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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 31 - Témoignages - Séance de l'après-midi


MANIWAKI (QUÉBEC), le vendredi 8 juin 2007

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 13 h 31 pour examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada.

Le sénateur Joyce Fairbairn (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Nous entamons maintenant la partie tant attendue de notre étude; c'est l'occasion de donner la parole aux citoyens pour parler des questions qui leur tiennent à cœur.

Darlene Lannigan, assistante — Maniwaki, Bureau de Lawrence Cannon, député, à titre personnel : Bonjour, honorables sénateurs. Je n'avais pas prévu de prendre la parole aujourd'hui, car j'étais venue à titre d'observatrice seulement. Toutefois, après avoir écouté les exposés de ce matin, j'aimerais clarifier quelques points.

Comme vous le comprendrez, je n'ai rien préparé en tant que tel, donc mon exposé traitera de questions variées. Je vais vous le présenter très rapidement.

La pauvreté dans cette région est un problème criant. Avant de travailler pour M. Cannon, j'enseignais dans une école secondaire à Maniwaki ainsi qu'à une autre à Gracefield, qui est l'une de nos petites municipalités.

Évidemment, lorsqu'il n'y a pas d'emploi et aucune source de revenu, les parents doivent trouver des solutions de rechange pour subvenir aux besoins de leurs familles. Il est malheureux que certains tombent dans la criminalité. Le crime le plus populaire et le plus lucratif, c'est le trafic de drogues. Nous avons de nombreuses familles qui ne travaillent pas et, pourtant, nous les voyons mener un bon train de vie. Nous nous demandons comment elles arrivent à vivre sans un revenu régulier. Bien entendu, nous savons d'où provient cet argent. Le pire, c'est que nous savons aussi que cet argent provient des adolescents. J'aimerais pouvoir dire que le problème se limite, dans le pire des cas, au secondaire; mais non, il est également présent au primaire.

M. Cannon a organisé une table ronde sur la criminalité à Gracefield. Nous avons choisi cette région, car c'est l'une des pires de la Haute-Gatineau. Le service de police nous a informés que les drogues de notre région, baptisées le « Maniwaki Gold » et le « Gatineau Gold », sont exportées vers d'autres provinces au Canada. À l'école de Gracefield, les étudiants de niveau secondaire vendent de la drogue pour le compte de leurs parents. Nous avons également demandé l'intervention de la GRC, d'autres forces policières et de travailleurs sociaux, et cetera. Nous avons aussi rencontré les étudiants.

Nous avions prévenu le représentant de la GRC, avant sa visite, que cette région n'était pas comme les autres. Dans la première salle de classe où il est entré, il a dit : « Les enfants volent l'argent de leurs parents pour acheter de la drogue. » J'ai rétorqué : « Non, ce n'est pas ainsi que ça marche ici. Les enfants travaillent avec leurs parents. Ils se réveillent le matin, et que voient-ils sur la table? La drogue que leurs parents n'ont pas consommée la veille. Ils se disent alors : `Je peux choisir ce que je veux sur la table. Il n'y a pas de mal à cela, car je n'ai pas besoin d'acheter ma drogue. De plus, mes parents me disent d'en apporter un peu à mes amis.' »

Par ailleurs, les directeurs d'école ou leurs adjoints ont rencontré des étudiants pour leur poser des questions sur la quantité de drogues qu'ils avaient vendues. C'était un commerce très lucratif. Ces étudiants parlaient comme de vrais gens d'affaires : « J'ai vendu tant de ceci et tant de cela, et mon commerce est en plein essor, mais je dois maintenant recruter des gens pour en vendre davantage. » Voilà pourquoi nous passons maintenant aux écoles primaires.

C'est triste. À l'heure du midi, je suis allée fumer une cigarette, une mauvaise habitude que j'ai, et j'ai rencontré une criminologue qui m'a annoncé la bonne nouvelle qu'elle venait d'être acceptée pour son doctorat. Elle travaille pour le service de police de Kitigan Zibi. Elle m'a appris que la police avait récemment fait une autre saisie de méthamphétamine dans la réserve, ce qui constitue également un grave problème en ville.

Il y a eu une bagarre sur la rue principale à Maniwaki. C'était surtout des adolescents, mais certains étaient plus âgés. Je suppose que tout cela est lié à la drogue, car j'ai reconnu les personnes nommées. Nous avons une excellente collaboration avec la police amérindienne et la Sûreté du Québec. On a fait appel à leurs forces. Une cinquantaine de personnes étaient concernées dans cette affaire, notamment des parents. La nuit suivante, il devait y avoir une autre bagarre. La police de Kitigan Zibi a fermé la réserve, fermé l'entrée à la ville. La Sûreté du Québec a fermé la ville.

La ville de Maniwaki a présenté une demande dans le cadre d'un programme de prévention du crime. La demande n'a pas été acceptée. Nous nous étions adressés au bureau de Stockwell Day, à l'échelle fédérale. Malheureusement, nous n'avons pas été acceptés. J'ai parlé avec les représentants du bureau de Stockwell Day et je leur ai dit qu'ils n'avaient pas une image exacte de la situation économique et de notre grave problème de drogue.

Par ailleurs, notre région compte trois cultures : les anglophones, les francophones et les Autochtones. En ce qui concerne les Autochtones, il y a la réserve de Kitigan Zibi qui longe la ville. Je suppose que vous êtes venus du côté de la Gatineau. Nous avons aussi la réserve du lac Rapide ou du lac Barrière. C'est extrêmement difficile car ces Autochtones ont une culture tout à fait différente. Eux aussi viennent en ville, et on finit par avoir quatre cultures.

Malheureusement, de nombreux enfants ne terminent pas leurs études secondaires. Quant aux services hospitaliers, nous n'avons plus de pouponnière. Je crois que nous perdons de plus en plus de services. Nous n'avons aucun service de spécialistes. Les gens doivent sortir de la ville pour pouvoir consulter un spécialiste. Cela coûte cher. Les gens n'ont pas l'argent. Il est également difficile d'envoyer ses enfants dans un établissement d'enseignement postsecondaire. J'ai une fille et un garçon, et cela me coûte 2 500 $ par mois pour couvrir leurs besoins essentiels en ville. Les gens dans cette région ne peuvent se permettre ce type de dépense.

Personne ne nous offre de l'aide. Comment s'attendre à ce que ces gens sortent de leur misère s'ils n'obtiennent aucune aide et s'ils n'ont pas les moyens de faire quoi que ce soit? Ils n'ont pas d'argent pour faire instruire leurs enfants. Ils n'ont pas d'argent pour des soins dentaires ou pour des soins hospitaliers privés.

Je pourrais continuer encore longtemps, mais je crois que je vous ai décrit ce qu'il y avait de pire dans notre situation.

[Français]

Georges Lafontaine, attaché politique de la députée de Gatineau, Mme Stéphanie Vallée, à titre personnel : Madame la présidente, je n'avais pas prévu prendre la parole aujourd'hui, alors je n'ai rien de préparé. Je suis originaire de la région. Je suis attaché politique de Mme Stéphanie Vallée, députée de Gatineau et auparavant, j'ai été attaché politique du prédécesseur de Mme Vallée, M. Réjean Lafrenière. J'ai été journaliste dans la région principalement et auteur. J'ai été un observateur, et la situation de la région est difficile à expliquer.

Ce que je peux vous dire c'est que mon arrière grand-père a eu dix enfants. Neuf enfants se sont tous établis ici. Dans la génération suivante, il y en a seulement trois ou quatre, sur une dizaine d'enfants, qui sont restés dans la région. Les autres sont partis vers la ville parce que les opportunités étaient plus intéressantes, et que ça prenait beaucoup de plus grandes terres pour faire vivre une famille. Je suis le seul de ma génération, qui est resté dans la région, non pas pour vivre sur la terre.

Vous parlez d'agriculture. C'est intéressant d'en parler parce qu'ici, on avait ce que certains ont appelé une agriculture de subsistance; de petites terres, mais qui permettaient à une certaine époque, à une famille de survivre.

L'agriculture s'est développée avec des moyens de plus en plus importants ce qui fait que les petites fermes qui n'avaient qu'un lot, ne devenaient plus rentables. Plusieurs de ces terres ont été abandonnées. La terre de mon père n'a pas été abandonnée, mais elle a été laissée au reboisement. C'est là où j'habite aujourd'hui. Beaucoup de ces terres ont disparu. Les seules qui ont réussi sont celles qui avaient des quotas de lait payants, qui ne demandaient pas nécessairement d'immenses terres, mais qui permettaient de vivre.

Pour parler de foresterie, je vais faire un détour dans le passé. Mon père me racontait, qu'à l'époque, à quelques centaines de pieds de chez nous, il y avait une fromagerie, une beurrerie, et qu'il y en avait une par village pratiquement. La population environnante pouvait vivre de ces produits et services. Dans le domaine de la forêt, c'est un peu la même chose. La concentration, la nécessité d'avoir des installations de plus en plus performantes a fait que les petits moulins de villages n'existent plus aujourd'hui. Ces petits moulins fournissaient du bouleau à une dizaine de personnes n'existent plus. Maintenant, ce sont des super moulins avec des quantités énormes de bois qui fournissent de l'emploi à moins de gens, ce qui fait que dans une région donnée, pour beaucoup plus de bois coupé, on fournit beaucoup moins d'emploi que par le passé.

Darlene a évoqué la question des services de santé. C'est le même principe. On a dit qu'on va concentrer les services de santé dans un seul endroit, et là, il y a toute la problématique des services de santé. On a appliqué la même philosophie dans l'agriculture et dans la foresterie, où l'on a dit qu'on va concentrer pour rentabiliser, pour avoir un centre qui soit mieux que les autres. Pendant ce temps, on a abandonné nos terres agricoles. On a laissé aux mains de la grande entreprise notre forêt qui est le bien commun de tout le monde de la région. Et pour lequel on a l'impression qu'on n'a aucun mot à dire là-dessus. On a le potentiel de toutes ces terres agricoles qui sont encore présentes dans la région, laissées en friches souvent, mais elles sont encore là. Le potentiel est là.

Vous demandiez si on était président ou premier ministre, ce que l'on ferait. D'abord, il me semble qu'il faut trouver un moyen de revaloriser ces terres agricoles. Il est certain que l'agriculture de subsistance, il faut l'oublier, mais il y a peut-être d'autres options. Le monde a changé, on ne consomme plus que du bœuf et les légumes qu'on cultivait il y a quelques années. Les goûts des consommateurs ont beaucoup évolué.

Même chose pour la foresterie, je me dis que pour soutenir le développement des régions, c'est un peu ce que Mme Denise Julien disait, il faut avoir accès à de nouvelles technologies.

Il est aussi important de penser à l'éducation. Nos jeunes doivent aller à l'extérieur pour de la formation et on les perd. Dans un monde où l'on est capable de communiquer d'un bout à l'autre du monde, avec Internet, les caméras, et tout ça, comment se fait-il qu'on ne soit pas capable d'apporter l'éducation dans nos régions éloignées, en fournissant des moyens techniques, pour offrir des cours de cégeps et universitaires dans les régions plutôt que de les envoyer à l'extérieur? Je pense que ça coûterait moins cher en ressources humaines, en temps perdu et en ressources perdues.

[Traduction]

L'honorable Wayne Easter, C.P., député, à titre personnel : Comme pour Darlene et Georges, le sénateur Fairbairn m'a demandé de venir ici et d'écouter. Il semble que nous faisons plus qu'écouter, n'est-ce pas? Merci de me donner l'occasion de participer à la discussion.

Pour vous situer, je suis un ancien dirigeant du secteur agricole canadien. J'ai été Solliciteur général du Canada et je suis bien conscient des problèmes dont vous parlez, Darlene. Ils sont de plus en plus graves, surtout la méthamphétamine.

Dans le gouvernement Martin, j'étais responsable du Secrétariat rural. Je ne sais pas si vous avez rencontré les représentants du secteur rural. Vous devriez communiquer avec les gens de ce ministère car ils ont de bons programmes. À l'heure actuelle, je suis porte-parole de l'opposition officielle en matière d'agriculture. Bien que le secteur rural ne se limite certainement pas à l'agriculture, j'aimerais faire valoir quelques points.

Il y a deux ans, j'ai fait une étude assez importante sur le faible revenu agricole. Une chose est sûre : s'il y a des pertes constantes dans le secteur agricole au Canada rural, c'est toute l'économie rurale qui en subira les effets. Quand les agriculteurs ont de l'argent dans leurs poches, cet argent n'y reste pas; il est dépensé et réinjecté dans l'économie, produisant ainsi de nombreuses retombées.

Même si je n'ai pas le rapport sous la main, j'ai quelques chiffres qui vous donneront une idée de l'ampleur du problème. Ces chiffres ne remontent que jusqu'à 2003.

Je crois qu'il faudrait garder à l'esprit la comparaison entre le milieu rural au Canada et celui aux États-Unis; les Américains connaissent les trois meilleures années de revenu agricole dans toute leur histoire. Pour le Canada, c'est le contraire et cela s'explique, en partie, parce que nous avions misé sur l'OMC pour trouver une solution, alors que les États-Unis ont joyeusement suivi leur propre voie avec leur politique du Farm Bill.

Voici les chiffres : George Brinkman les a rassemblés en dollars constants. La meilleure année pour l'agriculture canadienne a été en 1975. En dollars constants, le revenu agricole net en 1975 s'est élevé à 3,3 milliards de dollars, le niveau d'endettement des agriculteurs se situant à 7,8 milliards de dollars. Il faut dire que ces chiffres représentent le revenu agricole net du marché, sans subvention gouvernementale ou quoi que ce soit d'autre. Ces chiffres comprennent aussi la gestion de l'offre, qui se portait bien.

En 2003, le revenu agricole net affichait un manque à gagner de 2 milliards de dollars et ce, sans les paiements gouvernementaux : un manque à gagner de 2 milliards de dollars, avec un niveau d'endettement de 47,7 milliards de dollars. À l'heure actuelle, plus exactement à la fin de 2006, ce niveau d'endettement s'élève, je crois, aux alentours de 52,6 milliards de dollars.

Voici ce qui s'est passé entre 1975 et 2003. Notre revenu agricole net est passé de 3,3 milliards de dollars, sans les subventions gouvernementales, à un manque à gagner de 2 milliards de dollars. Notre niveau d'endettement est passé de 7,8 milliards de dollars à 47,7 milliards de dollars.

Le message à retenir, c'est qu'il y a un grand problème au chapitre de la politique agricole canadienne. Dans le rapport intitulé Un pouvoir de marché accru pour les producteurs agricoles canadiens, j'ai écrit que lorsque nous examinons les données concernant notre agriculture, nous constatons que tous les indices économiques sont favorables : production, recettes, exportations, production par hectare, production par agriculteur, coût par unité, et cetera. Tous les indices sont favorables, excepté le revenu net des agriculteurs. Ils produisent davantage, exportent davantage et font des gains d'efficacité, mais ils reçoivent de moins en moins en retour.

La question suivante se pose : si tel est le cas, si tels sont les faits, et j'affirme qu'ils le sont, le problème du revenu agricole découle-t-il du secteur agricole? Je dirais que non.

Peu importe le gouvernement au pouvoir, que ce soit nous de l'opposition ou le gouvernement actuel, les gens diront que cette situation est liée à un problème de gestion agricole. Ce n'est pas le cas. Il s'agit d'un problème de politique agricole et de notre place dans le monde. Je souligne ce point du point de vue du secteur agricole.

Le rapport contient 40 recommandations. Au fond, la communauté agricole a besoin d'un pouvoir de marché pour conquérir sa juste part du marché.

La dernière observation que je veux faire concerne le secteur rural dans son ensemble. Nous ne pouvons le nier : il existe un fossé entre les régions rurales et les régions urbaines. Voici ma propre hypothèse de ce qui ne va pas au Canada rural : simplement dit, le Canada rural est exploité par pratiquement tout le monde : depuis les entreprises du secteur des ressources, du secteur de la transformation et de l'industrie agricole, des emballeurs de poisson et de l'industrie de la pêche, des multinationales de l'industrie forestière, et j'en passe.

Les chiffres que je vous ai donnés ne sont pas à jour. Ils sont vieux de deux ans, car ils ont été recueillis avant le dernier recensement. Voici ce que j'ai trouvé en faisant mes calculs à l'époque pour mettre le Canada rural en perspective. Les Canadiens ruraux représentent environ 31 p. 100 de notre population et 24 p. 100 de l'emploi total au Canada. Le Canada rural contribue à 22 p. 100 du PIB et, en fait, est responsable de 40 p. 100 des exportations totales du Canada dans les domaines des forêts, des mines, de la pêche, de l'agriculture et de l'énergie. Malheureusement, les Canadiens ruraux ne profitent pas des avantages de cette énorme mise en valeur de ressources dans tous ces produits. Ce n'est pas le Canadien en milieu rural qui accumule cette richesse, mais quelqu'un d'autre. Autre fait intéressant, la productivité dans le secteur des ressources est supérieure de 33 p. 100 à la moyenne canadienne. Sur le plan de la productivité, nous affichons de bons résultats, mais il n'en va pas ainsi sur le plan de l'accumulation de la richesse.

Le dernier point que je veux faire valoir est le suivant : dans cette nouvelle ère, 95 p. 100 des ressources naturelles et environnementales du Canada se trouvent dans les régions rurales. Je crois qu'il s'agit d'une question extrêmement importante que nous devons examiner de près, au fur et mesure que nous avançons. D'une manière ou d'une autre, les gouvernements, tant fédérale que provinciaux, doivent saisir l'occasion et s'assurer que dans la nouvelle ère écologique, ou peu importe comment vous l'appelez, nous profitions d'une partie de l'élaboration des politiques.

Le sénateur Ségal : Darlene, le sénateur Pierre Claude Nolin a présidé un comité qui préconisait l'abolition de l'interdiction légale de la marijuana, en partant du principe que la légalisation de cette drogue annulerait le besoin d'en faire le commerce. J'ai toujours craint qu'une des raisons pour lesquelles nous n'appliquons pas nos lois en matière de drogues aussi rigoureusement que nous le devrions, c'est que nous n'en avons pas les moyens, faute de ressources. C'est une façon de se fermer les yeux lorsque c'est le seul moyen pour les gens vivant dans la pauvreté de gagner leur vie.

J'aimerais que vous vous demandiez si nous devrions aborder le problème autrement, si vous supposez qu'il n'y a aucune volonté de s'attaquer directement au problème de la pauvreté. Si vous regardez le passé et ce que Wayne Easter a dit, il ne semble certainement pas y avoir eu une grande volonté de s'attaquer au problème de la pauvreté.

Wayne, je vous remercie beaucoup d'être des nôtres aujourd'hui. Vous venez de l'Île-du-Prince-Édouard, vous pourriez être ailleurs aujourd'hui, et je vous remercie de votre présence et du travail que vous avez accompli sur cette question à titre de député et de représentant du secteur agricole.

Dans le cadre de votre travail sur le revenu agricole, j'aimerais savoir ce que vous avez pensé des fonctionnaires qui travaillent dans ce secteur au ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Je les respecte énormément pour leur intégrité, leur dévouement et leur détermination. De façon générale, je crois qu'ils sont d'accord pour dire que la nourriture est un produit. Si nous intervenons trop rapidement pour aider la collectivité agricole, les coûts que nous devrons assumer seront trop élevés. La productivité augmente. Le rendement est excellent. Plus nous attendrons, moins nous aurons d'agriculteurs avec qui traiter et, par conséquent, nous devrions juste attendre que ces politiciens aient fait leur temps. Ils vont et viennent. Ils se font élire et ils se font battre. Entre-temps, nous perdons notre population agricole. Si nous attendons plus longtemps, honnêtement, la population disparaîtra.

C'est en partie la raison pour laquelle les faits que vous avez, et que les gens du ministère des Finances et du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire ont aussi j'imagine, n'ont pas suscité le genre de changements d'orientation politique qu'ils auraient proposés en temps normal.

J'aimerais connaître votre opinion sur ces deux points de vue.

Mme Lannigan : Je vais revenir à la table ronde que nous avons eue. Il y avait une femme qui travaillait dans le secteur des services sociaux. Elle a remercié M. Cannon et le gouvernement conservateur d'avoir augmenté l'âge du consentement pour les rapports sexuels. Dans l'une de ses observations, elle a demandé pourquoi nous ne faisons pas de même avec les drogues, surtout avec les revendeurs pour les sortir des rues et des cours d'école.

Je comprends que cela requiert beaucoup d'argent et que vous avez besoin d'un grand nombre de policiers pour faire appliquer les lois, ce qui nous fait défaut. Je crois que nous devons sévir plus durement contre les revendeurs. Nous devrions avoir une loi en vertu de laquelle, si on surprend un revendeur dans une cour d'école, il recevra une amende et, selon le nombre d'infractions, la sanction s'alourdira.

Il me semble immoral et contraire à l'éthique, je pourrais penser à beaucoup d'autres mots que je n'oserais pas dire ici, qu'un individu de 22 ou 23 ans vende de la drogue dans une cour d'école à des enfants de 9, 10 ou 12 ans. La sanction devrait être extrêmement sévère. Nous devons les sortir de nos cours d'école. Je crois que c'est la première étape.

Quand les enfants sont à l'école, ils sont sous la responsabilité des enseignants. Ces derniers remplacent les parents. Nous devons également sensibiliser nos administrateurs d'école. Les enseignants ne sont pas des agents d'exécution de la loi, et pourtant, lorsqu'ils signalent des cas de trafic de drogues, on ne les aide pas. Nous allons devoir commencer à la base et sensibiliser nos administrateurs d'école.

M. Easter : En réponse à la question de Darlene également, je pense vraiment qu'il faut examiner les causes de la criminalité, mais pas uniquement sous l'angle de la pauvreté. La pauvreté fait partie du problème, mais pour les hauts fonctionnaires, il ne fait aucun doute que nous avons une fonction publique très professionnelle. Je crois vraiment qu'il y a un problème dans la façon dont les cadres supérieurs, vos sous-ministres, vos sous-ministres adjoints et, dans une certaine mesure, vos directeurs généraux sont recrutés dans certains ministères. Avoir un sous-ministre qui possède une bonne expérience d'administrateur est, à mon avis, tout à fait différent quand il s'agit du Conseil du Trésor, du ministère des Finances ou de Santé Canada que dans le cas d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, du MPO ou de Ressources naturelles Canada.

À mon avis, notre problème persiste depuis le départ de Sid Williams, et je ne mâcherai pas mes mots, car nous n'avons pas eu de sous-ministre qui connaît les gens sur le terrain depuis. M. Williams a quitté la vie publique au début des années 1970 et je l'ai rencontré à plusieurs occasions. Sid Williams connaissait les producteurs primaires; il connaissait les gens qu'il administrait. Les ministres actuels ne connaissent pas les gens sur le terrain; c'est comme s'ils ne prenaient pas en considération les gens qu'ils administrent.

Il ne fait aucun doute que les chiffres que vous avez présentés sont exacts. Même lorsque nous étions au pouvoir, je me rappelle que Ralph Goodale a dit que nous devions atteindre un objectif d'exportations de 24 milliards de dollars, que nous avons dépassé. À l'époque où les chiffres sur les exportations ont atteint les 24 milliards de dollars, même si nous exportions davantage, les revenus des agriculteurs ont décliné. Il y a quelque chose qui cloche dans cette politique. À mon avis, nous exportons notre richesse à l'extérieur du Canada.

Je soulignerai un autre point concernant le Canada. Au cours des trois ou quatre dernières années, j'ai passé beaucoup de temps aux États-Unis à rencontrer des membres des comités agricoles, des sénateurs, des représentants du Congrès, et cetera. J'ignore pourquoi le Canada doit jouer les boy-scouts à l'échelle mondiale. Je ne comprends vraiment pas pourquoi.

Par ailleurs, vous ne pouvez pas faire de l'agriculture un sujet médiatique national. C'est un sujet trop difficile à comprendre pour les citoyens. Les gens savent qu'ils peuvent se rendre à l'épicerie pour se procurer tout ce qu'ils veulent; ce n'est pas un problème pour eux. Même quand la situation est difficile, le problème ne semble pas se poser.

On a fait récemment état dans les journaux du fait que le Canada envisage d'adoucir les exigences réglementaires concernant les résidus de pesticides sur les fruits et légumes provenant des États-Unis. Expliquez-moi pourquoi nous devrions assouplir nos règlements. C'est nous qui devrions demander aux États-Unis de resserrer leurs règlements pour qu'ils respectent nos normes. S'ils ne se conforment pas à nos normes, leurs produits n'entrent tout simplement pas au Canada. Nous sommes tellement laxistes.

Il en va de même pour l'OMC. Nous ne semblons tout simplement pas avoir le courage en tant que pays de défendre notre position. À mon avis, nous avons le système alimentaire le plus sûr au monde, mais nous allons rester passifs et abaisser nos normes pour permettre à des produits d'entrer au Canada. Ce n'est pas la bonne façon de faire.

[Français]

Le sénateur Lavigne : Madame Lannigan, quand vous parlez, vous semblez parler très négativement d'à peu près tout ce qui existe. Je suis complètement d'accord avec vous. Je pense que la politique de la justice ici au Canada est pas mal molle comparée aux Etats-Unis et à d'autres pays du monde. Je pense que vous avez entièrement raison quand vous parlez négativement des systèmes existants, que ce soit du domaine scolaire, municipal, fédéral ou provincial, dans lesquels on se met la tête dans le sable à chaque occasion où l'on aurait à dire des choses. Comme le sénateur Segal le disait tantôt, les politiciens sont élus pour quatre ans, ils ont une bonne volonté, mais quatre ans après, c'est un autre qui arrive, qui change de politique, change ceci ou cela. C'est toujours la même chose, on tourne en rond.

Vous avez parlé de la Sûreté du Québec tantôt. La GRC est partout au Canada sauf en Ontario et au Québec. Quand vous appelez la GRC pour venir à Maniwaki, il y a la police pour les Autochtones, il y a la police de la Sûreté du Québec, il y a la police de la MRC. J'ai vécu ce problème au Québec. J'ai fait venir la police municipale. On m'a dit, « Non, il faut appeler la GRC, vous êtes un sénateur. » J'appelle la GRC, ils disent, « Non, on ne peut pas venir au Québec, il faut demander la permission. On ne peut pas mettre les pieds au Québec. C'est la Sûreté du Québec qui règle les problèmes. » Ne pourrait-on pas penser avoir une police pour tout le pays? Ainsi, on n'aurait pas à appeler une ou l'autre et sur les 42 politiques, personne ne fait jamais rien.

Imaginez le sénateur Segal sur la rue, il ne fait pas son stop. La police l'arrête. Il est bien habillé, « clean cut », un sénateur, deux billets d'infraction. La police voit un gars tout croche, boucles d'oreille et des tatous, la police tourne la tête, elle ne veut pas le voir. Je pense qu'il y a un problème au niveau social. Vous avez raison, madame. Si on avait une justice un peu plus sérieuse, peut-être qu'on aurait plus de services pour la population. Ne pensez-vous pas, madame?

Mme Lannigan : Oui. Ici, on vit la même chose, on a la police amérindienne, la Sûreté du Québec et la M.R.C. de la Vallée. On a aussi deux réserves sur notre territoire et aussi une réserve qui n'est pas reconnue par le ministère des Affaires indiennes. Quand j'étais jeune, il y avait deux agences de protection. Il y avait la Sûreté du Québec qui surveillait les routes, se concentrait sur les routes et n'entrait pas dans les villes ou les villages. On avait aussi la GRC et la sûreté municipale. Aujourd'hui, on n'a plus de sûreté municipale, mais on a encore les deux autres. Quand on fait un appel à la GRC, ce n'est pas Ottawa qui répond à l'appel, c'est Saint-Jérôme. Parce qu'on est dans ce secteur-ci, la plupart de nos services proviennent de la région de Montréal ou de la région des Laurentides. On n'est pas dans les Laurentides. On est dans l'Outaouais. On veut rester dans l'Outaouais.

M. Grondin parlait de Grand-Remous et la compagnie Domtar. Grand-Remous a une population de 600 personnes. Grand-Remous est sur la route 117, au bout de l'Outaouais. Cette municipalité avait une industrie. Là, elle a le choix. Souvent les gens de Grand-Remous, au lieu de venir ici pour recevoir les services, vont aller à Mont-Laurier. Il y a une clinique médicale à Grand-Remous. Il n'y a pas de clinique médicale sans rendez-vous à Maniwaki. Grand-Remous, une petite municipalité, en a une. Pourquoi? Parce qu'elle a été dans la région d'à côté pour aller chercher des médecins. Ce n'est pas normal.

Pour la police, c'est la même chose. Pourquoi me répond-on à Saint-Jérôme? Mon patron, l'honorable Lawrence Cannon, est sous la protection de la GRC. Si je dois les appeler, est-ce que je vais les appeler parce que son bureau est à Ottawa ou est-ce que je devrais appeler à Saint-Jérôme parce qu'il est ici? Je ne le sais plus. Je trouve qu'il n'y a rien de logique.

Le sénateur Segal : En dehors du gouvernement actuel!

Mme Lannigan : Je ne comprends plus rien. Je me demande s'il y a quelqu'un de réaliste, avec les deux pieds sur terre, qui trouvera une solution qui ne coûtera pas tant que ça. Parfois, je vois des gens qui trouvent des solutions qui n'en finissent plus et qui coûtent une fortune quand j'aurais pu leur dire que c'était ça. Vous gaspillez de l'argent avec des études, et cetera. Le temps qu'on passe ici à parler de nos problèmes avec la police et tout ça, nos enfants, qu'est-ce qu'ils font? Il fait beau aujourd'hui. Allez faire un tour dans le village. Nos jeunes ne sont pas à l'école. Passez un après- midi pour voir combien de voitures de la Sûreté vont passer. Vous n'en verrez pas. Elles sont sur nos routes. Elles ne sont pas capables d'être partout. On a un problème majeur dans la région.

Trouvons des solutions qui ne coûtent pas une fortune et qui sont logiques. J'ai eu un rapport la semaine dernière qui a pris peut-être six mois à faire. Quand j'ai reçu le rapport, j'ai dit, « Comment se fait-il qu'ils aient fait ça? » Il y avait trois représentants des gouvernements fédéral et provincial qui étaient assis lors de l'élection qui ne savaient pas qui était élu. On a payé un médiateur pour aller voir. Qu'est-ce que vous pensez que le médiateur a dit? Il y avait trois représentants du fédéral et du provincial. Ça a été fait selon la loi, ils étaient là, mais on a payé pour. Ce n'est plus logique.

[Traduction]

Gib Drury, président, Syndicat des producteurs de bovins de l'Outaouais et des Laurentides : Je suis un producteur de bœuf à temps plein de l'ouest du Québec, juste au sud d'ici, dans la région de Lakefield. Je suis également président de la Quebec Farmers' Association, qui représente les 2 100 agriculteurs anglophones de la province. Je suis président du Syndicat des producteurs de bovins de l'Outaouais et des Laurentides, qui représente les 2 000 producteurs de bœuf entre Montréal et l'Abitibi.

Je suis ici principalement parce que le sénateur Fairbairn m'a demandé de venir parler du problème de la pauvreté rurale qui, je crois, est en grande partie à l'origine de la crise du revenu agricole que nous traversons à l'heure actuelle au Canada.

Actuellement, nous nous affairons à élaborer une nouvelle politique agricole, le Cadre stratégique pour l'agriculture. Ce qui m'a le plus frappé quand j'ai lu le rapport, c'est que les bureaucrates d'Agriculture et Agroalimentaire Canada disent que l'agriculture n'est plus un moteur important du développement rural et, dans un sens, ils ont raison. Quand vous enregistrez des revenus agricoles nets négatifs, une situation à laquelle nous faisons face depuis quelques années au Canada, il ne faut pas compter sur l'agriculture comme moteur de l'économie rurale. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas avoir une politique pour régler ce problème. La prochaine politique ne semble pas être différente de celle que nous avons eue ces trois dernières années et qui, franchement, s'est révélée un désastre, surtout si nous nous comparons aux États-Unis, où l'inverse s'est produit.

Pour résumer, les agriculteurs sont généralement riches en actifs, croulent sous les dettes, ne sont pas à court de liquidités, mais sont à sec. Ils n'ont pas d'argent dans leurs poches et ont probablement atteint leur limite d'emprunt à la banque.

La génération actuelle d'agriculteurs est en mauvaise posture. Ce qui me préoccupe davantage, c'est la prochaine génération, nos enfants, y compris les miens, qui regardent l'agriculture et le nombre d'heures qu'il faut consacrer chaque jour pour produire toujours plus et en retirer toujours moins. Wayne Easter est l'une de mes idoles et j'approuve tout ce qu'il a dit. Il brosse un magnifique portrait de la situation, ce que je n'essaierai même pas de faire. Mes enfants croient que je suis fou de consacrer autant d'heures à la ferme pour recevoir si peu d'argent.

L'unique raison pour laquelle je peux continuer de pratiquer l'agriculture, c'est que ma femme travaille en dehors de la ferme. Cela me paraît déplorable.

J'assiste à de nombreuses réunions d'agriculteurs. Je fais partie de ces deux organismes agricoles, y compris l'Union des producteurs agricoles, et je suis loin d'être le seul dans cette situation. Tous les agriculteurs semblent être dans le même bateau. Nous aurons beaucoup de mal plus tard à attirer une relève en agriculture au pays. C'est un sujet qui me préoccupe énormément.

Je pourrais continuer, mais mes trois minutes sont probablement écoulées. J'ajouterais seulement que le Québec est presque l'exception à la règle au Canada. Le gouvernement provincial appuie fortement sa politique agricole, dans son approche à ce que les agriculteurs font. Il s'est inspiré de Wayne pour donner des moyens aux agriculteurs. Je ne dirai pas que la situation est idyllique, mais le secteur agricole se porte drôlement mieux au Québec que dans toute autre province du Canada.

Plutôt que d'avoir une politique fédérale prépondérante où chaque province doit en arriver au plus petit dénominateur commun, nous devrions peut-être prendre la province qui a la meilleure politique et élever les normes des autres provinces à son niveau.

[Français]

Fabienne Lachapelle, directrice générale, L'Entraide de la Vallée : Madame la présidente, je suis la directrice générale de l'Entraide de la Vallée, un organisme qui œuvre dans la sécurité alimentaire sur le territoire de la Vallée de la Gatineau. Je suis également présidente de la table de concertation de la fin du développement social de l'Outaouais. Je viens vous parler de l'aspect sécurité alimentaire pour les personnes vivant sous le seuil de la pauvreté.

Selon nous à l'Entraide de la Vallée, on croit que le droit à une alimentation saine et équilibrée est un droit fondamental. La sécurité alimentaire pour une personne, c'est avoir accès en tout temps et avec respect à un approvisionnement alimentaire en quantités suffisantes et de qualités adéquates qui respectent ses valeurs culturelles et qui favorisent ainsi l'exercice de tous ses droits fondamentaux. Pour vous donner un exemple, en ville, cela coûte environ six à sept dollars par jour par adulte pour manger selon le Guide alimentaire canadien. En région, un panier d'épicerie, par adulte, coûte neuf dollars par jour. Donc, c'est presque impossible pour une personne vivant avec un salaire minimum, et encore moins vivant sous le seuil de la pauvreté, l'Aide sociale ou sur le chômage, de manger selon le Guide alimentaire canadien. C'est impossible ou très difficile. L'État doit assumer son rôle de protecteur des droits du citoyen face à son alimentation. Ce droit implique de veiller à toutes les dimensions de l'alimentation.

J'aimerais faire une couple de constatations : 80 p. 100 de la production des activités agricoles du Québec se déroulent dans la Vallée du Saint-Laurent. Donc, il reste 20 p. 100 pour le reste du Québec. Dans cette région, les terres fertiles sont relativement moindres dans la Vallée de la Gatineau et dans l'Outaouais. La vision traditionnelle de notre région comme étant forestière limite les interventions favorisant le développement de l'agriculture. Celle-ci est perçue comme une activité économique accessoire. Il y a peu de maraîchers en région. Les entreprises agricoles sont peu diversifiées. Les subventions sont surtout accessibles aux grandes entreprises pratiquant la monoculture et les subventions visent à répondre aux besoins du marché plutôt qu'aux besoins des populations. Les restaurateurs ont peine à s'approvisionner en légumes frais locaux. Les distances à parcourir au Québec entre les régions influencent les prix des denrées de façon inéquitable pour le consommateur à cause du transport. Par exemple, une tomate peut partir de Maniwaki et faire le tour du Québec avant de revenir ici. Cela nous coûtera plus cher pour cette tomate à cause du transport qu'elle a dû subir.

Également, en région, la population a des problèmes d'accès physiques aux marchés d'alimentation et aux centres de dépannage. On a deux centres de dépannage à Maniwaki et un à Gracefield. Quelqu'un qui habite à Grand-Remous, à Montcerf, Lytton ou à Aumond n'a pas nécessairement les moyens de s'y rendre.

Voici des solutions qui pourraient être apportées pour contrer ces problèmes : premièrement, garantir l'accès de chaque personne à des aliments de qualité et à une source d'approvisionnement alimentaire de qualité à distance raisonnable. Pour atteindre cet objectif en milieu rural, il faut voir à l'offre de moyens de transport appropriés et économiquement accessibles, par exemple, le transport adapté, le transport collectif. On a le transport collectif en région. Chaque année, le transport collectif doit se battre pour subvenir à ses propres besoins parce qu'ils ont de la misère à avoir des subventions et du financement adéquats. C'est la réalité de tous les organismes communautaires qui essaient d'aider la population la plus démunie.

Il faudrait également instaurer un système d'incitatifs fiscaux à l'établissement de magasins d'alimentation dans les secteurs délaissés par les grandes chaînes d'alimentation.

Il faudrait également faciliter les contacts directs entre producteurs et consommateurs, par exemple, en multipliant les marchés publics. Il faudrait conjuguer les efforts politiques pour encourager et favoriser l'installation de maraîchers en région et contribuer à la mise en marché de leurs produits, donc soutenir les productions diversifiées par le développement d'un réseau de distribution alimentaire plus près des producteurs.

Également, la dimension sociale de la sécurité alimentaire des personnes est réelle et doit transparaître dans toutes les décisions gouvernementales susceptibles d'affecter le monde agricole et agro-alimentaire. Il faut valoriser le métier d'agriculteur et l'agriculture. Il faut mettre en place des programmes financiers facilitant le transfert des fermes aux nouveaux acquéreurs, qu'ils soient de la famille ou non. Il faut promouvoir l'achat local et également, pour prêcher pour ma paroisse, il faut augmenter le soutien aux organismes d'aide et d'entraide alimentaire qui sont la première ligne pour aider ces personnes.

Dominique Bherer, vétérinaire : Je vous souhaite la bienvenue à Maniwaki. On est peut-être pauvre, mais pas en paysage. Je suis vétérinaire dans la région depuis 35 ans. J'ai rencontré des centaines de fermiers. En 1990, j'ai écrit un texte que je vais vous résumer, sur l'inquiétude que j'avais devant la réalité en agriculture. Au début, je vais parler de l'agriculture en général, et non pas spécifique à la région et ensuite, je vais parler de forêts.

Avec mon ami, je suis dans une petite organisation qui s'appelle Forêt Vive. Depuis sept ans, on essaie de faire la police pour empêcher les compagnies de tout massacrer sans succès.

Je vais commencer par l'agriculture. Selon nous, si on veut avoir une politique de développement rural, seulement une augmentation des prix à la ferme peut freiner l'urbanisation en améliorant le revenu des ruraux qui sont sous-payés partout. Environ la moitié des humains vivent encore sur des fermes où ils sont les mieux en mesure d'atteindre le développement durable. L'agriculture occupe 40 p. 100 du sol de la planète et elle a un impact majeur depuis des siècles. Une augmentation des prix n'est possible qu'en renversant les politiques des gouvernements qui maintiennent les prix à la ferme artificiellement bas grâce à des milliers de subventions souvent cachées au transport, à l'exportation et à la production de surplus agricoles ou en important ceux des autres pays. Elles sont inéquitables et déstabilisantes parce qu'elles favorisent les grosses fermes, la culture d'exportation et la course au rendement. Les surplus souvent produits à perte, alors qu'on pourrait faire du bois, du lait et de la viande sur pâturage, tuent les agricultures traditionnelles en abaissant tous les prix et en remplaçant les aliments des humains et des animaux.

Les gouvernements mènent ainsi, au profit des commerçants, une guerre d'usure, pas d'aide, pas de hausse de prix contre leurs fermes et celles des autres pays. La même politique en forêt et la pêche où on subventionne les pêcheurs hauturiers et les compagnies forestières qui paient la ressource.

Il faut une politique rurale à long terme parce que le modèle actuel urbanisé et industrialisé, et avec moins de 3 p. 100 des gens qui vit sur des fermes, ne peut même pas faire vivre, ni nourrir ces gens, et ni maintenir la fertilité du sol. Il y a vraiment un problème de sécurité alimentaire. Si le transport arrête, tout le monde crève, les fermiers en premier dans nos pays modernes. Il faut que la politique rapproche les producteurs et les consommateurs et que le travail rural comme le travail urbain soient rémunérés. Il faudrait aussi augmenter le nombre de petites fermes agro-forestières.

Pour atteindre ces objectifs, il faut d'abord s'assurer que la politique touche directement le prix, le vrai coût de production. Actuellement, à cause des subventions, est-ce que le prix est la moitié ou un tiers de ce qu'il devrait être? On ne le sait pas. C'est complètement ridicule. Il faut qu'il soit payé directement par le marché en éliminant toutes les subventions fiscales et financières au transport, à l'exportation et à la production. Chaque subvention abaisse tous les prix. Aujourd'hui, à cause du commerce international, cela les abaisse sur toute la planète. Quand on subventionne des pêcheurs de morue, cela fait baisser le prix du blé indirectement.

Il faut ramener les animaux sur le sol qui les nourrit en interdisant l'élevage hors sol. En limitant le nombre d'animaux à ce que le sol peut nourrir, on multiplierait par trois le nombre de fermes et on éliminerait l'excès et le déficit du transport inutile de fumier. Actuellement, on transporte du maïs des États-Unis jusqu'en Chine pour faire des porcs. Si la céréalière Dreyfus devait ramener le fumier en Iowa, elle ne trouverait pas cela trop payant.

Le principal problème de l'élevage hors sol, c'est que les fermes qui produisent des aliments sont appauvries parce qu'il n'y a pas de fumier.

Réserver le sol aux propriétaires exploitants, car le meilleur engrais pour un sol, c'est l'ombre de son propriétaire. C'est Virgil qui disait cela il y a quelque mille ans. Il faut limiter la taille des fermes déboisées afin qu'elles puissent être rachetées par des jeunes exploitants de 30 ans et moins. À 30 ans, on n'a pas un million à mettre dans une ferme.

Il faut protéger les sols arabes en surveillant l'érosion grâce à un indice d'érosion des sols. Il faut sous nos latitudes 500 ans pour ajouter un pouce de sol et cela prend 25 ans de maïs pour le détruire. Dans certains cas, c'est aussi peu que cinq ans. Ce n'est pas l'éthanol politique qui va arranger ça.

L'essentiel des 500 milliards de subventions mondiales va à des pratiques qui appauvrissent le sol. La monoculture et l'élevage hors sol vont récolter sûrement 400 milliards de ces 500 milliards. Sur les OGM, il faut protéger aussi le patrimoine génétique. Il y a un savant qui ne travaillait pas pour Monsanto et qui s'est promené il y a 60 ans ou 70 ans et il a trouvé 90 000 variétés de blé différentes dans toutes les petites vallées partout dans le monde. C'est ce qu'on va perdre avec les OGM. Les OGM ont été montrés toxiques tout de suite au départ par le premier chercheur écossais qui les a testés sur des rats, qui sont devenus malades à sa grande surprise.

Il faut réserver pour toujours les bons sols à la production agricole et forestière par une loi de zonage que les gouvernements eux-mêmes ne peuvent contourner. On ne peut pas excuser les responsables de cette perte qui nous condamne tous, et ceux qui nous suivront à travailler davantage pour faire produire des sols moins fertiles.

Je dirais qu'il y a peu d'espoir de changer la situation parce que tous les lobbys qui sont les véritables députés aujourd'hui ont intérêt à éliminer les petits producteurs ici et ailleurs et à maintenir les prix artificiellement bas, les commerçants, les transporteurs et les gros producteurs. Les politiciens eux-mêmes ne rêvent que d'exportations. Le seul espoir que nous voyons c'est que la crise environnementale force les gouvernements à appliquer le principe utilisateur payeur.

Pour la forêt, ce que vous pouvez faire de plus, c'est de la protéger parce que c'est essentiel. Au Québec, il n'y aurait pas eu d'agriculture sans la forêt. Les fermiers vont chercher des revenus en forêt. De leurs boisés, ils obtiennent des revenus. Actuellement, c'est exactement comme en Indonésie, les politiciens donnent les forêts et ils les laissent se faire raser et détruire. On a trouvé un endroit où ils ont bûché et juste pour un seul chemin, ils ont détruit 30 p. 100 du sol et de la régénération. C'est absolument extraordinaire. Je travaille avec des fermiers depuis le début, et cela fait 35 ans qu'ils me disent, « Arrêtez le massacre des forêts. » Les ruraux essaient de le dire aux politiciens, mais cela n'a jamais été considéré.

Je vais laisser mon ami de Kitigan Zibi parler, Fred McGregor.

[Traduction]

Fred McGregor, à titre personnel : Bonjour. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les membres dans la région de Kitigan Zibi. Je fais partie de cette collectivité. C'est par l'entremise de Dominique que je suis ici. Nous avons un ami commun, M. William Commanda, et nous avons discuté de nombreux sujets, notamment de foresterie.

Le rapport Comprendre l'exode : lutte contre la pauvreté est intéressant. Quand je regarde ma collectivité, de même que la ville de Maniwaki et ses environs, et que je regarde ce qui se passe dans le monde, cela devient très intéressant parce que je vois comment la pauvreté rurale se répand dans les nombreuses régions du Canada.

De nombreuses études de l'ONU, de l'UNESCO et de l'Organisation mondiale de la santé révèlent qu'un pourcentage substantiel de la population dans les régions rurales déménage dans les régions urbaines. Il y a une migration nette. Au cours des dix prochaines années environ, je pense que la population urbaine excédera la population rurale. La majorité de la population vivra en milieu urbain et nous commençons à le constater.

Il est entre autres intéressant de constater que l'éducation dans les régions rurales est différente de l'éducation dans les régions urbaines; elle laisse à désirer. Les soins de santé constituent un défi de taille et ce sera de plus en plus vrai, en ce sens qu'il est très difficile de se trouver un médecin de famille, à plus forte raison au Québec. Nous avons des compétences interprovinciales, ce qui pose un sérieux problème dans le secteur rural.

Darlene Lannigan a dit que nous sommes gravement touchés quand l'économie ralentit. Par exemple, dans le secteur forestier à Maniwaki, nous enregistrons une hausse du nombre de bénéficiaires de l'aide sociale, mais on ne discute pas du problème publiquement. On ne parle pas non plus publiquement de la hausse des cas de suicide et de l'augmentation de la violence sociale au sein des familles. On n'en parle pas, mais c'est l'une des répercussions d'un ralentissement de l'économie. On ne parle pas des problèmes de santé mentale.

Les gens disent que l'on pourrait utiliser Internet pour l'éducation, mais les moyens technologiques sont disparates dans les zones rurales. Je vis dans une localité ou un tiers des résidents a une connexion à haute vitesse, un tiers a une connexion par ligne téléphonique et un tiers a à peine des téléphones, encore moins Internet. C'est la situation qui existe dans les zones rurales aujourd'hui.

Si le taux d'emploi est faible ou s'il n'y a pas d'emploi, il est impossible de suivre les recommandations du Guide alimentaire canadien pour manger sainement comme l'a dit Fabienne Lachapelle. On ne peut pas suivre ces recommandations, il est difficile de le faire. Compte tenu du faible emploi dans les zones rurales, l'aide sociale y est encore insuffisante. La situation est très grave.

Quelqu'un parlait plus tôt des agriculteurs en difficulté, à court d'argent, mais qui continuent à travailler la terre. Je suis originaire d'une collectivité autochtone et je constate la même chose, nous continuons à travailler la terre, mais nous n'avons pas d'argent.

J'ai consulté rapidement le rapport du comité que m'a remis Dominique. Il est écrit :

[...] les municipalités rurales relèvent des gouvernements provinciaux et que la compétence provinciale s'étend aux soins de santé, à l'éducation et à de nombreuses formes de soutien du revenu qui ont des effets directs sur les collectivités et les citoyens des régions rurales.

C'est bien beau de le dire, mais quand le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial n'arrivent pas à s'entendre sur beaucoup de dossiers, devinez qui en souffre. Ce sont les zones rurales, les marginaux de tous bords.

C'est très intéressant maintenant, parce que nous avons un gouvernement minoritaire. Le gouvernement minoritaire progresse très lentement pour l'instant et je ne m'attends à voir des résultats.

À Maniwaki, la foresterie est l'un des secteurs importants. Les États-Unis sont le plus grand marché. Aujourd'hui, personne ne parle du bois d'œuvre. Les Américains ne veulent pas signer une entente sur le bois d'œuvre. Ils attendent tout simplement. Ils peuvent temporiser. Mais, nous voyons les répercussions sur les secteurs liés à la foresterie. Nous voyons les effets sur l'économie. Nous voyons ce qui passe dans toutes les situations. Les choses ne s'améliorent pas, elles semblent s'aggraver.

La politique est un autre point. Maniwaki est acquise aux libéraux. Les autres régions soutiennent soit le PQ soit le Bloc. Nous sommes parfois pénalisés ou réprimandés en raison de notre préférence politique.

Gib a mentionné que le Québec offre une bonne protection sociale. Pendant combien de temps encore le Québec pourra-t-il l'offrir s'il dépend de ce secteur comme la Colombie-Britannique dépend de la foresterie? Le Québec dépend de la foresterie et de l'énergie hydroélectrique. Que se passera-t-il quand les marchés changeront?

[Français]

Bernard Fortin, représentant, Syndicat canadien des communications, énergie et papier, à titre personnel : Madame la présidente, je suis représentant syndical. Cela fait 12 ans que je suis président de ma section locale pour la compagnie Bowater. Vous avez entendu des interventions de très haute qualité. Donc, ce que je vais faire c'est un simple résumé, un tour de table de ce qui a été dit aujourd'hui.

Vous êtes venus pour discuter de la pauvreté rurale. Je pense que vous avez été bien servis. Je suis en accord avec les intervenants de ce matin, Mme Julien et M. Dansereau et compagnie. C'est vrai que l'on est en pleine crise forestière. Elle ne va pas s'améliorer immédiatement.

Je suis désolé, mais je vais vous apprendre une mauvaise nouvelle. Je représente huit compagnies dans ma section locale. Sur les huit compagnies, il y en a une qui a fermé il y a un peu plus d'un an, Atlas à Gracefield. Sa compagnie sœur, à partir de la semaine prochaine, Atlas à Low, appartient à Commonwealth Plywood va fermer pour quelques mois. Quatre-vingts emplois sont affectés. Uniboard, au Lac des Îles, tout près de Mont-Laurier, va fermer pour six mois minimum, 150 emplois. Max Meilleur s'aligne pour une autre fermeture. On n'est pas certain encore si c'est une fermeture complète, définitive, mais c'est 140 emplois. Ils font partie de ma section locale ici à Maniwaki. C'est dommage, mais ces travailleurs sont en pleine crise.

On a discuté et cela fait longtemps qu'avec la FTQ, on essaie de trouver des solutions. On a vu venir la crise depuis quatre ou cinq ans. On a fait des congrès. On avait averti les parlementaires tant fédéraux que provinciaux. On la voyait venir la crise. Lorsqu'on est tombé dedans, on s'est fait dire : « On ne l'a pas vue. » On a dit : « Non, un instant, on l'avait vue. » On a tenté de trouver des solutions pour parer à cette crise. On n'a pas été entendu.

Aujourd'hui, ce que je vous demande, et Mme julien en parlait, c'est de faire un pont entre le gouvernement et l'industrie en temps de crise. Mais je vous propose aussi comme un premier pas, que les travailleurs qui commencent à travailler cotisent à la Caisse d'assurance-emploi dès la première journée. Lorsque vient le temps de récolter ce qu'ils ont donné, cela leur prend un minimum de deux semaines pour savoir s'ils sont admissibles. Ensuite cela va prendre un autre deux semaines avant de recevoir un premier chèque, s'ils ont leur premier chèque. On est rendu à un mois. Si c'est le seul soutien pour la famille, qu'on parle d'un homme ou d'une femme, c'est bien dommage, mais là, il vient de prendre un mois de retard. Il n'y a pas beaucoup de gens capables d'avoir devant eux des économies de trois mois. Trois mois, c'est un minimum en banque pour subvenir aux besoins de tous les paiements, tout ce qui est récurrent. On parle du gaz, de l'électricité, de la nourriture et du logement. C'est un minimum de trois mois. On parle de 5 000 $ à 6 000 $. Ce n'est pas tout le monde qui a ce montant. S'ils sont un mois en arrière, c'est dommage, les premiers qui vont payer pour seront les familles, les enfants. On se comprend bien. Ce que je propose au gouvernement, c'est de changer la loi sur l'assurance-emploi. Faites le pont. Il faut le faire pour aider ces familles parce que les travailleurs sont dans la crise et elle s'accentue. Il faut trouver des solutions.

C'est vrai qu'auparavant, il y eut de l'abus de la part des travailleurs. Ils allaient travailler trois mois, ils avaient un an de chômage, bingo, c'était le paradis. Le gouvernement s'en est aperçu. Il a viré cela de bord. Je ne blâme personne, mais il y a eu de l'abus de l'autre côté.

Maintenant, je pense qu'on a des élus qui sont assez intelligents pour trouver des solutions en s'assoyant avec les personnes comme nous aujourd'hui. Un panel, c'est le vrai monde, ce sont les travailleurs. Qu'on s'assoit et qu'on trouve une façon de mettre en place une loi. C'est sûr qu'il va toujours y avoir de l'abus d'un côté comme de l'autre. Il va y en avoir de l'abus, mais ça va être minime. C'est à nous de trouver la vraie façon d'appliquer ces lois et faire en sorte d'aider les gens qui contribuent à cette caisse. Il faudrait le faire, s'il vous plaît au plus vite parce qu'on est dedans. La crise s'accentue de plus en plus.

On va y aller avec des solutions simplistes, si vous voulez. M. Wayne Easter parlait de l'Ile-du-Prince-Édouard. Cette semaine, j'ai entendu dire que les producteurs de patates étaient en train de s'auto-bloquer pour ne pas trop produire de patates parce qu'ils étaient pour les perdre. Ces patates étaient pour aboutir en nourriture pour les animaux d'élevage. Regardez bien, les gouvernements, le G8, se promènent et ils promettent des millions et des millions aux pays en difficulté. Le gouvernement devrait aider les producteurs de l'Île-du-Prince-Édouard. Là, vous allez dire, ça y est, Fortin est dans les patates. C'est simpliste. Aidez-les à en cultiver des patates. Les millions ne se rendent pas en Afrique ni en Afghanistan. Prenez les patates et envoyez-leur les patates vu que l'argent ne se rend pas. Avec le surplus d'argent que vous allez économiser, amenez-le ici dans la Vallée de la Gatineau. Je vous garantis que la crise ne durera pas. Ça, c'est certain.

Je vais terminer en vous disant merci pour votre déplacement, de nous avoir tous écoutés. On a le récréotourisme. On a une vraie belle vallée. On a de belles choses à visiter. C'est toute la vallée qui vous invite durant vos vacances. Venez nous voir et aidez-nous. Merci beaucoup.

[Traduction]

La présidente : Merci beaucoup. C'est précisément la raison pour laquelle nous tenons ces assemblées publiques à la fin de nos audiences. Nous organisons ces assemblées pour être sûr d'avoir entendu tout ce que les gens ont à dire. Les témoins d'aujourd'hui sont un élément important du processus.

Le sénateur Segal : Monsieur Drury, vous avez mentionné les propos de Wayne Easter sur la question du prix à la ferme. Les Européens paient beaucoup plus cher leurs denrées alimentaires, beaucoup plus. Ils sont extrêmement exigeants au niveau de la qualité. Ils sont très préoccupés par les OGM et plein d'autres problèmes connexes.

Si nous appliquons des politiques pour augmenter considérablement le coût des aliments afin que les agriculteurs gagnent plus, et je ne suis pas contre, il faudra que nous nous engagions à aider les clients de Mme Lachapelle qui ont du mal à acheter les aliments nécessaires selon le Guide alimentaire canadien pour manger sainement.

Qu'en pensez-vous?

M. Drury : Je pense qu'une partie du problème lié au revenu agricole net ne signifie pas forcément qu'il n'y a pas suffisamment d'argent dans l'économie de l'alimentation. Cet argent est terriblement mal réparti. Aujourd'hui, ce n'est certainement pas l'agriculteur qui en reçoit la plus grande partie, pourtant c'est lui qui travaille le plus et qui investit le plus. Il semble qu'il n'arrive même pas à couvrir ses coûts de production. Et pour ce qui est des consommateurs, je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils payent le prix fort, mais ce qu'ils payent est déjà suffisamment élevé.

C'est le système de distribution, et c'est là que je rejoins M. Wayne Easter. Si vous donnez aux agriculteurs les moyens de mieux négocier avec les distributeurs, les grossistes et les détaillants, cet argent sera mieux réparti, il ne causera pas une hausse des prix pour le consommateur et Fabienne pourra continuer à nourrir sa clientèle.

[Français]

Le sénateur Segal : Madame Lachapelle, cela s'applique aussi aux autres membres du panel qui ont parlé des problèmes assez sérieux dans leur domaine. Plusieurs ont suggéré, de payer les fermiers et les forestiers dans les régions rurales, un revenu garanti pour ce qu'ils font au point de vue environnemental, en suivant l'exemple des pays comme la France ou l'Allemagne.

On dit en anglais —

[Traduction]

— a basic income floor for environmental stewardship.

[Français]

En termes des différents programmes que vous voyez auprès de votre clientèle, pensez-vous que ceci aiderait votre clientèle, d'avoir un revenu garanti pour tout le monde pour régler les problèmes actuels dans le domaine, même si c'est un chômeur pour une période de temps ou pensez-vous qu'il faut travailler avec les programmes qui sont là pour les enrichir?

Mme Lachapelle : Je crois que je travaillerais avec les programmes qui sont là présentement pour les enrichir. Je pense que ce qui serait essentiel en région, c'est d'assurer l'autosuffisance des aliments. Présentement, on a encore un problème. Si on stabilise un revenu pour les fermiers, on n'a pas de maraîchers en région. On en a très peu. Donc, c'est un problème. Il faut travailler à l'autosuffisance d'une région, travailler à la diversification des produits qui sont produits sur le territoire pour que les gens puissent y avoir accès. Si on coupe les coûts du transport, les prix seront beaucoup plus abordables. C'est la base. Il faut couper le transport. Présentement, il faut travailler en région.

C'est certain que ma clientèle n'a souvent plus de revenus, n'a plus rien. Ma clientèle, ce sont des gens qui sont sur l'Aide sociale, sur le chômage. Même ceux qui sont sous le seuil de la pauvreté, il faut vraiment prouver qu'on est très pauvre pour pouvoir bénéficier des aliments que nous préparons à l'Entraide de la Vallée. Donc, il faut augmenter les emplois, mais ça, ça vient couper avec la forêt. Je pense que c'est un cercle vicieux. Ce qui est arrivé, les chiffres d'affaires des commerçants de la région ont baissé et la clientèle des organismes communautaires qui aident les personnes les plus démunies a augmenté.

[Traduction]

Le sénateur Harb : Nous parlons de l'aide du gouvernement aux agriculteurs. Ce qui vient à l'esprit, c'est la maladie de la vache folle d'il y a quelques années. Les agriculteurs avaient exercé des pressions sur le gouvernement du Canada pour qu'il leur vienne en aide et le gouvernement a versé des sommes considérables pour aider supposément les collectivités agricoles, mais il a découvert après-coup que les agriculteurs n'avaient pas reçu cet argent. L'argent a fini par être canalisé vers certains de ces entrepreneurs.

Quand quelqu'un disait qu'il y avait un excédent de viande de bœuf parce que personne n'en consommait. Les éleveurs la vendaient à un prix très modique. Le consommateur pensait qu'il bénéficierait de cette baisse des prix, mais les prix restaient les mêmes dans les magasins. Le consommateur n'en a pas bénéficié; l'agriculteur n'en a bénéficié, mais quelque part, quelqu'un s'est rempli les poches.

Ce qui est important en un sens, que ce soit au niveau fédéral ou au niveau provincial, c'est qu'il existe un mécanisme par lequel l'argent est canalisé vers les personnes qui doivent vraiment en bénéficier. Je pense que c'est là qu'il y a un goulot d'étranglement et l'argent ne passe pas. Chaque fois que nous engageons de grosses sommes, nous recrutons des bureaucrates pour les gérer et nous envoyons cet argent où il ne devrait pas être envoyé pour commencer.

Toutes les personnes qui ont comparu devant nous ont parlé de la pauvreté et des problèmes, le manque d'emploi; et tout est vrai. Le fait que le rapport de 2006 de Statistique Canada indiquait que vous enregistriez un taux de croissance énorme d'environ 14 p. 100 me laisse perplexe. Normalement, en temps de crise économique et quand le taux de chômage est élevé, les gens quittent la région pour aller dans des centres urbains. C'est le contraire qui se passe ici. Quelqu'un peut-il me dire ce qui se passe?

M. Behrer : C'est parce que la vie est moins chère à la campagne. C'est la raison pour laquelle même les citadins pauvres viennent vivre en zone rurale. En plus, beaucoup de retraités viennent vivre dans leurs chalets. Ce pourrait être une explication. Des gens nous ont dit qu'ils avaient quitté la ville pour habiter à Gracefield, par exemple, parce qu'il semblait que la vie était moins chère ou qu'ils avaient un meilleur accès aux services de santé ou à l'aide sociale.

Le sénateur Harb : Y a-t-il un mouvement de population des villages vers les villes? Si nous ne tenons pas compte de ces gens, y a-t-il un exode dans cette région?

M. Behrer : Les jeunes partent à la recherche de travail. Un professeur nous a dit que durant les 15 prochaines années, un million de baby-boomers quitteront Montréal et achèteront des chalets.

M. McGregor : Permettez-moi d'ajouter aux propos de Dominique qu'il y a un exode des jeunes et une immigration des enfants de l'après-guerre. Je ne pense que cela a fait l'objet d'une étude. Quel est l'écart? Comment la situation actuelle se compare-t-elle à d'autres situations?

Honorables sénateurs, beaucoup d'entre vous vont prendre leur retraire. Vous faites partie de la génération des baby-boomers. Vous avez de l'argent et vous allez soit rester dans un centre urbain soit déménager dans un chalet où vous avez toujours voulu vivre.

Que proposez-vous? Vous proposez le REER et tout le reste avec. Mais tout ce que nous voyons dans les zones rurales, ce sont les jeunes qui partent pour suivre une formation de plus. Que gagne-t-on? J'ignore à la fois la différence et son ampleur. Sont-elles négligeables ou considérables?

Statistique Canada essaie d'étudier la situation des Autochtones, de mesurer les statistiques relatives aux Autochtones. Ce qui fait rire ici, c'est que Statistique Canada présente toujours ses statistiques au mauvais moment. Vous ratez les tournois de hockey et les pow-wows. C'est lors de ces manifestations qu'il y a le plus de monde. C'est une vieille blague. Mais vous devez penser au temps que vous mesurez.

[Français]

M. Fortin : Il y a dix ans, Maniwaki avait une population d'au-dessus de 6 000 personnes. Aujourd'hui, on est environ 4 000 personnes. Donc, il y a effectivement une migration.

[Traduction]

M. Drury : Je suis originaire de la région sud où la situation est tout à fait le contraire. Les gens quittent la ville pour vivre à la campagne, pas pour y travailler ou développer quoi que ce soit, seulement pour vivre dans un bel endroit.

La présidente : Merci à tous. C'est une excellente façon de terminer la journée.

Fred, je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet des pow-wows. Je suis originaire du sud-ouest de l'Alberta, tout près du Traité no 7, entouré par le Traité no 7, et je suis chef honoraire de la tribu Blood. Je fais le souhait que davantage de citoyens canadiens puissent connaître ces aspects de la culture et l'enthousiasme de la population des réserves. C'est quelque chose de merveilleux.

M. McGregor : Je voudrais ajouter quelque chose à ce qu'a dit M. Fortin, je pense qu'il y a la question du tourisme. Les gens y pensent dans les zones rurales, surtout dans la région de Maniwaki. Tout le monde sait que l'industrie forestière est en déclin et nous ne savons pas combien de temps elle durera. Nous avons des manifestations touristiques, par exemple le pow-wow et les épreuves nautiques au mois d'août. Les gens affluent dans notre ville et dans les zones avoisinantes pour assister au pow-wow. Nous devrions travailler ensemble pour voir quelles sont les possibilités dans ce domaine.

Les gens des zones rurales veulent être autosuffisants. La question est de savoir comment y arriver. Je l'ignore et je pense qu'on devrait étudier sérieusement cette question. Le rapport n'en fait pas mention. Je pense qu'il est superficiel, car il ne mentionne pas beaucoup d'économies parallèles.

L'économie parallèle est aussi une autre vieille blague dans notre région. Quand ils déboisent et qu'ils ne replantent pas immédiatement, les cultivateurs de marijuana en profitent pour planter quelque chose d'autre. Ce genre d'économie parallèle existe avec tous les problèmes qu'elle entraîne. Le système juridique est surchargé. Le racisme est présent parce que la police fait face à des cultures différentes. Le monsieur ici présent a fait allusion à une police, une province, un pays. Ce n'est malheureusement pas la réalité.

Darlene Lannigan a mentionné la grande bagarre. La petite localité de Maniwaki qui compte à peine 6 000 habitants a fait l'objet d'un reportage de Global Television à cause de l'affrontement qui y a eu lieu. La bagarre était reliée à la drogue, mais aussi au racisme et à d'autres choses. C'est triste, mais cette situation n'existe pas seulement à Maniwaki. Je pense que c'est le cas dans les zones rurales du Québec, de l'Ontario et du Canada et c'est un grave problème.

La présidente : Je suis d'accord avec ce que vous dites. Je dois souligner que le rapport que vous lisez est à peine une ébauche. Nous avions regroupé des sujets soulevés dans d'autres audiences. Nous avions décidé que nous devions faire plus et avons commencé par inclure des idées dans ce rapport afin de jeter les bases pour la tournée que nous sommes sur le point d'achever. Nous visitons toutes les provinces, et plus tard les territoires, du Canada pour entendre sur le terrain, et pas seulement dans les édifices d'Ottawa, ce que les citoyens canadiens ont à dire.

Vous nous avez dit beaucoup de choses importantes aujourd'hui. Merci d'être venus et d'avoir été patients. Mais, nous vous remercions surtout de ne pas avoir baissé les bras parce que, de notre côté, nous ferons notre possible pour présenter quelque chose qui incitera non seulement un gouvernement, mais tous les paliers de gouvernements et tous les citoyens canadiens à comprendre que notre secteur agricole, nos cultivateurs, leurs familles et les petites localités qui s'agrandissent grâce à notre communauté agricole ne peuvent pas être relégués aux oubliettes.

Nous espérons que notre rapport final qui sera peut-être publié à la fin de l'année aura une influence, du moins au niveau fédéral. Vous serez certainement mentionnés dans le rapport. Je remercie tout le monde.

La séance est levée.


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