Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement
Fascicule 1 - Témoignages du 27 novembre 2006
OTTAWA, le lundi 27 novembre 2006
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui à 12 h 33 pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne et en faire rapport.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Notre comité examinera les incidences du vieillissement de la société canadienne.
Nous avons organisé une série de réunions d'experts en vue d'acquérir une vue d'ensemble des principaux enjeux liés au vieillissement de la population au Canada. Ces rencontres initiales ont été organisées autour de deux grandes questions : déterminer les priorités liées au vieillissement de la population au Canada et aider le gouvernement à relever le défi d'une société vieillissante.
Pour aider le comité à mieux cerner ces questions, nous accueillons aujourd'hui Mme Pamela White, de Statistique Canada. Elle est accompagnée de M. Laurent Martel. Ensemble, ils nous fourniront un profil statistique de la situation démographique du Canada. Nous avons aussi avec nous M. Byron Spencer, de l'Université McMaster, dont les travaux portent sur l'incidence macro-sociale et macro-économique du vieillissement de la population. M. Spencer a dirigé un important programme de recherche sur les dimensions sociales et économiques d'une population vieillissante.
Je vous souhaite à tous la bienvenue au Sénat du Canada et à notre comité. Nous allons commencer par Mme White, suivie de M. Spencer.
Pamela White, directrice, Division de la démographie, Statistique Canada : Je vous remercie de nous avoir invités à comparaître devant vous. Ma courte allocution portera sur les enjeux démographiques auxquels le Canada est confronté en ce début de XXIe siècle, plus particulièrement en ce qui a trait au vieillissement de la population.
Entre 1996 et 2006, le taux d'accroissement de la population canadienne a ralenti. Toutefois, son rythme de croissance demeure nettement supérieur à celui des populations de l'Europe de l'Ouest ou du Japon. L'accroissement naturel a longtemps été considéré le principal contributeur de la croissance démographique. Depuis le début des années 90, ce n'est plus le cas au Canada. La migration internationale est devenue la principale source de croissance. Depuis 2000, plus des deux tiers de la croissance de la population provient de la migration internationale.
Plus tard au cours du XXIe siècle, l'accroissement naturel pourrait du reste devenir négatif entre 2025 et 2030 si la fécondité se maintient au faible niveau actuel, soit environ 1,5 enfant par femme. Un indice de 2,1 est requis afin de remplacer les générations; le Canada affiche une fécondité sous ce seuil depuis 1971. Bien que la fécondité des Autochtones demeure nettement plus élevée que celle des autres Canadiennes, la population autochtone représente seulement 3 p. 100 de la population canadienne et contribue à 7 p. 100 environ de la croissance démographique naturelle nationale.
L'importance accrue de l'immigration dans l'accroissement démographique est une tendance lourde qui aura des effets importants sur la structure de la population en raison des caractéristiques et des comportements des immigrants. Ceux-ci proviennent de plus en plus de l'Asie et du Moyen-Orient et ils ont tendance à s'établir dans les trois plus grandes régions métropolitaines, notamment Toronto, Vancouver et Montréal, ce qui entraîne une modification rapide de la composition ethnoculturelle de leur population. Selon les projections démographiques, d'ici 2017, un Canadien sur cinq pourrait appartenir à une minorité visible, la proportion atteignant 50 p. 100 à Toronto et à Vancouver.
Le vieillissement de la population résulte de la faible fécondité et, dans une moindre mesure, de la réduction de la mortalité alors que les Canadiens vivent plus vieux en moyenne. Alors que l'immigration contribue à l'accroissement de la population, son effet sur le vieillissement démographique est marginal. De plus en plus de personnes parviennent à 65 ans, et une fois cet âge atteint, les gens vivent plus longtemps que jamais, ce qui est un immense progrès. L'espérance de vie des Canadiens atteint 77,4 ans et celle des Canadiennes 82,3 ans et se situe parmi les plus élevées au monde. Seuls le Japon et quelques pays d'Europe de l'Ouest et du Nord présentent des espérances de vie plus élevées.
Les Canadiens vivent non seulement plus longtemps, mais ils vivent également plus longtemps en bonne santé. Mais comme ces années de vie en bonne santé se sont accrues au même rythme que leur espérance de vie, le fardeau sur l'ensemble de leur cycle de vie que représentent les années de vie passées en mauvaise santé est demeuré à peu près le même au cours de la dernière décennie.
En 2002, plus de 1,7 million d'adultes de 45 à 64 ans ont fourni des soins informels à près de 2,3 millions de personnes âgées ayant une incapacité ou des limitations physiques chroniques. Un nombre à peu près égal d'hommes et de femmes de 45 à 64 ans offrent des soins informels à des personnes âgées. Les femmes sont plus susceptibles d'offrir des soins d'intensité élevée, tandis que les hommes font plus d'heures de travail rémunéré. La plupart de ces fournisseurs de soins travaillaient. En effet, 70 p. 100 occupaient un emploi et un peu moins de la moitié de ces soignants étaient des femmes. Un tiers des hommes fournisseurs de soins ont consacré une heure ou moins par semaine à cette tâche, contre presque un quart des femmes. Les femmes y consacraient généralement quatre heures ou plus.
À mesure que la génération du baby-boom atteindra l'âge traditionnel de la retraite et que la possibilité d'une pénurie de main-d'oeuvre augmentera, la pression s'accentuera pour retenir les travailleurs plus âgés dans la population active. En outre, cette génération est plus scolarisée et de nombreuses personnes qui en font partie souhaiteraient travailler plus longtemps. Toutefois, ces dernières pourraient aussi faire face à des contraintes de temps à mesure que leurs parents et amis plus âgés auront besoin de soins.
La proportion de personnes âgées de 65 ans et plus est passée de 8 p. 100 en 1971 à 13 p. 100 aujourd'hui. Lorsque les premiers baby-boomers atteindront le groupe d'âge des 65 ans et plus, en 2011, on assistera alors, autre tendance lourde, à une augmentation rapide de la proportion de personnes âgées au sein de la population canadienne.
Selon les projections, en 2031, près d'un Canadien sur quatre aura 65 ans ou plus.
La population du Canada vieillit rapidement. Indépendamment des scénarios de croissance, les personnes âgées de 65 ans ou plus deviendraient plus nombreuses que les enfants âgés de moins de 15 ans autour de l'année 2015. Il s'agirait d'une première dans l'histoire de la population du Canada.
En outre, la proportion d'aînés plus âgés, c'est-à-dire de personnes de 80 ans ou plus, augmenterait fortement. En 2056, environ un Canadien sur dix serait âgé de 80 ans ou plus, comparativement à environ un sur 30 aujourd'hui.
D'autres pays comptent présentement une forte proportion de personnes âgées au sein de leur population. En 2001, le Royaume-Uni et la France comptaient 16 p. 100 de personnes âgées, une proportion que le Canada n'atteindra qu'en 2015; le Japon et l'Italie avaient 18 p. 100 de personnes âgées, une proportion que le Canada atteindra en 2020.
Le départ à la retraite imminent des baby-boomers devrait avoir des conséquences importantes sur la société canadienne, entre autres sur le marché de l'emploi au Canada. La nature exacte de ces effets est difficile à prévoir, car il y a des différences importantes entre les caractéristiques des travailleurs âgés d'aujourd'hui et ceux de demain — qui auront, en moyenne, une scolarité supérieure et un taux d'activité antérieur plus élevé, particulièrement chez les femmes. En termes démographiques, la proportion de la population en âge de travailler, c'est-à-dire de la population âgée de 15 à 64 ans, diminuerait de façon constante pendant les décennies 2010 et 2020. Actuellement, la population en âge de travailler constitue 70 p. 100 de la population totale. Au début des années 2030, elle passerait à 62 p. 100, puis se stabiliserait à environ 60 p. 100.
Les tendances présentées ci-haut sont au niveau national. Or le vieillissement de la population n'est pas homogène à travers le Canada. En 2006, l'âge médian des Canadiens est de 38,8 ans. Sauf quelques exceptions, les populations plus âgées au Canada se trouvent à l'est de l'Ontario, tandis que les populations vivant à l'ouest du Québec et dans les territoires sont plus jeunes. Même si les différences découlent essentiellement des différents niveaux de fécondité, les migrations jouent aussi un rôle.
Dans la région de l'Atlantique, le départ des jeunes adultes accélère le vieillissement, déjà plus important en raison d'une fécondité plus faible. En 2006, l'âge médian de chacune des quatre provinces de l'Atlantique était plus élevé que celui du pays. À l'exception de l'Île-du-Prince-Édouard, l'âge médian y est partout supérieur à 40 ans.
Le Québec, avec un âge médian de 40,4 ans, est la seule province en dehors de la région Atlantique qui affiche un âge médian supérieur à 40 ans. Ce fait est attribuable à une fécondité constamment inférieure à celle observée ailleurs au pays au cours des 25 premières années qui ont suivi le baby-boom. Toutefois, la récente hausse de la fécondité, si elle se maintient, pourrait ralentir le vieillissement de la province.
L'Ontario a un âge médian de 38,2, ce qui se rapproche de la moyenne nationale. D'un autre côté, le Manitoba et la Saskatchewan ont des populations relativement jeunes avec des âges médians de 37,3 et 37,7 respectivement. La forte présence autochtone a contribué à maintenir des taux de fécondité plus élevés dans ces deux provinces. Ces taux élevés ont compensé les importantes pertes de jeunes gens attribuables à la migration interprovinciale et, en même temps, ont ralenti le vieillissement de leur population.
En raison d'une fécondité constamment supérieure et des fortes entrées de jeunes Canadiens venus d'autres régions du pays, l'Alberta a la population la plus jeune parmi les provinces, enregistrant un âge médian de 35,5 ans. Entre 2001 et 2006, l'âge médian de l'Alberta a crû de 0,8 an seulement, soit l'augmentation la plus faible parmi les provinces.
La Colombie-Britannique a affiché un âge médian de 39,8 ans, ce qui en fait la seule province de l'Ouest qui présente un âge médian supérieur à celui observé à l'échelle nationale. Cet âge médian élevé est le résultat de décennies de fécondité inférieure ayant effacé l'effet des importantes entrées migratoires.
La population des trois territoires est aussi plus jeune. En raison de leur fécondité, qui est la plus élevée au Canada, les âges médians les moins élevés du pays ont été enregistrés au Nunavut (23,2 ans) et dans les Territoires du Nord- Ouest (30,9 ans).
Le Yukon fait exception dans le Nord, enregistrant un âge médian de 38 ans, qui se situe tout juste au-dessous de celui observé à l'échelle nationale. Cette situation est attribuable à une fécondité inférieure à celle des deux autres territoires.
De façon générale, l'âge médian de la population habitant dans des régions métropolitaines est plus basse (37,7 ans) que celle habitant ailleurs (40,7 ans). On constate une exception à cette tendance à Trois-Rivières, Saguenay et Victoria où l'âge médian s'échelonne entre 42 et 43 ans. Viennent ensuite St-Catharines-Niagara et Québec, où l'âge médian s'établit à 41,3 et 40,8 ans respectivement.
En résumé, depuis 2000, les deux tiers de la croissance démographique sont attribuables à la migration internationale, composante qui deviendra éventuellement le seul facteur de croissance si la fécondité reste faible. Bien que l'immigration compense le faible accroissement naturel, elle a peu d'effet sur le vieillissement de la population.
La proportion de personnes âgées constitue 13 p. 100 de la population aujourd'hui. Lorsque les premiers baby- boomers atteindront le groupe d'âge de 65 ans et plus, en 2011, on assistera à une augmentation rapide de la proportion de personnes âgées au sein de la population canadienne. En 2031, près d'un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans. Les personnes âgées et très âgées connaîtront la plus forte croissance de population.
En 2002, plus d'un million de travailleurs de 45 à 64 ans ont prodigué des soins informels à des personnes âgées souffrant de maladies ou d'incapacités chroniques. Les deux tiers des femmes et près de la moitié des hommes combinant plus de 40 heures d'emploi et au moins quatre heures de soins par semaine ont subi des conséquences importantes, à savoir une baisse des heures de travail ou de revenu, ou une modification de l'horaire de travail. Toutefois, le fardeau des dispensateurs de soins semble tenir moins à l'intensité des soins prodigués qu'à l'intensité du travail.
Les provinces atlantiques et le Québec connaîtront un vieillissement de leur population plus rapide que les provinces de l'ouest du pays et des territoires. Même si la plupart des agglomérations urbaines ont une population jeune, il y a des exceptions : Trois-Rivières, Saguenay, Victoria, St-Catharines-Niagara et Québec.
Je vous remercie de votre attention. Je répondrai volontiers aux questions que vous pourriez avoir sur les enjeux démographiques que je vous ai présentés aujourd'hui.
Byron Spencer, professeur d'économie, Université McMaster, à titre personnel : Je suis heureux d'être ici aujourd'hui et d'avoir l'occasion de prendre la parole devant vous. Comme on m'a prévenu que je disposerais de sept minutes, j'ai pensé tenter de vous communiquer sept messages pendant ce laps de temps.
J'ai intitulé mon exposé « Le défi du vieillissement de la population : Une perspective canadienne ». Je souligne qu'il s'agit d'une perspective canadienne car mon message serait différent si je prenais la parole dans certains autres pays. D'ailleurs, cela vous apparaîtra clairement à mesure que nous avancerons.
Mon premier point, et le message que je veux vous laisser en complément de ce qui vient d'être dit, c'est que le vieillissement de la population est inévitable. Contrairement aux idées reçues, ce phénomène est irréversible. La tendance ne peut être renversée : le vieillissement de la population est inévitable.
Permettez-moi de vous le démontrer de la façon suivante. Voici un graphique de l'évolution probable de la population selon une projection type établie en regard avec une projection type de Statistique Canada. Comme vous pouvez le constater, la population continue de croître, mais de plus en plus lentement.
Toutefois, l'autre graphique montre l'évolution de la proportion de personnes âgées, que l'on définit comme les 65 ans et plus. J'ai des réserves pour ce qui est de définir comme personnes âgées les 65 ans et plus; néanmoins, c'est une définition normalisée. Partant de la situation actuelle, on constate que la proportion susmentionnée s'élève à 13 p. 100 environ en 2006; selon cette projection, elle devrait pratiquement doubler d'ici une trentaine d'années. Un vieillissement substantiel de la population se dessine.
Qu'est-ce qui pourrait contrebalancer cette tendance lourde? En général, la réponse qu'on nous sert immédiatement est la suivante : l'immigration. Même en doublant le taux d'immigration — et vous pouvez voir ici la même projection, sauf que le taux d'immigration a été doublé au lieu d'être maintenu à son niveau actuel —, l'effet sur la structure démographique est très prononcé. Voyez toutefois ce qui se produit pour la proportion de 65 ans et plus. Elle continue de croître jusqu'à 22 p. 100 environ du total, au lieu de 24 ou 25 p. 100. En somme, il y a quand même une hausse marquée de la proportion de personnes âgées.
L'autre option possible est de retrouver une fécondité élevée. La ligne pointillée bleue représente une hausse d'environ 50 p. 100 du taux de fécondité. Autrement dit, on passerait du taux actuel, environ 1,5, au taux de remplacement, environ 2,1. Selon ce scénario, le pourcentage de personnes âgées de 65 ans et plus diminuerait quelque peu, mais dans l'ensemble, un vieillissement substantiel persiste. Dans cette perspective, le vieillissement de la population est inévitable.
Une autre façon d'atténuer l'ampleur de ce phénomène consiste à redéfinir ce que l'on entend par « personne âgée ». Cette suggestion est vraisemblablement très attrayante — et pas seulement dans cette salle, j'espère. Je vais vous dire pourquoi je pense que c'est important. Le pourcentage de « personnes âgées » grimperait à 20 p. 100 environ, tous les autres facteurs étant égaux, si la définition de « personne âgée » visait des personnes plus avancées en âge, en concordance avec l'augmentation projetée de l'espérance de vie.
Il serait logique de redéfinir de cette façon la notion de « personne âgée ». Comme vous le savez sans doute, les États-Unis ont décidé de hausser graduellement à 67 ans l'âge de l'admissibilité aux prestations intégrales de leur système de sécurité sociale. Ce changement est en train de se faire petit à petit. En agissant de la sorte, les États-Unis se trouvent concrètement à redéfinir ce qu'est une « personne âgée ». En Suède, l'âge de l'admissibilité aux prestations de retraite fournies par l'État est aussi indexé à l'augmentation de la longévité. Il est donc est en hausse. En ce sens, la Suède redéfinit la notion de « personne âgée ».
Mon premier point était que le vieillissement de la population est inévitable. J'espère vous en avoir convaincus. Mon deuxième point est le suivant : en raison du vieillissement de la population, les taux d'accroissement de la population et de la main-d'oeuvre vont tous deux diminuer, et de beaucoup. Cela a déjà été mentionné, mais permettez-moi de vous le démontrer.
Depuis les années 1950, à l'époque du baby-boom — les membres de la génération du baby-boom étaient très jeunes —, la croissance démographique n'a cessé de décliner. Elle a poursuivi son déclin jusqu'à aujourd'hui, et selon la projection, cette tendance se poursuivra. Le taux d'accroissement demeure positif dans cette projection, mais il continue néanmoins de chuter. Comme on l'a déjà mentionné, cet accroissement est en grande partie attribuable à l'immigration. Advenant que l'immigration se tarisse, la croissance démographique ne tarderait pas à s'arrêter.
La croissance de la main-d'oeuvre tombe à zéro beaucoup plus rapidement que la croissance de la population, ce qui s'explique par la répartition par âge. Toutefois, encore une fois, 20 ans après que l'accroissement de la population ait culminé, on observe un sommet de la croissance de la main-d'oeuvre et une réduction rapide du taux d'accroissement de la population. Si l'immigration devait se tarir à brève échéance, la croissance de la main-d'oeuvre s'interromprait aussi à brève échéance. Le taux d'accroissement de la main-d'oeuvre suit d'aussi près que cela le taux d'immigration.
Le prochain graphique, réalisé par le Bureau de l'actuaire en chef, dresse un portrait des plus intéressants de la situation du Canada par rapport à celle d'autres pays. Si l'on fait une comparaison avec l'an 2000, on constate que la population active du Canada — qui englobe en l'occurrence les 20 à 64 ans , la ligne bleue — accuse une légère hausse. La ligne est essentiellement plate après 2020 environ, en comparaison avec celle des États-Unis. Cette dernière continue d'augmenter, mais à un rythme plus lent. L'explication, c'est que les États-Unis affichent une fécondité beaucoup plus élevée que le Canada, ce qui se traduit par un taux d'accroissement de la population active passablement plus élevé.
Toutefois, comparativement au Canada, vous remarquerez que la plupart des autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) — à l'exception des États-Unis — connaîtront à l'avenir une baisse de leur population active. Les déclins en question sont des projections, et ils seront marqués en Italie, en Espagne et au Japon. On croit que le taux de l'Italie chutera au point d'atteindre 45 p. 100 environ de la population active actuelle d'ici le milieu du siècle. En France et au Japon, on arrive à 90 p. 100 environ de la population active et au Japon, à 50 p. 100. Ces déclins substantiels sont le résultat de projections, et à moins d'un renversement spectaculaire au niveau de la fécondité, ils se produiront. On ne verra aucun autre résultat. Selon les normes internationales — c'est pourquoi j'ai souligné l'importance de la perspective canadienne —, le Canada a beaucoup moins de raisons de se préoccuper du vieillissement de la population que la plupart des pays déjà prospères.
Le déclin projeté des taux d'accroissement de la population et de la main-d'oeuvre fait craindre une baisse du niveau de vie à l'avenir. À ceux que cela inquiète, je réponds que, contrairement à l'opinion répandue dans la population, mais pas tellement dans les milieux informés — il n'y a pas vraiment lieu de s'inquiéter. Le ralentissement de la croissance de la population ne se traduira vraisemblablement pas par une diminution du niveau de vie.
Je vais tenter de vous expliquer pourquoi il en sera ainsi. Ce sera mon quatrième point. Notre niveau de vie futur dépend énormément, voire essentiellement, de la croissance de la productivité. Dans la mesure où nous pouvons exercer une influence positive sur l'accroissement du taux de productivité, notamment en faisant intervenir de multiples facteurs qui, pour la plupart, n'ont rien à voir avec le vieillissement de la population, nous pouvons compter que notre niveau de vie accusera une hausse à l'avenir. Dans ce cas, nul besoin de s'inquiéter d'une baisse éventuelle.
Mon cinquième point est le suivant. Les programmes gouvernementaux demeureront gérables, du moins en réaction au vieillissement de la population. Encore là, ce n'est pas une opinion répandue. La plupart des gens pensent que l'augmentation des coûts des soins de santé, qu'ils attribuent de toute évidence au vieillissement de la population, feront sauter la banque — en particulier, les budgets des gouvernements — ce qui rendra les choses ingérables. À mon avis, c'est tout simplement faux. C'est faux en ce qui concerne le régime de pension de l'État, les programmes de la sécurité du revenu et des soins de santé. On s'inquiète au sujet des régimes de retraite privés, et j'y reviendrai brièvement à la fin de mon exposé, mais la viabilité des programmes gouvernementaux ne fait aucun doute.
Permettez-moi d'illustrer, à l'aide d'un exemple, pourquoi cela revêt autant d'importance à mes yeux. D'après une étude récente, les coûts des soins de santé des pays de l'OCDE auraient augmenté deux fois plus rapidement que le PIB au cours des trois dernières décennies. De toute évidence, cette situation est intenable. Ces coûts ne peuvent augmenter deux fois plus rapidement que le PIB pendant une longue période sans le gruger entièrement, et même plus. Nous ne pouvons consacrer toutes nos ressources aux soins de santé, même si la tentation de le faire est forte.
Selon la même étude, si l'on isole la composante de l'augmentation des coûts des soins de santé attribuable au vieillissement de la population, celle-ci s'élève à 11 p. 100. Le reste — 89 p. 100 — est attribuable à d'autres facteurs, en particulier à la hausse des sommes dépensées pour chaque groupe d'âge. Autrement dit, ce phénomène ne résulte pas du vieillissement, mais plutôt de l'augmentation des dépenses, c'est-à-dire la hausse des prestations pour soins de la santé ou la hausse des prestations pour les pensions, etc. Si l'on isole entièrement les effets dus à une population vieillissante, l'augmentation des dépenses qu'elle implique au titre des programmes gouvernementaux est tout à fait gérable.
Je citais une étude récente et très fouillée de l'OCDE. Cependant, je tiens à souligner que ce résultat rejoint entièrement nos conclusions et celles d'autres analyses concernant le système de soins de santé et d'autres programmes gouvernementaux en vigueur au Canada.
Cela dit, d'autres problèmes, associés cette fois-ci au vieillissement de la population, devraient nous préoccuper. L'un d'entre eux a déjà été identifié : le vieillissement non homogène d'une province à l'autre.
Le graphique MJ3 montre le taux projeté d'accroissement de la population pour la première moitié du siècle, et ce, de la côte est à la côte ouest. À l'est du Québec, d'après les projections, la croissance de la population serait négative. Dans le cas de Terre-Neuve et du Labrador, on prévoit un déclin d'environ 30 p. 100 si la tendance actuelle se poursuit pendant la première moitié du siècle. Pour le Québec, on s'attend à une augmentation. Dans l'Ouest, toutes les provinces devraient enregistrer une hausse; dans le cas de l'Ontario, cette hausse serait de 50 p. 100. Je ne vous soumets pas cela à titre de prévision; c'est une projection de ce qui arrivera si les tendances actuelles se maintiennent. Globalement, on observe une baisse des taux de croissance de la population et, parallèlement, de la main-d'oeuvre.
On peut voir que la main-d'oeuvre de Terre-Neuve diminuera de plus de 40 p. 100 et qu'en même temps, celle de l'Ontario augmentera d'environ 40 p. 100. Ces inégalités d'une province à l'autre revêtent une beaucoup d'importance. La proportion de citoyens faisant partie du groupe des « aînés », les 65 ans et plus, varie aussi énormément d'un bout à l'autre du pays. Cela est fort préoccupant, surtout à cause du partage des compétences et des responsabilités juridictionnelles dans le domaine de la santé. Comme on le sait, les dépenses au chapitre des soins de santé absorbent une grande part des budgets provinciaux. Voilà pourquoi l'inégalité qui caractérise ce groupe compte beaucoup.
En outre, j'attire votre attention sur le point sept, qui concerne les populations très âgées. L'un des grands succès du programme de la sécurité de la vieillesse du Canada depuis les dernières décennies a été de réussir à diminuer la pauvreté parmi les populations très âgées, selon les mesures reconnues. Ce graphique montre deux mesures de la prévalence des cas de faible revenu. Ces mesures sont définies de diverses façons, mais elles servent souvent d'étalon de la pauvreté, même si ce n'est pas un terme que Statistique Canada veut accoler à ces populations.
La première est la mesure du seuil de faible revenu et la seconde, la mesure de faible revenu. Si cela vous intéresse, je vous donnerai volontiers plus d'explications à ce sujet. D'après ces deux mesures, environ 20 p. 100 des personnes âgées de plus de 65 ans affichaient un revenu inférieur à ces deux seuils vers 1980. Autrement dit, elles vivaient dans la pauvreté. Si l'on prend la mesure de faible revenu, on constate une baisse d'environ 2,5 à 3 p. 100 jusqu'à la fin de cette période, qui se termine en 1995. C'est aussi le chiffre actuel. Comme il est bas, on croirait, d'après ces mesures, que la pauvreté a pratiquement disparu parmi les aînés très âgés. Cependant, des poches de pauvreté demeurent parmi les groupes d'âge plus avancé et, en fait, parmi d'autres également. Le prochain graphique le montre un peu.
Ce graphique est fondé sur le seuil de faible revenu, le SFR. On peut voir que le taux de pauvreté chez les femmes âgées de 65 ans et plus vivant seules s'élève à 20 p. 100 environ. Même lorsqu'elles vivent dans un ménage comptant deux personnes, si elles sont le principal soutien de famille, les femmes sont généralement beaucoup plus pauvres que les hommes dans la même situation. Toutefois, l'autre groupe qui suscite des inquiétudes, celui des hommes qui vivent seuls, affiche aussi un taux de pauvreté élevé. D'autres poches de pauvreté existent, mais je voulais attirer votre attention sur ces deux-là.
La présidente : Merci, monsieur Spencer. Tout comme Mme White, vous nous avez donné énormément de matière à réflexion.
Le sénateur Murray : J'ai une question, mais tout d'abord, pour clarifier les choses, madame White, y a-t-il dans l'exposé de M. Spencer, en termes de projections ou d'autres statistiques, des éléments avec lesquels vous n'êtes pas d'accord, ou que vous voudriez contester?
Mme White : Non. En général, M. Spencer a présenté les mesures de l'Organisation de coopération et de développement économiques. Ses projections sont vraisemblablement fondées sur nos données statistiques les plus récentes, et je n'ai aucun problème avec son exposé.
Le sénateur Murray : Monsieur Spencer, êtes-vous en désaccord avec une partie ou l'autre de l'exposé de Mme White?
M. Spencer : Absolument pas.
Le sénateur Murray : Madame White, je m'intéresse à l'immigration. Vous nous avez dit que les deux tiers et, en bout de ligne, la totalité de l'accroissement de la population, seront tributaire de l'immigration. Pourriez-vous nous parler un instant des immigrants? L'une des catégories est la réunification des familles. Corrigez-moi si je me trompe, mais je crois savoir qu'un grand nombre des immigrants qui s'en prévalent sont des personnes âgées qui sont réunies avec des membres plus jeunes de leur famille ici, au Canada. Quoi qu'il en soit, qu'en est-il de l'âge des immigrants qui viennent au Canada? Recueillez-vous des données sur la fécondité des femmes immigrantes?
Mme White : Vos questions, qui portent sur l'incidence de l'immigration sur le profil démographique du Canada, sont excellentes. Les immigrants sont généralement d'âge mûr. Comme nous encourageons des personnes capables de s'intégrer à l'économie à venir ici, j'imagine que l'âge moyen tourne autour de 30 ans. En moyenne, les immigrants ont dans la trentaine. Tout comme les Canadiens de souche, les immigrants prennent de l'âge et contribuent eux aussi au vieillissement de la population.
Pour ce qui est de la fécondité des femmes immigrantes, des analyses récentes sur la fécondité des femmes appartenant à une minorité visible et des immigrants ont révélé ce qui suit : la fécondité des femmes de minorités visibles est en baisse; pour les deux groupes, elle est inférieure aux niveaux de remplacement des générations. Pour ce qui est de leur contribution à la fécondité, les taux de fécondité des immigrants sont passés d'un peu moins de 2,1 à 1,8 environ. Les niveaux affichés par les deux groupes ne font pas augmenter le niveau de fécondité de la population canadienne, si vous voulez.
Le sénateur Murray : Parlez-vous des immigrants en général ou des minorités visibles?
Mme White : Des minorités visibles et des immigrants, oui.
Le sénateur Murray : Savez-vous quelle proportion des immigrants a moins de 30 ans? Combien viennent au Canada avec de jeunes familles?
Mme White : Je ne peux vous citer ce chiffre de mémoire, mais je peux le fournir au comité plus tard.
Le sénateur Murray : J'hésite à poser la question à une représentante d'un organisme neutre comme Statistique Canada. À l'évidence, nous avons besoin d'immigrants qualifiés qui peuvent contribuer immédiatement à l'économie. C'est ce type d'immigrants que nous recherchons. Mais compte tenu de ce que vous venez de nous dire au sujet de l'âge moyen des immigrants et de la faible croissance de la population, un changement, peut-être pas de politique, mais d'orientation s'impose-t-il en matière d'immigration?
Mme White : Je ne peux commenter la politique de l'immigration. Toutefois, je peux vous fournir une ventilation plus détaillée de la fourchette d'âge des immigrants depuis les dernières années. Cette ventilation pourrait servir d'information de base au comité.
Le sénateur Murray : Faudrait-il faire venir au Canada davantage de nouveau-nés?
La présidente : M. Spencer a cité des statistiques intéressantes. Je l'invite à répondre à la question du sénateur Murray.
M. Spencer : Les membres du comité peuvent voir à l'écran la répartition par âge des immigrants, de 1991 à 2002. On peut voir que, conformément à ce qui a été dit, un peu plus de 40 p. 100 des immigrants, hommes et femmes, ont entre 25 et 30 ans. Ils arrivent au Canada avec de jeunes enfants, ce qui explique que le quart de tous les immigrants ont moins de 15 ans. On suppose que leurs parents sont pour la plupart âgés de 25 à 39 ans, bien que certains puissent avoir un peu plus de 40 ans. Un petit pourcentage des immigrants sont âgés de plus de 65 ans, mais près de 20 p. 100 d'entre eux ont plus de 40 ans.
Le sénateur Murray : Vingt-cinq pour cent ont moins de quel âge?
M. Spencer : Moins de 15 ans. Ils viennent avec leurs parents. En général, leurs parents se situent dans le groupe d'âge de 25 à 39 ans, mais il arrive que certains d'entre eux soient un peu plus âgés.
Le sénateur Murray : D'après le témoignage de Mme White, la contribution des immigrants à la fécondité n'est pas plus importante que celle des Canadiens nés ici. Est-ce exact?
Mme White : Leur taux de fécondité est légèrement plus élevé, mais il n'est pas supérieur au niveau de remplacement. Dans le cas des minorités visibles, ce taux s'élève à 1,8 environ, et c'est la même chose pour les immigrants en général. Bien entendu, ce n'est pas parce qu'on appartient à une minorité visible que l'on est immigrant.
Laurent Martel, analyste, Section de la recherche et de l'analyse, Division de la démographie, Statistique Canada : Selon des études que nous avons effectuées, les immigrantes de fraîche date présentent un taux de fécondité plus élevé que les Canadiennes. Toutefois, assez rapidement après leur arrivée au Canada, leur taux de fécondité chute et s'aligne sur celui des Canadiennes. Il s'adapte à tous les égards au taux de fécondité moyen des Canadiennes.
La fécondité des immigrantes est plus élevée, mais uniquement pendant une courte période après leur arrivée au Canada. Cinq ou dix ans plus tard, leur taux de fécondité correspond à celui des Canadiennes.
La présidente : Cela ressemble à une nouvelle forme de contrôle des naissances.
[Français]
Le sénateur Chaput : J'aimerais que vous me parliez de la nouvelle définition de la personne âgée, qui pourrait inclure 70 ans au lieu de 65.
J'aimerais également que vous me parliez des baby-boomers. J'ai lu un article qui disait que ces personnes bénéficieront d'une meilleure santé parce qu'elles font beaucoup plus attention à leur alimentation et qu'elles sont beaucoup plus préoccupées par l'activité physique.
Dernièrement, j'ai lu que les baby-boomers ne seraient pas nécessairement intéressés à quitter le travail à 65 ans. Certains d'entre eux mentionnent qu'ils aimeraient pouvoir continuer à travailler, une des raisons étant qu'ils ne sont pas nécessairement prêts financièrement, mais également qu'ils veulent demeurer actifs sur le marché du travail.
J'aimerais avoir les commentaires de Mme White et de M. Spencer à ce sujet.
Mme White : Premièrement, en ce qui concerne la définition de l'âge des personnes âgées, nous avons utilisé l'âge normalement reconnu par les démographes, c'est-à-dire 65 ans et plus. Je laisserai M. Spencer apporter son opinion sur l'aspect sociologique, sur la définition de la personne âgée.
En ce qui concerne les baby-boomers, il serait difficile de prévoir la tendance de ce groupe d'âges à continuer à travailler. Certains baby-boomers s'inquiètent de leur capacité à avoir une retraite bien subventionnée. Ils ne savent pas s'ils pourront avoir une vie financièrement confortable sans avoir à travailler.
En ce qui concerne l'aspect d'une meilleure santé, je ne suis pas une experte dans la santé des baby-boomers. M. Martel pourrait peut-être faire quelques commentaires au sujet du vieillissement en santé.
M. Martel : J'ajouterais quelques compléments à la réponse de Mme White, concernant l'âge de la retraite, ou même de la définition des personnes âgées. Évidemment, l'âge de 65 ans correspond à l'âge légal de la retraite au Canada. En Europe, on utilise beaucoup le seuil de 60 ans. Il y a des variations, même dans la définition de la vieillesse, à travers les pays.
Il y a effectivement un besoin de repenser cette définition. L'accroissement de l'espérance de vie des Canadiens a profondément changé l'idée de la mortalité canadienne. On m'a déjà dit que c'était le chancelier Bismarck qui avait décidé de fixer à 65 ans l'âge de la retraite, se rendant compte qu'il y avait peu de gens qui atteignaient cet âge et qu'en conséquence, cela ne coûterait pas tellement cher pour soutenir tous ces gens à la retraite.
En 1971, au Canada, 8 p. 100 de la population était âgée de plus de 65 ans. On cherche à garder ce pourcentage. Aujourd'hui, les 8 p. 100 des gens au sommet de la pyramide des âges, donc dans la dernière tranche de vie, ont 81 ans. Cela donne une idée des progrès phénoménaux qu'on a faits en mortalité. Il y a peut-être lieu, effectivement, de repenser ce seuil.
Au sujet de la santé des baby-boomers, on sait que les cohortes qui arrivent à la vieillesse seront différentes de celles qui y sont déjà. Chaque cohorte qui atteint 65 ans arrive avec ses propres comportements, ses propres valeurs et son propre bagage, notamment l'éducation. On sait très bien que les futures personnes âgées seront mieux éduquées que les personnes âgées actuelles. Elles sont allées plus longtemps aux études, et on sait que l'éducation est associée à la santé. On peut donc penser que parce qu'elles sont mieux éduquées, elles sont plus au courant de ce qui est bon pour la santé; elles font peut-être plus de sports parce qu'elles connaissent l'importance de l'activité physique pour la santé. On peut donc penser qu'effectivement, les futurs aînés seront en meilleure santé que nos aînés d'aujourd'hui.
[Traduction]
M. Spencer : Cette discussion comporte de nombreux aspects intéressants.
En ce qui concerne la définition de « personne âgée » ou de ce que nous considérons comme la vieillesse, je remarque qu'en 1951 — il y a de cela 55 ans maintenant — la loi considérait qu'à partir de 65 ans, on était une personne âgée. C'était l'âge auquel on devenait admissible aux prestations particulières prescrites par la loi. Pourtant, au cours de cette période, soit en l'espace de 50 ans, l'espérance de vie a augmenté d'environ 10 ou 12 ans.
Il est évident pour quiconque vivait en 1951 qu'une personne de 65 ans à l'époque est différente d'une personne de 65 ans en 2006. Ce sont des personnes différentes. En moyenne, les personnes qui ont 65 ans aujourd'hui sont en meilleure santé et peuvent espérer vivre encore de nombreuses années en bonne santé.
Je pense qu'il est logique de modifier la définition de ce que nous considérons être, au plan juridique, l'âge d'admissibilité aux prestations intégrales du régime de sécurité sociale, ou autre et ce, de façon systématique, à mesure qu'augmente l'espérance de vie. En supposant que l'espérance de vie continue de croître, ce à quoi nous pouvons raisonnablement nous attendre.
Pour ce qui est du voeu des baby-boomers de prendre leur retraite plus tardivement, j'ai deux observations à faire. Premièrement, le taux de participation des femmes à la population active accuse une augmentation constante, y compris les femmes faisant partie des populations plus âgées en âge de travailler. Le gros changement, cependant, vient du côté des hommes. En effet, leur taux de participation diminue depuis environ 30 ans et, au milieu des années 1990, le taux de participation des hommes de 55 à 64 ans s'élevait à 60 p. 100 environ, ce qui est remarquable. Il y a 20 ou 30 ans, ce taux tournait autour de 90 p. 100. On note donc un déclin marqué de la participation à la population active des hommes de ce groupe d'âge.
Récemment, soit au cours de la dernière décennie, on a constaté un redressement prononcé de ce taux pour des raisons encore mal comprises, mais cela pourrait partiellement s'expliquer par leur meilleur état de santé, comme nous l'avons mentionné. Le fait qu'il y ait des emplois disponibles pour eux y est pour beaucoup. S'ils perdent leur emploi, ils peuvent se tourner vers autre chose car le marché du travail a généralement été actif au cours de ces années.
En outre, leur sécurité du revenu a été ébranlée quelque peu au cours de cette période, ce qui fait qu'ils sont plus intéressés à demeurer au sein de la population active. À cela s'ajoute un autre facteur — et je reviens sur un point auquel j'ai fait allusion tout à l'heure, soit une préoccupation sérieuse et légitime au sujet de la situation des régimes de pension privés.
Cette question ne relève pas à proprement parler du vieillissement de la population, mais moins du tiers des Canadiens ont une protection quelconque en vertu de régimes de pension privés. Autrement dit, moins du tiers des Canadiens qui ne sont pas employés dans la fonction publique souscrivent à un régime de pension privé. Bien entendu, ils toucheront tous les prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada s'ils travaillent, mais il n'en reste pas moins que les deux tiers des citoyens canadiens ne sont pas couverts par un régime de retraite privé.
Parmi les Canadiens ayant une couverture quelconque, c'est là un sujet de préoccupation sérieux. Bon nombre de travailleurs ne seront pas couverts parce qu'ils ont changé d'emploi et que leur couverture n'a pas suivi. Cela préoccupe sérieusement les travailleurs à faible revenu. Il est rare que ces gens-là aient une protection importante auprès de régimes de retraite privés.
Le sénateur Keon : Monsieur Spencer, vous avez dit une chose qui m'a beaucoup intéressé : essentiellement, les dépenses de santé augmentent deux fois plus vite que le PIB. Veuillez me le dire si je vous ai mal cité. Est-il exact que seulement 11 p. 100 de cette augmentation est attribuable au vieillissement de la population?
Je ne me sens pas aussi à l'aise avec ce chiffre que vous l'avez laissé entendre, pour la raison suivante, et j'aimerais que vous la commentiez : à l'heure actuelle, la note des soins de santé au Canada est partagée à environ 70 p. 100 et 30 p. 100. Je pense que les 70 p. 100 demeureront, mais c'est le volet de 30 p. 100 qui m'inquiète. Environ la moitié de ce 30 p. 100 est payée par les particuliers et l'autre par une assurance quelconque.
Les aînés revendiquent la sécurité pour cette composante de 30 p. 100. Autrement dit, cette composante ne couvre pas les soins post-hospitalisation, les services de garde, tous les soins palliatifs, les soins à domicile, alors que leurs maisons ne sont pas convenablement équipées, entre autres. À ma connaissance, ils souhaitent vivement un changement dans ce domaine. Lorsque ce changement surviendra, qu'il soit assumé par un payeur unique, le gouvernement, ou par le secteur privé, ce qui, à mon avis, exigerait pratiquement une révolution dans le secteur de l'assurance au Canada, je pense qu'il contribuera à gonfler énormément ce 11 p. 100.
J'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Spencer : Premièrement, permettez-moi de préciser ce que représente ce 11 p. 100. L'étude en question faisait référence à la croissance des dépenses consacrées aux soins de santé depuis 30 ans dans l'ensemble des pays de l'OCDE. On affirme qu'au cours de ces trois décennies, les dépenses de santé ont augmenté deux fois plus rapidement que le PIB dans ces pays. De toute évidence, une telle augmentation n'est pas viable; elle ne peut continuer.
Si l'on considère le profil d'âge associé aux dépenses au début de ces trois décennies et que l'on fait une projection pour l'avenir, en supposant que l'on conserve le même niveau de dépenses pour toutes les personnes de chacun des groupes d'âge et de sexe à mesure qu'elles vieillissent durant ces trois décennies, quel serait le pourcentage d'augmentation des dépenses? La réponse est 11 p. 100. En fait, elles ont augmenté beaucoup plus substantiellement, mais pas à cause du vieillissement de la population, et c'est cet argument que je voulais communiquer. Il y a de multiples domaines dans lesquels on pourrait injecter des fonds, et l'un d'eux est l'amélioration de la santé, mais le vieillissement de la population n'est pas l'unique raison pour laquelle ces dépenses feront un bond aussi considérable.
Permettez-moi de reformuler cette déclaration de façon quelque peu différente. J'aime bien cette blague d'un économiste de la santé bien connu : une bonne santé ne représente qu'un diagnostic incomplet. On peut toujours trouver plus de façons de dépenser de l'argent dans le domaine des soins de santé. Cela n'a pas nécessairement un rapport avec le vieillissement de la population ou quoi que ce soit du genre.
Le sénateur Keon : Vous fondez vos projections sur le statu quo en matière de santé. À la suite d'une analyse rétrospective, vous affirmez que nous ne dépensons que 11 p. 100 et que cela suffit. Mon hypothèse, c'est que le statu quo est intenable et que les personnes âgées vont exiger un changement fondamental en ce qui a trait aux divers volets que j'ai mentionnés.
Maintenant, je vous invite à me répondre et à me donner encore une fois l'assurance que cela ne se traduira que par une augmentation de 11 p. 100.
M. Spencer : Je vais regarder en avant plutôt qu'en arrière. Si l'on considérait les dépenses consenties maintenant, disons, pour les personnes âgées de 70 à 74 ans, de 75 à 79 ans et, en fait, pour tous les autres groupes d'âge de la population et si l'on faisait une projection de ces dépenses pour l'avenir, effectivement, il y aurait des augmentations de dépenses pour les soins de santé. La raison en est qu'il y aura des gens qui, en moyenne, passeront à des groupes d'âge plus avancés et qui, par conséquent, exigeront davantage de services de santé.
Oui, il y a une hausse des dépenses dans le domaine de la santé. Toutefois, la hausse qui résulte du vieillissement de la population est modeste. On ne parle absolument pas de doubler les dépenses pour les services de santé. C'est une hausse modeste. Et cela vaut pour l'avenir et non seulement pour le passé.
Cela répond-il à votre question, sénateur?
Le sénateur Keon : Oui, j'apprécie beaucoup la réponse. J'ai bien peur de ne pas être tout à fait d'accord avec vous. Vous êtes l'expert. Je parlais surtout de perception.
M. Spencer : Vous avez souligné une chose importante : de toutes parts, on exerce des pressions en faveur d'une augmentation des dépenses par habitant. J'insiste pour dire que cette augmentation n'est pas associée au vieillissement de la population. Elle a plutôt tout à voir avec la possibilité d'offrir peut-être, mais pas nécessairement, de meilleurs services. Il est prouvé que bien des fonds investis dans la santé sont gaspillés.
Le sénateur Mercer : Je continue d'apprendre, mais je demeure quelque peu ébranlé par certaines des statistiques que j'ai entendues.
Madame White, tout comme votre collègue, vous avez vaguement fait référence à la situation dans d'autres pays. Y a-t-il d'autres pays affichant des pourcentages semblables en termes de profil et de croissance démographiques à propos desquels notre comité devrait faire une analyse comparative?
Mme White : Vous voudrez peut-être examiner le cas de l'Australie, qui est très semblable au nôtre. En ce qui concerne le bassin des immigrants, ces derniers représentent de 18 à 19 p. 100 de notre population. En Australie, ce pourcentage s'établit à 24 p. 100 environ. Pour ce qui est du profil de la population ou de la distribution des jeunes jusqu'aux aînés, l'Australie présente une fiche semblable à la nôtre.
Évidemment, si l'on regarde du côté des États-Unis, les deux tiers de leur croissance sont attribuables au taux de fertilité, alors que les deux tiers de la croissance du Canada sont attribuables à l'immigration. La population américaine est aussi plus jeune que la nôtre.
On fait souvent référence aux États-Unis. Toutefois, la dynamique de nos populations respectives est différente. Le taux de croissance de notre population suit à peu près la même courbe que celui des États-Unis. D'une année à l'autre, il varie, parfois il est un peu plus haut et parfois un peu plus bas. Cela dit, comme les États-Unis accusent une hausse naturelle plus élevée, on s'attend à ce que son taux de croissance soit supérieur au nôtre.
Le sénateur Mercer : Savons-nous pourquoi les deux tiers de la croissance américaine sont attribuables au taux de fécondité? Nous savons que les deux tiers de notre croissance sont attribuables à l'immigration.
Mme White : Aux États-Unis, le taux de fécondité se rapproche du taux de remplacement, à deux enfants par femme, alors que le nôtre se situe à 1,5. C'est ce taux qui fait toute la différence.
Le sénateur Mercer : Y a-t-il une raison évidente à cela?
Mme White : Trois facteurs contribuent sans doute au taux de fécondité plus élevé aux États-Unis. Le premier, c'est que le nombre de femmes de moins de 20 ans qui ont des enfants est sensiblement plus élevé qu'au Canada. Ce n'est pas nécessairement là un modèle que nous devrions souhaiter émuler car un tel taux de fécondité chez les femmes de moins de 20 ans signifie qu'elles limitent sans doute leur scolarisation et leur participation à la population active.
Les deux autres concernent le moment où les femmes américaines commencent à procréer et où elles ont ce deuxième et troisième enfant. Généralement, elles ont leur premier enfant au début de la vingtaine et ensuite, le deuxième et le troisième plus tard dans la vingtaine et au début de la trentaine. Les Canadiennes retardent le moment de procréer jusqu'à la fin de la vingtaine et le début de la trentaine et, évidemment, n'ont pas nécessairement de deuxième ou troisième enfant.
Il y a manifestement certaines différences en ce qui concerne les populations hispaniques et noires, qui ont davantage d'enfants. En outre, lorsque les gens ont des enfants au sein de cette société, cela contribue à hausser le taux de fécondité.
Le sénateur Mercer : Vous avez tous deux évoqué la possibilité de redéfinir ce qu'est une personne âgée ou le seuil de la vieillesse, même si je n'aime pas ce terme. Je me souviens de l'époque où on recevait des prestations du gouvernement à un âge beaucoup plus avancé. En fait, comme M. Spencer y a fait allusion, je me souviens que notre grand-mère, qui vivait avec nous, a commencé à recevoir des prestations alors qu'elle était beaucoup plus vieille que ne le sont les bénéficiaires aujourd'hui.
La difficulté, pour nous tous, consiste à faire face à cette population en forte croissance, une population en meilleure santé à certains égards, mais pas à d'autres, une population dont tous les membres s'attendent à certains programmes de soutien. Si nous repoussons le seuil de la vieillesse et que nous disons aux gens qu'ils n'entrent plus dans la catégorie des personnes âgées, peu importe où l'on tracera la ligne, si on leur dit que désormais ils feront partie de ce groupe plus tard parce qu'ils sont plus en santé et qu'il y a davantage d'emplois, notament, cela me pose un problème. En effet, il faut penser qu'un groupe de personnes ont planifié leur vie en se disant qu'à l'âge de 65 ans, ou peu importe, ils prendront leur retraite et qu'ils pourront compter sur ces prestations.
Le dilemme du comité — et c'est sans doute le plus grand dilemme du gouvernement également —, c'est que nous planifions pour l'avenir. Comment répondre aux attentes des gens tout en satisfaisant à leurs besoins et en reconnaissant les contraintes financières liées au fait d'y répondre, en sachant pertinemment que tous ces aspects sont touchés par l'évolution démographique?
M. Spencer : Je vais commenter un aspect de la question. Vous avez raison de vous soucier du sort des gens qui planifient leur retraite. Il ne faudrait pas apporter de tels changements, particulièrement des changements d'envergure, sans donner aux citoyens un long préavis.
Par exemple, aux États-Unis, lorsque le gouvernement a modifié la loi de façon à hausser graduellement l'âge de l'admissibilité pour recevoir l'intégralité des prestations de sécurité sociale, on a prévu un délai de 10 à 15 ans avant que le régime n'entre en vigueur. Une fois le processus amorcé, l'âge auquel les citoyens pouvaient toucher les prestations augmentait d'un mois par année. L'admissibilité aux prestations complètes est passée de l'âge de 65 à 67 ans au cours d'une période d'une vingtaine d'années.
Le préavis et l'annonce de ces changements qui doivent entrer en vigueur à une date ultérieure sont importants pour les raisons que vous avez identifiées.
Le sénateur Cordy : Je m'interroge au sujet des statistiques démographiques. Au sujet de la migration des gens qui quittent le Canada atlantique, la région d'où je viens, beaucoup de ces données ne sont pas étonnantes. Nous savons tous qu'un grand nombre de jeunes diplômés des collèges communautaires ou des universités se dirigent vers l'Alberta. L'Alberta a une population plus jeune étant donné qu'un grand nombre de jeunes Canadiens venus de l'Atlantique y vivent.
En Nouvelle-Écosse proprement dite — je vais parler de la Nouvelle-Écosse, ma province, mais je pense que c'est la même chose dans toutes les provinces — la dynamique milieu rural/milieu urbain comporte un volet démographique. La population de la Nouvelle-Écosse a légèrement diminué, mais elle est demeurée assez stable. Toutefois, la population de Halifax a beaucoup augmenté et la population des régions rurales a chuté radicalement. Dans vos exposés, vous n'avez ni l'un ni l'autre mentionné la dynamique population rurale/population urbaine. Avez-vous effectué des études sur le nombre de personnes âgées qui vivent en milieu rural? Il me semble que les jeunes quittent la campagne pour la ville, mais est-ce un fait ou non? Je ne connais pas les statistiques pertinentes.
Mme White : J'ai fait allusion à cette dynamique lorsque j'ai parlé de l'âge médian car les zones urbaines affichent un âge médian inférieur à celui des zones non urbaines.
Dans les régions rurales, les gens sont généralement plus âgés, sauf dans les régions où vivent des populations autochtones. Dans le nord de l'Ontario, du Québec et des provinces des Prairies, les populations, selon l'âge médian, sont en fait plus jeunes. Dans une province comme la Nouvelle-Écosse, à l'extérieur des villes de Halifax, Dartmouth ou Truro, la population serait plus âgée.
Le sénateur Cordy : Comment définissez-vous une région rurale? Depuis la fusion, la municipalité régionale de Halifax englobe une vaste région géographique qui comporte une zone rurale. Comment choisissez-vous la définition du terme « rural » que vous employez?
Mme White : La question est très pertinente. Nous prenons en compte les zones d'influence métropolitaines caractérisées par la distance de déplacement vers une région urbaine. Lorsque je mentionne Halifax ou Dartmouth, je parle de la région métropolitaine de recensement, dans laquelle 50 p. 100 de la population se rend à un moment donné au cours de la journée de travail. Dans une petite province, il y a moins d'espace géographique entre les noyaux urbains. En l'occurrence, le centre économique de la ville exerce une influence sur une superficie moins étendue.
Le sénateur Cordy : Dans le contexte de l'évolution démographique et d'une population vieillissante, nous avons eu de nombreuses discussions concernant les soins de santé, mais de nombreux autres problèmes se posent : le logement, le transport, les soins palliatifs, les soins à domicile, l'assurance-médicaments, etc. Avons-nous suffisamment de données pour apporter à nos politiques des changements à long terme dans l'intérêt des personnes âgées? Avons-nous suffisamment d'information, ou y a-t-il des lacunes?
Mme White : Nous devons nous fier aux enquêtes que nous faisons pour recueillir l'information. Pour ce qui est du manque de données pour chacun de ces éléments, je ne suis probablement pas la meilleure personne pour répondre à votre question étant donné que mon champ de spécialité est plutôt la démographie, par opposition à la santé ou à la situation économique des aînés.
Il y a à Statistique Canada des fonctionnaires qui pourraient aborder ces questions spécifiques. Ils pourraient vous donner des réponses nuancées en ce qui concerne l'assurance-médicaments ou l'abordabilité des logements.
M. Spencer : La dynamique rurale/urbaine est forte. Elle n'est pas particulièrement reliée au vieillissement de la population, mais elle exacerbe les effets associés à ce vieillissement dans les régions de départ, les petites collectivités et les zones rurales. En fait, c'est un facteur d'une grande influence. Il peut révolutionner les caractéristiques de la population. Dans de nombreuses petites localités de la région Atlantique, il ne reste effectivement que des populations très âgées. L'âge médian peut être de 60 ans, et même plus, dans certaines petites communautés.
Cela pose des problèmes de taille pour ce qui est de fournir des services non seulement de santé, mais aussi d'éducation étant donné qu'on se retrouve avec un très petit nombre d'enfants dans les écoles. Les économies d'échelle nécessaires à la prestation de tout service commencent à poser un problème sérieux. Même si je n'ai pas mentionné cet aspect dans mon exposé, je conviens que c'est un sujet de préoccupation sérieux.
À propos des données dont nous disposons, des lacunes existent, mais elles dépendent précisément de la question que l'on aborde. Souvent, une fois que l'on a défini la question soigneusement, lorsqu'on fouille pour voir s'il existe des données disponibles pour y répondre, les lacunes ne sont pas aussi sérieuses qu'on le croyait. Le manque de données est donc propre à certaines questions.
Le sénateur Johnson : Monsieur Spencer, est-il préférable que les gens de la génération du baby-boom travaillent au- delà de 60 ou 65 ans, étant donné que les statistiques montrent qu'un grand nombre d'entre eux ont des pensions insuffisantes? Les membres de cette génération composent la population qui a sans doute joui du meilleur niveau de vie dans l'histoire de l'humanité. Mais si les gens ont vécu des vies formidables, ils n'ont pas fait grand-chose pour planifier leur avenir. C'est comme s'ils pensaient pouvoir maintenir ce niveau de vie sans problème indéfiniment, jusqu'à leur mort, à l'âge de 100 ans.
Récemment, vous avez organisé une conférence dont le thème était : les régimes de pension privés et l'insécurité au cours de la vieillesse — un avenir incertain. Ces questions sont peut-être liées. À la lumière des résultats de cette conférence, vous pouvez sans doute me dire ce qui serait préférable, d'un point de vue économique, étant donné que les gens sont en santé et peuvent continuer à travailler.
M. Spencer : Comme vous le savez, j'aborde cette question en tant qu'économiste. D'un point de vue économique, nous souhaiterions que la politique gouvernementale donne aux gens le choix de continuer à travailler lorsqu'ils se considèrent capables de le faire, ou de prendre leur retraite.
J'insiste sur un point : nous ne voulons pas de politiques publiques qui inciteraient les gens à prendre une retraite hâtive. En outre, nous ne voulons pas qu'en raison de politiques publiques, les gens épargnent moins pour leur retraite qu'ils ne le feraient autrement.
Je vais vous donner un exemple de ce que je veux dire. Les personnes dont le revenu est suffisamment bas reçoivent le Supplément de revenu garanti, le SRG. Les gagne-petit ne sont guère motivés à économiser en vue de la vieillesse car s'ils le font, ils ne toucheront pas le supplément de revenu garanti. C'est un exemple d'une mauvaise politique.
Le sénateur Johnson : Elle va à l'encontre du but recherché.
M. Spencer : Les dispositions incitatives du Régime de pensions du Canada sont un autre exemple préoccupant. Nous pouvons choisir de recevoir les prestations de retraite du Régime de pensions du Canada dès l'âge de 60 ans, ou attendre à 70 ans, l'âge normal pour le faire étant défini comme étant 65 ans. La personne âgée de moins de 65 ans qui décide de se prévaloir de ce choix reçoit des prestations réduites. La réduction en question est plus ou moins axée sur l'espérance de vie en moyenne.
La personne qui décide d'attendre à un âge plus avancé reçoit des prestations accrues, mais celles-ci n'augmentent pas autant que l'espérance de vie diminue après l'âge de 65 ans. D'un point de vue politique, il est clair que le Régime de pensions du Canada incite les gens à ne pas retarder le moment de se prévaloir des prestations après l'âge de 65 ans, mais plutôt à les prendre dès qu'ils le peuvent.
Dans les régimes de pension privés, de nombreux incitatifs intrinsèques encouragent les gens à partir à la retraite à des âges spécifiques qui n'ont aucun sens du point de vue socio-économique, mais qui ont manifestement beaucoup de sens dans une perspective individuelle. Pourquoi les enseignants continueraient-ils à travailler après avoir satisfait à la règle de 85, ou peu importe ce qui est requis, après avoir atteint l'âge de 55 ans, si, en continuant à travailler, ils ne touchent que 10 $ de plus par mois que s'ils étaient à la retraite? Ce n'est pas une politique intelligente. Ce n'est certainement pas une politique intelligente que d'inciter les enseignants à prendre leur retraite plus jeune pour ensuite se rendre compte qu'il y a une pénurie de professeurs. Il y a de nombreux exemples de ce genre que vous connaissez sûrement.
J'estime important d'identifier les domaines où la politique gouvernementale est source d'incitatifs pernicieux.
La présidente : Il faudrait peut-être que nous nous penchions là-dessus. Par exemple, la caisse de retraite des enseignants de l'Alberta permet à ses membres de prendre une retraite hâtive. Qui plus est, même s'ils ne peuvent recevoir les prestations du Régime de pensions du Canada, leur caisse de retraite leur permet de recevoir les prestations intégrales et, ensuite de toucher une somme un peu moindre pendant un an ou deux une fois qu'ils ont atteint 60 ans, pour équilibrer les choses. Résultat, le système encourage les enseignants à prendre leur retraite dès qu'ils ont accumulé 30 ans de service, sans nécessairement avoir 60 ans, et encore moins 65. C'est un problème.
Monsieur Spencer, savez-vous comment l'OCDE définit « la santé »? Tout comme le Dr Keon, ce 11 p. 100 me pose certains problèmes. Ce qui m'inquiète, ce n'est pas tellement le système des soins de santé financé par l'État proprement dit, mais plutôt les services qu'il ne couvre pas, et je sais que c'est aussi le cas du sénateur Keon. Évidemment, je m'intéresse particulièrement aux soins palliatifs. Je sais que d'ici l'an 2020, le pourcentage de décès annuels accusera une hausse. Si nous continuons de fournir des soins palliatifs pour un maximum de 25 p. 100 de ce que nous faisons maintenant, on se trouvera à augmenter d'environ 14 p. 100 les soins palliatifs compte tenu des taux de décès croissants que nous connaîtrons. Voilà pourquoi je m'intéresse à la définition de la santé.
M. Spencer : Dans l'étude de l'OCDE, on définissait les dépenses de santé comme étant des dépenses publiques. Il n'était pas question des dépenses privées. Toutefois, cela englobait, par exemple, la portion des dépenses publiques consacrées aux soins palliatifs. Les études auxquelles j'ai participé au Canada s'intéressent majoritairement à la composante des dépenses publiques. Cependant, pour ce qui est de prévoir l'incidence du maintien des régimes publics existants à l'avenir tout en conservant le même niveau de dépenses réelles et de services réels pour les personnes de chaque groupe d'âge et de sexe, dans la mesure où les besoins en soins palliatifs demeurent approximativement les mêmes en moyenne pour les personnes âgées de 70, 74 et 79 ans, et ainsi de suite, cela aurait déjà été pris en compte. Les projections montrent clairement — et de nombreux analystes sont arrivés à la même conclusion — que les dépenses de santé n'augmenteraient pas aussi rapidement que le PIB, par exemple, par suite du vieillissement de la population. Mais c'est peut-être une exagération. Les dépenses ne dépasseraient pas énormément le PIB, et elles seraient contrebalancées par d'autres réductions dans les budgets gouvernementaux.
La présidente : À mon avis, nous n'aurions pas pu demander à un meilleur groupe de personnes de donner le coup d'envoi à notre discussion sur le Canada en tant que société vieillissante, et je veux remercier Mme White, M. Martel et M. Spencer de leurs exposés cet après-midi.
Honorables sénateurs, vous avez devant vous un budget de 25 100 $ pour le reste de l'exercice financier. Je vous invite à examiner les dépenses détaillées, par exemple les repas... Si j'aborde le sujet maintenant, honorables sénateurs, c'est que j'ai avancé la séance d'une demi-heure parce que trois d'entre nous avons un autre comité à 16 heures. Je voulais m'assurer que nous ayons terminé à 15 h 30 pour que nous ayons au moins une demi-heure pour souffler. Des dépenses d'hospitalité et des frais d'inscription sont prévus au cas où une conférence quelconque sur le vieillissement aurait lieu d'ici le 31 mars, mais je n'en ai identifié aucune. Les honoraires de consultant s'élèvent à 10 000 $ et je veux qu'il soit clair que je recommande l'embauche de Michelle McDonald à titre de consultante pour le comité. La raison en est qu'elle a énormément travaillé avec moi à la préparation de cette étude et, pour ce faire, elle a effectué des recherches très fouillées dans le domaine. Elle a assisté à plusieurs conférences en mon nom. Elle m'a aussi accompagnée à la conférence sur le vieillissement tenue à Madrid et elle a rédigé mon allocution pour la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres responsables des aînés. Je voulais mentionner nommément la personne que je voulais inclure à ce titre pour qu'il n'y ait pas de surprise.
Je pense que tout le reste est parfaitement clair. Y a-t-il des objections? Dans ce cas, puis-je avoir une motion?
Le sénateur Keon : J'en fais la proposition.
La présidente : Il est proposé que le comité approuve le budget proposé pour son étude spéciale sur le vieillissement et que la présidente soumette ce budget au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration afin d'obtenir son approbation : services professionnels et spéciaux : 15 600 $; transports et communications : 9 000 $; et autres dépenses : 500 $, pour un total de 25 100 $. Tous ceux qui sont en faveur?
Des voix : D'accord.
La présidente : La motion est adoptée.
Honorables sénateurs, nous avons le plaisir d'accueillir cet après-midi Mme Carole Lafontaine, présidente-directrice générale intérimaire de l'Organisation nationale de la santé autochtone (ONSA). Elle est accompagnée de M. Mark Buell, gestionnaire, Politique et communications. Nous recevons aussi M. Robert Dobie, président intérimaire, et Mme Margaret Gillis, directrice, du Conseil consultatif national sur le troisième âge. Et, à titre personnel, nous avons M. Douglas Durst, professeur à la Faculté de travail social de l'Université de Regina.
Carole Lafontaine, présidente-directrice générale intérimaire, Organisation nationale de la santé autochtone : Je suis membre de la nation métisse de l'Ontario, et je suis accompagnée de Mark Buell, gestionnaire de la politique et des communications à l'ONSA.
L'ONSA est heureuse de pouvoir faire une présentation auprès de ce nouveau comité du Sénat sur le vieillissement afin de vous donner un aperçu général de certaines caractéristiques importantes de l'état de santé actuel des aînés autochtones. Pour de plus amples détails, vous pouvez vous reporter aux documents fournis dans la trousse que nous avons remise au comité. Nous fournirons également des projections relatives à la population autochtone qui risquent d'avoir une grande portée sur l'élaboration future des politiques et des programmes.
L'ONSA privilégie une approche de la santé qui comprend les éléments constituants de chaque personne : mental, physique, affectif et spirituel. Selon nous, les déterminants sociaux de la santé sont essentiels à la compréhension de l'état de santé. Les indicateurs socio-économiques ajoutent à l'interaction complexe des grands déterminants sociaux qui ont des répercussions sur l'état de santé des Autochtones.
Les collectivités inuites, métisses et des Premières nations sont toujours confrontées à de graves pénuries de logements, à des taux de chômage élevés, à un accès insuffisant aux services de santé de base, ainsi qu'à une faible scolarisation; tous ces facteurs ont un effet à la fois sur l'espérance de vie et sur la qualité de vie pendant la vieillesse.
À l'heure actuelle, l'espérance de vie des hommes autochtones s'élève à 68,9 ans par rapport à 77,2 ans pour les hommes canadiens, soit une différence de près de huit ans. Pour ce qui est de l'espérance de vie actuelle des femmes autochtones, elle s'élève à 76,3 ans par rapport à 82,1 ans pour les femmes canadiennes, soit un écart de près de six ans.
Au Canada, plus d'un million de personnes s'identifient comme Autochtones; elles représentent 3,3 p. 100 de la population : 62 p. 100 font partie des Premières nations, 30 p. 100 sont Métis et 5 p. 100 sont Inuits.
Les approches s'adressant à tous les Autochtones sans distinction ne sont pas efficaces. Les Premières nations, les Inuits et les Métis ont des réalités qui leur sont propres et qui sont influencées par des déterminants tels que la langue, la géographie et la culture.
Ainsi, la géographie détermine l'accessibilité des services tels que les soins de santé, les aliments et la nutrition, les loisirs et le logement, ce qui fait que les Inuits de Rankin Inlet ont des besoins qui se distinguent de ceux des Métis d'Edmonton, par exemple.
L'élaboration des politiques et la prestation des programmes doivent s'effectuer à partir de données précises qui reflètent les besoins selon les réalités des Premières nations, des Inuits et des Métis.
Voici quelques exemples. Étant donné que plusieurs aînés inuits sont unilingues, ils éprouvent des difficultés particulières à se procurer des renseignements sur la santé et les services et à les comprendre, ces renseignements étant habituellement offerts en anglais.
Pour ce qui est du logement, les aînés inuits sont particulièrement touchés puisqu'ils doivent vivre dans les maisons multigénérationnelles et bondées de leurs enfants, ou encore accepter de partager leurs petites résidences subventionnées avec des membres de la famille. Les aînés inuits du Nord canadien habitent au sein d'une infrastructure fragile, ce qui a des répercussions sur le logement, tandis que le coût de la vie élevé amenuise un revenu déjà faible.
À l'heure actuelle, il n'existe qu'un minimum de données de surveillance ou de données sur la santé de la population qui concernent les aînés métis. En se référant aux données du recensement, on sait que l'état de santé des Métis est moins bon que pour la population non autochtone. Ainsi, un Métis sur cinq souffre d'arthrite ou de rhumatisme alors que la proportion est de un sur dix chez les non-Autochtones.
Statistique Canada signale que, ces dernières années, la croissance de la population s'identifiant aux Métis tient davantage de facteurs non démographiques tels qu'une recrudescence de la fierté dans l'identité métisse, diverses décisions rendues par les tribunaux, des modifications apportées aux politiques gouvernementales, ainsi qu'une couverture possiblement améliorée du recensement, plutôt que de facteurs démographiques liés à la fertilité et à la mortalité.
La santé mentale, physique, spirituelle et affective des aînés des Premières nations est touchée directement par le traumatisme subi dans les écoles résidentielles; plusieurs aînés des Premières nations sont des survivants des écoles résidentielles.
Les aînés des Premières nations signalent qu'ils souffrent de différents problèmes de santé concomitants et à long terme tels que : arthrite/rhumatisme, hypertension, asthme et maladie du coeur. De plus, le diabète de type II est très préoccupant chez les personnes âgées issues des Premières nations.
Les initiatives visant à améliorer la santé de la population autochtone passent nécessairement par l'étude des caractéristiques démographiques clés et des tendances qui se manifestent au fil du temps. Une meilleure santé de la population autochtone signifie un allègement du fardeau des systèmes de soins de santé.
Des données statistiques actuelles indiquent que d'ici à 2026, le pourcentage des aînés autochtones aura triplé; bien que nous devons nous efforcer d'obtenir des conditions optimales pour la population âgée du Canada, l'état de santé précaire des aînés autochtones nécessite une attention particulière, des interventions qui tiennent compte des différences culturelles.
Lorsqu'on observe la répartition actuelle de la population autochtone selon l'âge, il est évident que le nombre d'Autochtones joignant les rangs des aînés s'accroîtra au fil du temps. Les prévisions pour l'avenir suggèrent fortement que des investissements immédiats et à long terme doivent être effectués dans la santé des personnes au cours de leur vie, de même que dans les infrastructures des collectivités afin de répondre aux besoins des 10 à 25 prochaines années.
Les collectivités autochtones, leurs organismes, les chercheurs et les concepteurs de politiques ont la responsabilité de collaborer à l'élaboration de solutions novatrices et pertinentes pour les indicateurs et les cibles du vieillissement en santé; ces solutions doivent tenir compte de la géographie, de la culture, du sexe et du revenu.
L'ONSA vous remercie de lui avoir offert l'occasion de contribuer au travail que vous accomplissez au comité du Sénat sur le vieillissement; nous vous souhaitons la meilleure des chances pour la réalisation de votre mandat. Si l'ONSA peut vous être utile, n'hésitez pas à communiquer avec nous; nous nous ferons un plaisir de vous aider dans votre travail.
Robert Dobie, président intérimaire, Conseil consultatif national sur le troisième âge : Le Conseil consultatif national sur le troisième âge, ou CCNTA, est heureux de présenter son mémoire. Le mandat du conseil consiste à aider et à conseiller le ministre de la Santé sur toutes les questions liées au vieillissement de la population canadienne et à la qualité de vie des aînés.
Depuis plus de 25 ans, le CCNTA s'efforce d'attirer l'attention du gouvernement fédéral et des Canadiens sur la question du vieillissement de la population. En s'inspirant des recherches les plus récentes, le conseil élabore des recommandations qui sont équilibrées, crédibles et sensibles à l'apport des personnes âgées.
Récemment, le CCNTA a publié son bulletin 2006 sur les personnes âgées au Canada. D'ailleurs, on vous en a remis un exemplaire. Ce bulletin est un bilan de la situation des personnes âgées dans cinq domaines clés : l'état de santé, le système des soins de santé, la situation économique, les conditions de vie et la participation à la société. La note globale attribuée pour les cinq paramètres à l'étude a été un B, ce qui signifie que des améliorations sont encore nécessaires. Toutefois, des progrès ont été enregistrés ces dernières années.
Le vieillissement démographique aura des conséquences profondes pour notre société, mais les changements s'étaleront sur plusieurs décennies. Néanmoins, la grande diversité de la population des aînés donne à penser qu'il faudra faire preuve d'une grande souplesse pour s'adapter à une population vieillissante.
Si l'on considère la population vieillissante antérieure et la nouvelle population vieillissante — par exemple, les baby-boomers feront sous peu partie de nos membres — vous comprendrez que ces personnes ne forment pas un groupe monolitique. Les aînés ne sont pas un ensemble monolitique de personnes pauvres, fragiles, malades ou dépendantes. Le groupe d'âge des 65 ans et plus présente une diversité considérable en termes d'expériences de vie, de situation économique, d'état de santé et de ressources permettant un mode de vie autonome.
Un nombre croissant de Canadiens vivent maintenant plus longtemps et en meilleure santé physique et mentale. Cela dit, l'incidence accrue de maladies comme le diabète et le taux croissant d'obésité pourraient modifier ce portrait. Aujourd'hui, un homme âgé de 65 ans a une espérance de vie de près de 18 années additionnelles; une femme âgée de 65 ans aujourd'hui a une espérance de vie de 21 ans de plus, ce qui représente une hausse incroyable des moyennes depuis les dernières années.
De façon générale, les personnes âgées continuent de voir leur santé en termes positifs. Dans notre rapport 2005, 74 p. 100 des aînés jugeaient leur santé bonne, très bonne ou excellente. En revanche, les aînés autochtones, particulièrement ceux qui vivent hors réserve, qualifiaient davantage leur état de santé de passable ou mauvais, comparativement à l'ensemble des aînés canadiens.
Les principaux facteurs de risque d'une mauvaise santé sont les suivants : un revenu faible, particulièrement pour de nombreuses femmes âgées seules, une alphabétisation déficiente, une faible scolarisation et l'isolation sociale. Il y a quelques semaines, nous avons présenté au comité de la condition féminine un mémoire dans lequel nous affirmons qu'en tant que groupe, les femmes âgées célibataires sont très fragiles dans notre collectivité.
Étant donné que le nombre des personnes âgées augmente, particulièrement dans le groupe des 85-plus, la prévalence de diverses maladies accusera une hausse au Canada, posant ainsi un certain nombre de défis au régime de soins de santé. En 2005, 91 p. 100 des aînés ont mentionné souffrir d'au moins une maladie chronique. Les problèmes les plus courants sont les maladies cardiovasculaires, l'arthrite, le diabète et la démence.
En outre, saviez-vous qu'au Canada, une personne âgée meurt à toutes les heures des suites d'une chute? Près d'un million d'aînés font au moins une chute par année, et ces chutes causent 84 p. 100 des admissions des personnes âgées dans les hôpitaux pour cause de blessure. Les chutes coûtent des sommes colossales, soit un milliard de dollars par année en coûts de santé directs. Il importe de noter qu'il est prouvé que l'on peut réduire les causes et les conséquences des chutes.
Le mois dernier, j'ai coprésidé une réunion avec mes collègues provinciaux et territoriaux au cours de laquelle nous avons réitéré ce que les aînés répètent depuis de nombreuses années, soit que la santé et les soins de santé sont des enjeux prioritaires. Mes collègues et moi-même avons publié une déclaration dans laquelle nous nous sommes engagés à collaborer pour faire en sorte que les questions de santé qui préoccupent les aînés demeurent à l'avant-scène. Nous avons également souligné l'importance de reconnaître la contribution des personnes âgées au tissu social du Canada. Voilà pourquoi mon exposé d'aujourd'hui est fortement axé sur les questions de santé.
Selon l'analyse récente du conseil, même s'il y a place à l'amélioration, le système de santé sert bien la majorité des personnes âgées, que l'évaluation porte sur l'accès ou la qualité des soins. Toutefois, des problèmes peuvent se développer rapidement chez les personnes âgées et les délais d'attente aggravent souvent des conditions bénignes et augmentent le risque d'hospitalisation. Cette situation engendre la perte de l'autonomie, des souffrances accrues et des coûts de santé plus élevés.
De nouvelles façons de fournir des soins de santé, comme le modèle d'hôpital extramural au Nouveau-Brunswick, peuvent contribuer grandement à améliorer la santé des personnes âgées. Si vous ne l'avez pas encore fait, je vous recommande vivement d'inviter un représentant de cet établissement du Nouveau-Brunswick. C'est un projet fort valable qui mérite réflexion.
En outre, les besoins en matière de santé et les métabolismes des personnes âgées diffèrent de ceux des jeunes adultes. Malheureusement, l'éducation et la formation en gériatrie font cruellement défaut au Canada. En 2000, le Canada comptait 144 gériatres alors qu'on en aurait eu besoin de 481. En 2005, ils étaient 191, alors qu'on estimait les besoins à 538.
Je ne saurais trop insister sur le fait que pour être efficace, le système de santé doit mettre autant l'accent sur la promotion de la santé que sur les soins de santé. Les causes de certaines maladies graves associées au vieillissement nous échappent, de même que leur prévention et les méthodes de traitement. Toutefois, de nombreux effets néfastes de maladies chroniques associées au vieillissement sont évitables.
La promotion de la santé, y compris pour les personnes très âgées, peut produire des résultats bénéfiques. La prévention des chutes, de même que des changements dans le mode de vie, particulièrement en ce qui a trait à la nutrition et à l'activité physique, doivent recevoir une attention prioritaire dans les programmes de prévention et de promotion destinés à une population vieillissante.
Un autre enjeu fait surface : la protection civile. Les catastrophes naturelles et causées par l'homme surviennent plus fréquemment que jamais. Récemment, plusieurs catastrophes fortement médiatisées comme les attentats du 11 septembre, la vague de chaleur en Europe en 2003, le syndrome respiratoire aigu sévère, les tsunamis et les ouragans ont ouvert bien des yeux et des esprits à des menaces potentielles analogues. Ici au Canada, le Manitoba a connu des inondations, le Saguenay également quelques années auparavant et le Québec a été affligé par la célèbre tempête de verglas.
Chose alarmante, la semaine dernière seulement, dans son rapport incluant son plan de lutte contre les pandémies, l'Association médicale de l'Ontario a déclaré que les personnes de 85 ans et plus ne seraient pas considérées prioritaires pour recevoir un traitement. Ce rapport constitue manifestement une atteinte à la Charte. C'est un cas d'âgisme flagrant.
Être une personne âgée n'implique pas nécessairement que l'on soit vulnérable. Les aînés sont riches d'une expérience qui peut souvent donner lieu à des stratégies de défense valables pour l'ensemble de la collectivité. Le conseil est heureux de noter que le Canada joue un rôle de chef de file pour ce qui est de garantir que l'on répondra aux besoins des personnes âgées en cas de catastrophes.
Certes, c'est une bonne idée d'améliorer la qualité de vie, la prévention des maladies et la promotion de la santé, mais cela est aussi bénéfique au plan économique, dans bien des cas. Malheureusement, les ressources investies dans ces domaines ont été jusqu'ici largement insuffisantes. Les soins à domicile et les services de soutien à domicile aident les gens à conserver leur indépendance, et c'est une chose à laquelle les personnes âgées tiennent beaucoup. L'accès limité aux hôpitaux et aux soins à domicile oblige les personnes âgées à compter dans une grande mesure sur leur famille. D'ailleurs, les familles assument 80 p. 100 des soins aux personnes âgées à domicile et paient de leurs propres poches les services nécessaires.
Les soins à domicile peuvent être moins coûteux — environ un tiers du coût des soins en établissement —, plus appropriés et mieux acceptés socialement que les soins en établissement. La mise sur pied d'un système national de soins à domicile financé par le système public d'assurance-santé doit progresser sérieusement.
Le Canada compte deux millions d'aidants naturels, dont un grand nombre sont eux-mêmes des personnes âgées. Ils ont eux aussi besoin de soutien. Prodiguer des soins de façon informelle est une lourde responsabilité qui peut engendrer un épuisement physique et mental et avoir un effet préjudiciable sur la santé des dispensateurs. Le manque de mécanismes de soutien formels peut provoquer l'épuisement et amener les aidants à abandonner. Cet abandon peut ensuite se traduire par des taux élevés d'institutionnalisation des personnes âgées. Quoi qu'il en soit, les aînés des générations futures ne pourront compter sur de grosses familles pour leur prodiguer des soins personnels et ils dépendront vraisemblablement davantage des services publics.
Bien que la presque totalité des aînés soient protégés par une assurance-médicaments d'ordonnance quelconque, publique ou privée, l'ampleur de cette protection varie sensiblement d'une province à l'autre, laissant un grand nombre d'entre eux vulnérables aux difficultés financières. Dans le rapport spécial qu'il a présenté à la Commission Romanow sur l'avenir des soins de santé au Canada, le conseil a recommandé la création d'un régime national d'assurance- médicaments exhaustif financé par l'État ou par un partenariat public-privé.
Environ 7 p. 100 de tous les aînés, et jusqu'à 40 p. 100 des personnes très avancées en âge résident présentement dans des établissements de soins de longue durée à cause de problèmes de santé. Même si les futures générations de personnes âgées seront sans doute moins enclines à vivre dans des établissements de soins de longue durée, l'augmentation prononcée du nombre de personnes très âgées au cours des années à venir exercera une pression considérable sur le système des soins de longue durée. De plus en plus, on demande à ces établissements de s'occuper d'aînés qui sont plus âgés et plus malades qu'ils ne l'étaient dans le passé. L'organisation et le financement des soins de santé, de même que l'embauche, la formation et la rémunération du personnel du milieu de la santé, doivent s'adapter à cette nouvelle réalité.
Il faut également trouver des solutions de remplacement à l'institutionnalisation des personnes âgées, comme les logements supervisés et l'aide à la vie autonome. Ces deux options peuvent constituer une solution intermédiaire pour les personnes âgées qui exigent davantage de soins qu'il n'est possible de leur en offrir à domicile, mais moins que ce qui leur est fourni dans les établissements de soins de longue durée. Le manque d'investissement dans le logement social est un autre problème à considérer. De nombreux aînés ne peuvent se permettre financièrement de résider dans des complexes privés haut de gamme accessibles aux adultes seulement ou dans des maisons de retraite. Les projets domiciliaires pour personnes âgées ne devraient pas viser uniquement la clientèle fortunée parmi cette population. Planifier une société vieillissante exige une approche intersectorielle qui combine les soins de santé, les services sociaux et le logement. Il y a au Canada de multiples exemples de logements intégrés offrant un continuum de soins aux personnes âgées.
La hausse du revenu des personnes âgées survenue entre 1980 et aujourd'hui est l'une des grandes réussites de la politique publique au Canada. En 1980, 21 p. 100 des aînés étaient « pauvres », mais aujourd'hui ce pourcentage est inférieur à 7 p. 100. Ce succès est largement attribuable à l'arrivée à maturité du régime public de pension du Canada, mais comme l'OCDE l'a signalé, un système public d'envergure n'arrive à maturité qu'une seule fois. Il devient évident que les inégalités au chapitre du revenu de retraite augmenteront à l'avenir. À l'heure actuelle, le bien-être économique de certains aînés continue d'être à risque. Dans un document publié en 2005 intitulé Vieillir pauvre au Canada, le conseil relève les causes du triste sort des personnes âgées à faible revenu et évoque des pistes de solution. Certains groupes, notamment les femmes âgées, les aînés vivant seuls et les aînés immigrants sont particulièrement à risque.
La plupart des aînés jouissent de bonnes conditions de vie et bon nombre d'entre eux n'ont pas d'hypothèque. Généralement, ils ont un bon accès aux modes de transport et ne se sentent pas menacés par la criminalité. Toutefois, il demeure important d'augmenter le financement d'unités de logement à prix modique et du transport en commun à la fois dans les régions rurales et urbaines. En effet, le logement et le transport représentent la clé de l'autonomie et de la participation sociale des personnes âgées — deux ingrédients bénéfiques pour l'ensemble de la société canadienne. Négliger les aînés, c'est négliger l'une des ressources naturelles les plus précieuses du Canada.
En conclusion, même si nos aînés sont relativement en bonne santé et jouissent d'une bonne qualité de vie, il faut néanmoins se soucier de régler les problèmes des personnes âgées et du vieillissement. Dans des domaines spécifiques, on note un certain nombre de mauvaises nouvelles. J'ai cité, entre autres, la multiplication des maladies chroniques et l'augmentation de l'obésité, l'urgence d'adopter des stratégies de promotion de la santé à l'intention des aînés, le manque de gériatres dans notre système de soins de santé, l'insuffisance permanente des revenus de certaines catégories de personnes âgées et la nécessité d'élargir la gamme des logements disponibles. J'espère que nous pourrons collaborer ensemble pour résoudre ces problèmes.
Douglas Durst, professeur, Faculté de travail social, Université de Regina, à titre personnel : Je suis honoré d'être ici aujourd'hui. Assis dans l'auditoire, j'écoutais les intervenants précédents et j'attendais impatiemment mon tour parce que je veux réfuter certains de leurs arguments. Permettez-moi de les passer en revue avec vous. En tant que professeur à la Faculté de travail social, j'adhère à une perspective sociale. Mes travaux de recherche sur les Autochtones et les immigrants révèlent que les Canadiens âgés issus de l'immigration et des minorités visibles sont négligés. Il y a d'ailleurs eu peu de recherche et peu de discussion à ce sujet.
Premièrement, un membre du groupe précédent a déclaré que l'immigration n'avait guère de retentissement sur le vieillissement, mais en fait, nos immigrants sont ici et ils prennent de l'âge. Il y a deux groupes d'immigrants au Canada : ceux qui se sont établis ici jeunes, soit dans les années 80, qui ont marqué un sommet en matière d'immigration, et c'est ce groupe qui prend maintenant de l'âge; et ceux qui sont arrivés au Canada dans le cadre de la réunification de la famille. Cette population vieillissante est considérable.
Vous serez étonnés d'apprendre que de toutes les villes canadiennes, c'est Regina qui compte le plus fort pourcentage d'immigrants âgés de plus de 75 ans. Près de la moitié de la population de plus de 75 ans de la ville de Regina, en Saskatchewan, est née à l'étranger. La plupart de ces immigrants sont d'origine ukrainienne et allemande. Ce groupe a une incidence sociétale en ce sens qu'il crée autour du vieillissement à Regina une culture qui inclut certaines personnes et qui en exclut d'autres. Voilà un argument que je tenais à présenter.
Mon autre argument concerne la façon dont les statisticiens procèdent à l'agrégation des données et réunissent ensemble les groupes. Dans le groupe des personnes âgées, ils englobent les personnes de 65 ans et plus. Ce paramètre a été inventé par Otto von Bismarck il y a une centaine d'années car c'était alors l'âge correspondant à l'espérance de vie naturelle. Voilà pourquoi on en a fait l'âge de la retraite.
Dans la majorité des ouvrages pertinents, il est question de trois groupes. Premièrement, les aînés de 65 à 75 ans — les jeunes vieux —, qui sont en santé, en forme et plutôt à l'aise financièrement. Ces aînés veulent voyager et s'adonner à des activités. Ils sont encore dans une phase créative et productive de leur vie. Le deuxième groupe est constitué des gens de 75 à 85 ans — les vieux du groupe intermédiaire — qui ralentissent le rythme et préfèrent jardiner et passer du temps avec leurs petits-enfants. Ils ont encore de l'argent et des ressources, mais ils commencent à surveiller leurs dépenses, et ils sont moins enclins à voyager et à faire des acquisitions importantes. Le troisième groupe, constitué des aînés de 85 à 90 ans et plus — les vieillards frêles — ont des besoins physiques et sociaux spéciaux. Vous connaissez bien certains d'entre eux.
Les statisticiens réunissent les données sans penser à ces diverses populations et à leurs grandes différences. Il y a un écart de 25 ans entre un aîné de 65 ans et un aîné de 90 ans.
Il y a une différence entre un adulte de 25 ans et un autre de 50 ans. Pourquoi mettre ces deux personnes dans la même catégorie? Leurs besoins sont différents, et nous devons adopter un schème de pensée différent à l'égard de ces groupes.
Lorsque j'ai regardé autour de moi cet après-midi en arrivant à la réunion, je n'ai pas vu un grand nombre de personnes des minorités visibles. En fait, vous êtes la première personne d'une minorité visible qui se présente. C'est une dynamique intéressante car lorsqu'on déambule dans les rues d'Ottawa, de Toronto et même de Regina, les personnes de minorités visibles sont présentes en grand nombre dans notre population.
Il existe peu de travaux de recherche comparée entre la population en général et les groupes ethniques, ou entre les groupes ethniques eux-mêmes. Il est dangereux d'appliquer des modèles et de réunir ensemble des données relatives à différents groupes. En effet, cela traduit un certain réductionnisme qui invite à des généralisations et à des hypothèses qui peuvent se révéler fausses ou trompeuses. Par exemple, le rôle de la famille en tant que dispensatrice de soutien émotif et social peut être perçu différemment d'un groupe à l'autre et au sein des catégories.
J'ai présenté un tableau et un bref mémoire. Je ne savais pas trop si je devais axer mes observations sur les Autochtones ou sur les immigrants, mais je partagerai avec vous l'information que j'ai recueillie sur la population immigrante.
Près de 19 p. 100 de la population immigrante au Canada a plus de 65 ans, un pourcentage qui est supérieur à la moyenne nationale de 12,2 p. 100. Lorsque j'emploie le terme « immigrants », je parle de personnes nées à l'étranger. Près de 31 p. 100 des immigrants en provenance d'Europe sont âgés de plus de 65 ans. Les immigrants européens constituent une population vieillissante. La population des aînés originaires de l'Asie de l'Est — surtout de Hong Kong, de la Chine et de Taiwan —, représente 13 p. 100 de la totalité des immigrants de la région. Le pourcentage des immigrants de l'Asie de l'Est, de la Chine, de Hong Kong et de Taiwan est plus élevé que la moyenne nationale, ou s'en rapproche. Les immigrants des Antilles sont aussi plus âgés que les autres groupes d'immigrants et se situent très près de la moyenne nationale, avec un pourcentage d'environ 11 ou 12 p. 100. L'hypothèse voulant que les immigrants soient jeunes n'est pas étayée. Le Canada compte le plus grand nombre d'immigrants d'origines diverses, et la population des aînés est en fait le reflet de la mosaïque canadienne. Question pourcentage, le plus jeune groupe d'immigrants âgés est originaire d'Amérique centrale et d'Amérique du Sud, à 6,7 p. 100, et le groupe originaire d'Afrique, d'Asie du Sud-Est, de Thaïlande, du Laos et du Vietnam est aussi formé de gens assez jeunes, avec un pourcentage de 8 p. 100 environ. Toutefois, étant donné qu'un grand nombre de Canadiens originaires de l'Asie du Sud-Est sont venus ici en tant que réfugiés pendant la guerre des États-Unis au Vietnam, on s'attend à ce que leur population de personnes âgées connaisse une hausse. Ces immigrants sont arrivés ici dans les années 70 et 80 en tant que jeunes adultes, et ils approchent maintenant l'âge de 65 ans, c'est-à-dire l'âge de s'intégrer à la population des aînés.
Les immigrants constituent 28 p. 100 de la population totale des aînés. Parmi tous les aînés du Canada, soit les personnes de plus de 65 ans, 28,4 p. 100 sont des immigrants. Ce pourcentage est en hausse puisqu'il s'élevait à 16,9 p. 100 en 1981. Au cours des 25 dernières années, un changement radical s'est produit dans la composante immigrante de la population âgée. En effet, 19,4 p. 100, soit près de 20 p.100, de la totalité des personnes âgées sont originaires d'Europe. Toutefois, les courbes d'immigration en provenance de l'Asie montrent que 5,4 p. 100, soit une personne âgée sur 20 au Canada, est asiatique. Au total, 7,2 p. 100 de la population âgée au Canada sont issus d'une minorité visible. Une telle augmentation en l'espace de dix ans est considérable.
Qu'est-ce que cela signifie? Lorsque cette population entrera dans le système, elle aura des besoins et des attentes différents. Elle exercera des pressions différentes sur notre système de soins de santé, nos organismes sociaux, nos institutions financières et ainsi de suite.
Mme Adrienne Clarkson a eu 65 ans au cours de la dernière année de son mandat. Comme elle a grandi au Canada, ses besoins et ses attentes sont différents. Dans les universités, qui ont connu une expansion au Canada dans les années 1970, on a embauché énormément de professeurs de diverses populations. Ils sont tous maintenant au seuil de la retraite, et ils ont tous des attentes et des idées différentes. Ils n'hésiteront pas à exiger des services. La population des aînés qui est peu nombreuse ne l'est pas tant que ça lorsqu'on réunit les deux groupes ensemble : le groupe des 40 à 65 ans est nombreux et d'ici 10 ou 15 ans, tous ses membres se retrouveront dans la catégorie des personnes âgées. Une fois qu'ils y seront, s'ils ont vieilli ici, ils auront une idée de ce qui est disponible et ils exigeront leurs propres services. Quant à avoir si nous voulons instaurer des services parallèles, comme des maisons de convalescence pour une clientèle chinoise, ou des services intégrés, cela dépendra de la région du Canada et des besoins du groupe en question.
Les familles qui ont immigré au Canada et qui ont fait venir leurs vieux parents ici pour s'occuper de leurs enfants prennent généralement soin de leurs parents. Lorsque ces derniers entrent dans le système de soins de santé, ils le font après être restés longtemps dans leurs familles. Ils entrent dans le système tard, ils sont en mauvaise santé et leurs besoins sont considérables. Rejoindre cette population des immigrants issus de la réunification de la famille pour s'assurer qu'ils reçoivent un soutien et des soins adéquats pendant qu'ils sont encore dans leurs familles est une façon de leur assurer un niveau et une qualité de vie élevés. De plus, ils exigeront moins de services plus tard.
Vous avez parlé tout à l'heure de la division milieu rural-milieu urbain, et c'est un facteur important. La situation varie selon les régions au Canada. En Saskatchewan, si vous allez à la campagne, vous serez frappés par l'âge avancé des agriculteurs qui continuent de cultiver les champs. Ils ont besoin de protection et de certains services également. Le fossé entre la ville et la campagne est donc un facteur non négligeable.
Je ne suis pas non plus d'accord avec le commentaire de M. Spencer, selon lequel le SRG est une mauvaise idée. Il a laissé entendre que les démunis avaient en quelque sorte le choix d'économiser. Ils n'ont pas le choix. Ils dépensent leur argent pour subvenir aux besoins de leurs familles et de leurs enfants et ils n'ont pas l'option d'économiser pour adhérer à un régime de traite privé.
M. Spencer a aussi critiqué la règle de 85, et je suis désolé qu'il ne soit plus ici pour défendre son opinion ou répondre à mes commentaires. Cette règle offre aux gens un choix; elle leur accorde la liberté de faire des choix. Elle découle d'une entente négociée entre les travailleurs et leur employeur. Après 30 ou 35 ans de service, les enseignants et les policiers, par exemple, qui occupent des emplois stressants, ont la possibilité de se retirer dignement avec une pension convenable. À mon avis, il s'agit là d'une option positive et non pas d'une mesure négative qu'il faudrait décourager.
Ce sont là les principaux arguments que je voulais présenter au comité.
Le sénateur Johnson : Madame Lafontaine, vous avez parlé de votre population âgée. Avez-vous des renseignements sur les aînés qui vivent dans les réserves ou hors réserve? La ville ou la réserve offre-t-elle des services?
Mark Buell, gestionnaire, Politiques et communications, Organisation nationale de la santé autochtone : Comme tout le monde ici le sait sans doute, la population autochtone s'urbanise de plus en plus. Plus de 50 p. 100 de la population autochtone au Canada vit maintenant dans les villes. Il y a une différence énorme au niveau des services accessibles dans les agglomérations urbaines, des services auxquels tous ont accès, comparativement aux services dans les collectivités rurales ou éloignées, qui sont parfois inexistants.
Le sénateur Johnson : Avez-vous des exemples de projets de soins de longue durée ou d'aide à la vie autonome en milieu rural?
M. Buell : Bien souvent, les gens doivent quitter leur communauté éloignée pour accéder à des soins de longue durée en milieu urbain.
Le sénateur Johnson : Je suis de Winnipeg. Possédez-vous des renseignements au sujet de cette population vivant à Winnipeg? Présentement, les Autochtones ont-ils accès aux services municipaux? Peut-on généralement dire que c'est le cas?
Mme Lafontaine : C'est généralement ce qui se passe. On les conduit dans les centres urbains car c'est là qu'on peut répondre à leurs besoins.
Pour ce qui est d'avoir des statistiques, il faudrait que nous fassions des recherches pour recueillir davantage d'information pour vous.
Le sénateur Johnson : Ce serait utile; autrement, nous ne pouvons pas savoir où se trouve cette population dans le système. Je n'en ai aucune idée et j'ai siégé au Comité sénatorial permanent des peuples autochtones pendant 12 ans. C'est un aspect que nous n'avons pas examiné du tout.
M. Buell : Je tiens à souligner que le manque d'information est un problème de taille. Nous manquons cruellement de données valables sur les Autochtones : où sont-ils? À quels services ont-ils accès ou non? Winnipeg est un excellent exemple de cela. Sa population est composée d'Autochtones dans une proportion de 10 p. 100, mais nous ignorons qui ils sont, ce qu'ils font, et à quels services ils peuvent avoir accès ou non.
Le sénateur Johnson : Je sais ce qui se passe dans bien d'autres domaines, mais je ne suis pas familier avec celui-ci.
M. Durst : J'aimerais intervenir pour vous parler des travaux de recherche que nous avons menés à Regina. La plupart des aînés autochtones restent généralement dans la réserve, au sein de la population. Pour la plupart, ils habitent dans des logements surpeuplés, insalubres et dépourvus d'eau potable. À partir d'un certain âge, la presque totalité d'entre eux souffrent de diabète de type II.
Le sénateur Johnson : Habitent-ils habituellement avec leurs familles?
M. Durst : Ils habitent avec leurs familles, mais à mesure qu'augmente leur niveau d'incapacité, ils sont de plus en plus isolés socialement dans la réserve. Ensuite, lorsqu'ils arrivent à Regina, ils sont en mauvaise santé et en mauvaise condition physique et ont grandement besoin de services. Il ne semble pas y avoir une infrastructure solide pour appuyer les soins à domicile et venir en aide aux familles qui s'occupent de leurs proches.
Selon une autre statistique découlant de notre étude, ces aînés préfèrent que ce soit leur famille qui s'occupe d'eux. Lorsqu'on leur explique que nous pouvons leur offrir de très bons soins à l'extérieur de leur famille, ils disent préférer demeurer au sein de leur famille et être soignés par leurs proches.
Lorsque ces Autochtones à la santé précaire déménagent de la réserve à la ville, ils reçoivent des services médicaux officiels et des soins adéquats s'ils sont hospitalisés, mais ensuite, à leur retour chez eux, ils sont de nouveau aux prises avec les mêmes difficultés et problèmes. La santé globale de ceux qui vivent en milieu urbain est légèrement meilleure. D'après les statistiques émanant du gouvernement fédéral que j'ai consultées, ceux qui habitent la ville se tirent mieux d'affaire. Cependant, il y a bien d'autres services auxquels ils n'ont pas accès. Les aînés autochtones qui vivent à Regina sont isolés et ne se mêlent pas à la communauté. La ville de Regina offre une multitude de programmes et de services à ces aînés : activités de loisirs et autres. Les aînés autochtones ne se prévalent pas de ces services. Nous avons constaté qu'ils ne se sentent pas à l'aise de fréquenter des organismes dirigés par des blancs. Ils se plaignent que lorsqu'ils le font, on leur reproche de ne pas soigner leur diabète. Ils laissent entendre que les professionnels de la santé les jugent réfractaires à leurs consignes et c'est la raison pour laquelle ils ne fréquentent pas les cliniques, ce qui aggrave le problème. Ils sont isolés. Nous devons faire davantage de recherche sur cette population, sur les deux groupes.
Lorsqu'il s'agit d'accéder à des programmes et des services et de recevoir des aides comme des fauteuils roulants, des béquilles et d'autres matériels qui pourraient les aider, ils sont coincés entre les diverses compétences des gouvernements fédéral, provincial et de bande. Ils sont pris dans ce système et les gouvernements fédéral, provincial et de bande se renvoient la balle.
M. Dobie : Nous avons fait certaines recherches sur cette question. Lorsque les aînés se rendent dans les villes, ils sont bien traités au plan médical. Toutefois, les services s'arrêtent là. L'aspect social est négligé. La question des repas est un gros problème. C'est d'ailleurs ce que nous ont signalé les représentants des peuples autochtones que nous avons rencontrés. La question des repas et des différences culturelles font problème. C'est assez pour qu'ils retombent malades. Même si les soins de santé leur sont fournis, l'aspect social n'est pas pris en compte, et ils sont obligés de retourner dans leurs communautés. D'un point de vue médical, leur santé s'améliore pendant une courte période, mais nous ne sommes pas en mesure de leur offrir ces autres services.
Le sénateur Johnson : Monsieur Dobie, je voudrais vous parler de la situation des femmes, et cela vise évidemment toutes les populations dont il est question ici : les immigrants, les Autochtones et les Canadiens en général. Vous avez dit que de toutes les personnes âgées, les femmes qui vivent seules sont les plus fragiles et vulnérables, et avec raison. Je sais cela.
M. Dobie : Selon les données économiques, la plupart des femmes âgées vivant seules n'ont pas fait partie de la population active pendant longtemps. Conséquemment, leurs pensions sont peu élevées. En outre, elles peuvent avoir connu des problèmes conjugaux, et il y a 20, 30 ou 40 ans, il n'était pas de rigueur de faire respecter ses droits. Même si une mesure législative a été adoptée, il est pratiquement impossible d'envisager qu'une femme de 85 ans poursuive son ex-mari pour obtenir ce à quoi elle a droit. Elle préférera plutôt ne pas faire de vague et vivre selon ses moyens. C'est un problème sérieux. Heureusement, avec le passage du temps, ce problème disparaîtra sans doute, mais il est bien présent pour le moment.
Le sénateur Johnson : Je connais une collectivité au Manitoba où l'on a pris des mesures dynamiques pour appuyer la population âgée. On y offre des services d'aide à la vie autonome en plus d'avoir un établissement de soins de longue durée. Ce modèle communautaire a donné d'excellents résultats à Gimli, au Manitoba, où cette approche a été retenue depuis une centaine d'années, si je ne m'abuse. En termes de soins de longue durée, au lieu d'orienter les gens dès l'âge de 60 ans vers des établissements de soins prolongés, ne devrions-nous pas offrir aux personnes âgées une période intérimaire d'aide à la vie autonome? Serait-il utile d'injecter davantage d'argent dans un modèle de type communautaire si les gens souhaitent demeurer dans leurs collectivités, dans leurs familles, dans les réserves et dans les villes? C'est un modèle qui convient bien dans les régions rurales. Est-ce une avenue que nous devrions emprunter?
M. Dobie : C'est la solution à la mode dans les sociétés vieillissantes : offrir une aide à la vie autonome aux personnes âgées. Premièrement, la qualité de vie est bien meilleure. Ce matin, j'ai écouté les nouvelles et j'ai appris qu'au Québec, 14 malades, dans un autre hôpital, étaient atteints de la bactérie C. difficile. S'il y a moyen d'éviter d'hospitaliser les gens, il faut le faire. Je dirige un foyer pour personnes âgées sans but lucratif, et je crains d'envoyer un pensionnaire de 92 ans à l'hôpital pour des « tests ». Étant donné qu'il faudra qu'il reste sans doute assez longtemps, je crains de ne jamais le revoir.
Il faut que les gens puissent rester dans leur maison et dans leur milieu le plus longtemps possible, mais cette approche doit s'accompagner d'une aide à la vie autonome et de budgets correspondants. D'ailleurs, c'est beaucoup moins cher — le tiers du prix — et la qualité de vie est bien meilleure.
Mme Lafontaine : Je suis d'accord. Il est bénéfique pour les personnes âgées de vivre chez eux, avec leurs familles. Mais en réalité, dans les réserves, elles n'ont pas accès au soutien nécessaire. Il n'y a pas de réseau de médecins et d'infirmières, pas de système de soutien pour offrir des soins à domicile. Il est parfois impossible de fournir aux aînés des repas nutritifs. Effectivement, c'est bénéfique.
Le sénateur Johnson : Nous parlons de l'aide à la vie autonome, ce qui ne veut pas dire nécessairement que les aînés restent chez eux. Parfois, ils sont dans un établissement qui répond aux besoins des gens qui nécessitent une telle aide.
Mme Lafontaine : Tout à fait.
La présidente : En réalité, les services dont un grand nombre d'Autochtones ont besoin ne sont tout simplement pas disponibles dans les réserves. Je songe à la dialyse, à laquelle un nombre croissant d'Autochtones atteints de diabète de type II doivent malheureusement recourir. Il existe des unités de dialyse portables, mais on n'en trouve pas dans les communautés autochtones. Il y en a en quantité dans nos villes, mais chaque fois que nous essayons d'en obtenir pour une communauté autochtone, on se heurte à des obstacles. La piètre qualité de l'eau est l'un d'eux.
Le sénateur Cordy : Lorsqu'il s'agit des personnes âgées, nous savons qu'il est nécessaire de faire le pont entre divers domaines. L'un de vous a mentionné tout à l'heure la difficulté de faire le pont entre les champs de compétence fédérale et provinciale, mais même au sein d'un ordre de gouvernement donné, on a affaire à divers ministères : logement, santé, transports, etc. Existe-t-il au Canada des modèles de réussite où l'on a éliminé ces barrières, des endroits où un ministre est responsable des personnes âgées? Cela fait-il une différence, ou est-ce purement symbolique?
M. Dobie : Quelques provinces ont un ministre responsable des personnes âgées. Le Québec a un ministre de la famille, de la jeunesse et des personnes âgées. Le nouveau gouvernement du Nouveau-Brunswick a nommé une ministre responsable du dossier des personnes âgées, et notre représentant sur le terrain l'a déjà rencontrée à deux reprises, même si elle n'est pas en poste depuis longtemps. Comme vous l'avez mentionné, ce ministre a accès à ses collègues. Les choses fonctionnent beaucoup mieux de cette façon, et d'autres gouvernements devraient envisager d'en faire autant.
Compte tenu du fait que les personnes âgées représentent près de 30 p. 100 de la population, elles ont beaucoup de poids. Politiquement, elles constituent un lobby influent. Pour être à l'écoute de ce segment de la population, le meilleur moyen pour les gouvernements n'est-il pas d'avoir un ministre exclusivement chargé du dossier des personnes âgées? Il faut que cette approche devienne pratique courante sous peu. Au sein du gouvernement fédéral précédent, deux ou trois ministres se partageaient le dossier. D'ailleurs, c'est encore le cas dans le gouvernement actuel. Il semble que chacun veuille sa part du gâteau, mais il n'y a aucune cohérence. Il serait bon que la population des aînés puisse compter sur un ministère strictement voué à ses intérêts.
M. Durst : Je ne peux pas vraiment répondre à cette question car elle ne relève pas de mon champ de compétence. Toutefois, la ville de Regina compte 200 000 habitants, sans compter les environs. Le gouvernement provincial a toujours essayé de fournir des soins de santé de qualité et des services intégrés à ses citoyens. Pour ce faire, la ville peut compter sur un groupe qui applique un système global d'entrée et de sortie des clients. Il s'agit d'une équipe multidisciplinaire réunissant des professionnels de la santé, des travailleurs sociaux et des fonctionnaires. Même des représentants du secteur du logement en font partie. Lorsqu'un malade entre dans le système, l'équipe coordonne son niveau de service et son accès aux soins de santé et aux programmes sociaux connexes.
Ainsi, ce groupe a réussi à éliminer les délais d'accès aux maisons pour personnes âgées grâce à l'intégration des listes d'attente. La planification est intégrée, par exemple lorsqu'une personne passe d'un foyer de soins personnels à une autre forme d'aide à l'autonomie ou à d'autres types de services. Le groupe suit le client dans son cheminement dans le système.
Nous pouvons faire cela à Regina parce que c'est une petite ville, les professionnels se connaissent et ils peuvent fonctionner de cette manière. Ce modèle pourrait être envisagé dans cette perspective.
Il est étonnant et intéressant de constater que, dans la petite ville de Regina, dans tout le réseau des foyers de soins personnels, des maisons de soins infirmiers et dans tout le réseau des soins de santé, le personnel au complet — laveurs de planchers, cuisinières, aides-infirmiers, infirmières diplômées, ergothérapeutes, médecins généralistes et médecins spécialistes — est multiculturel. Il y a dans l'ensemble du système un groupe d'employés ayant un bagage culturel très diversifié, venu de tous les pays du monde. À Regina, les clients sont presque tous blancs, ukrainiens ou allemands. Nous commençons à constater ce changement de population.
Quand on a demandé quel pays vous pensez visiter, on a répondu l'Australie. J'aime cette réponse, parce que je ne crois pas qu'on verrait cette situation dans des pays comme la France et l'Allemagne. Peut-être au Royaume-Uni, mais en Australie, on trouverait un secteur des services semblable, très multiculturel, composé de gens qui s'efforcent honnêtement de répondre aux besoins de gens culturellement sensibles.
J'ai beaucoup d'estime pour les professionnels de la province de Saskatchewan.
Le sénateur Cordy : Madame Lafontaine, combien de travaux de recherche et de données avons-nous sur les personnes âgées autochtones?
Mme Lafontaine : La seule source de données que nous ayons actuellement est l'enquête régionale longitudinale sur la santé des Premières nations.
M. Buell : On trouve certaines données dans l'enquête régionale sur la santé. L'enquête auprès des peuples autochtones de 2001 renferme aussi certains renseignements. De manière générale, on manque cruellement d'information sur la santé des Premières nations, des Inuits et des Métis, surtout pour ce qui est des personnes âgées autochtones. On connaît davantage la situation des jeunes, parce qu'il y a tellement de jeunes autochtones.
Cela ne veut pas dire qu'il n'y a absolument rien. Il existe de la recherche, mais pas grand-chose.
Le sénateur Mercer : Plusieurs d'entre vous ont évoqué la situation du logement. Je veux revenir là-dessus de manière plus précise. Selon vous, quels sont les besoins les plus criants en matière de logement appelant une intervention quelconque des gouvernements, probablement à titre de bailleurs de fonds? Il y a des immeubles d'appartements pour personnes âgées autonomes et il y a divers autres types de logements offrant un niveau de soutien minimum, moyen ou complet, jusqu'aux maisons de soins infirmiers et aux centres de soins palliatifs.
Où se situent les plus grands besoins?
M. Dobie : Le dernier programme de logements sociaux de grande envergure de la Société canadienne d'hypothèques et de logement a pris fin en 1990. Entre 1980, environ, et 1990, la SCHL avait des projets de construction de foyers pour personnes âgées, la plupart étant administrés par les municipalités. Ces foyers commencent maintenant à vieillir. Ils datent de 25 ans et, dans certains cas, ils n'ont pas été entretenus. Quand le gouvernement ne fournit pas d'argent pour ce type de logement, nous en subissons les conséquences.
Nous avons donc ces logements subventionnés par la Société canadienne d'hypothèques et de logement construits il y a un certain nombre d'années. Pour permettre aux gens de continuer d'y habiter aujourd'hui, au lieu de les placer en établissement, nous devons ajouter des composantes pour la santé et l'aide à la vie autonome. Ces éléments doivent être ajoutés par Santé Canada ou les ministères de la Santé de chacune des provinces, de concert avec les organismes responsables du logement. Depuis près de 20 ans, on n'a presque pas dépensé d'argent pour les logements sociaux ou à loyer modique.
M. Durst : On a vu beaucoup d'exemples d'organisations à but non lucratif, ONG, groupes religieux et culturels qui ont présenté des demandes et construit diverses installations, dont certaines sont intergénérationnelles et offrent divers services de santé et ont été couronnés de succès.
Il y a par ailleurs les foyers de soins infirmiers, qui sont surtout le fait du secteur privé. Ils peuvent être coûteux. Dans ma province, les gens sont coincés parce qu'ils n'ont pas assez d'argent pour aller dans de tels foyers, qui sont offerts par le secteur privé; par ailleurs, ils ne sont pas admissibles aux établissements de soins prolongés et ils sont donc coincés et souvent isolés. Ils ont besoin d'aide, mais comme ils ne peuvent pas se prévaloir des services offerts par le secteur privé, ils se retrouvent devant rien. S'ils deviennent très malades ou se blessent, ils entrent à l'hôpital, ce qui augmente les coûts. Si l'on dépensait de l'argent pour aider ce groupe de population qui se trouve entre les deux, cela aiderait beaucoup.
Le sénateur Mercer : Il est vrai que les établissements de soins pour personnes âgées infirmes sont coûteux, mais à mes yeux, le principal problème est le manque de contrôle du niveau et de la qualité des services. Ce niveau varie beaucoup d'un endroit à l'autre. Il peut varier d'un établissement à l'autre, même à deux rues de distance; tout dépend de la personne qui possède ou administre l'établissement. Certains de ces foyers, même de nos jours, sont épouvantables en comparaison de ce qu'ils devraient être.
Monsieur Dobie, le Conseil consultatif national sur le troisième âge a publié son bulletin de 2006. Je crois que le dernier avait été publié en 2001. Il doit y avoir eu certaines améliorations dans l'intervalle.
M. Dobie : Absolument.
Le sénateur Mercer : Pouvez-vous nous donner quelques exemples d'amélioration?
M. Dobie : Le niveau de revenu des personnes âgées est beaucoup plus favorable aujourd'hui qu'il ne l'était il y a cinq ou six ans. Les soins de santé se sont aussi améliorés, bien que la demande augmente. Il faut donc accélérer l'amélioration à cet égard.
Un élément qui n'a pas été amélioré de façon satisfaisante, c'est le délai d'attente pour les personnes âgées. Qu'on demande à une personne plus jeune d'attendre six mois pour subir une intervention, cela peut être acceptable, si je peux employer ce mot, mais dans le cas d'une personne âgée, un délai de six mois peut être une question de vie ou de mort. Il faut raccourcir ces délais. Il y a eu certaines améliorations dans les soins de santé, mais il faut également améliorer la situation financière.
Les personnes âgées sont elles-mêmes devenus dispensatrices de soins. Il n'est pas rare qu'un enseignant à la retraite comme moi-même se lance dans un autre domaine et devienne dispensateur de soins pour personnes âgées. C'est pourquoi nous disons que les personnes âgées elles-mêmes deviendront des actifs importants dans la collectivité, au lieu d'être considérées comme des petits vieux qui trottinent avec leur canne. Les aînés peuvent être un actif extraordinaire. Il y a moyen de former ces gens-là et de leur donner de l'aide professionnelle pour qu'ils deviennent de bons dispensateurs de soins. C'est un aspect qui demeure lacunaire. Ce n'est pas beaucoup d'argent, mais c'est de l'argent bien dépensé. Chaque dollar dépensé dans ce domaine permettra d'en économiser des milliers d'autres.
Le sénateur Mercer : Je viens du secteur bénévole. J'ai travaillé avec des dizaines de milliers de bénévoles au fil des années. Quelqu'un a vaguement fait allusion au soutien et à l'importance des bénévoles dans l'aide aux personnes âgées. Est-ce que quelqu'un voudrait nous donner plus de détails là-dessus? Je pense que s'il y a un élément qui manque, et qui a subi des coupures sous le gouvernement actuel, c'est le financement du secteur bénévole.
M. Dobie : Les jeunes aînés constituent l'un des plus importants bassins de bénévoles. M. Durst a parlé des enseignants et des policiers. Nous avons beaucoup d'enseignants qui font du bénévolat. Ils ne se portent pas volontaires pour travailler avec les jeunes — ils en ont assez, après s'être occupés de leurs enfants pendant 35 ans. Ils font du bénévolat pour aider les personnes âgées. Je pense qu'il y a lieu d'encourager cela. Ces gens-là ne demandent pas mieux que de se rendre utiles. Si on les accueille à bras ouverts, je pense que la société ne s'en portera que mieux.
M. Durst : Imagine Canada, l'ancien Centre canadien de philanthropie, a fait de bonnes études et de bons travaux de recherche sur cette question et sur l'impact social important du bénévolat des personnes âgées de ce groupe d'âge de gens en santé, c'est-à-dire les gens âgés de 65 à 75 ans et parfois plus. Leur apport à la collectivité, à tous les niveaux, est extrêmement important. Si j'ai omis d'insister là-dessus, c'est par inadvertance. Dans certains secteurs, il y a des gens qui sont quasiment exploités et qui finissent par être brûlés parce qu'on les sollicite sans relâche. Si on peut les aider à choisir judicieusement le domaine et l'intensité de leur bénévolat, cela peut aider beaucoup à réaliser de grands progrès tout en restant en santé.
M. Buell : Je tiens à faire la distinction entre le bénévolat officiel et non officiel. Dans les communautés autochtones, la nature communautaire de la société fait en sorte que chacun apporte une aide informelle et c'est fondamental pour permettre aux personnes âgées de rester dans ces communautés. On y partage même la nourriture. Surtout dans les localités inuites, où la nourriture coûte tellement cher, beaucoup de chasseurs partagent leur nourriture avec les personnes âgées de leur communauté, ce qui leur rend la vie beaucoup plus facile. Ce serait intéressant si l'on pouvait trouver le moyen de généraliser cela.
La présidente : Avant de donner la parole au sénateur Keon, je constate que plusieurs d'entre vous ont fait allusion à la formation des bénévoles. D'après mon expérience, l'une des premières choses qu'il faut apprendre aux bénévoles, c'est de savoir s'occuper des bénévoles.
Le sénateur Keon : Monsieur Durst, quand vous avez pris la parole, vous avez contesté les témoins précédents qui avaient essentiellement dit que l'immigration accroît la population, mais qu'elle n'accroît pas la population âgée. À mon avis, vous avez envisagé toute la question sous un angle différent. Vous avez parlé des immigrants en disant qu'ils vieillissent, eux aussi, mais je soupçonne que les statistiques du groupe précédent et les vôtres sont toutes les deux exactes; c'est seulement une manière différente d'aborder la question, une perception différente.
Le temps a-t-il vraiment de l'importance, par exemple pour la population d'origine allemande de Regina, dont vous avez parlé comme des personnes âgées? Ils sont Canadiens depuis longtemps. Sont-ils différents des autres Canadiens? Je dois peser mes mots. Il y a d'énormes différences entre différents groupes de la population, mais ces gens-là sont-ils le moindrement différents de l'ensemble de la population?
M. Durst : Je pense que c'est une bonne question. Ce que j'ai contesté tout à l'heure, c'est l'affirmation selon laquelle les immigrants et l'immigration ne changent pas l'aspect démographique du vieillissement et qu'en conséquence, nous n'avons pas besoin d'en tenir compte. Je me suis inscrit en faux contre cela, peut-être parce que c'est au coeur de la recherche que je fais et de mon domaine d'intérêt. Je prêche peut-être pour ma paroisse. Je suis convaincu que cela fait une différence. Si vous allez dans l'établissement de soins prolongés de Parkside, à Regina, à cette époque de l'année, on est en train d'installer les décorations de Noël. Le jeudi, on sert des piroguis, des saucisses et de la choucroute. Ce menu convient parfaitement à la clientèle de cet établissement. Cependant, s'il y a un changement démographique, on peut se retrouver avec des clients qui ont mangé du riz toute leur vie, qui ne fêtent pas Noël, qui n'ont pas la même religion ou qui ont un bagage différent. Ils peuvent être habitués à recevoir un groupe nombreux de leur parenté pendant les heures de visite, tandis que d'autres préfèrent être seuls avec une ou deux personnes et bavarder tranquillement. Certains aiment avoir plein de gens qui chantent autour de leur lit, qui font brûler de l'encens, entre autres. Il y a une foule de petits détails de ce genre dont il faut tenir compte.
Je songe à une femme que je connais, une Laotienne. Elle est venue ici dans le cadre de la réunification des familles. Sa famille a travaillé dur pour lui permettre de rester à la maison. Ces gens-là n'ont eu presqu'aucune aide. En fin de compte, ils ne pouvaient plus s'occuper d'elle et elle a été placée dans ce foyer de soins personnels. Elle est Laotienne et ne parle pas anglais. Elle a toujours mangé la nourriture traditionnelle de son peuple, et voici qu'elle doit maintenant manger de la choucroute et des piroguis. Je reviens tout juste du Vietnam où, pendant cinq semaines, je me suis habitué au régime alimentaire asiatique. Certains aliments me semblaient étranges, mais je m'y suis habitué. Mais la femme dont j'ai parlé est morte après trois semaines. Sa famille lui apportait des casseroles de riz collant, de poisson, ou autre. Le personnel a essayé d'être sensible à ses besoins et a fait tout son possible pour lui être agréable, mais il n'en demeure pas moins que dans cet établissement, c'est la tradition de Noël qui domine à cette époque de l'année : la dinde, la farce, la musique de Noël et tout le reste. La culture, c'est beaucoup plus que la nourriture et les vêtements. Je ne veux pas donner cette impression.
Le personnel de cet établissement est multiculturel et il ne demande pas mieux que de répondre aux besoins. Je pense que les besoins seront différents. On aura aussi affaire à des maladies et des déficiences différentes.
Par ailleurs, j'ai constaté, en travaillant avec des gens de cultures différentes, que leur attitude peut être différente pour ce qui est de recevoir, d'accepter de l'aide, d'être dépendant, de ne plus être autonome. Ce peut être difficile pour ces gens-là de demander l'aide des professionnels, au lieu d'attendre que leur petite-fille vienne s'occuper d'eux. Il y a beaucoup d'éléments culturels dont il faut tenir compte.
Notre population vieillit manifestement et notre population asiatique augmente et je pense que ces changements auront des répercussions profondes et immédiates dans des endroits comme Vancouver et Toronto, les grandes villes. Je le constate même à Regina.
Le sénateur Keon : Toujours sur le même sujet, je m'adresse maintenant à vous, monsieur Dobie. En fait, je vous invite tous les quatre à répondre à ma question. J'espère que je ne suis pas trop exigeant.
À quel âge diriez-vous qu'un citoyen canadien devient une personne âgée, monsieur Dobie?
M. Dobie : Nous parlons de vieillissement et c'est donc un continuum. On dit habituellement que c'est à 65 ans. J'ai constaté que l'âge de 65 ans a été fixé arbitrairement en Allemagne pendant la guerre. Le gouvernement devait distribuer un certain montant d'argent. Les fonctionnaires ont dit : voici le montant d'argent que nous avons; dites- nous à quel âge il faudrait commencer à le distribuer. On a choisi l'âge de 65 ans.
Ce choix était probablement valable dans les années 1940, 1950 ou 1960. Beaucoup de gens refusent de prendre leur retraite à 65 ans, et ils ont bien raison. Cependant, pour des raisons démographiques, économiques et relatives au régime de pension, nous utilisons le chiffre de 65 ans. Cela pourrait être facilement contesté.
Le sénateur Keon : Madame Lafontaine, que répondez-vous à cela?
Mme Lafontaine : Notre définition est la même. L'âge est fixé à 65 ans, à cause de la pension. Du point de vue de nos croyances et de notre culture, un aîné peut être aussi jeune que 15 ans, à cause des différences culturelles. Quant à la définition d'une personne âgée selon le gouvernement, c'est à l'âge de 65 ans.
M. Buell : Dans les différentes nations au Canada, chaque collectivité définit un aîné de manière différente. Ne perdez pas de vue qu'il y a une grande différence entre un aîné et une personne âgée dans le contexte autochtone.
Le sénateur Keon : Je pense que ce sont deux choses complètement différentes, n'est-ce pas? Un aîné, c'est un chef, un homme d'État, c'est l'incarnation de la sagesse, de mon point de vue. En fait, je n'y connais rien.
M. Buell : Absolument.
M. Dobie : Du point de vue démographique, on utilise aujourd'hui l'âge de 65 ans, mais quand on fait des études démographiques, il faut englober des personnes plus jeunes que cet âge, de manière à être prêt.
J'ai dit tout à l'heure que les gens de la génération d'après-guerre, qui constituent une proportion importante de notre population, seront bientôt des personnes âgées. C'est un groupe particulier : des gens généralement plus à l'aise financièrement, un peu plus gâtés et un peu plus exigeants. Vous savez quelles en seront les conséquences pour le système de soins de santé. Le débat fait rage depuis des années sur l'éventualité d'un système de santé à deux vitesses. Celui ou celle qui peut se le permettre, et qui a de bonnes chances de faire partie de cette génération d'après-guerre, aura des exigences plus grandes à ce sujet. Je n'ose pas m'aventurer dans ce débat.
Il est évident que les tendances démographiques, les intérêts et les priorités vont changer. Cependant, si j'étais dans le milieu des affaires ou de la politique, je dirais : bon, ce groupe âgé de 50 à 65 ans — quel que soit l'âge fixé — est un groupe très nombreux et je ferais donc mieux de commencer à m'en occuper très bientôt.
Le sénateur Keon : Monsieur Durst, avant de vous inviter à répondre, je soupçonne que c'est à cause des planificateurs financiers qui ont inventé le programme Liberté 55. J'ai fait la couverture d'un magazine pour personnes âgées la semaine même où j'ai eu 55 ans. Je n'ai pas trouvé que c'était un compliment.
M. Durst : Certains travaux de recherche ont été faits aux États-Unis sur le vieillissement de la population autochtone. Deux auteurs ont proposé d'utiliser l'âge de 55 ans comme équivalent de 65 ans pour les personnes âgées et le vieillissement des Premières nations et des Autochtones. Selon eux, nous devrions envisager d'offrir des services et des programmes à un groupe de personnes âgées chronologiquement plus jeunes, à cause de leur état de santé, de leurs conditions sociales, du diabète, et cetera. C'est un aspect important. Nous devons être sensibles à cette réalité et éviter de faire des généralisations à partir de données globales, éviter de poser des hypothèses sur différents groupes.
La présidente : Je crois qu'il est juste de dire que c'est le chancelier Otto von Bismarck qui a été le premier à fixer à 65 ans l'âge auquel on devient une personne âgée. Il est devenu chancelier de l'Allemagne peu après 1870, au moment de l'unification de l'Allemagne. C'est le professeur d'histoire en moi qui remonte à la surface. Il était seulement dans la quarantaine à l'époque et l'espérance de vie en Allemagne était inférieure à 65 ans. Quand il a établi une politique sociale applicable aux personnes de 65 ans et plus, cette politique s'appliquait à un petit groupe de gens.
[Français]
Le sénateur Chaput : Je veux m'assurer que j'ai bien compris. Les données démographiques sur le vieillissement de la population canadienne que présente Statistique Canada sont obtenues de façon générale, soit par province et par territoire.
Si on traitait ces données de façon différente, soit en identifiant des clientèles plus spécifiques comme les Autochtones, les Inuits, les Métis ou les immigrants, on aurait sans doute un portrait plus réaliste de la condition de la population vieillissante au Canada.
Si c'était le cas, les conclusions qu'on en tirerait nous permettraient d'élaborer des politiques plus adaptées aux besoins de cette population vieillissante au Canada. Je pose la question à quiconque veut bien y répondre. Est-ce qu'il pourrait y avoir une différence si les données étaient recueillies de façon plus dirigée, plus spécifique?
M. Dobie : Il est évident que différentes communautés ont différents besoins. Le seul groupe que vous avez omis de mentionner, ce sont les femmes vieillissantes et qui sont seules et on a pu identifier ce groupe de personnes. Je dirais donc que lorsqu'on identifie des groupes cibles il faut faire des ajustements.
Des représentants des Premières nations ont affirmé que le problème est assez aigu chez des personnes âgées de moins de 65 ans. C'est la raison pour laquelle il faut faire des ajustements.
Le sénateur Chaput : Monsieur Durst a mentionné qu'une personne aînée sur 20 est asiatique. C'est ce que j'ai compris lors de sa présentation. Je crois que cette personne a aussi des besoins différents en vieillissant. Si on prenait en considération ces différents besoins, est-ce que cela affecterait les décisions prises sur le plan des politiques?
[Traduction]
Je ne suis pas certaine que ma question soit claire.
M. Durst : C'est une question intéressante. Certains besoins sont les mêmes et certains sont différents.
Ma mère était d'origine irlandaise et elle était une battante. Elle voulait rester dans sa maison toute sa vie. Elle était indépendante et elle refusait beaucoup d'aide. C'était difficile pour mes frères et moi-même de l'aider, parce qu'elle voulait être indépendante. Elle disait qu'elle était un fardeau et elle ne voulait pas devenir un fardeau pour ses fils. Elle voulait mourir dans sa propre maison, et c'est ce qu'elle a fait.
Une personne d'une autre origine, ayant un bagage culturel différent, n'aurait peut-être pas cette même perception de l'indépendance et de l'autonomie et serait peut-être à l'aise entourée des membres de sa famille. En fait, cela peut changer aussi avec le temps.
Quand nous réfléchissons aux politiques et aux divers programmes, nous devons, premièrement, comprendre que nous avons peut-être une compréhension différente des besoins de ces personnes. Deuxièmement, nous ne devons pas supposer que si nous fournissons les programmes, ces personnes vont nécessairement s'en prévaloir.
À cet égard, on pourrait donner l'exemple des personnes âgées autochtones dans nos villes. Ces personnes aimeraient beaucoup avoir les services, mais elles se trouvent en quelque sorte à passer entre les mailles du filet et n'obtiennent pas ces services, surtout nos personnes âgées autochtones dans les grandes villes. Elles sont perdues dans le système.
À Regina, environ 11 p. 100 ou 12 p. 100 de la population est autochtone, étant des Métis ou des membres des Premières nations. Pourtant, si l'on examine les divers programmes, il n'y a pas 12 p. 100 de leur clientèle qui est autochtone. Où sont-ils donc et pourquoi n'accèdent-ils pas aux services?
C'est là qu'entre en jeu toute la notion des besoins différents, des perceptions différentes en matière d'isolement, d'indépendance, d'autonomie, etc.
Le sénateur Murray : Madame Lafontaine, nous pouvons obtenir ces statistiques, mais si vous les avez sous la main, je vous invite à les consigner tout de suite au compte rendu. L'espérance de vie des femmes autochtones, d'après ce que vous nous avez dit dans votre exposé, est de 76,3 ans, contre 82,1 pour les femmes non autochtones; pour les hommes autochtones, c'est de 68,9 ans, contre 77,2 pour les hommes non autochtones.
Savez-vous quelle était l'espérance de vie il y a 10 ans ou 20 ans? En particulier, savez-vous si l'écart a diminué le moindrement entre les Canadiens autochtones et non autochtones?
M. Buell : Je n'ai pas les statistiques, mais elles existent. L'écart diminue, absolument. En fait, depuis quatre ou cinq décennies, l'écart a diminué énormément.
Le sénateur Murray : Et depuis 10 ou 20 ans?
M. Buell : L'écart a continué à diminuer. Je n'ai pas les chiffres sous la main.
Le sénateur Murray : L'écart a dû être énorme il y a quelques années. Cet écart est encore considérable : 76 contre 82 dans un cas et 68 contre 77 dans l'autre cas.
Mme Lafontaine : L'Organisation nationale pour la santé autochtone est un élément, et nous ne représentons pas tout le monde. Cependant, ce que nous apportons à la table, c'est la faculté d'identifier certaines recherches et constatations. Le comité doit envisager de convoquer l'Assemblée des Premières nations, le Conseil national métis et Inuit Tapirisat, afin de discuter plus précisément de la population, car ces organisations ont des renseignements plus détaillés qui pourraient compléter ce bref exposé que nous avons fait ici aujourd'hui.
Le sénateur Murray : À part l'Organisation nationale pour la santé autochtone, y a-t-il d'autres organisations qui tentent de parler au nom des personnes âgées autochtones?
Mme Lafontaine : Ces personnes sont représentées par les Premières nations : l'Assemblée des Premières nations, le Conseil national métis et Inuit Tapirisat.
Le sénateur Murray : Professeur Durst, je ne reviendrai pas sur la question soulevée par le sénateur Keon, mais j'ai trouvé intéressant ce que vous nous avez dit au sujet des Allemands et des Ukrainiens. Vous avez dit que 50 p. 100 des personnes âgées de plus de 75 ans à Regina sont nées à l'étranger. J'ignore ce que ça représente en chiffres absolus. En avez-vous une idée?
M. Durst : Le nombre total de personnes âgées de plus de 75 ans?
Le sénateur Murray : Oui; la population totale de Regina est de 200 000 habitants.
M. Durst : Je ne m'en rappelle plus. Je voudrais faire un commentaire au sujet de l'espérance de vie des Autochtones. D'après les derniers chiffres que j'ai consultés, il y a environ 10 ans, il y avait une différence de 10 ou 11 ans entre les Autochtones et les non-Autochtones. L'écart s'est rétréci et est maintenant plus près de six ou 6,5 ans. Cependant, ce qui était intéressant, c'est que la situation s'est améliorée plus vite pour les hommes que pour les femmes. Ce chiffre représente l'espérance de vie et englobe donc les accidents, maladies, décès précoces, etc. Ce chiffre était intéressant. On peut obtenir ces chiffres de Statistique Canada et du ministère des Affaires indiennes et du Nord.
Le sénateur Murray : D'après Mme Lafontaine, l'écart est moindre pour les femmes que pour les hommes.
M. Durst : Mais l'amélioration a été plus rapide pour les hommes. Le rattrapage n'est toujours pas complété. Les hommes n'ont pas rattrapé les femmes, mais les femmes ont moins bénéficié que les hommes de l'amélioration des soins de santé, de la sécurité, etc.
Le sénateur Murray : En termes d'espérance de vie, vous laissez entendre que la raison pour laquelle l'amélioration est plus lente parmi les femmes est que la disponibilité ou la qualité des soins de santé n'est pas aussi bonne pour les femmes que pour les hommes.
M. Durst : Il y a aussi la sécurité : la violence faite aux femmes, les maladies, l'attention médicale. Je pense que personne ne le sait vraiment. C'est une curiosité statistique que j'ai constatée.
Le sénateur Murray : Je suis d'accord avec ce que vous avez dit au sujet du SRG. Je ne vois pas comment il pourrait y avoir la moindre désincitation à l'épargne pour ceux qui touchent le SRG, à moins que quelque génie quelque part au gouvernement ne décide à un moment donné de commencer à imputer le revenu, y compris la valeur de la maison d'une personne ou quelque chose du genre.
Je suis également d'accord avec vous au sujet de la règle de 85 qui a été négociée collectivement. Cependant, je pense que nous sommes toujours confrontés à un problème, sachant ce que nous savons au sujet du vieillissement de la population, à savoir qu'il y a des professions ou des domaines professionnels dans lesquels nous pourrions envisager de donner aux gens une incitation à travailler plus longtemps. J'aimerais que nous ayons plus de temps pour discuter avec le spécialiste en macro-économie. Qu'en dites-vous, de votre point de vue?
M. Durst : C'est une piste de réflexion. Pour moi, la retraite obligatoire est balayée d'un bout à l'autre du pays, dans une province après l'autre. Cela a beaucoup de répercussions sur le plan des relations employeur-employé et des négociations collectives. Je pense qu'on constatera des changements au niveau du recrutement des employés, les employeurs créant un plus grand nombre de postes d'une durée déterminée.
Je sais que dans les universités, on discute déjà de ces changements et de toute la question de la permanence et des indicateurs de rendement. Et puis il y a l'argument des droits, c'est-à-dire que les gens ont le droit de choisir. Je pense que cela va changer bien des choses.
Le sénateur Murray : Si nous avons besoin d'enseignants et que nous n'arrivons pas à en trouver, offrirons-nous des incitations aux enseignants, ou bien aux infirmières, par exemple — il y a en effet pénurie d'infirmières, en partie à cause des mauvaises décisions que nous avons prises il y a quelques années? Devrions-nous leur offrir des encouragements pour les inciter à travailler plus longtemps?
M. Dobie : Actuellement, il y a une désincitation pour ce qui est de faire revenir les gens dans la population active, leur pension étant plafonnée à 58 000 $. Si un enseignant, par exemple, touche une pension de 45 000 $ ou 50 000 $, dès qu'il trouve un autre emploi, pour lequel il est payé 58 000 $ ou 60 000 $, il travaille alors absolument gratuitement. Ce plafonnement constitue actuellement une désincitation.
Même si l'on ne s'attarde pas au salaire, nous devons trouver des manières de reconnaître la contribution, au moyen de mesures fiscales quelconques, pour qu'il devienne attrayant de faire bénéficier la société de ces talents. À l'heure actuelle, une personne qui veut revenir sur le marché du travail ferait aussi bien de travailler bénévolement et ponctuellement, et c'est effectivement ce que les gens font.
Je trouve qu'il faut revoir toute cette problématique.
La présidente : Je suis ravie du niveau de témoignages que nous avons entendus cet après-midi. Je vous remercie d'être venus.
Honorables sénateurs, je vais recommander à nos attachés de recherche de faire une comparaison démographique entre Autochtones et non-Autochtones par décennie. Je pense que vous trouverez peut-être cette documentation en partie dans le rapport d'étape sur les Autochtones, celui de la commission sur les Autochtones. Je pense que nous devons examiner cela de très près.
Encore une fois, merci à vous tous. C'est un excellent départ pour notre étude et c'est principalement dû à la qualité des exposés que vous nous avez faits cet après-midi.
La séance est levée.