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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 4 - Témoignages du 22 juin 2005


OTTAWA, le mercredi 22 juin 2005

Le Comité sénatorial permanent du règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui à 12 h 15 pour discuter du serment d'allégeance au Canada.

Le sénateur David P. Smith (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, avant d'entamer l'ordre du jour pour aujourd'hui, nous devons voir si nous avons reçu le formulaire nécessaire au sujet de l'appartenance au comité. D'après ce que j'ai compris, une décision a été prise au caucus de l'opposition officielle, soit que le successeur du président suppléant, le sénateur Lynch-Staunton, qui a pris sa retraite, sera le sénateur Johnson. Je trouve que c'est très bien.

J'allais demander une motion en ce sens pour commencer, mais il se peut que nous n'ayons pas encore reçu la documentation nécessaire.

Le sénateur Andreychuk : Je ne sais pas quel document il nous faut, parce que, techniquement et légalement, ce comité procède à l'élection de son propre président et de son président suppléant. Nous pouvons nous faire conseiller, mais tout ce qui nous faut savoir, c'est si le sénateur Johnson a été ajouté en tant que membre du comité.

Le président : C'est ce que nous vérifions, et elle l'a été.

Le sénateur Andreychuk : Je propose que le sénateur Johnson soit la présidente suppléante de ce comité.

Le président : Tous ceux qui sont en faveur de cette proposition, veuillez l'indiquer.

Des voix : D'accord.

Le président : C'est adopté.

Nous vous souhaitons la bienvenue, sénateur Johnson.

À l'ordre du jour, aujourd'hui, nous examinons un serment d'allégeance. Nous avons un document de travail qu'a préparé Megan Furi, de la Bibliothèque du Parlement.

Sénateur Lavigne, voulez-vous entendre le résumé du rapport avant de faire vos observations?

Le sénateur Lavigne : Madame Furi peut avoir la parole.

Mme Megan Furi, attachée de recherche, Division du droit et du gouvernement, Service d'information et de recherche parlementaires : Honorables sénateurs, je vais résumer la situation actuelle au Canada.

En vertu de l'article 128 de la Loi constitutionnelle de 1867, tous les parlementaires doivent prêter allégeance à la Reine avant d'entrer en fonction. La motion du sénateur Lavigne ne changera rien au libellé du serment énoncé dans la Loi constitutionnelle, puisque cette motion vise à modifier le Règlement du Sénat.

La Chambre des communes du Canada a eu à traiter cette question à plusieurs occasions. Pendant la 37e législature, le projet de loi C-408 cherchait à modifier la Loi sur le Parlement du Canada. Il en a été débattu. Un élément qui a été soulevé pendant le débat, c'est qu'un serment d'allégeance au Canada serait redondant, puisque le serment d'allégeance à la Reine est, en soi, un serment d'allégeance au Canada puisque la Reine est notre chef d'État.

Selon un autre argument en faveur de la modification, plus que jamais, les Canadiens identifient leur origine comme étant le Canada, et c'est une mesure très symbolique que de faire un serment d'allégeance, de fait, au Canada.

Dans toutes les assemblées législatives du Canada, comme l'exige la Loi constitutionnelle, les députés doivent prêter serment d'allégeance à l'État avant de prendre leurs fonctions. Au Québec, les députés sont tenus de prêter serment de loyauté envers le peuple, en plus du serment d'allégeance.

Au Parlement fédéral de l'Australie, chaque sénateur et chaque membre de la Chambre des représentants est tenu de prêter serment d'allégeance à la Reine. Dans trois des États de l'Australie — Queensland, le Territoire de la capitale de l'Australie et le Territoire du Nord — ils prononcent un serment d'allégeance à la Reine et un serment de fonction. De plus, dans l'ouest de l'Australie et la Nouvelle-Galles du Sud, il y a un mouvement en faveur d'un serment d'entrée en fonction à l'égard du pays.

En Nouvelle-Zélande, les parlementaires sont tenus de jurer allégeance à la Reine, mais ils sont en train de moderniser divers serments, y compris le serment parlementaire, dans le sens d'un serment à la Reine ou à la Couronne, ainsi qu'un serment de loyauté à la Nouvelle-Zélande. Le libellé est le suivant : « Je serai loyal envers la Nouvelle- Zélande et respecterai ses valeurs démocratiques et les droits et libertés de son peuple ».

Le président : J'ai bien demandé au greffier de voir si M. Audcent est ici, ou au cas où quelqu'un voudrait poser des questions d'ordre juridique.

Y a-t-il des questions pour Mme Furi?

[Français]

Le sénateur Robichaud : J'ai vu à la télévision la diffusion d'un reportage tourné à Toronto sur une cérémonie d'assermentation. Dans la formule d'assermentation, les personnes prêtaient allégeance ou du moins faisaient allusion à la reine et aussi au Canada. Nous pourrions peut-être nous inspirer de cette formule et étudier son origine, son évolution et son application.

[Traduction]

Mme Furi : J'ai fait un suivi avec la Ville de Toronto mais n'ai pas pu obtenir de réponse sur le libellé exact du serment et les procédures qu'ils appliquent. J'ai téléphoné deux fois. J'ai parlé à quelqu'un la semaine dernière, et j'ai rappelé ce matin, et personne n'a retourné mon appel jusqu'à maintenant. Nous sommes en train de nous renseigner.

Le président : Est-ce que c'était le conseil municipal, plutôt que l'Assemblée législative, à laquelle vous pensiez?

Le sénateur Robichaud : Je pense que cela avait à voir avec le chef de la police. Ce devait être avec le conseil de la Ville de Toronto.

[Français]

Le sénateur Lavigne : Vous avez dit qu'il s'agissait de la reine du Canada dans les documents que vous nous avez fait parvenir. Lors de l'assermentation des sénateurs à la Chambre, il n'est nullement question de la reine du Canada, mais de la reine Elizabeth II. Vous dites que la Nouvelle Zélande prête allégeance à la reine, mais non au pays. Par contre, vous mentionnez des États où on prête allégeance au pays, dont la Malaisie, la République Tchèque, l'Inde, la Jamaïque, le Liberia, le Namibie, le Nigeria, le Pakistan, et autres.

Vous dites également que si le serment d'allégeance était laissé au choix de l'individu que cela entraînerait deux sortes de sénateurs. Puisque la Charte des droits et libertés garantit la liberté de choix aux Canadiens, il est tout à fait normal de laisser chacun décider du type d'allégeance qui lui convient, qu'il soit envers le pays, la reine ou les deux. Je ne pense pas que cela entraîne deux sortes de sénateurs.

J'ai déposé au Sénat une motion à l'appui de laquelle 554 800 personnes recommandaient l'assermentation au pays. Je suis surpris de voir que ces documents n'aient pas été distribués au comité pour notre information à tous quant aux pays qui portent allégeance à leur pays. Ces personnes de tous les milieux, de tous les âges, de toutes les provinces m'ont écrit afin d'appuyer ma démarche. La pression souverainiste du Québec renforce ma volonté de voir mise de l'avant cette motion.

Dans le certificat que nous recevons, il est mentionné « Sa Majesté la reine Élizabeth II ». Lors de notre assermentation en Chambre, le mot « Canada » revient six fois dans le préambule, mais lorsque nous prononçons la formule d'assermentation jamais nous n'avons à le prononcer. Je suis attristé de voir que nous prêtons allégeance à la reine mais pas à notre pays. Tellement de citoyens du Québec se cherchent un pays. Pourtant, nous en avons un et nous devrions nous en préoccuper. Il revient à nous en tant que représentants des citoyens du Canada à la Chambre haute de faire le premier pas.

[Traduction]

Le président : Je me demande si c'est un discours ou une question à madame Furi?

Le sénateur Lavigne : Il y avait deux questions, et un discours.

Mme Furi : En ce qui concerne les commentaires sur l'existence de deux sortes de sénateurs, je ne présume pas que ce soit le cas. C'est ici seulement pour stimuler votre réflexion, quand vous devrez décider, relativement de la procédure, où cela s'insère. C'est une question pour les sénateurs. Je ne présumais pas qu'il y a deux sortes de sénateurs. Ce n'est là qu'à des fins de réflexion.

M. James R. Robertson, directeur, Division du droit et du gouvernement, Service d'information et de recherche parlementaires : En ce qui concerne ce que disait le sénateur Lavigne au sujet d'autres pays qui prêtent allégeance à la reine, mais aussi au pays, nous avons fait des recherches préliminaires pour le compte du sénateur Lavigne, que nous n'avons pas intégrées à ce document d'information. Nous nous préoccupions surtout des pays habituels, membres du Commonwealth. Nous avons demandé des copies du document d'information intégral, qui comprend le serment de loyauté ou le serment d'allégeance prononcé dans d'autres pays du monde. Nous les aurons d'ici à la fin de la réunion, ou ce sera distribué cet après-midi.

Le président : Je suppose que ce que vous constaterez, c'est que pour les pays membres, la reine est reconnue comme le chef du Commonwealth, mais pas comme le chef d'État.

J'ai une autre question au sujet de ce préambule. Peut-être n'est-il pas très juste de poser ces questions à Mme Furi. Est-ce que nous avons trouvé M. Audcent?

M. Blair Armitage, greffier du comité : Son adjoint devrait arriver bientôt.

Le président : Dans le préambule à la question du sénateur Lavigne, je pense que ce qu'il disait, c'est que les sénateurs auraient un choix; mais d'après ce que je comprends de la Loi constitutionnelle, nous n'avons pas le choix. Nous devons prêter serment d'allégeance à la reine. Quant à savoir si on peut prêter un autre serment, qui serait prévu au Règlement, sans rouvrir la Loi constitutionnelle, est-ce que vous êtes d'accord avec cela?

Le sénateur Lavigne : Oui.

Monsieur le président, les juges prêtent serment à la reine et au Canada. Tous les nouveaux immigrants prêtent serment à notre pays, le Canada. Nous sommes sénateurs, et nous ne prêtons pas serment. C'est difficile à comprendre.

Le sénateur Maheu : Je n'ai pas apprécié ce que j'ai lu dans ce document d'information de la Bibliothèque du Parlement.

En tant qu'anglophone du Québec, nous avons de tout autres points de vue que bien d'autres anglophones d'ailleurs au pays. J'ai vécu presque en tant que francophone, frustré par le fait que la moitié de notre population est de l'avis du sénateur Lavigne, et je le suis aussi, en passant. Je sais exactement ce qui l'a amené là. J'ai livré cette bataille du drapeau canadien aux bureaux de poste. Je la livre encore. Chaque fois que je passe devant un bureau de pose où flotte un drapeau canadien effrangé, je m'arrête pour en donner un autre, et je m'assure qu'il soit installé.

Il est difficile d'être fédéraliste au Québec. Je sais ce qui a déclenché cette démarche du sénateur Lavigne. Il a refusé, comme je l'ai fait, d'assister à des cérémonies de citoyenneté tant qu'il n'y aurait pas de drapeau canadien.

La Bibliothèque du Parlement nous donne des éléments de réflexion. Si la motion est modifiée pour remplacer le mot « doit » par « peut », je pense que c'est là qu'on forme deux catégories de sénateurs. Cela n'a rien à voir avec la proposition du sénateur Lavigne. Si certains d'entre nous disons que nous « pouvons » alors que d'autres disent que nous « devons », il y a deux catégories de sénateurs. Je suis tout à fait d'accord.

Le sénateur Andreychuk : C'est l'amendement du sénateur Day, par le sien.

Le sénateur Maheu : Je m'excuse. Ce n'est pas un amendement, c'est une suggestion, si nous apportons une modification, et ce n'est qu'un énoncé d'hypothèse. La question que j'ai à poser est la suivante : pourquoi la Bibliothèque du Parlement présenterait-elle quelque chose comme ceci aux fins de réflexion? Nous en sommes venus à apprécier ce que fait la Bibliothèque pour nous. Je suis choquée de lire ceci.

Mme Furi : Nous l'avons formulé ainsi parce que c'était une suggestion qui a été faite pendant le débat. Tout ce que nous avons essayé de faire, c'est de transmettre l'information qui existe. C'est seulement à titre d'élément de réflexion. Ce n'est d'aucune façon pour pousser à une décision, dans un sens ou dans l'autre.

Le sénateur Robichaud : Ce n'était pas une suggestion. C'est quelque chose qui a été proposé au Sénat, que nous examinons. Ça nous est présenté.

Le président : C'est là à juste titre, pour leur donner la possibilité de répondre, à cause de la motion.

Le sénateur Eggleton : Madame Furi, je comprends la nécessité d'adhérer à la Loi constitutionnelle et de jurer allégeance à la Reine mais si je comprends bien, la possibilité d'un deuxième serment, comme celui qui est prononcé au Québec, n'est pas une infraction à la Constitution?

Le président : L'adjoint de M. Audcent est arrivé, et j'aimerais lui demander de se joindre à nous, ici. Si nous abordons des questions d'ordre juridique, je pense qu'il serait bon qu'il fasse partie du groupe.

Est-ce que vous voulez répéter votre question?

Le sénateur Eggleton : Madame Furi, je comprends la nécessité d'adhérer à la Loi constitutionnelle et de jurer allégeance à la Reine mais est-ce qu'un deuxième serment, comme celui qui est prononcé au Québec, serait une infraction à la Loi constitutionnelle? Y a-t-il quelque chose qui nous empêche d'avoir un deuxième serment?

M. Michel Patrice, conseiller parlementaire, Services juridiques : Je vais parler de cette motion et de cette exigence. Je ne voudrais pas répondre pour une assemblée législative provinciale, sur la manière dont elle adopte ses lois et si ces lois sont valides.

Si nous regardons la motion, on soutient qu'une exigence supplémentaire dans l'ensemble des lois ou dans le Règlement du Sénat en plus de ce qu'exige la Constitution serait contraire à la Constitution.

Le texte de la motion dit : « après son entrée en fonction ». Le texte de la Loi constitutionnelle stipule : « avant d'entrer dans l'exercice de leurs fonctions ». En fait, le sénateur pourrait entrer dans l'exercice de ses fonctions, qu'il ait ou non prêté ce serment.

Je ne sais pas si les membres du comité en sont encore à l'aspect du « doit » ou « peut » de la motion, si un sénateur a le choix de prêter ce serment particulier. Cependant, une personne sera habilitée à entrer en fonction au Sénat si elle a prêté le serment prévu dans la Constitution, parce que cela se passe avant l'entrée en fonction. Dans ce scénario, c'est après l'entrée en fonction, alors le sénateur a le droit de siéger.

Si la motion était modifiée pour dire « doit » et le sénateur refusait la fonction, ce serait au sénateur d'y réfléchir. Ce serait au Sénat de déterminer si le sénateur est coupable d'outrage au Règlement du Sénat, mais il aurait encore le droit d'occuper ses fonctions. Je ne sais pas si cela répond à votre question.

Le sénateur Eggleton : Pas vraiment, mais permettez-moi de poser une autre question.

Lorsque j'ai reçu une communication du sénateur Lavigne sur la question, il souhaitait ajouter au serment actuel les mots « et à mon pays, le Canada ». Y a-t-il quelque chose d'inconstitutionnel dans l'ajout de ces mots au serment?

M. Patrice : Si ça devait être ajouté au texte de la cinquième annexe de la loi, il faudrait une modification à la Loi constitutionnelle elle-même.

Le sénateur Cools : Bien sûr.

Le sénateur Eggleton : Entendez-vous par là que l'ajout des mots « et à mon pays, le Canada » est une infraction à la Loi constitutionnelle?

M. Patrice : La Loi constitutionnelle dicte avec précision le serment qui doit être prononcé. En ajoutant des mots au serment d'allégeance, on voudrait ajouter quelque chose à la formule que dicte la Loi constitutionnelle.

Le sénateur Eggleton : Vous parlez encore des mots qui sont dans la Loi constitutionnelle. Vous parlez toujours de mots. Ce serait des mots ajoutés.

M. Patrice : Oui, mais ce sont des mots clairs, et c'est une formule claire qu'il faut prononcer. Vous modifiez, en fait, la formule. Bien que ce soit tout à fait conforme à la formule, ces mots modifieraient encore le libellé de la formule, alors il faudrait modifier la Loi constitutionnelle.

Le sénateur Fraser : En fait, pour préciser une chose, l'amendement du sénateur Day n'a pas atteint le stade du vote. C'est en discussion, comme toute autre chose.

Le sénateur Jaffer : Vous avez parlé de plusieurs républiques qui ont adopté une déclaration, mais comme l'a dit le sénateur Smith, ces républiques ne considèrent pas la reine comme leur chef d'État. C'est pourquoi ils peuvent le mentionner. C'est un peu différent.

Le sénateur Lavigne : Certains prêtent serment à la reine, et aussi au pays.

Le sénateur Jaffer : Par exemple, le Pakistan est une république. La Reine n'est pas son chef d'État.

Le sénateur Joyal : J'ai essayé de concilier de nombreux éléments que contient la proposition du sénateur Lavigne, particulièrement à la lumière de ce que disait le sénateur Eggleton, sur la façon de différencier les divers serments qu'on peut prononcer avant d'entrer en fonction.

J'ai commencé avec le libellé original de la Loi constitutionnelle, qui est très clair, comme l'indique le document qu'a fourni la Bibliothèque, le libellé du texte de la Constitution est une formule juridique. Par conséquent, elle nous lie. On ne peut pas la modifier à moins de passer par le processus constitutionnel, et tout le monde ici sait ce que cela veut dire. Le libellé de la Constitution indique très clairement « Je jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la reine Elizabeth II », et c'est la formule actuelle.

Pour moi, le mot clef, c'est « allégeance ». La Loi constitutionnelle exige que nous prêtions serment d'allégeance à la reine. Il faut comprendre ce que signifie le mot « allégeance », parce que c'est un mot constitutionnel. Le concept des termes que nous utilisons est constitutionnel. Ce n'est pas le langage courant. C'est le terme « allégeance » dans le contexte constitutionnel. L'ouvrage intitulé Words and Phrases, dans sa troisième édition, de 1998, London, Butterworths, définit « allégeance » comme suit, en gros :

L'allégeance est, par la loi, promise aux souverains, que ce soit l'héritier légitime de la Couronne ou non, et les sujets sont tenus de servir à la guerre contre tout rébellion, pouvoir, et force employée contre le souverain, et sont protégés, ce faisant, contre l'accusation de haute trahison et contre tout abandon et pénalité.

C'est l'origine du terme « allégeance » dans notre Constitution. La question qui découle de vos questions est la suivante : Pouvons-nous, constitutionnellement parlant, avoir deux allégeances?

Le sénateur Cools : Non.

Le sénateur Joyal : Ma réponse à cette question est non. Il n'y a qu'une allégeance dans la Constitution actuelle.

Nous en venons à la question du sénateur Lavigne. Pouvons-nous prêter serment au Canada? Ma réponse, c'est oui. Nous pouvons prêter serment au Canada, mais à mon avis, constitutionnellement parlant, nous ne pouvons pas parler d'« allégeance » au Canada.

Alors je me demande quel mot serait approprié? Le mot approprié, d'après la définition juridique, c'est « loyauté ». Le terme « loyauté » a un sens différent. Il signifie qu'on respecte la loi, ou qu'on soutient un gouvernement existant. C'est l'idée de base du sénateur Lavigne, d'appuyer le Canada, son intégrité et ses institutions. D'après ce que je comprends de son intervention, c'est ce qu'il souhaite.

Selon moi, nous pourrions jurer ou prêter serment de loyauté au Canada et, j'ajouterais, de défendre sa Constitution, ce qui est, bien sûr, un deuxième serment. On pourrait jurer loyauté au Canada et, ainsi, défendre sa Constitution. On peut ajouter un troisième élément au serment, soit qu'on servira son peuple avec honnêteté et intégrité au meilleur de notre capacité.

C'est un moyen possible, à mon avis, de réaliser l'objectif du sénateur Lavigne, qui est en fait de nous engager envers le pays en respectant la Constitution.

Le président : Peut-être devrions-nous demander à M. Patrice son avis là-dessus.

Le sénateur Joyal : Je peux faire circuler le texte.

Le président : Certainement.

Monsieur Patrice, avez-vous eu la possibilité de regarder ce texte?

M. Patrice : Non, pas du tout.

[Français]

Le sénateur Corbin : Monsieur Patrice, n'est-il pas vrai — et j'affirme qu'il est vrai — que le prestataire du serment constitutionnel ne peut être autre, par définition, qu'un citoyen Canadien?

M. Patrice : C'est vrai.

Le sénateur Corbin : Et n'est-il pas juste de dire que cette citoyenneté est acquise naturellement par le fait de naître au Canada ou par la prestation d'un serment de citoyenneté?

M. Patrice : Oui.

Le sénateur Corbin : Ma deuxième question est la suivante. Il n'y a pas, au Québec, de citoyenneté québécoise en tant que telle, sur le plan constitutionnel. Tous les citoyens du Québec sont citoyens Canadiens.

M. Patrice : C'est exact.

[Traduction]

Le président : Cela termine notre liste d'intervenants, et nous allons passer aux commentaires.

Le sénateur Eggleton : J'aimerais bien que nous puissions trouver un moyen de faire cela conformément à la Loi constitutionnelle et sans déroger du serment que nous faisons à la Reine. Il est approprié de jurer allégeance à la reine.

J'aime bien ce que proposait le sénateur Joyal. Il a fait des recherches sur la question et proposé des mots. J'espère que ces mots seront acceptables pour les avocats : « Je jure que je serai loyal envers le Canada, que je défendrai sa Constitution et que je servirai son peuple avec honnêteté et intégrité, au meilleur de ma capacité. » C'est un bon texte à adopter en plus de ce qui est exigé.

D'aucuns pourraient soutenir que quand on prête serment d'allégeance à la reine, en fait, on prête serment au Canada. Je pense que la plupart des Canadiens ne le comprendraient pas dans ce contexte. La plupart des Canadiens préféreraient, s'ils s'intéressent le moindrement à la question, un serment au Canada. Pour la plupart des gens, quand ils deviennent citoyen ou font quelque chose d'autre qui revient à prêter serment, comprendraient ce qu'est un serment de loyauté au pays. Je crois que nous devrions illustrer ce que la plupart des citoyens estimeraient être la bonne chose à faire.

Je ne voudrais certainement pas déclencher un problème constitutionnel ici, parce que nous savons combien ce peut être une situation difficile. Nous voulons certainement respecter la Constitution. Je ne vois pourquoi nous ne pouvons pas avoir un serment de cette nature, pour afficher sa loyauté au pays et à son peuple. C'est tout ce qu'il y a de plus approprié, et j'espère que nous l'adopterons.

Le président : À ce que je comprends, de nos conseillers juridiques, c'est M. Patrice qui a fait la recherche sur cette question, plutôt que M. Audcent. C'est bien que ce soit lui qui soit ici.

Vous avez devant vous la suggestion du sénateur Joyal. Vous n'avez pas besoin de donner un avis définitif au pied levé, parce que je ne pense pas que nous nous rendrons au bout de notre débat aujourd'hui. Il se peut que nous nous réunissions à nouveau mardi prochain. Peut-être pourrions-nous, d'ici là, avoir un avis par écrit, et vous pourrez y réfléchir un peu. Nous vous inviterons pour nous dire ce que vous en pensez.

Le sénateur Fraser : Moi aussi, je suis une fédéraliste du Québec, comme d'autres ici. J'ai consacré pendant de nombreuses années toute mon énergie à la préservation du pays. C'est pourquoi je réagis émotivement en faveur de cette proposition. Cependant, quand j'y pense en ce qui concerne le Sénat, le doute m'assaille. Je ne peux pas dire que j'y sois vivement opposée, mais j'ai de sérieux doutes.

Permettez-moi de dire entre parenthèses, si nous allons de l'avant avec cette motion, que j'aimerais employer la formule que propose le sénateur Joyal, qui, selon moi, évite certaines ornières.

Si nous adoptons la motion originale, le serment que propose le sénateur Lavigne ou le sénateur Joyal devient obligatoire, ce qui représente un changement de très haut niveau. Ce n'est plus qu'un petit règlement sur la conduite et sur l'ordonnancement internes des activités du Sénat. C'est, en fait, créer toute une nouvelle condition à l'appartenance au Sénat. Cela n'a plus rien à voir avec l'organisation appropriée de ses finances, ou la présence aux comités. Cela va au cœur de ce qu'on croit et qu'on affirme.

C'est ce que je crois et suis prête à affirmer à toutes les occasions, mais j'hésite à décider par une simple modification au Règlement du Sénat de ce qui est en fait une nouvelle condition à l'appartenance au Sénat.

Ce n'est pas moi qui ai soulevé cette question devant la Chambre, mais s'il n'est pas obligatoire de prêter ce serment, je pense qu'il est très pertinent de discuter des deux catégories d'appartenance. Encore une fois, ceux d'entre nous qui ont vécu au Québec connaissent ce climat. Est-on un véritable Canadien ou non?

Il pourrait y avoir de nombreuses raisons qui peuvent amener quelqu'un à choisir de ne pas prêter un serment. Cela ne signifie pas que cette personne soit un traître. Elle fait un serment à la reine. Peut-être n'aime-t-elle pas prêter serment? Peut-être fera-t-elle le minimum exigé, mais elle ne veut pas prêter serment si elle n'y est pas obligée? Certaines personnes ne croient tout simplement pas dans les serments.

Ce que nous envisageons ici, c'est quelque chose de plus profond, en termes institutionnels, qu'une simple affirmation de loyauté au pays, que nous jugeons tous très attrayante.

Le sénateur Andreychuk : Je ne vois pas où nous allons avec cette question. Le comité a été saisi d'une motion, et nous devions déterminer si elle est conforme ou non.

Si nous allons essayer de moderniser le serment pour apaiser certaines circonscriptions qui ne comprennent pas la Reine du Canada, alors je pense que nous entrons dans un tout nouveau débat, comme l'a dit le sénateur Fraser, qui a toutes sortes de répercussions pour le Sénat, les sénateurs et les citoyens. Je suis tout à fait disposée à entrer dans ce débat, mais je me demande si nous l'amorçons selon la règle de l'art.

Puisque nous parlons de l'organe législatif de notre système, je pense que les citoyens auraient leur mot à dire, et devraient avoir leur mot à dire sur la manière dont nous changeons nos sénateurs et leurs obligations et allégeances plutôt que de simplement proposer des motions. Il nous faut un véritable débat sur le sujet, au Canada.

Je pense qu'en Australie, il y a eu ce débat. Ils ont visé juste en déterminant si c'était une république ou non. Tout le monde a participé, et ils ont tiré leurs propres conclusions. Peut-être n'ont-elles pas satisfait tout le monde.

Je me demande comment nous allons faire pour nous acquitter de nos fonctions de manière à pouvoir parler les uns aux autres plutôt que d'amener de nouvelles questions sur le tapis tout le temps.

À un moment donné, j'aimerais qu'on parle de ce qu'a dit le sénateur Joyal. J'ai un point de vue différent du sien, et peut-être nous faudrait-il toute une panoplie d'avocats constitutionnels pour nous aider.

Quand j'ai juré allégeance à la reine, je pensais jurer allégeance au Canada et à tout ce que cela voulait dire pour moi. Par conséquent, je ne suis pas aussi sûre que le sénateur Joyal de tout cela. Je pense qu'il y a une différence entre le terme « loyauté » et celui d'« allégeance ». La question qui se pose, c'est où ces termes se chevauchent-ils, et quel sens ont-ils pour nous? Lorsque je jure allégeance, je garantis aussi ma loyauté. Je pense que c'est une question tout à fait fondamentale.

En outre, si je dois jurer loyauté au Canada, que signifie « Canada » dans ce cas? Il nous faudra une définition du Canada. Est-ce que c'est le gouvernement du Canada? Est-ce que c'est le chef d'État du Canada?

J'ai une petite idée de là où veut en venir le sénateur Joyal avec cette définition, parce qu'il parle de défendre la Constitution. Il me semble que c'est exactement ce que veut signifie l'allégeance : le Canada, la règle de droit et la Constitution. Il y a bien des angles sous lesquels examiner cette question.

La formule que propose le sénateur Joyal dit « Je servirai son peuple avec honnêteté et intégrité ». Je me demande pourquoi on le dirait ainsi si je jure de servir le peuple au meilleur de ma capacité, ce qui en soi, signifie que je ferai de mon mieux.

Pourquoi singulariser l'honnêteté? Est-ce qu'il y en a qui ont juré allégeance, sans jurer de faire le travail au mieux de leur capacité? J'aurais aimé que ce soit le sens du serment d'allégeance.

Sénateurs, c'est un sujet d'une ampleur phénoménale, et j'aimerais que le président nous dise comment nous allons faire.

Je peux comprendre qu'aujourd'hui, nous ne faisons qu'amorcer le débat, mais il nous faut focaliser notre objectif. Parlons-nous uniquement de la motion, ou est-ce une discussion sur la modernisation?

Le président : C'est le sujet.

Le sénateur Andreychuk : C'est un sujet phénoménal, alors.

Le président : C'est phénoménal, mais il nous est présenté à juste titre. Le sénateur Joyal a réfléchi à ce qui pourrait être appelé une alternative relativement, en fait, au même sujet. Il serait bon de savoir ce qu'en pense tout le monde.

Lorsque vous parlez d'allégeance, je pensais que l'allégeance pourrait être affaire de perception personnelle. Ces question sont parfois toutes rhétoriques, de par leur nature.

[Français]

Le sénateur Chaput : J'aimerais qu'on puisse trouver une solution pas trop compliquée tout en respectant l'aspect constitutionnel. Dans un premier temps, je n'ai aucune difficulté à prêter le serment d'allégeance à la reine mais, en même temps, j'aimerais qu'on puisse affirmer notre loyauté envers notre pays. J'ai beaucoup aimé ce que le sénateur Joyal a dit. Maintenant je ne connais pas la Constitution comme vous, je n'ai pas votre expérience. Je me dis qu'il doit y avoir une façon de le faire.

Lorsqu'on m'a proposé la nomination de sénateur, le premier ministre m'a téléphoné et m'a demandé si j'étais prête à servir mon pays. Je suis venue au Sénat avec l'intention ferme de servir mon pays, au meilleur de mes connaissances, tout en sachant que je devais prêter allégeance à la reine.

Je veux féliciter le sénateur Lavigne d'avoir initié ce sujet très vaste. Je veux remercier le sénateur Joyal de ses explications qui me permettent de comprendre l'aspect constitutionnel du processus. J'aimerais qu'on en arrive à une solution qui nous permette d'affirmer notre loyauté autant envers notre pays qu'envers notre reine. J'avoue que je comprendrais difficilement que l'on accepte un poste de sénateur et que l'on n'affirme pas en même temps notre loyauté au Canada. Nous sommes au Sénat pour servir les Canadiens et les Canadiennes.

[Traduction]

Le sénateur Cools : J'aimerais me situer parmi le groupe de ceux qui s'interrogent à la fois sur cette motion et sur le fait-même qu'elle nous soit présentée. La proposition du sénateur Joyal, tout aussi attrayante qu'elle puisse être, n'est pas conforme aux exigences constitutionnelles des sénateurs. À mon avis, si elle était adoptée, elle serait source de nombreux problèmes.

J'ai fait beaucoup de travail sur la Loi constitutionnelle de 1867 au fil des années. Il est erroné de dire que cette loi prescrit le serment d'allégeance. Ce qu'elle prescrit, c'est la formule du serment d'allégeance. Autrement dit, la notion d'allégeance et la loi de l'allégeance sont antérieures à la Loi constitutionnelle. L'article 9 de cette loi stipule :

À la Reine continueront d'être et sont par la présente attribués le gouvernement et le pouvoir exécutifs du Canada.

L'objet de cette loi était de préserver la situation actuelle.

J'aimerais ajouter, honorables sénateurs, que le bureau du Gouverneur général du Canada n'est pas constitué par la Loi constitutionnelle. Il est mentionné dans la Loi, mais le bureau du Gouverneur général du Canada est constitué par des lettres patentes royales émanant directement de Sa Majesté en Angleterre. C'est un facteur qui est très souvent négligé.

Le terme « allégeance » vient du terme français Norman « liège Lord ». Un liège était un lord à qui on devait allégeance et service en vertu de la loi féodale. Le Dictionnary of English Law de Jewitt définit l'allégeance comme l'obéissance naturelle, légale et fidèle que doit chaque sujet au magistrat suprême, qui n'abusera pas de sa prérogative. C'est le lien, ou ligamen qui relie le sujet au souverain en échange de la protection que le souverain lui offre.

L'allégeance, dans une monarchie, c'est cette relation ou ce lien très individuel et singulier qui est censé exister entre le souverain et son sujet. C'est pourquoi il y a toujours un endroit dans nos régimes parlementaires britanniques où ce sujet peut pétitionner Sa Majesté, particulièrement dans tous les régimes du Commonwealth.

De nombreux ouvrages ont été écrits sur la question de la Loi de l'allégeance. Ce ne sont pas des questions simples. Si on regarde des documents comme l'Article de capitulation qui a suivi la bataille des Plaines d'Abraham, on y trouve les premières notions de la Loi de l'allégeance.

Honorables sénateurs, nous sommes un peu dépassés par le sujet. Le serment d'allégeance n'est que la moitié du processus dans son ensemble. L'autre moitié, c'est le serment du couronnement. Le serment d'allégeance prescrit ce que le sujet doit au souverain, et le serment du couronnement prescrit ce que le souverain doit au sujet.

Pour la plus grande partie de l'existence du Canada, le format du serment a figuré dans la plupart des documents constitutionnels qui ont précédé la Loi constitutionnelle de 1867. Il était l'Acte d'Union de 1840. Si on remonte même plus loin, il était dans l'Acte de Québec de 1774 et dans la Loi constitutionnelle de 1791.

Ce n'est pas une question simple, ni une simple affaire de sentiment. Les sénateurs qui pensent que ce serait très bien que les Canadiens prêtent serment au Canada expriment un sentiment. Le fait est qu'il n'y a pas de limite au lieu où seront les frontières du pays que nous appelons le Canada.

La théorie est que l'allégeance repose avec le souverain, quelles que soient les frontières du royaume. Cette allégeance est liée à toute une série d'autres enjeux, comme qui peut pousser des hommes et des femmes à entrer en guerre, qui peut percevoir des impôts ou qui peut vous intenter un procès devant un tribunal. Nous parlons ici d'un système entier.

Je dirais, honorables sénateurs, qu'avant de pousser plus loin notre débat sur le sujet, nous devons en examiner certains aspects. Je crois que la proposition qui nous a été faite est un pas de plus dans le sapement persistant et constant du régime constitutionnel du Canada.

Les honorables sénateurs devraient remarquer que cette forme de serment ne dit pas « et à ses héritiers et à ses successeurs », comme le serment traditionnel. Il y a des raisons à cela. Ce serment particulier, d'après ce qui a été décrit aux députés et aux sénateurs dans la Loi constitutionnelle, est censé durer la vie entière du souverain. À la mort du souverain, les députés doivent prêter serment à nouveau. Cette pratique a un long passé, et existe pour plusieurs raisons. Je suis d'avis que nous entrons dans des questions de sentiment.

J'aimerais revenir au projet de loi C-20, le projet de loi sur la clarté, que nous avons examiné. Bien des sénateurs ici, dont j'étais, estimaient que le projet de loi C-20 était une trahison. Il n'en a pas moins été adopté. Le projet de loi C-20 disait clairement que les frontières du Canada n'étaient pas fixes.

Le projet de loi C-20 stipulait une formule en vertu de laquelle le Canada, en tant que pays, pouvait être démantelé. Le seul fait que ce projet de loi C-20 soit devenu loi signifie que le Canada d'aujourd'hui pourrait ne pas être le Canada d'hier, ni celui de demain. Il est erroné et illégal de suggérer, pour des raisons d'ordre sentimental, qu'on puisse prêter serment d'allégeance, ou serment de loyauté à un pays qu'on admet, de par d'autres lois, qu'il est changeant ou capable de changer.

Vous pouvez considérer ces réflexions comme mon point de vue initial sur la question. Je crois que ce que nous sommes en train de faire ici est tout à fait inconstitutionnel.

Le président : La liberté d'expression n'est pas inconstitutionnelle.

Le sénateur Andreychuk : Le sénateur Joyal et le sénateur Cools ont très bien expliqué l'histoire relativement à cette question. J'apprécie d'entendre les deux points de vue.

J'ai entendu des raisons très convaincantes, du point de vue du Québec, sur l'utilité de ceci. Cependant, il y a des raisons tout aussi convaincantes de ne pas le faire sans communication et discussion complètes avec le public, et c'est le peuple autochtone. Les Autochtones ont toujours entretenu une relation particulière avec la reine, c'est pourquoi ils interprètent leurs droits, allégeances et loyautés. Si nous devons ajouter ou soustraire quoi que ce soit, j'aimerais qu'on réfléchisse sur ce que ça pourrait signifier pour les Autochtones, parce que notre désir de moderniser nos obligations a des conséquences sur le peuple autochtone. Nous en sommes parfaitement conscients, d'après nos débats constitutionnels, que certains d'entre nous sommes assez vieux pour se rappeler. C'est une autre dimension de la question, dont nous avons tout intérêt à tenir compte.

Le président : Sénateur Lavigne, voulez-vous prendre une minute pour répondre?

Le sénateur Lavigne : Oui. J'ai écrit une lettre à tous les sénateurs qui ont été nommés il y a quelques mois pour leur demander s'ils voudraient jurer allégeance au Canada. Ils ont tous répondu par l'affirmative. Certains ont écrit au leader et au greffier en disant qu'ils voulaient prêter serment d'allégeance au Canada, et le leader et le greffier ont dû leur expliquer pourquoi nous ne faisons pas cela. Le sénateur Eggleton était l'un de ceux qui ont écrit.

J'ai fait un sondage auprès de 554 000 personnes sur cette question. Dans tous sondages faits au Canada, il est normal d'interroger 3 ou 4 p. 100 de la population. J'ai fait ce sondage sur une période de huit mois, et je n'ai interrogé que deux ou trois organisations.

Je suis sûr que tout le peuple du Canada souhaiterait savoir pourquoi nous ne jurons pas allégeance à notre pays, qui nous appartient.

Le sénateur Andreychuk a dit que le peuple autochtone sera confondu par ce serment. Je ne le pense pas. Je pense qu'ils aiment à la fois la reine et le pays.

Le président : Monsieur Patrice, pouvez-vous nous faire part de votre réaction initiale aux deux propositions ou préfériez-vous le faire après réflexion, dans un rapport écrit?

M. Patrice : Je vais prendre le temps d'y réfléchir et d'examiner les deux propositions.

Le président : C'est sage.

J'ai l'impression que la plupart des membres du comité, mais pas tous, souhaiteraient que cette question soit résolue, mais elle doit être faite conformément à la Constitution, sans enfreindre de règles et sans être contestée devant les tribunaux. Par conséquent, nous allons demander un rapport.

Peut-être qu'après la période de questions d'aujourd'hui, les sénateurs Johnson et Joyal et moi-même pourrions nous réunir pour déterminer si nous souhaitons entendre l'avis d'une ou deux autorités. Peut-être ne le ferons-nous pas nécessairement, mais nous pourrions en discuter. Quoi que nous fassions, il faudrait que ce soit bien réfléchi, bien pesé et éclairé.

Le sénateur Joyal : Je voudrais ajouter deux points à la question qu'a soulevée le sénateur Andreychuk. Le serment d'allégeance que dicte la Constitution actuelle dit : « Je jure que je serai fidèle et porterait vraie allégeance à Sa Majesté la reine Élizabeth II ». On ne dit pas « reine du Canada ». C'est un serment personnel.

Le sénateur Andreychuk : Absolument, au chef d'État.

Le sénateur Joyal : C'est pourquoi je crois qu'il est important de comprendre le point de départ. L'article 128 de la Loi constitutionnelle stipule très clairement que tout membre du Sénat doit, avant d'entrer en fonction, prononcer le serment d'allégeance contenu dans la cinquième annexe. C'est clairement établi dans la Constitution.

Deuxièmement, « loyauté » a un sens juridique définitif. La Constitution dit au sujet de la loyauté que l'attachement à la personne du souverain régnant ne complète pas le concept de la loyauté mais, comme l'entend le mot lui-même, l'attachement aux droits et à la constitution du Royaume.

Par conséquent, la loyauté est un concept qui exprime l'attachement au royaume, le royaume étant le domaine sur lequel la reine exerce sa souveraineté, et, bien entendu, l'attachement à la loi, à la Constitution; autrement dit, la convention, le système parlementaire et tout ce que cela entend.

Les termes « Je jure que je serai fidèle au Canada » signifient que j'exprimerai mon attachement à la loi et à la Constitution telle qu'elle est au Canada, avec toutes ses traditions, conventions, et cetera.

Le terme « loyauté » a certainement un sens différent d'« allégeance ». Comme le disait très justement le sénateur Cools, « l'allégeance » est véritablement l'attachement à la personne, tandis que le terme « loyauté » entend l'attachement à la loi et à la constitution du royaume.

Je pense que les deux concepts peuvent cohabiter. Quand nous disons « défendre la constitution », c'est défendre tout ce qui est compris dans la Loi constitutionnelle du Canada de 1982. Si on dit qu'on défendra la constitution du Canada, on s'engage à défendre une monarchie constitutionnelle, ce qu'est le Canada. On n'a pas besoin de dire qu'on défendra la monarchie constitutionnelle; on dit qu'on défendra sa Constitution. Cela englobe tout le système dans lequel la souveraineté est exercée au Canada et enchâssée dans nos diverses institutions.

Comme le disait le sénateur Andreychuk, bien des concepts sont englobés, et quand on essaye de les enchâsser en un nombre limité de mots, il faut être précis dans le choix des termes pour s'assurer de ne pas faire double emploi ni de se contredire.

Le sénateur Andreychuk : Le dilemme, c'est que nous avons prêté un serment, et qu'il y a un ensemble de droit, un concept et une convention dictant ce que cela signifie. Si nous adoptons ce nouveau serment, nous avons tout intérêt à nous assurer de ce qu'il signifie et des conséquences de notre acte, parce qu'il y aura un débat sur les deux serments.

Le sénateur Fraser : Le problème que me posent les règles pour définir une nouvelle qualification pour l'appartenance au Sénat pourrait être réglé si, dans le cadre de vos délibérations et de votre planification, vous vérifiiez la possibilité de modifier le serment constitutionnel que prononcent les sénateurs. Je pense qu'il est possible pour le Parlement de modifier les parties de la Loi constitutionnelle qui s'appliquent seulement au Parlement.

Je ne suis pas avocate. Je ne sais pas. Pourriez-vous le vérifier?

Le sénateur Cools : Non, nous ne pourrions pas y toucher. Ce serait fou.

Le président : C'est difficile à faire, sénateur Fraser. M. Patrice vous a entendue et nous aurons son rapport mardi.

J'avais espéré que nous pourrions parler du rapport sur le système de numérotation, mais nous n'en n'avons plus le temps

aujourd'hui. De toute façon, il n'entrerait pas en vigueur avant la prochaine session, alors ça ne fait rien si nous en traitons la semaine prochaine ou même, très franchement, en septembre.

La séance est levée.


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