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AGEI - Comité spécial

Vieillissement (Spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement

Fascicule 2 - Témoignages du 11 décembre 2006


OTTAWA, le lundi 11 décembre 2006

Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 12 h 37, pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne et en faire rapport.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour et bienvenue à tous à cette séance du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Ce comité est chargé d'examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne. Cet après-midi, nous entendrons deux groupes de témoins. Nous allons commencer par le premier, qui est composé de trois associations : l'Association du Canada pour les gens de 50 ans et plus, la CARP, représentée par Judy Cutler, directrice des relations gouvernementales; la Légion royale canadienne, avec Jack Frost et Pierre Allard; et la Fédération internationale du vieillissement, représentée par Jane Barratt.

Je cède maintenant la parole à Mme Cutler, qui nous exposera la position de son organisation.

Judy Cutler, directrice, Relations gouvernementales, Association du Canada pour les gens de 50 ans et plus (CARP) : Nous attendons depuis longtemps de pouvoir témoigner devant ce comité et nous vous sommes reconnaissants de nous en donner l'occasion. Vivons-nous à une époque intéressante? Nous traversons très certainement une période sans précédent alors qu'il se produit un changement démographique que les Nations Unies appellent le phénomène du vieillissement. Au sein de la CARP, nous préférons parler de vagues de vieillissement car leurs répercussions évolueront avec le temps. Quelle que soit la terminologie utilisée, le vieillissement de la population aura une incidence importante sur la société car on prévoit qu'en 2030, un Canadien sur quatre aura plus de 65 ans étant donné que les gens nés durant la Deuxième Guerre mondiale et ceux de la génération du baby-boom se seront joints au groupe actuel des personnes âgées pour former une cohorte puissante qui s'exprimera fortement.

Comme société, nous avons le choix entre deux options : entretenir les mythes selon lesquels les aînés vont drainer les systèmes de santé et de pensions, par exemple, ou tirer profit du fait que les personnes âgées peuvent continuer de contribuer à la société. Les gouvernements peuvent jouer un rôle actif en élaborant des politiques et des programmes plutôt que de rester passifs et devoir ensuite gérer les retombées et les crises. Il est clair que des attitudes bien ancrées doivent être modifiées si nous voulons dépasser cette obsession que nous avons de vouloir défier le temps dans une société qui privilégie la jeunesse. Il n'y a rien de mal à vouloir bien paraître et à vouloir se sentir bien, mais cela ne doit pas empêcher la formation d'une société dynamique et productive composée de gens de tous les groupes d'âges. Les attitudes sociales et les pratiques commerciales qui sont fondées sur l'âgisme créent des silos démographiques et les groupes d'âges sont en concurrence les uns avec les autres — au travail, dans les soins de santé et dans les médias. Cette situation doit changer.

De plus, la perspective selon laquelle tous les membres d'un groupe démographique donné sont égaux doit être modifiée également. Selon CARP, pour que ces changements s'opèrent, il faut fournir aux Canadiens plus âgés des occasions de participer de façon active, créative et intéressante à la société. Il faut absolument éviter de laisser perdurer les stéréotypes et les préjugés en ce qui a trait au vieillissement. Par exemple, les personnes âgées ne sont pas nécessairement frêles, lentes ou malades. Au contraire, la plupart d'entre elles sont en bonne santé et capables d'apprendre de nouvelles choses et d'acquérir de nouvelles compétences — notamment en technologie.

En réalité, les aînés ont dans leurs bagages une expérience de vie, une expérience de travail, de la détermination et la passion d'apprendre durant toute leur vie. Cette dynamique peut et devrait être soutenue afin que tout le monde ait la possibilité de vivre et de vieillir en bonne santé et de demeurer actifs. La plupart des personnes âgées au Canada ont hâte de prendre leur retraite, mais il y en a aussi qui veulent continuer à travailler ou doivent le faire. Une solution intéressante qui pourrait être envisagée serait d'apparier les compétences que ces personnes possèdent et les emplois disponibles, qui sont de plus en plus nombreux. Je sais, pour l'avoir vécu personnellement, que les compétences acquises dans un domaine d'activité peuvent être appliquées à un autre domaine tout à fait différent. Pour y arriver, il faut bien entendu être capable d'élargir ses horizons au lieu de se laisser abattre par des attentes moins grandes comme le voudraient les stéréotypes établis, et ceci s'applique autant à l'employeur qu'à l'employé.

Laissez-moi m'expliquer davantage sur ce point. Certains postes pourraient être comblés par quelqu'un qui n'a pas une expérience professionnelle liée au poste comme tel, mais qui a acquis les compétences requises en faisant de l'économie domestique, par exemple. Il peut aussi s'agir d'un travail que la personne avait l'habitude de faire comme passe-temps, comme de la menuiserie, de la cuisine ou de l'art, par exemple. Et pour ce qui est des personnes fragiles, que ce soit physiquement ou mentalement, beaucoup sont encore capables d'être actives, même si elles ont parfois des limitations. Par exemple, elles pourraient travailler chez elles grâce aux outils de communication et à la technologie modernes. Si les centres d'appels qui desservent les entreprises canadiennes peuvent s'établir en Inde, ce qui est le cas actuellement, nous le savons tous, il y a certainement des aînés qui pourraient occuper des postes intéressants à partir de leur domicile dans différents secteurs d'activité. Il y a encore des endroits, au Canada, où la retraite obligatoire demeure un obstacle important pour les aînés qui veulent ou doivent travailler plus longtemps — notamment dans les industries réglementées par le gouvernement fédéral. Selon nous, les Canadiens devraient tous avoir le droit de choisir quand prendre leur retraite, en fonction de leurs capacités et non de leur âge.

Je tiens à indiquer clairement que la CARP s'oppose à la retraite ainsi qu'à l'emploi obligatoires. Nous sommes davantage favorables aux incitatifs de type « carotte » qu'aux coups de « bâton » de type obligatoire. Lorsque des travailleurs plus âgés font partie de la main-d'œuvre, c'est avantageux à la fois pour eux, pour l'économie et pour les coffres de l'État. Non seulement les travailleurs plus âgés paient-ils davantage d'impôts, mais ils dépensent en plus leur argent pour acheter des biens et services et, bien entendu, cela stimule la productivité et la croissance économique. Voilà une excellente raison de ne pas reprendre le revenu de pension versé aux gens qui continuent de travailler. En réalité, nous aimerions que les bénéficiaires du supplément de revenu garanti aient le droit de toucher un revenu supplémentaire sans que cela ait d'incidence négative sur le supplément qu'ils perçoivent déjà.

À l'Association, nous entendons souvent parler de gens pour qui la retraite obligatoire signifie pauvreté, isolement social et fin d'une vie active intéressante. Ce sont tous des éléments qui peuvent conduire à des maladies physiques ou mentales, et j'ajouterai que ce sont aussi des éléments qui font peser inutilement un poids sur le système des soins de santé. Par contre, si nous n'obligeons pas ces gens à prendre leur retraite, nous contribuons à leur indépendance et à leur qualité de vie. Cependant, même dans les régions où la retraite n'est plus obligatoire, des travailleurs plus âgés continuent d'être confrontés au problème de l'âgisme car certains employeurs exercent de la discrimination dans leurs pratiques d'embauche et il y a des employés potentiels qui en sont victimes même s'ils n'ont, dans certains cas, que 45 ans.

Nous recommandons la mise en œuvre d'un programme fédéral-provincial-territorial qui permette de valoriser davantage les travailleurs plus âgés et de mieux les intégrer dans la main-d'œuvre. Il faut aussi mettre en place des incitatifs pour permettre aux employeurs de retenir et d'embaucher des travailleurs plus âgés, en leur accordant par exemple du financement ou des crédits d'impôt pour la formation, le recyclage et le perfectionnement. À 60 ans, on devrait pouvoir demander des prestations du Régime de pensions du Canada sans avoir à quitter son emploi, ce qui inciterait les travailleurs plus âgés à continuer de travailler. Par contre, nous ne souhaitons pas que l'âge auquel les gens deviennent admissibles au régime de retraite soit retardé — autant pour ceux qui prennent leur retraite que pour ceux qui continuent de travailler. N'oublions pas que nous avons un système d'impôt progressif qui s'applique aux gens qui reçoivent une pension en plus de leur salaire.

Par ailleurs, la retraite n'est plus ce qu'elle était. L'idée traditionnelle des personnes âgées assises dans leur « chaise berçante » est clairement révolue, et les gens qui prennent leur retraite ont tendance à demeurer actifs physiquement, intellectuellement et spirituellement. Mais les occasions de participer à de telles activités doivent devenir plus nombreuses, et les activités doivent être accessibles et abordables, qu'il s'agisse d'éducation permanente, d'exercice ou de méditation.

Le bénévolat est une autre possibilité, et c'est une activité qui est souvent sous-estimée alors qu'elle est très importante, pertinente et précieuse. Selon Statistique Canada, quelque 12 millions de Canadiens ont fait du bénévolat en 2003-2004 dans de nombreux secteurs d'activité, et ils ont permis à un nombre incalculable de personnes d'en bénéficier. Si nous prenons en considération le fait que deux milliards d'heures ont été consacrées au bénévolat, nous constatons que beaucoup de services essentiels ont ainsi pu être dispensés et que sans le travail des bénévoles, ces services n'auraient pas été disponibles car la société n'aurait sans doute jamais eu les moyens de les payer. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une amélioration du secteur bénévole grâce à des crédits d'impôt et peut-être même d'une certaine compensation des bénévoles. Nous avons aussi besoin de soutien financier pour mettre en place une infrastructure solide qui pourra ensuite permettre le recrutement, la sélection, la formation, le suivi, l'évaluation et la reconnaissance des travailleurs bénévoles. Cela aura très certainement une incidence sur le nombre de bénévoles compétents ainsi que sur la contribution qu'ils apportent à la collectivité grâce à leur participation sociale.

Les possibilités qui s'offrent à nous sont innombrables si nous réussissons à réunir les jeunes et les aînés afin qu'ils échangent, partagent et apprennent les uns des autres, que ce soit sur le plan des compétences, de l'expérience et des idées. Des initiatives intergénérationnelles comme le mentorat, le counseling, la consultation et le coaching peuvent permettre autant aux jeunes qu'aux aînés d'améliorer leurs connaissances tout en créant une dynamique forte, intéressante et productive, que ce soit au travail, dans la communauté ou dans la société — et cela peut énormément contribuer à réfuter les idées répandues sur le vieillissement.

À cause des expériences personnelles et professionnelles que moi et mes collègues avons vécues, nous avons été à même de constater qu'il existe au Canada des millions d'aidants naturels, surtout des femmes. Le rôle que ces personnes jouent au chapitre des soins dispensés à domicile ne peut plus être ignoré, pas plus que leurs revendications. Aucun autre travail n'exige un tel engagement, tous les jours 24 heures sur 24 — le plus souvent sans formation ni soutien adéquat. Les cas d'épuisement sont fréquents, mais ils seraient évitables si un programme national de répit existait pour permettre aux aidants naturels de se dégager de temps en temps de leurs responsabilités accablantes. La mise en place d'un programme de répit permettrait en outre de retarder le moment où les bénéficiaires des soins doivent être placés dans des institutions, ce qui coûte plus cher, quand ce ne sont pas les aidants naturels eux-mêmes qui tombent malades et doivent être placés. De plus, les aidants naturels et les personnes qui reçoivent leurs soins profiteraient tous de la mise en œuvre d'un Programme national de soins à domicile qui inclurait des soins aux malades chroniques et des soins de santé communautaire non médicaux — le gouvernement en assurerait la transparence et aurait l'obligation de rendre des comptes. Par ailleurs, la mise en œuvre d'une Stratégie nationale en matière de santé mentale, comme on l'explique dans le rapport Kirby-Keon, permettrait d'améliorer la santé et la qualité de vie des aidants naturels et des bénéficiaires de l'aide — et je le sais très bien car je me suis occupé de mon frère qui était schizophrène.

Il est inconcevable que le Canada soit le seul pays du G8 à ne pas s'être déjà doté d'une telle stratégie afin de venir en aide aux millions de personnes atteintes de maladies mentales. Nous sommes préoccupés par le vieillissement des personnes atteintes de maladies mentales ayant des besoins spécifiques dont on ne tient pas compte. Afin de soutenir les aidants naturels qui continuent d'occuper un emploi ou qui doivent quitter leur emploi pour s'occuper à temps plein d'un proche, il faut que des politiques soient mises en place pour permettre les horaires de travail souples et autoriser les absences d'une durée raisonnable. Dans le cas où l'aidant naturel doit s'absenter de son travail pendant une longue période, nous aimerions qu'une caisse d'assurance-emploi distincte soit créée et que les gens puissent être admissibles à des prestations au-delà de la période limite actuellement permise, soit en fin de vie durant les soins palliatifs. De plus, les dispositions du RPC pour arrêt de travail des nouveaux parents devraient s'appliquer à toutes les personnes qui abandonnent leur emploi pour prodiguer des soins à domicile à des personnes âgées.

Un autre défi important à relever est ce que j'appelle la phase de retour de l'aidant naturel — quand il a fini de prodiguer ces soins, que lui arrive-t-il ensuite? Nous devons mettre en place un système pour permettre de soutenir les aidants naturels une fois qu'ils ont terminé leur mandat et tentent de retrouver une vie normale car ils ont besoin de reprendre confiance en eux et peut-être d'une mise à niveau de leurs connaissances pour pouvoir réintégrer le marché du travail. Il reste beaucoup d'autres problèmes à régler — la pauvreté, les pensions, l'environnement, les fraudes et les escroqueries, les logements coûteux, la violence à l'égard des aînés et ainsi de suite. J'espère que certaines de ces questions seront soulevées dans le cadre de nos discussions.

Je terminerai mon exposé en citant une déclaration du secrétaire général des Nations Unies, Kofi Annan, à l'occasion de la Journée internationale des personnes âgées :

Le monde entier tirerait partie d'une génération de personnes du troisième âge autonome et à même d'apporter d'immenses contributions à l'effort de développement et à l'édification de sociétés plus productives, plus pacifiques et plus viables sur le long terme.

Jack Frost, président national, Légion royale canadienne : Merci de nous avoir convoqués aujourd'hui.

Le vieillissement de la population canadienne est inévitable. Cette réalité appelle des mesures d'atténuation dans des domaines tels que la promotion de la santé, les services de soutien à domicile, le logement abordable, les soins de longue durée, les soins palliatifs, ainsi que l'apprentissage continu.

La Légion royale canadienne croit fermement que des mesures immédiates doivent être prises pour faire face aux défis démographiques, sur lesquels vous avez été renseignés.

De nouvelles politiques doivent être mises en place pour répondre aux besoins changeants des aînés, tout en protégeant leur capacité de contribuer à la productivité de la société canadienne.

Le Conseil consultatif de gérontologie (CCG) d'Anciens Combattants Canada, dont la Légion est membre, a formulé récemment certaines recommandations au sujet des prestations de maladie accordées aux anciens combattants. L'une de ces recommandations concerne un programme détaillé de promotion de la santé qui s'appuie sur un solide modèle d'intervention pour les anciens combattants qui ont grandement besoin de soins. Une approche similaire serait très logique pour tous les aînés canadiens.

Une citation du rapport Parole d'honneur fait référence aux services offerts aux anciens combattants qui devraient comprendre « une intervention précoce appropriée et des services de promotion de la santé, des soutiens à domicile plus intensifs, ainsi qu'une gamme plus étendue de choix résidentiels ».

Cette approche avantagerait certainement les pourvoyeurs de soins, y compris ceux qui n'ont pas encore reçu de prestations dans le cadre du Programme pour l'autonomie des anciens combattants (PAAC), parce qu'ils ne satisfont pas aux critères complexes d'admissibilité.

L'objectif clé de la promotion de la santé des aînés devrait être d'aider les personnes âgées à maintenir leur autonomie et, de ce fait, leur productivité. Le PAAC d'ACC contribue à l'atteinte de cet objectif. La Légion, depuis longtemps, plaide en faveur de l'extension de ce programme très réussi destiné, en premier lieu, aux bénéficiaires avant 1981, et à tous les aînés au Canada.

Un programme pour l'autonomie des aînés, visant tous les aînés canadiens, permettrait de réduire effectivement les dépenses d'hospitalisation et de soins de longue durée. L'intégration de la promotion de la santé et de mesures préventives, dans les programmes médicaux, ainsi que davantage de choix de logements abordables auraient pour effet de réduire l'ensemble des dépenses de soins de santé.

La Légion gère un programme de logement depuis les années 1980. Notre programme de logement a été revigoré avec la nomination, en 2000, d'un consultant pour le Centre d'excellence de logement de la Légion, à Charlottetown. Un employé d'ACC détaché auprès de la Légion, M. David McDonald, a conseillé les filiales dans le développement de nouveaux projets de logements pour aînés et anciens combattants, tels que l'Alexander Mackie Lodge, en Colombie- Britannique.

Le défi le plus important auquel nos filiales font face pour lancer ces projets est de satisfaire aux exigences obligatoires en matière d'équité pour se qualifier afin d'obtenir une assurance de la Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL).

Le défi vient des critères plus serrés que la SCHL impose aux petites entreprises sur le plan des assurances. Ces critères font augmenter le coefficient du prêt en fonction de la mise de fonds pour les petits projets. Malheureusement, on peut se faire refuser un financement simplement parce qu'il manque 150 000 $ à la mise de fond pour un projet de construction de 3 millions de dollars.

Une solution simple serait d'établir un fonds renouvelable modeste pour fournir un financement complémentaire du capital, dont le remboursement serait étalé sur cinq ans, avec intérêts. Ce programme deviendrait autosuffisant. Nous vous avons fourni, en pièce jointe, une description plus détaillée de cette recommandation.

Ces exemples montrent comment le gouvernement peut satisfaire aux besoins grandissants des aînés et des anciens combattants en leur permettant d'avoir un logement abordable et assorti de services de soutien, sans puiser encore dans le financement des soins de santé et des soins de longue durée.

Un grand nombre d'aînés et d'anciens combattants devront être placés dans ces établissements; c'est là une réalité incontournable. Il est clair que la promotion de la santé peut retarder ce passage. Les personnes âgées et les anciens combattants préfèrent demeurer dans leur chez-soi aussi longtemps que possible. Pour certains, cette préférence peut signifier envisager la transition finale dans le milieu familier de leur résidence, pourvu que des soins palliatifs appropriés leur soient fournis.

Anciens Combattants Canada a mis en place un programme de soins palliatifs à domicile, que les autorités fédérales et provinciales de la santé devraient examiner et dont elles pourraient s'inspirer, en gardant en tête qu'il est moins coûteux de fournir des services à domicile que dans un établissement.

Nous avons plaidé en faveur de l'adoption de normes nationales de soins de longue durée. Lorsque les aînés et les anciens combattants doivent faire la transition vers ces établissements, le niveau de soins devrait être bien défini et être identique de Terre-Neuve-et-Labrador à la Colombie-Britannique. Les aînés devraient être protégés par une déclaration des droits des personnes âgées de sorte que des normes nationales de soins, de prestations et de services soient établies.

La Légion reconnaît que l'apprentissage continu des personnes âgées est nécessité à la prospérité et la productivité du pays. Un élément de cet apprentissage réside dans l'accès à des ordinateurs et à la technologie de l'information.

Membre fondateur du Partenariat canadien des aînés, la Légion préconise un accès plus facile à l'information pour les personnes âgées. Nous reconnaissons que cet accès doit être offert au moyen d'un portail intégré qui simplifierait l'identification des services offerts aux niveaux fédéral, provincial et municipal.

Par le passé, le Programme d'accès communautaire financé par Industrie Canada a permis de fournir des ordinateurs aux filiales de la Légion, où les aînés se réunissent souvent. Ce programme a été aboli. Il faudrait le revoir et l'élargir de sorte que des ordinateurs soient fournis aux aînés et aux anciens combattants dans les établissements de soins de longue durée.

La Légion plaide énergiquement en faveur des mesures suivantes : un programme vigoureux de promotion de la santé pour les aînés assorti à un programme d'intervention auprès des aînés qui ont besoin de soins importants; des mesures de soutien à domicile plus importantes inspirées du Programme pour l'autonomie des anciens combattants et des programmes de soins palliatifs; la possibilité que des organisations non gouvernementales comme la Légion aient accès à un fonds renouvelable pour assurer un financement complémentaire du capital pour des projets de logements abordables; des normes nationales de soins pour les établissements de soins de longue durée et une déclaration nationale des droits des personnes âgées; et l'accès à la technologie de l'information.

Jane Barratt, secrétaire générale, Fédération internationale du vieillissement : La Fédération internationale du Vieillissement, ou FIV, est ravie de faire part de ses opinions au comité aujourd'hui. C'est un honneur rare que la fédération prend au sérieux.

Il ne serait jamais arrivé dans l'histoire de ce pays et dans le monde que tout un chacun ressente les effets du vieillissement de la population et des tendances démographiques, comme maintenant et dans l'avenir prévisible.

La FIV a vu le jour il y a 30 ans. Son siège social se trouve à Montréal depuis 14 ans.

Nous sommes fiers de compter parmi nos membres canadiens des membres d'organismes gouvernementaux et non gouvernementaux. Notre mission consiste à comprendre les politiques et les programmes en matière de vieillissement à l'échelle internationale pour que nous puissions éclairer, faire connaître et promouvoir des politiques et des pratiques qui permettront d'améliorer la qualité de vie des personnes âgées au Canada et partout dans le monde.

Nos responsabilités consistent à bâtir, à faciliter et à renforcer les passerelles entre les gouvernements, les secteurs non gouvernementaux et les entreprises; à renforcer les organisations non gouvernementales au Canada et partout dans le monde pour qu'elles puissent représenter et soutenir les aînés; à mieux faire comprendre les incidences des politiques et des programmes gouvernementaux sur la vie des personnes âgées. Nos programmes comprennent l'analyse des politiques du vieillissement de 30 pays, pour mieux comprendre les tendances et la façon dont les gouvernements traitent les nombreux enjeux qui nous occupent aujourd'hui; l'analyse des lois et autres politiques visant à contrer les traitements ignobles dont certains aînés sont victimes au Canada et à l'étranger; et un programme unique de développement des capacités, conçu pour aider les ONG à mieux représenter les personnes qu'elles servent.

Nous croyons qu'avec une politique intégrée et actualisée et une information axée sur les programmes, la FIV est en mesure de soutenir des organismes nationaux et provinciaux et des organismes plus petits dans l'élaboration de leur politique. La FIV a une fonction générale de consultation à l'Organisation des Nations Unies et auprès de ses agences, y compris l'Organisation mondiale de la santé.

Les enjeux importants qui transforment aujourd'hui la vie des générations futures dans tous les coins du monde sont d'une similitude troublante. La question épineuse de la priorisation de ces enjeux pose également un défi. Ces enjeux, que nous avons observés au Canada et dans de nombreux autres pays, ont trait notamment aux pensions et aux prestations — la protection financière : comment les personnes âgées vont-elles vivre plus longtemps sans soutien financier?

Au Canada, certains aînés ont beaucoup d'avoirs, mais peu de liquidité. Comment vont-ils obtenir les soins de santé dont ils auront besoin? Il y a aussi les problèmes de discrimination — la discrimination fondée sur l'âge dans la prestation des soins de santé et des services sociaux, l'emploi et l'accès aux biens et services. Mentionnons également l'accès insuffisant et inéquitable aux soins continus, que ce soit les soins à domicile, les soins à long terme ou encore les soins en établissements spécialisés.

C'est un mythe de croire que la plupart des personnes âgées recevront des soins en établissement. Dans les pays développés, une personne de plus de 75 ans sur sept recevra probablement des soins institutionnels quelconques. Cela signifie que six personnes sur sept, parmi les aînés, resteront dans la communauté aujourd'hui.

Il y a aussi l'apport accru des membres de la famille dans la prestation des soins. Il s'agit d'un étrange paradoxe, puisque en raison de la migration urbaine, le réseau social d'aidants naturels n'existera plus dans l'avenir. Il ne faut pas que les enfants soient reconnus pour le rôle de soignants qu'ils jouent au sein de leur famille. Ce n'est pas aux enfants, à mesure qu'ils grandissent, de prodiguer les soins de première ligne. Ne laissons pas pareille chose se produire au Canada.

Concernant les programmes de soins de relève, c'est une chose naturelle pour nous tous de donner des soins à un membre de la famille. Chacun de nous ici a donné ou a reçu des soins à un moment de sa vie, et toute la notion de répit doit être examinée. Il faut se pencher sur toutes ces questions et tous les enjeux du vieillissement en tenant compte des différences entre les sexes et les cultures, pour donner une voie signifiante à ces diverses cohortes.

Après avoir examiné les politiques et les programmes liés au vieillissement de nombreux pays qui ne sont pas différents du Canada et après avoir réfléchi sur le travail des ONG membres qui représentent 50 millions d'aînés dans le monde, je pose moi-même la question suivante : quelle est l'unique intervention globale qui pourrait avoir une influence quelconque sur chacun de ces enjeux? La réponse est « le vieillissement en santé ». La mise en garde que je fais concernant cette expression, c'est que le vieillissement — le fait de devenir vieux — n'est pas un problème de santé et ne devrait pas être perçu de la sorte. Il s'agit plutôt du cours normal de la vie. À mon sens, le vieillissement débute à la naissance et, tout au long de notre vie, nous expérimentons des changements et nous avons parfois besoin de services et de soins spécialisés.

On pourrait se demander s'il y a une crise au Canada en ce qui concerne les personnes âgées. On pourrait répondre en posant d'autres questions : les aînés canadiens ont-ils tous, partout au pays, le même accès aux biens et aux services, ont-ils les mêmes choix, et l'espérance de vie est-elle la même dans toutes les cultures? Si la réponse est non, alors il y a effectivement une crise.

Je reviens à la politique et aux programmes visant le vieillissement en santé et je vais expliquer en termes généraux pourquoi le Canada doit s'engager à long terme dans une pareille stratégie. Ce n'est pas une solution rapide, mais cette stratégie repose sur un engagement bipartite et est au cœur même des générations futures. Le vieillissement en santé dépend d'une foule de facteurs touchant les individus, les familles et les pays. Nous parlons parfois des personnes âgées comme d'un groupe distinct. Les aînés, comme nous tous qui vieillissons aujourd'hui, font partie d'une collectivité.

Pour concevoir des politiques et des programmes, il nous est utile de comprendre ce qui se cache derrière ces facteurs — situation économique, services de santé et services sociaux, facteurs comportementaux, sociaux, personnels et physiques. Il faut du courage aux gouvernements pour reconnaître les avantages économiques à long terme des programmes et des stratégies visant le vieillissement en santé; mais ces avantages existent.

Nous devons également faire face aux complexités que comporteront inévitablement les normes nationales de service et de qualité. Toutefois, le Canada ne doit pas tolérer que des différences entre les provinces aient un impact négatif sur la santé et le bien-être de nos aînés.

Au Canada, la prévalence des maladies chroniques augmente. En 2005, 91 p. 100 des personnes âgées se disaient atteintes d'un ou de plusieurs problèmes de santé chroniques, diagnostiqués par un professionnel de la santé, contre 87 p. 100 en 2000-2001. En 2005, les problèmes chroniques les plus fréquents chez les aînés vivant dans les ménages étaient les suivants : arthrite et rhumatisme, près de 50 p. 100; hypertension artérielle, 45 p. 100; maladies du cœur, 19 p. 100; et diabète, 15 p. 100. Ces problèmes chroniques nécessitent une stratégie pour un vieillissement en santé.

Je suis ravie de dire que le Canada peut s'enorgueillir d'avoir les institutions de recherche les plus impressionnantes, des bureaux gouvernementaux parmi les plus expérimentés et engagés et un secteur non gouvernemental qui travaille en partenariat avec le secteur des entreprises et qui manifeste un intérêt croissant à son égard. Il nous arrive d'avancer dans la même direction, mais en parallèle. Il est temps de s'interconnecter et de viser un but commun.

Le Canada a été l'un des quelque 190 pays à signer le Plan d'action international de Madrid sur le vieillissement en 2002. Nous avons joué un rôle important dans l'élaboration de ce plan. Ses principales priorités sont les personnes âgées et le développement, la promotion de la santé et du bien-être et l'assurance d'un milieu favorable.

Le temps est-il venu d'envisager d'utiliser ce plan comme cadre de travail pour l'avenir, un important outil de planification nationale qui s'attaque aux inégalités entre les provinces et qui sert de véhicule aux changements sociaux qui permettront aux personnes âgées de savoir intuitivement qu'elles forment un des éléments clés d'une collectivité saine et dynamique?

En 1999, la FIV a tenu sa quatrième conférence mondiale à Montréal, où elle a attiré 1 350 délégués et 50 ministres. De cette conférence est issue la Déclaration de Montréal sur les droits et obligations des personnes âgées. Ce texte ainsi que la Déclaration des principes pour les personnes âgées des Nations Unies restent pertinents et devraient éclairer notre compréhension des stratégies futures.

En 2008, la FIV tiendra sa neuvième conférence mondiale à Montréal. Nous nous pencherons sur quelques-uns des enjeux que j'ai mentionnés aujourd'hui : le vieillissement en santé, la discrimination fondée sur l'âge et les soins continus. Parce que la FIV veut être profitable aux Canadiens, nous voulons contribuer à l'élaboration de vos politiques.

En même temps, l'Expo Design et Vieillissement aura lieu pour la première fois. Nous inviterons des designers, des architectes et des planificateurs à venir s'entretenir avec des experts du vieillissement. L'objectif est de concevoir un milieu favorable aux personnes à mesure qu'elles vieillissent. Il s'agit d'un événement ambitieux, qui arrive à point et qui est très nécessaire au Canada. Aujourd'hui même, il est urgent d'améliorer la qualité de vie des aînés.

LA FIV se trouve dans une position internationale unique pour obtenir des renseignements précieux sur l'efficacité des politiques et des pratiques et pour contribuer sans cesse à la qualité de vie des Canadiens plus âgés. Le gouvernement fédéral et plusieurs gouvernements provinciaux méritent des félicitations pour avoir reconnu et compris les besoins des personnes âgées pour ce qui est de la préparation d'urgence, des « villes-amies » des aînés et des collectivités rurales et éloignées. Ce sont là des exemples de stratégies à long terme et adaptées. L'avenir des personnes âgées au Canada est notre responsabilité collective, et non seulement la responsabilité des gouvernements. C'est la responsabilité des gens qui sont ici aujourd'hui dans nos collectivités. Nous nous sommes engagés à travailler en partenariat avec tous les secteurs pour la mise en place de politiques efficaces et signifiantes qui permettront d'offrir des services équitables et cohérents à une population âgée en santé, maintenant et dans l'avenir.

À titre de secrétaire générale de la FIV, je remercie les membres du comité sénatorial de nous avoir donné l'occasion de lui faire part de notre point de vue, dans le cadre de vos travaux.

La présidente : Merci beaucoup, et merci à l'ensemble du groupe de témoins pour les excellents exposés présentés cet après-midi.

Le sénateur Mercer : Je vous remercie de votre présence et de vos exposés. J'ai un certain nombre de questions.

Madame Cutler, à la page 9 de votre mémoire, vous dites que la CARP aimerait que les bénéficiaires du SRG aient le droit de toucher un revenu supplémentaire sans que cela ait une incidence négative sur leur supplément de revenu garanti. C'est très bien, sauf que le SRG est conçu pour aider les gens qui ont besoin d'un revenu supplémentaire.

Si ces personnes âgées peuvent gagner un revenu supplémentaire d'une façon quelconque, en quoi cela touche-t-il les personnes âgées qui n'ont pas cette capacité et dont la survie dépend du SRG? Nous créons deux niveaux de bénéficiaires du SRG.

Mme Cutler : Permettez-moi de souligner que les gens qui reçoivent le SRG, même les bénéficiaires du RPC, de la Sécurité de la vieillesse et du SRG, vivent encore en dessous du seuil de pauvreté. Leur revenu n'est pas suffisant pour leur assurer une qualité de vie.

Cette situation, conjuguée au fait que nous avons une pénurie de jeunes travailleurs pour remplacer ceux qui prennent leur retraite, incite les gens à retourner travailler pour améliorer leur qualité de vie et contribuer aussi au marché du travail.

Nous ne demandons pas un chèque de paie de 50 000 $, mais il y a des gens qui reçoivent le SRG qui n'ont pas les moyens de visiter leurs enfants dans une autre ville ou de s'acheter des souliers. Ce n'est pas comme si les bénéficiaires du SRG étaient très prospères.

Le sénateur Mercer : Je comprends cela. Vous dites qu'un grand nombre de personnes se trouvent sous le seuil de pauvreté. Nous avons eu des problèmes à définir ce qu'est le seuil de pauvreté. Une foule de personnes nous disent une foule de choses différentes. Un des seuils couramment acceptés a été remis en question. C'est un sujet un peu controversé.

Dans le gouvernement précédent, il y avait un ministre responsable des personnes âgées, qui avait aussi une responsabilité spéciale à l'égard des soignants.

Le gouvernement était-il alors sur la bonne voie? Devrions-nous rétablir ce poste? Devrions-nous avoir un ministre responsable des aînés, qui aurait des responsabilités sous-jacentes à l'égard d'autres groupes comme les responsables des soins palliatifs?

Mme Cutler : Oui. Nous avons toujours demandé qu'un ministre soit responsable des personnes âgées, mais quelqu'un qui aurait un pouvoir réel, et non qui occuperait un poste symbolique.

Nous avions un ministre d'État qui savait comment obtenir des résultats. C'était une bonne chose de réunir les soignants naturels et les personnes âgées. C'était une fusion appropriée de responsabilités.

Toutefois, les aînés ne sont pas sur les écrans radars à l'heure actuelle. Même le Secrétariat aux affaires des personnes âgées de l'Ontario ne semble pas très actif. Nous espérons que la création du conseil des personnes âgées qui avait été promise sera annoncée dans un proche avenir.

Le sénateur Mercer : Monsieur Frost, vous avez dit qu'il serait souhaitable d'avoir une déclaration des droits des personnes âgées. Avons-nous un exemple ou un modèle d'un autre gouvernement qui pourrait nous aider à amorcer le débat?

M. Frost : Je n'en ai pas ici, mais je serais ravi de vous remettre une déclaration des droits des personnes âgées telle que nous la concevons, si vous nous donnez le temps de le faire.

Le sénateur Mercer : Ce serait utile et nous aurions ainsi un concept que nous pourrions élaborer. Nous ne devons pas nécessairement nous en remettre exclusivement à vos recommandations. Si vous avez un exemple, ce serait utile.

Vous recommandez, entre autres, que les ONG comme la Légion aient accès à un fonds renouvelable pour pouvoir offrir un financement complémentation du capital afin de soutenir des projets d'habitation. J'aime l'idée que des organismes non gouvernementaux, comme la Légion et d'autres, s'occupent de logements. Évidemment, ce n'est rien de nouveau.

Tout d'abord, comment la SCHL a-t-elle réagi à cette recommandation? Quelle a été la réaction d'Anciens combattants Canada? Vous vous trouvez dans une catégorie spéciale puisque vous avez affaire à la fois avec Anciens combattants Canada et la SCHL.

Pierre Allard, directeur, Bureau d'entraide, Légion royale canadienne : Nous avons envoyé ces deux recommandations, qui font partie d'une résolution adoptée lors de notre dernier congrès. Ces lettres ont été mises à la poste le mois dernier. Nous attendons les réponses des deux organismes. Nous espérons également rencontrer des responsables de la SCHL pour discuter plus en détail de cette recommandation, qui est importante pour nous.

Le sénateur Mercer : À mesure que vous avancerez dans cet exercice et que vous aurez une réponse de la SCHL, je vous encourage à nous tenir au courant pour nous aider à comprendre ce qui se passe. Nous avons déjà reçu des représentants de la SCHL. Comme nous entendrons d'autres témoins, cela sera utile. Qu'en est-il d'Anciens combattants Canada?

M. Frost : Nous avons eu des discussions informelles avec des représentants de ce ministère. Ils se sont montrés réceptifs à l'idée et se demandent comment elle pourrait être insérée dans leur politique et qui serait responsable de quoi. Nous sommes encore bien loin d'avoir un document concret à vous remettre, mais ils examinent cette idée favorablement.

Le sénateur Keon : Merci beaucoup de prendre le temps de venir ici et de nous aider à examiner ce problème.

Une chose que j'ai vue avant de devenir sénateur à temps plein, c'est que lorsque les gens atteignent l'âge de la retraite, ils ont bien souvent des compétences extraordinaires. On aimerait les réembaucher, mais ils disent qu'ils ne pourraient pas retourner travailler parce que leur salaire interférerait avec leur pension et ils se retrouveraient dans une catégorie fiscale différente. Sur le plan financier, il n'est pas avantageux de retourner travailler pour un salaire de 25 000 $ par année.

Comment composer avec ce problème? Pourriez-vous recommander une solution?

Mme Cutler : Comme je l'ai dit dans mon exposé, notre régime fiscal fait en sorte que les gens payent des impôts en fonction de leur revenu.

Je viens d'avoir 65 ans. Je touche ma pension, la SV et les prestations du RPC, et je travaille. Je n'ai pas assez d'argent pour prendre ma retraite, mais je me trouve dans une autre fourchette d'imposition. Je paye donc beaucoup d'impôt et je me demande si je dois prendre un mois de congé. Que dois-je faire? C'est un véritable dilemme.

Je crois qu'il faut revoir complètement le système de pension en tenant compte de la réalité d'aujourd'hui. Ces programmes et ces politiques ont été élaborés à une époque où le style de vie et les habitudes de travail des gens étaient inférieurs à aujourd'hui. Lorsque l'âge de la retraite a été fixé à 65 ans, la plupart des gens ne vivaient même pas jusqu'à cet âge. Nous devons examiner la retraite en tenant compte des besoins d'aujourd'hui, non seulement des individus mais de l'ensemble de la société. Si nous avons une pénurie de main-d'œuvre, comment améliorerons-nous la situation si nous faisons en sorte qu'il ne soit pas préférable de continuer de travailler?

À notre avis, l'emploi obligatoire n'est pas la solution parce que les gens doivent avoir le choix. Toutefois, au lieu de concocter des changements ici et là, nous devrions examiner l'ensemble du système dans une perspective globale et intégrée.

J'aimerais vous présenter Taylor Alexander, mon collègue et un consultant à la CARP.

Le sénateur Keon : Quelqu'un pourrait-il approfondir davantage cette question, parce que je soupçonne que vous êtes sur le point de perdre une partie de votre pension si vous continuez de travailler, n'est-ce pas?

Mme Cutler : Oui.

Le sénateur Keon : J'aimerais avoir une opinion, des suggestions, quelque chose. Le RPC devrait-il être sacré de sorte que, lorsque des personnes âgées retournent sur le marché du travail, elles ne le font pas à perte, lorsqu'elles doivent faire 20 000 $ pour compenser la perte de pension de 10 000 $? Avez-vous une suggestion?

Mme Barratt : Nous pourrions peut-être regarder la chose d'un point de vue différent. Tout d'abord, il y a les pénuries de main-d'œuvre qui, nous le savons, vont se produire ou se produisent déjà au Canada. Par ailleurs, il y a un pourcentage de personnes âgées qui, lorsqu'elles prennent leur retraite, ne font pas partie de la collectivité parce qu'elles ne sont pas considérées comme étant productives et capables. Nous avons les aspects sociologiques et communautaires à considérer et, à la lumière de ce que Mme Cutler a dit aujourd'hui, nous avons des systèmes rigides, hérités d'une époque bien antérieure aux problèmes que nous avons aujourd'hui. Je suis d'accord pour dire qu'une étude globale et distincte doit être menée sur la question, en gardant en tête qu'il y a un manque de souplesse quand on pense aux gens qui ne peuvent pas avoir de soutien financier dans leur vieillesse. L'une des craintes des aînés est de ne pas avoir assez d'argent. Or, notre système est intransigeant à l'heure actuelle et nous connaissons une pénurie de main- d'œuvre. Le problème est un symptôme d'autres changements connexes.

Nous disons que les choses sont ainsi, mais nous essayons de composer avec ces autres variables. Nous devons faire face à la rigidité du système en tenant compte tout particulièrement des changements sociaux et démographiques importants qui sont en train de se produire.

Le sénateur Keon : Doit-on reconcevoir le système de pension en fonction de la vie professionnelle des personnes âgées, pour qu'elles puissent continuer de travailler sans être pénalisées par la perte d'une pension quelconque?

Mme Barratt : Certainement. De nombreux autres pays développés ont procédé à la réforme de leur régime de pension à cause de ce problème. D'autres gouvernements s'y sont attaqués à cause des problèmes qu'ils connaissent, qui sont semblables à ceux du Canada.

M. Allard : J'aimerais toutefois faire une mise en garde. Certaines personnes qui faisaient partie du marché du travail avaient prévu d'une certaine façon le moment où elles allaient pouvoir prendre leur retraite et les prestations qui leur seraient offertes. Tout ce que nous allons concevoir dans l'avenir doit préserver les droits des gens qui sont dans le système aujourd'hui.

M. Frost : On dit qu'une image vaut mille mots, mais l'expérience vaut mille images. Le pays est en train de perdre une expérience riche et diversifiée parce que les gens ont atteint l'âge de retraite obligatoire et doivent tirer leur révérence. Si ces personnes souhaitent continuer à travailler, il faut leur permettre de le faire.

Comme vous l'avez dit au sujet de la pension, les contributions obligatoires au RPC et au Régime d'assurance emploi doivent être reportées. De légères modifications pourraient être apportées pour permettre à ces ainés de continuer de contribuer à la société.

[Français]

Le sénateur Chaput : Dans votre présentation, vous avez dit qu'une de vos recommandations serait la mise en œuvre d'un programme fédéral-provincial-territorial qui permette de valoriser davantage les travailleurs plus âgés et de les intégrer dans la main d'œuvre.

Dans cette optique, comment verriez-vous un tel un programme fédéral-provincial? Prendrait-il en considération les trois générations d'aînés, si je puis les appeler ainsi?

Dans un premier temps, nous avons les « babyboomers », qui arrivent à l'âge de la retraite et qui ne veulent pas nécessairement se retirer. Soit qu'ils ne sont pas prêt financièrement, ou qu'ils désirent continuer à travailler.

Nous avons les aînés qui sont déjà à la retraite et qui, dans bien des cas, vivent sous le seuil de la pauvreté ou dans l'isolement social.

Enfin, nous avons ceux qui ont besoin de soins. Vous avez parlé des aidants naturels et des soins palliatifs.

D'après moi, ce sont les trois différentes clientèles, si je puis les appeler ainsi. Le programme fédéral-provincial serait-il conçu en fonction de chaque clientèle? Est-ce que vous considéreriez les personnes qui arrivent à la retraite, en tentant de les valoriser s'ils désirent continuer à travailler et les intégrer pour répondre aux besoins existants en matière d'emploi au Canada? Nous savons que plusieurs emplois ne sont pas comblés.

Pourriez-vous m'expliquer ce que vous entendez par un genre de programme fédéral-provincial?

[Français]

Le sénateur Chaput : Oui. On parle du transfert de compétences d'un champ à un autre?

Mme Cutler : Oui.

Le sénateur Chaput : C'est possible, mais présentement, le système ne le permet pas. Cela prendrait un changement d'attitude.

Mon autre question s'adresse à messieurs Frost ou Allard. À la fin de votre présentation, vous parlez du programme d'Industrie Canada qui, auparavant, distribuait des ordinateurs à différents organismes, dont la Légion royale canadienne. Vous avez aussi parlé de foyers de soins personnels pour les personnes âgées. Lorsque ce programme existait, avez-vous reçu des ordinateurs pour les foyers de personnes âgées ou vous parliez d'un souhait de voir ce programme revenir?

M. Allard : Quand le programme était en place, on avait reçu les ordinateurs dans les filiales. Malheureusement, cela ne se faisait pas à la grandeur du pays, parce que des provinces ne participaient pas au programme d'Industrie Canada. C'était au choix des provinces. Les ordinateurs ne sont pas allés dans les institutions de soins de longue durée. On aimerait que le programme soit élargi pour offrir l'option d'installer ces ordinateurs dans les institutions de soins de longue durée.

Le sénateur Chaput : Une idée m'est venue lorsque vous parliez de ce programme — et vous me direz ce que vous en pensez. Je voyais des salles communautaires dans des foyers équipées avec des ordinateurs. J'imaginais une grand-mère malade, mais qui pouvait communiquer avec sa petite-fille qui demeure en Australie. J'y vois un lien intergénérationnel qui pourrait être maintenu par l'entremise des ordinateurs.

M. Allard : Entre autres, mais cela pourrait être utile pour se renseigner sur les services et bénéfices disponibles dans différents ministères fédéraux ou provinciaux. On a aussi suggéré un portail unique. Des expériences ont lieu actuellement en Ontario. Par exemple, pour la demande de dépôt direct du reboursement de la TPS, les aînés devraient pouvoir trouver des réponses en utilisant un guichet unique et ne plus avoir à téléphoner à différentes agences du gouvernement fédéral pour obtenir ce qu'elles désirent.

[Traduction]

Mme Cutler : Il nous faut un programme, mais à différents niveaux de gouvernement puisque l'éducation est une partie, les pensions en sont une autre, et la formation, le recyclage et le perfectionnement en sont une autre. Lorsqu'une personne atteint un certain âge, les employeurs ont tendance à penser : « Elle a fait ceci, alors elle ne peut pas faire cela. » Je le sais d'après ma propre expérience, puisque j'ai travaillé dans le domaine des arts et je travaille maintenant dans la défense d'une cause. La transition a été difficile — pas pour moi, mais pour les employeurs qui ne pouvaient pas faire le saut. Il faut offrir des incitatifs pour que les employeurs se forment et se recyclent et pour qu'ils soient un peu plus créatifs dans le développement de la main-d'œuvre. Il nous faut des programmes qui rassembleront jeunes et vieux dans des activités de type intergénérationnel, comme une éducation et une formation communes.

Il faut réformer le régime de pension pour encourager les aînés à retourner ou à rester sur le marché du travail, que ce soit à temps partiel, sur une base temporaire, peu importe ce qu'il faut. Nous devons créer un programme qui change la mentalité des gens qui croient qu'on n'est plus dans le coup quand on atteint un certain âge. Si les employeurs croient cela et traitent les travailleurs plus âgés de cette façon, les travailleurs eux-mêmes commencent à croire que c'est vrai. Lorsqu'on leur donne la possibilité de montrer qu'ils peuvent apporter leur contribution, c'est fantastique.

Nous connaissons une personne âgée qui a eu la chance de faire du bénévolat et qui disait que son quotient intellectuel s'était amélioré. Il n'y avait pas eu d'amélioration sur ce plan; on lui a simplement donné la chance d'enrichir son expérience et de mettre son talent inné à contribution.

Je ne sais pas si cela répond à la question. Nous devons élargir notre vision et donner aux gens la chance de s'épanouir. Comme chez les enfants, cet épanouissement devrait être une expérience qui a lieu tout au long de la vie. Les gens ne sont pas renfermés dans un compartiment qui a été créé pour eux parce qu'ils se trouvent à un moment différent de leur vie.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : J'aimerais parler davantage de ce guichet unique, parce que j'ai vu des listes de programmes gouvernementaux destinés aux personnes âgées, et je crois que la plupart d'entre nous auraient de la difficulté à s'y retrouver. Comment pouvons-nous simplifier les services gouvernementaux en particulier, mais aussi les services offerts en général aux personnes âgées? Vous avez suggéré un guichet unique. En Nouvelle-Écosse, les gens peuvent s'adresser aux centres Access Nova Scotia, qui offrent de nombreux services. Pouvez-vous en dire un peu plus sur ce sujet?

M. Frost : J'ai connu ce problème, et aujourd'hui si je veux faire une recherche sur les programmes offerts à mes parents, par exemple, c'est un cauchemar d'essayer de défricher toutes les subtilités et de savoir quels sont ces programmes. Si nous avions un guichet unique, un portail unique, nous aurions du même coup les programmes fédéraux, provinciaux, et municipaux qui sont offerts.

La plus grande entrave ici semble être le manque de collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux. Comme M. Allard l'ai dit, il y a un programme en Ontario qui a du succès seulement dans une petite collectivité. Nous nous sommes adressés à d'autres collectivités pour les inciter à emboîter le pas. Nous n'avons pas réussi, mais il est difficile de faire comprendre aux gens les avantages d'un guichet unique.

Le sénateur Cordy : À quel endroit le programme fonctionne-t-il bien?

M. Frost : À Brockville.

Mme Barratt : J'ai vécu l'expérience des guichets uniques sur le terrain, et je dois faire une mise en garde sur la façon dont nous mettons à jour les guichets uniques et comment nous définissons un service de qualité par rapport à différentes qualités de service. Nous savons aussi que l'information n'est bonne qu'au moment où nous en avons besoin. Comment accéder à cette information à ce moment-là?

L'autre mise en garde que je ferai porte sur le langage que nous utilisons. Les soins à long terme, les soins communautaires et les soins à domicile sont tous différents et veulent dire des choses différentes pour différentes personnes. Cette mise en garde ne tient même pas compte des différentes cultures et du sens qu'ont ces mots dans différentes cultures.

Par conséquent, le programme fonctionne bien à un endroit, et ce pour une bonne raison : il s'agit d'une petite collectivité. Dans une petite communauté, on s'approprie davantage le succès du guichet unique. Je me suis occupée de guichets uniques à l'échelle nationale, et ils n'ont rien à voir avec cette relation mutuelle qu'on a quand on sait où les services se trouvent et où un bon service est rendu. En théorie, nous devons examiner cela, et il y a certaines mises en garde à cet égard.

Le sénateur Cordy : Avez-vous vu des programmes nationaux qui fonctionnent bien?

Mme Barratt : Certains programmes nationaux existent depuis environ cinq ou six ans.

M. Allard : Le portail unique doit être bien conçu. S'il est destiné à des personnes âgées, un plus gros caractère et une approche simplifiée seraient peut-être de mise. Utiliser un portail unique est certainement plus facile que de s'adresser aux nombreux guichets dont M. Frost a parlé, lorsqu'on doit téléphoner à quatre endroits différents à l'intérieur d'un programme fédéral pour obtenir une réponse. Ce n'est pas logique.

Le sénateur Cordy : Vous voulez qu'une vraie personne réponde au téléphone, n'est-ce pas?

M. Frost : Ce serait bien.

Mme Barratt : Bien souvent, ce sont les membres de la famille qui font la recherche pour connaître les services offerts. Je suis un enfant du baby boom, mais c'est moi qui trouve les services pour mes parents. C'est une relation que nous devons comprendre.

Mme Cutler : Je conviens de ce qui a été dit, mais nous devons aller au-delà du cloisonnement actuel des services. Si le guichet unique n'est pas la solution, nous devons en trouver une autre. Par exemple, il est difficile pour les soignants de naviguer dans le système et ils apprennent des choses par hasard s'ils ont de la chance. Les services ne sont pas intégrés. Bien souvent, ils doivent choisir lequel est le plus important alors qu'ils auraient besoin de plusieurs services.

Le sénateur Cordy : On a parlé des cloisonnements à l'intérieur de certains niveaux de gouvernement et, comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, essayer d'abolir les cloisonnements entre les niveaux de gouvernement est aussi un défi.

J'aimerais parler des initiatives visant les soins à domicile qui fonctionnent et de celles qui ne fonctionnent pas et vous demander si vous croyez qu'une stratégie nationale dans ce domaine est nécessaire. Les Légions ont fait la promotion du programme PAAC. Ce dernier a vu le jour parce qu'il n'y avait plus de place dans les hôpitaux. Lorsque les gens ont adhéré à ce programme, des places se sont libérées dans les hôpitaux, mais ils ont dit : « Non merci; nous préférons rester chez nous. » Je crois que c'est ce que préfèrent la plupart des aînés. D'un point de vue économique, c'est beaucoup moins coûteux, et les gens sont plus heureux.

Lorsque nous avons rédigé notre rapport sur les soins de santé, nous avons examiné le programme de soins à domicile du Nouveau-Brunswick. J'ai eu l'occasion de me rendre au Yukon, où il y avait de bons programmes pour les aînés. À votre connaissance, y a-t-il des pays qui ont une stratégie nationale de soins à domicile qui fonctionne bien?

Mme Barratt : Je me suis personnellement occupée d'un programme national de soins à domicile qui était équitable dans toutes les provinces. Le programme était assorti de normes nationales qui avaient été fixées par consensus avec les provinces, et les fournisseurs de soins étaient accrédités. Parmi les services offerts, il y avait différentes formules de soins communautaires offertes aux personnes âgées — un plan qui était décidé avec la personne recevant les soins à domicile et sa famille — ou encore des formules de soins prolongés à domicile. Celles-ci étaient plus détaillées et comportaient des soins infirmiers intensifs. Je suis au courant et je me suis occupée de près de certains programmes nationaux qui existent depuis 15 ans. On les a élargis pour les offrir aux régions rurales et éloignées, à la population indigène et à des groupes culturels et linguistiques divers, dans différentes langues. Je serais ravie d'en parler davantage avec le comité une autre fois.

La présidente : De quel pays parlez-vous?

Mme Barratt : Mon accent me trahit. C'est l'Australie. Je me suis occupée de près de la prestation et de la création du programme. Je serais ravie de vous faire part de mon expérience.

Mme Cutler : Taylor Alexander est un expert en la matière, alors je vais lui demander de répondre à cette question. Nous voulons que soit implanté un programme national de soins à domicile qui comprenne les soins aux malades chroniques — c'est-à-dire qui ne se limite pas aux soins de courte durée — ainsi que les soins communautaires, c'est-à- dire qui ne se limite pas aux soins médicaux. C'est ce que nous avons à l'heure actuelle, et ces services sont offerts à la discrétion des provinces. Des compressions sont effectuées partout.

Taylor Alexander, consultant en politique sur le vieillissement et en soins continus, Association du Canada pour les gens de 50 ans et plus (CARP) : Les provinces et les territoires ont des programmes différents de soins à domicile qui comportent différents critères d'admissibilité, différents niveaux de soin, différentes quantités de soin, etc. Cette diversité crée un véritable méli-mélo au pays. Nous avons plaidé en faveur d'un programme national de soins à domicile dont les normes et la prestation des services essentiels seraient comparables d'une province à l'autre, et ainsi de suite.

Cela étant dit, le maillon le plus faible dans la chaîne des services de soins à domicile au pays, c'est la prestation des services de soutien à domicile ainsi que le niveau de services rendus principalement par des travailleurs non professionnels ou paraprofessionnels, lesquels fournissent la plupart des services rémunérés de soins à domicile au pays. Ce groupe particulier de personnes est peut-être le moins bien rémunéré, celui qui a le moins d'avantages sociaux, qui paie souvent pour sa propre formation, qui, dans certaines provinces, assume ses propres dépenses de déplacement, etc. Or, on s'en remet à ces personnes pour fournir le gros des services de soins à domicile. C'est pourquoi ma collègue a dit, concernant la prestation des soins aux malades chroniques à domicile, que ces personnes fournissent le gros des services. Il est essentiel que ce groupe soit intégré à un programme national de soins à domicile. Lorsque nous songeons aux soins à domicile, nous avons tendance à penser à des services professionnels, mais ces programmes reposent sur les paraprofessionnels. Nous recommandons fortement que cet aspect soit pris en considération.

Il est urgent d'adopter une stratégie nationale en matière de ressources humaines pour les soins à domicile partout au pays, parce que la disponibilité et la répartition des travailleurs dans ce domaine varient énormément au Canada. De nombreuses provinces recrutent à l'extérieur du pays pour essayer d'enrôler des fournisseurs de soins à domicile. Il faut assurer cette disponibilité et cette répartition pour offrir des services équitables partout au pays.

Le sénateur Keon : J'aimerais poser une autre question. Le système que vous décrivez serait merveilleux si on pouvait l'établir. Toutefois, j'aimerais que l'on parle du payeur. Je présume que les services essentiels dont vous parlez seraient payés par le payeur unique, le même qui paie les soins de santé à l'heure actuelle. En effet, 70 p. 100 des services dits essentiels sont payés par le gouvernement. Je soupçonne que parmi les services nécessaires, beaucoup ne seraient pas définis comme étant essentiels et ne seraient pas payés par le gouvernement. Que suggérez-vous pour couvrir ces services?

M. Alexander : Il est peu probable que tous les soins à domicile puissent être couverts par un seul payeur, mais nous devons en arriver à un consensus national pour ce qui est de l'ensemble des services essentiels. Par dessus tout, je recommande que les aides à domicile soient considérées comme faisant partie des services essentiels — nous devons au moins nous entendre sur ce point. Il y a quelques années, il y avait eu un consensus fédéral-provincial-territorial sur le financement des soins à domicile, et les aides à domicile en faisaient partie, mais il n'y a pas de consensus concernant les normes de service, l'uniformité des services essentiels, etc. Des fonds ont été consentis aux provinces et nous ne savons pas comment cet argent a été utilisé, où il a été attribué, comment il a été dépensé et ainsi de suite. Ce serait utile d'avoir ces données.

Le sénateur Murray : Quel argent?

M. Alexander : L'argent fourni pour les soins à domicile.

La présidente : Ce financement a d'abord été établi dans le cadre de l'Accord sur la santé de 2003 et a été augmenté en 2004. Je suis d'accord avec le témoin qu'il n'y a eu aucun consensus sur la manière dont cet argent serait dépensé.

Je peux vous donner un exemple précis. Un des sujets de discussion a été le paiement des médicaments des personnes nécessitant des soins palliatifs. Dans certaines provinces comme en Colombie-Britannique, si les soins palliatifs sont offerts à domicile, les médicaments sont couverts, tandis qu'ils ne le sont pas dans de nombreuses autres provinces. Les patients retournent à l'hôpital parce que les médicaments sont couverts à cet endroit. On a tenté de s'entendre sur un ensemble de services essentiels qui seraient financés. Je crois comprendre que les provinces ont reçu l'argent, mais jusqu'à présent, elles ne se sont pas mises d'accord sur l'utilisation de cet argent.

M. Allard : Non seulement les services de soins ou les services en général ne sont pas normalisés, mais les besoins individuels en matière de soins ne sont pas définis de façon uniforme. Ils pourraient être évalués sur une échelle à trois niveaux s'il s'agit du gouvernement fédéral, ou sur une échelle à cinq ou six niveaux s'il s'agit d'une autre province. Il faut certainement uniformiser cet aspect également.

Le sénateur Murray : Pour poursuivre dans le même ordre d'idée que le sénateur Keon, lorsque vous parlez d'un programme national de soins à domicile, pensez-vous à un programme national ou à un programme fédéral?

M. Alexander : Je ne dis pas que le gouvernement fédéral offrirait un programme national de soins à domicile ou que le programme serait financé ou administré par le gouvernement fédéral. Évidemment, le financement serait partagé avec les provinces, et le gouvernement fédéral transfère de l'argent à cette fin. Je parle d'une vision nationale pour un programme de soins à domicile pour lequel on pourrait établir un ensemble commun de principes et de normes.

Le sénateur Murray : La question est de savoir comment on va y arriver. Je parle aux intervenants maintenant, pour savoir si vous faites également des pressions sur les provinces à cet égard. Il y a peu de chance, voire aucune, qu'il y ait un autre régime d'assurance-maladie, où le gouvernement fédéral adopterait une loi canadienne sur la santé, mettrait le programme sur la table et vous inviterait à y adhérer ou non. Vous connaissez l'Entente-cadre sur l'union sociale, l'ECUS, que le gouvernement Chrétien a signée avec neuf des provinces, et nous avons fait du chemin depuis ce temps. On parle maintenant d'autres lignes directrices, peut-être même d'un amendement constitutionnel, concernant l'utilisation du pouvoir fédéral de dépenser. Aucune des choses souhaitables que vous préconisez ne sera impossible, ou même plus difficile ou moins efficace lorsqu'elles se présenteront. Seulement, le processus est et sera différent.

M. Alexander : Nous sommes conscients de cette dynamique, et il est de plus en plus difficile, depuis l'ECUS, de faire avancer ces initiatives. Toutefois, il n'est pas nécessaire d'adopter une loi parallèle sur un programme national de soins à domicile. Pareilles initiatives peuvent être réalisées sur le plan administratif, à l'intérieur du cadre existant. Nous avons déjà examiné cette question dans quelques-unes de nos organisations, et il est possible d'aller de l'avant avec ces initiatives sur le plan administratif, sans élaborer d'autres mesures législatives.

Le sénateur Murray : Pour revenir au point intéressant que vous avez soulevé en parlant du méli-mélo, cette situation peut certainement être corrigée. Il est certainement possible d'en arriver à une certaine uniformité, à des normes de base, à des critères, etc., mais les provinces et les territoires doivent collaborer dans ce sens. On m'a déjà dit qu'il y avait des réunions entre les ministres provinciaux responsables des personnes âgées et ce genre de chose, et les ministres de la santé et d'autres se réunissent tout le temps.

Savez-vous si des efforts sont faits pour essayer de normaliser ou d'uniformiser davantage les soins à domicile, pour mettre fin ce que vous appelez le méli-mélo? Sinon, pourquoi?

Mme Cutler : C'est une bonne question; c'est celle que nous posons. Aux dernières nouvelles, un ensemble de services avait été élaboré par les provinces et rejeté par Ottawa, puis ce fut l'inverse. Cette question ne semble plus être à l'ordre du jour.

Le sénateur Murray : Ce serait l'ensemble des services admissibles au financement fédéral. La plupart de ces services sont maintenant fournis par les provinces et financés par celles-ci. Pourquoi, dans cette fédération, ne voudraient-elles pas s'entendre et en arriver à des services plus uniformes?

M. Alexander : À mon avis, cette réticence s'explique en partie parce qu'on ne sait pas où se situera la moyenne. Va- t-on relever tous les services à un certain niveau, ou les abaisser tous à un autre niveau? Il y a des pressions parmi les provinces et les territoires sur cette question, ce qui peut créer des difficultés.

Le sénateur Murray : C'est là où les intervenants entrent en jeu, n'est-ce pas? Vous allez essayer de les persuader tous de viser le plus haut niveau.

Mme Barratt : Il y a aussi une question d'argent. Soyons réalistes. Dans le modèle que je connais le plus, le financement est partagé entre le gouvernement fédéral et les provinces, et on y arrive par un processus administratif plutôt que par des mesures législatives.

Toutefois, il importe aussi de retenir que cette stratégie dont nous parlons a aussi une incidence sur les soignants naturels. Elle peut alléger quelque peu leur fardeau. Il est question également de notre structure sociale. C'est une stratégie importante à mettre en place. Nous voulons une certaine équité entre les provinces pour garantir que les aînés reçoivent des services lorsqu'ils en ont besoin.

Il est intéressant de noter que les services essentiels dont vous parlez consistent entre autres à changer des pansements, à faire des emplettes et à prodiguer des soins personnels. Ces services ne devraient pas être très coûteux, mais ils permettraient aux aînés de rester chez eux; et c'est ce que nous voulons.

La présidente : J'ai une question pour Mme Barratt. Nous avons parlé des pensions et vous avez dit que certains pays avaient entrepris certaines réformes dans ce domaine. Pouvez-vous nous dire quels sont ces pays pour que nous puissions demander qu'on fasse des recherches sur eux?

Mme Barratt : La FIV tient une réunion de hauts fonctionnaires à chacune de ses conférences biennales. À Copenhague, en juin 2006, pour traiter de ce même sujet, nous avons réuni une centaine de représentants gouvernementaux. Je serai ravie d'envoyer ce rapport au comité, qui contient quelques-unes de ces discussions et qui identifie les personnes clés sur la scène internationale qui travaillent dans ce domaine depuis un certain nombre d'années.

La présidente : Je remercie tous les témoins de nous avoir fourni d'excellents renseignements cet après-midi.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant accueillir un autre groupe intéressant de témoins. Lynn McDonald est la directrice scientifique de l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées, Sandra Hirst est la présidente de l'Association canadienne de gérontologie et Anne Martin-Matthews est la directrice scientifique de l'Institut du vieillissement, des Instituts de recherche en santé du Canada. Nous vous écoutons.

Anne Martin-Matthews, directrice scientifique, Institut du vieillissement, Instituts de recherche en santé du Canada : Je vous remercie, et je remercie le comité de me donner la chance de m'entretenir avec lui aujourd'hui. Comme j'ai feuilleté les documents des témoins précédents, je sais qu'on vous a beaucoup parlé des changements démographiques, de leurs conséquences socio-économiques et de leur impact sur les politiques, alors je vais me concentrer sur trois grandes questions aujourd'hui. Je vais d'abord vous donner un bref aperçu de l'Institut du vieillissement et du rôle qu'il joue dans la recherche sur le vieillissement. Je vais parler brièvement des priorités stratégiques de l'institut et de notre engagement public auprès des aînés, qui contribue à éclairer notre recherche. Je vais ensuite parler de ce que nos partenariats et notre engagement public nous apprennent sur les enjeux qui sont les plus importants pour les personnes âgées au Canada.

Certains parmi vous connaissent peut-être bien l'Institut du vieillissement et les Instituts de recherche en santé du Canada, puisque cette loi a été adoptée par le Parlement et le Sénat du Canada en juin 2000. Les Instituts de recherche en santé du Canada, IRSC, sont nés de la fusion du Conseil de recherches médicales du Canada et du Programme national de recherche et de développement en matière de santé, de Santé Canada, en juin 2000. Nous finançons 10 000 chercheurs dans des universités, des centres et des hôpitaux d'enseignement partout au pays. Les travaux financés sont axés sur quatre secteurs cruciaux pour la santé des Canadiens : la recherche biomédicale, la recherche clinique, la recherche sur les services de santé et les politiques en matière de santé, et la recherche sur les facteurs sociaux, culturels, environnementaux et économiques qui jouent un rôle déterminant sur la santé de la population. Les IRSC comprennent 13 instituts. Bon nombre se concentrent sur des maladies précises comme le cancer, sur des fonctions comme la nutrition, sur les services de santé ou sur des populations particulières, comme les Autochtones ou les enfants.

Je suis la directrice scientifique de l'Institut du vieillissement. Nous nous concentrons sur les conséquences des maladies liées à l'âge plutôt que sur les maladies elles-mêmes. Vous serez peut-être intéressés de savoir que l'investissement des IRSC sur la recherche sur le vieillissement est passé de 14 millions de dollars il y a cinq ans à 63 millions de dollars l'an dernier. Le but fondamental de l'Institut du vieillissement est de faire progresser les connaissances sur le vieillissement afin d'améliorer la qualité de vie et la santé des Canadiens âgés. Il importe de souligner ce rôle, parce que nous ne sommes pas qu'un organisme de financement. Nous finançons des travaux de recherche, comme tous les membres des IRSC le font, mais nous fixons également des priorités stratégiques pour la recherche sur le vieillissement. Nous travaillons avec des partenaires qui nous aident à définir ces priorités. Voici donc mon premier message : la recherche qui permet d'améliorer la santé et la qualité de vie des Canadiens âgés est une priorité pour l'Institut du vieillissement.

Nous œuvrons dans cinq grands secteurs : le vieillissement en santé, les mécanismes biomédicaux et biologiques du vieillissement, les troubles cognitifs, le vieillissement et le maintien de l'autonomie fonctionnelle, et les politiques et services de santé pour les personnes âgées. Ce mandat englobe tous les secteurs de recherche. Pour vous donner quelques exemples, nous finançons des travaux sur des sujets comme l'expression génétique sur le vieillissement, les infections respiratoires chez les personnes âgées, la gestion de l'ostéoporose, la diversité ethnoculturelle dans les établissements de soins de longue durée et les activités signifiantes pour les personnes atteintes de démence.

Nous finançons également des travaux sur le lien entre la recherche et l'action. C'est ce que nous appelons l'application des connaissances. Nous finançons aussi des travaux visant à faciliter le développement commercial des produits permettant d'améliorer la qualité de vie des aînés. Un des produits mis au point grâce à ce financement sera sur le marché en janvier; il s'agit d'une semelle intérieure qui améliore l'équilibre et qui permet ainsi de réduire les risques de chute chez les personnes âgées.

Ce qu'il faut retenir, c'est que les facteurs qui contribueront à améliorer la santé et la qualité de vie des Canadiens âgés comportent des facettes multiples, sont complexes et vont bien au-delà de l'étude d'une seule maladie ou d'une seule fonction, avec un seul outil de recherche.

Permettez-moi de vous donner trois exemples de travaux que nous effectuons dans ces domaines. Concernant l'étude d'une maladie, nous avons le Partenariat sur les troubles cognitifs liés au vieillissement. Ce partenariat, qui réunit une douzaine de représentants des secteurs bénévole, public et privé, a été mis sur pied grâce à l'initiative de l'Institut du vieillissement. L'an dernier, nous avons investi 18,7 millions de dollars dans ce domaine. Nous nous concentrons sur la santé et la démence vasculaires, les mécanismes biologiques de la maladie d'Alzheimer et les questions liées à la prestation de soins et à la démence. Je sais que les témoins précédents vous ont parlé de l'importance à accorder aux soignants.

L'initiative stratégique sur la mobilité et le vieillissement de l'Institut est plus récente et porte davantage sur la fonction. Les témoins précédents vous ont dit également que l'espérance de vie a progressé, mais que le nombre d'années que vivent les Canadiens âgés sans invalidité n'a pas augmenté proportionnellement. L'Institut du vieillissement a investi des sommes importantes, et continuera de le faire au cours des prochaines années, pour mettre sur pied des équipes de recherche travaillant en partenariat avec la communauté sur la prévention de l'invalidité et le vieillissement.

Nous avons terminé une série de consultations régionales et nationales, au cours desquelles différents groupes nous ont parlé d'une foule d'enjeux liés à la mobilité et au vieillissement. On nous a parlé de tout : du minutage des clignotants aux intersections achalandées qu'utilisent souvent les aînés, des plans de logement qui limitent la mobilité, des programmes conçus pour aider les aînés à s'adapter lorsqu'ils perdent leur permis de conduire, et ainsi de suite.

Nos efforts concernant les outils de recherche ont surtout porté sur l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, ELCV. Il y a une brochure sur cette étude parmi les documents que je vais vous laisser. Cette étude ambitieuse doit débuter en 2008, en collaboration avec Statistique Canada, et touchera entre 30 000 et 50 000 Canadiens de plus de 40 ans. Elle est unique du fait qu'elle commence plus tôt que toutes les autres études semblables menées dans le monde et il s'agit de la première étude de ce genre et de cette ampleur au Canada. La plupart des choses que nous savons sur le vieillissement viennent des instantanés pris à un moment précis. On s'attend à ce que l'ELCV permette aux fournisseurs de soins de santé et aux décideurs des gouvernements de connaître les processus et les facteurs qui influent sur la santé et le vieillissement pour qu'ils soient plus en mesure de trouver des façons de prévenir la maladie et de promouvoir un vieillissement en santé.

Le dernier point que j'aborderai a trait aux partenariats et à l'engagement public. Nous savons que les enjeux sont complexes. Nous avons compris que les personnes âgées elles-mêmes, et non seulement les chercheurs, représentent un élément important de l'Institut du vieillissement. C'est pourquoi nous avons entrepris une consultation auprès de 350 représentants d'organismes de personnes âgées dans le cadre de cinq rencontres régionales et d'une réunion nationale qui ont eu lieu au Canada au cours des dernières années. Sénateur Carstairs, je crois que vous avez assisté à la réunion nationale convoquée par mon prédécesseur en mai 2003 ici, à Ottawa.

Ce que nous avons entendu dans le cadre de ces consultations, ce sont les problèmes les plus souvent relevés, soit le manque de services de santé adaptés aux aînés. Ces problèmes comprennent entre autres la formation liée aux normes de pratique pour les cliniciens qui travaillent auprès des personnes âgées, l'accès universel à des services de santé adaptés aux aînés ainsi que le coût, l'utilisation et la surutilisation des médicaments. Je pourrais en parler davantage tout à l'heure, mais je mentionnerai que le manque criant de spécialistes en gériatrie au Canada a été un sujet de discussion avec les personnes âgées. Je sais que ma collègue, la Dre McDonald, de l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées, en parlera tout à l'heure.

Les personnes âgées avec qui nous nous sommes entretenus étaient très préoccupées par les soins à domicile. De plus, la prévention de la maladie et de l'invalidité et la promotion du bien-être étaient d'autres domaines qui, selon les aînés, devaient être mieux connus. Ils avaient aussi le sentiment que les problèmes d'isolement et de santé mentale étaient négligés de façon générale.

Nous avons cinq rapports régionaux sur ces réunions. Ils sont disponibles en anglais et en français, si votre comité souhaite les consulter. Un rapport de synthèse englobant les conclusions des cinq rapports sera présenté cette année. Nous nous sommes engagés également avec d'autres partenaires au niveau fédéral et provincial — et je pourrai en parler tout à l'heure — ainsi qu'avec des partenaires du secteur privé. Nous participons entre autres à l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé pour des soins adaptés aux aînés, dont vous avez entendu parler.

J'aimerais terminer en soulignant une chose dont le comité, je l'espère, prendra bonne note. Notre institut travaille fort pour amener des jeunes à travailler dans le domaine du vieillissement au Canada. Nous faisons ce travail avec des partenaires fédéraux comme Anciens Combattants Canada et la Société Alzheimer du Canada, avec des organismes de financement provinciaux comme le Fonds de recherche en santé du Québec, le FRSQ, et par l'entremise d'initiatives de formation des IRSC. Nous savons qu'il y aura un besoin criant dans les années à venir. Un plus grand nombre de personnes doivent embrasser des carrières en gériatrie et en gérontologie et entreprendre des travaux de recherche fondamentale sur les aspects biologiques du vieillissement, tout cela afin d'améliorer les services de santé offerts à une population vieillissante et âgée. Je vous remercie de votre temps. Je me réjouis à l'idée de discuter avec vous.

Sandra P. Hirst présidente, Association canadienne de gérontologie : Au nom de l'Association canadienne de gérontologie, je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de vous présenter cet exposé aujourd'hui. L'Association canadienne de gérontologie est une association nationale, multidisciplinaire, scientifique et éducative qui a été créée en 1971 en vue d'assurer le leadership en matière de vieillissement de la population. Nous sommes membres de l'International Association of Gerontology and Geriatrics. Nous avons pour mission d'améliorer les conditions de vie des personnes âgées au Canada via la création et la diffusion de connaissances sur les politiques, la pratique, la recherche et l'éducation en matière de gérontologie. L'association compte parmi ses membres des universitaires, des praticiens, des chercheurs et des cliniciens, dont bon nombre travaillent directement et indirectement auprès des aînés et de leurs proches dans un large éventail de contextes.

Comme vous vous intéressez aux soins de longue durée, je veux porter à votre attention trois enjeux en la matière. Premièrement, il faut offrir les mesures de soutien nécessaires pour permettre de « vieillir chez soi ». La vaste majorité des aînés veulent vivre dans leur propre maison, mais ces maisons ont habituellement plus de 30 ans, comptent deux étages et sont trop grandes pour eux. Vieillir chez soi est une option privilégiée pour l'avenir, mais elle ne devrait pas être définie en fonction des moyens financiers, des capacités ou des limitations physiques. Toutes les personnes âgées doivent avoir accès à des services comme la tonte du gazon, le pelletage de la neige et la livraison de l'épicerie, ce qui les rendra aptes à demeurer à domicile et leur facilitera les choix qu'elles ont à faire. Nous préconisons un programme national de soins à domicile afin de favoriser l'accès à de telles options.

Je me permets un aparté pour vous dire que la majorité des aînés sont en santé. Nous appuyons et encourageons les efforts de « promotion de la santé » mais vieillir en santé, ça ne commence pas à 65 ans; ça débute dès la naissance. La maladie chronique n'apparaît pas à votre soixante-cinquième anniversaire. Elle tire ses origines de ce que vous avez fait dans la trentaine et dans la quarantaine.

Deuxièmement, nous avons besoin d'installations de qualité pour les soins de longue durée. Nous savons que de plus en plus de possibilités s'offrent aux personnes âgées pour les aider à vieillir au sein de leur communauté, mais on aura toujours besoin d'établissements de soins de longue de durée. Ces soins ne sont pas définis de la même manière dans les différentes régions du pays. Ces écarts peuvent représenter une difficulté supplémentaire pour ceux parmi nous qui y reçoivent des soins. C'est une situation qui influe sur ma perspective personnelle. Nous savons que l'âge d'admission dans ces établissements de soins de longue durée dépasse désormais les 80 ans. Nous savons aussi que ces adultes ont des problèmes de santé complexes qui exigent des soins particuliers, allant des trachéotomies jusqu'aux sondes d'alimentation. Il faut offrir des soins à ces aînés dont les besoins sont très variés. Les personnes qui sont admises dans ces établissements souffrent rarement d'un seul problème de santé. Leurs malaises sont multiples. En outre, elles peuvent connaître des périodes de crise. Je peux vous citer l'exemple d'une résidante atteinte de la maladie d'Alzheimer qui a passé trois jours à se frotter les joues. Le personnel n'a pas pensé qu'il pouvait s'agir d'une rage de dents. On a présumé que son agressivité accrue exigeait une médication, alors même que le traitement aurait pu être beaucoup plus simple.

Ce sont principalement des employés n'ayant pas une formation suffisante qui sont au chevet des personnes qui sont peut-être les plus vulnérables parmi nos aînés. C'est une situation déplorable. En outre, le personnel des établissements de soins de longue durée est formé principalement d'employés d'origines ethniques diverses dont la tâche est rendue plus complexe par leur incapacité de communiquer dans l'une ou l'autre de nos deux langues officielles. Je n'insisterais donc jamais assez sur l'importance de l'éducation.

Nous savons également que les familles veulent demeurer en contact avec leurs aînés et leur dispenser des soins, mais il est regrettable de constater que leur contribution n'est pas toujours la bienvenue. Du point de vue des établissements, il n'existe pas de définition claire des soins de longue durée à l'échelle nationale. Chaque province et chaque territoire utilise des termes différents pour décrire l'expérience. Les exigences en matière de personnel et les lois qui régissent ces établissements diffèrent d'une région à l'autre au Canada.

Nous savons qu'un aîné de l'Ontario pourrait devoir passer par une liste d'attente de trois mois avant d'obtenir une place en Alberta. Pourtant, son fils peut très bien habiter en Alberta et souhaiter lui apporter un certain soutien. Ces établissements sont une source de préoccupation pour nous. Nous savons qu'il n'existe pas de normes nationales quant aux soins physiques et psychologiques et au soutien affectif à dispenser aux personnes âgées. Je me dois de répéter que l'éducation est primordiale.

Troisièmement, il y a un nouveau sous-ensemble d'aînés qui fait son apparition dans notre société, et dans le secteur des soins de longue durée en particulier : les personnes âgées qui ont une déficience intellectuelle ou des troubles du développement. On voit maintenant des gens dans la quarantaine qui ont des symptômes assimilables à la maladie d'Alzheimer. Au moins 50 p. 100 des personnes affectées par le syndrome de Down présenteront des symptômes apparentés à la maladie d'Alzheimer à l'âge de 60 ans.

Leurs familles vieillissent : ces personnes sont admises dans des établissements de soins de longue durée. Quelque soit le cadre dans lequel les soins sont dispensés, nous devrons nous intéresser tout particulièrement à ce sous-groupe de notre population d'aînés.

Avant de terminer, je tiens à remercier Mme Martin-Matthews et Mme McDonald. Nous illustrons à merveille le concept de collaboration pour faire passer les résultats de la recherche des considérations théoriques et du milieu universitaire jusqu'à la pratique.

Au nom de l'Association canadienne de gérontologie, je vous remercie à nouveau pour votre invitation d'aujourd'hui.

Lynn McDonald, directrice scientifique, Initiative nationale pour le soin des personnes âgées : Notre organisation est heureuse d'être des vôtres aujourd'hui. Nous sommes les petits derniers; nous n'avons même pas encore un an. Je représente l'Initiative nationale pour le soin des personnes âgées (INSA). Nous sommes un réseau national et international de chercheurs et de praticiens qui s'impliquent dans les soins aux adultes âgés en médecine, en soins infirmiers et en travail social. Outre ces trois professions principales, nous nous intéressons à bon nombre de disciplines associées comme l'ergothérapie, la physiothérapie, la psychologie et le droit.

Nous sommes financés par le gouvernement fédéral dans le cadre du Programme des nouvelles initiatives du réseau des Centres d'excellence, et nous lui en sommes vraiment reconnaissants. Nous avons également obtenu récemment du financement par le truchement du IRDC (International Research Development Centre), ce qui nous donne accès à dix nouveaux partenaires de différents pays du monde dont la Chine, l'Inde, l'Allemagne et l'Australie.

Nous pouvons compter sur 100 membres des trois professions principales qui conjuguent leurs efforts au sein d'équipes formées d'universitaires et de praticiens. Nous avons également 25 partenaires parmi les universités, les entreprises et les établissements communautaires comme le Baycrest Centre for Geriatric Care, un établissement de soins de longue durée de Vancouver.

Notre réseau a pour objectif principal d'améliorer la qualité des soins dispensés aux adultes âgés. Je vais vous présenter un bref survol de l'INSA, de sa raison d'être et de nos recommandations. Vous avez notre mémoire en main.

Notre réseau s'emploie en priorité à assurer le transfert des connaissances découlant des recherches financées par Mme Martin-Matthews au bénéfice des praticiens de telle sorte que les équipes de traitement puissent offrir les meilleurs soins possibles aux aînés canadiens. Les membres de notre réseau se sont réunis pour dégager dix grandes priorités pour le Canada. Nous nous attaquons à cette liste de façon progressive, parce que nous disposons de ressources financières limitées. Nous commençons avec la prestation de soins, la démence et les soins palliatifs.

Nous avons déterminé qu'il fallait mettre l'information à la disposition des gens qui en ont besoin le plus rapidement possible. Nous avons ainsi conçu des outils de consultation rapide pour les questions de capacité et de consentement. Si une personne ne connaît pas les lois applicables, elle peut rapidement consulter cet outil et travailler ainsi en toute connaissance de cause avec la famille et les aînés concernés.

Nos quatre équipes thématiques travaillent à la conception de ces outils suivant une formule interdisciplinaire. Ces outils seront mis de l'avant à l'occasion d'une activité de transfert des connaissances. Nous en tiendrons au moins six dans les différentes régions du pays. Il s'agit d'indiquer aux intervenants communautaires ou au personnel d'un établissement la façon dont l'outil peut être utilisé, de les laisser ensuite en faire l'essai pratique avant de procéder à une évaluation. Ce sont donc les aînés et leurs familles qui évaluent l'outil : est-ce que cela fonctionne bien et est-ce que c'est utile?

L'INSA est une organisation sans but lucratif qui est sise à l'Institute for Life Course and Aging de l'Université de Toronto dont je suis la directrice. Notre conseil d'administration comprend des personnes âgées, des membres de leur famille et des représentants de toutes les professions dont je vous ai parlées, tant à titre de chercheurs que de praticiens.

Nous avons également un programme de mentorat pour étudiants. Mme Martin-Matthews a soulevé le problème et Mme Hirst en a aussi parlé : l'éducation est pour nous une importante préoccupation au Canada; il est très difficile d'intéresser des jeunes à étudier en gérontologie et en médecine gériatrique. Nous payons donc des étudiants pour travailler avec nous et nous les faisons participer à des activités de transfert de connaissances avec les équipes de traitement.

Quelle est la raison d'être de notre réseau? Pourquoi l'avons-nous mis sur pied? Notre réseau est la version bon marché de la Hartford Foundation aux États-Unis qui a investi plus de 30 millions de dollars dans chacun de ces trois secteurs : médecine, soins infirmiers et travail social. Les Américains ont repéré la vague de vieillissement qui se pointe à l'horizon et se préparent en conséquence. C'est ce qu'ils font depuis 1984 et ils poursuivent dans le même sens aujourd'hui.

Il est bien certain que les témoins qui nous ont précédés vous ont déjà parlé du changement démographique que connaît notre pays. Il y a en outre un manque criant de professionnels au Canada; un manque criant au chapitre de la formation et de l'éducation en médecine gériatrique, en travail social gérontologique et en soins infirmiers gérontologiques. À titre d'illustration, il y avait sept étudiants en médecine gériatrique dans tout le pays en 2000-2001.

Une étude sur les programmes de baccalauréat en sciences infirmières au Canada a permis de conclure que leur contenu gérontologique était plutôt mince et qu'il existait peu de programmes cliniques permettant aux étudiants et étudiantes de mettre en pratique cette théorie.

Pour ce qui est du travail social, je peux vous dire par exemple qu'il n'existe que deux programmes de gérontologie au niveau de la maîtrise. L'Université de Toronto en a démarré un l'an dernier. Quatre-vingts étudiants ont choisi le volet protection de l'enfance pendant que 12 optaient pour le vieillissement.

Nous devons donc travailler dans un contexte de pénurie. Je m'efforce aussi de faire valoir que notre éducation n'est pas suffisamment interdisciplinaire. Mme Cutler vous a parlé tout à l'heure de silos. C'est exactement ce qui caractérise notre système d'enseignement. À l'INSA, nous préconisons l'éducation dans un cadre interdisciplinaire.

Les personnes âgées sont uniques et présentent des caractéristiques uniques : elles reçoivent un diagnostic, leurs symptômes sont atypiques, les interventions requises sont différentes de ce qu'on peut imaginer et on doit leur prescrire des quantités variables de médicaments — mes collègues médecins pourraient vous en parler mieux que moi. Le fait demeure que c'est en travaillant en équipe que l'on est mieux en mesure de leur fournir des soins de qualité. De nombreuses recherches ont été menées à ce sujet; je les ai citées dans notre mémoire pour que vous puissiez vous y référer. Il faut que nous commencions à dispenser la formation dans un environnement multidisciplinaire.

Nous avons formulé huit recommandations. Elles concernent toutes l'éducation. Pour chacune d'elles, nous avons fourni une justification et indiqué les mesures nécessaires.

Notre première recommandation va de soi. Il nous faut augmenter le nombre de spécialistes des soins gérontologiques et gériatriques comme les infirmières, les médecins, les travailleurs sociaux et les psychologues.

En deuxième lieu, nous recommandons que l'on développe les centres d'excellence interdisciplinaires existants qui offrent une formation en matière de vieillissement.

Le Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH) a mis sur pied ces centres il y a de nombreuses années et a financé leur développement. On y a accompli un travail extraordinaire en matière de recherche. En misant encore davantage sur ces ressources, nous pourrions maintenant utiliser ces infrastructures pour former les gens à l'intérieur d'équipes interdisciplinaires.

La troisième recommandation de l'INSA est qu'un contenu obligatoire en gérontologie ou en gériatrie soit inclus dans la base de connaissances exigée pour tout diplôme d'études supérieures dans les professions de la santé. Nous estimons également que les fournisseurs de services communautaires et les éducateurs institutionnels doivent travailler de concert pour élaborer le contenu des programmes d'études.

De plus, la formation interdisciplinaire en gériatrie doit être une exigence de base pour tous les professionnels de la santé. Une fois en poste, ceux-ci doivent également pouvoir compter davantage sur une formation permanente. À ce titre, la langue peut poser un problème et il nous faut trouver des moyens de communiquer les pratiques optimales en matière de soins.

Notre septième recommandation préconise un financement pour le perfectionnement du personnel enseignant, tout au moins dans les trois disciplines principales, de manière à établir au Canada un noyau de professionnels prêts à offrir ce perfectionnement.

Enfin, il nous faut tenir compte dans notre programme de recherche des besoins des praticiens dans les professions de la santé. Il faut que les connaissances ainsi acquises puissent être transmises le plus rapidement possible aux personnes qui vont les utiliser dans la pratique, ce qui comprend les aînés eux-mêmes et leurs familles.

La présidente : Merci. J'aimerais poser une question qui s'adresse à vous toutes avant de laisser la parole aux autres sénateurs. Pourquoi ne parvenons-nous pas à intéresser tous ces gens — infirmières, travailleurs sociaux et médecins bien évidemment — à la gérontologie et à la gériatrie?

Mme Hirst : Du point de vue des sciences infirmières, nous avons des étudiants et des étudiantes qui débutent le programme à 18 et 19 ans. Ces jeunes ont déjà des idées préconçues au sujet des soins infirmiers. Ils pensent aux urgences. Ils se voient aux soins intensifs. Il faudrait les sensibiliser dès la première et la deuxième années à la richesse, à la diversité et à la complexité des soins infirmiers dans le secteur gérontologique. Ils nous arrivent avec les attitudes que la société leur a transmises.

Mme McDonald : Il y a une discrimination à l'égard des personnes âgées au Canada. J'oserais même dire que la médecine gérontologique ou gériatrique n'a rien de très attrayant. On parle de personnes âgées qui souffrent de maladies chroniques et il est impossible de les guérir. Le mieux que vous puissiez espérer, c'est de les maintenir en vie. Les gens voient la chose d'un mauvais œil. Ils ne comprennent pas à quel point il peut être stimulant de travailler avec des personnes plus âgées. Si on pouvait aller chercher ces gens et les faire travailler auprès des aînés, le déclic pourrait se faire. C'est du moins ce que nous avons pu constater.

Il y a également le problème du manque de fonds. Les étudiants ont besoin d'argent. Si nous faisions le nécessaire pour offrir des bourses en gérontologie, cela ferait une différence énorme. C'est malheureusement impossible. Je répétais sans cesse aux responsables de ma faculté que s'ils me fournissaient les fonds suffisants, je pourrais leur trouver 30 gérontologues. Je ne crains pas de me tromper, parce que les Américains l'ont essayé et ont connu beaucoup de succès.

Mme Hirst : Il faut sensibiliser aussi les membres de la faculté. Je dois multiplier les mesures d'encouragement et de soutien et collaborer avec mes collègues pour que le programme d'études soit élaboré en tenant compte du fait que les soins de santé ne se limitent pas aux seuls soins dispensés à la mère et à l'enfant.

Mme Martin-Matthews : Pour renchérir sur les propos de mes collègues, je dirais que même lorsque l'on parvient à recruter des étudiants en leur faisant valoir l'intérêt d'une carrière en gérontologie, carrière que nous menons toutes depuis plus de 30 ans, on n'en retrouve souvent qu'un ou deux par programme. Il n'y a donc pas la masse critique requise pour que ces étudiants puissent établir des liens entre eux.

L'Institut du vieillissement a mis sur pied cette année un programme d'été qui consiste en une semaine de sensibilisation intensive en juin. Nous avons sélectionné une soixantaine d'étudiants de toutes les régions du Canada pour les regrouper pendant une semaine. Ces étudiants provenaient de toutes les disciplines. Les techniciens en laboratoire doivent comprendre qu'ils accomplissent un travail qui touchent les personnes âgées, et ce, même s'ils ne côtoient pas nécessairement ces aînés dans le cadre de leurs fonctions. On leur fait rencontrer les étudiants en travail social. Cette première expérience a connu un vif succès et nous comptons bien la répéter. Des coûts considérables y sont associés et nous devons travailler en collaboration avec nos collègues. Il s'agit d'une seule semaine dans toute l'année pour 60 étudiants. J'ai rencontré récemment un étudiant qui m'a dit que c'est la meilleure chose qui aurait pu lui arriver. Nous pouvons tirer parti de ce genre d'interactions en réunissant ces étudiants, car nous éprouvons vraiment des problèmes avec le travail en vase clos ou cette impression que nos amis ou nos collègues se retrouvent dans des programmes plus intéressants ou plus susceptibles de permettre de sauver des vies.

Le sénateur Keon : Je ne suis pas si vieux. Peut-être que je pourrais me recycler en gérontologie. Je me disais qu'il doit exister un bassin considérable de main-d'œuvre parmi les infirmiers et infirmières et, dans une moindre mesure, les médecins, étant donné qu'ils prennent leur retraite un peu plus tard, surtout en pratique privée, alors que les universitaires doivent se retirer à 65 ans — ce n'est plus le cas, mais il en était ainsi lorsque je travaillais. C'est d'ailleurs ce qu'ils faisaient tous. Ils prenaient leur retraite alors qu'ils avaient à peine 65 ans. Beaucoup d'infirmières sont parties à 55 ans en raison des régimes de retraite très généreux. Je dois admettre que dans mon rôle d'administrateur, j'ai encouragé des infirmières à le faire car je pouvais embaucher deux débutantes pour le prix d'une infirmière chevronnée, et celle-ci avait accès au régime de pension.

En vous écoutant, j'ai pensé qu'il pourrait être intéressant d'envisager la possibilité d'approcher des professionnels de la santé plus âgés dans les domaines de la physiothérapie, des soins infirmiers et de la médecine pour voir s'ils seraient intéressés à reprendre le collier en se réorientant en gérontologie. Cela pourrait constituer une piste de réflexion pour votre institut.

Mme Martin-Matthews : Le Conseil de recherches en sciences humaines, un organe de financement distinct de celui que je représente aux IRSC, offrait il y a quelques années un programme de bourses pour la réorientation de carrière. Ce programme s'adressait à des gens qui n'étaient pas nécessairement à la retraite, mais qui pouvaient travailler dans des domaines connexes au vieillissement; on considère qu'il produisait des résultats intéressants. Aux IRSC, nous avons essayé d'élaborer quelque chose de semblable il y a quelques années sous forme de ce qu'on appelait des bourses de mi-carrière en vieillissement. Il s'agissait de prendre des gens qui travaillaient déjà dans un domaine connexe et de les en retirer pendant une année complète au profit d'une immersion dans le secteur du vieillissement afin de voir où cela pouvait les amener. C'était très coûteux. Nous avons jugé que nous ne pouvions pas poursuivre l'expérience, étant donné que nous sommes un institut indépendant et compte tenu des autres contraintes budgétaires des IRSC et du fait qu'un programme de développement professionnel avait été supprimé. Il s'agit toutefois d'une possibilité qui demeure intéressante. Nos efforts de réorientation étaient ciblés non pas, comme vous l'avez indiqué, sénateur Keon, sur des personnes ayant déjà pris leur retraite, mais plutôt sur des professionnels se retrouvant à un carrefour important en milieu de carrière.

Mme Hirst : L'âge moyen des infirmières et infirmiers autorisés au Canada atteint presque 50 ans. Nous savons que nous sommes confrontés à une grave pénurie à l'échelle nationale, et nous avons essayé par le truchement de l'Association canadienne des infirmiers et infirmières en gérontologie d'inciter ces professionnels à reprendre du service, mais on ne cesse de nous répéter que le jeu n'en vaut pas la chandelle, que c'est trop difficile. Ces gens sont fatigués et j'ai bien peur que nous ne puissions rien y faire.

Mme McDonald : Il est possible que je sois un peu strict, mais à l'Institute for Life Course and Aging, nous avons quelque sept personnes qui sont revenues au travail après que l'âge de la retraite eut sonné — des journalistes, un médecin, bien des gens différents. Ils souhaitent maintenant participer à l'INSA en faisant valoir qu'ils sont prêts à faire tout ce qu'il faut pour aider. Je ne les ai pas ménagés en leur disant que s'ils voulaient utiliser les locaux de l'Université de Toronto, ils devraient demander une bourse. C'est ce qu'ils ont tous fait, et la plupart d'entre eux en ont obtenu une. Ces personnes sont fières d'elles-mêmes et profitent d'un souffle nouveau. Il s'agit d'une heureuse coïncidence, mais la suggestion demeure valable.

Le sénateur Keon : J'ai un ami de mon âge qui fréquentait la faculté de médecine en même temps que moi. Il m'a appris cet été qu'il possédait 8 p. 100 des parts d'une résidence pour aînés, ce qui lui procure déjà un revenu intéressant. Il m'a dit qu'il avait surtout investi dans cette résidence parce qu'il comptait s'y installer avec son épouse. Je me suis dit que c'était une brillante idée. Les aînés ont de l'argent, et il y a ce manque criant d'installations appropriées, de logements et de différentes ressources semblables. Dans la plupart des cas, c'est le secteur privé qui en est propriétaire. Si on pouvait inciter les personnes âgées à investir dans leur avenir, elles pourraient contribuer grandement à atténuer le manque de logements et les problèmes de ce genre et faciliteraient ainsi de beaucoup la planification du continuum de services.

Mme Hirst : C'est une excellente idée. Je crois qu'on pourrait parler d'un choix bien éclairé si une personne âgée pouvait contribuer à la conception de l'établissement dans lequel elle souhaiterait résider, pour autant qu'on lui permette d'avoir son mot à dire.

Mme Martin-Matthews : Je pense aux recherches menées par Mme McDonald concernant la retraite et le revenu. Il y a eu des années où le nombre de Canadiens âgés se retrouvant sous le seuil de la pauvreté a diminué. Malgré la richesse accrue et le fait que les aînés sont moins nombreux sous le seuil de la pauvreté, il y a encore de larges segments de cette population qui ne pourraient se sentir concernés par de telles possibilités d'investissement. Mais c'est tout de même le cas de plusieurs d'entre eux et ils sont nombreux à avoir suffisamment l'esprit d'entreprise pour tirer parti de ces occasions bien concrètes. La véritable difficulté viendra plutôt de la nécessité d'assurer une juste répartition de ces investissements éventuels dans les différentes régions du pays. Il y a de fortes concentrations de personnes âgées dans les centres-villes de Vancouver, Toronto et Montréal, mais les possibilités d'investissement ne seront peut-être pas aussi manifestes en région rurale où il est toujours plus complexe d'offrir les services. Il y a également de bonnes concentrations d'aînés dans ces environnements. Ce modèle peut nous amener loin, mais nous devons tenir compte de tout l'éventail des services à dispenser.

Le sénateur Keon : Avec les témoins précédents, nous avons parlé du phénomène des services de base pour les aînés. Si l'on pouvait bien définir ces services, on pourrait espérer que le gouvernement les prenne en charge. Cependant, le gouvernement ne peut pas tout faire. Il faut donc redoubler d'efforts pour obtenir la contribution du secteur de l'assurance afin d'éviter que des gens aient à défrayer ces services à même leurs propres ressources et se retrouvent ainsi sans le sou, un risque que de douloureux exemples nous empêchent de négliger.

Peut-être avez-vous certaines idées quant à la manière dont nous pourrions formuler une telle suggestion concernant les services de base pour les aînés et les services auxiliaires complémentaires qui pourraient être payés par l'assurance, notamment.

Il y a environ six semaines, j'ai eu le grand honneur et le plaisir de représenter le ministre de la Santé à l'occasion d'une réunion de réflexion tenue en Europe sur les modes de financement à déployer pour combler les lacunes en matière de santé. Tous les pays du monde sont aux prises avec des problèmes semblables. De nombreux représentants du milieu de l'assurance étaient présents. Il est ressorti clairement que si cette tâche en venait à leur incomber, ils devraient s'y prendre très tôt. Il faudrait que cela prenne la forme d'une police d'assurance pour la vie entière de laquelle vous pourriez retirer des fonds lorsque vous devenez plus vieux, mais à laquelle vous devriez contribuer dès votre jeune âge. Les gens de l'assurance devraient se montrer très stricts dans l'application d'une telle formule. Il y a là amplement matière à réflexion pour les gouvernements, le secteur privé et l'industrie de l'assurance notamment.

J'aimerais que vous nous disiez un peu ce que vous pensez de la manière dont, premièrement, ce continuum de services devrait être décrit; deuxièmement, les services de base devraient être définis; et, troisièmement, les services complémentaires devraient être défrayés. Je sais que je vous en demande beaucoup à brûle-pourpoint, mais vous n'avez pas vraiment besoin de préparation. Vous êtes toutes des expertes, alors dites-nous ce que vous en pensez.

Mme Hirst : Pour ce qui est des services de base, il faut également considérer le fait que notre population d'aînés est en pleine évolution. Nous savons que les femmes y sont majoritaires — c'est une évidence. Leur situation financière change, tout comme leur niveau d'instruction. Nous planifions en fonction de la population des aînés dans sa forme actuelle mais, dans dix ans, elle aura changé. Je présume qu'une partie des services de base devront également être modifiés. Certains de ces services comme le logement, l'alimentation, les centres d'hébergement et l'accompagnement sont fondamentaux. Comment faut-il les définir? Je ne sais pas trop quoi répondre, mais il est certain que ces services sont essentiels à tous les citoyens, peu importe leur âge. On parle de transport, de choix, d'accompagnement et de liberté. Nous ne pouvons pas nous affranchir de la maladie et des malaises chroniques, mais il faut que nous soyons en mesure de composer avec les contraintes que cela pose quant à notre qualité de vie, une expression surutilisée selon moi.

Mme Martin-Matthews : Il est important de signaler qu'il peut y avoir deux générations ou plus après l'âge de 65 ans. L'une des diapositives que j'aime bien présenter lorsque je fais des exposés publics — et je l'ai fait lorsque j'ai rencontré les sous-ministres l'an dernier — montre un homme d'environ 80 à 85 ans. Il est debout dans un jardin devant une jolie maison au Royaume-Uni. C'est l'image type que nous avons d'une personne âgée. On voit soudain apparaître le fils qui prend son père par l'épaule. C'est Mick Jagger. Il a 63 ans. C'est l'icône de toute une génération, mais le message est bel et bien passé. On comprend que lorsqu'il est question de planifier l'avenir, il faut se rappeler que le fils dans cette scène sera l'aîné de la prochaine génération. Nous planifions non seulement pour le père de Mick, mais aussi pour Mick lui-même. C'est une réalité à ne pas perdre de vue; vieillir n'est pas seulement une question de santé et de déficience; c'est aussi une affaire de vie active, de promotion du mieux-être et de prévention des maladies. C'est un aspect que nous devons prendre en compte lorsque nous envisageons l'environnement dans lequel les gens vieilliront.

Il y a souvent une question de psychologie qui entre en jeu. L'Institut du vieillissement a financé récemment différentes études portant sur la mobilité et le fait de pouvoir continuer à conduire ou non. Lorsqu'une personne en arrive au point où elle n'est plus en mesure de conduire, elle y voit une perte de son autonomie et de sa mobilité. Il s'agit d'un problème véritable. Il faut bien faire comprendre à ces gens qu'ils peuvent continuer à sortir. Ils peuvent appeler un taxi. Il suffit de leur rappeler ce que coûte une voiture; tous ces paiements, les assurances et le carburant, par rapport à ce que peut coûter une course en taxi. Il y a vraiment un travail de sensibilisation à faire. Il ne faut pas nécessairement remplacer la possibilité de conduire soi-même par un service financé à même les fonds publics. Il peut en coûter moins cher de prendre des taxis. Il faut aussi sensibiliser, par exemple, le secteur privé et les entreprises de taxi pour qu'ils offrent certains services en dehors des heures de pointe ou qu'ils prévoient des tarifs fixes. Par ailleurs, il faut aussi reconnaître que certaines personnes n'ont pas de voiture. Il faut donc aussi considérer la gamme de services de transport publics offerts sans nécessairement songer à y faire des ajouts, mais en cherchant à les rendre plus accessibles.

Toute une gamme de partenariats publics-privés peuvent être mis à contribution, comme vous l'avez indiqué, mais il y a également un grand travail de sensibilisation à faire auprès de la population.

Mme Hirst : Il existe au Royaume-Uni un système qui permet à une personne âgée de payer un voisin pour son transport. Il s'agit d'une association qui est financée au moyen de subventions locales et à même les fonds publics, mais la personne âgée peut avoir à défrayer le coût du carburant. Un service de ce genre soulève certaines questions du point de vue des assurances, mais il est offert strictement sur une base volontaire. C'est un autre exemple de solution aux besoins en transport des aînés que nous n'envisageons pas encore au Canada.

La présidente : Un collègue est déjà venu me parler de sa mère qui ne prenait pas de taxi parce que c'était trop dispendieux. Il ne savait pas trop quoi faire. Je lui ai suggéré d'acheter un paquet de coupons de taxi et de les placer sur la table d'entrée de sa mère en lui disant qu'ils étaient prépayés. La manœuvre a fonctionné. Tout à coup, ce n'était plus son argent et elle était heureuse.

Ma question concerne l'éducation. Lorsque j'étais ministre responsable des soins palliatifs, nous cherchions notamment à trouver la façon d'intéresser les médecins à ces soins dans le cadre de leur formation. Nous essayons de répondre à la même question aujourd'hui. Nous avons pu trouver 1,25 millions de dollars pour financer un programme d'études en soins palliatifs. Cela fait maintenant partie du programme principal et aucun étudiant ne pourra obtenir son diplôme d'une faculté de médecine en 2008 sans avoir suivi cette formation de base en soins palliatifs. Devons-nous faire la même chose avec la gérontologie? Si j'interprète bien la réaction de Mme McDonald qui hoche de la tête avec enthousiasme, nos témoins seraient favorables à une telle suggestion.

Mme McDonald : Il faut qu'on le fasse. Il faut que l'on reconnaisse l'importance de la gérontologie et que l'on dégage les fonds nécessaires pour aller de l'avant. Si cela a fonctionné avec les soins palliatifs, il en sera de même avec le vieillissement. Je sais que ça va marcher.

Mme Martin-Matthews : J'espère que votre comité aura l'occasion de s'entretenir au fil de ces délibérations avec des représentants des infirmiers et infirmières en gérontologie et de la Société canadienne de gériatrie. Les gens de ces groupes sont en mesure de nous parler des problèmes concrets découlant du rôle du Collège royal des médecins et des chirurgiens du Canada, chargé de l'établissement des règlements. Il est impératif de transmettre un message clair, en plus de libérer les ressources suffisantes.

Mme Hirst : Je peux parler au nom des infirmiers et infirmières en gérontologie parce que je fais partie de leur conseil d'administration. L'éducation est primordiale et elle doit être fondée sur des éléments factuels. On ne peut pas simplement poursuivre la tradition en offrant la même formation qui est dispensée depuis 50 ans. L'éducation doit s'appuyer sur les données factuelles et les résultats de recherche qui guident notre pratique. Il faut qu'on enseigne ce que fait un travailleur social et ce que fait un psychologue de manière à favoriser le travail en partenariat. C'est ce que permet de faire le réseau.

La présidente : Il y a toujours eu une affiliation naturelle entre les enfants et leurs grands-parents. Vous pourriez mettre sur pied une initiative qui viserait le recrutement de jeunes étudiants en soins infirmiers en misant sur leur affection pour leurs grands-parents. On pourrait former ces jeunes de telle sorte qu'ils puissent aider ces gens qu'ils aiment tant, surtout à une époque de leur vie où ils n'apprécient pas autant leurs propres parents.

Mme Hirst : Il existe certains programmes intergénérationnels, dont un à Winnipeg et un à Calgary. Il y a toujours des étudiantes qui nous disent que l'efficacité dépend dans une large mesure de l'affection qu'elles portent à leurs grand-mères.

La présidente : Il est probable qu'elles apprécient davantage leurs grand-mères que leur mère, si je me fie à leur attitude.

Le sénateur Mercer : La perspective adoptée par le sénateur Carstairs n'est pas inintéressante. Selon moi, non seulement devrions-nous rendre obligatoire la formation en gérontologie pour les étudiants en médecine et en soins infirmiers, mais nous devrions aussi la dispenser au niveau secondaire. C'est peut-être à ce moment-là que la suggestion du sénateur Carstairs s'appuyant sur les relations des jeunes avec leurs grands-parents pourrait être le plus susceptible de les lancer sur une piste de réflexion. Ces jeunes seront parmi les premiers à devoir prendre soin de leurs propres parents, tout au moins pendant une certaine période. C'est le cas pour bon nombre d'entre nous. J'aime bien cette anecdote avec le père de Mick Jagger, mais je suis davantage préoccupé par le sort du père du pêcheur ou de celui de la préposée à l'entretien. Je ne crois pas que j'aurai à tenir de collecte publique pour le père de Mick Jagger.

Dans votre exposé, vous avez parlé de normes nationales. Certains thèmes se dégagent au fil des témoignages que nous entendons devant ce comité. La définition de normes nationales est l'un de ces thèmes. J'aimerais savoir ce que nos trois témoins pensent de la manière dont nous devrions entreprendre des démarches à cet égard. Pourriez-vous nous dire par où il faut commencer, ce qu'il faut ajouter ou extraire de la liste de ces normes et comment nous pouvons y apporter des améliorations?

Mme Hirst : Lorsqu'on pense à des normes nationales, deux choses me viennent immédiatement à l'esprit, bien que la question ne se limite pas à ces deux seuls aspects. Il faut débuter par l'éducation. C'est une question de compétence provinciale, mais certains groupes nationaux travaillent en collaboration avec Mme McDonald, par exemple. Il y a des éléments de base qui devraient faire partie du programme d'études de toutes les facultés. Les soins palliatifs constituent l'exemple parfait à ce titre. Si les facultés pouvaient emboîter le pas avec les soins infirmiers en gérontologie, je serais la première intéressée. De plus, l'éducation doit commencer avant le premier cycle du secondaire. Le second aspect qui vient à l'esprit est celui des soins de longue durée dont la définition varie suivant la région où l'on se trouve. Combien d'employés y sont affectés? Comment ces soins sont-ils financés? Comment les décisions sont-elles prises quant à l'admission dans ces établissements?

Mme McDonald : Nous devons sensibiliser les enfants au vieillissement en tant que phénomène normal de la vie dès l'école primaire en les faisant participer à des activités bénévoles. C'est ce que nous avons fait avec beaucoup de succès à Winnipeg. Les enfants doivent mieux comprendre la réalité du vieillissement et c'est une démarche qui produit des résultats positifs.

En Ontario, le projet de loi 140, la Loi sur les foyers de soins de longue durée, établira des normes, surtout relativement à la maltraitance des personnes âgées, une situation qu'on ne peut absolument pas tolérer. Le projet de loi propose un protocole à suivre en cas de mauvais traitements à l'égard de personnes âgées dans un établissement de soins. C'est une mesure qui fait l'unanimité en Ontario. Nous avons tenu une conférence sur ce sujet et certaines normes sont mises en application, mais il nous faut travailler au niveau universitaire. Nous avons des organismes de réglementation professionnelle pour les médecins, les infirmiers et infirmières, les travailleurs sociaux, les psychologues et les ergothérapeutes, notamment. Dans ces disciplines, la recherche est une exigence de base pour l'octroi d'une licence. Pourquoi n'en va-t-il pas de même pour la gérontologie? C'est un secteur que nous avons tendance à oublier. Nous devons faire des pressions pour que cette exigence figure au programme.

Mme Martin-Matthews : Mes collègues ont soulevé des points importants concernant la formation des professionnels, qui est au cœur même du problème. Il y a un autre aspect à considérer en matière d'éducation. Il a été soulevé à la fin de votre discussion avec les témoins précédents concernant les soins à domicile. Les services aux aînés ne sont pas toujours offerts par des personnes détenant une accréditation professionnelle. Nous savons qu'il y a au Canada quelque 32 000 personnes, des femmes principalement, mais pas exclusivement, qui offrent des services de soutien à domicile pour le bain, l'alimentation, l'hygiène et l'habillement. Dans la plupart des cas, ces personnes n'ont reçu qu'une formation minimale. Elles sont rémunérées pour chaque visite à domicile, sans égard notamment au temps de déplacement. Lorsqu'on se penche sur les aspects liés à l'éducation, il faut tenir compte du rôle important que jouent ces intervenants en conjonction avec les professionnels.

Il faudra 32 000 travailleurs de plus pour répondre à la demande en soutien à domicile au cours des 10 à 15 prochaines années. Nous ne faisons toutefois aucun recrutement dans ce domaine. Dès que ces intervenants ont une formation suffisante, ils vont travailler dans des établissements de soins de longue durée, ce qui leur assure une rémunération stable. Ils savent ainsi quel travail ils auront à accomplir jour après jour. Compte tenu de la structure actuelle de prestation des services de soins à domicile, il leur est impossible de savoir ce qu'ils feront le lendemain et à quel endroit ils vont travailler. Je veux que tout le monde prenne bien conscience du fait que nous avons besoin de ce continuum complet de main-d'œuvre pour servir notre population vieillissante.

Mme McDonald : Les préposés aux soins personnels sont embauchés par les familles, les maisons de repos et les établissements de soins de longue durée à l'extérieur de tout cadre professionnel. On fait appel directement à eux pour prendre soin d'une mère ou d'un père, s'assurer qu'ils sont nourris, qu'ils vont à la salle de bain et ainsi de suite. Dans certains établissements, une famille peut employer jusqu'à trois de ces préposés parce qu'elle ne peut pas toujours être là pour s'assurer de la bonne qualité des soins dispensés. C'est bien de mettre un plateau-repas en face d'un aîné, mais certains ne sont tout simplement pas capables de s'alimenter sans aide. Le recours, caché dans la plupart des cas, à ces personnes qui sont payées sous la table sans avoir droit au salaire minimum fait probablement partie de ces phénomènes dont vous parlez qui nécessitent un grand travail de sensibilisation.

Le sénateur Mercer : C'est souvent par le truchement du travail bénévole que les jeunes prennent intérêt aux soins à dispenser aux membres vieillissants de notre société. Lorsqu'on visite un établissement de soins de longue durée, on peut souvent voir ces groupes de jeunes qui chantent des cantiques de Noël ou participent à la décoration en prévision d'une festivité quelconque. Pensez-vous qu'il peut être profitable de faire davantage appel à ces bénévoles, non seulement pour ce qui est des soins de base aux aînés, mais aussi pour améliorer leur qualité de vie, sans se limiter aux seules questions de santé et de bien-être physique?

Mme Hirst : Il a été établi que les visites intergénérationnelles étaient bénéfiques et je serais la première à préconiser cette avenue.

Il faudrait toutefois s'assurer que les étudiants se rendent bien compte que les aînés se retrouvant dans un établissement de soins ne représentent qu'une certaine proportion de cette population. Il arrive que des étudiants n'aient droit qu'à un portrait partiel lorsqu'ils ne sont pas à même de constater que la situation des aînés peut varier grandement. La visite doit s'accompagner d'un processus de sensibilisation et d'évaluation; il faut également parfois prévoir un jumelage ethnique, car la question de la langue maternelle entre en jeu.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé de la petite quantité de travailleurs disponibles pour accomplir les tâches dans la pratique. Nous devrons très bientôt nous tourner vers l'immigration pour renouveler notre main-d'œuvre. Nous le faisons déjà dans une large mesure, mais ce processus devra s'intensifier à l'avenir.

Notre population active accueille ainsi non seulement de nouveaux travailleurs mais aussi des travailleurs qui nous viennent d'ailleurs et qui ont des perspectives différentes. Nous tous, ici présents, sommes issus de familles qui viennent d'ailleurs, à moins que certains d'entre nous ne soient de descendance autochtone.

Comment pouvons-nous nous préparer à cette évolution? Ces travailleurs viennent s'installer chez nous; leurs parents vieillissent et eux-mêmes également. Ils seront recrutés pour certains de ces emplois. Comment les préparons- nous à composer avec les normes et la culture des gens qui auront besoin de leurs services?

Mme Martin-Matthews : C'est une question intéressante, parce que cela concerne leur formation professionnelle. Nous parlons également d'acculturation et d'adaptation, ainsi que d'une prise de conscience des normes et des valeurs dominantes au sein de la société.

Au Canada, nous recrutons généralement une main-d'œuvre qualifiée, mais nous ne reconnaissons pas encore toutes les compétences que ces travailleurs amènent avec eux. Par exemple, j'ai effectué une étude en Colombie-Britannique auprès de femmes qui occupaient les postes les moins bien rémunérés du système de santé — à savoir les fonctions de base liées à l'alimentation, à l'hygiène et à l'habillement — et j'ai constaté qu'elles prenaient souvent conscience des différences culturelles uniquement lorsqu'elles se retrouvaient dans la salle de bain de la personne. La formation est dispensée par les collèges communautaires qui n'abordent pas ces aspects particuliers. Les chercheurs collaborent d'ailleurs avec les collèges en vue d'intégrer de tels éléments aux programmes de formation.

En outre, bon nombre de ces personnes proviennent des Philippines. Elles ont suivi une formation en soins infirmiers aux Philippines, mais elles viennent s'installer au Canada et leurs titres de compétences ne sont pas reconnus.

Nous avons deux tâches à accomplir. Nous devons établir une norme, un mécanisme pour la reconnaissance des titres de compétence de nos immigrants. Lorsque je viens à Ottawa, il n'est pas rare que je prenne un taxi conduit par un chauffeur qui était ingénieur au Liban ou médecin quelque part au Moyen-Orient.

Nous pouvons combler quelques-unes de nos pénuries de main-d'œuvre en reconnaissant ces titres de compétence et en établissant un seuil approprié de rendement et d'expertise, tout en aidant ces immigrants à évaluer et à comprendre les normes et les valeurs dominantes de la société canadienne.

Mme Hirst : Il y a aussi la possibilité de créer des établissements monoculturels. Il y en a quelques-uns au Canada dont, par exemple, le Toronto Baycrest Centre qui s'adresse à la communauté juive. Il y a aussi un certain nombre d'établissements pour la communauté chinoise. Nous devrions envisager le recrutement au sein des groupes ethniques correspondants à ces différentes installations puis travailler à favoriser leur acculturation dans le contexte général de la société canadienne. Il existe un certain nombre d'établissements de qualité qui ont opté pour cette structure.

La présidente : Avant de laisser la parole au sénateur Cordy, j'ai une question concernant un point que vous avez soulevé, madame Hirst, relativement à l'évolution des conditions dans les établissements de soins de longue durée. Je sais qu'ils ne sont pas tous définis de la même manière, mais ils se distinguent également en raison des changements qui se sont produits, il me semble, au cours des 20 dernières années.

À une certaine époque, il y avait quatre niveaux de soins dans ces établissements. Il n'y en a maintenant plus que deux, parce que les personnes qui se situaient aux niveaux un et deux, et même quelques-unes du niveau trois, vivent désormais sans problème au sein de la communauté. Les établissements de soins de longue durée sont ainsi devenus des lieux où l'on dispense des soins complexes de façon beaucoup plus intensive.

Avons-nous modifié les niveaux de dotation de ces établissements pour tenir compte du fait qu'ils doivent maintenant s'occuper de patients dont les besoins sont beaucoup plus complexes, ou demandons-nous encore aux mêmes infirmières, aides-soignants et infirmières auxiliaires d'offrir ces soins alors que la tâche est devenue beaucoup plus lourde?

Mme Hirst : Je dirais même que nous avons réduit les exigences. Là où nous avions auparavant des infirmières autorisées, par exemple, nous faisons maintenant appel à des infirmières auxiliaires ou à des auxiliaires psychiatriques. Pour les tâches qui étaient confiées à des infirmières auxiliaires, nous utilisons maintenant des aides soignants, en raison des préoccupations de financement.

Mme McDonald : C'est ce qui se passe en Ontario.

Mme Hirst : C'est la même chose en Alberta, en Colombie-Britannique et en Saskatchewan. Cette situation est déplorable.

Mme McDonald : Les soins à dispenser sont plus complexes et le personnel n'a pas la formation requise. C'est un phénomène qui est en train de se développer devant nos yeux.

La présidente : N'est-ce pas l'une des raisons de l'épuisement professionnel?

Mme Hirst : Sans doute. Cela explique également la prévalence des cas d'abus et de négligence dans nos établissements. J'ai délibérément évité de parler de mauvais traitements à l'endroit des personnes âgées. Nous n'offrons pas des soins de qualité. On n'arrive pas à offrir de tels soins en établissement parce qu'on a trop peu de temps à consacrer à chacun des patients. J'aurai besoin de plus de temps pour offrir des soins de meilleure qualité et pouvoir être davantage à l'écoute des patients. Je pense avoir une très bonne capacité d'écoute, mais j'ai un trop grand nombre de patients à voir.

Le sénateur Cordy : En revenant de l'aéroport aujourd'hui, j'ai discuté avec le chauffeur de taxi qui était ingénieur électricien en Inde avant de venir s'installer à Ottawa, il y a 18 mois. Il n'est pas rare que dès que l'on se rend compte que nous venons sur la Colline du Parlement, on nous demande de régler le problème de la reconnaissance des titres. C'est vraiment regrettable que notre pays ne puisse pas mettre à contribution des personnes aussi compétentes à la mesure de leur capacité, alors même que nous connaissons des pénuries de main-d'œuvre dans bien des secteurs.

Mme Martin-Matthews a parlé de transfert de connaissances et Mme McDonald a traité du même sujet dans des termes différents. Il s'agit en fait d'appliquer les résultats de la recherche dans la pratique.

Est-ce que les pratiques les plus efficaces sont mises en commun au Canada dans le secteur de la gérontologie, ou bien est-ce que chacun travaille en vase clos?

Mme Martin-Matthews : La réponse est à la fois oui et non. Si je compare avec l'époque où je suis arrivée dans le domaine, il y a 30 ans, nous sommes maintenant beaucoup plus conscientisés. J'ai pu constater un changement véritable, au cours de la dernière décennie et surtout des cinq dernières années, quant à la reconnaissance du fait que certaines connaissances sont essentielles dans des secteurs cruciaux.

Nous devons maintenant nous assurer de sensibiliser à cet état de fait les personnes qui travaillent en milieu clinique ou à l'élaboration de politiques. Par rapport à la situation d'il y a 30 ans, on met actuellement beaucoup plus l'accent sur ce type de responsabilisation lorsque des activités de recherche sont financées.

Nous avons par exemple le Programme des alliances communautaires pour la recherche en santé qui exige que les chercheurs travaillent en partenariat avec un groupe local avant même qu'un projet ne soit financé. C'est l'un des programmes initiaux qui a été mis en œuvre dans le cadre des IRSC.

Si nous finançons une recherche sur la maladie d'Alzheimer, il est fréquent que les chercheurs travaillent avec l'établissement ou la société locale d'Alzheimer pour faire en sorte que leur partenariat ne vise pas seulement la recherche de solutions au problème étudié, mais également la façon dont la question doit être formulée. Qu'est-ce qu'on veut savoir? Il ne s'agit pas simplement d'une question qui vient de nulle part. Je ne le dis pas de manière péjorative, mais la question ne vient pas des intervenants communautaires à eux seuls; elle est établie en partenariat avec les chercheurs.

Ceci étant dit, il y a encore beaucoup de chemin à faire. J'ai participé à une réunion à Winnipeg au début octobre. Nous discutions avec un groupe de physiothérapeutes et d'ergothérapeutes de questions liées à la mobilité et au vieillissement. Ces spécialistes nous disaient qu'ils n'ont tout simplement pas le temps nécessaire, dans le cadre des fonctions qu'ils remplissent au sein de leurs établissements respectifs, pour prendre connaissance des travaux universitaires qui les éclaireraient quant aux perspectives les plus récentes concernant différentes procédures. Nous avons parlé des possibilités de faire appel à des stagiaires ou à des professionnels nouvellement formés, qui ont eu le temps d'examiner à fond les plus récents travaux de recherche, afin qu'ils servent de référence au sein des équipes de traitement.

Nous avons encore un grand travail de réflexion à faire pour déterminer les façons optimales d'effectuer le transfert des connaissances. Aux IRSC, nous avons un nouveau vice-président chargé de l'application des connaissances qui travaille avec nous pour dégager les pratiques les plus efficaces. Nous pensons tous savoir ce dont nous parlons lorsque nous utilisons les termes transfert des connaissances et application des connaissances. Nous sommes généralement tous sur la même longueur d'onde à ce chapitre, mais nous ne savons pas quelles sont les pratiques optimales pour faire le lien entre chercheurs et praticiens. Je suis toutefois plus optimiste que je ne l'étais à ce sujet.

Mme McDonald : À l'INSA, nous avons différents modèles pour le transfert des connaissances dans les différentes régions du pays et nous allons effectuer des évaluations pour déterminer lequel est le plus efficace et le plus rapide. C'est ce que nous nous employons à faire. Nous demandons sans cesse des subventions de recherche pour poursuivre ce travail et nous obtenons de bons résultats.

Nous essaierons de déterminer ce qui peut fonctionner dans différents contextes. Nous pensons que la situation ne sera pas la même en milieu rural, par rapport à la grande ville; nous estimons également que la diversité ethnique fera une différence. Nous devons explorer plusieurs modèles. Pour trouver les pratiques les plus efficaces, nous avons examiné les travaux effectués un peu partout sur la planète concernant le transfert de connaissances.

Au Royaume-Uni, on veut développer la profession de courtier en connaissances. Au départ, je me suis demandé pourquoi. Après réflexion, l'idée ne m'apparaît pas si mauvaise étant donné les grandes quantités de connaissances en circulation. Mme Martin-Matthews a raison; nous avons accès à une grande masse de connaissances, mais nous devons choisir celles qui sont les plus pertinentes. Il y a le réseau Cochrane, dont vous connaissez sans doute l'existence, et le réseau Campbell, qui établit les normes pour des pratiques factuelles efficaces. Comment savoir si un travail de recherche est valable? Je sais que notre réseau se fie à ces deux organisations. Nous prenons nos décisions en nous basant sur ces normes, et je pense que c'est ce que font de plus en plus de gens.

Le sénateur Cordy : On est pratiquement pris dans un engrenage — il y a pénurie de main-d'œuvre dans ce domaine et vous essayez d'échanger de l'information.

Madame McDonald, vous transférez les connaissances à ceux qui en ont besoin. Parlez-vous de ceux qui en ont besoin pour offrir les services, des aînés qui ont besoin de ces services ou des deux à la fois?

Mme McDonald : Comme nous avons des ressources financières limitées, nous avons débuté avec les trois professions dont je vous ai parlé. Par exemple, nous avons un bulletin d'information virtuel qui est diffusé à toutes les deux semaines. On choisit trois nouveaux articles d'importance, on les évalue en fonction des normes que j'ai mentionnées, et on rédige un résumé d'un paragraphe en français ou en anglais pour tenir les gens au fait des nouveaux travaux qui s'effectuent. Les professionnels n'ont ainsi qu'à lire ce bulletin pour mettre à jour leurs connaissances dans leur domaine.

Notre travail s'adresse aux intervenants sur le terrain, mais nous avons également consulté des aînés qui nous ont indiqué si quelque chose pouvait fonctionner ou pas, ou s'il valait mieux y renoncer totalement. Comme ils sont entièrement indépendants, ces aînés peuvent nous faire part de leurs opinions à leur guise. Encore là, on fonctionne un peu de façon aléatoire dans les différentes régions quant à savoir qui veut contribuer et qui est suffisamment mobilisé pour ce faire. Je dis aux gens que s'ils ne veulent pas travailler, ils ne devraient pas se joindre à notre réseau, parce que nous ne ménageons pas nos efforts.

Le sénateur Cordy : Votre évaluation est faite par des gens qui ne font pas partie de votre groupe.

Mme McDonald : Tout à fait.

Le sénateur Cordy : Je veux maintenant changer de sujet pour parler des aînés qui ont des problèmes de santé mentale. Si l'on considère la population canadienne dans son ensemble, une personne sur cinq connaîtra de tels problèmes au cours de sa vie. De très nombreux témoins nous ont dit à quel point il pouvait être difficile de fournir des services aux personnes âgées. Dans quelle mesure cette tâche devient-elle plus complexe lorsqu'il s'agit d'aînés vivant avec une maladie mentale? Je pense à l'exemple de cette femme qui ne cessait de se frotter les joues dont Mme Hirst nous a parlé.

Mme Hirst : C'est le travail sur les sans-abri effectué par Mme McDonald qui me vient à l'esprit.

Mme McDonald : Nous avons mené une étude « In from the Streets » sur les aînés sans-abri à Toronto. Nous nous sommes d'abord intéressés aux personnes de 50 ans et plus qui vivaient dans la rue. Nous avons ensuite examiné la situation des personnes vivant en logement supervisé pour voir comment elles en étaient arrivées là.

La plupart de ces personnes avaient des problèmes de santé mentale et n'ont reçu des traitements qu'une fois prises en charge suivant une formule quelconque de logement. Lorsqu'on parle de logement supervisé, c'est généralement parce que des services y sont offerts, que ce soit par des professionnels sur place ou en visite.

Grâce aux données de la Régie de l'assurance-maladie de l'Ontario, nous avons pu démontrer que ces personnes qui vivaient auparavant dans la rue ont vu leur santé physique et mentale s'améliorer une fois installées en logement supervisé. Elles avaient besoin de ces services. Lorsqu'elles vivaient en itinérance, elles n'y avaient pas accès; ce qui est, à mon avis, à peu près la situation la plus précaire dans laquelle vous pouvez vous retrouver au Canada.

Si vous invitez des gérontopsychiatres à comparaître devant vous, ils pourront vous expliquer la situation. Mais c'est une denrée rare. Comme ils sont peu nombreux, on peut se demander comment une personne aux prises avec une dépression grave peut arriver à obtenir une consultation si un début de maladie d'Alzheimer vient compliquer le tout.

Mme Hirst : Il y a également des considérations culturelles à prendre en compte. Nous savons qu'au sein de certains groupes culturels, il n'est pas acceptable de parler de santé mentale; c'est un sujet tabou. La diversité ethnique est donc un aspect à considérer au chapitre des services de santé mentale. Il est établi que des aînés de différentes origines ethniques n'ont pas accès aux services de santé dont ils ont besoin.

Mme McDonald : Rosemary Myers a mené à Toronto une étude sur les aînés de différentes origines ethniques qui ne pouvaient avoir accès à des services pour leurs problèmes de santé mentale. C'est un travail assez substantiel. Je ne sais pas de combien de temps on parle exactement.

Mme Martin-Matthews : Ce sont toutes des questions primordiales, tout comme celle de la stigmatisation des problèmes de santé mentale et de l'importance insuffisante accordée aux services pouvant être requis.

Il peut également être intéressant de constater que si les problèmes ne manquent pas, on connaît également certains succès. L'un de mes exemples favoris d'une telle situation où la recherche a mené à l'action directe est le Fonds pour l'adaptation des services de santé. Cette initiative financée par le gouvernement dans la seconde partie des années 90 par l'entremise de Santé Canada a débouché sur la publication de documents de synthèse en 2001. J'ai rédigé celui qui traitait de la santé des personnes âgées. Il y avait aussi notamment des documents sur les soins à domicile et la santé mentale.

Une des recommandations formulées grâce au Fonds pour l'adaptation des services de santé, qui a permis le financement de projets pilotes dans tout le pays, portait sur l'intégration du travail des pharmaciens et des médecins. Il faut que le pharmacien et le médecin, ou les cinq médecins si une personne en a cinq, collaborent pour s'assurer que chacun dispose d'un profil des médicaments pris par le patient. Les projets pilotes en ce sens ont donné des résultats extrêmement intéressants.

Je me réjouis que des expériences de ce genre puissent avoir cours au Canada — je ne sais pas s'il y en a dans toutes les provinces, mais je peux certes vous assurer que c'est le cas chez moi en Colombie-Britannique de même qu'à Terre- Neuve-et-Labrador. Dès qu'une personne reçoit son congé de l'hôpital ou est confrontée à un autre problème de santé, on fait appel à un médecin pour examiner tous les médicaments qui lui sont prescrits. Il arrive que la dépression, la confusion et le délire soient liés à la combinaison des produits pharmaceutiques qui sont consommés. Nous en avons par exemple encore beaucoup à apprendre sur la façon dont ces produits interagissent dans le corps d'une personne de 91 ans.

Il est important de reconnaître que certaines interventions fondées sur des données factuelles se sont révélées très efficaces et apparaissent prometteuses. Même si l'on ne règle pas ainsi tous les problèmes soulevés par mes collègues, il y a bel et bien quelques histoires de réussite sur lesquelles nous pouvons miser.

Mme McDonald : Je veux vous parler d'une incroyable histoire de réussite. Cette affiche qui parle d'action politique a été conçue par des personnes âgées sans-abri. Nous avons trois points sur cette affiche que nous envoyons aux députés fédéraux et provinciaux. Nous fournissons les timbres, mais ce sont ces personnes qui ont conçu l'affiche. Nous avons ainsi rencontré une quinzaine d'entre elles régulièrement pendant une année. Une fois le projet terminé, ces personnes sont venues nous dire qu'elles en avaient tiré une telle satisfaction qu'elles souhaitaient en faire davantage. Elles ont donc créé un réseau de conférences qui leur a permis de se déplacer pour parler aux gens de la réalité d'un sans-abri et de la stigmatisation des problèmes de santé mentale. Ces gens ont maintenant un logement et profitent de mesures de soutien; ils s'en tirent plutôt bien. Ils ont trouvé une activité propice à leur épanouissement.

Le sénateur Murray : Soit dit en passant, vous n'avez pas besoin de timbre pour envoyer quelque chose à un député fédéral ou provincial.

Mme McDonald : Nous en avons utilisé en Ontario.

La présidente : Vous pouvez le faire avec les députés de l'Ontario, mais ce n'est pas nécessaire pour les députés fédéraux et les sénateurs.

Merci, chers collègues, et, surtout, un grand merci à nos témoins. Notre séance de travail de cet après-midi a été extraordinaire. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir ainsi pris de votre temps pour nous faire profiter de vos connaissances.

Honorables sénateurs, vous aurez noté que la semaine dernière, on a annoncé la tenue d'une réunion en février sur les personnes âgées et les services de protection civile. Vous allez tous recevoir un courriel à ce sujet. Si vous souhaitez participer à cette activité, nous disposons des ressources nécessaires. Je veux donc que l'on vous fasse parvenir tous les détails pertinents. Pour l'instant, je sais seulement que le tout aura lieu à Winnipeg en février.

Mme Hirst : Du 6 au 9 février.

La présidente : Nos témoins sont au courant et nous facilitent un peu les choses. Je vous prie de m'indiquer si vous souhaitez y participer.

La séance est levée.


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