Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 28 - Témoignages du 31 mai 2007
OTTAWA, le jeudi 31 mai 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 8 h 3 pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.
Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, les témoins et les auditeurs de notre réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, bonjour.
En mai dernier, notre comité a reçu l'autorisation d'examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. À l'automne dernier, nous avons entendu plusieurs témoins experts qui nous ont donné un aperçu de la pauvreté rurale au Canada. À la lumière de ces témoignages, nous avons rédigé un rapport provisoire, qui a été rendu public en décembre. Le rapport a vraiment fait ressortir un point sensible.
En nous inspirant des conclusions de notre rapport, nous avons parcouru le pays pour nous entretenir avec les habitants des régions rurales dans leur collectivité et parfois même dans leur foyer. Jusqu'à présent, nous avons visité des régions dans chaque province, mais il nous reste encore des endroits à voir. Dès demain, nous serons à Kapuskasing dans le Nord de l'Ontario, une collectivité dont l'économie dépend largement du secteur forestier.
Pour nous préparer en vue des réunions de demain, nous accueillons ce matin M. Avrim Lazar, président et directeur général de l'Association des produits forestiers du Canada et Mme Marta Morgan, vice-présidente, Commerce international et compétitivité. Bienvenue à vous deux.
Avrim Lazar, président et directeur général, Association des produits forestiers du Canada : Merci beaucoup de nous avoir invités. C'est un sujet où la mondialisation se heurte aux convictions des Canadiens, où la qualité de vie au Canada s'amenuise comme une peau de chagrin dans le contexte de la mondialisation. Comme vous l'avez vu au cours de vos déplacements partout au Canada, il met en jeu l'espoir et le désespoir, la justice sociale et l'échec social, ainsi que le fondement même de notre survie économique.
L'industrie forestière emploie actuellement 300 000 travailleurs, surtout dans les régions rurales. Il y a 600 000 autres emplois qui sont tributaires de l'industrie. Une petite ville bâtie autour d'une usine se compare à un écosystème économique. L'usine est la pierre angulaire de l'économie, mais il y aussi les conducteurs de camion, les serveuses dans les petits restaurants, les propriétaires des établissements de nettoyage à sec, les gérants de l'hôtel. Lorsque notre industrie est florissante, des emplois sont créés non seulement dans le secteur, mais également dans l'ensemble des régions rurales. Quand l'industrie périclite, ce ne sont pas uniquement les entreprises qui en souffrent, ce sont aussi tous les employés, nos voisins, les régions rurales en entier. Dans de nombreuses régions, même les exploitations agricoles dépendent de l'emploi détenu dans une usine par un membre de la famille.
À l'ère de la mondialisation dans le monde dans lequel nous évoluons, l'industrie canadienne exporte la majorité de ce qu'elle produit. Par conséquent, nous devons vendre nos produits en dollars américains, mais tous nos intrants sont en dollars canadiens. Le dollar canadien a grimpé de 43 p. 100 au cours des trois ou quatre dernières années. Parallèlement, des concurrents mondiaux comme le Brésil, la Russie, l'Indonésie et la Chine ont pénétré notre marché et nous ont placés dans une situation très difficile, ce qui a entraîné non seulement la fermeture d'usines, mais également la fermeture de localités partout au pays. Vous avez vu par vous-mêmes la souffrance et le désespoir que ces fermetures entraînent.
La réaction que nous avons, nous, en tant que Canadiens, nous, dans l'industrie, et vous, comme parlementaires, sera décisive. Il n'y a que trois façons de réagir.
La première, c'est de hausser les épaules et de dire que c'est cela la mondialisation et que les gens n'ont qu'à s'y adapter. Nous avons certainement entendu cette réponse de la part de villes et de certains commentateurs. À notre avis, cette attitude est tout simplement inacceptable, malavisée et mauvaise.
La deuxième, c'est de dire que nous ne permettrons pas que cela se produise. Nous allons défendre bec et ongles chaque usine et chaque emploi. C'est notre droit inné. Nous allons garder l'usine dans cette municipalité, quoi qu'il advienne, et allons camper sur nos positions et tout simplement dire non à la mondialisation. Cette attitude est tout aussi inacceptable et malavisée. C'est une bataille perdue d'avance. Vous devez trouver un moyen de vous y accommoder.
La troisième, c'est de dire, d'accord, voici les faits concernant la mondialisation. Que devons-nous faire au Canada pour nous adapter et réussir dans une économie mondialisée très concurrentielle? Que pouvons-nous faire pour changer la façon de faire des affaires et remanier l'industrie forestière afin de continuer à prospérer et à conserver les emplois?
Nous croyons que c'est la bonne attitude. Lorsque nous adoptons cette attitude et allons de l'avant en pensant que nous pouvons réussir si nous sommes prêts à changer, nous savons, par expérience, que nous pouvons réussir.
Dans l'industrie, nous avons mis sur pied un groupe de travail formé des plus grands PDG dans le monde et d'analystes internationaux à qui nous avons posé la question suivante : Que faut-il faire? Le groupe de travail a dégagé des conclusions fort intéressantes, la première étant que le Canada peut être concurrentiel. Le marché est assez vaste, et nous pouvons y parvenir.
La deuxième partie de la réponse, c'est que nous pouvons être concurrentiels si nos coûts sont concurrentiels, si nous apportons les changements nécessaires, si nous permettons un remaniement structurel de l'industrie et si nous avons une orientation d'avenir. La compétitivité des coûts n'a rien de sorcier : c'est le coût de l'énergie, de la fibre, de la main- d'œuvre, de la productivité et du transport. La structure de l'industrie n'a rien de sorcier : si le marché mondial vous oblige à accroître votre efficacité, vous voudrez probablement convertir deux usines inefficaces en une méga-usine. L'orientation d'avenir n'a rien de mystérieux : il s'agit de mettre en place les normes environnementales les plus élevées possibles et d'être très actifs dans le domaine de la recherche-développement et de l'innovation centrée sur le client.
Je pourrais continuer encore pendant des heures, vous le devinez. Je vais laissez place aux questions. Nous savons que nous pouvons y arriver et que rien ne pourra se faire si l'industrie, nos employés, les collectivités et les gouvernements ne sont pas prêts à apporter les changements nécessaires.
La présidente : Nous sommes heureux que vous soyez ici aujourd'hui parce que nous avons perçu l'angoisse et l'état d'esprit dont vous parlez. Lorsque nous étions en Colombie-Britannique, nous avons décidé de visiter Prince George et Quesnel, où nous avons constaté les ravages causés par le dendroctone du pin; vous avez des défis de taille à relever.
Le sénateur Oliver : Je vous remercie de l'excellent portrait que vous avez brossé de la situation économique mondiale en parlant de l'importance de réduire les coûts et d'être concurrentiels. J'aimerais me limiter à une question encore plus fondamentale. Avons-nous coupé les arbres de manière abusive? Reste-t-il suffisamment de fibre? Pourrons-nous être concurrentiels dans l'avenir ou avons-nous dépouillé nos forêts?
Par ailleurs, nous lisons dans le document qu'un certain nombre de petites villes rurales canadiennes sur lesquelles nous nous penchons ont été durement touchées par la fermeture d'usines. Que fait-on pour relancer ces petites villes qui ont été frappées par ces fermetures causées par notre incapacité à être concurrentiels? Le cas échéant, quelles mesures votre industrie prend-t-elle pour aider ces localités?
M. Lazar : Deux grandes questions se posent. Le niveau actuel de forêts restantes au Canada s'élève à 91 p. 100 de la couverture forestière primordiale. Aucun autre pays dans le monde n'a autant de ses forêts initiales. Si vous acceptez les statistiques de l'ONU plutôt que celles de notre industrie, le taux de déboisement au Canada est nul à l'heure actuelle. Au cours du siècle dernier, l'exploitation forestière n'a entraîné aucune perte de terrains forestiers. L'urbanisation nous en a fait perdre, tandis que l'agriculture nous en a fait regagner. Les subventions agricoles constituent le seul grand indice de perte et de gain de forêts au Canada. Augmentez les subventions et les terres agricoles augmenteront; diminuez-les et ces terres redeviennent des forêts.
L'industrie forestière a une politique de régénération exhaustive qui comporte la gestion durable des forêts et nous avons réussi à pratiquer l'exploitation forestière au cours des 100 dernières années sans aucune perte de couverture forestière.
Le sénateur Oliver : C'est incroyable.
M. Lazar : La norme relative à la perte de couverture forestière est probablement la norme la plus facile à respecter. La prochaine question à poser est la suivante : respectez-vous l'intégrité des écosystèmes forestiers? Dans le passé, nous n'avons pas été des modèles à cet égard. Nos pratiques étaient de couper et de régénérer les forêts sans nous soucier de l'intégrité de l'écosystème. Nous avons fait depuis longtemps des progrès en ce sens. Les membres de l'Association des produits forestiers du Canada doivent s'assurer que leurs pratiques forestières sont certifiées par un organisme indépendant et qu'elles respectent les critères mondiaux les plus élevés pour rester membres. Le Canada compte plus de forêts exploitables certifiées que partout ailleurs dans le monde. Aucun autre pays n'a traité ses forêts aussi bien que l'a fait le Canada. Certains pays essaient de nous dépasser, mais nous sommes les chefs de file mondiaux en matière de foresterie durable.
L'accès à la fibre nous limitera-t-elle? Non. Il y a des concentrations de problèmes en Colombie-Britannique et en Alberta où nous ne faisons pas d'exploitation forestière, mais où les insectes ravages les forêts, ce qui nous amène à aborder une autre question. Au fil des ans, les feux de forêt et les insectes ont rasé six fois la quantité d'arbres récoltés par l'industrie. La situation est impossible à maîtriser.
Dans certaines régions, on a réduit la possibilité de coupe, car elle dépassait la régénération. Dans l'ensemble, le Canada a pris les mesures appropriées, en partie parce que ce sont des terres de propriété publique.
Le sénateur Oliver : C'est le cas dans certaines provinces.
M. Lazar : Dans la plupart des provinces, à l'exception de certaines terres dans les régions de l'Atlantique, 90 p. 100 des terres sont de propriété publique. Je ne dis pas que nous sommes parfaits. Nous pourrions nous améliorer à certains égards, ce que nous faisons.
Le sénateur Oliver : Est-ce que cela comprend la protection des forêts anciennes?
M. Lazar : Oui, cela comprend certainement ces forêts. Nous avons plus de forêts protégées que tout autre pays au monde. La question des forêts anciennes se complique, car notre exploitation forestière est principalement effectuée dans les forêts boréales, là où la forêt est plus vieille qu'elle l'était avant l'industrialisation. Dans le passé, d'énormes feux de forêts faisaient rage sur de vastes étendues, qui étaient suivis d'une régénération naturelle lorsque la lumière du soleil pouvait faire son œuvre. À l'heure actuelle, les politiques en matière de foresterie sont telles que les coupes se font sur des étendues plus petites que les étendues ravagées par les feux de forêts et, parce que nous procédons à des opérations d'extinction, les forêts ont vieilli davantage. Certains scientifiques disent que le problème du dendroctone du pin est en partie attribuable au fait que nous avons accompli du bon travail pour éteindre les feux, ce qui a contribué à rendre les forêts surannées, faisant d'elles une cible facile. La cause principale de l'infestation du dendroctone du pin, c'est évidemment le réchauffement de la planète, et non pas l'âge des forêts, même si c'est un facteur.
La question de l'âge est attrayante sur le plan politique, mais la vraie question porte sur l'intégrité de l'écosystème. Une forêt peut être surannée ou peut être coupée avant le temps en raison de l'intervention humaine. La vraie question lorsqu'on pratique l'exploitation forestière, c'est d'essayer de respecter les types de perturbations forestières naturelles. Nous sommes passés maîtres dans l'art de respecter ces perturbations au Canada. Nous ne sommes pas parfaits, mais aucun autre pays au monde n'est meilleur que nous.
Il est difficile pour nous de décrire ce que représente la fermeture d'une petite ville bâtie autour d'une usine, car nos employés habitent la localité et leurs enfants fréquentent l'école avec tous les autres enfants. Vous persuadez quelqu'un d'accepter un emploi dans le Nord et, tout d'un coup, la maison qu'il a payé 120 000 $ a perdu beaucoup de valeur. C'est aussi pénible que vous pouvez l'imaginer et c'est peut-être même pire. La relance économique est également difficile. Depuis 30 ans, les gouvernements fédéral et provinciaux mettent en place des programmes de développement régional, dont la plupart ont été bien peu concluants.
Au cours des cinq dernières années, les parlementaires m'ont demandé maintes et maintes fois comment ils peuvent sauver une usine ou ce qu'ils peuvent faire dans le cas de la fermeture d'une usine. C'est la mauvaise question à poser. Ils devraient plutôt demander comment nous pouvons créer des conditions économiques pour éviter la fermeture de l'usine. Nous souhaitons que, dans l'intérêt de ces villes et des employés qui y vivent, les parlementaires deviennent obsédés par la conjoncture économique afin qu'au lieu de nous évertuer à tenter de déterminer ce que nous pouvons faire pour bâtir une économie dans une ville qui n'en a pas, nous puissions sauver l'économie actuelle de la ville. Après la tragédie, énormément d'énergie politique est consacrée au développement rural et très peu, à la création de conditions économiques qui permettront de garder l'usine ouverte. Le salaire que nous payons est 50 p. 100 plus élevé que le salaire moyen pour ces emplois en haute technologie; ce sont d'excellents emplois. Pourtant, on travaille avec beaucoup d'ardeur pour mener des projets ponctuels de création d'emplois afin de construire une nouvelle patinoire ou un nouvel aéroport après la fermeture de l'usine plutôt que pour maintenir ces emplois avant que l'usine ferme.
Ce n'est pas pour retourner la question, mais la réponse est la suivante : ne laissons pas l'usine fermer. Faisons nos devoirs en matière d'économie et créons les conditions d'accueil appropriées au Canada, car ce sont des emplois irremplaçables. Que faites-vous après la fermeture de l'usine? Vous obtenez des emplois dans le secteur des services. Ils sont beaucoup moins rémunérés et souvent plus ennuyeux.
Le sénateur Oliver : Le nouveau gouvernement du Canada explore les moyens d'accorder des réductions d'impôt pour aider l'industrie à être plus concurrentielle.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé de créer des conditions de manière à ce que nous n'ayons plus à penser à ce qui se produira une fois l'usine fermée. Vous avez parlé du groupe de travail qui a formulé plusieurs recommandations, qui consistent essentiellement à réduire les coûts et à accroître la compétitivité. En 2005, le gouvernement fédéral a annoncé une stratégie visant à assurer la force et la durabilité de l'industrie forestière. J'aimerais entendre vos observations à l'égard de la stratégie. Donne-t-elle véritablement suite aux recommandations du groupe de travail et ces dernières ont-elles été mises en œuvre en totalité ou en partie et, le cas échéant, quels en sont les résultats? La stratégie a-t-elle répondu à nos attentes?
M. Lazar : Je ne suis au courant d'aucune stratégie exhaustive. Des mesures ont été prises et elles ont toutes été utiles. Le dernier budget prévoyait une mesure fiscale, soit la déduction pour amortissement accéléré, qui nous faciliterait la tâche pour acquérir de l'équipement neuf afin de moderniser les usines. Malheureusement, ce n'est que pour deux ans, et le renouvellement des immobilisations ne s'effectue pas dans ce délai. Nous espérons que le parti ministériel se montrera enthousiaste et que l'opposition fera pression pour porter le délai à cinq ans.
Une grande partie de ce qui doit être fait en vue de réduire les coûts incombe à l'industrie. Par exemple, les coûts de la main-d'œuvre sont parmi les plus élevés au monde. Nous ne voulons pas réduire les salaires, mais nous devons accroître la productivité. Il incombe à nos gestionnaires et aux syndicats de trouver des solutions pour que nous puissions parvenir à un niveau de productivité qui cadre avec nos régimes de rémunération.
Certaines mesures doivent être prises par les gouvernements provinciaux. Les provinces utilisent les arbres comme instrument de sociologie appliquée. Dans certaines provinces, plus particulièrement en Ontario et au Québec, chaque essence d'arbre est attribuée à une ville donnée. Cette pratique était très sensée lorsqu'il n'y avait aucune concurrence mondiale. Dans la conjoncture actuelle, ces villes sont destinées à perdre leur usine. Nous devons utiliser la fibre de la meilleure façon possible.
Le transport est principalement la responsabilité du gouvernement fédéral. À l'heure actuelle, plus de 80 p. 100 de nos usines n'ont accès qu'à une seule voie ferrée et nous n'avons pas réussi à faire en sorte que les gouvernements antérieurs et le nouveau gouvernement, comme vous vous plaisez à vous appeler, démantèlent le monopole des sociétés ferroviaires. Nous avons de grandes sociétés ferroviaires au Canada; elles sont des monopoles et demandent des prix excessifs. Nous avons effectué une étude qui a révélé que, même si nous leur autorisons un rendement du capital de 20 p. 100, ce qui est ambitieux dans une situation de concurrence, les sociétés ferroviaires font payer à l'industrie forestière canadienne 300 millions de dollars de trop. Nous pourrions utiliser cet argent pour moderniser nos usines.
Toute une série de mesures doivent être prises. En ce qui concerne l'impôt sur les investissements, nous ne nous y opposons pas — nous ne l'aimons pas, mais nous comprenons son existence. Il doit toutefois être réduit. Nous devons mettre un terme au monopole des sociétés ferroviaires pour pouvoir obtenir des tarifs ferroviaires concurrentiels. Dans le cas de l'énergie, grâce à la transition accélérée vers les sources d'énergie verte renouvelables et l'autosuffisance énergétique, nous sommes maintenant à 60 p. 100. Accélérer la transition serait utile. En ce qui concerne le personnel, le problème est entre nos mains et entre celles des syndicats, alors que la question de la fibre relève essentiellement des provinces.
Le sénateur Callbeck : En novembre 2005, le gouvernement fédéral a annoncé une stratégie quinquennale de 1,5 milliard de dollars pour aider l'industrie forestière à rester forte et durable en dépit des défis croissants.
M. Lazar : Ces fonds servent à des projets utiles qui s'attaquent effectivement au problème des insectes ravageurs. Cependant, chaque fois que la valeur du dollar augmente d'un cent, l'industrie perd 500 millions de dollars. C'est pour chaque cent. La valeur du dollar a grimpé de 37 ou de 38 ¢ au cours des dernières années. Vous ne pouvez pas échapper à cette situation à coup de dollars. Les programmes gouvernementaux sont utiles; on ne s'en plaint pas. Ils sont louables et pertinents; ils sont utiles, mais il faudrait une réforme des politiques pour entraîner des effets réels. C'est le régime fiscal, la réglementation des sociétés ferroviaires et l'utilisation de la fibre. C'est le climat commercial global.
Les programmes ne constituent pas la solution; il faut intervenir dans le cadre d'une politique. Le seul moyen de conserver les emplois dans les régions rurales, c'est d'avoir un climat commercial qui attire les investisseurs. Sans investissement, les emplois disparaissent, et les investisseurs viennent s'il y a des profits à réaliser. Aucun profit ne peut être fait si les investissements sont lourdement imposés, si les coûts de transport sont trop élevés et si la fibre sert d'outil politique plutôt que de facteur de production. Je fais des difficultés.
Le sénateur Callbeck : D'après ce que je comprends, nous avons des initiatives fragmentaires, mais n'avons pas de vraie stratégie globale. Ai-je bien compris?
M. Lazar : Vous avez bien compris. C'est la raison pour laquelle nous avons créé ce groupe de travail et élaboré une stratégie en collaboration avec le gouvernement. Quelques sous-ministres nous ont conseillés à cet égard. Le ministre Lund a certes bien accueilli la stratégie. Nous l'avons examinée avec des ministres et des porte-parole de l'opposition.
Au Canada, nous ne semblons pas croire qu'une stratégie industrielle peut nous rapporter de l'argent. Dans le passé, des stratégies industrielles étaient mises en place pour contrebalancer les piètres conditions sociales. Il est plus facile d'obtenir une stratégie industrielle pour le Cap-Breton que pour l'industrie forestière. Si nous avions une stratégie industrielle fondée sur les notions de marchés et de profits, nous réussirions beaucoup mieux à mettre un terme à la pauvreté rurale que lorsque vous essayez de prétendre que les marchés n'existent pas.
L'idée, c'était d'avoir une stratégie sectorielle qui n'est pas élaborée par le gouvernement, mais de créer un climat commercial qui permettrait à l'industrie de le faire.
Le sénateur Gustafson : Vous avez dit qu'une part importante de vos produits est exportée. Est-ce 75 p. 100?
M. Lazar : C'est plus élevé, en fait.
Le sénateur Gustafson : Quelle proportion de ces produits est exportée aux États-Unis?
M. Lazar : La majorité est exportée aux États-Unis.
Le sénateur Gustafson : Nous dépendons énormément d'eux. Êtes-vous des décideurs de prix ou des preneurs de prix?
M. Lazar : Nous avons une certaine influence sur les prix, mais, de façon générale, nous sommes des preneurs de prix parce que le marché est mondial. Même au Canada, si nous augmentons le prix légèrement, les acheteurs téléphoneront au fournisseur chinois pour nous mettre au pas.
Le sénateur Gustafson : Nous avons soutenu au comité de l'agriculture qu'à moins que le gouvernement du Canada se rende compte de la situation mondiale à laquelle nous sommes confrontés, nous ne pouvons pas faire grand-chose. Nous continuons de prendre ce que nous obtenons et l'industrie continue de faire face aux problèmes.
Vos entreprises réalisent-elles des profits malgré les fermetures d'usines? Prenez, par exemple, l'usine dans le nord de l'Alberta. C'est une énorme usine de production à la fine pointe de la technologie. Nous avons mené une étude sur les forêts boréales et de nombreuses usines sont remplacées. Les entreprises font-elles des profits même si l'industrie s'attaque à de sérieux problèmes qui sont notamment attribuables à la fermeture d'usines?
M. Lazar : Ce sont deux excellentes questions. La réponse est non. Nous ne faisons pas de profits. Nous aimerions pouvoir en faire. Je sais que ce n'est pas tout le monde qui croit que l'objectif doit être de réaliser des profits, mais si les entreprises ne font pas d'argent, elles n'investissent pas, ce qui entraîne plus de fermetures.
Quant à savoir si nous devons retirer nos ressources naturelles de l'économie mondiale, la réponse est non. Le monde a besoin de ressources naturelles. Il y a eu une énorme explosion de la richesse en Chine et en Inde. Tous ces gens achèteront des étagères, feront construire la charpente de leur maison, emballeront des cadeaux et liront les journaux. La demande mondiale augmente de 3 p. 100 par année. Elle est plus que suffisante.
Aucun autre pays n'est mieux placé que le Canada pour satisfaire à cette demande. Il est vrai que les coûts sont moindres au Brésil, mais ce pays n'a pas l'infrastructure et est confronté à des problèmes sociaux; il déboise les forêts de l'Amazonie et le monde finira par en avoir assez. La Chine possède une main-d'œuvre bon marché, mais n'a ni eau ni fibre. La Russie a beaucoup de forêts boréales, mais n'a pas construit de routes et son milieu des affaires est corrompu.
Nous pourrions être le fournisseur du monde. Les autres pays ont besoin de nos produits, mais nous ne leur fournirons pas à moins d'apporter des changements, ce qui nécessitera de fermer des usines, de construire des méga- usines et de créer un régime fiscal et un réseau ferroviaire différents. Ce ne sont pas des changements énormes. Ils pourraient être apportés en l'espace d'un mandat d'un gouvernement. Ils sont tous réalisables. Si nous décidons de les mettre en œuvre, nous n'aurons pas à hausser les épaules et à blâmer la mondialisation. Nous pourrons dire que la mondialisation crée de la concurrence mais qu'elle crée aussi des marchés et que le Canada est bien placé pour desservir les marchés mondiaux en plein essor parce qu'il possède les ressources naturelles dont le monde a besoin.
Le sénateur Gustafson : Le transport est-il un facteur important?
M. Lazar : Oui, c'est un facteur important.
Le sénateur Gustafson : Nous vivons le long d'une ligne de chemin de fer de la Soo Line et nous voyons passer sans cesse des trains de bois d'œuvre en direction de New York, de Chicago et du marché de l'est des États-Unis.
Le transport représente environ 50 p. 100 du prix d'un boisseau de grain. C'est incroyable comme les coûts de transport ont augmenté.
M. Lazar : C'est un facteur énorme. La raison de cette augmentation, c'est que les sociétés ferroviaires ont un monopole bien administré qui exploite ses clients et rapporte de gros profits à ses actionnaires. C'est la loi. Les sociétés ferroviaires sont censées maximiser le rendement des investissements de leurs actionnaires. Ce n'est pas la faute des sociétés ferroviaires, mais celle du gouvernement, car il ne crée pas de conditions favorables à la concurrence pour mettre au pas les sociétés ferroviaires.
Le sénateur Gustafson : Sont-ils des décideurs de prix plutôt que des preneurs de prix?
M. Lazar : Quand le prix du carburant augmente, les sociétés demandent des suppléments. Elles augmentent leurs tarifs, mais le font en ajoutant 20 p. 100 de plus que l'augmentation du prix du carburant. Qui paie pour cela? Ce sont les collectivités rurales. Cela représente 30 p. 100 de notre structure de coûts. C'est pourquoi nous fermons des usines. Les coûts s'additionnent. C'est un ensemble de petites choses.
Le sénateur Mahovlich : Ma ville natale est Schumacher. Quand j'étais en 7e année, j'attendais avec impatience de visiter l'usine à Iroquois Falls. C'était impressionnant. L'usine était propre. Nous pouvions rapporter du papier et toutes sortes de choses à la maison. Cette usine est-elle fermée aujourd'hui?
M. Lazar : Nous ne sommes pas certains. Je crois me rappeler qu'il y a un an et demi environ, l'usine a cessé temporairement ses activités. J'ignore si c'est devenu permanent.
Le sénateur Mahovlich : J'ai entendu dire qu'on avait l'intention de faire déménager les Autochtones de la baie James à Iroquois Falls, car tout le monde a quitté la région et qu'il y a des maisons disponibles. Il y avait un problème à la baie James. C'est triste. C'était une belle usine, propre et bien gérée. L'administration de l'école que je fréquentais croyais que c'était éducatif pour les élèves de visiter l'usine. Je suis désolé d'apprendre cela.
Quand je magasine à Toronto, je vais chez Ikea. Je crois que c'est une entreprise norvégienne. Ses produits sont fabriqués en Suède. Tout ce que j'ai à faire, c'est de visser quelques vis et j'ai une magnifique étagère. Tout est fait là- bas. Les produits sont préfabriqués et expédiés.
Fabriquons-nous certains des produits que nous acheminons aux États-Unis, tels que des rayonnages? Créons-nous un entrepôt de fabrication pour expédier notre bois d'œuvre? Faisons-nos des meubles préfabriqués? Vous pourriez faire une maison préfabriquée. Avez-vous déjà exploré cette possibilité?
M. Lazer : Oui, nous l'avons fait. En ce qui concerne Ikea, moins de 20 p. 100 de ses produits sont fabriqués en Suède. La majorité des produits sont fabriqués en Chine et en Europe de l'Est. Ses publicités mettent en vedette un homme ayant un magnifique accent suédois et on vend des boulettes de viande la cafétéria, mais ce magasin fabrique ses produits là où le reste du monde fabrique les siens — là où il y a de la main-d'œuvre à bon marché. Croyez-moi, il n'y a pas de main-d'œuvre à bon marché en Suède.
Si vous regardez, globalement, le secteur du mobilier, ou de la valeur ajoutée tertiaire, ce genre de construction, il dessert le marché local, et nous avons au Canada d'excellents fabricants de portes, de fenêtres et de mobilier.
Les grands exportateurs mondiaux sont tous allés là où la main-d'œuvre est bon marché. Nous n'aspirons pas à être un centre de main-d'œuvre bon marché au Canada. Nous voulons payer des salaires élevés pour l'ajout de la valeur aux ressources naturelles. Nous faisons principalement de la transformation secondaire et tertiaire, comme avec le papier de haute qualité. Nous fabriquons du bois pour la construction, mais ce n'est pas une part importante de notre stratégie d'exportation. C'est sûr que quand il y a valeur ajoutée, on ajoute pas mal de valeur à la fonction, en ce qui a trait aux ressources naturelles. À long terme toutefois, ce ne sont pas les travailleurs ruraux du Canada qui fabriqueront des violons ou des bibliothèques. Eux, ils s'occupent d'extraction et de transformation des ressources naturelles.
Pendant des années, j'ai entendu du monde dire c'est simple, il suffit d'aller plus haut dans la chaîne de valeur. J'aimerais bien pouvoir le faire, mais la vérité, c'est que quand on monte dans la chaîne de valeur, on monte aussi dans la chaîne du travail bon marché.
Certaines compagnies qui ont créé des usines de fabrication de meubles et autres choses du genre ont dû créer des compagnies distinctes, parce que les salaires qu'elles versaient à leurs employés étaient nettement supérieurs à ce qu'elles pouvaient se permettre si elles voulaient rester en affaires. Par exemple, le taillage du bois est bien mieux payé que la création de meubles pour IKEA. Je sais que ce n'est pas le genre de choses qu'on doit dire, mais la réalité, c'est qu'il y a beaucoup plus d'argent à faire avec des emplois mieux rémunérés au bas de la chaîne de valeur. Il n'y a pas tant d'emplois que cela, mais il y en a près d'un million au Canada. Ce n'est pas si mal.
IKEA fait beaucoup d'argent, et c'est tant mieux pour eux.
Le sénateur Mahovlich : Je pense que le ministre Lunn a un gros problème entre les mains, avec le bois d'œuvre. Je sais qu'ils commencent à faire des meubles dans l'Ouest, à cause de tous ces dendroctones du pin qui ont décoloré le bois, mais ce bois semble faire de bons meubles. Alors, certains se sont recyclés dans la fabrication de mobilier. Que cela en vaille la peine ou non, c'est une autre histoire.
M. Lazar : Il y a très peu d'emplois. En ce qui concerne le dendroctone du pin ponderosa, on pensait auparavant qu'on pourrait y arriver en un ou deux ans, mais c'est même difficile d'en faire des 2 par 4. Quand on essaie de scier le bois, il commence à se tordre. Par conséquent, il est bon pour les pâtes et papiers et pour faire du feu, mais on ne pourra pas faire d'armoires de qualité avec du bois taché de bleu. On en a nourri le fantasme pendant un certain temps. En fin de compte, les emplois sont encore dans les activités de base.
Je ne dis pas que la valeur ajoutée, ce n'est pas fantastique. C'est merveilleux. Cependant, pour avoir des emplois durables, il faut réserver la valeur ajoutée ou le haut de gamme surtout pour les marchés locaux. Près d'un million de ces emplois sont pour le marché de l'exportation un peu plus loin dans la chaîne de valeur.
Je pense que nous devrions en être fiers. Avec la quête du reste du monde pour les ressources naturelles, en étant le plus brillant extracteur et transformateur de ressources naturelles, nous constituerons un créneau d'une énorme valeur.
Seulement la moitié de la Chine travaille jusqu'à maintenant. On se demande de quoi aura l'air le monde quand l'autre moitié se mettra à la tâche. Qu'arrivera-t-il au Canada rural quand l'autre moitié de la Chine se mettra à travailler? La réponse, c'est qu'ils auront désespérément besoin de ressources à transformer. Le pays qui sera le plus efficace et le plus avancé au plan technologique pour l'extraction et la transformation de ces ressources s'en sortira bien. Nous ne nous en sortirons pas en fondant notre stratégie sur l'espoir de pouvoir les concurrencer en transformant les ressources en étagères et en bibliothèques.
Le sénateur Peterson : Nous semblons avoir un véritable dilemme ici. Les travailleurs de l'énergie nous ont affirmé que nous avons les meilleurs travailleurs du marché mondial. Nous avons les meilleures usines, les meilleures fibres et tout ce qu'il y a de meilleur en tout, et pourtant nous sommes ici à dire que cela ne sert à rien. Nous pouvons tourner en rond longtemps.
La question de la valeur de l'argent est difficile. Je pense que l'industrie s'est fiée là-dessus, à tort, pendant de nombreuses années, et ne s'est intéressée à rien d'autre, et c'était en quelque sorte un avantage intrinsèque. Malheureusement, quand les prix montent, on en souffre. Je suppose que la question qui se pose, c'est qu'est-ce qu'on peut faire? Tout revient au cadre de réglementation, et au fait qu'il faut trouver une espèce de stratégie que, je suppose, vous avez décrite ici.
M. Lazar : Nous devons arrêter de nous plaindre du reste monde et commencer à lui faire concurrence. Je suis d'accord avec vous au sujet de la valeur du dollar. Elle a freiné l'adaptation. Très franchement, elle a aussi rendu le gouvernement paresseux.
L'investissement dans l'industrie forestière du Canada est plus taxé que n'importe quelle autre industrie forestière du monde. Quand le dollar était à 75 ¢, on s'en plaignait, mais on faisait encore de l'argent, alors on prend l'argent de l'industrie et on le donne au peuple. Quand le dollar monte à 87 ¢ ou à 92 ¢, soudainement, on est paralysé.
La hausse du dollar est un coup de pied à l'industrie, une claque au visage pour qu'elle se réveille, et c'est ce que nous avons fait. Nous avons accru notre productivité dans le secteur forestier canadien plus que les autres secteurs manufacturiers du Canada et plus que celui des États-Unis.
C'est aussi une claque au visage du gouvernement, pour dire que le climat et le genre de politique que nous pouvons nous permettre en affaires quand le dollar est à 70 ¢ ou 80 ¢ ne peut être maintenu avec un dollar à 90 ¢. Tant l'industrie que le gouvernement doivent accélérer la cadence du changement et de l'adaptation.
Certaines villes souffrent du manque d'infrastructure industrielle. Ce n'est pas une histoire de magie ou de mondialisation. C'est simple : si le prix de revient vaut la peine d'investir, il y a des emplois et moins de pauvreté. Si le prix de revient est tel qu'on ne veut pas investir, il n'y a pas d'emplois et il y a de la pauvreté. Si je ne pensais pas qu'on peut attirer l'investissement au Canada, je ne serais pas ici. Nous pouvons investir, et il n'est pas besoin, pour cela, de révolution industrielle; il faut simplement un régime fiscal, des chemins de fer et un régime réglementaire intelligents et compétitifs. Nous pouvons y arriver.
Le sénateur Oliver : J'aimerais beaucoup que vous me disiez ce que peut faire le gouvernement pour attirer la compétition pour quelque chose comme les Chemins de fer nationaux du Canada, le CN.
M. Lazar : Je serais ravi de vous le dire. À long terme, ce que nous aimerions, c'est qu'il y ait des droits de circulation, pour que d'autres transporteurs puissent emprunter les mêmes voies ferrées que le CN ou le CP, qui seraient indemnisés de l'intégralité des coûts d'entretien des voies. Nous pensons que c'est plus une espèce d'objectif stratégique à long terme.
Pour l'immédiat, nous avons besoin d'arbitrage de l'offre finale, pour que lorsque les chemins de fer nous traitent injustement, nous puissions aller voir un arbitre neutre et dire que cela n'a pas de bon sens. C'est comme l'arbitrage au baseball. Nous présentons nos meilleurs arguments, ils présentent leurs meilleurs arguments et l'arbitre fait un choix. Cela force les parties à être raisonnables, parce qu'en fin de compte, la norme, c'est la raison.
Il y a actuellement de l'arbitrage de l'offre finale, mais c'est complexe; le recours à ce mécanisme coûte près d'un million de dollars, et il ne s'applique pas aux frais accessoires comme les suppléments carburant. Nous avons demandé au gouvernement d'accroître la portée de l'arbitrage de l'offre finale pour qu'il soit accessible et que les groupes puissent y recourir, les petites compagnies comme les grandes.
Avec l'élargissement de la portée de l'arbitrage de l'offre finale, où le seul test est le caractère raisonnable, nous pourrions maintenir les monopoles et l'infrastructure actuels; inutile d'embarquer dans rien de compliqué. Si les chemins de fer voulaient faire quelque chose de déraisonnable, nous pourrions faire appel à l'arbitre. Si nos demandes étaient déraisonnables, ils gagneraient.
Les chemins de fer semblent trouver à redire à la norme du caractère raisonnable. Si un monopole nous permet de faire d'énormes profits pour nos actionnaires, il est possible que le caractère raisonnable ne soit pas souhaitable. Ils s'y opposent par tous les moyens. Cependant, la solution est simple. Elle ne soustrait rien au monopole des chemins de fer. Ils peuvent investir autant qu'ils veulent et encore faire une fortune. Cependant, quand ils exagèrent vraiment, comme quand ils ajoutent un profit aux suppléments carburant, nous pourrions faire appel à l'arbitre et l'arbitre prendrait une décision.
Le sénateur Oliver : Ma question suivante revient aux régions rurales. Dans le temps, les gens qui travaillaient dans le secteur forestier, dans les provinces de l'Atlantique, travaillaient avec une scie à chaîne. Cette époque est révolue, et maintenant nous avons de la machinerie lourde qui peut couper l'arbre et en faire à peu près n'importe quoi, et elle travaille 24 heures sur 24. Le gars qui travaillait avec la scie à chaîne se retrouve sans emploi.
Que fait votre industrie pour recycler ce travailleur, l'empêcher de tomber dans la pauvreté et l'aider à redevenir un élément actif de cette importante industrie forestière?
M. Lazar : Nous avons besoin d'autant d'employés que nous pouvons en trouver. Même avec les fermetures d'usines, notre problème reste de trouver des employés qualifiés.
Le sénateur Oliver : Est-ce que vous voulez dire que l'opérateur de scie à chaîne ne peut être recyclé pour devenir un employé qualifié?
M. Lazar : Non. Nous les voulons. Bien évidemment, l'alphabétisation de base est terriblement importante, et nous considérons que c'est la tâche du gouvernement que de donner à chaque citoyen accès à l'alphabétisation de base. À part cela, nous nous chargeons de la formation. Particulièrement dans l'Ouest, nous sommes en compétition avec les industries du pétrole et du gaz pour les employés. Il y a des emplois. Les seuls à vraiment se faire refouler sont les personnes qui n'ont pas de compétences de base en matière de lecture et d'écriture.
Nous sommes le plus important employeur industriel d'Autochtones. Mille six cents entreprises autochtones dépendent de notre industrie — 1 600 entreprises appartenant à des Autochtones ou exploitées par eux, en tant qu'entrepreneurs, récolteurs, camionneurs, avec qui nous faisons affaire. C'est le genre de relation que nous apprécions le plus : d'une entreprise à une autre. Les Premières nations sont très précieuses pour notre industrie, en tant qu'employés et que partenaires d'affaires.
Si on peut assurer la vigueur de l'industrie, il est facile d'assurer la formation comparativement à lutter pour garder l'usine à flot. Le défi, ce n'est pas tant d'apprendre à quelqu'un à conduire l'un de ces camions sophistiqués; le défi, c'est de pouvoir continuer d'exploiter ces camions sophistiqués. C'est une question de conjoncture.
Le président : Je tiens personnellement à vous remercier d'avoir soulevé un sujet qui revient assez souvent pour au moins certains d'entre nous au Sénat, et c'est la question des défis que posent les faibles compétences de base en écriture et en lecture au pays. Je sais que ce n'est que tout récemment que les entreprises ont déployé des efforts véritables pour essayer de donner cette chance aux gens, parce que le travail manuel n'est plus ce qu'il était; les technologiques s'en mêlent désormais. Nous nous en préoccupons grandement. Il est intéressant d'entendre ce que vous en dites.
Je pense que la première entreprise à s'y être vraiment intéressée a été Syncrude, il y a bien des années, quand il est devenu évident qu'il allait être rentable de créer un nouveau produit de Syncrude, et il y avait tous ces sables bitumineux, mais ils étaient extraits par des ouvriers manuels qui venaient des montagnes. Tout d'un coup, voilà que la technologie surgit, et c'est fantastique. Syncrude a analysé ses effectifs et a compris qu'une grande part d'entre eux ne pouvaient ni lire ni écrire à ce niveau-là, alors la compagnie a créé un programme d'alphabétisation en milieu de travail pour garder ses travailleurs plutôt que de devoir aller au large dans la mer du Nord, ou ailleurs, et cela a été un succès. C'était un programme autonome, mais je sais que d'autres, dans la région, ont suivi l'exemple.
Je me demande si c'est quelque chose que pourrait faire l'industrie forestière. Malheureusement, en tant que nation, nous n'offrons pas le genre de soutien dont ont besoin les membres de la population pour assurer les progrès de ceci. Je sais que le secteur des affaires lui-même s'y intéresse. De façon générale, est-ce que vous contribuez à donner à ces gens une chance égale?
M. Lazar : Tout d'abord, j'aimerais souligner tout ce que nous, et le reste du Canada, vous devons pour le leadership dont vous avez fait preuve à cet égard. Vous avez été l'unique voix, la plus forte, pendant des années, et aucun de nous ne le prenons pour acquis. Nous savons combien c'est important, alors nous vous levons notre chapeau.
Je ne sais pas exactement ce qui a été fait dans les compagnies. Je ne connais pas personnellement la question. Nous nous renseignerons et nous vous donnerons une réponse. Je sais que nous avons eu des employés qui ont atteint le point où ils pourraient être mécaniciens de chantier, mais ils n'étaient pas admissibles au programme parce qu'ils n'avaient pas les compétences de base en lecture et écriture. Cependant, je ne connais pas les programmes que nous avons à leur offrir.
J'aimerais souligner que l'alphabétisation est un critère d'entrée dans l'économie actuelle dans les régions rurales autant que dans les régions urbaines du Canada. En tant qu'entreprise nationale, je ne peux imaginer aucune raison pour laquelle ce ne devrait pas être une des grandes priorités du Canada en tant que pays que de donner la clé de cette porte à sa population.
Le président : Je ne devrais probablement pas me faire son porte-parole, mais si vous voulez un jour avoir une conversation avec quelqu'un qui a été sur la ligne de front de ce combat, Eric Newell, de Syncrude, est votre homme, et il aurait sûrement de bons conseils à vous donner.
C'est un problème énorme, et nous en sommes tous conscients. Cela freine les progrès de notre pays du recul si 40 p. 100 de nos adultes sont dans l'impossibilité de lire, d'écrire et de communiquer comme ils le devraient au quotidien, comme l'exige la société moderne.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que le pourcentage de femmes dans le secteur forestier est en hausse ou en baisse?
M. Lazar : Il ne peut qu'augmenter, d'après ce que je peux voir. Au niveau exécutif, il n'y a pas de femme présidente et directrice générale d'une compagnie forestière en Amérique du Nord. Il y a néanmoins quelques éminentes vice- présidentes, qui font preuve d'un solide leadership, mais seulement à ce niveau. Il n'y a aucune démarche systématique, à ce que je sache. Quelques compagnies ont été absorbées par le marché des souscriptions privées, ce qui pourrait s'avérer une bonne chose pour les travailleurs à long terme. Cependant, je ne suis au courant d'aucun plan ou d'aucun effort particulier pour augmenter la participation des femmes au niveau de la haute direction, à l'exception des brillantes contributions de certaines personnes. Savez-vous quelque chose, madame Morgan?
Marta Morgan, vice-présidente, Commerce international et compétitivité, Association des produits forestiers du Canada : Je ne sais rien de précis. Cependant, à ce sujet, et aussi à propos de l'alphabétisation, quand on regarde l'avenir, comme bien d'autres industries canadiennes, nous examinons la répartition démographique de la population active, et de notre effectif en particulier. Nous savons qu'il nous faudra une vaste relève pour notre effectif. Nous savons que les exigences de compétences sont en hausse — les exigences d'études sont en hausse. Aussi, en tant qu'industrie rurale, nous constatons que la meilleure source de main-d'œuvre, pour nous, ce sont les habitants des régions rurales qui aiment ce mode de vie, qui veulent rester dans les régions rurales et qui veulent être là où se trouve leur famille.
Je crois que nous découvrirons d'autres possibilités, à l'avenir, pour les travailleurs non traditionnels dans l'industrie. De plus, si nous pouvons travailler ensemble sur les enjeux comme l'alphabétisation et l'éducation dans les régions rurales, ce sera de plus en plus important pour nous, pour que nous soyons en mesure de recruter et d'attirer une main-d'œuvre qualifiée. Il y a de nombreux intérêts communs, ici, pour les collectivités et l'industrie.
Le sénateur Peterson : Où se situe l'industrie forestière, au Canada, en ce qui concerne le produit intérieur brut?
M. Lazar : Nous représentons environ 3 p. 100 du PIB global.
Le sénateur Peterson : Où est-ce que cela nous situe, comparativement à l'aérospatiale, l'automobile, l'agriculture, et cetera?
M. Lazar : Nous sommes en avance sur eux, au haut de la liste, au plan industriel. Je ne sais pas où nous nous situons comparativement à l'agriculture, mais nous avons une part bien plus grande que le secteur de l'automobile ou de l'aérospatial — c'est une part énorme.
Le sénateur Gustafson : J'ai une question à poser au sujet des normes. General Motors nous dit qu'avant de pouvoir construire une voiture, ils reçoivent une facture de 2 700 $ pour chaque voiture, rien que pour les régimes de retraite. Est-ce que les normes canadiennes deviennent trop élevées pour être concurrentielles dans l'économie globale, ou quel est le problème? Il y a des membres de ma famille, en Colombie-Britannique, qui ont travaillé toute leur vie dans le secteur forestier et qui vivent avec une très bonne pension. Pour pouvoir être compétitif sur le marché mondial, est-ce que le Canada devra prendre moins?
M. Lazar : Je ne pense pas que la solution soit de prendre moins mais plutôt de faire plus. Nos normes environnementales sont aussi bonnes qu'ailleurs dans le monde, et nous ne devrions pas faire de compromis. Au lieu de cela, nous devrions faire plus et nous en attribuer le mérite. Nous devrions clamer notre solidité au reste du monde.
Nos régimes de pension, d'emploi et de rémunération sont parmi les meilleurs du monde, et notre productivité n'est qu'au milieu de l'échelle. C'est un défi pour la direction et le syndicat, que nous devons régler ensemble, et cela peut se faire. Les pays du Nord sont probablement plus avancés que nous dans l'analyse de la manière dont les syndicats et la direction peuvent se concerter pour optimiser la productivité sans avoir à faire de sacrifice.
Bref, on ne peut bien enfoncer les talons fermement dans le sol et dire « Je vais préserver mes conditions de travail et mon salaire actuel, et peu m'importe, je ne changerai pas ». C'est comme ça qu'on perd son emploi. C'est arrivé à maintes et maintes reprises. Tout le monde doit être prêt à changer pour protéger l'acquis. Ce n'est pas en se contentant de faire comme on a toujours fait qu'on avance.
Le sénateur Gustafson : Si on veut être politiquement correct, on ne soulève même pas ces sujets-là par crainte que cela se retourne contre nous.
M. Lazar : En fin de compte, il faut reconnaître la différence entre où on vit et où on travaille. Nous vivons au Canada, où règne un bon climat social et où il fait bon vivre, mais nous travaillons sur le marché mondial. Nous ne travaillons pas au Canada, parce que nous vendons nos produits sur le marché mondial. Nous devons ajuster notre comportement au travail pour être compétitifs sur ce marché, sans cela, le lieu où nous vivons perd de son agrément. Ce genre de faculté d'adaptation exige que nous comprenions que nous vivons dans un bel environnement qui s'appelle le Canada mais que nous travaillons dans cette compagnie très dure et compétitive, qui s'appelle le marché mondial. Nous ne pouvons prétendre qu'ils n'existent pas tous les deux.
Le sénateur Mahovlich : Nous sommes-nous remis de la crise du bois d'œuvre?
M. Lazar : Non.
Le sénateur Mahovlich : Vraiment pas? Je pensais que nous avions conclu une entente. Il me semblait que 4 milliards de dollars avaient été remboursés aux producteurs de bois d'œuvre.
M. Lazar : Nous avons conclu une entente, mais il n'y a toujours pas de libre-échange. On est toujours tenté de dire qu'on aurait pu faire mieux ou pire, ou que c'est la faute du gouvernement. Notre problème n'est pas interne, c'est un problème avec les États-Unis; nous sommes tributaires d'un marché qui n'a aucun scrupule à défendre les intérêts de ses propres producteurs en faisant fi des lois commerciales.
Est-ce que nous souffrons encore de la crise du bois d'œuvre? Oui. Nous avons des quotas et des taxes à l'exportation, nous sommes harcelés, tout cela fait obstacle à notre faculté d'établir des politiques. Quelle serait la solution? Il faudrait en débattre nettement plus longuement, mais en fin de compte, c'est leur marché et nous devons trouver des moyens de cohabiter avec les États-Unis.
Le président : Merci. Nous avons eu une excellente discussion, ce matin. Bien que nous soyons un comité de l'agriculture, nous sommes aussi un comité de la foresterie, alors il est bon d'entendre ce que vous avez à dire. Nous vous souhaitons, c'est certain, la réalisation de vos objectifs.
M. Lazar : Merci beaucoup. Nous vous avons laissé trois brochures, soit le rapport du groupe de travail, notre rapport annuel et, dans notre rapport annuel, vous trouverez notre rapport sur le développement durable.
Le président : Nous avons tout cela, merci.
Les témoins suivants, qui vont nous aider à nous préparer pour les réunions de demain sont deux représentants de FedNor, l'organisme du développement régional du gouvernement pour le nord de l'Ontario et les régions rurales. Louise Paquette est directrice générale et Scott Merrifield est directeur des politiques, de la planification et de la coordination. Nous vous souhaitons la bienvenue à tous deux.
Louise C. Paquette, directrice générale, Initiative fédérale de développement économique pour le Nord de l'Ontario : Merci beaucoup, honorables sénateurs, d'inviter FedNor à se raconter. Nous ne sommes qu'une modeste organisation de ce grand pays, mais nous apprécions beaucoup d'avoir été inclus dans vos discussions.
Vous avez entendu que je suis accompagnée de mon collègue Scott Merrifield. Il a travaillé au Programme de développement des collectivités, dont je suis sûre vous avez entendu parler, depuis sa création en 1986.
Comme j'ai lu votre rapport provisoire et que je travaille dans le domaine du développement économique depuis 20 ans, dont un bon nombre à titre de bénévole, je tiens à dire que cette « prise de conscience » est de fait très encourageante. Elle a vraiment touché un point névralgique, quand j'ai lu le rapport. Nous offrons notre soutien sans réserve au comité et nous sommes ravis que vous veniez nous voir à Kapuskasing, dans le nord de l'Ontario. Si nous l'avions su, nous vous aurions rencontrés là.
Le président : Il reste encore du temps.
Mme Paquette : Je suis directrice générale de FedNor depuis 10 ans, et dans le cadre de mes fonctions, j'ai été dans les collectivités de Kapuskasing à Kenora, de Moosonee à l'Île Manitoulin, et partout entre ces points. Oui, j'ai même vu la Second Avenue à Schumacher, sénateur Mahovlich.
FedNor, qui a un effectif de 140 employés répartis dans huit bureaux, administre trois programmes en Ontario : le Programme de développement du Nord de l'Ontario, qui est offert exclusivement dans le nord de l'Ontario; le Programme de développement des collectivités, qui est offert partout dans les régions rurales de l'Ontario; et le Programme de développement de l'Est de l'Ontario, qui s'adresse strictement à la région rurale du sud-est de l'Ontario. Chaque programme a sa propre enveloppe budgétaire.
J'aimerais commencer avec le nord de l'Ontario. Statistiquement parlant, l'Ontario est l'une des régions les moins rurales, du moins d'après la définition que l'on donne aux expressions « région rurale » et « région isolée », mais songez au fait que 87 p. 100 de la masse terrestre de l'Ontario, ces vastes terres austères de la dimension du Nouveau- Brunswick ou de la Saskatchewan, constitue le nord de l'Ontario. La plus grande ville, Sudbury, a 150 000 habitants, mais elle est à quatre heures de voiture du plus grand centre urbain, Toronto. Thunder Bay, la deuxième plus grande ville, dans le nord-est, est à quelques huit heures de voiture de la ville la plus proche, Winnipeg. Le nord de l'Ontario se caractérise par de longues distances et une faible densité de population, et à nos yeux, est plutôt rural.
Le nord de l'Ontario a aussi une population autochtone relativement élevée. De fait, 104 des 141 Premières nations de l'Ontario vivent dans le nord de la province. Une grande partie d'entre elles sont dans des collectivités isolées qui ne sont accessibles que par voie aérienne, et par des routes d'hiver. Nous qualifions ces régions non pas seulement de rurales, mais de rurales isolées.
Dans le nord de l'Ontario, les régions rurales sont dominées non par l'agriculture mais par les industries d'extraction des ressources — l'exploitation minière et forestière. Je n'entrerai pas dans le détail sur le secteur forestier, puisque vous venez d'entendre une présentation sur le sujet. Il suffit de dire que dans le nord de l'Ontario, les entreprises et les collectivités ont été dévastées par le repli structurel dans ce secteur. Plus de 7 000 emplois ont été perdus en cinq ans; sept usines de pâtes et papiers ont fermé leurs portes; et 46 usines ont soit fermé leurs portes, soit nettement diminué leurs activités. La bonne nouvelle, c'est que les usines de Kapuskasing et d'Iroquois Falls sont encore en activité. La mauvaise nouvelle, c'est que celle de Smooth Rock Falls est fermée.
De plus, notre moyenne de revenu par habitant est nettement inférieure non seulement à celle de l'Ontario, mais du pays dans son ensemble.
Bien que le comité se concentre sur la pauvreté rurale, j'aimerais suggérer que la question plus importante ou plus fondamentale à se poser, c'est quelle vision nous avons du Canada rural de l'avenir, ou si nous voulons, même, du Canada rural et y accordons de la valeur. À moins d'adopter des politiques qui font clairement la promotion des régions rurales et urbaines et de programmes qui facilitent la réalisation, plutôt que de dicter, des solutions communautaires, notre pays va devenir un pays de collectivités urbaines.
L'un des principaux obstacles au développement auxquels se butent les collectivités du Nord, c'est l'éloignement et l'isolement des endroits comme Ottawa et du sud de la province, plus peuplés. J'aurais payé moins cher un vol pour aller à Kapuskasing qu'à Ottawa. Pour bien des collectivités, FedNor est la représentation la plus visible d'un ministère fédéral, et l'organisation à laquelle s'adresser quand elles ont besoin d'aide.
Comment savons-nous que nous faisons une différence dans la vie des gens du Nord? C'est une question que je me pose moi-même. Qu'ai-je fait dernièrement pour aider les habitants du nord de l'Ontario? En plus de mesurer notre succès dans le cadre d'évaluations indépendantes des programmes, avec faits, chiffres et preuves à l'appui, comme le démontre le document que j'ai apporté, peut-être la meilleure illustration en est-elle nos réalisations et les leçons retenues.
Tout d'abord, le nord de l'Ontario, ce sont des rochers et des arbres, et tellement plus. Croyez-le ou non, c'est l'agriculture. FedNor parraine un kiosque au Royal Agricultural Winter Fair de Toronto chaque année depuis six ans, auquel se rendent plus de 100 producteurs, des cultivateurs de canneberge aux producteurs de sirop d'érable. On peut tout y acheter, du cerf aux bleuets. L'année dernière, nous avons enregistré une augmentation de 100 p. 100 des ventes de chaque entreprise. C'est ainsi que nous marquons une différence.
Le nord de l'Ontario, c'est aussi le tourisme et l'environnement. Nos solutions sont, surtout, d'ordre régional. Aucune collectivité ne peut être une île, que ce soit au plan du tourisme, de l'éducation, ou pour l'établissement de liens avec ces collectivités éloignées.
Deuxièmement, le microcrédit est efficace. Nous avons le PARO Centre for Women's Enterprise, qui aide à financer les femmes entrepreneures. Il a maintenant 30 cercles d'emprunt répartis dans le nord-ouest de l'Ontario.
Un autre programme pour aider les populations marginalisées est le programme de prêt Stepping Stone, qui aide les gens à créer leur propre entreprise, bien souvent à domicile. Ce n'est pas énorme, 45 000 $, mais ainsi il soutient 22 personnes, et c'est un programme relativement récent.
Nous contribuons à endiguer la migration des jeunes. Cette année, nous avons eu 1 000 jeunes stagiaires. Ce sont des jeunes qui, après avoir obtenu un diplôme de l'université ou du collège, ont un premier emploi dans le nord de l'Ontario. Nous offrons une aide financière à l'organisme sans but lucratif ou à l'entreprise. Nous avons fait une évaluation du succès de ce programme et avons constaté que 70 à 86 p. 100 des jeunes restent dans le nord de l'Ontario. L'idée n'est pas de les tenir captifs, mais de leur offrir la possibilité de rester chez eux.
FedNor continue d'appuyer les « premières », que ce soit une première école de médecine, un premier festival ou un premier emprunt. Nous avons besoin d'avoir foi dans les collectivités qui ont foi en elles-mêmes.
La planification est fondamentale, et prévient ce que nous appelons le « moi aussi-sme ».
Enfin, la flexibilité et la crédibilité sont essentielles. Bien que nous devions toujours être fidèles aux objectifs du programme, nous devons aussi nous montrer sensibles aux besoins de la communauté.
Ceci m'amène au Programme de développement des collectivités. Je suis convaincue que c'est l'un des meilleurs investissements qui soit fait dans les habitants des régions rurales du Canada. En Ontario, nous appuyons un réseau de 61 sociétés d'aide au développement des collectivités, des SADC, qui prêtent jusqu'à 150 000 $ aux entreprises qui ont été rejetées par les banques et les institutions financières. Ces SADC travaillent aussi avec leurs collectivités à dresser des plans stratégiques et aider les petites entreprises en leur fournissant un encadrement, des références et des conseils techniques.
Le bien le plus précieux de ce programme, ce sont ses bénévoles. Plus de 600 bénévoles siègent à des conseils d'administration dans la province. À vrai dire, sans ces bénévoles, ce programme n'aurait aucune chance de survivre. En Ontario, nous apprécions et alimentons cette relation avec eux. Dimanche, je serai l'hôtesse d'une réception annuelle que nous tenons pour remercier les bénévoles dans le cadre du congrès annuel du Programme de développement des collectivités de l'Ontario. De plus, FedNor tiendra une cérémonie de remise de prix, où nous allons souligner le succès collectif du Programme et les réalisations individuelles des SADC.
Le troisième programme, le Programme de développement de l'Est de l'Ontario, est fondé sur des contributions et est offert par FedNor, mais par le biais des sociétés d'aide au développement des collectivités, dans le sud-est rural de l'Ontario. Le programme est conçu conformément aux priorités de FedNor, et il a fait une différence incroyable dans la vie des habitants des régions rurales de la province. J'ai eu la chance de rencontrer un grand nombre de ces gens d'affaires et intervenants communautaires et j'ai pu constater la différence que peut faire 10 millions de dollars dans leurs collectivités.
Enfin, la semaine prochaine, je dois recevoir le prix de la Femme de la décennie d'entreprises du nord de l'Ontario. Je vous le dis parce que, bien que ce prix reflète en partie ma contribution à la collectivité, il reflète aussi l'apport des femmes et des hommes dévoués qui travaillent chez FedNor et, plus important encore, l'appréciation des collectivités qui reconnaissent non seulement ce que nous faisons, mais la manière dont nous le faisons. En travaillant avec les dirigeants des collectivités des régions rurales de l'Ontario, FedNor aide les collectivités à s'aider elles-mêmes. Nous sommes convaincus que le soutien de FedNor profite à un large éventail de collectivités et que notre appui et les retombées économiques font réellement une différence, en atteignant les résidants les plus vulnérables des collectivités rurales du nord de l'Ontario.
Nous y parvenons en appuyant les entreprises, notamment par l'entremise des SADC, en investissant dans les gens qui veulent travailler et vivre dans le Nord de l'Ontario, en améliorant les infrastructures, en renforçant notre capacité d'innovation pour encourager les travailleurs hautement qualifiés à s'installer dans la région, et enfin, en facilitant la transition des collectivités vers l'économie du savoir.
Le président : Merci beaucoup. Félicitations pour le prix que vous allez recevoir en reconnaissance du travail extraordinaire que vous accomplissez.
Mme Paquette : Merci.
Le sénateur Gustafson : Les membres du comité sont tous conscients de l'importance de votre travail. Toutefois, la situation des régions rurales, si l'on tient compte des changements qu'elles ont connus au cours des 20 dernières années, n'est pas encourageante. Hier, nous avons entendu les témoignages de trois médecins hautement spécialisés. L'un d'entre eux a dit qu'il ne vivrait pas dans une région urbaine en raison des nombreux avantages que présente la vie rurale, sur le plan de la santé. Ses propos étaient fort encourageants. Au même moment, les collectivités — et je vis dans l'une d'entre elles — se dégradent.
J'ai l'impression que tout cela est le fait d'une décision avant tout politique, ce qui me choque parfois, car je sais que les votes se trouvent à Toronto, Montréal, Vancouver et Edmonton, et que les choses ne changeront pas. Nous avons parlé, pendant des années, de la nécessité de venir en aide aux familles agricoles. Or, nous ne pouvons même plus évoquer le sujet, car les gens rient de nous. C'est peine perdue.
Comment lutter contre cette situation? Les représentants de l'industrie forestière nous ont dit la même chose. Que ce soit l'industrie pétrolière, forestière, agricole ou minière, les ressources proviennent toutes des régions rurales. Or, celles-ci ne reçoivent rien en retour, ce qui est très frustrant. Prenons, par exemple, le pétrole, qui se vend aujourd'hui 65 $ le baril. Cet argent aboutit dans les coffres de l'industrie pétrolière. Il est temps qu'une partie de celui-ci reste dans les régions rurales. Il faut regarder du côté des impôts, du gouvernement. C'est une question très vaste.
Il n'y a pas de retour d'ascenseur. Nous en avons eu un exemple, ce matin, de l'Association des produits forestiers du Canada. Nous devons être réalistes.
Le président : Nous le sommes.
Mme Paquette : Je m'occupe du développement économique des collectivités depuis déjà un bon moment. On peut adopter une attitude pessimiste, mais ce n'est pas dans ma nature de le faire. J'adore mon travail. Je vois les résultats que donnent nos efforts. Je ressens du chagrin quand je visite la ville de Kenora car, à un moment donné, elle semblait avoir les choses bien en main, sauf que la situation s'est détériorée quand l'usine a fermé. Par ailleurs, les collectivités sont très fortes. Il faut les écouter, voir comment on peut les aider. Vous allez vous rendre à Kapuskasing. Demandez- leur de vous parler de leur festival des bûcherons. Ils ont eu l'idée il y a cinq ans. La première fois que j'en ai entendu parler, je me suis dit que ce n'était pas sérieux. Or, jamais je n'ai vu un plan d'affaires aussi bien détaillé. Aujourd'hui, le festival connaît beaucoup de succès. Ils n'ont plus besoin d'aide. Nous avons financé le premier événement. Il faut faire confiance aux collectivités, les appuyer.
Nous pouvons offrir de l'aide, sauf qu'au bout du compte, le programme de développement du Nord de l'Ontario repose sur un budget d'environ 47 millions de dollars. Nous n'arriverons pas à régler tous les problèmes de la région avec cette somme. Toutefois, pouvons-nous modifier le cours des choses avec l'argent que nous avons? Je crois que oui. Il s'agit d'un enjeu politique de taille. Les régions urbaines, les grandes villes doivent accorder de l'importance aux régions rurales du Canada, dont l'économie est axée sur les ressources. Et elles n'ont pas à s'en excuser. Il faut exploiter ce potentiel, mais aussi aménager des centres de recherche, compte tenu de la transition vers l'économie du savoir qui s'opère. Il y a des services qui peuvent être déplacés des grandes villes vers les collectivités rurales. Leur population est moins nombreuse. Le Nord de l'Ontario, qui représente 87 p. 100 de la superficie de la province, compte environ 850 000 habitants. Rien ne va changer tant que le pays dans son ensemble ne valorisera pas les régions rurales. Il s'agit d'un enjeu politique énorme. Nous pouvons continuer d'offrir tous ces petits programmes et, si nous effectuons bien notre travail, changer les choses. Toutefois, où voulons-nous en être dans cinq ou dix ans? Voilà la question à laquelle il faut s'attaquer. Je peux veiller à ce que notre travail, au quotidien, soit fait correctement, et je peux aussi démontrer que nous en avons pour notre argent, mais de façon plus générale, quels objectifs voulons-nous nous fixer? Dites-le moi, et je vous aiderai à les atteindre.
Le président : Pendant que nous tenons des audiences sur la pauvreté rurale au Canada, il y a un autre comité du Sénat, dirigé par le sénateur Eggleton, qui entreprend une étude similaire sur la pauvreté urbaine au Canada. J'espère que les deux comités auront l'occasion de faire le lien que vous avez mentionné.
Le sénateur Gustafson a tout à fait raison. Si nous ne valorisons pas les régions rurales, si les régions urbaines ne savent pas d'où proviennent bon nombre des produits qui se trouvent dans les marchés d'alimentation, il y a là un problème. Il faut arriver à faire ce lien.
Le sénateur Mahovlich : Madame Paquette, avez-vous étudié à l'école secondaire de Schumacher? Vous me faites penser à certaines des étudiantes qui fréquentaient cet établissement.
Mme Paquette : Non, mon école était située dans le bon vieux district de Nickel, à Sudbury.
Le sénateur Mahovlich : Certaines personnes qualifient la situation de déplorable. Il y a trois ou quatre ans, la Californie se trouvait en sérieuses difficultés. Hier, j'ai rencontré Arnold Schwarzenegger. Il a parlé des changements qu'a connus la Californie. L'État n'était pas autosuffisant, mais c'est tout le contraire aujourd'hui. Il est venu au Canada dans le but d'accroître les échanges avec notre pays.
J'avais l'habitude de me rendre très souvent dans le Nord. Je me disais qu'on pouvait y installer 10 millions de Chinois. Ils seraient autosuffisants et ne dérangeraient personne. Ils arriveraient à survivre. Ma mère avait un jardin, au fond de la cours. Nous avions beaucoup de légumes. Nous pouvions cultiver n'importe quoi, et nous étions autosuffisants. Le Nord de l'Ontario recèle un potentiel énorme. On parle de la réforme du Sénat. Il y a des sénateurs qui viennent de Sudbury, de Timmins, de toutes ces régions. Il nous faut un plus grand nombre de sénateurs. Il faudrait, si la réforme va de l'avant, désigner un plus grand nombre de représentants du Nord de l'Ontario, car il y a là- bas beaucoup de potentiel. Cette région est négligée.
Vous parlez d'accorder une aide financière aux diplômés de premier cycle. Il faut encourager les gens à s'installer dans le Nord, à commencer leur carrière là-bas. Y habitez-vous?
Mme Paquette : Quand j'ai commencé à chercher du travail à la sortie de l'université, j'étais prête à affronter le monde. Or, je n'arrivais pas à trouver un emploi. J'ai essayé d'en décrocher un à Ottawa, mais le gouvernement n'a pas voulu m'embaucher. Je suis allée à Toronto, où j'ai travaillé pendant 10 ans. Cette expérience m'est toujours restée en tête — les difficultés que j'ai connues du fait que je venais d'une grande famille. Je n'avais pas beaucoup de contacts. J'avais besoin de ce premier emploi. Quand les entreprises ou les organismes sans but lucratif embauchent quelqu'un, ils se volent mutuellement. Nous avons créé un programme pour briser ce cycle. Nous avons offert une prime d'environ 25 000 $ aux entreprises et aux organismes sans but lucratif. S'ils acceptaient d'embaucher pendant un an un diplômé fraîchement sorti de l'université ou du collège, ils recevaient 25 000 $. S'ils acceptaient de garder cette personne au bout d'un an, ou encore s'ils l'aidaient à réorienter sa carrière ou à trouver un autre emploi, nous étions prêts à leur accorder de nouveau du financement. Il s'agissait d'une aide ponctuelle d'un an. On ne pouvait être un jeune stagiaire qu'une seule fois.
Quelqu'un m'a dit que cela ne changerait pas grand-chose. Nous avons maintenant 1 000 stagiaires. D'après le dernier sondage, plus de 73 p. 100 d'entre eux habitent le Nord de l'Ontario. J'espère que les autres vont trouver du travail à Ottawa et à Toronto et qu'ils vont s'attaquer aux enjeux stratégiques des régions rurales. Certains vont retourner aux études, et c'est très bien. Ils ont le choix de vivre dans le Nord de l'Ontario. Au bout de la première année, s'ils sont compétents, ils peuvent établir des contacts, trouver des emplois, entrer dans le réseau.
Le sénateur Mahovlich : C'est un endroit merveilleux pour élever une famille.
Mme Paquette : Ils rencontrent leur conjoint et restent dans la région, ce qui prouve que le programme est efficace.
Le sénateur Gustafson : Comment pouvons-nous encourager les jeunes à s'installer dans cette région? J'ai deux petits-enfants. Ils vivent tous les deux à New-York et se débrouillent très bien. Ils adorent New-York et ne voudraient pas vivre ailleurs. Comment les encourager à s'installer en Saskatchewan ou dans le Nord de l'Ontario? Les jeunes ne quitteront pas la ville pour aller s'installer là-bas.
Mme Paquette : Ils doivent parfois s'éloigner pendant un certain temps et ensuite revenir à la maison. J'ai vécu à Toronto pendant des années avant de rentrer chez-moi. J'ai une fille qui vit à Edmonton, et une autre, en Afrique. Elle est missionnaire. J'espère qu'elles vont rentrer un jour à la maison. Elles doivent toutefois avoir un emploi pour le faire. C'est l'un des trois déterminants de la santé.
Le sénateur Gustafson : Il y a toutes sortes d'emplois en Saskatchewan pour les jeunes qui sont prêts à s'installer sur une ferme. Il n'y aurait personne pour assurer la relève si les gens âgés de 70 ans quittaient la terre. C'est un fait. Nous devons regarder la réalité en face. Nos jeunes sont attirés par les grandes villes pour diverses raisons, un point c'est tout. Mais je me trompe peut-être.
Scott Merrifield, directeur, Politiques, planification et coordination, Initiative fédérale de développement économique pour le Nord de l'Ontario : Il est tout à fait naturel que les jeunes veuillent bouger, voir des endroits nouveaux, élargir leurs horizons. Il faut insister, et c'est là une partie de la solution, sur ce que la vie en région rurale a à offrir : le mode de vie, la qualité de vie, l'environnement, les services. Il faut aussi prévoir des possibilités économiques. Cela ne veut pas dire que les personnes qui habitent dans les régions rurales et les petites villes ne déménageront pas vers les grandes villes, mais il se peut que certains jeunes choisissent de faire l'expérience du mode de vie rural. Nous en avons vu des exemples : il y a des gens qui sont venus étudier dans le Nord et qui sont restés en raison des possibilités offertes, en partie, par le programme jeunes stagiaires et, en partie, par d'autres initiatives.
Le sénateur Callbeck : Je viens d'une région rurale, ce qui fait que j'appuie les efforts des organismes régionaux comme le vôtre. J'aimerais vous poser une question au sujet de vos programmes, notamment du programme de microfinancement. J'ai ait partie, en 2003, du groupe de travail du premier ministre sur les femmes entrepreneures. Nous avons tenu des consultations dans toutes les régions du pays. Nous avons entendu parler à maintes et maintes reprises des besoins qui existent en matière de microfinancement. J'aimerais savoir comme fonctionne votre programme. Quels genres de prêts accordez-vous? À combien s'élèvent-ils? Depuis combien de temps le programme existe-t-il? Combien d'entreprises ont vu le jour grâce à celui-ci?
Mme Paquette : J'ai eu le plaisir de présenter un exposé lors du forum du premier ministre sur les femmes entrepreneures, à Huntsville. J'ai fait part de l'expérience vécue par 10 femmes, de ce qu'elles ont accompli grâce à un petit investissement qui a grandement contribué à changer les choses. Nous venions tout juste de mettre sur pied le programme microfinancement et nous ne savions pas encore s'il était efficace. Toutefois, je peux vous dire aujourd'hui qu'il fonctionne très bien.
Le PARO est un organisme implanté dans le Nord-Ouest. Mme Rosalind Lockyer en est la directrice générale depuis 12 ans. Au début, le PARO a servi à mettre sur pied des cercles d'emprunt. Mme Lockyer a rassemblé un petit groupe de femmes qui viendraient en aide à d'autres femmes. L'organisme a pris beaucoup d'expansion. Mme Lockyer a demandé l'aide du FedNor pour étendre ses activités. Comme il s'agissait d'une initiative relativement nouvelle, nous avons décidé d'y participer. Elle a procédé par étapes. Aujourd'hui, l'organisme regroupe 30 cercles d'emprunt. J'étais à Thunder Bay, il y a un an, quand l'organisme a célébré son 10e anniversaire. J'ai renoué connaissance avec certaines femmes qui m'ont expliqué ce qu'elles avaient fait. La plupart d'entre elles en sont à leur première expérience et travaillent à partir de chez elles. Ce qu'il y a de bien, c'est qu'elles peuvent s'adresser aux SADC si elles veulent prendre de l'expansion. Certaines veulent gagner leur vie comme entrepreneures et sont très satisfaites de leur situation. Le programme semble très bien fonctionner. L'organisme offre une formation sur le travail indépendant et est devenu un centre d'entrepreneuriat pour les femmes. Les activités comme le mentorat, le crédit d'entraide et la constitution de réseaux semblent porter fruit.
L'autre exemple est le programme pilote Stepping Stone, qui donne de bons résultats. À l'heure actuelle, 25 prêts d'environ 45 000 $ ont été accordés. Les prêts, plus petits, s'adressent essentiellement aux femmes sous-employées ou marginalisées. Par exemple, une femme pourrait se servir de l'argent pour acheter une machine à coudre et confectionner des vêtements en vue de devenir plus autonome.
Ce sont deux exemples parmi d'autres. Le FedNor a pour mandat d'aider les organismes à lancer des programmes.
Le sénateur Callbeck : L'organisme administre les programmes. Est-ce que les bénéficiaires les établissent avec vous?
Mme Paquette : Oui. Nous travaillons ensemble.
Le sénateur Callbeck : Quel est le montant maximum accordé?
Mme Paquette : Il est peu élevé.
M. Merrifield : Le montant varie entre 500 et 2 000 $. Je ne connais pas le chiffre exact. Les besoins diffèrent en fonction de l'organisme, mais le prêt moyen totalise environ 1 000 $, ou moins, et souvent, c'est tout ce qu'il leur faut.
Mme Paquette : Le montant maximum accordé au début dans le cadre du programme Stepping Stone était de 1 000 $.
M. Merrifield : Pour ce qui est des cercles d'emprunt, les collègues des femmes qui lancent des entreprises accordent des prêts à d'autres membres du cercle. Cela permet de créer un important sentiment d'appartenance communautaire. Ce concept a été mis sur pied par la Banque Grameen, en Inde.
Mme Paquette : Nous avons rencontré une délégation du Bangladesh. Nous leur avons demandé quel était leur taux de pertes sur prêts. La réponse : zéro.
Le sénateur Callbeck : C'est incroyable. Je voudrais également vous poser une question au sujet du programme auquel participent les coopératives de crédit. Vous avez parlé des entreprises qui s'adressent aux banques, mais qui ne peuvent obtenir du financement. Vous êtes en mesure de les aider. Quel genre de liens entretenez-vous avec les coopératives de crédit?
Mme Paquette : Il y a deux choses. Les sociétés d'aide au développement des collectivités avec lesquelles nous collaborons font affaire directement avec les entreprises. Ce sont elles qui accordent les prêts. Nous veillons à ce qu'elles aient les fonds nécessaires pour pouvoir accorder des prêts allant jusqu'à 150 000 $. Nous établissons un fonds de réserve pour pertes sur prêts avec les coopératives de crédit pour les encourager à prendre des risques. Si elles le font, elles vont accorder plus d'argent et nous serons là pour couvrir leurs pertes. L'arrangement avec les coopératives de crédit fonctionne très bien. Nous avons essayé de conclure le même genre d'entente avec d'autres établissements financiers. Le problème, c'est que ces établissements délaissent les collectivités rurales. Voilà pourquoi le Programme de développement des collectivités, qui couvre toutes les régions rurales de l'Ontario, est efficace. Nous avons des gens sur le terrain qui connaissent très bien la situation des régions. Si nous voulons venir en aide à une entreprise, nous allons utiliser ce mécanisme en raison de l'existence de ce lien. Nous avons essayé de conclure une entente avec de nombreux établissements financiers, mais ce sont avec les coopératives de crédit que nous avons le plus de succès. C'est plus difficile avec les banques.
M. Merrifield : Pour ce qui est du remboursement des prêts sur pertes, si un prêt n'est pas remboursé et que des pertes sont enregistrées, elles peuvent déduire une partie de leurs pertes de nos contributions. Nous absorbons une partie des pertes. Essentiellement, pour chaque dollar que nous accordons, la coopérative de crédit en investit cinq. Jusqu'ici, les coopératives de crédit du Nord de l'Ontario ont accordé 87 prêts totalisant 10,1 millions de dollars. Le programme existe depuis six ans.
Les sociétés d'aide au développement des collectivités de l'Ontario se sont regroupées en réseaux pour pouvoir collaborer ensemble et amener un certain nombre de SADC à participer à un projet d'investissement. De cette façon, elles peuvent investir des sommes plus importantes. Elles sont limitées, individuellement, à 150 000 $, mais en se regroupant en réseaux, elles peuvent investir jusqu'à 500 000 $. Nous essayons de faciliter l'accès aux capitaux.
Il existe une autre initiative appelée Point d'accès pour les entreprises du Nord de l'Ontario. Il s'agit d'un autre programme pilote qui consiste à favoriser l'investissement privé en regroupant, sous forme de réseaux, des investisseurs d'appoint dans les collectivités et en leur soumettant des projets. Nous avons établi des réseaux à North Bay, à Sault Ste. Marie et à Thunder Bay. Le programme en est encore à ses débuts. Peu de projets ont été acceptés jusqu'ici. Toutefois, le programme s'annonce prometteur.
Mme Paquette : À qui s'adresser pour obtenir des petits capitaux de risque — de 500 000 à 1 million de dollars? C'est parfois problématique, lorsqu'on vit dans une région éloignée. Nous essayons de trouver des façons d'augmenter l'intérêt des gens et de mieux les sensibiliser au potentiel des régions.
Le sénateur Callbeck : Connaissez-vous quelqu'un d'autre qui a proposé des investissements providentiels dans les régions rurales? Est-ce votre idée?
Mme Paquette : C'est notre idée, mais nous l'avons découverte par l'entremise d'une femme que j'ai connue à Toronto. Elle a démarré un réseau là-bas et elle nous a aidés à élaborer ce concept dans le Nord de l'Ontario.
Le sénateur Peterson : Parlez-moi du travail avec les bénévoles dans votre région, cela m'intéresse. Je viens de la Saskatchewan. Les régions rurales n'existeraient pas dans cette province sans les bénévoles. Je me demande parfois si le pays survivrait sans eux. Ils sont soumis à un cadre de réglementation très strict et ils livrent constamment des combats difficiles. Je leur donne tout le mérite qui leur revient.
Nous parlons de la façon dont nous attirons l'attention du Canada urbain. Je crois que lorsque les climatiseurs ne fonctionneront plus et que les épiceries seront vides, on daignera peut-être s'intéresser à nous. Le sénateur Gustafson nous a maintes fois indiqué qu'une grande partie de la richesse est générée par les régions rurales du Canada, mais que celles-ci ne reçoivent rien en retour.
Je remarque que votre organisme relève d'Industrie Canada. Peut-être pourriez-vous nous expliquer comment il fonctionne et revenir plus en détail sur votre suggestion d'avoir un ministre qui représenterait les régions rurales du Canada, à la tête d'un ministère influent, pas un petit secrétariat secondaire.
Mme Paquette : Comme vous le savez, les organismes sont partout au pays : l'Agence de promotion économique du Canada Atlantique, l'APECA, dessert les provinces de l'Atlantique; Développement économique Canada, DEC, couvre tout le Québec; Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, DEO, couvre l'Ouest canadien; et FedNor dessert le nord de l'Ontario. FedNor relève d'Industrie Canada comme unité administrative distincte. Nous relevons des opérations régionales et du sous-ministre adjoint qui rend lui-même compte au sous-ministre d'Industrie Canada, qui a son propre ministre. De plus, il y a les ministres Bernier et Clement. Le ministre Bernier est censé être notre ministre, mais il délègue ses responsabilités et son autorité au ministre Clement.
M. Merrifield : Nous fonctionnons pratiquement de la même façon que les organismes régionaux, mais sur le plan structurel, nous n'avons pas notre propre loi pour nous régir, comme les autres agences. Elles ont le statut de ministères distincts, tandis que nous faisons partie d'Industrie Canada. Toutefois, sur le plan fonctionnel, nous sommes semblables et nous accomplissons le même genre de travail; nos approches sont similaires, mais nous respectons les particularités des régions.
Le sénateur Peterson : Est-ce que vous disposez d'argent?
Mme Paquette : Nous avons notre propre budget. FedNor gère les trois enveloppes suivantes : le Programme de développement du Nord de l'Ontario, dont le budget est de 47 millions de dollars; le Programme de développement des collectivités, de 22 millions; et le Programme de développement de l'Est de l'Ontario, de 10 millions. Le budget total s'élève à 79 millions de dollars, et nous avons la responsabilité d'administrer ces fonds.
Pour ce qui est de votre deuxième question, à propos d'un ministre pour les régions rurales du Canada, il sera intéressant de voir ce qui arrivera après vos délibérations et celles de l'autre comité sur les milieux urbains du Canada. Dans notre pays, nous avons de grandes communautés urbaines, mais nous avons aussi une multitude de collectivités rurales. Notre territoire géographique est tellement immense, comment pouvons-nous le découper? Nous l'avons séparé d'une façon, et nous devons maintenant nous concentrer davantage sur les défis régionaux et urbains. Je crois que nous trouverons des solutions dans les politiques.
Il serait utile que quelqu'un s'occupe de l'ensemble des régions rurales du Canada, que ce soit un ministre ou une personne responsable de ce portefeuille important, ce qui permettrait d'avoir un forum où, collectivement, nous pourrions partager nos expériences. Même si nous sommes semblables aux autres agences, le DEO dirige manifestement des projets à Edmonton, DEC le fait aussi à Montréal et l'APECA à Moncton. C'est ce qui fait la différence; ils travaillent et en milieu urbain, et en milieu rural, mais nous, nous évoluons uniquement au cœur des zones rurales du nord de l'Ontario. Sudbury, la plus grande ville, compte 150 000 habitants. Ce n'est pas vraiment une région rurale, mais étant donné qu'elle est située à quatre heures de Toronto, on la considère ainsi. Elle entre dans cette question de définition avec laquelle nous avons des difficultés.
Dans l'ensemble, je crois que nous devrions regarder la voie dans laquelle s'engage notre pays et prendre des décisions en conséquence. Si cela peut aider d'avoir un ministre des régions rurales, c'est peut-être une chose à envisager.
M. Merrifield : Dans bien des cas, les solutions passent par des approches ciblées, multisectorielles et intégrées; on ne doit pas s'occuper de l'agriculture, de la foresterie, de l'exploitation minière ou du développement économique communautaire isolément, mais s'intéresser à tous ces secteurs en même temps. La clé du développement rural est d'adopter une approche fondée sur la région et sur la communauté. D'autres pays se sont aussi aperçus que lorsque leur politique rurale est trop étroitement liée à leur politique agricole, ils ne touchent qu'une partie du problème.
Le sénateur Peterson : Cela fonctionnerait nettement mieux, car nous appliquons toujours des mesures ponctuelles. Nous nous consacrons à l'agriculture, puis à la foresterie, et ainsi de suite; mais si nous pouvions tout rassembler, nous serions beaucoup plus efficaces.
Mme Paquette : Cela permettrait d'adopter un meilleur plan, qui nous rendrait moins vulnérables en cas de crise.
Le président : Pour quelle raison relevez-vous d'Industrie Canada, ce qui n'est pas le cas des autres entités régionales?
Mme Paquette : Il n'y a pas de loi. C'est le gouvernement qui décide.
Le président : C'est tellement grand là-bas, que vous pourriez être une entité autonome.
Mme Paquette : Selon moi, c'est une question d'appareil gouvernemental.
Le président : C'est difficile à comprendre.
Le sénateur Oliver : Vous avez parlé assez longuement du microcrédit et des prêts de 100, 200 et 500 $, et de la façon dont ils sont remboursés. Ensuite, vous avez abordé la question des investisseurs providentiels. Habituellement, ces personnes veulent obtenir un rendement élevé sur les capitaux investis, équivalent à au moins 25 ou 30 p. 100 du prêt. Il me semble que ces deux éléments sont contradictoires. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Je vais prendre une phrase tirée de votre exposé initial : « les solutions sont, surtout, d'ordre régional ». Autrement dit, le nord de l'Ontario est si vaste qu'une solution applicable dans l'ouest de ce territoire ne le sera peut-être pas dans l'est, à cause de leurs différences. Selon moi, il doit y avoir un modèle adaptable partout. J'aimerais que vous le décriviez, particulièrement pour les régions affligées par la pauvreté. Quel est le modèle commun que vous utilisez pour lutter contre la pauvreté dans ces régions?
M. Merrifield : Nous avons consulté des banquiers, des entrepreneurs et des représentants d'institutions financières pour déterminer les lacunes à combler en matière d'accès au capital. Nous avons adopté une série de mesures destinées à répondre aux besoins à différents niveaux. On utilise le microfinancement pour les très petites entreprises, habituellement celles qui n'ont qu'un seul employé travaillant de son domicile. C'est l'un des problèmes qu'on a relevés. Par ailleurs, les investisseurs providentiels, qui sont dans la situation totalement opposée, concluent des ententes d'environ 500 000 à 1 million de dollars. Comme vous l'avez indiqué, ils veulent obtenir un rendement élevé; nous avons donc commencé par les amener à se parler entre eux, en s'inspirant du modèle de Toronto, afin qu'ils se rencontrent et établissent une certaine crédibilité. Ce sont des particuliers, des investisseurs privés. Nous avons mis sur pied un organisme à but non lucratif dont le directeur est un ex-banquier qui jouit d'une bonne réputation, qui peut leur soumettre des propositions et les éclairer un peu sur la façon d'améliorer l'efficacité du réseau. C'est un autre créneau qui permet d'avoir accès à différentes sources de capitaux. Les sociétés d'aide au développement des collectivités s'occupent des prêts compris dans une fourchette de 35 000 à 40 000 $ en moyenne, mais pouvant atteindre 150 000 $ et, avec les groupes mentionnés précédemment, jusqu'à 500000 $. Nous essayons de favoriser l'accès au capital à différents niveaux, et les solutions doivent être adaptées selon les cas.
Mme Paquette : Les autres questions concernant les solutions sont axées sur les régions. Certains projets ne sont viables que si les communautés travaillent ensemble. Le tourisme en est un excellent exemple. Il y a des organismes qui veulent promouvoir leur région; ils ne peuvent le faire pour un petit secteur seulement, mais pour l'ensemble du territoire. Par exemple, nous avons le Great Spirit Circle Trail, une initiative autochtone sur l'île Manitoulin, qui englobe toute la région. Le circuit Champlain est un autre merveilleux attrait touristique, mais le but n'est pas de promouvoir uniquement un secteur. Il faut adopter une approche régionale.
Même si mon objectif est de promouvoir le tourisme dans ma communauté, les solutions que je propose s'appliquent habituellement davantage à l'échelle régionale. Nous devons parler aux gens autour de nous. Pour ce qui est des modèles, par exemple, nous insistons sur l'importance des plans d'entreprise. Les gens élaborent des plans de carrière et des plans gouvernementaux; les communautés doivent donc préparer des plans stratégiques et, à partir de ceux-ci, elles élaboreront ensuite des projets et des initiatives, mais elles doivent le faire en consultant l'ensemble de la collectivité. Nous demanderons aux gens s'ils ont parlé à telle ou telle personne qui vit à 100 kilomètres de là et qui a fait quelque chose de semblable. Ils doivent démontrer qu'ils ont procédé à des consultations.
Nous faisons cela avec les collèges du nord de l'Ontario. Nous travaillons étroitement avec eux, car ils sont un moteur important de l'économie. Si un collège veut élaborer un programme à valeur ajoutée en plus de ce qu'il fait normalement, il doit consulter les autres collèges, car ils relèvent tous de la province. Nous voulons nous assurer de l'approbation de tous les collèges pour les projets, car il n'y a pas assez d'argent pour promouvoir deux fois la même chose. Le Confederation College, à Thunder Bay, offre un programme d'aéronautique remarquable. C'est un excellent collège pour les jeunes qui veulent devenir pilotes. Nous ne soutiendrons pas le même projet dans un autre collège du nord de l'Ontario. Il s'agit de trouver un créneau, puis de considérer l'ensemble. C'est ce que j'entends par approche régionale. Elle peut être régionale par rapport aux collectivités voisines ou à tout le Nord, selon le secteur.
Le sénateur Oliver : Quel pourcentage des 47 millions consacrez-vous aux initiatives d'élimination de la pauvreté?
Mme Paquette : Ce n'est pas dans nos mandats ou objectifs, mais nous pouvons y participer par un effet d'entraînement et des répercussions bénéfiques en s'assurant de fournir du microfinancement. Si on aide des mères célibataires aux prises avec des difficultés financières à subvenir aux besoins de leur famille par le microfinancement, on contribue à éliminer la pauvreté, mais c'est une conséquence logique. Ce n'est pas dans nos mandats. Nous n'avons pas de budget spécifique pour cela.
M. Merrifield : Même si nous n'avons pas d'initiatives ciblées ou de programmes pour combattre la pauvreté, nous croyons fermement que les solutions à ce problème passent, en général, par le renforcement des collectivités et l'amélioration des perspectives économiques. Nous insistons pour qu'il y ait une planification stratégique des collectivités qui soit inclusive et que tous les secteurs de la communauté aient l'occasion d'y participer. Nous avons un mandat d'ordre économique, mais en raison de notre approche communautaire, plusieurs initiatives, notamment les sociétés d'aide au développement des collectivités et certaines activités de planification stratégique, prennent en compte non seulement les dimensions commerciales et industrielles du développement, mais aussi les questions sociales, culturelles et environnementales dans une perspective holistique, pour que tous les gens, quel que soit leur revenu, puissent profiter des retombées. Nous multiplions les projets dans les communautés autochtones où le taux de pauvreté est le plus élevé.
Nous croyons qu'il y a des bienfaits à cela, même si notre programme n'est pas axé spécifiquement sur la lutte contre la pauvreté.
Mme Paquette : Prenons, par exemple, les investissements de 7 millions de dollars que nous avons réalisés pour le branchement au service Internet de certaines communautés des Premières nations. Ces collectivités sont confrontées à d'énormes problèmes de transport, car elles ne sont accessibles que par avion. Cet argent leur permettra d'avoir un meilleur accès aux services de santé, puisqu'ils seront fournis localement. Pour ces communautés, c'est un changement marquant et incroyable. On n'y trouvait même pas de téléphone à cadran, et maintenant elles peuvent obtenir un diagnostic ou du moins se faire examiner, grâce au service de télésanté. Ces changements ont aussi eu un impact considérable en éducation, car les gens des communautés peuvent désormais suivre des cours grâce au télé- enseignement.
Le sénateur Oliver : Vous travaillez à l'amélioration de l'infrastructure des TI, ce qui constitue une façon d'atténuer le problème.
Mme Paquette : Oui, nous avons consacré des sommes importantes aux communications informatiques.
Le sénateur Mahovlich : Pour répondre à la question du sénateur Oliver, je dirais que la totalité des 47 millions de dollars va à lutte contre la pauvreté. Je vois ici que vous avez consacré 6,5 millions de dollars à l'ouverture d'une faculté de médecine dans une université. Au terme de sa première année d'existence, 14 étudiants autochtones obtiendront leur diplôme. C'est de bon augure. Y a-t-il des femmes qui suivent le programme?
Mme Paquette : Oui, elles sont également ciblées. Il y a un certain nombre d'objectifs à respecter à l'admission.
M. Merrifield : C'est la première fois en 30 ans qu'une nouvelle école de médecine ouvre ses portes au Canada. Nous sommes fiers d'avoir contribué à sa création. Cet établissement donne la priorité aux questions de santé en milieu rural et à la prestation de services aux collectivités du nord de l'Ontario.
Dans le cadre d'un stage de formation, les étudiants de troisième et quatrième années peuvent acquérir de l'expérience professionnelle dans les petites communautés rurales et dans les collectivités autochtones du Nord. Les responsables du programme ont bon espoir que de nombreux étudiants diplômés resteront dans cette région après leurs études.
Mme Paquette : Curieusement, lorsque l'établissement nous a soumis cette idée, il y a cinq ou six ans, la nécessité d'ouvrir une nouvelle école de médecine au pays ne faisait pas l'unanimité. C'est la première en 30 ans, et nous avons fourni des fonds pour l'étude de faisabilité. Bien sûr, une fois que cette étude est faite, l'école relève de la province, mais nous sommes très fiers d'avoir contribué à sa réalisation et d'avoir pu investir 6 millions de dollars pour l'équipement.
Encore une fois, c'est une solution axée sur le milieu rural. Cette école est située dans le nord de l'Ontario, mais à mon avis, elle aidera l'ensemble des milieux ruraux au Canada, car les médecins formés en région souhaitent aussi s'y établir.
Le sénateur Mahovlich : Vous aurez de la concurrence, car aussitôt que les Américains découvriront qu'il y a de bons médecins là-bas, ils tenteront sûrement de les attirer aux États-Unis.
Le président : Espérons que cela n'arrivera pas. Honorables sénateurs, avez-vous d'autres réflexions à ce sujet?
Le sénateur Peterson : En février, le Conference Board du Canada a indiqué que notre pays devait commencer à se considérer comme une nation urbaine. Qu'en pensez-vous? Où est l'équilibre? Manifestement, on a des visions différentes de ce pays.
Mme Paquette : Comme j'ai grandi dans une zone rurale, mais que j'ai habité durant dix ans en milieu urbain, je comprends les difficultés que les villes canadiennes doivent affronter. Il est évident que les régions urbaines génèrent d'importantes ressources économiques. Cependant, je crois que plusieurs des solutions à leurs problèmes se trouvent dans les milieux ruraux du Canada.
J'ai appelé un fonctionnaire pour lui dire que nous serions à la table de discussion sur l'immigration. Il m'a répondu : « Pourquoi des représentants du nord de l'Ontario veulent-ils prendre part à la discussion sur l'immigration? Vous n'avez pas ce problème ».
Peut-être que nous sommes la solution à certaines de vos difficultés. Le pays est aux prises avec ce dilemme. Il y a deux comités sénatoriaux distincts qui étudient ce problème complexe, mais il n'y a pas de solution simple et rapide.
Les communautés urbaines continueront à prospérer, comme elles le devraient; mais cela doit-il se faire aux dépens des milieux ruraux? Quelle place ceux-ci occupent-ils?
Le sénateur Peterson : Et surtout, qui sont les défenseurs du Canada rural? Y en a-t-il?
Mme Paquette : Je pense que FedNor en est un.
Le sénateur Peterson : Dans ce cas, vous êtes le premier. Mais il nous en faut d'autres.
Le président : L'une des préoccupations des membres de ce comité tient au fait que lorsque nous avons des problèmes en agriculture, par exemple, ceux-ci ne touchent pas uniquement les agriculteurs. Pour ceux qui, comme moi, vivent près de villages absolument magnifiques, la prochaine étape consiste à évaluer comment ces villages seront touchés. Certains s'en sortent très bien, mais d'autres éprouvent des difficultés. Si nous perdons les villages, quelles seront les conséquences pour les populations urbaines du pays? C'est une question très importante qui nous concerne tous.
Le fait que des gens comme vous témoignent très ouvertement nous aidera assurément pour notre rapport final. J'espère que cela favorisera aussi l'établissement de meilleures relations entre les milieux urbains et les campagnes, parce que sans Canada rural, la société perdrait ses fondations.
Le sénateur Gustafson : J'aimerais connaître la gravité de la situation. En ce moment, l'Ontario veut faire venir des travailleurs migrants du Mexique pour accomplir le travail qui doit être fait. En Colombie-Britannique, l'industrie fruitière a sombré parce qu'elle n'arrivait pas à recruter des travailleurs pour cueillir des pommes, entre autres.
Toute cette idée d'ériger un mur entre le Mexique et les États-Unis est absolument ridicule, parce qu'on a besoin de ces travailleurs. Les Américains et les Canadiens n'occuperont plus ce genre d'emplois. Nous n'avons d'autre choix que de faire face à la réalité. Dois-je dire qu'il faut laisser aller les choses? C'est une mesure radicale, mais le fait est que c'est ce qui arrive. Nous nous demandons qui travaillera dans les hôtels, nous nourrira et occupera ces emplois au bas de l'échelle qui assurent le fonctionnement de la société. Cette question est reliée au problème à l'échelle mondiale.
La présidente : Pour ajouter à cette discussion, tandis que nous progressons dans nos travaux sur la pauvreté rurale, le sénateur Eggleton entreprend une étude similaire sur la pauvreté urbaine. Espérons qu'à terme, nous parviendrons à trouver ensemble des propositions pour accroître les possibilités dans les deux milieux. Les gens des campagnes pensent parfois que c'est tout un monde merveilleux qui les attend dans les communautés urbaines, mais une fois qu'ils y sont, ils se sentent coincés. Leur grand espoir est déçu. Peut-être que ces études sur les régions rurales et urbaines, qui vont dans la même direction, permettront de trouver une série de propositions prometteuses et sensées pour que nous puissions garder nos gens là où ils veulent être.
Le sénateur St-Germain : Veuillez m'excuser de mon retard. J'assume la présidence du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones. Certains de mes collègues ici sont les meilleurs membres qu'on puisse trouver, comme les sénateurs Peterson et Gustafson, qui sont également membres du comité des peuples autochtones.
Dans nos communautés des Premières nations, nous sommes confrontés au problème de la pauvreté. J'aimerais vous poser une question controversée. Jusqu'ici, le gouvernement a assumé une responsabilité de fiduciaire à l'endroit des peuples autochtones. D'après votre expérience et vos travaux, croyez-vous que nous devrions repenser cela? Il y a là une main-d'œuvre considérable qui semble se morfondre dans la nature. J'aimerais que vous nous disiez si vous jugez qu'il est temps de revoir la façon dont le gouvernement intervient, et s'il devrait y avoir davantage d'implication de la part des provinces pour trouver des solutions qui aideraient ces gens ainsi que le marché du travail. Pourriez-vous commenter?
Mme Paquette : Je peux seulement parler de nos expériences dans le Nord de l'Ontario. Comme je l'ai dit plus tôt, 104 des 141 Premières nations de la province habitent notre territoire. Nous avons financé et appuyé de nombreux projets dans la communauté autochtone.
Au moyen de certains fonds, le gouvernement provincial a participé à l'élaboration d'initiatives de développement économique venant en aide au Nord de l'Ontario. Je pense par exemple à Waubetek, l'une des SADC autochtones, qui accomplit de l'excellent travail en matière de développement économique. La province a appuyé cette initiative.
Nous faisons de notre mieux pour aborder la question sous l'angle du développement économique. Qui en assume la responsabilité? J'aime penser que c'est nous tous, conjointement. Si nous tentons de résoudre certains des problèmes évoqués par le sénateur et de faire de cet endroit un milieu où les gens veulent vivre et élever leurs enfants, la communauté autochtone a la responsabilité collective d'élaborer des projets, alors que notre rôle est de l'appuyer et d'être là pour elle, comme nous le faisons. Le gouvernement provincial, au moyen de certaines enveloppes de financement, a également apporté sa contribution. A-t-il été suffisamment présent? Pourrions-nous faire davantage? Il est toujours possible de faire plus, mais nous pouvons mentionner de nombreux projets et initiatives auxquels nous avons tous les trois pris une part active.
M. Merrifield : Je vais vous citer quelques exemples. Mme Paquette a déjà parlé de Waubetek, une société d'aide au développement des collectivités autochtones qui dessert les Premières nations de l'Île Manitoulin, sur la rive nord du lac Huron. Elle était responsable de l'initiative Great Spirit Circle Trail, qui fait la promotion d'expériences de tourisme culturel autochtone en Europe et attire aussi bien des voyageurs de croisière que des voyageurs routiers dans ses Premières nations membres afin qu'ils puissent en connaître la culture et de les attraits.
Mme Paquette a aussi parlé de nos mesures relatives à la connectivité. Des communautés comme celles de North Spirit Lake ont maintenant des installations de télésanté sophistiquées permettant à des médecins qui se trouvent à des milliers de kilomètres de participer à l'examen et au diagnostic. C'était une idée du Keewaytinook Okimakanak, le Conseil des chefs du Nord, qui dessert six communautés autochtones isolées uniquement par avion. Le nord de l'Ontario compte un bon nombre de ces collectivités auxquelles, encore une fois, une SADC autochtone offre des services. Soit dit en passant, nous avons cinq SADC exclusivement autochtones.
C'était une vision de chefs qui, en visitant l'Institut de cardiologie d'Ottawa, avaient vu un patient du Nunavut faire l'objet d'un diagnostic. Ils ont rapporté cette idée et lancé une initiative appelée K-Net, qui s'est développée dans leur division des TI. Les services offerts comprennent des vidéoconférences en ligne; de l'enseignement secondaire par Internet offert dans 13 communautés; des réseaux de gouvernements de bandes; de la formation sur les logiciels; et enfin, des services d'hébergement de sites Internet personnels et de messagerie électronique dans des communautés très isolées. FedNor a épaulé ces collectivités au fil des ans et les a également aidées à être désignées comme communautés autochtones branchées par Industrie Canada, ce qui a mené à des investissements de plus de 7 millions de dollars.
Nous avons également un programme de développement communautaire économique et social à l'Université Algoma de Sault Ste. Marie, dont la première cohorte a obtenu son diplôme en 2005. Ce programme est principalement axé sur le développement économique des communautés des Premières nations, et un certain nombre de diplômés sont également autochtones.
De nombreuses initiatives ont été mises en œuvre. Environ 10 p. 100 de notre population du nord de l'Ontario est autochtone. Comme vous l'avez indiqué, c'est une population en croissance. C'est le segment de la population qui augmente autrement que par l'immigration.
Contribuer à l'avenir économique des Autochtones est véritablement dans notre intérêt à tous, car cette population représente une large part du bassin de ressources humaines. Nous ne considérons pas que nous leur offrons des services parce qu'ils sont autochtones, mais parce qu'ils font partie du tissu social et des atouts de notre région.
La présidente : C'est un témoignage intéressant et plein d'espoir que vous nous avez livré aujourd'hui. Vous faites du bon travail. Nous aimerions tous vous voir là-bas, à accomplir par vous-même ce que vous savez le mieux faire. Peut- être irons-nous un jour. Nous vous remercions d'être venu; vous nous avez appris beaucoup de choses au sujet de l'aide apportée dans la plus grande de nos provinces.
La séance est levée.