice comporte une nouvelle série de termes spécifiques. Je me dis parfois que ce texte n'est pas le produit d'un exercice de rédaction du code pénal, mais d'un exercice de création littéraire. Nous nous retrouvons donc avec ces nouveaux termes que sont « crime de nature sexuelle » et « intention sexuelle » et nous allons en avoir plus encore.
Je crois deviner la façon dont on a manipulé la loi autour des crimes sexuels ou des crimes ayant un rapport avec le sexe, du genre de délit que l'on inscrit dans cet ensemble de lois depuis de nombreuses années, qu'il s'agisse de la Loi sur la protection des victimes de viol ou autre. Est-ce qu'un des témoins pourrait de nouveau m'expliquer la raison d'être de ces articles? Émanent-ils des militaires ou du ministère de la Justice? J'aimerais savoir si l'un de vous connaît la réponse. Deuxièmement, pourquoi estimez-vous que ces dispositions sont nécessaires?
J'ai l'impression que nous allons créer plus de problèmes que nous allons en régler. Nous sommes saisis de ce genre de projet de loi, le ministre comparaît devant nous pendant quelques minutes et, d'un seul coup, on se rend compte que le Code criminel vient d'être augmenté de 10 pages. J'ai beaucoup de mal à comprendre cela. Peut-être que l'un de vous pourrait m'éclairer parce que j'estime que nous allons à l'encontre des principes et des traditions de la création du Code criminel et de l'application de la loi aux militaires. Vous pourriez peut-être me préciser tout cela et essayer de me convaincre que je n'ai aucune raison d'être inquiète.
Col McAlea : Le sénateur Cools a posé plusieurs questions qui visent à déterminer qui est à l'origine de cette mesure et pourquoi elle est nécessaire; je vais vous répondre sur ces deux points et je céderai la parole à l'un de mes confrères pour le reste.
S'agissant du projet de loi C-16 initial, il n'a pas été possible, à l'époque, de couvrir le MDN et je crois savoir que la question n'a jamais été de savoir s'il fallait le faire, mais plutôt quand ce nouveau régime s'appliquerait au système de justice militaire. La politique vise les infractions de nature sexuelle commises par des militaires ayant enfreint le code de discipline — en général il s'agira de militaires, mais pas forcément — parce qu'il était logique que ces personnes ne soient pas inconnues des corps policiers. Il était logique qu'on les oblige à s'inscrire dans un registre pour que la police soit en mesure de les retracer en cas d'enquête.
À qui doit-on cette mesure? Eh bien, elle découle naturellement du projet de loi C-16 que la ministre McLellan s'était engagée à faire adopter l'année dernière. Pourquoi est-elle nécessaire? Pour que les justiciables militaires soient éventuellement sujets à des ordonnances d'inscription, selon les besoins.
Le sénateur Cools : Dois-je conclure que cette mesure émane du ministère de la Justice?
M. Hoover : Je vous rappelle que cette initiative émane, selon moi, de la population du Canada dans son ensemble. Elle ne sort pas des entrailles du ministère de la Justice et elle n'a pas été produite par notre boutique. Elle a été inspirée par l'expérience américaine, au début des années 1990, quand les États-Unis — gouvernement fédéral en tête — ont adopté des lois pour créer des registres de délinquants sexuels parce que les corps policiers, qui disposaient désormais d'ordinateurs, se disaient qu'ils pouvaient stocker l'information et y accéder rapidement et qu'il leur fallait une loi pour leur permettre de se servir de cet outil.
Cette idée a migré vers le Nord à la fin des années 1980, après l'enlèvement et l'exécution de Christopher Stephenson par un délinquant sexuel notoire. L'enquête avait conclu que, s'il y avait eu un registre des délinquants sexuels à l'époque, non seulement on pouvait éviter la répétition de tels crimes, mais il aurait été possible de sauver Christopher. C'est la conclusion à laquelle on en était arrivé.
Le sénateur Cools : Je crois qu'il s'agissait d'une enquête du coroner.
M. Hoover : C'est exact. À partir de là, l'Ontario a adopté sa loi qui est entrée en vigueur en 2001. Par la suite, je crois que le Parlement et divers pôles au sein du gouvernement fédéral ont réclamé la création d'un registre national, idée qui a reçu l'appui de tous les procureurs généraux et de tous les ministres de la Justice élus, ce qui nous a conduit à la demande émanant de nos patrons politiques. Voilà l'histoire de ce projet de loi, ce qui nous montre que cette mesure ne sort pas de la boîte noire.
Le sénateur Cools : Tout de même, ça vient du ministère de la Justice. Ce ne sont pas les militaires qui sont allés cogner à la porte du ministre de la Justice pour lui dire qu'ils voulaient ce genre de mesure à cause des crimes sexuels commis dans l'armée.
M. Hoover : Permettez-moi de vous redire que cette demande vient d'ailleurs, pas du ministère de la Justice qui aurait alors soutenu qu'il fallait intégrer la Défense. C'était très clair : les ministres provinciaux et territoriaux ont bien précisé, dans leurs échanges, qu'il ne fallait pas laisser les forces armées de côté. C'était très explicite. Je tiens à vous garantir que ce n'est pas nous qui avons demandé au procureur général de veiller à intégrer les forces armées. C'est l'inverse qui s'est passé. Les fonctionnaires que nous sommes doivent, à l'invitation de leurs ministres, veiller à ce que cette mesure législative résiste à d'éventuelles contestations en vertu de la Charte et à l'examen des tribunaux dans l'avenir, et nous devons donc faire en sorte que les choses soient le plus clair possible. C'est ce que nous essayons de faire et c'est ce que nous faisons, je vous le garantis. Cela étant, je me rends bien compte que ce n'est pas facile, parce que chaque mot a une répercussion sur les autres.
Encore une fois, cette mesure n'est pas de notre fait, loin s'en faut. Ce n'est même pas notre projet de loi. Nous avons insisté pour qu'il comporte certaines choses, c'est vrai. Nous avons insisté pour qu'il comporte certaines protections et qu'il impose certaines procédures. En ce sens, c'est une mesure qui émane du ministère de la Justice.
Par exemple, vous avez dit que nous avions adopté un nouveau libellé.
Le sénateur Cools : Pas uniquement pour ce projet de loi, mais pour tous ceux qui nous sont soumis. Ceux qui pratiquaient le droit pénal il y a quelques années auraient de la difficulté avec cette nouvelle manière de rédiger les lois, que nous avons créé en cours de route. Je parle ici au nom de nombreux juristes qui s'en inquiètent.
M. Hoover : Vous avez raison.
Le sénateur Cools : Madame la présidente, nous devrions peut-être inviter certains de ces juristes.
La présidente : Nous allons accueillir l'ombudsman la prochaine fois, après quoi nous passerons à l'étude article par article.
Le sénateur Cools : Quoi qu'il en soit, il est évident que le projet de loi C-16 fait partie de cette mesure et que quelqu'un a décidé qu'il allait s'appliquer aux militaires. Ce n'est pas encore très clair pour moi, mais j'ai l'impression que vous ne pouvez pas en sire plus pour l'instant. Sachez que j'ai vu passer nombre de projets de loi dont beaucoup étaient rédigés avec une grande imagination, ce qui me fait dire qu'il arrive très souvent que les rédacteurs bidouillent en cours de route.
Le sénateur Joyal : Ma question s'adresse au colonel McAlea. Prenez la page 14, article 203.15. Les mots « raisons opérationnelles » apparaissent dans le premier paragraphe.
Col McAlea : Oui.
Le sénateur Joyal : Le chef d'état-major de la Défense peut, pour des raisons opérationnelles, décider d'exonérer un justiciable du code de discipline militaire ou un officier ou un militaire du rang de la force de la réserve. Pouvez-vous me dire si, dans la Loi sur la défense nationale, on définit quelque part ce que sont ces raisons opérationnelles?
Col McAlea : C'est un terme de métier. Il se passe d'explication. Par exemple, au sujet d'un passage précédent, je vous avais expliqué que cela obéit très rarement à un calcul mathématique. La « raison opérationnelle » est une autre façon de décrire les obligations auxquelles nous sommes tenus aux termes de la Loi sur la défense nationale. Si j'ai l'obligation d'aller en Afghanistan du tant au tant et que ces dates sont en conflit avec ma capacité d'exercer mes droits en vertu des alinéas a), b) ou c), on détermine alors que je suis incapable d'accomplir les actes mentionnés et, en vertu de l'alinéa d), que je ne peux me conformer aux dispositions de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.
Je pourrais tout simplement vous dire que les raisons opérationnelles sont synonymes d'obligation d'accomplir une mission aux termes de la Loi sur la défense nationale.
Le sénateur Joyal : Vous employez toujours l'exemple d'un militaire qui est envoyé à l'étranger. Cela me donne l'impression que les raisons opérationnelles ne s'appliquent que dans le cas des militaires déployés outremer. Autrement dit, est-ce que ces raisons pourraient s'appliquer à des militaires au Canada?
Col McAlea : Tout à fait. Elles pourraient s'appliquer à des gens au Canada.
Le sénateur Joyal : C'est parce que vous donnez toujours l'exemple de gens qui sont envoyés à l'étranger. Je ne suis pas certain de bien vous comprendre. Je m'étais dit qu'il s'agissait d'un concept découlant de la Loi sur la défense nationale, mais je n'avais pas eu le temps de la lire entièrement pour savoir où trouver cette allusion.
Col McAlea : Tout ce que je peux vous dire, c'est que nous visons à réduire le nombre de circonstances en fonction desquelles le chef d'état-major devra prendre ce genre de décision. Si nous pouvons obtenir les règlements dont il est question à l'article 203.2 pour les bureaux d'inscription et d'autres choses du genre, nous pourrons limiter le nombre de militaires qui seront déclarés incapables de se plier à certaines exigences pour des raisons opérationnelles.
Le sénateur Joyal : Ce sera ma dernière question. Pourriez-vous revenir nous voir pour nous expliquer ce que seront ces règlements et quels sont les éléments essentiels que vous envisagez de retenir dans votre définition des raisons opérationnelles? Tout à l'heure, le sénateur Bryden a dit qu'il siège à un comité conjoint qui examine ces règlements.
Nous devons limiter les échappatoires à cet égard et, personnellement, je n'apprécierais pas beaucoup que l'on permette à un justiciable que son nom ne soit pas inscrit dans le registre.
Col McAlea : Permettez-moi d'apporter une précision. Les raisons opérationnelles découlent de l'article 203.15, page 14. Ce que je dis, c'est que malgré les raisons opérationnelles il sera peut-être possible de respecter les exigences de la loi si les règlements devant être adoptés en vertu de l'article 203.2 ressemblent à ce que nous envisageons. Il ne faut pas ici confondre avec les dispositions de l'article 203.16 de la page 16.
Le sénateur Joyal : Non. C'est quelque chose de différent. Les notions de sécurité nationale, de relations internationales et de sécurité des opérations sont tout à fait différentes des raisons opérationnelles. Je ne suis pas spécialiste en langue militaire, mais j'ai l'impression que les raisons opérationnelles peuvent correspondre à peu près à n'importe quoi. À la façon dont je lis cela, c'est un concept très large. C'est la porte ouverte à presque toutes les possibilités, à moins que ce terme ne soit défini dans la Loi sur la défense nationale.
Col McAlea : Ce n'est pas un terme de métier spécifique et nous n'avions pas envisagé de le définir parce que nous l'entendons dans son sens général. Il revient à se demander si, en vertu de la Loi sur la défense nationale, il existe une obligation de participer à une opération à cause de laquelle vous ne pouvez pas vous prévaloir de vos droits en vertu des alinéas a), b) ou c) ou de vous conformer aux dispositions de l'alinéa d)?
Le sénateur Joyal : Je comprends cela, mais si nous devons entendre par raisons opérationnelles le déploiement des forces...
[Français]
...si on parle du déploiement des forces, on comprend très bien. Les gens doivent partir de leur base pour aller à l'extérieur de la base. C'est un concept très compréhensible. Mais si je dis que c'est pour des raisons opérationnelles, cela pourrait être n'importe quoi.
[Traduction]
Ce pourrait être n'importe quoi, cela pourrait décrire la présence à la base. Il n'est pas nécessaire d'être hors de la base. Voilà pourquoi j'estime qu'il y a une différence entre les raisons opérationnelles et les dispositions de l'article 203.16 aux pages suivantes. À la façon dont j'interprète le projet de loi, il y a un double sens.
Col McAlea : C'est exact.
Le sénateur Joyal : C'est pour cela que j'essaie de voir s'il n'y aurait pas lieu de définir les raisons opérationnelles, d'en limiter le sens, de le circonscrire.
Col McAlea : Je comprends que le processus de définition a pour effet de limiter ou de circonscrire n'importe quel concept. Nous, nous voulions conserver à ce terme son sens courant.
Je dois vous avouer que je suis à court d'idées et que je ne vois pas quelle autre définition je pourrais vous donner, en plus de celle que je vous ai déjà fournie. Vous posez-vous encore une question?
Le sénateur Joyal : Si vous me dites que, dans les règlements qui seront adoptés en vue de préciser ces principes, vous avez pour objectif d'interpréter cela ou de nous donner un moyen de le comprendre, à ce moment-là je vous demanderai de voir quels éléments vous voulez englober dans cette définition.
Si vous me dites: « Non, nous n'allons rien changer et nous interpréterons cette expression en fonction de ce que nous pensons du sens à donner à raisons opérationnelles militaires... »
Col McAlea : Nous avons l'intention de faire ce que vous avez dit en dernier. Les règlements doivent désigner les catégories d'opérations au sens de l'article 203.16. Ainsi, les catégories d'opérations seraient définies. C'est ce qui se trouve à la page 16. Nous envisagerions également, par voie de règlement, de désigner des bureaux d'inscription, ce qui ne reviendrait pas pour autant à définir les raisons opérationnelles.
Dans ce cas, on se trouverait à réduire le nombre de situations où des membres des Forces canadiennes ne pourraient pas se conformer aux dispositions de cette mesure législative pour des raisons opérationnelles.
Nous n'avons pas l'intention de définir le terme « raisons opérationnelles » dans le règlement, mais celui-ci doit nous permettre de définir les circonstances ou les situations dans lesquelles il serait très rare qu'un militaire puisse se conformer aux quatre paragraphes de l'article 203.15.
Le sénateur Bryden : L'autre jour, je voulais parler de quelque chose qui est en rapport avec ce que nous dit le sénateur Joyal. Le chef d'état-major de la Défense nationale dispose du pouvoir discrétionnaire, en vertu des articles 203.16 et 203.13, de décider que telle ou telle personne ne peut être inscrite. Toutefois, il y a bien une sanction qui est prévue dans le cas de ceux qui, ne bénéficiant pas d'une telle exemption, ne s'inscriraient pas, n'est-ce pas?
Un justiciable censé s'inscrire mais qui ne l'a pas fait parce qu'il estimait que son chef d'état-major aurait dû lui donner une exemption ou repousser son inscription à plus tard a-t-il la possibilité d'interjeter appel?
Le soldat concerné ne peut-il pas interjeter appel en disant: « Je ne me suis pas inscrit, mais je suis accusé de cette infraction tandis que mon chef d'état-major aurait dû m'exonérer de cette disposition parce que j'étais en opération et qu'il a décidé de ne pas le faire. »
Ce que je veux savoir, ce n'est pas s'il aurait dû s'inscrire ou pas, mais plutôt si, en cas de différend, c'est le chef d'état-major a le dernier mot, s'il a une discrétion absolue.
Col McAlea : Il y a deux aspects dans cette affaire. Le rôle du chef d'état-major de la Défense est défini aux articles 203.15 et 203.16 et il s'agit de décisions administratives.
Il examine simplement les faits. Il y a toujours place à interprétation dans ce cas. Quelqu'un d'autre qui examinerait les mêmes faits pourrait dire: « Non, le justiciable est tout à fait en mesure d'exercer ses droits en vertu de 203.15 ou de se conformer aux exigences qui lui sont faites et je ne vais donc pas décider qu'il est en situation d'incapacité. » C'est cela la situation que nous décrivons.
Il n'y a pas de procédure d'appel parce que nous estimons que ce n'est pas une décision judiciaire ou quasi-judiciaire. Elle est administrative. Bien sûr, cela n'empêcherait pas un tribunal d'examiner judiciairement cette décision rendue par le chef d'état-major.
Mon confrère vient de me rappeler que ce texte a fait l'objet d'un ajout à la toute première page du projet de loi. Il y est question de l'omission de se conformer à l'ordonnance rendue. Au deuxième paragraphe, on précise qu'il est entendu que l'ordre légitime ayant pour effet d'empêcher la personne de se conformer à une ordonnance ou à une obligation est une excuse raisonnable.
Notre système n'est pas parfait. Il est possible que nous oubliions certaines choses. Comme vous pouvez vous en douter, le chef d'état-major a bien d'autres chats à fouetter.
Le sénateur Bryden : Eh bien, voilà qui me rappelle qu'en fin de compte, même si l'on fait tous les efforts du monde pour qualifier d'administrative telle ou telle chose, on peut toujours se retrouver devant un tribunal.
Le sénateur Milne : J'allais précisément souligner que cela pourrait faire l'objet d'un examen judiciaire.
La présidente : Merci beaucoup.
La séance est levée.