Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement
Fascicule 3 - Témoignages du 12 février 2007
OTTAWA, le lundi 12 février 2007
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 12 h 38, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les incidences du vieillissement de la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, pour commencer, j'ai des renseignements sur les autres sénateurs. Ils assisteront à la réunion, mais les sénateurs Keon et Chaput auront environ 40 minutes de retard. L'avion du sénateur Cordy vient d'atterrir; nous prévoyons donc qu'elle sera des nôtres aujourd'hui.
Nous recevons un témoin qui a déjà comparu devant nous; il s'agit de Peter Hicks, directeur exécutif, Analyse stratégique, vérification et évaluation, Ressources humaines et Développement social Canada.
Nous avons invité M. Hicks à comparaître de nouveau parce que ses propos nous ont donné matière à réflexion. Cependant, comme il était accompagné d'un grand nombre de personnes, nous n'avons pas pu lui poser les questions précises que nous aimerions lui poser aujourd'hui.
Je crois savoir, monsieur Hicks, que vous allez nous présenter un exposé, après quoi nous allons poser des questions. Nous savons que vous avez eu très peu de temps pour vous préparer pour cette réunion et nous vous remercions d'être avec nous aujourd'hui.
Peter Hicks, directeur exécutif, Analyse stratégique, vérification et évaluation, Ressources humaines et Développement social Canada : Malgré le court préavis, je suis heureux d'être ici aujourd'hui.
J'ai étudié les questions dont le comité est saisi, et ce, non seulement au Canada, mais également au sein de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, où j'ai coordonné une grande partie des travaux sur les incidences du vieillissement de la population dans divers pays. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Je vais parcourir rapidement mes notes. Lorsqu'on parle d'études sur le vieillissement, on fait généralement référence à deux différents types d'études. Elles sont tout aussi importantes l'une que l'autre, mais si on ne fait pas la distinction entre les deux, il peut parfois y avoir de la confusion. Premièrement, il y a les études sur le vieillissement individuel, qui portent en fait sur les aînés et qui visent à déterminer quelles politiques ont des répercussions sur ce groupe de personnes.
Quand on parle du « vieillissement de la population », ou « vieillissement de la société », que vous étudiez dans le cadre de votre mandat, on fait plutôt référence aux effets de l'évolution de la structure par âge et de la taille de la population. Il est question ici non pas tant des aînés, mais de l'aspect financier, notamment du financement des régimes de pension et du système de santé, et des conséquences de l'apprentissage continu et du vieillissement de la population active, tant sur le plan social qu'économique. Voilà les sujets qui ont surtout dominé les discussions au cours de la dernière décennie, en raison, de toute évidence, de l'imminence du départ à la retraite des baby-boomers.
La plupart des discussions ont porté davantage sur le vieillissement de la population que sur les aînés. Partout dans le monde, le débat tourne moins autour de la capacité d'assumer les coûts associés au vieillissement — la plupart des pays ayant réglé cette question — que du déclin de la population, à cause des taux de fécondité insuffisants pour renouveler les générations. Ce problème ne fait pas l'objet d'un débat à l'échelle nationale; il se limite au Québec et à quelques autres provinces.
Je peux vous parler du vieillissement de la population ainsi que de la souplesse relativement au parcours de vie. Quand j'ai reçu l'invitation à comparaître la semaine passée, j'étais quelque peu hésitant parce que je n'ai pas toutes les connaissances voulues pour vous entretenir des personnes âgées. Il y a des gens au sein du ministère qui sont chargés des programmes destinés aux retraités, et vous vous souvenez peut-être que lorsque j'ai témoigné devant vous, c'est à leur expertise, et non à la mienne, que je me suis fié. Je ne peux pas faire d'observations sur le régime de pensions ni sur le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Je suis aussi mal placé pour conseiller le sénateur LeBreton; cette tâche revient à d'autres collègues, et ils seraient ravis de revenir au moment opportun.
Je suis en mesure de répondre aux questions portant sur le vieillissement de la population selon la perspective du parcours de vie. Pour ce qui est des autres questions sur les aînés, je suis incapable d'y répondre.
Votre première question porte sur la définition des aînés. Ce qu'il faut surtout retenir, c'est qu'il existe un problème fondamental dans tous les pays de l'OCDE : le nombre de jeunes aux études augmente. Non, je me reprends. Le nombre d'années consacrées aux études augmente, la durée de la retraite s'accroît considérablement, et la période que les personnes d'âge moyen passent sur le marché du travail diminue. Depuis un certain temps déjà, les pays de l'OCDE considèrent cette situation comme un grave problème économique, en raison des répercussions financières et de la nécessité de connaître l'offre et la demande.
Tout récemment, une dimension sociale est venue s'ajouter au problème. Les gens commencent à se demander pourquoi être seulement un tiers de la vie actif et en bonne santé, alors que beaucoup souhaitent travailler plus longtemps, même si ce n'est pas la majorité. Pourquoi concentre-t-on le travail au milieu de la vie? Ne serait-il pas mieux d'avoir un système qui nous offre plus de souplesse pour organiser l'apprentissage, les soins, le travail et les loisirs? C'est cette dimension sociale qui s'est ajoutée à la dimension économique qui prédominait dans les années 1990.
Pour régler ce problème, plusieurs pays, comme vous le mentionnez dans votre question, prennent des mesures pour augmenter l'âge d'admissibilité aux prestations de retraite. C'est ce qu'ont fait les Américains il y a de nombreuses années, et bien d'autres pays ont récemment suivi leur exemple. Toutefois, certains, comme la Suède, ont adopté une approche différente. Au lieu d'augmenter l'âge d'admissibilité, ils rajustent les prestations en fonction de la longévité du groupe d'âge qui les reçoit.
J'ai noté en style télégraphique des faits montrant que l'âge d'admissibilité est manifestement un facteur important, mais pas en ce sens qu'il peut engendrer de grands changements. De nos jours, la plupart des gens prennent leur retraite bien avant l'âge de 65 ans. Au Canada, les tendances en matière de retraite ont beaucoup évolué au cours des cinq dernières années, peu importe les changements apportés à l'âge d'admissibilité. Les gens s'adaptent. Si l'on souhaite éliminer les incitatifs à la retraite précoce, il n'est pas nécessaire de modifier l'âge d'admissibilité; il existe bien d'autres façons de s'y prendre; il y a de nombreuses solutions de rechange.
En règle générale, les pays qui ont augmenté l'âge d'admissibilité l'ont fait progressivement, en informant les gens suffisamment à l'avance. Le changement a davantage pour objet de faire prendre conscience que nous passons plus d'années à la retraite en bonne santé que de provoquer un effet direct. Cela ne veut pas dire que la modification de l'âge d'admissibilité n'a aucune importance, mais au bout du compte, elle a très peu d'incidence directe sur le nombre d'années passées sur le marché du travail.
Y a-t-il des solutions de rechange? Il va sans dire qu'il en existe. Il n'y a aucun facteur biologique qui nous indique que nous devons partir à la retraite à l'âge de 65 ans. Évidemment, au début du siècle dernier, c'était peut-être le cas pour les travailleurs manuels, comme ceux travaillant dans la construction ou sur les lignes d'usinage. Dans la plupart des cas, ces personnes ne pouvaient travailler bien au-delà de l'âge de 65 ans, mais ce n'est pratiquement plus le cas de nos jours. Parallèlement, sur le plan social, aucune raison évidente n'explique pourquoi nous devrions abandonner, à l'âge de 65 ans, une des institutions les plus importantes et les plus valorisantes de notre société. Certaines personnes arrêtent de travailler pour des raisons de santé ou autres, mais rien dans notre société ou notre biologie ne dicte que nous devons prendre notre retraite à l'âge de 65 ans.
Pour en revenir aux solutions de rechange, un des témoins que le comité a entendu, Byron Spencer, a souligné que le concept de la vieillisse a changé. Faut-il en conclure que l'âge de la vieillesse varie d'une personne à l'autre? Pouvons- nous établir un lien entre prendre de l'âge et vivre vieux? À des fins d'analyse, c'est possible, mais je mets quiconque au défi de concevoir un programme raisonnable lié à la longévité. Nul ne sait quand il mourra; par conséquent, on établi une formule pour calculer les prestations de retraite.
Avons-nous réellement besoin de fixer un âge d'admissibilité? S'il fallait tout recommencer, la plupart d'entre nous dirait : « Pourquoi ne pas nous laisser entièrement le choix de travailler, d'avoir des loisirs, d'étudier ou de s'occuper des autres avec une plus grande marge de manœuvre tout au long de notre vie? Pourquoi avons-nous un âge fixe de la retraite? Tout le système devrait changer, car chacun d'entre nous a des préférences différentes pour ce qui est du travail et des loisirs. Nous n'avons pas tous l'envie ni la possibilité de travailler. »
Si on ne fixe tout simplement plus d'âge pour la retraite, il est clair que certaines personnes seront désavantagées. Il y a des gens qui n'arrivent pas à trouver du travail ou qui sont malades et qui ne pourront plus travailler pendant encore bien longtemps. Si nous éliminons la garantie d'une pension à 65 ans, il faut veiller à ce que tous jouissent de choix véritables. À long terme, il est envisageable de ne plus fixer d'âge pour la retraite et de créer un régime plus souple.
On se demande souvent si on ne devrait pas établir un autre âge, soit le quatrième âge, qu'on situe souvent aux alentours de 75 ans et qui marque un changement biologique de même que le passage vers une santé plus fragile et le recours à de l'aide pour conserver son autonomie et sa dignité. Bien des gens soutiennent qu'on devrait envisager une nouvelle ligne de démarcation chez les personnes âgées. Le problème est que l'âge auquel se fait ce passage varie d'une personne à une autre : l'âge de 75 ans revêt un caractère pratique. Chez certaines personnes, c'est à 55 ans que la santé devient plus fragile, tandis que pour d'autres, c'est à 95 ans. Et les personnes qui meurent en bonne santé ne vivent jamais ce 4e age. Quand on établit des lignes de démarcation, il est difficile de comprendre pourquoi nous adopterions des politiques à l'intention des personnes qui deviennent invalides à la fin de leur vie différentes de celles s'adressant aux gens qui le deviennent à 65, 55 ou 45 ans. Il s'agit là d'une question qui concerne le vieillissement. Je ne vous éclaire pas beaucoup, car je n'ai pas de réponses à vous offrir.
Au sujet de la diversité des personnes âgées, vous vouliez savoir si le Cadre national sur le vieillissement reflète encore la pensée actuelle.
Le Cadre national sur le vieillissement concerne les politiques visant les personnes âgées. Pour répondre aux questions précises qui intéressent la plupart d'entre vous, vous allez devoir inviter des représentants du ministère compétents en la matière. Permettez-moi néanmoins de vous dire que vous avez posé là une excellente question. Le cadre a été élaboré au milieu des années 1990 avec le vocabulaire utilisé dans le contexte de l'Année internationale des personnes âgées, en 1999. Les années 1990 ne sont pas si loin, mais le monde n'est plus ce qu'il était à cette époque. Souvenez-vous que dans ces années-là, très peu de personnes de plus de 65 ans occupaient un emploi; il y en avait dans quelques domaines seulement et on comptait un petit nombre de travailleurs autonomes de cet âge. Nous étions à la fin d'une période 20 à 25 ans durant laquelle les gens avaient tendance à prendre leur retraite de plus en plus tôt. À cette époque, les débats dans le domaine de la santé portaient sur l'inquiétude qu'une plus grande espérance de vie se traduirait par le prolongement d'une mauvaise santé. Ce sujet-là était au coeur des discussions dans les années 1990. Les gens pensaient que l'augmentation de l'espérance de vie signifiait vivre plus longtemps en mauvaise santé et ne croyaient pas que c'était une bonne chose.
La population active avait grandement diminué. On se préoccupait du fait que les gens prenaient leur retraite de plus en plus tôt et que la mauvaise santé des personnes constituerait un problème important puisqu'elles auraient davantage recours à de l'aide pour conserver leur autonomie. Les principes prescrits par le cadre s'appliquent aux personnes de tous âges et ils sont encore tout à fait valables aujourd'hui. Il s'agit de la dignité, de l'autonomie, de la participation à la société, de l'équité et de la sécurité. Ces principes avaient un sens particulier car on savait que bien des gens n'allaient plus être sur le marché du travail. Ils sont encore valables, mais ils s'appliquent à une société qui est complètement différente de celle des années 1990. À ce moment-là, le chômage était la principale préoccupation. Où étaient les emplois qui allaient nous permettre de travailler plus longtemps? C'était insensé. Aujourd'hui, nous parlons des pénuries de main-d'oeuvre. On ne pouvait pas voir dans les années 1990 que la tendance s'était déjà inversée. Les gens plus âgés travaillaient beaucoup plus longtemps. C'est vers 1996 que la tendance s'est inversée, mais nous ne pouvions pas l'observer dans les années 1990. C'est maintenant que nous le voyons. Les gens travaillent en effet plus longtemps. Les pénuries de main-d'oeuvre constituent le sujet de l'heure. Des recherches montrent qu'une plus longue espérance de vie signifie que les gens vivent une grande partie des années supplémentaires en bonne santé. Ce sujet-là fait encore l'objet d'une discussion, mais le débat est pratiquement clos. Dans l'ensemble, il y a davantage d'optimisme à cet égard.
Vous avez raison de poser la question. C'est en 2012 que les baby-boomers vont commencer à prendre leur retraite. Souvent, nous pensons que c'est déjà commencé, mais c'est en 2012 que les premiers baby-boomers atteindront l'âge de 65 ans. Dans les dix ans qui suivront 2012, le monde sera très différent de celui des années 1990 sur le plan du marché du travail et de la situation sociale des personnes âgées.
J'estime que vous faites très bien de soulever cette question. Je ne peux pas deviner à quoi ressemblera le monde après 2012, mais je crois qu'on peut parier qu'il ne ressemblera pratiquement en rien à celui des années 1990. Il faut se demander ceci : sommes-nous suffisamment près de 2012 pour trouver de bonnes réponses à cette question ou devrions-nous attendre pour y répondre? Je ne le sais pas. Je crois que les travaux de votre comité seront particulièrement utiles à cet égard.
Troisièmement, le comité s'est interrogé aussi au sujet de plusieurs cadres. Quel est le meilleur cadre pour discuter de ces choses-là? Vous avez parlé de la perspective du parcours de vie, du vieillissement actif et du vieillissement en santé. La perspective du parcours de vie est celle qui permet une analyse sérieuse. Les deux autres sont des slogans. Cette perspective constitue le cadre de réflexion.
La plupart des politiques en vigueur visent principalement des interventions ponctuelles. Nous prévoyons des mesures pour les gens qui, l'an passé, ont eu un faible revenu; nous offrons le programme de deuxième année aux enfants de 7 ans; et cetera. La perspective du parcours de vie est contraire à cette approche. Elle suppose que nous devrions examiner la vie dans son ensemble et nous oblige à reconnaître que les événements à un stade de la vie d'une personne changent bien des choses à des stades ultérieurs : l'entrée à l'école, le passage à l'adolescence, l'entrée sur le marché du travail et la retraite. À l'âge de la vieillesse, le revenu et l'état de santé ne changeront généralement plus beaucoup. Il en va de même à l'âge moyen, quoique pas tout à fait au début de cette période.
La perspective du parcours de vie nous porte à faire cette analyse et à privilégier des politiques d'investissement social et préventives plutôt que des politiques interventionnistes qui s'appliquent à une période précise plus tard dans la vie.
En outre, la perspective du parcours de vie suscite une analyse beaucoup plus peaufinée. Elle nous force à étudier la vie que mènent véritablement les gens. Elle implique une analyse tant qualitative que quantitative. Elle nous oblige à examiner la gamme des ressources dont les gens disposent, à savoir non seulement le revenu, mais aussi le temps, et ce dans l'optique de la famille, du travail, de la collectivité et du gouvernement. Elle nous amène à nous pencher sur le capital humain et d'autres actifs de la sorte.
Nous avons toujours voulu nous doter de politiques qui tiennent compte du parcours de vie. Il va de soi que la vie est composée d'étapes qui se succèdent. Toutefois, nous n'avons jamais eu les outils nous permettant de le faire. Ces outils, à savoir des études longitudinales et de nouvelles techniques d'analyse, commencent à être à notre disposition et nous permettent dorénavant d'élaborer des politiques fondées sur le parcours de vie. Cependant, nous n'observons pas encore de grands changements. Nous en sommes encore au stade de l'analyse et de la réflexion. Je suis certain qu'à mesure que ces nouveaux outils et nouvelles bases de données seront de plus en plus utilisés, les politiques évolueront, mais ce n'est pas demain la veille. Il faudra bien des années. D'ici à ce que les baby-boomers atteignent l'âge de 65 ans, en 2012, nous serons davantage en mesure d'élaborer des politiques mieux adaptées aux véritables besoins des gens de cette génération.
Le vieillissement actif est un slogan inventé par l'OCDE. En fait, c'est moi qui y ai pensé. Les Américains parlaient du vieillissement productif, qui est un terme qu'on n'a pas réussi à faire accepter à l'échelle internationale. Les Européens ne l'aimaient pas, alors nous avons inventé l'expression « vieillissement actif ». Les deux termes signifient pratiquement la même chose, soit que nous devrions tous être en mesure de participer à toutes les institutions de la société pendant que nous vieillissons, y compris le marché du travail.
Le vieillissement en santé a un sens un peu plus restreint que le vieillissement actif. Comme les déterminants de la santé et ceux du bien-être collectif se chevauchent considérablement, ils sont donc liés. Cependant, cette expression met l'accent sur la condition physique, la santé et la réduction des contraintes de la vie qui entraînent la perte d'autonomie et de dignité.
Je pense que l'expression « vieillissement actif » a peut-être fait son temps. Les slogans ne durent pas. Il faut les utiliser avec modération. Cela dit, le genre d'analyses que suscite la perspective du parcours de vie seront toujours judicieuses.
Votre dernière question porte sur le rôle du gouvernement fédéral. J'avoue que je ne peux pas répondre à votre question concernant les personnes âgées et le vieillissement. Je sais que vous aimeriez que j'y réponde, mais je peux vous dire que j'ai parlé à des personnes compétentes au sein du ministère, et je vous invite à les convoquer. Je crois que vous avez d'ailleurs déjà discuté avec le sénateur LeBreton. Je ne sais pas comment se sont déroulées ces discussions, mais je sais que les gens du ministère ont hâte de vous entretenir du rôle du gouvernement fédéral.
Quant aux sujets que je peux aborder — le vieillissement de la population et le parcours de vie — je peux vous dire qu'il est inévitable qu'il y ait des problèmes, mais que le Canada fait assez bonne figure à ce chapitre comparativement à la plupart des autres pays. Notre situation financière et celle des régimes de pensions sont bonnes. Quant aux soins de santé, qui dans tous les pays est un secteur difficile à gérer, nous y voyons déjà de près. Les tendances au Canada en matière de retraite sont variées. Nous pourrions faire plus, et il le faut. Cela ne fait aucun doute. Dans l'ensemble, comparativement à la plupart des autres pays, le vieillissement de la population au Canada ne pose pas beaucoup de difficultés. Certains pensent que, par rapport à l'Allemagne ou au Japon, le problème du vieillissement de la population au Canada n'est pas aussi important. Je dois dire que c'est vrai en termes de chiffres absolus, mais sur le plan du rythme, la population canadienne vieillit plus rapidement que celle de la plupart des autres pays du monde. Nous avons comme eux un grand défi à relever, mais il semble que nous soyons mieux à même d'y faire face.
Souvent, quand vient le temps d'élaborer une politique à propos de quoi que ce soit, nous commençons par dire que puisque la population vieillit, nous devons par conséquent... Le vieillissement de la population nous indique que la société se composera d'un nombre bien plus élevé de personnes âgées et de beaucoup moins de jeunes, mais cela ne nous dit par contre aucunement comment faire face à ce phénomène. La principale solution est de supprimer les facteurs de dissuasion au travail, mais c'est ce que nous devons faire même si la population n'est pas vieillissante. Aussi, on dit souvent qu'il faut accroître la productivité, et c'est tout à fait vrai. Bien sûr, c'est encore ce qui s'impose, que la population soit ou non vieillissante. De même, il faut peu importe veiller à ce que le système de santé soit efficace et fonctionne bien.
Le vieillissement de la population en tant que tel nous donne peu d'indications sur les mesures à prendre, mais il nous dicte par contre quand nous devrions agir, à cause des pressions exercées sur le système. Au lieu de se pencher sur le vieillissement de la population proprement dit, votre comité devrait peut-être étudier davantage le lien qui existe entre les pressions qui s'exercent et certains des éléments touchant le parcours de vie pour lesquels vous avez signifié un intérêt. Je crois qu'il y aurait lieu de formuler des recommandations et de faire des études sur la vie que mèneront les baby boomers à la retraite ainsi que sur le vieillissement de la population. Certaines des études qui ont déjà été effectuées sont selon moi désuètes. Je ne pense pas qu'une autre étude sur la population — et je dois dire qu'il y en a eu des excellentes — nous apprendrait grand-chose de nouveau. J'ai probablement tort, mais j'estime qu'il serait intéressant que votre comité se penche sur tout cela étant donné que votre mandat vous le permet.
Je vous remercie, et je suis désolé d'avoir été si long.
Le président : Ne soyez pas désolé, vos propos sont fort intéressants.
J'aimerais surtout savoir si vous avez des suggestions à faire en ce qui concerne l'élimination des facteurs de dissuasion au travail. Que pourrions-nous faire à cet égard au Canada, tout en veillant — comme vous l'avez mentionné je crois — à protéger les personnes qui ont besoin des programmes existants, que ce soit en raison d'une maladie ou d'une incapacité?
M. Hicks : Je vais vous donner la réponse habituelle à cette question, car je n'ai pas réussi à en trouver d'autres. Il s'agit d'un problème sur lequel se penchent tous les pays de l'OCDE. Nous ne sommes pas du tout uniques. Dans la plupart des autres pays, la première solution à laquelle on pense, c'est modifier les programmes publics en matière de retraite afin d'éliminer les obstacles importants qu'ils causent. On ne peut pas appliquer cette solution au Canada. Nous ne pouvons pas avoir recours à cette solution facile.
Il y a par contre certaines mesures que nous pourrions prendre en ce qui concerne ces programmes. Le ministère des Finances a publié un livre blanc ou un livre vert il y a quelques années portant sur l'examen quinquennal du Régime de pensions du Canada, le RPC, qui est sur le point d'être terminé. Dans ce document, le ministère se demande si les gens devraient pouvoir travailler tout en recevant une pension et si la législation en matière d'impôt ou de pension devrait contenir des dispositions interdisant à une personne de travailler en même temps qu'elle reçoit une pension.
On a souvent mis en doute la justesse du calcul actuariel du rajustement des pensions. Comparativement à ce qui existe dans d'autres pays, le RPC est un modèle, un exemple à suivre, mais il se pourrait qu'il favorise un départ à la retraite vers le début de la période en question plutôt que vers la fin. Récemment, des préoccupations ont été soulevées à propos des régimes de pension privés. Puisque les régimes de pension publics, et je suppose que c'est vrai aussi pour les régimes privés, récompensent les personnes qui prennent leur retraite à la fin de leurs sept meilleures dernières années, on craint que cela décourage les gens de continuer à travailler. Ceux qui ont un assez haut niveau d'instruction et qui sont très compétents peuvent facilement contourner cet obstacle en devenant consultant ou en faisant autre chose. Le problème est beaucoup plus important pour les personnes qui ne sont pas aussi polyvalentes.
Les discussions à propos des travailleurs âgés sont nombreuses. L'âge est un sujet délicat. Quelles mesures peut-on prendre pour faire en sorte que les travailleurs âgés restent plus longtemps sur le marché du travail? Il existe des programmes qui fonctionnent bien, quoi qu'ils soient coûteux. Chose certaine, nous ne récompensons pas les gens pour le fait qu'ils ne travaillent pas. C'était le cas dans les années 1980, mais dans les années 1990 et au début des années 2000, ce ne l'était plus dans la plupart des pays.
Souvent, les gens prennent leur retraite plus tôt parce qu'ils ne possèdent pas les compétences nécessaires pour continuer à travailler ou parce qu'ils souffrent d'épuisement psychologique causé par leur travail. Les professeurs en sont un bon exemple; il arrive parfois qu'ils n'aient plus la force nécessaire pour gérer, disons, un groupe d'enfants de trois ans. Toutefois, il faut dire que les commissions scolaires et les universités s'attendent à ce qu'ils prennent leur retraite à 55 ans. Si c'était plutôt à 65 ans, un professeur aurait probablement fait un changement à 45 ans pour faire en sorte qu'il ne passe pas les 20 années suivantes à enseigner à un groupe d'enfants de trois ans. Il aurait peut-être suivi une formation plus poussée en vue de pouvoir enseigner à des enfants de neuf ans, ce qui serait plus facile pour lui.
Quant aux personnes qui effectuent un travail manuel exigeant, il est facile de leur dire de se recycler dans un autre domaine. Mais si aucun emploi n'est disponible, comme cela a déjà été le cas, il s'agit-là d'un conseil inutile. Cependant, nous prévoyons des pénuries de main-d'œuvre. À l'heure actuelle, les baby boomers sont encore actifs et la taille de la population active continue de s'accroître. Cette tendance se maintiendra pendant quelques années encore. Lorsqu'elle s'arrêtera, tout le monde s'attend à des pénuries. Cela signifie que les travailleurs hautement qualifiés seront en demande. Il faut penser par contre que ce n'est pas à 55 ans qu'on forme des gens pour qu'ils deviennent hautement qualifiés. La formation doit commencer plus tôt dans la vie. Ce n'est pas tant en raison de l'âge, mais plutôt pour apporter une perspective d'apprentissage s'étalant sur l'ensemble de la vie de sorte que les gens suivent une formation ou se recyclent en sachant qu'ils auront l'occasion de travailler s'ils le veulent. Il s'agit de prévoir.
Augmenter l'âge d'admissibilité à une pension ne fera pas grand-chose. Une personne ne devrait pas nécessairement être forcée de prendre sa retraite à 55 ans ou à 65 ans; elle doit avoir le choix. Nous savons que lorsqu'il existe des choix, les gens préfèrent continuer de travailler. Il faut voir s'ils aiment leur emploi. Ceux qui détestent leur travail pensent souvent que la retraite est la seule solution. Toutefois, lorsque nous tenons des groupes de discussion, nous découvrons que les gens préfèrent plutôt travailler. Le marché du travail est la principale institution sociale de notre société, après la famille. Dans l'ensemble, la plupart des gens apprécient leurs collègues et le temps qu'ils passent au travail. Souvent, par contre, ils n'aiment plus le travail qu'ils font quand ils sont prêts à prendre leur retraite, mais cela est attribuable en partie à un manque de personnel et à des attentes non comblées. Le comité devrait peut-être chercher à savoir pourquoi les attentes ne sont pas comblées.
Nous ne pouvons pas fixer d'âge pour la retraite, puisque nous sommes dans une société pour tous les âges. Nous pouvons prendre d'autres mesures. L'établissement des plafonds et des pensions doit tenir compte de certains détails. Dans la plupart des pays, les régimes de retraite privés ont délaissé les prestations déterminées, ce qui signifie que le travailleur reçoit l'équivalent de ce qu'il a contribué. Il s'agit donc d'une approche plus objective sur le plan des incitatifs à la retraite.
Cependant, presque tous les pays de l'OCDE ont aussi modifié leur régime public à prestations déterminées afin d'harmoniser davantage les prestations avec les cotisations. On peut faire exactement la même chose en ce qui a trait aux cotisations déterminées. C'est ce que tous les pays ont fait au cours de la dernière décennie, et parfois ce changement s'est opéré rapidement. Il arrive souvent que les modifications apportées à la formule soient tellement minimes qu'on ne les remarque pas, mais elles ont tous pour but d'éliminer les facteurs de dissuasion au travail inhérents aux régimes de pension publics.
L'adhésion aux régimes privés est un nouveau sujet. Le nombre n'a pas augmenté au Canada. On se serait attendu à ce qu'il progresse davantage. Il n'y a pas eu de changement. Les gens s'interrogent à propos des régimes de pensions privés. Les personnes qui n'adhèrent à aucun régime de retraite privé sont forcées de travailler plus longtemps que nécessaire selon elles, ce qui n'est pas une bonne chose. Nous voulons que les gens aient le choix. Cependant, dans la plupart des cas, travailler plus longtemps est bénéfique. Ce n'est pas ce que pensent les gens qui ont un faible niveau d'instruction et qui ne sont pas très qualifiés, si l'on se fie à ce qu'on entend dans les groupes de discussion. Ils pensent que c'est stupide.
Lorsqu'il est question d'âge de la retraite, il est important de nous demander de quel groupe nous parlons. Nous faisons une grave erreur lorsque nous examinons cette question en se fondant sur le Canadien moyen. La notion du Canadien moyen n'existe pas dans ce domaine-là. Il y a des groupes bien définis.
Je le répète, vous gagneriez à examiner l'expérience des Canadiens autochtones, dont la société est aux prises avec un problème de nature démographique différent. En effet, leur société se compose de nouveaux immigrants, de personnes hautement qualifiées et de gens qui ont peu de compétences. Ce qu'il faut, c'est abandonner l'idée que le Canadien moyen existe et effectuer une analyse plus raffinée.
La présidente : Une personne peut recevoir plus tôt des prestations du RPC, mais une pénalité est imposée à 60 ans. À 65 ans, on peut recevoir des prestations moyennes, mais si on attend jusqu'à l'âge de 70 ans, on reçoit des prestations accrues. Pourquoi n'avons-nous pas instauré le même système dans le cas de la Sécurité de la vieillesse?
M. Hicks : Cette question a été posée maintes fois. Maintenant, les gens prennent leur retraite bien avant 65 ans. Même si nous le faisions, cela ne changerait rien à cette tendance. On se préoccupe davantage des gens à faible revenu, en ce sens qu'on ne veut pas donner l'impression que nous essayons de forcer ces gens à travailler plus longtemps. C'est ce que je crois, sénateur. C'est une très bonne question, mais on ne s'y est pas beaucoup attardé notamment parce que cela ne changerait pas grand-chose dans l'immédiat. À long terme, il s'agit toutefois d'une question judicieuse. Il faudrait par contre veiller à ce que les bénéficiaires du supplément de revenu garanti ne soient pas pénalisés.
Le sénateur Mercer : Nous vous remercions de comparaître devant nous de nouveau. Nous vous en sommes reconnaissants. Comme vous voyez, vos propos nous ont beaucoup intéressés la première fois.
Je suis prudent dans ce genre de séances, car je crains que les auditeurs pensent que nous sommes en train de planifier comment nous allons leur enlever quelque chose. Je leur assure que nous sommes plutôt en train de trouver une façon d'améliorer le système pour faire en sorte qu'il fonctionne mieux. Nous sommes encore très loin d'une solution.
Vous avez parlé d'éliminer les facteurs de dissuasion au travail. Il me semble que ces facteurs constituent un problème. Les gens atteignent un certain âge ou un certain stade de leur vie auquel ils avaient prévu prendre leur retraite, mais ils se rendent compte qu'ils ne sont peut-être pas prêts, mais rien ne les incite à continuer à travailler.
J'aimerais parler du bénévolat et obtenir votre opinion à ce sujet. Au Canada et partout dans le monde, il y a une forte demande de bénévoles. De nombreux programmes profitent des talents de tous les Canadiens, particulièrement ceux des personnes âgées, qui ont une riche expérience et de vastes connaissances à partager, la capacité d'effectuer le travail et probablement l'efficacité nécessaire que les jeunes bénévoles n'ont pas en raison du manque d'expérience.
M. Hicks : C'est une voie qu'il y a tout lieu d'explorer. Nous savons, d'après nos recherches, qu'en général, les personnes qui font du bénévolat à un âge plus avancé en ont également fait lorsqu'elles étaient plus jeunes. En effet, les gens qui font du bénévolat en ont habituellement toujours fait, et durant la période qui suit le départ à la retraite, disons cinq ans, ils ont tendance à en faire davantage. C'est pourquoi nous observons une hausse du bénévolat chez les personnes plus âgées. Après cette période en question, on enregistre une baisse rapide généralement. Les gens ne continuent pas de faire autant de bénévolat durant toute la période pendant laquelle ils sont en bonne santé à la retraite. Mais il est certain qu'ils en font plus.
Cette tendance s'observe davantage chez les personnes qui ont toujours fait du bénévolat que chez celles qui commencent à en faire à la retraite. Elle n'est donc pas généralisée. Nous devons relever un grand défi quand il s'agit de faire augmenter le taux de bénévolat chez tous les groupes d'âge. Pour faire en sorte que le bénévolat soit beaucoup plus répandu qu'à l'heure actuelle, il y aurait beaucoup de travail à faire. Je n'ai pas en main les plus récentes données, mais si ma mémoire est bonne, je crois qu'on observe une baisse du bénévolat chez les plus jeunes. Si cette tendance se maintient, il sera difficile de s'attendre à ce que le taux de bénévolat chez ces gens-là lorsqu'ils seront à la retraite soit élevé. Cette tendance pourrait peut-être s'inverser grâce à la publicité — je ne sais pas — mais ce n'est pas aussi simple que certaines personnes le font paraître.
Le sénateur Mercer : En 2010, le Canada sera l'hôte des Jeux olympiques d'hiver à Vancouver et Whistler, et j'ai lu à ce sujet un document publié récemment à propos de l'embauche de bénévoles, surtout des personnes plus âgées. Des études récentes révèlent que le pourcentage de bénévoles considérés comme étant des personnes âgées n'était que de 2 p. 100 lors des Jeux olympiques de Lillehammer, en Norvège, et qu'il atteignait 33 p. 100 aux Jeux de Turin, en Italie. Ce genre d'événements nous offre une excellente occasion de fixer des objectifs. Il ne faut pas penser que les personnes âgées manifesteront d'elles-mêmes leur intérêt. Si nous décidons que 40 p. 100 des bénévoles aux Jeux olympiques de 2010 devraient être des personnes âgées et que ce devrait être une expérience positive pour elles ainsi que pour les jeunes Canadiens et les autres, nous devons prévoir la participation des personnes âgées ou des retraités, si nous parvenons à nous entendre sur la définition d'une personne âgée. Si nous les faisons participer à de tels événements, nous allons ainsi contribuer à alimenter la demande de bénévoles. Êtes-vous d'accord?
M. Hicks : Ce pourrait être une excellente solution. Je n'ai aucune idée du nombre de personnes qui prendraient part à cet événement. Il ne semble pas y avoir d'inconvénient; au contraire, ce serait un bon moyen d'inciter les gens à mener une vie active. Je ne crois pas que cela intéresserait beaucoup de personnes, mais je n'y vois aucun problème.
Le sénateur Mercer : J'ai toujours travaillé pour des organisations à but non lucratif et avec des personnes de tous les âges. La raison principale pour laquelle les gens ne donnent pas d'argent ou ne font pas de bénévolat, c'est parce qu'on ne les sollicite pas. Si on veut voir des personnes âgées s'impliquer dans tout ce qu'on fait et qu'on le leur demande, il y aura plus de bénévoles.
Vous avez fait vaguement référence à l'adhésion à des régimes de retraite complémentaire. Que pensez-vous du transfert des pensions d'un employeur à un autre? J'ai travaillé pour un certain nombre d'employeurs offrant un régime de retraite avantageux, pour ensuite changer d'emploi. Je me retrouve maintenant à gérer mon propre régime, ce pour quoi je ne suis pas très doué —, et je suis certain que d'autres sont dans la même situation. En général, est-ce que le transfert des pensions aide les Canadiens?
M. Hicks : Sans aucun doute, sénateur. Je ne prétends pas être un spécialiste du domaine, mais j'ai pu récemment assister à quelques conférences sur le sujet. Je ne parle donc pas par expérience personnelle, mais d'après les informations que j'ai pu recueillir. Vous voudrez peut-être y revenir.
Cela dit, à la dernière conférence à laquelle j'ai participé, il était surtout question des inégalités en ce qui a trait à l'adhésion à des régimes de retraite complémentaire. On constate que le taux d'adhésion à des régimes de pension agréés, RPA, diminue, en pourcentage de la population, au profit des régimes enregistrés d'épargne-retraite, ou REER. Entre les deux, c'est inégal.
D'autre part, la deuxième question soulevée à cette conférence traitait du coût des pensions pour ceux qui y souscrivent, particulièrement celui des REER et des fonds communs de placement. Au Canada, les frais de gestion sont plus élevés que dans d'autres pays, ce qui, en soi, pose toute une série de problèmes. Il y a aussi la question de la transférabilité que vous avez soulevée. Cependant, je crois que le problème sous-jacent des dernières années réside dans la participation inégale à tous les types de RPA.
Le sénateur Murray : Auriez-vous une estimation quant au pourcentage de la population active couverte par un régime de retraite universel ou complémentaire?
M. Hicks : Pour le premier, bien sûr, si ce n'est pas 100 p. 100 de la population, c'est tout près. Je suis désolé, mais je ne dispose pas de ces données ici.
Le sénateur Murray : Comme vous le laissez entendre, la couverture inégale pose problème. Une proportion importante de la population active canadienne n'adhère pas à un régime de retraite autre que le RPC.
M. Hicks : En effet. Il y a aussi la Sécurité de la vieillesse, SV, et le Supplément de revenu garanti, ou SRG.
Le sénateur Murray : Le sénateur Mercer a aussi soulevé la question de la transférabilité, qui a été définie comme un autre problème grave. Vous devez avoir une idée du pourcentage des régimes qui sont transférables.
M. Hicks : Encore une fois, je suis désolé, sénateur. J'aurais dû apporter ces informations avec moi, mais je ne l'ai pas fait. Nous les avons au ministère et je promets de vous les faire parvenir.
Le sénateur Murray : Comme vous le dites, notre économie pourrait connaître une pénurie de main-d'œuvre à cause du vieillissement de la population et, bien sûr, il faut penser au fait que de moins en moins de travailleurs prennent soin des personnes plus jeunes ou plus âgées qu'eux. Cela pose un gros problème. Y a-t-il des métiers particuliers où le vieillissement de la population pourrait avoir un effet négatif sur la disponibilité de la main-d'œuvre?
M. Hicks : J'aimerais faire une distinction claire entre aujourd'hui, où les baby-boomers travaillent encore, et les trois, quatre ou cinq prochaines années, alors que...
Le sénateur Murray : Nous parlons d'une pénurie de travailleurs potentielle.
M. Hicks : J'en parlerai tout de même, sénateur, parce que c'est mal compris. À l'heure actuelle, l'offre et la demande semblent équilibrées à l'échelle du Canada; la situation n'est pas problématique pour l'instant. Évidemment, il y a des manques flagrants en Alberta et en Colombie-Britannique dans l'industrie des ressources naturelles, par exemple. En ce moment, il règne un certain équilibre, et c'est partiellement grâce aux baby-boomers, qui sont encore présents sur le marché du travail.
En second lieu, il n'y a pas de prévisions par profession qui soient précises et fiables, au-delà de 2012. Comme on ne peut faire que des projections, il faut faire preuve de bon sens.
Si la tendance se maintient, il est probable qu'il y ait des manques dans certains secteurs, notamment celui de la santé. Jusqu'à présent, aucun indice ne permet de prédire comment la situation évoluera. La plupart des pénuries que nous connaissons actuellement sont généralisées dans des domaines particuliers. Il se pourrait que le problème persiste jusqu'à ce que les baby-boomers prennent leur retraite, car il s'agit de pénuries majeures.
Les employeurs s'ajustent. Lorsqu'ils entrevoient un manque de travailleurs, la grande majorité d'entre eux, et ce dans la plupart des domaines, s'arrangent pour changer progressivement la nature du travail et celle des effectifs sur une période de dix ans, afin de s'adapter à la disponibilité de la main-d'œuvre. Certains pensent que cela prend trop de temps et que ces ajustements se feraient plus rapidement si les gens étaient mieux informés.
Certains avancent parfois qu'il n'y aura de pénurie qu'au sommet de la pyramide. Les baby-boomers qui prendront leur retraite à ce moment-là sont déjà bien instruits. On n'observe aucun déséquilibre majeur au niveau de la formation générale. La plupart des nouveaux emplois créés seront hautement spécialisés et demanderont beaucoup d'instruction, mais ce sont aussi les caractéristiques des futurs travailleurs.
Il y aura peut-être également des pénuries dans le bas de la pyramide. Par exemple, dans le secteur de la santé, on manque non seulement de neurochirurgiens, mais aussi de gens pour s'occuper des personnes âgées de santé fragile et autres. Essayer de savoir ce qui se passera après 2012, honnêtement, c'est spéculer. Je vous assure que si quelqu'un vous annonce qu'il peut prédire à coup sûr comment sera la main-d'œuvre à ce moment-là, je l'inviterai à parler à mes collègues qui s'occupent de ce dossier; ils lui donneront les 1 001 raisons pour lesquelles c'est impossible à savoir. Parfois, l'offre et la demande de travailleurs s'ajuste plus vite qu'on ne le pense.
Le sénateur Murray : L'éventualité d'une pénurie grave de professionnels de la santé est un problème critique, dont on tient pour acquis que quelqu'un s'en occupe. Vous dites que la solution réside donc dans l'augmentation de la productivité des travailleurs et dans le prolongement de la vie active. Ceux qui prennent leur retraite dans la cinquantaine ou la soixantaine constituent le plus grand bassin de travailleurs potentiels.
Nous savons tous que pour certains métiers, la date de départ à la retraite dépend du nombre d'années de service. Ainsi, après tant d'années, une personne peut prendre sa retraite. Pour d'autres professions, on applique une formule combinant les années de service et l'âge pour obtenir la date de prise de la retraite. Enfin, il y a aussi celles où la date est fixée à 65 ans.
Vous parlez de retirer les éléments susceptibles de dissuader les gens de continuer à travailler, particulièrement parmi les deux premiers groupes — ceux qui peuvent prendre leur retraite très tôt s'ils travaillent 35 ans dans un service de police, dans l'armée, et cetera, ou les enseignants qui, encore une fois, peuvent prendre leur retraite relativement jeunes parce qu'ils ont travaillé le nombre d'années nécessaires selon la formule. Il ne fait aucun doute que jouer avec le régime de pension pour que la retraite devienne un choix moins attirant est la première solution qui vient à l'esprit.
Je me demande si l'on peut offrir des incitatifs aux gens pour qu'ils continuent de travailler, qu'ils commencent une formation pour un nouveau métier, utile et rentable, plutôt que de jouer avec leur régime de pension dans le but de leur faire passer l'envie de travailler.
M. Hicks : C'est ce que je veux dire quand je dis que changer l'âge d'admissibilité aux prestations de retraite peut être une solution intéressante et utile. Cela ne serait pas nécessairement mon premier choix, même s'il était fixe ou relevé.
Le sénateur Murray : Ce ne serait le premier choix pour personne.
M. Hicks : Les Américains ont averti leur population environ 20 années à l'avance, mais ils retardent l'âge d'admissibilité de trois mois par année, ce qui veut dire que celui-ci augmente tranquillement; il est maintenant à 65 ans et deux tiers, je crois. C'est graduel. L'important, c'est que peu de gens prennent leur retraite à cet âge. Selon moi, cela ne devrait donc pas avoir d'incidence sur la situation actuelle.
Il peut être utile, en prévenant les gens assez tôt, d'augmenter l'âge d'admissibilité pour les personnes au milieu de leur vie active, mais il y a beaucoup d'autres solutions. La plupart des pays ont fait des choix des plus intéressants. Certains ont opté pour cette voie, mais dans le but de développer une meilleure corrélation entre ce que les gens cotisent et ce qu'ils recevront plus tard.
Cette modification constituerait une incitation beaucoup plus objective; les incitatifs visant une retraite anticipée ou tardive auraient tendance à disparaître. Par contre, elle créerait une autre série de problèmes parce que les travailleurs seraient exposés à plus de risques. Rien de tout cela ne peut être fait séparément. La meilleure solution pour rendre les incitatifs à la retraite plus neutres serait probablement de créer un lien solide entre les avantages et les cotisations, ainsi que de permettre, par exemple, à des gens travaillant plus longtemps de toucher une pension en même temps. On peut faire toutes sortes de combinaisons.
Le sénateur Murray : Des choses merveilleuses peuvent être faites avec le régime fiscal lorsque ceux qui s'en occupent font les efforts nécessaires. Un traitement spécial du revenu de retraite pourrait inciter les gens à continuer de travailler après leur retraite, tout en recevant des prestations. L'importance du changement dépendra de la gravité du problème. Je suppose que des gens, quelque part au gouvernement, sont en train d'y réfléchir et d'élaborer des solutions similaires. Est-ce que je me trompe?
M. Hicks : Il n'y a pas que le gouvernement qui y travaille. Comme je l'ai mentionné, dans le livre blanc ou vert du ministère des Finances sur le RPC, on a soulevé plusieurs de ces questions, qui ont fait l'objet de discussions. Votre propre rapport sénatorial sur la bombe à retardement démographique en faisait état également. Le précédent comité s'était aussi penché sur les mêmes problèmes l'an dernier.
J'aimerais insister sur l'extrême importance de ces questions. Il est aussi important de comprendre que comme aucun de ces changements n'a été entrepris, le taux d'emploi des personnes âgées a commencé à augmenter sensiblement au cours des sept ou huit dernières années. On constate déjà une fluctuation du taux d'emploi. Ces changements ont lieu d'une façon ou d'une autre, car les gens s'ajustent automatiquement. Ils sont d'ailleurs beaucoup plus grands que ce que l'on pourrait faire en changeant l'âge d'admissibilité aux prestations de retraite. Cela ne veut pas dire qu'il est inutile de se pencher là-dessus, mais cet ajustement naturel de la population est réel. Je ne trouve pas que ce soit assez bien compris dans le débat public.
Le sénateur Chaput : Ainsi, monsieur, vous dites qu'au Canada, il n'y a pas lieu de s'inquiéter du vieillissement de la société car il y a un ajustement naturel et que le problème n'est peut-être pas aussi grave qu'on le pense. C'est bien ce qu'il faut comprendre?
M. Hicks : Oui. En outre, comme je l'ai aussi mentionné, il n'y a pas d'inquiétude à avoir quand on se compare à presque tous les autres pays de l'OCDE. Je ne nie pas l'existence de problèmes, car il y en a. Cependant, par rapport à d'autres pays, notre situation n'est pas si mauvaise.
Le sénateur Chaput : Parmi les retraités canadiens, on sait qu'il y a ceux qui en ont assez de leur travail et qui quittent leur emploi lorsqu'ils atteignent le chiffre magique. Il y a aussi ceux qui ont le sentiment d'avoir fait tout leur possible, qui sont prêts pour du changement dans leur carrière et qui partent ou se dirigent ailleurs. Il y a aussi d'autres raisons personnelles qui poussent les gens à quitter leur emploi : l'envie de voyager, de passer plus de temps avec leur famille, et cetera.
Une fois que ces personnes auront passé quelques années à faire ce dont elles avaient vraiment envie, beaucoup voudront reprendre une place dans la société pour y jouer un rôle actif. Le bénévolat compte parmi les secteurs où elles pourront apporter leur contribution. Comme nous le savons bien, aujourd'hui, les jeunes ont moins de temps à consacrer au bénévolat que nous en avions à leur âge.
Nous parlons des problèmes à régler ou des moyens d'agir de façon proactive; pouvons-nous créer un quelconque incitatif qui ferait en sorte que, pour les retraités souhaitant faire du bénévolat, ce travail réponde à leurs besoins, les rende heureux et leur permette de se sentir utiles?
Certains retraités n'ont pas de problèmes financiers, mais d'autres, oui. Peut-on faire quelque chose pour ces aînés qui ont besoin d'un peu d'argent pour payer leurs frais de déplacement et autres dépenses du genre afin de pouvoir continuer à faire du bénévolat? Tous les jours, nous voyons de nombreux citoyens âgés qui voudraient faire davantage de bénévolat, mais qui n'ont aucun moyen de transport ni ne peuvent se permettre de payer l'essence pour se rendre d'un point A à un point B, par exemple.
M. Hicks : J'aimerais vous donner une réponse sensée. Je comprends ce que vous dites, et je suis certain que c'est faisable. Seulement, je ne connais pas assez bien la question pour me prononcer de façon éclairée.
Je vous propose encore une fois d'organiser la comparution d'autres fonctionnaires que moi sur ce sujet qui, j'en suis sûr, intéressera particulièrement le sénateur LeBreton, tout autant que les fonctionnaires de mon ministère qui s'occupent de programmes comme Nouveaux Horizons pour les aînés. Je n'ai pas la prétention de m'y connaître suffisamment pour vous répondre.
Je vais reprendre ce que j'ai dit plus tôt en réponse à une question semblable du sénateur Mercer. Il ne suffit peut- être pas de créer des incitatifs pour développer le bénévolat. Ce qui est plus préoccupant encore, c'est que le nombre total de bénévoles, toutes choses égales par ailleurs, pourrait diminuer.
Aujourd'hui, la population d'âge moyen fait moins de bénévolat. Si la tendance selon laquelle ce sont les personnes qui ont fait du bénévolat dans leur vie adulte qui continuent à en faire quand elles sont âgées se maintient, nous pourrions être confrontés à un scénario encore pire que celui que vous évoquez, car le bassin potentiel de bénévoles pourrait se réduire à mesure que les baby-boomers partiront à la retraite. Bien entendu, je n'en ai pas la certitude. Il est risqué de prédire ce qui se produira après le départ à la retraite des baby-boomers, en 2012.
Si la tendance actuelle persiste, non seulement y aura-t-il le problème que vous avez mentionné, mais l'intérêt général pourrait aussi s'étioler. Cela aurait une série de conséquences que votre comité voudra peut-être examiner. Mais j'ignore exactement quels types d'incitatifs financiers nous devrions instaurer.
Le sénateur Chaput : Est-il possible qu'éventuellement, on ne puisse plus compter sur un bassin de bénévoles? Les baby-boomers qui souhaitent un changement par rapport à leur emploi précédent pourraient songer à se lancer dans une autre carrière.
M. Hicks : Si on me demandait de prédire l'avenir, je dirais que la situation évoluera en ce sens.
D'après mon expérience, les gens font souvent du bénévolat parce qu'ils aiment leur travail. Leurs activités bénévoles sont souvent fortement reliées au type d'emploi qu'ils occupaient. Ici, je fais allusion à des associations professionnelles, aux cercles Kiwanis et autres.
J'imagine que l'une des meilleures choses serait de faire en sorte que le bénévolat continue d'être très répandu, tout en maintenant un niveau élevé d'intégration à la population active, sans qu'il s'agisse nécessairement de travail à temps plein.
Un monde où les gens participent au marché du travail est susceptible d'être aussi un monde où les gens font davantage de bénévolat. Mais, ce n'est qu'une supposition, évidemment.
Le sénateur Cordy : Plus tôt, vous avez mentionné les prestations et les cotisations déterminées. À la maison, hier soir, j'ai discuté de leurs avantages et inconvénients avec ma fille et mon mari.
Certes, les cotisations déterminées sont avantageuses parce qu'on peut travailler aussi longtemps qu'on le souhaite sans être pénalisé. D'un autre côté, elles présentent un risque pour les travailleurs, car ce sont eux qui devront décider de leur niveau.
Cela m'inquiète parfois, bien que, comme vous l'avez dit, les employeurs privés cotisent aux régimes de contributions déterminées parce que ce n'est pas risqué pour eux, en plus d'être moins coûteux que d'investir dans un régime individuel.
Comment faciliter la tâche à ceux qui souhaitent continuer à travailler après 55, 60 ou 65 ans, sans désavantager pour autant les autres qui, pour une raison ou une autre, cesseront de travailler? Il est question ici des personnes qui prennent leur retraite à 55 ans, après avoir travaillé pendant 35 ans, ou de celles qui partent à 65 ans, au terme de 45 ans de vie active.
Comment mesurer ces éléments et créer un équilibre pour les deux groupes? Tant mieux pour ceux qui veulent continuer à travailler jusqu'à 70 ou 75 ans, mais comment pouvons-nous éviter de pénaliser les gens qui ont commencé à travailler à 18 ou 19 ans et qui souhaitent prendre leur retraite à 65 ans?
M. Hicks : Je vous répondrai naïvement que ce n'est pas facile. Cette question est effectivement au cœur du problème.
Si on cherche une formule magique, on n'en trouvera jamais. Il faut agir simultanément sur plusieurs fronts. On en revient à la préoccupation concernant l'absence de cotisation à des régimes de retraite privés, en supposant qu'ils soient tous à cotisations déterminées.
Le vrai problème, c'est que, pour quelqu'un qui n'a pas de régime de retraite complémentaire, les choix quant au moment de partir à la retraite sont beaucoup plus limités. Par conséquent, la protection offerte par les régimes privés soulève diverses questions.
Je suis consciente qu'il est facile de parler du problème, mais difficile d'y remédier; c'est pour cette raison qu'un comité sénatorial se penche sur la question.
La question de l'apprentissage continu doit être au centre des discussions. Bien des gens qui ne peuvent plus travailler — et je ne parle pas de la minorité aux prises avec des problèmes de santé, mais de la grande majorité, qui n'en éprouvera pas avant longtemps — ne sont pas formés pour les emplois disponibles. Après un certain âge, ils ne peuvent plus effectuer de travail physique exigeant.
La solution serait de leur offrir une formation vers le milieu de leur vie professionnelle, qui leur permettrait de changer de carrière. Les gens ne suivront pas une telle formation s'ils pensent être forcés d'arrêter de travailler dans 10 ans : à quoi bon? C'est un cercle vicieux.
Il ne faut pas appliquer les mesures isolément. On pourrait prendre une série d'initiatives dans les domaines de l'éducation, des régimes de retraite, privés ou non, et des prestations. Je pense que beaucoup de choses se produiront automatiquement. Si les pénuries de main-d'œuvre se matérialisent quand les baby boomers prendront leur retraite, il sera dans l'intérêt des employeurs d'offrir des emplois plus flexibles. Ceux-ci souhaiteront encourager les aînés à reprendre du service et adapteront les emplois en conséquence. Ce changement aura pour effet de ramener les gens au travail.
Il y a aussi la question de l'éducation, du changement des mentalités et des attentes. Je peux dire cela en toute bonne conscience, même si je peux sembler ignorer les problèmes, car les Canadiens s'adaptent bien, et c'est important. Nous vivons dans un monde où il ne sera probablement pas nécessaire de modifier radicalement le système. Les gens semblent faire la bonne chose en ce moment. Il s'agit en partie de s'abstenir d'intervenir, en partie de modifier les attentes et d'évaluer les vrais problèmes. Certaines personnes deviendront malades ou handicapées plus tard dans leur vie, et nous devrons nous en occuper.
La solution ne devrait probablement pas reposer sur l'âge. Sur le plan sanitaire, il faut traiter de la même manière les personnes de 65 ans et celles âgées de 55 ans. Le vieillissement de la population ne nous indique pas vraiment ce qu'on devrait faire. Les meilleures mesures à prendre sont celles qui s'imposent en tout temps : adoptons-les maintenant, et elles seront là dans dix ans, quand les baby boomers prendront leur retraite.
Le sénateur Cordy : Beaucoup de gens adorent leur emploi mais, à l'âge de 60 ou 65 ans, ils ne souhaitent plus l'occuper à plein temps et préfèreraient travailler à temps partiel. Si le montant de leur pension est établi en fonction de leurs cinq ou sept meilleures années de service, le travail à temps partiel les pénalisera. Par ailleurs, beaucoup de gens veulent choisir cette option, mais auraient besoin d'une pension en plus de leur salaire à temps partiel pour vivre. Nous devons aussi en tenir compte.
M. Hicks : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il y a des ouvrages sur le sujet, et vous voudrez peut-être interroger d'autres experts que moi pour parler des détails.
Certains pays avaient ce qu'on appelle des pensions partielles. Les gens recevaient une pension pour deux jours, et un salaire pour les trois autres jours de la semaine de travail. Mais plusieurs de ces pays ont abandonné ce type de régime parce qu'ils ont découvert, à leur grande surprise, qu'ils poussaient ainsi les gens à prendre une retraite anticipée. Cela a eu l'effet contraire à celui recherché. D'autres encore ont réintroduit ce système. C'est dans ce genre de cas que les détails comptent; on doit donc les évaluer soigneusement.
Certains ont déclaré, au fil des ans, qu'il ne devrait pas y avoir d'obstacles à l'emploi dans notre système fiscal. Pour nombre d'entre nous qui occupons un poste, lorsque c'est possible, la solution facile est de le quitter pour en accepter un autre identique, qui offre un régime de pension différent. Nous sommes nombreux à l'avoir fait, moi-même y compris. On travaillera à son compte, ou on continuera essentiellement de faire ce qu'on a toujours fait. Il est possible de se défaire du piège des pensions.
Souvent, on croit qu'il est préférable de continuer à travailler pour son employeur; mais il arrive fréquemment qu'on se lasse et qu'on se laisse séduire par le changement. Je parle de personnes comme moi et d'autres présentes dans cette salle, et non de celles qui n'ont pas vraiment le choix. Pour bien des gens, ce n'est pas une option envisageable, et c'est un réel problème dont nous devons aussi tenir compte.
Le sénateur Cordy : Parfois, il est plus facile pour les professionnels de travailler comme consultants que ça ne l'est pour les autres travailleurs.
Quel degré de coordination y a-t-il entre les provinces et territoires et le gouvernement fédéral pour ce qui est des services aux aînés?
M. Hicks : Ma réponse tiendra en une phrase, car ce n'est pas mon domaine. C'est le sénateur LeBreton et mes collègues spécialistes de la question qui pourraient vous donner une réponse complète.
Mais d'après mes constatations, il y a beaucoup de coordination. Vous m'avez interrogé à propos d'un cadre de référence pour le vieillissement. Au moment où je vous parle, je pense qu'un groupe de travail fédéral-provincial se penche sur ce dossier particulier et se pose les mêmes questions que vous ici. À ma connaissance, un réseau de coopération élaboré et fonctionnel est en place. Certaines des tensions qu'on peut observer entre le gouvernement fédéral et les provinces ne semblent pas se manifester, du moins pas dans la même mesure.
C'est peut-être en partie dû au fait que le Régime de pensions du Canada est accepté par les deux paliers de gouvernement, à l'exception du Québec. Cela semble fonctionner assez bien pour plusieurs raisons.
Le sénateur Keon : Je m'intéresse à une chose qui pourrait donner une certaine marge de manœuvre aux aînés. Si les gens vont dans une maison de retraite luxueuse, cela leur coûtera terriblement cher. Ils y resteront quelques années, puis seront à court d'argent, et c'est leur famille qui devra payer la note. J'ai un ami, par exemple, qui détient des parts importantes dans une maison de retraite. Il y a fait des investissements considérables et dit que, le moment venu, il y habitera. Peut-être en détiendra-t-il une part suffisante pour subvenir à ses besoins.
Cela m'a donné une idée. Pourrait-il y avoir un genre de coopérative pour les aînés, une sorte d'organisation dans laquelle les gens pourraient investir, à un âge où ils seraient suffisamment jeunes et en forme pour en assurer la gestion? Plus tard, quand ils seraient trop âgés pour le faire, ils en tireraient au moins des bénéfices, et le phénomène ne se produirait plus; ils ne seraient pas à court d'argent aussi vite.
Disposez-vous des ressources qui permettraient de réaliser un tel projet et d'y intéresser les gens?
M. Hicks : J'en prends note et je vous reviens là-dessus. Je ne connais pas la réponse. Notre portefeuille englobe la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, et je serais surpris que les ressources combinées de notre ministère et de la SCHL ne nous permettent pas de créer un programme intelligent basé sur ce que font les autres pays ou sur des expériences passées. Je peux m'engager à revenir devant le comité pour lui parler des possibilités.
Je sais que certains pays scandinaves sont très avancés en ce qui concerne toute cette question du logement et du vieillissement. Je ne m'y connais pas assez pour pouvoir dire si on y utilise ce modèle de coopératives dont vous parlez, mais nous pourrons y regarder de plus près et vous tenir informés.
La présidente : Merci encore, monsieur Hicks. Cette séance a été hautement intéressante, et je suis contente que nous vous ayons invité à revenir pour éclaircir certains points.
La séance est levée.