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AGEI - Comité spécial

Vieillissement (Spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le Vieillissement

Fascicule 11 - Témoignages du 11 juin 2007


OTTAWA, lundi 11 juin 2007

Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 12 h 32, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les incidences du vieillissement de la société canadienne.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bonjour. Je vous souhaite la bienvenue à notre séance du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Comme vous le savez, le comité examine les incidences du vieillissement de la société canadienne. Nos deux premiers témoins vont nous parler des sujets importants que sont les soins à domicile, les soins continus et la prestation de soins.

Nous allons d'abord entendre Mme Janice M. Keefe, qui est professeure au Département d'études familiales et de gérontologie de l'Université Mount Saint Vincent à Halifax. En 2002, Mme Keefe a été nommée titulaire de la chaire de recherche du Canada sur les politiques relatives au vieillissement et à la prestation des soins aux aînés et elle a reçu une subvention de la Fondation canadienne pour l'innovation afin de mettre sur pied le Maritime Data Centre for Aging Research and Policy Analysis. Récemment, elle a été nommée directrice du Nova Scotia Centre on Aging et titulaire de la chaire Lena Jodrey de gérontologie. Avant de travailler à l'Université Mount Saint Vincent, Mme Keefe a œuvré dans le domaine des soins à domicile dans l'administration publique municipale. Elle fait actuellement des recherches sur les aidants naturels, notamment le travail et le soin des personnes âgées, la rémunération et l'évaluation, les questions de ressources humaines, le vieillissement en milieu rural et la politique de soins continus.

Nous allons ensuite entendre Mme Palmier Stevenson-Young, qui est la présidente de la Coalition canadienne des aidantes et aidants naturels. La Coalition est un organe national qui défend les besoins et les intérêts des aidants naturels.

[Français]

La Coalition canadienne des aidantes et aidants naturels est un organisme bilingue à but non lucratif, composé d'aidantes et d'aidants naturels, de groupes de soutien aux aidantes et aidants naturels, d'organisme nationaux et de chercheurs.

[Traduction]

La Coalition canadienne des aidantes et aidants naturels joue un rôle de leader pour définir et combler les besoins des aidants naturels au Canada. Elle a pour mandat de collaborer avec les aidants naturels, les fournisseurs de soins, les décideurs et d'autres intervenants afin de déterminer et de combler les besoins des aidants naturels au Canada.

Bienvenue à vous deux au Sénat du Canada.

Janice M. Keefe, titulaire d'une Chaire de recherche du Canada sur les politiques relatives au vieillissement et à la prestation de soins aux aînés et directrice du Nova Scotia Centre on Aging, Université Mount Saint Vincent, à titre personnel : Merci beaucoup de m'avoir invitée à m'adresser au comité. Je suis heureuse d'être ici.

J'aimerais vous parler de certains des principaux facteurs à considérer dans le vieillissement de la population. Je vais me concentrer surtout sur les besoins futurs des services à domicile pour les malades chroniques, ce qui fait l'objet de travaux de recherche que j'effectue avec mes collègues. Je vais examiner certains problèmes qui touchent les familles et les amis visés par le programme de soins à domicile, et je vais expliquer des solutions stratégiques adoptées ailleurs dans le monde. Nous avons en effet examiné ce qui se fait dans 10 pays et la façon dont ils ont cherché à répondre aux besoins des aînés et des aidants naturels, en particulier.

La demande pour des services de soutien ne cessera pas d'augmenter, compte tenu des besoins futurs de la population, et les ressources humaines seront considérablement sollicitées. Je veux aussi vous parler des effectifs que représentent les parents et les amis, sans oublier les préposés aux soins à domicile rémunérés.

Les programmes provinciaux et territoriaux de soins à domicile servent évidemment à offrir du soutien aux aidants naturels. Ils causent des problèmes de compétence au gouvernement fédéral. Cependant, je crois que le gouvernement fédéral a deux rôles à jouer. Premièrement, il peut favoriser le dialogue entre les provinces et proposer des solutions stratégiques aux provinces et aux territoires à partir de ses propres initiatives. Deuxièmement, il peut prévoir des mesures incitatives, des moyens de persuasion, pour aider les provinces et les territoires à offrir du soutien aux aidants naturels.

Enfin, je vais vous indiquer ce que les politiques des autres pays peuvent nous apprendre et comment nous pourrions utiliser les programmes fédéraux pour fournir une aide financière directe aux aidants naturels.

Je ne m'étendrai pas trop sur la question de la demande. Plusieurs spécialistes vous ont probablement déjà parlé du vieillissement de la population. Vous devez être fatigués d'en entendre parler, mais je vais vous fournir une information de plus. En 1960, une personne âgée sur 20 avait plus de 85 ans. Je crois que c'est aux membres de ce groupe d'âge que nous devons nous intéresser, surtout à propos des soins à domicile. Pour d'autres sujets, il faut se préoccuper de la population âgée au sens large, mais les soins à domicile concernent les aînés de plus de 80 ou 85 ans.

Donc, en 1960, une personne âgée sur 20 avait plus de 85 ans. D'ici le milieu du siècle, il y en aura une sur cinq, de sorte que nous savons que d'énormes changements s'opèrent. Comme les baby-boomers sont très nombreux, nous essayons de déterminer combien d'entre eux vieilliront en santé et quel sera l'impact du fait qu'ils ont eu moins d'enfants.

Mes collègues et moi-même avons réalisé une série de simulations complexes avec Statistiques Canada. Je ne vais pas vous les expliquer en détail, mais nous pouvons vous les fournir. Nous avons examiné différents scénarios d'offre et de demande, comme la réserve d'aidants naturels, et nous avons constaté qu'en 2001, 15 p. 100 des femmes âgées de plus de 65 ans n'avaient pas d'enfant survivant. On peut alors se demander qui va s'occuper des personnes qui auront besoin de soutien.

Dans le cas de la demande, nous nous sommes penchés sur la question de l'invalidité et de l'augmentation de son incidence dans les années à venir. Nous avons ainsi constaté que le nombre de personnes âgées qui auront besoin d'aide aura plus que doublé entre 2001 et 2031. Nos conclusions indiquent essentiellement qu'il y aura une augmentation à la fois relative et absolue des besoins en services professionnels de soins à domicile.

Nous avons présenté trois scénarios différents. Sans entrer dans les détails, disons qu'une population en meilleure santé va réduire la morbidité et rendre le recours aux services de soutien pour cause d'invalidité moins pressant. Chercher à améliorer la santé de la population pourrait avoir un effet important sur la demande et l'utilisation des services. Néanmoins, si les choses évoluent comme prévu, il y aura une augmentation constante du nombre d'effectifs nécessaires pour soigner notre population vieillissante.

Qui sont les personnes qui dispensent ces soins? Certaines sont payées par les bénéficiaires de soins et d'autres fournissent les services dans le cadre de programmes publics, mais la vaste majorité de ceux qui fournissent des soins à domicile aux personnes âgées sont des membres de leur famille et des amis. En fait, 70 p. 100 du nombre total d'heures de services dispensés à domicile sont assurées par les parents et les amis. Si ces proches disparaissent et que nous n'avons pas d'enfants survivants, nous avons un problème. Nous avons besoin de ressources humaines pour offrir le soutien nécessaire.

En 2002, il a été évalué, selon l'Enquête sociale générale, l'ESG, qu'une personne de plus de 45 ans sur cinq venait en aide à une personne souffrant d'une invalidité de longue durée. C'est donc dire que 20 p. 100 des Canadiens de 45 ans et plus sont des aidants naturels.

Par ailleurs, ces aidants naturels, qui comptent tous beaucoup pour le bénéficiaire de soins, ne seraient pas nécessairement admissibles à différents programmes de soutien. Permettez-moi de vous exposer rapidement ma situation personnelle à titre d'exemple. Je suis l'avant-dernière d'une famille de neuf enfants. Sept de mes frères et sœurs vivent à moins de 30 minutes de la résidence de ma mère qui est âgée de 84 ans. Ils sont tous considérés comme des aidants naturels selon l'ESG, mais ils n'ont pas tous accès à du soutien ou à des services parce que cinq d'entre eux sont des hommes et qu'ils n'en font pas autant que les femmes. Par conséquent, le soutien est ciblé, comme j'essaie d'expliquer.

Les aidants naturels vont avoir besoin de soutien. Au Canada, il n'existe pas de guichet unique de services à leur intention, de centre de services accessible à tous. La disponibilité du soutien dépend de l'endroit où l'on vit, de l'argent dont on dispose et de la personne que l'on soigne. Pour que l'aidant soit admissible aux services provinciaux, il faut que le bénéficiaire de soins veuille obtenir ces services.

Les politiques sur les soins continus relèvent des provinces. En raison des pressions de plus en plus grandes exercées par les hôpitaux et de la hausse des coûts des soins de santé, certains programmes provinciaux ciblent davantage les soins actifs à domicile que les soins aux malades chroniques. C'est un problème pour les aidants naturels parce que les besoins de ceux qui quittent l'hôpital sont complexes. Cela a des répercussions non seulement sur les soins dispensés à domicile mais aussi sur les aidants naturels, dont le stress augmente.

Qu'est-ce que le gouvernement fédéral peut faire? Il peut cibler les ressources versées aux provinces pour aider à financer les services à domicile pour les malades chroniques et les services aux aidants naturels. Il peut aussi prendre l'initiative d'élaborer avec les provinces une stratégie canadienne pour les aidants naturels.

La prestation de soins est une question mondiale. Si le gouvernement du Canada n'a pas encore de stratégie pour aider les aidants naturels, d'autres pays ont été plus actifs dans le domaine. Par exemple, l'Australie a établi il y a plus de 10 ans un programme national de répit pour les aidants naturels. En 1999, le Royaume-Uni avait instauré une stratégie nationale pour les aidants naturels. Il y a environ deux mois, Gordon Brown a annoncé une nouvelle stratégie à leur intention pour les 10 prochaines années.

Je dirige un projet de recherche sur les politiques instaurées à l'intention des aidants naturels dans 10 pays : l'Australie, la France, l'Allemagne, Israël, les Pays-Bas, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis. Nous avons relevé quatre sortes de soutien stratégique.

Premièrement, il y a les services directs aux aidants naturels, qui leur offrent du répit, du soutien grâce au programme de soins à domicile, de la formation, de l'information, des ressources et des conseils. Deuxièmement, il y a le paiement direct, par lequel les aidants naturels reçoivent des indemnités ou un dédommagement ou encore se font rembourser leurs dépenses. Troisièmement, il y a la politique relative au travail, ce qui comprend les mesures en milieu de travail, les normes et des programmes d'assurance-emploi, comme les prestations de soignant. Quatrièmement, il y a les dédommagements indirects, c'est-à-dire les crédits d'impôt, les droits à pension, les retraits aux fins de pension et d'autres mesures du genre.

Afin de rendre les travaux de recherche plus accessibles, nous avons produit des feuillets d'information que nous avons remis à vos attachés de recherche. Ils donnent un aperçu des politiques qui existent. Nous avons aussi une analyse plus détaillée sur le sujet. Je vous invite à communiquer avec moi pour avoir plus de détails.

Je vais vous présenter deux exemples, celui du Royaume-Uni et celui de l'Australie. L'indemnité versée ne sert pas à remplacer le revenu provenant d'un emploi, mais sert plutôt à fournir aux aidants naturels une petite somme d'argent pour reconnaître la valeur sociale de la prestation de soins ou pour payer leurs dépenses personnelles.

L'exemple de l'Australie est intéressant. Ce pays verse aux aidants naturels une indemnité d'environ 100 $ canadiens toutes les deux semaines. Pour y avoir droit, il faut consacrer au moins 20 heures aux soins. C'est donc dire que tous ceux qui dispensent au moins 20 heures de soins y sont admissibles. C'est plutôt une reconnaissance qu'une source de revenu. L'indemnité leur assure un certain répit. L'Australie offre aussi un montant établi en fonction du revenu pour aider les aidants naturels à faible revenu.

Au Royaume-Uni, on verse une indemnité aux aidants naturels qui s'occupent d'un enfant ou d'un adulte handicapé qui est un ami ou un membre de la famille. Il y a certains critères d'admissibilité. Le bénéficiaire de soins doit toucher des prestations d'invalidité et l'aidant naturel doit lui dispenser au moins 35 heures de soins par semaine. L'indemnité n'est pas fondée sur le revenu et elle était d'environ 108 $ par semaine en 2005. Elle atteint maintenant à peu près 200 à 400 $ par mois.

Le Royaume-Uni offre aussi la formule du paiement direct. Ce qui est intéressant dans ce cas, c'est qu'il a apporté des améliorations au programme établi. Nous avons la possibilité d'adopter une politique bien pensée qui comprend tous ces éléments. Avec le paiement direct, l'aidant naturel reçoit de l'argent en espèces pour payer les services et le soutien qui répondent à ses besoins. Il obtient un remboursement pour ses besoins particuliers.

Pourquoi devons-nous soutenir les aidants naturels? Parce qu'ils forment le pilier de notre système de soins à domicile et de soins continus. Sans eux, imaginez le nombre d'établissements de soins prolongés et d'établissements d'aide à la vie autonome qu'il faudrait construire, et pensez aux listes d'attente dans les salles d'urgence.

Les aidants naturels éprouvent beaucoup de stress. Si nous ne leur offrons pas de soutien, ils pourraient bien devoir eux aussi recourir au régime de soins de santé, comme la personne à laquelle ils prodiguent des soins.

Enfin, c'est rentable de le faire. Nous avons récemment publié un article dans la revue Analyse de Politiques sur les répercussions stratégiques de nos prévisions. Nous avons examiné les politiques publiques qui existent au Royaume-Uni et en Australie et déterminé quels en seraient les coûts au Canada, en fonction de nos réflexions sur l'invalidité et de nos prévisions.

On a estimé, en 2001, qu'il en coûterait 1,1 milliard de dollars pour offrir du soutien financier aux aidants naturels et 2,2 milliards de dollars pour instaurer des programmes de relève. C'est beaucoup d'argent, et ces chiffres sont conservateurs. Nous pouvons vous exposer les scénarios.

Ces coûts pourraient finir par doubler parce qu'il y aura deux fois plus de gens en perte d'autonomie. Quant à de l'indemnité financière, comme celle de 100 $ toutes les deux semaines qui est offerte en Australie, son coût doublerait pour passer de 1,1 milliard de dollars en 2001 à 2,2 milliards en 2031.

Combien en coûtera-t-il au système de soins de santé si nous ne soutenons pas les aidants naturels? Nous avons expliqué quelles en seraient les conséquences au cours d'une tournée que nous avons effectuée dans l'ensemble du pays pour présenter le fruit de nos travaux. Nous avons ainsi présumé qu'un bénéficiaire de soins qui ne reçoit pas l'aide d'un aidant naturel devrait entrer dans un établissement de soins de longue durée trois mois plus tôt, et seulement trois mois. Combien en coûterait-il au régime de soins de santé s'il se retrouvait dans un établissement de soins de santé même seulement trois mois plus tôt que s'il avait reçu les soins d'un aidant naturel? En multipliant ces trois mois par le nombre de résidants de ces établissements, nous avons évalué, en 2001, qu'il nous en coûterait 6,5 milliards de dollars. Il faudrait peut-être prévoir 1,1 milliard de dollars pour offrir un soutien financier aux aidants naturels, mais il en aurait coûté, en 2001, 6,5 milliards de dollars pour s'occuper pendant seulement trois mois des malades dans un établissement de soins de longue durée. En 2031, ce coût s'élèverait à plus de 12 milliards de dollars.

Allons-nous soutenir les aidants naturels ou allons-nous investir dans des établissements de longue durée? Les aidants naturels sont l'élément central du système de soins à domicile et de soins continus. Ce sont les personnes qui travaillent dans l'ombre jour après jour sans être reconnues ou si peu. Il y a divers moyens et programmes que nous pouvons envisager pour les aider. Je pense que les soins aux personnes âgées et les programmes de soins à domicile doivent reconnaître autant les besoins du bénéficiaire de soins que ceux des proches qui dispensent les soins.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous donner un aperçu de nos travaux de recherche sur les soins à donner à la population vieillissante du Canada.

Palmier Stevenson-Young, présidente, Coalition canadienne des aidantes et aidants naturels : C'est un plaisir pour moi de m'adresser à vous au nom des personnes âgées qui fournissent et reçoivent des soins. J'ai connu certains des problèmes auxquels sont confrontées les personnes âgées comme j'assume moi-même, en tant que baby-boomer, le rôle d'aidante naturelle auprès de mon père ainsi que de mon beau-père qui vit dans une autre ville. Ce sont deux anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale qui ont servi à l'étranger mais qui ne peuvent pas recevoir d'aide d'Anciens combattants Canada, ce qui n'est pas négligeable.

La population du Canada est en train de changer de façon radicale, ce qui aura beaucoup d'impact sur la société. Les baby-boomers doivent assumer le rôle d'aidant naturel pour leur père ou leur mère, un autre parent ou un ami vieillissant. En même temps, un grand nombre de personnes âgées doivent soigner un conjoint malade ou un enfant handicapé devenu adulte. La prestation de soins est un élément fondamental de nos milieux de vie et de notre système de soins de santé. Comme les aidants naturels non rémunérés assurent 70 p. 100 des soins dont ont besoin les personnes âgées, les malades chroniques et les handicapés au Canada, il est urgent de mieux connaître et reconnaître toutes les formes de prestation de soins ainsi que de comprendre les problèmes associés au travail d'aidant naturel auprès d'un proche et de déterminer les stratégies pour soutenir les aidants naturels.

Qui sont les aidants naturels? Ce sont Tom et Martha, tous les deux âgés de 75 ans et qui doivent s'occuper de leur fils Paul, un homme de 45 ans atteint de schizophrénie. Paul ne peut pas fonctionner seul. Tom et Martha commencent à se faire vieux et ont de plus en plus de mal à répondre aux besoins de leur fils. Paul est très craintif et quitte rarement la maison. Il lui arrive de refuser de prendre ses médicaments à cause des effets secondaires. Ses parents ont appris à l'encourager à prendre soin de sa personne et à faire sa propre toilette, mais cela leur demande beaucoup d'énergie. Comme Paul ne souffre pas d'un handicap physique particulier en plus de sa schizophrénie, il n'a pas droit aux services offerts dans le cadre d'un programme de soins à domicile. En conséquence, Tom et Martha consacrent un nombre incalculable d'heures chaque mois à la recherche de soins privés de relève à domicile et en sont réduits à engager quiconque répond aux annonces qu'ils passent dans les journaux.

Tom et Martha, comme beaucoup d'autres aidants naturels, ne répondent pas aux critères d'admissibilité aux soins communautaires et à domicile. Les personnes souffrant de maladie mentale ne sont pas tous admissibles aux services à moins d'avoir un handicap physique qui limite leur fonctionnement. Il y a 30 ans, leur fils Paul aurait été placé dans un établissement de soins de santé. La découverte de nouveaux traitements pharmaceutiques et la désinstitutionnalisation dans les années 1970 a profondément bouleversé le traitement de la maladie mentale. Tom et Martha pensent que, si l'un ou l'autre disparaît, le conjoint survivant ne se pas en mesure de s'occuper seul de Paul. Que va-t-il arriver à Martha, Tom et Paul?

Claude est un aidant naturel qui s'occupe de sa femme Marie, 83 ans, atteinte de la maladie d'Alzheimer. L'état de santé de Marie est en train de se détériorer et elle reçoit maintenant des soins palliatifs. Claude a promis à Marie qu'elle pourrait mourir à la maison. Claude a 87 ans. En plus d'avoir plusieurs affections chroniques, il a des problèmes cardiaques et souffre d'arthrite. Depuis qu'il prodigue des soins à Marie, il a bénéficié de différents niveaux de services. Par contre, il y a environ cinq ans, les responsables du programme de soins à domicile ont réduit de cinq à trois le nombre d'heures d'aide familiale à laquelle Claude avait droit à chaque semaine. Marie a aussi fréquenté un programme de jour pour adultes, ce qui donnait à Claude quelques heures de répit. Toutefois, Marie à dû abandonner ce programme lorsqu'elle s'est retrouvée dans l'incapacité de se nourrir et d'aller aux toilettes seule. Marie bénéfice maintenant de soins fournis dans le cadre du programme de soins palliatifs, mais Claude, qui s'est occupé d'elle pendant des années et qui a ses propres problèmes de santé, est épuisé. Claude et Marie sont des exemples de personnes âgées frêles qui ont été témoins de bien de changements dans le domaine des soins communautaires et à domicile au fil des années. Le niveau de services auquel ils avaient droit a été modifié sans aucune évaluation de leurs besoins par suite de compressions budgétaires dans le secteur des soins à domicile. Toute modification de programmes et de niveaux de service doit se faire en conjugaison avec une évaluation des besoins des aidés et des aidants. Que va faire Marie si Claude tombe malade?

Autre exemple d'aidants naturels : Norma, Kathleen et Jennifer. Norma, la mère, est une Canadienne d'origine irlandaise âgée de 85 ans. Elle vit à Vancouver. Elle souffre d'arthrose et a récemment subi un remplacement de la hanche qui n'a pas donné de bons résultats, ce qui fait qu'elle éprouve de la douleur. Norma sait qu'un jour viendra où elle pourra plus s'occuper de Kathleen, la benjamine. Norma ne prend plus sa voiture, étant donné qu'elle a de la difficulté à conduire. Elle est incapable d'effectuer des travaux ménagers lourds. Elle cuisine toujours, mais trouve cela difficile en raison des douleurs qu'elle ressent à la hanche. Elle souffre de troubles de mémoire légers : elle oublie des noms, laisse des casseroles sur le feu et se perd parfois dans les transactions bancaires compliquées.

Kathleen, 50 ans, est la benjamine de la famille. Elle vit avec sa mère. Elle est atteinte de troubles du développement et souffre d'une déficience intellectuelle légère. Elle travaille comme bénévole au sein de la collectivité. Elle se déplace en autobus et compte sur sa mère pour lui rappeler ses rendez-vous et gérer son argent. Kathleen s'occupe de l'épicerie et des gros travaux ménagers, sous la direction de sa mère. Jennifer, 55 ans, travaille à temps plein. Elle est mariée et vit sur l'Île de Vancouver. Ses enfants sont adolescents. Norma et Kathleen habitent une maison de deux étages qui leur appartient. La chambre principale se trouve au deuxième étage. Il y a des escaliers à l'avant et à l'arrière de la maison. Norma et Kathleen occupent la maison depuis la naissance de Kathleen.

Kathleen participe à un atelier communautaire deux fois par semaine, à titre bénévole. Un jour, un des animateurs de l'atelier se rend compte de l'absence de Kathleen, ce qui est inhabituel. Après quelques jours, elle revient. Son apparence est peu soignée et elle est plus stressée que d'habitude. Le travailleur discute avec elle. Kathleen affirme que sa mère souffre beaucoup et que la situation, à la maison, est difficile. Le travailleur communique avec le service de santé et demande une évaluation des besoins en soins communautaires. Il explique que Norma et Kathleen ont besoin d'aide pour les travaux ménagers, à tout le moins, et peut-être plus.

Ces trois exemples de personnes âgées qui comptent sur des aidants naturels illustrent la complexité des défis auxquels sont confrontés les aidants, les bénéficiaires de l'aide, les systèmes de soins de santé, de soins à domicile et de soutien communautaire. Ils montrent également qu'il n'y a pas d'aidant naturel typique. Les aidants reflètent la composition générale de la population canadienne. Selon des statistiques sur la prestation de soins publiées récemment, entre 60 et 75 p. 100 des aidants sont des femmes, entre 35 et 65 p. 100 des aidants occupent un emploi rémunéré, 32 p. 100 sont des parents éloignés ou des non membres de la famille, et entre 25 et 45 p. 100 sont des personnes âgées. En effet, les aidants naturels vieillissent eux aussi.

Comme l'a mentionné Mme Keefe, le Canada accuse un retard par rapport au Royaume-Uni, à l'Australie, à l'Allemagne, au Japon, aux Pays-Bas et aux États-Unis, qui ont élaboré des stratégies nationales en matière de prestation de soins ou offrent des soutiens aux aidants naturels. Il est vrai que des progrès ont été réalisés à ce chapitre au Canada. L'Accord de 2003 des premiers ministres sur le renouvellement des soins de santé prévoit des dispositions pour la couverture de services pour soins actifs de courte durée à domicile, et le versement de prestations de compassion de l'assurance-emploi pour offrir un soutien du revenu et une protection d'emploi aux travailleurs qui prennent soin d'un membre de la famille gravement malade ou mourant. Toutefois, les aidants naturels âgés n'ont pas droit à la prestation puisqu'ils ne travaillent pas.

Les aidants naturels, s'ils veulent avoir la liberté de choix, une voix au chapitre et le soutien dont ils ont besoin, doivent pouvoir participer pleinement à l'élaboration des politiques et des programmes qui feront partie intégrante de la stratégie canadienne en matière de prestation de soins. Diverses mesures qui témoigneraient d'un leadership pourraient être prises : élaborer et mettre en place d'une stratégie de communication qui renseigne les Canadiens sur la prestation de soins et valorise et reconnaît le rôle joué par les aidants naturels provenant de tous les milieux; améliorer les services sociaux et de santé offerts au bénéficiaire de soins, à l'aidant naturel et à la famille; verser une rémunération aux aidants naturels; adopter des programmes d'aide financière; accorder des subventions, des indemnités, des déductions fiscales et des crédits d'impôt remboursables pour atténuer les coûts liés à la prestation de soins à domicile; faire en sorte que les plans de gestion des cas comprennent une évaluation des besoins de l'aidant naturel; offrir de l'information et de la formation; appuyer les organismes du secteur bénévole qui représentent les aidants naturels; brosser un tableau clair de la situation touchant la prestation de soins au Canada via la collecte de données; mettre en place un programme national de recherche en prestation de soins, y compris des mécanismes de transfert des connaissances.

Le gouvernement du Canada doit faciliter l'élaboration d'une stratégie pancanadienne et manifester un leadership solide en collaborant avec les provinces et les territoires. Cela permettra aux aidants comme Tom et Martha, Claude, Norma, Kathleen et Jennifer de continuer de remplir leur rôle sans sacrifier leur bien-être. Pour que cette stratégie nationale en matière prestation de soins devienne réalité, il faut que le gouvernement fédéral joue un rôle actif dans ce dossier et rassemble des dirigeants politiques, des intervenants et des aidants naturels de toutes les régions du Canada en vue d'amorcer le débat et d'adopter des mesures concrètes. Il est essentiel que le gouvernement fédéral accepte d'assumer ce rôle déterminant pour faire en sorte que les personnes âgées d'aujourd'hui et de demain aient accès à un système de soutien solide.

Le président : Merci. Vous nous avez donné beaucoup de matière à réflexion.

Madame Keefe, vous avez dit que des politiques doivent être adoptées dans quatre domaines d'action : les soins de répit directs, les paiements directs, les normes et les politiques du travail et les soutiens indirects. Vous avez parlé des soins directs et des paiements directs, mais vous n'avez abordé que très brièvement les deux autres points, soit les politiques et normes du travail et les allègements fiscaux indirects. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

Mme Keefe : Volontiers. Comme vous le savez, le Canada a mis sur pied le programme de prestation de compassion de l'assurance-emploi. Or, des améliorations s'imposent au chapitre des politiques du travail. J'ai examiné ce que font cinq autres pays dans ce domaine. Cette prestation, comme vous le savez sans doute, est peu utilisée. Nous avions prévu qu'elle le serait davantage. Si elle ne l'est pas, c'est en raison de la nature du programme. On a essayé d'en élargir la portée, ce qui est une bonne chose. Je ne sais pas si la loi a déjà été modifiée, mais le gouvernement entend élargir la définition du terme « malade en phase terminale ».

Les défis sont nombreux. Certains des pays que nous avons examinés offrent un programme plus souple. Par exemple, en Suède, les gens ont droit à 12 semaines de congé pour raisons familiales, semaines qui peuvent échelonnées sur une certaine période. Ils ne sont pas obligés de les prendre en bloc. Supposons qu'une personne décide de s'occuper d'un malade en phase terminale. Elle peut choisir de prendre congé deux jours par semaine, et de travailler les trois autres jours. Cette personne a accès à des prestations de compassion. En Suède, bien entendu, les prestations sont plus élevées qu'au Canada. Elles correspondent à 80 p. 100 du salaire des travailleurs.

Il faudrait envisager d'assouplir le programme. La Californie dispose d'un système plus efficace que le nôtre. J'ai été surprise quand j'ai vu leurs politiques. La prestation, en pourcentage du salaire, est à peu près la même, sauf que les gens là-bas reçoivent jusqu'à 800 dollars canadiens par semaine, alors que la prestation maximale versée au titre de l'assurance-emploi tourne, ici, autour de 450 dollars. Ils sont donc nettement avantagés.

Les personnes qui veulent s'occuper d'un malade en phase terminale ne se prévalent pas nécessairement des programmes qu'offrent différents pays dans le cadre de leurs politiques du travail. Au nombre des difficultés rencontrées, mentionnons le fait qu'elles doivent obtenir confirmation, de la part d'un médecin, que le malade est sur le point de mourir, parce que personne ne veut abandonner la partie. Il faudrait faire montre d'un peu plus de souplesse lorsqu'on accorde un congé aux personnes qui s'occupent de malades chroniques âgés, et non pas exiger que l'on fournisse une preuve — il n'y a pas une autre façon de le dire — qu'ils risquent fortement de mourir à l'intérieur d'un certain délai. Il s'agit là d'un véritable problème.

Il y a un autre aspect des politiques du travail qu'il convient de mentionner : les normes. Nous pouvons parler des politiques en milieu de travail, mais cela ne relève pas du domaine public. Toutefois, si nous passions en revue la loi canadienne sur les normes d'emploi et les normes d'emploi provinciales, nous serions en mesure de faire des progrès au chapitre du droit à des congés payés.

Pour ce qui est des paiements indirects, j'ai évité de parler des crédits d'impôt, car c'est une piste de solution que semble privilégier le Canada quand il essaie d'accomplir quelque chose. Les fiscalistes, j'en suis sûre, ne considèrent pas cette mesure comme un outil simple, sauf que c'est un outil qui relève de la compétence du fédéral. Or, les problèmes auxquels est confronté le système de soins différés sont nombreux. Dans mon milieu, nous avons l'habitude de parler de la loi des soins inversés : les gens qui ont le plus besoin de soins sont ceux qui ne sont pas au courant de l'existence de cet outil ou qui n'ont pas accès à des comptables qui peuvent les aider à en faire la demande. Recourir à la loi fiscale à cette fin constitue un défi de taille. Toutefois, la mise en place d'un crédit d'impôt remboursable constituerait un pas dans la bonne direction. C'est un mécanisme qui pourrait être considéré. À l'heure actuelle, le crédit d'impôt n'est pas remboursable.

Certains pays rattachent les droits à pension à l'indemnité aux aidants naturels, aux fins d'évaluation. Cela constitue pour nous un problème, car il faut procéder à une évaluation des besoins, évaluation qui est habituellement effectuée dans ces pays par un responsable du programme de soins à domicile à l'échelle provinciale. Les aidants naturels peuvent, à partir de cela, recevoir une indemnité. De plus, l'État accepte de leur verser des droits à pension dans le cadre de leur régime de pension.

Le président : Pour que les choses soient bien claires, le paiement de six semaines offert dans le cadre du programme de prestation de compassion n'a pas à être versé d'un seul coup. Il peut être échelonné sur 26 semaines.

Mme Keefe : C'est exact.

Le président : Cette modalité existe déjà. Si nous avons décidé de ne pas recourir au régime fiscal, c'est parce que les gens vont avoir besoin de l'argent à un moment précis et qu'il n'est pas possible de leur fournir à ce moment-là par le biais du régime fiscal. Le problème, bien entendu, c'est que le programme de prestation de compassion ne couvre pas toutes les personnes qui n'occupent pas un emploi à temps plein ou encore les personnes qui n'ont pas droit à de l'assurance-emploi à ce moment-là, même si elles travaillent.

Madame Stevenson-Young, vous avez mentionné quelque chose que j'aurais dû savoir. Vous avez dit qu'une personne atteinte d'une incapacité mentale n'a pas droit à des soins à domicile. Est-ce que cette règle vaut pour l'ensemble du pays?

Mme Stevenson-Young : Je pense que la situation est en train de changer. Les premiers ministres ont conclu une entente. Ils se sont engagés à commencer à fournir des soins à domicile pendant un certain temps aux personnes atteintes d'une incapacité mentale. De manière générale, les personnes atteintes d'une incapacité mentale n'ont pas droit aux soins à domicile.

Le président : C'est une aberration, n'est-ce pas?

Mme Stevenson-Young : En effet. Il y a environ deux ans, j'ai assisté à une conférence sur des soins de santé mentale à domicile. J'ai été fort étonnée d'apprendre qu'il y a une grande différence entre le fait d'être atteint d'une incapacité physique et le fait d'être atteint d'une incapacité mentale.

Le président : Je présume que les sénateurs Cordy et Keon sont au courant, puisqu'ils ont participé à l'étude sur la santé mentale, mais c'est la première fois que j'en entends parler.

Le sénateur Keon : Il y a un autre problème : la disparité entre les provinces.

Madame Stevenson-Young, vous avez dit que 70 p. 100 des services sont offerts bénévolement.

Mme Stevenson-Young : C'est exact.

Le sénateur Keon : Madame Keefe, vous avez parlé des quatre domaines d'action et des soins qui sont prodigués à une personne. Toutefois, je me demande combien de régions au Canada offrent des services d'aiguillage aux familles.

Mme Stevenson-Young : Le fait d'avoir quelqu'un qui vous aide à naviguer dans le système serait merveilleux. Il est souvent difficile de s'y retrouver, même si on le connaît bien. En Ontario, il y a des gestionnaires de cas dans les centres d'accès aux soins communautaires, sauf qu'ils n'offrent pas vraiment de services d'aiguillage. Ils vous renseignent sur les ressources qui existent, mais vous devez vous débrouiller tout seul pour en trouver d'autres. Les régies régionales de la santé seraient bien placées pour offrir des services d'aiguillage aux aidants qui s'occupent de personnes atteintes de diverses maladies chroniques ou d'incapacités.

Le sénateur Keon : Je sais comment fonctionnent les centres d'accès aux soins communautaires en Ontario, mais pas dans les autres provinces. Je continue de réclamer une réforme du système de soins de santé pour que les centres communautaires puissent fournir des soins primaires et des services sociaux, ce qui serait plus logique.

Est-ce que les centres d'accès aux soins communautaires de l'Ontario sont mieux outillés que ceux de la plupart des autres provinces et territoires? Je crois comprendre que les centres du Québec figurent parmi les meilleurs. Est-ce vrai?

Mme Keefe : Oui. Tout dépend si l'on parle des structures de gouvernance ou de la prestation de soins sur le terrain. Comme vous l'avez laissé entendre, il y a beaucoup de disparités entre les provinces et les régions. On a déjà dit du Québec qu'il était davantage sensibilisé aux besoins des parents et amis qui agissent comme aidants naturels. Il y a des régions au Québec où les centres de santé et de services sociaux, les CSSS, sont intégrés. Certains de ces centres fournissent un soutien important aux aidants naturels.

J'avais été invitée, il y a quelques années de cela, à prononcer un discours sur le système de soutien offert aux aidants naturels. Le ministre d'État à la famille et aux aidants naturels était présent dans la salle. En fait, il n'y a pas de système. Il faut s'adresser aux services des soins à domicile pour obtenir de l'aide pour les personnes âgées. Il existe aussi une multitude d'organismes sans but lucratif et de bénévoles qui offrent du soutien, par exemple pour les déplacements. Toutefois, il n'y a pas de bureau particulier qui offre des services d'aiguillage. Les évaluateurs chargés de définir les besoins en soins à domicile sont des gens dévoués et merveilleux, sauf qu'ils ne peuvent pas communiquer avec l'association bénévole locale pour organiser des visites amicales.

Je pense que votre idée est bonne. D'autres pays ont essayé de faire la même chose en mettant sur pied des programmes de soins de répit. Ils possèdent des centres d'information où les aidants naturels peuvent avoir accès à des renseignements et des ressources, à quelqu'un qui va leur expliquer les services qui existent. Le plus difficile, c'est de renseigner le public. Il est malheureux d'entendre parler de personnes qui auraient pu profiter du système de services publics, mais qui ne connaissaient pas son existence.

Le sénateur Keon : Pensez-vous que les gouvernements ont peur de s'attaquer à cette question parce qu'ils craignent que cela n'entraîne une hausse des besoins en main-d'oeuvre? Plus j'examine de près les systèmes de soins de santé mentale, la santé de la population, la situation des personnes âgées, ainsi de suite, plus je me rends compte que des réformes majeures s'imposent, et ce, dans toutes les provinces, au niveau des soins primaires et des centres de services sociaux et communautaires. Les centres d'accès aux soins communautaires essaient de faire de leur mieux, mais cela ne fait pas partie de leur mandat.

Mme Keefe : Non. Je conviens tout à fait que le besoin est criant. On semble craindre l'escalade, en ce sens que si nous offrons ces services ou ce soutien aux aidants naturels, ils vont surgir de partout. Regardez le programme d'assurance-emploi. Ils n'en ont pas profité. La plupart des gens n'essaient pas de manipuler le système. Il y en a probablement quelques-uns dans chaque groupe, mais dans l'ensemble, les gens n'essaient pas de tricher. Nous devons rejeter cette idée que les gens vont surgir de partout et nous devons fournir un soutien aux aidants naturels avant qu'il ne soit trop tard et qu'ils se retrouvent eux aussi dans un établissement de soins de longue durée.

Il faut aussi comprendre la différence de coûts. Vous devez investir dans les mesures préventives et les services d'aiguillage et aider les gens à mettre en place un système de soutien pour aider la communauté. Comme Mme Stevenson-Young l'a dit, vous devez offrir un soutien à des organismes bénévoles dans la collectivité ainsi qu'aux aidants naturels et aux personnes âgées qui vivent dans ces collectivités. Ce soutien contribue énormément à garder les gens chez eux et leur évite d'avoir à déménager dans un établissement. Certaines mesures préventives ont des effets à long terme en gardant les gens en meilleure santé dans leur milieu.

Le sénateur Keon : Je reviendrai sur cette question un peu plus tard, si la présidente me permet de le faire au prochain tour de table.

Le sénateur Cordy : Mme Keefe est une ancienne étudiante de l'Université Mount Saint Vincent. C'est un plaisir de vous accueillir ici. Vous avez fait énormément de travail en Nouvelle-Écosse.

J'aimerais revenir à la stratégie de communications que nous devrions utiliser. Vous avez raison; il existe de nombreux programmes dont les gens ne profitent pas parce qu'ils n'ont pas le temps de s'informer. Madame Keefe, vous avez dit, je crois, que ceux qui n'ont pas besoin des programmes sont probablement ceux qui sont les mieux informés à leur sujet.

Comment diffuser l'information? En Nouvelle-Écosse, il y a un numéro 1-800, mais cette solution ne fonctionne pas toujours, parce que vous devez appuyer sur le 2 si vous voulez une chose, sur le 7 pour une autre, et ainsi de suite. Comment rejoindre les personnes âgées et les aidants naturels? Les aidants naturels qui ont un emploi à l'extérieur du foyer et qui doivent, en plus, donner des soins n'ont pas une heure pour se détendre et lire le journal lorsqu'ils reviennent du travail.

Mme Stevenson-Young : Comme le sénateur Keon l'a mentionné, il serait utile d'avoir un aiguilleur qui serait au service des gens. Par exemple, il existe actuellement un projet pilote en Ontario qu'on appelle Premier lien. Ce projet vise seulement la maladie d'Alzheimer et la démence. La coordonnatrice de Premier lien rencontre les équipes de santé familiale et d'autres médecins dans une communauté élargie du sud-est de l'Ontario. On lui donne le nom des gens qui ont reçu un diagnostic de démence. À titre de coordonnatrice, son travail consiste à communiquer avec la personne et à demander si elle a besoin d'aide ou de ressources. Si les gens disent « Non. C'est une épreuve accablante. Laissez-nous seuls », alors la coordonnatrice les laisse seuls et communique de nouveau avec eux quelques semaines plus tard pour offrir de l'aide ou offrir de trouver des ressources pour eux. La coordonnatrice assure un suivi auprès de cette personne et de sa famille, si la famille veut s'engager.

Lorsque le projet pilote sera terminé, je crois qu'il sera adopté partout en Ontario. Il est mis en œuvre dans cinq centres de l'Ontario à l'heure actuelle. Il a donné de bons résultats à Ottawa, et je crois qu'il donnera de bons résultats partout dans la province. Un coordonnateur de Premier lien ou un aiguilleur pourrait être utilisé dans l'ensemble du système de soins de santé pour amener les services aux gens au lieu que les gens aient à chercher les services.

Concernant les numéros 1-800, mon père, et d'autres personnes âgées, j'en suis certaine, n'utiliseront pas ces numéros. Si on lui demande d'appuyer sur un bouton, il raccroche. Il dit qu'il n'a pas de temps à perdre. Il a 82 ans. Il n'a plus beaucoup de temps et il ne veut pas le perdre à appuyer sur des boutons. Ce serait utile d'avoir un aiguilleur dans les conseils régionaux de santé.

Il est important de faire le pont entre les services — santé publique, soins de santé primaires, services communautaires et soins intensifs de courte durée. Il est temps de considérer le système de santé comme un tout et de relier tous ces vases clos. Il faut aussi penser au logement et au transport. Je vis dans un secteur rural, où il n'y a aucun service d'autobus. Si je dois voir un médecin ou me rendre à l'hôpital, il me faut une voiture. Si j'étais une personne âgée à qui on aurait retiré le permis de conduire après un diagnostic de démence, un trouble cardiaque ou autre, je ne pourrais aller nulle part à moins que quelqu'un ne vienne me chercher. Ce n'est pas une situation enviable pour aucun Canadien. C'est le sud de l'Ontario, et non une région éloignée du pays. Je vis à 41 kilomètres de la 401 et c'est le néant. Il n'y a rien. Il n'y a aucun service de cellulaire, aucun service Internet à haute vitesse et aucun service d'autobus. Aucun service n'est offert. Le plus proche village se trouve à 12 kilomètres de distance. Nous devons commencer à voir au-delà des secteurs de compétence et des vases clos et à regrouper l'information et les services pour que les gens aient facilement accès aux services dont ils ont besoin sans avoir à appuyer sur une série de boutons ou à appeler quelqu'un d'autre pour obtenir de l'aide.

Mme Keefe : Je ne suis pas un expert en communications. Pour les gens sur le terrain, les communications constituent un élément important et nécessaire.

En tant que société, nous devons reconnaître davantage les aidants naturels plus globalement. Comment doit-on s'y prendre? Il nous faut une vision ou une stratégie pour les aidants naturels, quelque chose qui pourrait nous guider lorsque nous cherchons à définir nos objectifs, la valeur que nous accordons aux personnes qui prennent soin des aînés et ce que nous essayons d'accomplir dans notre société. Mon objectif serait de faire en sorte que les gens dans une communauté, que ce soit une localité rurale ou le centre-ville de Toronto, reconnaissent les aidants naturels. Ces derniers pourraient peut-être se donner eux-mêmes cette reconnaissance, parce que c'est là une partie du défi : ils sont tellement occupés à faire leur journée qu'ils ne cherchent aucune aide. Comment faire comprendre qu'il faut une stratégie pour les aidants naturels et qu'il faut valoriser le travail que font ces femmes et ces hommes dans notre société en aidant les personnes âgées à demeurer dans leur milieu le plus longtemps possible? Est-ce que d'autres personnes y contribuent également, mais ne le reconnaissent même pas?

J'ai participé à un projet de villes rurales attentives aux personnes âgées. Tout a commencé avec le projet mondial de villes-amies des aînés de l'Organisation mondiale de la santé; l'Agence de santé publique du Canada se penche sur les facteurs qui rendent les petites localités rurales attentives aux personnes âgées. Je suis certaine que vous en avez entendu parler.

On a parlé d'une femme vivant dans un secteur rural éloigné de la Nouvelle-Écosse qui a appelé cinq personnes pour voir si quelqu'un pouvait la conduire à l'hôpital, à une heure et demie de distance. Finalement, sa belle-sœur a fait le trajet de trois heures et demie à partir de Halifax pour l'amener à l'hôpital. Quatre personnes autour de la table ont dit « vous auriez dû m'appeler. » Les gens sont prêts à aider, mais personne n'est là pour aiguiller ou coordonner ces besoins. C'est dommage.

Le sénateur Cordy : Ce serait excellent d'avoir un plan et de reconnaître aussi les aidants naturels, ce qu'ils font et l'aide qu'ils apportent non seulement aux personnes dont ils prennent soin, mais aussi à l'ensemble de la société.

Comme vous le dites, il faut aussi être proactifs. Les gens hésitent souvent à demander de l'aide. Parfois, nous hésitons aussi. C'est facile de dire « Appelez-moi si vous avez besoin de quelque chose » au lieu de frapper à la porte et d'agir.

J'aimerais aborder la question des ressources humaines dans le domaine des soins à domicile. Nous savons que les personnes qui travaillent dans ce domaine gagnent souvent le salaire minimum ou un salaire légèrement supérieur. Elles doivent recevoir une formation pour faire ce travail mal rémunéré, une formation qui leur coûte des milliers de dollars. Comment allons-nous retenir ces personnes si nous ne payons pas leur formation et si nous leur offrons le salaire minimum? Fait-on quelque chose pour établir des normes nationales pour les personnes qui travaillent dans le domaine des soins à domicile?

Mme Keefe : C'est une autre question qui me tient à cœur. Les aides de maintien à domicile, en particulier les travailleurs de première ligne, sont invisibles dans nos stratégies de ressources humaines, pour autant que je sache. Nous avons des stratégies pour les médecins et le personnel infirmier dans l'avenir. Ces professions sont essentielles au système de soins de santé du Canada et au système de soins à domicile, mais qui fait le travail de première ligne? D'où viennent ces personnes? Vous avez absolument raison. On en parle comme si c'était un prolongement des soins familiaux qui sont fournis, alors on considère que ce n'est qu'un travail de femmes et on ne le valorise donc pas. À titre d'ancienne étudiante de l'Université Mount Saint Vincent, vous comprendrez là où je veux en venir, mais je ne vais pas m'arrêter là-dessus maintenant.

Il y a des différences d'une province à l'autre. Les différences de salaire pour les aides de maintien à domicile, même entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, sont étonnantes — 4 et 5 $ l'heure — et la formation est différente. J'en suis sidérée. Je ne sais pas où nous en sommes avec les normes nationales de formation. Je sais que les provinces en discutaient entre elles par l'entremise des comités provinciaux et territoriaux.

Le maintien en poste des travailleurs est un énorme problème. Une étude que nous avons effectuée en Nouvelle-Écosse il n'y a pas très longtemps montrait que ces travailleurs de première ligne vieillissaient eux aussi. Tout est relatif ici, mais ils sont, en moyenne, dans la cinquantaine. C'est un problème important à mesure que le temps passe. Je n'ai pas de réponse. Certaines provinces recrutent activement des travailleurs.

La façon dont les services de soins à domicile sont fournis varie d'une province à l'autre, que ce soit par l'entremise d'organismes à but lucratif ou sans but lucratif, et les normes varient également. Au Manitoba et à l'Île-du-Prince-Édouard, je crois que les aides à domicile sont des employés du gouvernement. Cela varie énormément.

Je n'ai pas de réponses faciles, sinon pour dire que vous avez raison : il faut accorder plus d'attention aux besoins en travailleurs de première ligne, et en particulier aux besoins en aides de maintien à domicile.

Mme Stevenson-Young : Ces travailleurs doivent être inclus dans les ressources humaines du secteur de la santé. Lorsque les gens parlent de ces ressources, ils songent aux médecins, aux infirmières et aux spécialistes. Ils ne parlent pas des travailleurs de première ligne qui vont à domicile. En Ontario, les préposés aux services de soutien à la personne suivent un programme de formation, et ils sont donc tous formés. La Société Alzheimer a essayé de mettre en place une formation pour les soins aux personnes atteintes de démence dans chaque collège communautaire. Graduellement, tous ceux qui travaillent en première ligne auront ce type de formation.

Cette formation est donnée par les collèges communautaires, alors on pourrait peut-être exercer certaines pressions à ce niveau. Je ne sais pas de qui relèvent les collèges communautaires. Je crois que c'est du gouvernement provincial, mais s'il y a une compétence fédérale à ce niveau, vous pouvez peut-être utiliser la persuasion morale pour amener les collèges communautaires à former des travailleurs de première ligne. La question salariale est importante également. Si vous offrez le salaire minimum, vous obtiendrez un effort minimum, sauf de la part des personnes qui sont très dévouées.

Le sénateur Cordy : L'argent a toujours un bon effet de persuasion.

Ma dernière question porte sur une éventuelle stratégie nationale, si en fait les provinces et les territoires vont élaborer une stratégie nationale de concert avec le gouvernement fédéral.

Comment peut-on avoir une stratégie nationale et en même temps une certaine souplesse? Habituellement, les programmes gouvernementaux sont très rigides et si on propose quelque chose de différent, ça ne passe pas. Comment peut-on avoir une stratégie nationale avec une certaine souplesse?

Il y a quelques années, je faisais partie du Groupe de travail libéral du premier ministre sur les aînés. L'un des meilleurs endroits que nous avons trouvés pour les soins à domicile était le Yukon. Les personnes âgées y étaient peu nombreuses, parce que les gens qui avaient déménagé au Yukon de nombreuses années auparavant prenaient souvent leur retraite dans le Sud. Aujourd'hui, par contre, cette population augmente rapidement au Yukon, parce que beaucoup de gens y trouvent un style de vie qu'ils aiment et les parents viennent vivre avec leurs enfants qui travaillent là-bas.

Comment doit-on s'y prendre pour créer des programmes partout au pays qui seront efficaces pour tout le monde?

Mme Keefe : Vous commencez avec ce que vous considérez être vos valeurs de base — par exemple, où vous voulez être à différentes périodes. La plupart des provinces ont intégré les soins de relève dans leur programme de soins à domicile. Elles peuvent apprendre l'une de l'autre différentes façons de soutenir les aidants naturels, que ce soit avec des centres de jour pour adultes, un programme amélioré de soins de relève ou les mesures fiscales qui existent.

Selon moi, il faut viser plus large. En ce qui a trait à la souplesse, il n'y a aucun service à qui on devrait dire « Vous aurez ceci ». Cette solution ne convient pas à tous les aidants. Il faut avoir une certaine souplesse pour pouvoir offrir ce soutien. De nombreuses provinces ont mis en place des programmes de soins autogérés, qui offrent aux familles la possibilité d'obtenir des services de soutien plus adaptés.

Je n'ai pas de solution magique et je n'exigerais pas que chaque province fournisse une quantité déterminée de soins, mais chacune devrait accepter certains éléments clés, comme des services de relève ou des centres de jour pour adultes lorsque la chose est faisable, ou encore un soutien à un réseau communautaire auquel les aidants naturels auraient accès.

Le Trésor public ne doit pas être le seul à être mis à contribution. Les communautés seraient peut-être prêtes à fournir certaines sommes par l'entremise des organismes sans but lucratif et bénévoles, mais il faut les encourager à le faire. Le système américain, qui a fourni des enveloppes d'argent aux États pour mettre sur pied des programmes de soutien aux aidants naturels, est un autre modèle dont on pourrait s'inspirer dans l'élaboration d'une stratégie.

Mme Stevenson-Young : Le gouvernement fédéral pourrait prendre les devants en offrant un cadre global pour l'élaboration d'une stratégie, en assurant un leadership et en travaillant en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux pour mettre en place les composantes d'un système qui seraient disponibles à tous les Canadiens.

Pour ce qui est d'une stratégie de communications, ce serait une stratégie pancanadienne pour que les gens sachent que les aidants naturels offrent un service à leur communauté. On pourrait avoir la journée ou la semaine des aidants naturels. Beaucoup de choses peuvent être faites et ce, à l'échelle nationale.

Quant aux mesures fiscales, nous avons parlé des prestations de soignant offertes dans le cadre de l'assurance-emploi. Ces prestations ne sont offertes qu'aux personnes qui sont des employés. Les travailleurs autonomes, les gens qui ne sont pas admissibles à l'assurance-emploi, les personnes âgées et ceux qui ne travaillent pas n'ont pas droit à ces prestations. On doit trouver une autre façon d'aider ces personnes, peut-être par le Régime de pensions du Canada. Depuis 1965, la plupart des gens qui ont travaillé ont cotisé à ce régime. Il pourrait y avoir quelque chose pour les soignants âgés dans le cadre du système de pension de la sécurité de la vieillesse. Bon nombre de choses peuvent être envisagées au niveau fédéral. Le soutien offert aux familles revient aux localités. S'il y a un encouragement du niveau fédéral au niveau provincial et au niveau local et qu'on préconise les valeurs et les éléments de base que nous avons décrits, le soutien offert aux familles au niveau local devrait être le même partout au Canada.

Le gouvernement fédéral devrait mettre en place un programme global et montrer la voie à suivre aux autres ordres de gouvernement, dans le cadre d'une stratégie canadienne pour les aidants naturels.

Le sénateur Murray : Parlons un instant de ces personnes dont le gouvernement fédéral est directement responsable et auxquelles il offre directement des programmes. Par exemple, on nous a dit que le ministère des Anciens combattants offre divers services de soins à domicile. Mme Stevenson-Young a fait mention de ce qui semble être un problème d'admissibilité en ce qui concerne son père et son beau-père.

La Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits travaille avec les collectivités des Premières nations et des Inuits à l'élaboration de services de soins à domicile et de soins de santé communautaires. De son côté, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien offre un programme de soins aux adultes visant à aider les membres des Premières nations aux prises avec des limitations fonctionnelles attribuables à l'âge, à des problèmes de santé ou à une incapacité.

Que connaissez-vous à propos de ces programmes et que pourraient en tirer les provinces?

Mme Keefe : Je ne connais pas beaucoup les programmes destinés aux Inuits, mais je connais assez bien celui offert par le ministère des Anciens combattants, qui est considéré dans notre milieu comme étant le nec plus ultra des programmes de soins à domicile pour les personnes âgées. Ce ministère s'occupe beaucoup des personnes admissibles à son programme, au sujet duquel je vais vous donner un point de vue différent. Je crois que nous avons beaucoup à apprendre du programme destiné aux anciens combattants.

Les personnes admissibles reçoivent des services complets et adaptables. Le ministère offre non seulement les services de soins actifs à domicile que pourrait fournir un gouvernement provincial, mais aussi toute une gamme de services d'entretien à domicile, comme un service d'entretien extérieur, ainsi que des services d'aide pour les activités quotidiennes afin de permettre aux gens de continuer à demeurer chez eux.

Ces dernières années, le ministère a accentué ses efforts en vue de réduire les listes d'attente pour les établissements de soins de longue durée et d'accroître les services de soins à domicile afin de retarder le placement en établissement pour une grande partie de sa clientèle.

Cela montre bien à quel point un programme de soins à domicile peut être efficace et rentable s'il prévoit toute une gamme de services plutôt que quelques services précis, comme l'aide pour le bain. Si quelqu'un a besoin d'aide pour le bain, c'est qu'il a aussi probablement besoin d'aide pour l'entretien ménager, la tonte de la pelouse ou l'enlèvement de la neige afin d'éviter une mauvaise chute qui pourrait résulter en une blessure et éventuellement un remplacement de la hanche. Ce ne sont pas tous les programmes de soins à domicile qui pourront offrir toute une gamme de services, mais en combinant ces programmes à une stratégie de développement des services communautaires, il y aurait ainsi une amélioration.

Le sénateur Murray : En affirmant qu'il s'agit du nec plus ultra des programmes, voulez-vous laisser entendre qu'il ne serait pas possible ou trop coûteux d'offrir un tel programme à l'ensemble de la population? Vous semblez dire que nous avons beaucoup de choses à apprendre de ce programme et que, même si un seul ordre de gouvernement ou un seul ministère ne serait pas en mesure d'offrir un tel programme, en s'associant à divers organismes communautaires et groupes de bénévoles, un gouvernement pourrait toutefois parvenir à offrir le même niveau de service que le ministère des Anciens combattants.

Mme Keefe : Je suis en train de réfléchir à vos propos. Nous considérons qu'il s'agit du nec plus ultra des programmes par rapport à certains programmes de soins à domicile provinciaux, qui sont davantage axés sur les soins actifs plutôt que sur les soins pour malades chroniques. Dans bien des provinces, il n'existe plus de service d'entretien à domicile. Parfois, on peut recevoir un tel service seulement si on a besoin de soins de santé. Les gens n'ont souvent pas droit à des services d'entretien ménager ou à d'autres services d'aide de la sorte.

Le programme destiné aux anciens combattants est plus complet. Nous pourrions nous en inspirer pour élaborer un programme visant l'ensemble des personnes âgées. Les services pourraient ne pas tous être offerts ou payés par l'État mais ils seraient organisés par lui.

Le sénateur Murray : Voilà pour vous l'occasion, madame Stevenson-Young, de critiquer le ministère des Anciens combattants. Expliquez-nous comment votre père et votre beau-père ont pu être exclus.

Mme Stevenson-Young : Ils ne reçoivent pas une pension d'ancien combattant. Par conséquent, ils ne sont admissibles à aucun des services offerts par le ministère, même s'ils ont servi outre-mer durant la Deuxième Guerre mondiale. Mon père a 82 ans et mon beau-père est âgé de 84 ans. Ils ont tous les deux des problèmes de santé et mon beau-père est actuellement hospitalisé à St. Catharines.

Ils ne peuvent pas bénéficier des services parce que ni l'un ni l'autre ne souffre d'une incapacité résultant de leur service durant la Seconde Guerre mondiale. Aujourd'hui, le syndrome de stress post-traumatique est considéré comme une incapacité. Je suis sûr que certains hommes qui ont combattu durant la Deuxième Guerre mondiale souffrent du syndrome de stress post-traumatique depuis une soixantaine d'années.

Je me suis entretenue avec des fonctionnaires d'Anciens combattants Canada à l'Île-du-Prince-Édouard, qui m'ont affirmé que le ministère envisage d'offrir ces services à tous les hommes et les femmes qui ont servi outre-mer durant la Deuxième Guerre mondiale. Il s'agirait d'un petit groupe de personnes assez âgées. Ils ne seront pas des centaines de milliers à demander ces services.

Le sénateur Murray : De nombreux militaires servent en ce moment à l'étranger. Je suis heureux de vous avoir donné l'occasion d'expliquer la situation.

La note d'information que nous avons reçue indique que la Loi canadienne sur la santé traite des soins à domicile dans la définition de « services complémentaires de santé ». Par conséquent, à ce titre, il ne s'agit pas de services assurés, visés par les cinq principes de la loi.

Ce n'est pas ce que vous semblez demander lorsque vous dites que le gouvernement fédéral devrait attribuer des enveloppes d'argent aux provinces. Mme Stevenson-Young suggère de définir un cadre pour une stratégie nationale.

Mme Keefe : Est-ce que vous me demandez si je propose d'inclure les soins à domicile dans les services assurés visés par la Loi canadienne sur la santé?

Le sénateur Murray : Oui, c'est exact.

Mme Keefe : Il s'agit d'un débat que nous avons au pays depuis un certain nombre d'années. Je suis certaine que vous êtes au courant. Cela pose certains problèmes. Vous me mettez sur la sellette; je ne sais pas exactement quoi répondre en ce moment. Il s'agit d'une excellente question.

Je suppose que le problème réside dans le fait qu'il est difficile de déterminer lesquels de ces services sont nécessaires et lesquels sont souhaitables. C'est ce qui pose un problème quand vient le temps de décider de les inclure dans les services assurés.

Pouvons-nous soutenir certains services qui permettraient d'aider les gens à vivre plus longtemps chez eux, sans qu'ils soient inclus dans les services assurés? Je crois que oui. J'estime que c'est ce que nous devrions faire. Nous pourrions en discuter davantage, mais voilà ma réponse pour l'instant.

Le sénateur Murray : Je veux savoir si j'ai bien compris quelque chose qui a été dit plus tôt. Est-il bien vrai que, de toutes les provinces, c'est celle de Québec qui est la plus avancée dans ce domaine? Y a-t-il des programmes provinciaux meilleurs que d'autres dont on pourrait s'inspirer afin d'établir des pratiques optimales dans le domaine?

Mme Keefe : Si vous examinez les programmes de toutes les provinces, vous aurez une opinion différente.

Le sénateur Murray : Je vous demanderais tout de même de nous donner un aperçu.

Mme Keefe : Dans le passé, il est certain que le Québec était un chef de file en matière de services sociaux et de santé intégrés, qui offraient un soutien aux aidants naturels. Des changements ont été apportés au système québécois ces dernières années, et je crois que mes collègues du Québec me diraient que ce n'est plus le meilleur.

La Nouvelle-Écosse continue d'offrir principalement des services de soins à domicile aux malades chroniques dans le cadre de son programme de services de soins à domicile. Elle consacre également des efforts à la prestation de soins actifs à domicile et elle envisage d'élaborer une stratégie pour les aidants naturels. Je ne veux pas faire abstraction des efforts faits par cette province, car je suis originaire de là.

Le Manitoba était la province qui affichait la meilleure note au chapitre des services de soins à domicile. La Colombie-Britannique, quant à elle, met maintenant davantage l'accent sur les soins actifs, et je n'ai pas évalué quelle en est l'incidence sur les aidants naturels. Certains collègues de cette province, comme Marcus Hollander, contesteront peut-être la décision de favoriser les soins à domicile actifs plutôt que les soins à domicile aux malades chroniques.

Je ne veux pas passer sous silence les centres d'accès aux soins communautaires. Il s'agit là d'un autre modèle. Il y a beaucoup de discussions sur la question de savoir si la concurrence dirigée constitue la meilleure approche en ce qui concerne la prestation des services. C'est pourquoi les provinces doivent constamment communiquer entre elles, et je suis certaine qu'elles le font. Chaque programme provincial contient des éléments positifs et d'autres qui peuvent avoir des désavantages pour le client.

La présidente : Madame Keefe, pouvez-vous me dire quel pays offre des droits à pension aux aidants naturels?

Mme Keefe : Oui. Le Royaume-Uni offre des droits à pension en plus d'une allocation aux aidants.

La présidente : Je vous remercie beaucoup. Merci à toutes les deux. Vos observations nous seront fort utiles.

Nous allons maintenant entendre le deuxième groupe de témoins, qui parleront principalement des initiatives visant les personnes âgées mises en oeuvre à l'Île-du-Prince-Édouard et en Nouvelle-Écosse. Sachez que vous ne pouvez pas vous faire concurrence.

Nous allons d'abord entendre M. Bernie LaRusic, qui est vice-président de l'organisme Group of IX. Il s'agit d'un organisme indépendant voué à l'amélioration du bien-être des personnes âgées en Nouvelle-Écosse. Son rôle principal est de renforcer leur voix et leur présence auprès des organismes décisionnels du gouvernement. Il assume ce rôle en agissant à titre d'organisme consultatif auprès du Secrétariat aux aînés de la Nouvelle-Écosse, qui est l'organe gouvernemental qui exerce une influence sur l'orientation des politiques publiques au nom des personnes âgées de la province.

Ne pensez pas monsieur LaRusic que nous avons un parti pris, car le sénateur Cordy est originaire de la Nouvelle-Écosse, et le sénateur Murray et moi-même avons grandi dans cette province.

Le sénateur Cordy : M. LaRusic et mon père étaient des amis.

La présidente : Nous allons ensuite entendre Mme Judy Lynn Richards, qui est professeure adjointe au département de sociologie et anthropologie de l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard. Je dois signaler que mon assistant vient de l'Île-du-Prince-Édouard.

Mme Richards travaille auprès de divers organismes de cette province, notamment le Secrétariat aux aînés du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard, afin d'attirer l'attention sur la nécessité de se préparer à faire face aux défis qu'entraîne le vieillissement de la population. Un groupe de partenaires a mis sur pied une initiative visant à élaborer un plan de travail prévoyant des mesures précises à prendre à court, à moyen et à long terme.

Bernie LaRusic, vice-président, Groupe of IX : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser à vous. En tant que vice-président du Group of IX, l'organisme qui représente les personnes âgées de la Nouvelle-Écosse, j'ai le plaisir de vous parler de la stratégie qui a été mise en place par le gouvernement provincial, qui porte le nom de Strategy for Positive Aging in Nova Scotia. Il s'agit de la première stratégie de la sorte au Canada. Le Secrétariat aux aînés de la Nouvelle-Écosse a préparé ce document complet de 200 pages — dont les sénateurs ont reçu une copie — dans lequel on propose 190 changements et mesures. Cette stratégie constitue un plan à mettre en oeuvre au cours des 10 à 15 prochaines années en vue d'aider tous les secteurs à établir des collectivités-amies des aînés et à se préparer à faire face aux répercussions du vieillissement rapide de la population.

Le Group of IX agit à titre d'organisme consultatif auprès du secrétariat. Nous ne travaillons pas avec lui quotidiennement. Cependant, nous sommes régulièrement tenus au courant de ses principales initiatives, dont la plus importante est cette stratégie. En me rapportant à cette stratégie, je vais répondre brièvement à vos principales questions.

Quant à la définition des « aînés », comme en fait mention votre rapport provisoire et le document sur la stratégie, l'âge de la retraite a été fixé à 65 ans à la fin du XIXe siècle. Les temps ont changé ainsi que l'espérance de vie. Y a-t-il lieu au Canada de hausser l'âge d'admissibilité à la retraite, comme l'ont fait d'autres pays? La réponse n'est pas aussi simple qu'elle puisse paraître.

Tout ce que le gouvernement du Canada peut faire pour augmenter la participation des travailleurs âgés au marché du travail serait un pas dans la bonne direction, surtout dans notre province, où nous sommes confrontés à une très grave pénurie de main-d'œuvre. D'après ce que je peux constater, les travailleurs s'en vont dans l'Ouest. Toutefois, comme l'a fait remarquer le Conseil consultatif national sur le troisième âge, si nous ne faisons qu'augmenter l'âge de la retraite, cela aura une incidence négative sur de nombreux travailleurs à faible revenu qui ont droit à des prestations du Régime de pensions du Canada lorsqu'ils sont mis à pied ou qu'ils quittent leur travail en raison de problèmes de santé.

Quand on discute de l'âge d'admissibilité à la retraite, nous devons nous rappeler que les travailleurs plus âgés ne constituent pas un groupe homogène. Étant donné cette diversité, il pourrait s'avérer plus judicieux d'adopter une approche souple. La première chose à faire selon nous serait de supprimer tous les facteurs de dissuasion d'ordre financier.

De nombreux Canadiens sont disposés à travailler plus longtemps, mais la plupart des régimes de pension professionnels — et même le Régime de pensions du Canada — n'encouragent pas la retraite progressive et ne permettent pas facilement d'accumuler des droits à pension partiels ni de percevoir des prestations partielles de retraite. Éliminer des facteurs de dissuasion comme ceux-là constitue la solution pour retenir les travailleurs plus âgés, et cela signifie qu'une réforme des régimes de retraite s'impose.

Quant à la diversité qui existe au sein du groupe des aînés, on en parle précisément dans le document qui porte sur le Cadre national sur le vieillissement. Comme vous le savez probablement, le comité composé des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des aînés est en train de remanier ce document. L'objectif est de le rendre plus facile d'utilisation. Ce cadre constitue un excellent outil et les principes qu'il énonce ont été approuvés par les aînés et les gouvernements dans l'ensemble du Canada.

Quant aux approches à adopter en matière de politiques, nous convenons qu'il faut se fonder sur les modèles axés sur le cours normal de la vie et le vieillissement actif. La stratégie mise en œuvre en Nouvelle-Écosse tient compte de la complexité des problèmes liés au vieillissement et des liens importants qui existent entre eux. La Nouvelle-Écosse a choisi d'utiliser le terme « vieillissement positif », qui reflète bien la perspective du parcours de vie et qui permet aussi de mettre l'accent sur le changement des attitudes chez les personnes plus âgées, sur la pérennité des programmes gouvernementaux et sur le partage de la responsabilité entre les personnes, les familles, les collectivités et divers secteurs.

Bien qu'il soit impératif de s'attaquer à d'importants problèmes étroitement liés, le temps presse. Même si nous sommes en train d'élaborer des plans pour le long terme, des mesures doivent être prises dans l'immédiat pour répondre aux besoins les plus urgents, et nous devons établir des priorités.

Dans le cadre de l'élaboration de la stratégie pour la Nouvelle-Écosse, les priorités suivantes ont été définies : recruter, recycler et retenir les travailleurs plus âgés ainsi qu'augmenter le nombre de bénévoles qui travaillent auprès des personnes âgées, qui seraient surtout des aînés eux-mêmes. Comme la demande pour des soins de longue durée augmente rapidement, la province ne peut pas y satisfaire, et les solutions actuelles ne seront pas viables à long terme. Par conséquent, il est essentiel que les gouvernements s'occupent de favoriser l'indépendance à la maison et au sein de la communauté.

Le secrétariat participe actuellement, entre autres, à une initiative visant à favoriser le développement de villes-amies des aînés, dont vous faites mention à la page 32 de votre rapport provisoire, ainsi qu'à une initiative visant à accroître le nombre et la variété d'options en matière de logement qui s'offrent aux personnes âgées à revenu faible ou moyen. Je dois dire honnêtement que la Nouvelle-Écosse ne peut pas être paralysée par la planification. Le temps nous manque.

Puisque le gouvernement provincial ne peut pas s'occuper de tout ce qui doit être fait, il est important d'examiner comment tous les ordres de gouvernement encouragent la participation d'autres secteurs et il faut voir si certains d'entre eux découragent cette participation. En premier lieu, des obstacles ont été constatés puis éliminés grâce à la modification de certaines lois, de règlements municipaux et de règlements de zonage de façon à autoriser la construction de certains types de logements abordables.

Les organismes bénévoles doivent chercher à attirer les baby boomers qui prennent leur retraite de façon à pouvoir combler certains des besoins. Les gouvernements doivent s'engager quant à eux à fournir un financement pluriannuel. Les bénévoles sont très découragés lorsqu'ils ont travaillé très fort à la réalisation d'un projet qui ne peut plus continuer au bout d'une année seulement.

Peu importe les moyens que nous prenons pour encourager les gens à travailler plus longtemps, ils ne fonctionneront pas tant qu'il existera des facteurs de dissuasion d'ordre financier. Pour ne pas prendre trop de temps, je ne répondrai pas de façon très complète à votre quatrième question, qui concerne le rôle du gouvernement fédéral, mais je vais mentionner un domaine d'intérêt pour notre organisme.

Le ministre néo-écossais responsable des aînés est coprésident du comité fédéral-provincial-territorial dont j'ai fait mention tout à l'heure. Ce comité effectue du bon travail et il joue un rôle essentiel en se penchant sur les besoins des personnes âgées dans toutes les provinces, et en particulier sur la violence à l'égard des aînés, le développement de collectivités-amies des aînés et l'isolement. Cette année, le secrétariat prévoit travailler avec ses homologues fédéral, provinciaux et territoriaux afin d'encourager des discussions sur la réforme des régimes de pension et il incitera d'autres groupes de représentants fédéraux, provinciaux et territoriaux à examiner les mêmes questions. Puisque les problèmes liés au vieillissement de la population touchent tous les ordres de gouvernement, mais principalement le fédéral et les provinces, il est essentiel d'appuyer les travaux du comité dont je viens de parler.

Je crois que la présidente et directrice générale du Secrétariat des aînés du Nouveau-Brunswick, Valeri White, va comparaître devant vous à l'automne. Elle vous en dira davantage sur le travail du forum et vous fournira de plus amples détails sur les idées novatrices et les initiatives du gouvernement provincial.

En terminant, je me ferai un plaisir de répondre à vos questions, mais il est possible que je ne puisse pas vous donner tous les détails voulus concernant le travail du Secrétariat. Je serai heureux de vous parler du rôle du Group of IX. Au total, notre groupe représente 70 p. 100 des aînés de la Nouvelle-Écosse. Nous sommes bien au fait des préoccupations des aînés et grâce à nos affiliations nationales et à nos liens étroits avec le Secrétariat, nous assurons une liaison importante entre les aînés et le gouvernement.

Judy Lynn Richards, professeure adjointe, Département de sociologie et d'anthropologie, Université de l'Île-du-Prince-Édouard, à titre personnel : Honorables sénateurs, je vous remercie pour l'invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. Je suis ici au nom du Comité directeur pour vous fournir de l'information sur notre projet intitulé Planning for Prince Edward Island's Aging Population. Nous bénéficions pour ce projet d'une subvention de l'Agence de santé publique du Canada.

Je suis également présente aujourd'hui en ma qualité de démographe et de gérontologue spécialisée dans le vieillissement de la population. Il va de soi que plus de 200 années de réduction des taux de fertilité et de mortalité se sont traduites au Canada par une population vieillissante. D'ici à peine quatre ans, les premiers baby-boomers atteindront l'âge de 65 ans. Vingt ans plus tard, le nombre d'aînés canadiens aura doublé, passant de 4,4 millions à 8,5 millions.

Cette évolution sera synonyme de défis importants dans tous les aspects de la société : soins de santé, main-d'œuvre, services sociaux, familles et communautés, pour ne vous en nommer que quelques-uns. Il faut aussi se rappeler que les aînés actuels seront également touchés.

Selon les membres de notre équipe de projet, deux possibilités s'offrent à nous. Nous pouvons rester les bras croisés ou nous pouvons établir des plans pour gérer ce changement. En 2005, un analyste des politiques du ministère provincial des Services sociaux et des Aînés, un professeur en travail social à la retraite, le directeur général du réseau Seniors United Network et moi-même avons obtenu une subvention de l'Agence de santé publique du Canada en vue d'apporter des correctifs aux politiques créant une situation inéquitable pour les aînés en fonction des déterminants de la santé. Le projet vise à travailler en collaboration pour sensibiliser les aînés de l'Île-du-Prince-Édouard et les mobiliser aux fins de l'élaboration des politiques de telle sorte que les décideurs et les politiciens puissent faire des choix éclairés quant aux moyens à prendre pour atténuer ces iniquités. Nous nous sommes vite rendu compte que nos efforts conjoints de planification devaient pouvoir s'appuyer sur l'apport des décideurs et des politiciens. Notre table de planification comprend désormais des aînés, des représentants de leurs organisations, des politiciens, des stratèges, des représentants du secteur privé, des préposés au service et des universitaires. Voilà maintenant deux ans que nous travaillons de concert pour élaborer un plan d'action visant l'application de politiques plus efficaces en matière de santé. Pour que ce plan soit couronné de succès, il est essentiel que nous coopérions en misant sur l'importance de comprendre le point de vue de chacun, sa façon de l'exprimer et le sens de ses interventions et d'adhérer au principe voulant qu'une société compatissante soit la responsabilité de tous.

Au cours de la phase I de notre projet, nous avons tenu huit ateliers dans différentes régions de la province pour cheminer vers le niveau de compréhension souhaité. En plus d'intégrer les représentants des nombreuses organisations des aînés de l'île, nous avons demandé à chacun d'inviter des personnes âgées de sa communauté qui ne participent pas normalement aux activités politiques ou aux groupes locaux. Afin de dégager un terrain d'entente dans le cadre de notre travail en collaboration au cours de ces ateliers, nous avons demandé aux participants, y compris le premier ministre, le ministre de la Santé, le député fédéral local et les représentants de différents partis politiques, de jouer le rôle d'un aîné et de nous parler des difficultés qu'ils vivent dans le contexte du vieillissement de la population. Nous avons invité les aînés à jouer le rôle des politiciens et des décideurs et à faire des choix quant aux mesures nécessaires pour gérer une population vieillissante.

Tous les participants ont dû s'interroger sur leurs propres valeurs et les impacts de celles-ci sur leurs concitoyens. Nos dernières séances de planification et de conférences ont réuni quelque 60 personnes, y compris deux conseillers du conseil exécutif et deux députés provinciaux élus à peine deux semaines auparavant.

Les conférences visaient la recherche de solutions d'inspiration provinciale et locale dans trois secteurs ciblés : des communautés conviviales pour les aînés, la possibilité de vieillir chez soi et la sécurité. Je vais maintenant vous dresser une liste de plusieurs solutions concrètes à titre d'exemples des résultats de ces consultations. Ces solutions pourraient être reformulées sous forme de recommandations adressées à votre comité spécial à l'échelon fédéral.

Premièrement, des modifications législatives pourraient être apportées en vue de l'application de codes du bâtiment normalisés pour la conception domiciliaire afin d'éviter toute entrave à la vie quotidienne pour les aînés. Il peut s'agir notamment de leur donner la possibilité d'utiliser leur salle de bain même s'ils doivent se déplacer en marchette. Deuxièmement, des pharmacies, des boutiques et des cliniques médicales itinérantes pour les régions rurales et isolées pourraient être financées au moyen de paiements de transfert aux provinces; on parle ici de solutions ciblées visant uniquement à gérer le vieillissement de la population dans des secteurs mal desservis. Troisièmement, la législation fiscale pourrait être modifiée pour permettre l'octroi de crédits d'impôt aux bénévoles, et notamment à ceux qui transportent des aînés, ce qui contribuerait à aider ceux-ci à vieillir chez eux. Il suffit d'examiner le fonctionnement actuel du programme de congés de compassion pour soignants pour bien comprendre comment une telle mesure pourrait se concrétiser. Quatrièmement, des changements législatifs visant à permettre aux aînés de franchir le seuil de la pauvreté pourraient être apportés sous forme de recommandations quant aux montants versés dans le cadre du RPC, de la SV et du SGR et quant aux critères applicables à ces prestations. Cinquièmement, des cours sur le vieillissement et les problèmes qui s'y rattachent pourraient être intégrés à la formation des fournisseurs de services en santé et en programmes sociaux de tout le pays. Enfin, on pourrait assurer un accès plus facile aux édifices publics comme les magasins en offrant des incitatifs fiscaux aux propriétaires qui prennent des mesures en ce sens.

Nous avons encore bien d'autres recommandations sur notre liste. Nous en avons compilé une dizaine de pages à la suite des conférences que nous avons tenues; il nous fera grand plaisir de vous les communiquer. Bon nombre d'entre elles pourraient également se traduire par des recommandations à l'échelon fédéral.

Le processus que nous avons entrepris ne va pas sans ses propres difficultés. Une collaboration véritable, un point sur lequel nous avons insisté, exige beaucoup de temps et d'efforts. Nous avons dû composer avec des changements de personnel et des transformations politiques, ce qui a pu ralentir nos progrès à l'occasion. C'est un travail qui nécessite une mobilisation de tous les instants. Plus on exige de temps des gens, plus on risque de les voir être forcés d'abandonner.

Quoi qu'il en soit, nous avons réussi à persévérer dans la plus grande partie de nos initiatives. Nous avons obtenu du Secrétariat des aînés, qui participe également au processus, l'engagement que l'on attendrait la fin de nos consultations publiques, qui est prévue pour l'automne 2007, avant de commencer à mettre la touche finale à la plateforme de politiques concernant les aînés. En intégrant ainsi l'information que nous aurons recueillie, cette plateforme se fera l'écho de la voix commune des aînés et des autres intervenants. Nous considérons qu'en prenant une telle décision, le Secrétariat reconnaît la valeur intrinsèque du processus de collaboration ainsi que ses chances de réussite.

Je ne voudrais surtout pas oublier deux messages que nous voulons vous laisser en terminant. Premièrement, nos efforts de collaboration amélioreront nos chances d'obtenir un résultat favorable. Deuxièmement, nous aimerions vous inviter à participer à ce processus. Nous vous demandons votre aide pour communiquer les résultats de nos travaux aux différents ministères et ordres de gouvernement qui auront les mêmes défis à relever. Merci.

Le sénateur Cordy : Vous avez mentionné tous les deux l'apport des bénévoles et l'importance de leur travail dans tout le dossier de l'aide aux personnes âgées. Il va sans dire que nos témoins précédents n'ont pas manqué de noter la valeur de cet apport dans une perspective communautaire. On nous a déjà fait valoir les avantages et les inconvénients du concept d'un crédit d'impôt pour bénévoles. Parmi les avantages, on note que les bénévoles récupéreraient certaines sommes, mais l'un des inconvénients vient du fait que les aînés ne jouissent pas d'une grande flexibilité quant à leur revenu, ce qui fait intervenir le problème des longs délais d'attente pour avoir recours au crédit d'impôt en vue de recouvrer une partie de l'argent.

Premièrement, pourriez-vous nous dire tous les deux comment vous croyez que nous pourrions nous y prendre pour inciter davantage de gens à faire du bénévolat? Deuxièmement, pourriez-vous nous expliquer plus en détail le fonctionnement d'un éventuel crédit d'impôt et nous proposer d'autres moyens de nous assurer le concours de bénévoles?

M. LaRusic : Je ne pourrais pas vous dire avec précision comment fonctionnerait un crédit d'impôt pour les bénévoles. À la lumière de la documentation que j'ai reçue, je suis favorable à cette méthode visant à aider tous les bénévoles, dont le nombre commence à diminuer, à poursuivre leur travail essentiel, en n'oubliant pas que ces bénévoles ne rajeunissent pas eux non plus.

Je vais vous donner deux exemples de situations qui se sont produites en Nouvelle-Écosse. Il y a d'abord un programme de formation en sécurité routière pour les aînés. Dans le cadre de ce programme, le gouvernement provincial verse 40 $ pour permettre aux aînés de s'inscrire à un cours axé sur la prudence au volant. Mon organisation, qui compte parmi ses membres de nombreux anciens fonctionnaires qui étaient directeurs ou inspecteurs de véhicules automobiles, a conçu un cours à l'intention des aînés, l'a fait approuver et l'a intégré au programme. Cependant, il se révèle extrêmement difficile d'amener les personnes âgées à participer à ce cours, même s'ils n'ont aucun frais à payer. Le cours ne dure que six heures — trois heures par jour pendant deux jours — et les aînés n'ont pas un sou à débourser, mais il demeure difficile d'obtenir leur participation.

Le sénateur Murray : Pour quelle raison?

M. LaRusic : Je n'en ai aucune idée. Il est possible que certains aînés aient peur que leur participation à ce cours ait des répercussions quant à leur permis de conduire. Nous avons répété à maintes reprises qu'il n'y avait aucun lien avec le permis de conduire, mais à partir du moment où une idée semblable est dans l'air, elle fait son chemin et il n'est pas facile de dissiper le mythe. Si c'était l'unique raison, nous pourrions préparer une campagne de sensibilisation à cet égard.

Nous n'avons pas de frais d'inscription, mais nous pourrions en imposer et faire don des bénéfices aux fins des soins palliatifs. Nous savons que les Cap-Bretonnais sont toujours prêts à donner aux plus démunis. Nous pourrions leur faire valoir qu'ils peuvent bénéficier de ces cours sans frais pendant qu'on fait don de leurs droits d'inscription à une œuvre utile. Nous pourrions ainsi accroître la participation au cours.

Tout le monde dit que les aînés conduisent mal. C'est un peu ce qui est à l'origine de ce cours. Je peux affirmer sans crainte que je suis sans doute la plus vieille personne ici présente.

Le sénateur Murray : Vous pouvez sans doute aussi affirmer que vous êtes un excellent conducteur.

M. LaRusic : Oui, j'ai été professeur en sécurité routière pendant 15 ans. Comment obtenir la participation de bénévoles? Je sais que vous-même faites du bénévolat. Je n'ai pas votre curriculum vitae en main, mais je suis persuadé que vous avez l'âme d'un bénévole. Lorsque j'ai pris ma retraite, je me suis dit que je n'allais plus jamais travaillé, car je ne voulais pas d'un emploi où quelqu'un d'autre allait me dire où aller et quoi faire. Comme je veux faire ce que je veux lorsque cela me convient, j'ai opté pour le bénévolat. Mais comment s'assurer le concours de bénévoles? Je ne sais pas vraiment.

Notre association a également mis en place un programme dans le cadre duquel des aînés effectuent différents menus travaux de réparation pour aider d'autres aînés. Au Cap-Breton, les hommes et les femmes à tout faire ne sont pas une denrée rare. J'ai été marié pendant plus de 51 ans et je sais comment faire des réparations autour d'une maison. Nous aidons les aînés à réparer les toilettes et les robinets qui fuient, à installer des dispositifs d'éclairage et à suspendre des rideaux. Nous effectuons de petites réparations, pas du recouvrement de toiture ni des travaux majeurs en plomberie ou en électricité. Nous effectuons ce travail sans frais. Si nous devons installer un évier pour quelqu'un, il est possible que l'on doive faire appel à un plombier, mais il est parfois difficile de trouver un bon plombier pour faire du travail résidentiel.

Pour les aînés, le bénévolat ne semble plus aussi attrayant qu'il l'a déjà été. Je ne me souviens pas des chiffes exacts, mais le nombre d'aînés bénévoles diminue. Au cours des dix dernières années, voire un peu moins, je pense que nous en avons perdu quelque 30 000 en Nouvelle-Écosse. Le nombre de bénévoles baisse alors même qu'il devrait augmenter. Si des incitatifs fiscaux peuvent permettre d'une manière ou d'une autre de renverser cette tendance, je m'empresserai de les appuyer. Nous remettons des prix et des récompenses de cette nature, mais ce n'est pas encore suffisant pour atteindre les buts visés.

J'ai de la difficulté à trouver des bénévoles dans les différentes activités auxquelles je participe et je ne vous parle même pas de l'aspect particulier des soins à domicile. C'est une question dont on a discuté précédemment. J'ai une tante qui souffre de la maladie d'Alzheimer et 28 personnes différentes sont venues lui prodiguer des soins à la maison en l'espace d'un seul mois. C'est une situation stressante, non seulement pour la personne malade, mais aussi pour celle qui s'occupe d'elle à domicile, car elle doit mettre tous ces préposés au courant des besoins particuliers de la malade. Comment pourrions-nous mettre de l'ordre dans le secteur des soins à domicile de manière à diminuer ce roulement de personnel?

Le problème est en partie relié au financement et aux coûts associés au recours à ces pourvoyeurs de soins, dont les horaires sont atroces. Avec de tels horaires, je ne voudrais jamais faire ce travail. Ils rendent visite à ma sœur et lui cuisinent des repas incroyables. En plus d'être d'excellents cuistots, ce sont des gens formidables. Je ne peux pas comprendre comment ils arrivent à faire un aussi bon travail, à une fréquence si soutenue et à un rythme aussi effréné, compte tenu du salaire qu'on leur verse.

Je suis très privilégié de pouvoir toucher une pension décente et travailler bénévolement. Ces pourvoyeurs de soins n'auront sans doute pas droit à un avenir aussi rose — pouvoir vivre leurs vieux jours dans la dignité dont nous avons parlé. Comme bien d'autres, ils connaîtront des difficultés.

J'ose espérer que le comité pourra se pencher sur la recherche de solutions à certains de ces problèmes dont nous discutons au sein du Group of IX. En ma qualité de prochain président, je vais m'efforcer de faire avancer les dossiers des pourvoyeurs de soins et de transmettre un maximum d'information. Il faut aussi se demander comment nous allons arriver à trouver des bénévoles en rendant ce rôle attrayant, à défaut d'être payant.

Le sénateur Keon : Le problème est encore plus vaste, si je ne m'abuse. La situation est difficile non seulement pour les bénévoles auprès des aînés, mais pour l'ensemble des bénévoles, n'est-ce pas?

M. LaRusic : Très difficile.

Le sénateur Keon : Le nombre de bénévoles est vraiment à la baisse dans différents secteurs.

M. LaRusic : La situation est problématique pour tous les intervenants auxquels j'ai parlé, peu importe l'organisation : Golden K, le Club Lions, les Infirmières de l'ordre de Victoria. Le manque de bénévoles touche tout le monde.

Je ne connais pas les raisons de ce phénomène. Tout le monde a sa petite idée à ce sujet. Les choses ont bien changé. Je peux vous dire à quel point il peut être ennuyeux et frustrant de ne pas trouver de bénévoles. Ce n'est pas un engagement à vie, mais il arrive que dans certaines de ces organisations, il n'y a personne pour prendre la relève, ce qui fait qu'un effort de quelques mois peut devenir une participation de quelques années. Au bout du compte, la relève n'est toujours pas là. Le bénévole doit encore poursuivre son travail. Cela n'est pas problématique pour certaines personnes, mais plusieurs ont d'autres activités et n'avaient pas l'intention de s'engager à ce point. Une fois que ces bénévoles sont en poste, on ne trouve personne pour les remplacer.

Je répète sans cesse que dès que j'accepte une responsabilité, quelle qu'elle soit, comme la présidence du Group of IX — une organisation fantastique — je me mets immédiatement à la recherche de la personne qui me remplacera. Je suis président d'une association de retraités. Je peux vous dire que je suis arrivé à trouver un successeur. Il m'a fallu trois ans, mais j'ai déniché quelqu'un qui est prêt à accepter cette responsabilité et à faire le nécessaire pour poursuivre le travail entrepris. Il ne s'agit pas nécessairement de refaire ce que j'ai moi-même fait, mais il faut avoir l'esprit d'initiative et l'intensité nécessaires pour maintenir le momentum. Notre organisation fait vraiment œuvre utile auprès des aînés.

Le sénateur Murray : On peut lire dans votre document Strategy for Positive Aging in Nova Scotia que la Nouvelle-Écosse compte le plus fort pourcentage d'aînés dans le Canada atlantique et le deuxième plus élevé au Canada.

Les aînés sont le segment de la population néo-écossaise qui connaît la croissance la plus rapide.

Alors que la population totale de la Nouvelle-Écosse devrait augmenter de seulement 3 p. 100 entre 2005 et 2026, on prévoit que le nombre d'aînés croîtra de 80 p. 100.

En 2026, les personnes âgées compteront pour 25 p. 100 de la population de la province.

Quelques pages après ces statistiques, le document parle des bénévoles qui offrent du soutien pour les soins à domicile. De qui s'agit-il exactement? Ce sont généralement des personnes assez âgées, 64 ans en moyenne; les femmes sont majoritaires (78 p. 100); 70 p. 100 sont des retraités; leur niveau de scolarité est inférieur à la moyenne générale chez les bénévoles — 40 p. 100 ont un diplôme universitaire, comparativement à 70 p. 100. Il s'agit de votre population cible, n'est-ce pas?

M. LaRusic : Tout à fait.

Le sénateur Murray : Pourquoi la Nouvelle-Écosse ne peut-elle pas prendre les dispositions nécessaires pour recruter des bénévoles en nombre suffisant? Nous savons de quel groupe d'âge ils proviennent et nous voyons bien que ce groupe d'âge connaît une forte croissance dans la province. C'est la population que vous devez cibler.

M. LaRusic : Absolument, nous avons un objectif. Quel facteur les convaincra de se porter volontaire? Ce ne sont pas tous les employés du gouvernement provincial de la Nouvelle-Écosse qui sont membres de notre association. Il m'arrive de rencontrer d'anciens collègues et de demander « Comment se fait-il que tu ne sois pas membre? » Ils répondent « Qu'a fait l'Association pour moi? » Comme le sait quiconque est assis à cette table et dans cette salle, rien ne va plus lentement qu'une démarche avec le gouvernement. Si je donne l'exemple de notre nouvelle brochure sur les soins de santé que nous avons pris cinq ans à créer, ils disent « Est-ce tout ce que vous avez fait? » Eh bien, essayez, vous, de voir un sous-ministre ou un ministre sur une question comme celle-là; on se fait mettre de côté.

Une chose qu'il faut être prêt à faire, c'est de persévérer. Si on tient bon, on a des chances de réussir. C'est un principe que j'ai appris à l'école du sénateur Phalen. Nous étions membres du même syndicat. La personne qui lui a succédé, Greg Blanchard, a persévéré. Il n'est pas sénateur. Il faut trouver du monde qui veut s'engager. Pour une raison ou une autre, la plupart des gens disent « J'aime bien faire ce que je fais », et quelle qu'en soit la nature, on ne dirait pas que le bénévolat soit de cette catégorie. On dirait qu'ils ont l'impression que le bénévolat sera un engagement à perpétuité, et ils ne veulent pas s'embarquer dans quoi que ce soit.

Le sénateur Murray : Est-ce que la situation est très différente à l'Île, madame Richards?

Mme Richards : Je ne connais pas le secteur du bénévolat de l'Île-du-Prince-Édouard. Je sais par contre que bien des gens avec qui je travaille sur les projets font du bénévolat. Nous nous rencontrons aux mêmes réunions et dans le cadre des mêmes démarches communautaires. Ils me disent toujours des choses du genre « Quand est-ce que j'aurai le temps de faire le ménage chez moi, le bénévolat me prend tout mon temps? » C'est un peu la même chose.

Je n'ai pas de réponse magique à offrir pour le recrutement de bénévoles, mais peut-être serait-il utile d'avoir des séances de remue-méninges sur le sujet. Je m'inspire de mon expérience au projet Active de l'Île-du-Prince-Édouard. À l'Île, on s'inquiète beaucoup de l'obésité, particulièrement chez les enfants. Comment pousser les citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard à être actifs? Avons-nous de l'argent? Non, nous n'avons pas d'argent. Qu'allons-nous faire?

Nous avons eu de grandes séances de remue-méninges sur la manière de rendre les Prince-Édouardiens plus actifs. Avec le peu d'argent que nous avons pu obtenir, nous avons maintenant des annonces publiques sur l'activité physique. Nous leur avons lancé un défi, aux Prince-Édouardiens, à des gens de groupes différents, pour qu'ils deviennent actifs. Cela commence à porter fruit. Il a fallu du temps, des efforts et des séances de remue-méninges. Je me demande si cela pourrait aussi servir pour pousser les Néo-Écossais à faire du bénévolat.

Comme le disait Mme Keefe tout à l'heure, il y a des gens qui aimeraient aider, mais qui ne savent peut-être pas où s'adresser. Nous avons besoin de directives à leur donner sur ce qu'il faut faire, ou quelles organisations pourraient avoir besoin de bénévoles, et ce qu'on attendrait d'eux. Une fois qu'ils savent qu'il ne s'agit que de quelques heures par semaine ou même par mois, ou quelle que soit la formule, les citoyens pourraient bien commencer à faire des calculs dans leur tête et envisager de faire du bénévolat.

Le sénateur Murray : Est-ce que les données démographiques de l'Île-du-Prince-Édouard sont comparables à celles de la Nouvelle-Écosse?

Mme Richards : Oui. D'ici à 2020, la population sera composée de 23 p. 100 d'habitants de plus de 65 ans, et d'ici à 2030, ce sera 28 p. 100.

Le président : Madame Richards, j'aimerais vous poser quelques questions sur les six principes que vous avez exposés. Tout d'abord, vous avez parlé de codes de construction standards. Vous savez qu'il y a des codes du bâtiment provinciaux et des codes fédéraux. Je ne sais pas si nous pouvons avoir beaucoup d'influence sur les codes du bâtiment des provinces, mais peut-être pouvons-nous en avoir sur les codes fédéraux. Pensez-vous que ce serait un début utile?

Mme Richards : Absolument.

La présidente : Le gouvernement fédéral pourrait fixer des normes, par exemple, pour que les portes aient une certaine largeur.

Mme Richards : Absolument. J'ai fait pas mal de bénévolat auprès des aînés, au fil des années, et il n'y a rien de plus désolant que de voir quelqu'un qui vit au même endroit depuis tellement longtemps et qui en est au point d'avoir besoin d'une marchette. Ils sont encore autonomes et peuvent se déplacer, cuisiner et faire le ménage, et cetera, mais ils finissent par abandonner la partie, abandonner leur maison, parce qu'ils ne peuvent pas entrer dans la salle de bain et ils n'ont pas les moyens de payer 5 000 $ pour rénover la salle de bain. Aussitôt qu'on laisse la marchette à la porte de la salle de bain, on risque de glisser et de tomber. Que peut-on saisir au milieu de la salle de bain pour se rendre jusque de l'autre côté? Ce sont des considérations d'ordre tout à fait pratique.

Il devrait y avoir des codes du bâtiment standards pour que personne n'ait à s'inquiéter de devoir, à un moment donné de leur vie, abandonner la marchette à la porte pour entrer dans la salle de bain, et de devoir un jour quitter la maison parce que la salle de bain est trop glissante.

Mme Keefe et Mme Stevenson-Young ont toutes deux parlé d'institutionnalisation prématurée. C'est ce que nous voulons éviter. Elle représente pour le gouvernement un coût phénoménal.

La présidente : J'ai trouvé intéressante votre liste de vœux pour les pharmacies et cliniques ambulantes. Tout ce dont je peux me rappeler, c'est des bibliothèques ambulantes de mon enfance. Je pouvais être à Grand Lake pendant l'été, et soudain apparaissait la bibliothèque ambulante. On empruntait nos livres pour la semaine et on les rapportait ensuite. Est-ce le genre de choses que vous envisagez, avec une infirmière praticienne, peut-être un médecin, et une pharmacie à bord?

Mme Richards : Oui. Mon époux a vécu dans un foyer pour personnes âgées pendant un an, et a dit qu'il y venait régulièrement deux magasins de détail avec des vêtements pour les aînés, qui étaient faciles à enfiler et à enlever, et étaient munis de fermetures velcro plutôt que de boutons. C'est un autre exemple.

Quand j'étais étudiante en gérontologie avec Anne Martin-Matthews, elle m'a fait lire quelque chose qui venait du Manitoba au sujet de la fourgonnette de médecins ambulants, équipée pour aller dans les régions rurales et isolées.

La présidente : J'avais eu l'impression que la plupart des édifices privés et publics étaient accessibles. Quels sons les problèmes d'accessibilité, selon vous?

Mme Richards : L'accès aux salles de bain peut être un problème. On entre dans la salle de bain, et il faut faire un bout de chemin jusqu'à la cabine accessible, au bout de la file. Il peut arriver qu'un immeuble soit marqué comme étant accessible mais n'ait pas de rampe d'accès, et qu'il ait des marches de deux ou trois pouces à franchir pour entrer dans l'immeuble. Aussi, le rayon de virage pour les fauteuils roulants est souvent restreint.

Le sénateur Keon : Un grand nombre de ces mesures ont été prises pour les personnes handicapées, sans la moindre pensée pour les aînés.

Mme Richards : Oui. Il existe une initiative de l'Office des affaires des personnes handicapées, pour apprendre auprès de personnes qui ont eu des handicaps et qui ont eu à composer avec des problèmes toute leur vie. Nous les avons consultés à propos du vieillissement qui amène de nouveaux handicaps, ou du vieillissement avec un handicap, et nous avons cherché à tirer des leçons de gens qui ont eu des handicaps toute leur vie, à propos des problèmes qu'ils ont dû surmonter, pour savoir si ces connaissances se transmettent. Dans bien des cas, elles ne se transmettent pas, ou elles se transmettent de manière différente aux aînés qui ont de nouveaux handicaps en vieillissant.

Le sénateur Keon : C'est un sujet intéressant. Les entreprises commerciales qui construisent, surtout, les logements de luxe pour les aînés, je pense, savent très bien régler ces questions. Par conte, le problème se pose pour les aînés qui aménagent dans des installations construites il y a 25 ou 30 ans.

Mme Richards : Oui, c'est vrai.

Le sénateur Keon : Il doit bien y avoir moyen de régler ce problème.

Mme Richards : J'en ai discuté après la conférence avec une aînée. Elle parlait d'application de la loi. On peut avoir tous les codes du bâtiment standards qu'on veut, mais s'il y a une marche de 3 pouces, est-ce que quelqu'un viendra dire « Minute! Avant de mettre le cadre de la porte, est-elle assez large? »

La présidente : Je vais vous donner un exemple de ma famille. Quand mon beau-père avait dans les 80 ans, chaque fois que nous allions lui rendre visite, nous enlevions les carpettes, et chaque fois que nous revenions, les carpettes avaient retrouvé leur place sur le plancher, parce qu'il insistait pour que la femme de ménage les y remette. J'ai fini par les donner pour que la femme de ménage ne puisse plus les remettre en place. Nous avons découvert une multitude de problèmes. Dans les 20 ans qui se sont écoulés entre le moment où mon père est décédé d'une embolie cérébrale, en 1980, et le décès de mon beau-père, en 2001, il y a eu des tas de nouvelles mesures d'aide offertes — comme les perches pour se tenir debout, les dispositifs de levage du lit, de nouveaux types de baignoires — mais beaucoup sont très coûteux. Ça allait dans notre cas, parce que nous pouvions nous permettre de les acheter et les faire installer.

Cependant, quel genre d'aide financière est possible pour aider les aînés qui n'ont pas ces moyens? Par exemple, ils pourraient avoir besoin de faire installer une perche d'appui dans la salle de bain, du plancher au plafond, pour faciliter la stabilité. Peut-être coûte-t-elle 89,85 $, mais on n'a pas cet argent-là parce qu'on vit déjà avec un minimum. Y a-t-il une subvention possible, dans l'une ou l'autre de vos provinces, pour ce genre d'installations?

M. LaRusic : Oui. À la page 190 de la brochure sur la stratégie, sous le titre « Home Improvement Grants and Loans », vous trouverez une liste des programmes d'aide pour l'aménagement du domicile. Le Parent Apartment Program offre une subvention maximale de 25 000 $. L'Access-A-Home Program offre une subvention maximale de 3 000 $; et l'Emergency Repair Program offre une subvention de 6 000 $. Ils sont offerts dans les régions rurales.

L'hiver dernier, j'ai été appelé par une dame qui voulait installer une barre d'appui dans sa salle de bain. J'ai vérifié et constaté qu'il y avait de bons points d'ancrage. Je pense que le type de barre qu'elle voulait coûtait 18 $. Le coût ne lui causait pas de problème. J'ai dit « Faites-moi signe quand vous voulez la faire installer ». Deux jours plus tard, elle m'a appelé pour me dire « Je ne peux pas le faire faire parce que je dois faire installer mes pneus d'hiver ». Je l'ai rappelée et j'ai dit « D'accord, mais en êtes-vous sûre? » Elle a répondu « Je n'ai les moyens que de faire l'un ou l'autre ». J'ai dit « Je verrai si je peux trouver une barre. On connaît toujours quelqu'un qui a des pièces de rechange quelque part ». J'en ai trouvé une. Elle n'était pas brillante et toute neuve, mais elle pouvait faire l'affaire.

Ce qui m'a vraiment ennuyé, c'est que cette dame savait bien qu'elle ne pouvait se passer de la barre d'appui. C'était une ancienne infirmière, à la retraite depuis 15 ans, et elle était encore assez vive. Elle montait et descendait les escaliers. Sa salle de bain était à l'étage, alors elle n'avait pas de problème à monter les escaliers, mais il est si facile de glisser dans une salle de bain. Cette barre d'appui devrait être obligatoire dans toutes les salles de bain.

Vous parliez de choses qui devraient être dans le code. Les barres d'appui dans la salle de bain devraient automatiquement y être. Tout le monde doit utiliser la salle de bain. À un moment donné, si tout va bien, on sera bien content que c'ait été quelque chose qu'il a fallu mettre dans toutes les maisons et que quand on utilisera la salle de bain, la barre sera là. Ce sont de petites choses.

Mme Richards : Il faudrait aussi que ce soit en un endroit pratique. S'il faut tendre le bras comme ceci pour entrer dans la baignoire, on risque déjà de glisser.

M. LaRusic : Vous pouvez parler aux fournisseurs de services de réparation d'urgence, ou aller voir les fournisseurs de ce type de dispositifs, et ils vous donneront une idée du meilleur endroit pour fixer la barre pour les personnes qui en ont besoin. Ensuite, vous pouvez aller voir le propriétaire de la salle de bain, et tenir la barre là où il prend appui dans la salle de bain. Peut-être qu'on peut la mettre à cet endroit, peut-être pas. Si on ne peut pas, il y a une solution.

La présidente : C'est vraiment bien que la Nouvelle-Écosse ait un programme de remboursement de taxe, mais souvent, on a besoin de faire faire quelque chose à un moment précis alors qu'on n'a pas forcément l'argent pour le faire. On ne peut attendre les six ou huit mois, ou même un an de recevoir le remboursement. C'est la même chose dont nous avons parlé plus tôt, au sujet des programmes de crédits fiscaux. Ce sont d'excellents programmes et je les appuie tout à fait. Cependant, quand on a pensé au programme de prestations de soignant, la première chose qu'on a regardée, c'est le régime fiscal. Tout le monde paie de l'impôt, nous avons pensé que c'était là qu'il fallait regarder, mais nous nous trompions, parce que les contribuables qui sont le plus dans le besoin ne peuvent attendre un remboursement à un moment donné dans le futur. Ils avaient besoin du soutien dans l'immédiat.

Est-ce que quelqu'un a pensé à une espèce de financement flexible qu'on pourrait instaurer pour qu'ils puissent faire faire le travail quand ils en ont besoin, et qu'ils payent plus tard, quand ils reçoivent leur remboursement?

Mme Richards : À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons aussi un programme de rénovation. Le problème, en partie, avec ce programme, c'est qu'il n'est pas annoncé. Le sénateur Keon parlait du gouvernement qui a peur, et je pense que c'est ce qui est arrivé.

C'est une bonne idée d'avoir quelque chose de flexible de ce genre. Quand mon époux et moi recevons des ordonnances, nous les payons, puis nous allons au bureau de la Croix-Bleue qui nous rembourse presqu'immédiatement. Un bureau qui offrirait ce genre de service pourrait présenter plus de flexibilité.

M. LaRusic : Je pensais aux soins continus. Vous composez le numéro 1-800, quelqu'un vient évaluer vos besoins. Ce serait bien qu'ils puissent évaluer en même temps les besoins pour des choses comme les barres d'appui, et si on répond aux critères, on pourrait faire faire le travail et attendre que l'argent arrive. Si c'était fait par le gouvernement, je pourrais très probablement aller chez n'importe quel fournisseur de Sydney pour me procurer ce dont je peux avoir besoin pour rénover une maison.

Ce serait vraiment fantastique. Je ne sais pas, tout de même, comment ce serait payé. Je ne sais pas s'il faudrait débourser tout de suite, mais ce serait bien que quelqu'un puisse dire « C'est approuvé. Soumettez la facture, et nous l'acquitterons ». Nous attendons du gouvernement qu'il dise « Vous répondez aux critères. Nous allons payer la facture. Faites faire le travail ». Cela faciliterait les choses pour quelqu'un qui n'a pas d'argent mais qui ne peut plus attendre la barre, ou quelque autre dispositif.

Ce serait peut-être l'affaire des soins continus, parce qu'ils vont au domicile faire une évaluation des besoins, par exemple, s'il faut faire faire le ménage et la cuisine pour l'occupant. S'il a besoin de mains courantes et de barres de soutien, ce n'est pas compliqué de cocher une autre case.

La présidente : Mme Richards, ma dernière question concerne l'aîné qui n'admettra tout simplement pas avoir besoin de ces choses. Je me suis entêtée, alors mon aîné les a eues même s'il n'en ressentait pas particulièrement le besoin, comme moi. Ce n'était pas un gros problème. Ces dispositifs ont été installés dans sa maison pour lui. Comment composez-vous avec cela?

Mme Richards : Je pense qu'un des moyens de le faire serait de s'asseoir avec eux pour en parler. Si nous donnons aux aînés une chance d'admettre leurs limites, ils le feront. Bien des aînés que j'ai rencontrés au fil des années refusent d'admettre leurs limites. Ils veulent dire « C'est seulement que la télévision ne fonctionne plus très bien. »

Il est certain qu'il arrive qu'il faille entrer et faire certaines choses, mais je préfère la collaboration, parler de la situation et expliquer la gravité de certains problèmes possibles liés à la sécurité. Avec ma belle-mère, on pouvait dire « Savez-vous que ceci ou cela pourrait vous aider? » Peu après, on entendait de ma belle-sœur qu'elle lui avait dit « Peut-être devrais-je me procurer ceci ou cela. » Peut-être ne me le dira-t-elle pas sur le coup, parce que c'est admettre la défaite, mais elle en parle à ma belle-sœur qui, alors, me le dit. C'est là que nous savons qu'elle a reçu le message.

C'est comme n'importe quoi. Si quelqu'un devait me dire « Vous devez changer ceci », je serais la première à dire « Vous voulez que je fasse quoi? » Je ferais probablement exactement le contraire. Nous devons reconnaître que d'autres feraient pareil. Pour certains, la capacité de prendre des décisions est l'une des rares qu'il leur reste ou sur laquelle ils ont encore du contrôle. Il est très important de ne pas l'oublier.

La présidente : Parfois, il suffit de dire « Essayons cela pendant un mois. »

Mme Richards : Oui. C'est la solution parfaite.

La présidente : On se rend compte qu'après deux semaines, ils s'en servent tous les jours.

Mme Richards : Oui, et ensuite ils en parlent à leurs amis.

M. LaRusic : Au sujet du programme de conduite sûre des aînés, on ne dit pas « Nous vous faisons faire un test de conduite », mais « Si vous voulez une évaluation, nous pouvons vous y amener ». Aucun aîné ne veut renoncer à son permis de conduire. Il est très important d'essayer de parvenir à cette décision avec eux quand leurs compétences de conducteur sont en baisse et de les aider à le comprendre. Nous avons d'excellents collaborateurs à la retraite qui font cela depuis des années. Rien ne leur fait plus plaisir que de sortir avec un aîné qui conduit et de lui faire remarquer que ses talents de conducteur ne sont pas ce qu'ils devraient être, et qu'il devrait envisager de renoncer à son permis parce qu'il ne voudrait sûrement pas blesser le petit-fils de quelqu'un.

Il semble que quand on commence à parler de petits-enfants, on est sur la bonne piste. Si on parle de renverser un piéton, la réponse est « Ils me renverseront avant que je les renverse ». Il faut une approche non offensive, et alors parfois, ils ont au moins un peu l'impression que c'est eux qui en ont eu l'idée. Ce n'est pas facile.

Mme Richards : Entre un changement radical et la situation actuelle, il doit y avoir des modifications qui seraient plus facilement acceptables.

Le sénateur Cordy : Vous l'avez dit tous les deux, la définition de l'« aîné » a changé avec le temps. Quand on cherche à créer des programmes pour un vieillissement harmonieux, on travaille avec quantité de groupes. On travaille avec le gouvernement fédéral, les provinces, les municipalités, les familles, les organismes bénévoles et les organisations privées. Comment rallier tout ce monde-là?

Monsieur LaRusic, vous avez dit que votre organisme particulier, qui englobe actuellement plusieurs groupes, tient un rôle de conseiller auprès du gouvernement provincial. Comment parvenir à obtenir l'apport de tous les groupes pour que chacun ait voix au chapitre de l'élaboration des programmes, de stratégies ou de plans, pour nous assurer de faire au mieux?

M. LaRusic : Je pense que vous êtes sur la bonne voie avec ce que vous faites. C'est tout à fait semblable à ce que nous avons fait en Nouvelle-Écosse. Nous avons recueilli beaucoup d'informations auprès des bureaucrates. Je suggère fortement que ce que vous faites ne devienne pas une démarche bureaucratique.

Après avoir préparé notre document de discussion, nous sommes allés voir des groupes d'aînés de la province, à 33 endroits, et nous nous sommes entretenus avec les aînés de ce dont, selon eux, ils avaient besoin. C'est une chose pour moi que de parler de manière générale de ce dont les aînés ont besoin. Fort heureusement, pour l'instant, mon épouse et moi sommes en santé. Moi, je peux le comprendre, mais je ne sais pas ce que c'est que d'être incapable, physiquement, de faire quelque chose. Je n'aime pas tellement marcher. Je n'ai pas les genoux très solides. À part cela, je peux faire à peu près de tout.

Le fait d'aller parler à ces organisations et ces groupes d'aînés, ou d'inviter les aînés à venir pour leur expliquer ce que nous cherchons à faire, de leur demander s'ils ont quelque chose à nous dire a été la clé. Je suis bien convaincu que si on fait participer les aînés à l'élaboration de la politique, on aura quelque chose de solide. Ce sera solide, parce qu'on dialogue avec ceux pour qui on essaie de faire quelque chose. C'est bien beau que je parle pour eux, et c'est ce que je fais en ce moment, mais nous sommes allés nous le faire dire, nous les avons fait participer au processus.

Je doute qu'on vous dire quoi que ce soit de différent de ce que vous disent les professionnels et les bureaucrates qui sont dans le domaine depuis des années. Ces aînés y ont participé. L'important, c'est de les faire participer.

Mme Richards : Il est très important d'inviter les aînés à prendre part aux discussions sur la manière dont nous pouvons faire avancer les choses et travailler ensemble.

J'ai participé à l'élaboration des stratégies du Projet de recherche sur les politiques, pour la planification en vue des changements que l'on prévoit dans la population. Elles ne sont pas seulement axées sur le vieillissement de la population, mais sur tous les changements qui surviennent dans la population. J'ai rencontré là des gens d'autres provinces qui travaillent pour divers ministères. Je leur ai demandé s'ils vont faire quelque chose au sujet du vieillissement de la population. Ils ont répondu « Eh bien, nous avons eu deux ou trois réunions », ou « Nous en avons discuté avec un autre ministère ». Je leur ai demandé s'ils avaient fait autre chose, sachant ce que nous faisons à l'Île-du-Prince-Édouard. La réponse, c'est « Eh bien, non. »

Le leadership sera la clé pour parvenir à faire bouger les choses, à inciter les gens à dialoguer et à déterminer ce dont ils ont besoin dans leur province ou administration — il suffit de prendre le téléphone et d'appeler du monde.

Notre groupe a été créé à la suite d'un atelier auquel nous assistions avec le docteur Martin-Matthews. Elle sillonnait le pays, en offrant des consultations. J'y ai rencontré une dame du ministère des Services sociaux et des Aînés, l'analyste des politiques dont j'ai parlé dans ma présentation. Nous ne savions pas que nous travaillions à quelques immeubles l'une de l'autre. Je lui ai demandé ce qu'ils faisaient au sujet du vieillissement de la population. Elle a répondu qu'ils font ceci et cela, et elle a expliqué deux ou trois démarches. Je lui ai dit que nous devrions vraiment faire quelque chose. Elle était d'accord, et nous nous sommes entendues pour nous rencontrer régulièrement. C'est ainsi que notre groupe est né, et nous avons ensuite demandé une subvention.

Il y a d'autres stratégies sur lesquelles nous aimerions travailler après l'échéance de cette subvention. L'important, c'est d'inviter du monde à participer.

J'aimerais que nous nous réunissions, que nous ayons une conférence pour sensibiliser la population à la nécessité de planifier en vue du vieillissement de la population, et de ce à quoi nous devrons faire face, particulièrement dans les provinces de l'Atlantique où nous avons peu de ressources et où l'infrastructure n'est pas aussi bien que, peut-être, en Ontario, au Québec et dans d'autres provinces. Le vieillissement de la population ne concerne pas que les aînés. La population active devra aussi y faire face. De plus, les collectivités et les ministères de l'Éducation devront composer avec la répartition des fonds du gouvernement. C'est un problème social. Il faut l'apport de tout le monde.

Je pense qu'il faut prendre le téléphone et appeler du monde, et que quelqu'un prenne l'initiative de promouvoir une conférence ou une rencontre d'envergure, comme l'ont fait les responsables du projet de recherche sur les politiques. Ce serait une bonne idée de faire quelque chose qui est axé sur le vieillissement de la population, pour en rehausser un peu le profil.

Le sénateur Cordy : Est-ce qu'il y a des discussions entre divers organismes bénévoles dans les collectivités ou les provinces? Comme vous l'avez dit, ces provinces ne sont pas si vastes. Je me rappelle avoir entendu il y a quelques années, quand je faisais une autre étude sur le vieillissement, que dans certaines collectivités, il pouvait y avoir 10 organismes prêts à s'occuper de la popote roulante, alors que le grand besoin, dans la collectivité, c'était le transport, comme pour amener les aînés à leurs rendez-vous chez le médecin, à l'église ou autre chose.

Est-ce qu'on parle, au sein des groupes bénévoles, de faire qu'on puisse parer aux besoins des aînés dans une collectivité sans rien manquer, que tous les organismes ou toutes les organisations bénévoles n'offrent pas le même genre de services? Nous savons qu'avec la diminution des bénévoles, qui semble être une tendance, il faut employer nos bénévoles au mieux.

Mme Richards : C'est une excellente idée. Si vous le voulez bien, sénateur Cordy, je transmettrai cette suggestion au secrétariat à l'Île-du-Prince-Édouard. Il y a là quelqu'un qui cherche à s'assurer qu'il y a une bonne distribution des services, et que tout le monde ne se concentre pas sur le même besoin.

M. LaRusic : Les différents groupes d'aînés parlent de la manière dont ils peuvent s'arranger. Dans la vallée, comme c'est une région rurale qui n'a pas de bons réseaux de transport, c'est l'un des aspects sur lesquels ils se concentrent. Quelqu'un d'autre s'occupe de la popote roulante et s'en tire très bien. Ils ont travaillé sur la question du transport, pour essayer de faciliter les déplacements. Le sénateur Murray connaît probablement le sujet. Si vous venez du Cap-Breton, vous le direz à toute la famille, parce qu'il y a sûrement quelqu'un d'autre qui doit venir du Cap-Breton pour un rendez-vous chez le médecin, ou peut-être devrez-vous ramener quelqu'un. Ce réseau existe. Par contre, il n'a pas grandi.

À l'instar d'autres idées qui ont été émises, les idées ne valent rien sans action. Quelqu'un doit s'approprier l'idée et s'y accrocher, et déterminer qui il faudrait cibler pour l'en charger, parce qu'il faut réussir à convaincre quelqu'un d'endosser l'idée ou le projet. Je pense que c'est possible. Il y a bien du monde qui voudrait contribuer, mais ce n'est pas la popote roulante dont ils veulent s'occuper. C'est une excellente idée que d'avoir un choix de possibilités de participation, que ce soit avec une organisation ou à titre personnel.

La présidente : Merci à tous deux. Ça a été un après-midi des plus intéressants.

La séance est levée.


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