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AGFO - Comité permanent

Agriculture et forêts


Comprendre l’exode : 
lutte contre la pauvreté rurale

Rapport intérimaire
du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts

L’honorable Joyce Fairbairn, C.P., présidente
L’honorable Leonard J. Gustafson, vice-président

Décembre 2006


 


 

 

MEMBRES

ORDRE DE RENVOI

SOMMAIRE EXÉCUTIF

CHAPITRE 1 : INTRODUCTION.. 1

Mandat du Comité. 2

Annexe. 4

CHAPITRE 2 : DÉFINITION DE LA PAUVRETÉ RURALE.. 5

Définitions de « rural ». 5

Définitions de la pauvreté. 8

L’approche du comité. 14

Conclusion : quelques preuves statistiques. 15

CHAPITRE 3 : LES TENDANCES QUI FAÇONNENT LE
CANADA RURAL.. 23

Population et démographie. 23

L’économie rurale. 29

Transport et communications. 32

Coûts du transport et des communications. 33

Conclusion. 34

CHAPITRE 4 : LES DIFFICULTÉS DES PAUVRES DANS LE
CANADA RURAL.. 37

Transports ruraux et routes rurales. 37

Santé rurale et accès aux soins. 39

Niveau d’instruction et analphabétisme dans les régions rurales. 43

Services publics et privés. 44

Problèmes d’emploi46

Immigration. 47

Enjeux hommes-femmes dans le Canada rural48

L’économie informelle. 50

Faiblesse des revenus agricoles et ses conséquences. 52

Les difficultés dans le secteur forestier. 55

Conclusion. 56

CHAPITRE 5 : LES MOYENS DE VENIR EN AIDE AUX
RURAUX PAUVRES. 59

Historique : De la l’ARDA à l’Aide au développement des
collectivités et à la Nouvelle économie rurale. 60

Développement économique rural63

Politique en matière de revenu. 68

Éducation. 70

Autres possibilités d’intervention. 71

Conclusion. 74

CHAPITRE 6 : CONCLUSION.. 77

ANNEXE A : GLOSSAIRE

ANNEXE B : TÉMOINS ENTENDUS

 

 


MEMBRES

L’honorable Joyce Fairbairn, P.C., Président du comité
L’honorable Leonard J. Gustafson, vice-président du comité

Les honorables sénateurs :

Catherine S. Callbeck

Ione Christensen

Frank W. Mahovlich

Terry M. Mercer

Grant Mitchell

Donald H. Oliver

Robert W. Peterson

Hugh Segal

David Tkachuk

Membres d’office du comité :

L’honorable Daniel Hays (ou Joan Fraser) et Marjory LeBreton (ou Gerald Comeau)

En outre, les honorables sénateurs Cordy, Downe, Kenny, Meighen, Merchant et Milne ont été membres du comité durant cette étude spéciale pendant la 1re session du 39Parlement.


 

 

ORDRE DE RENVOI

 

Extrait des Journaux du Sénat du mardi 16 mai 2006 :

L'honorable sénateur Segal propose, appuyé par l'honorable sénateur Di Nino,

Que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts soit autorisé à examiner, en vue d'en faire rapport, la pauvreté rurale au Canada. En particulier, le Comité sera autorisé à :

a) examiner l'étendue et l'importance de la pauvreté rurale au Canada;

b) évaluer la situation relative du Canada à ce chapitre par rapport à d'autres pays de l'OCDE;

c) examiner les principales causes de la diminution des débouchés pour les Canadiens vivant en milieu rural;

d) recommander des mesures en vue de réduire la pauvreté rurale et d'élargir les débouchés pour les Canadiens vivant en milieu rural;

Que le Comité remette son rapport final au plus tard le 30 avril 2007.

Après débat,

La motion, mise aux voix, est adoptée.

Le greffier du Sénat,
Paul C. Bélisle


 

SOMMAIRE EXÉCUTIF

À bien des égards, les pauvres vivant en milieu rural sont invisibles.

Ils ne tendent pas la main. Ils ne se regroupent pas dans les centres-villes.  Ils font rarement la queue devant les refuges pour sans-abri pour la simple raison que, sauf quelques rares exceptions, il n’existe pas de telles installations en milieu rural.  Ils se rendent rarement au bureau local de l’assurance-emploi parce que ce bureau « local » n’est plus exactement local.  Ils se plaignent rarement de leur sort parce que ce n’est pas comme cela que l’on agit, au Canada rural. 

Les pauvres des régions rurales sont rarement l’objet de recherches.  À quelques exceptions près, les milieux universitaires et les groupes d’action se préoccupent d’étudier et de mettre en évidence le sort des pauvres des villes. 

Les pauvres vivant en milieu rural au Canada attirent rarement l’attention des politiques.  À la connaissance du Comité, aucun autre comité parlementaire fédéral n’a consacré un rapport entier exclusivement à la pauvreté rurale, bien que la pauvreté rurale ait été abordée dans certaines études sur la pauvreté, notamment par le Comité spécial du Sénat sur la pauvreté de 1971 (le rapport du Comité Croll). 

Certains disent que les pauvres vivant en milieu rural sont invisibles parce qu’ils ne sont pas vraiment très pauvres : très peu de pauvres en milieu rural manquent de nourriture, encore moins sont sans abri, et plusieurs jouissent d’un accès à la nature et d’une structure sociale « tissée serrée » qu’on retrouve souvent dans les communautés rurales.

L’intérêt du Comité pour l’étude de la pauvreté rurale découle de sa préoccupation à l'égard de ce qu’il est convenu d’appeler la crise du revenu agricole.  La faiblesse des revenus agricoles est un problème durable, mais la situation est devenue plus préoccupante ces derniers temps.  Au cours des dernières années, le secteur agricole a dû affronter plusieurs événements désastreux comme la fermeture de la frontière américaine, après la découverte de cas de maladie de la vache folle, l’élimination de poulets entraînée par la grippe aviaire, les sécheresses dans certaines régions des provinces des Prairies, le renforcement du dollar canadien et la stagnation ou la chute des prix de nombreuses denrées. 

Bien sûr, le Comité reconnaît que la pauvreté rurale va au-delà de la pauvreté agricole car, dans des provinces comme Terre-Neuve et Labrador, pour ne nommer que celle-là, l’agriculture ne représente qu’une petite partie de l’économie rurale.  Et même dans des provinces où l’agriculture est forte, par exemple l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, de grands pans de l’économie rurale sont dominés par l’exploitation forestière, pétrolière, gazière et minière, l’activité manufacturière et le secteur tertiaire.

S’appuyant sur ces faits, le 16 mai 2006, le Comité a été autorisé par le Sénat à étudier la pauvreté rurale sous toutes ses facettes.  Le présent rapport est le fruit du travail qu’il a abattu jusqu’à maintenant et des observations et suggestions éclairées de décideurs, activistes et universitaires qui ont consacré leurs carrières à l’étude de la pauvreté, du Canada rural et parfois des deux.

Dans notre premier chapitre, nous exposons les problèmes à peu près comme nous le faisons ici, c'est-à-dire en essayant de restituer de façon concise et intuitive l’essence des débats que la pauvreté rurale alimente actuellement.  Nous décrivons aussi de façon assez détaillée la portée de notre étude et le projet que nous formons de nous rendre dans les collectivités rurales pour entendre de leur bouche même ce que les premiers intéressés pensent de tout cela.  Les déplacements que nous envisageons expliquent pourquoi nous ne faisons pas de recommandation formelle dans le présent rapport intérimaire — le Comité a toujours cru important de parler à ceux et celles qui vivent la vie rurale dans ses moindres détails au jour le jour, et non seulement aux spécialistes.  

Au chapitre 2, nous entrons un peu plus profondément dans le sujet en revoyant certains des débats cruciaux qu’ont suscités les différentes définitions des termes « rural » et « pauvreté ».  Bien que forcément intimidant à cause de la profusion de détails techniques et constitutifs de ces réalités qu’il renferme, ce chapitre est également très important pour comprendre les débats sur la pauvreté rurale.  Ayant pesé les points forts et les faiblesses des diverses définitions de ces deux mots, le Comité opte pour une approche pragmatique qui contourne ces débats en centrant son travail sur le point de départ fondamental de son étude, à savoir qu’un pauvre est un pauvre de trop. 

Sur bien des plans, le problème de la pauvreté rurale découle d’un autre problème plus vaste : le déclin économique et démographique relatif du Canada rural.  Au chapitre 3, nous décrivons les trois grands tendances qui ont façonné ce Canada jusqu’ici et qui lui donneront vraisemblablement le visage qu’il aura à l’avenir, à savoir la stagnation ou la diminution de la population rurale, qui vieillit comme celle des autres régions; le remplacement de la main-d’œuvre par le capital dans le secteur primaire, qui a toujours été important pour le Canada rural; et le fait que l’avantage de la chute des prix du transport des marchandises a été annulé par une montée équivalente des prix du transport des passagers.  Même si le Canada rural n’est pas un tout monolithique et a son lot de réussites, ces tendances peuvent parfois aboutir à un cercle vicieux, comme la figure qui suit l’illustre bien.

Figure 3-4 : Le cercle vicieux du déclin des régions rurales (OCDE)



Source: Organisation de coopération et de développement économiques, Le nouveau paradigme rural : politiques et gouvernance, 2006, p.32.

Au chapitre 4, nous décrivons en détails certaines des nombreuses difficultés qu’éprouvent les pauvres des régions rurales, en commençant par le fait que s’ils ressemblent en tous points à ceux des régions urbaines — on trouve là aussi un nombre disproportionné de mère célibataires, d’Autochtones et de personnes peu instruites, âgées, handicapées ou sans emploi —, ils ne vivent pas du tout la pauvreté de la même façon que ceux des villes.  Cette différence est le plus souvent attribuable à des problèmes liés au transport : en région rurale, il faut couvrir de plus grandes distances pour voir un médecin, demander des prestations de bien-être social, s’instruire, acheter des légumes frais ou même participer simplement à la vie de la collectivité. En fin de compte, être pauvre dans le Canada rural ne signifie pas simplement ne pas avoir le nécessaire. Cela signifie aussi devoir se parcourir de grandes distances pour se le procurer.

Au chapitre 5, nous décrivons certaines suggestions qui, de l’avis de nos témoins, pourraient mettre un terme à la pauvreté rurale et, plus généralement, au déclin économique des régions rurales.  Elles vont de la politique du laissez-faire — fondée sur la croyance que malgré les meilleures intentions, les tentatives faites pour aider les pauvres vont probablement avoir des conséquences néfastes — aux idées activistes, comme celle d’un revenu annuel garanti.  Toutefois, les solutions que nous proposons dans ce chapitre découlent pour la plupart de la conviction que les gouvernements fédéral (et provinciaux) doivent soutenir — et non dicter, comme ils l’ont fait jusqu’ici — les stratégies d’aide aux Canadiens des régions rurales.  On trouve une bonne description de cette philosophie dans ce qu’il est maintenant convenu d’appeler le « nouveau paradigme rural » ou la « nouvelle économie rurale », c'est-à-dire un système de nature à mettre à profit des actifs et des talents latents du Canada rural qui ne sautent peut-être pas toujours aux yeux.

Enfin, dans notre conclusion, nous réitérons l’objectif que nous visions avant tout autre en rédigeant le présent rapport et qui consiste simplement à commencer à donner la parole aux Canadiens des régions rurales et plus particulièrement à ceux qui sont pauvres, à leur donner un peu plus de visibilité.  Le présent rapport intérimaire sonnera, espérons-nous, le début d’un dialogue dans lequel notre but primordial est évidemment d’écouter, d’apprendre et de faire avancer cette cause en formulant des recommandations pertinentes.  Pour reprendre les sages paroles d’un de nos témoins, combattre la pauvreté rurale et les disparités que subissent les Canadiens des régions rurales va de soi du seul fait de leur citoyenneté canadienne, et nous devons faire en sorte de pouvoir répondre par l’affirmative à la question : « Les Canadiens des régions rurales sont-ils égaux à ceux des autres régions ou sont-ils des citoyens de second ordre? »

 


CHAPITRE 1 : INTRODUCTION

L’autre différence culturelle vient des idées bien ancrées au sujet de l’autosuffisance dans les régions rurales. Selon moi, c’est l’une des raisons pour lesquelles la pauvreté est si peu visible à la campagne. Les principes liés à l’autosuffisance sont très importants pour les gens et en particulier les hommes qui pratiquent l’agriculture. —Diane Martz, chef de groupe de recherche, Le centre d'excellence pour la santé des femmes — région des prairies, témoignage, 23 novembre 2006

À bien des égards, les pauvres vivant en milieu rural sont invisibles.

Ils ne tendent pas la main. Ils ne se regroupent pas dans les centres-villes. Ils font rarement la queue devant les refuges pour sans-abri pour la simple raison que, sauf quelques rares exceptions, il n’existe pas de telles installations en milieu rural. Ils se rendent rarement au bureau local de l’assurance-emploi parce que ce bureau « local » n’est plus exactement local. Ils se plaignent rarement de leur sort parce que ce n’est pas comme cela que l’on agit, au Canada rural. 

Les pauvres des régions rurales sont rarement l’objet de recherches. À quelques exceptions près, les milieux universitaires et les groupes d’action se préoccupent d’étudier et de mettre en évidence le sort des pauvres des villes. 

Les pauvres vivant en milieu rural au Canada attirent rarement l’attention des politiques. À la connaissance du Comité, aucun autre comité parlementaire fédéral n’a consacré un rapport entier exclusivement à la pauvreté rurale, bien que la pauvreté rurale ait été abordée dans certaines études sur la pauvreté, notamment par le Comité spécial du Sénat sur la pauvreté de 1971 (le rapport du Comité Croll). 

Certains disent que les pauvres vivant en milieu rural sont invisibles parce qu’ils ne sont pas vraiment très pauvres : très peu de pauvres en milieu rural manquent de nourriture, encore moins sont sans abri, et plusieurs jouissent d’un accès à la nature et d’une structure sociale « tissée serrée » qu’on retrouve souvent dans les communautés rurales. 

Le Comité a appris qu’il existait une double réalité. Selon deux mesures statistiques que nous analysons au chapitre 2, le taux de pauvreté est plus élevé dans les régions rurales que dans les villes; mais il est beaucoup plus faible selon une troisième mesure statistique. L’inégalité de revenu dans les régions rurales est beaucoup moins prononcée qu’en milieu urbain, mais c’est un fait indéniable que les revenus en milieu rural sont beaucoup moins élevés que dans les villes. Enfin, bien que les coûts de transport et de nourriture soient souvent plus élevés en milieu rural, les coûts de logements sont souvent inférieurs.

Cela dit, il est difficile méconnaître l’un des signes les plus sans équivoque dans les régions rurales, à avoir le fait que la population rurale du Canada diminue, une tendance relativement nouvelle liée à l’émigration et, ultimement, au manque de possibilités économiques dans le Canada rural. En d’autres mots, la pauvreté rurale peut paraître inoffensive parce que beaucoup de pauvres des régions rurales se rendent dans les villes, à la recherche de possibilités économiques.

Mandat du Comité

L’intérêt du Comité pour l’étude de la pauvreté rurale découle de sa préoccupation pour ce qu’il est convenu d’appeler la crise du revenu agricole. La faiblesse des revenus agricoles est un problème durable, mais la situation est devenue plus préoccupante ces derniers temps. Au cours des dernières années, le secteur agricole a dû affronter plusieurs événements désastreux comme la fermeture de la frontière américaine, après la découverte de cas de maladie de la vache folle, l’élimination de poulets entraînée par la grippe aviaire, les sécheresses dans certaines régions des provinces des Prairies, le renforcement du dollar canadien et la stagnation ou la chute des prix de nombreuses denrées. 

Il importe également de se rappeler que, à l’échelon fédéral, la politique rurale est l’apanage du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire qui abrite le Secrétariat rural, entité qui vise à sensibiliser les gens aux préoccupations des Canadiens vivant en milieu rural et à encourager les ministères et organismes fédéraux à utiliser la « lentille rurale » quand ils élaborent des politiques, des programmes ou des services nouveaux.

Cela dit, le Comité reconnaît que la pauvreté rurale va au-delà de la pauvreté agricole car, dans des provinces comme Terre-Neuve et Labrador, pour ne nommer que celle-là, l’agriculture ne représente qu’une petite partie de l’économie rurale. Et même dans des provinces où l’agriculture est forte, par exemple l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba, de grands pans de l’économie rurale sont dominés par l’exploitation forestière, pétrolière, gazière et minière, l’activité manufacturière et le secteur tertiaire. S’appuyant sur ces faits, le 16 mai 2006, le Comité a été autorisé par le Sénat à

a)      examiner l'étendue et l'importance de la pauvreté rurale au Canada;

b)      évaluer la situation relative du Canada à ce chapitre par rapport à d'autres pays de l'OCDE;

c)      examiner les principales causes de la diminution des débouchés pour les Canadiens vivant en milieu rural;

d)     recommander des mesures en vue de réduire la pauvreté rurale et d'élargir les débouchés pour les Canadiens vivant en milieu rural.

Au début de l’automne 2006, le Comité a consulté des universitaires, des hauts fonctionnaires et des organismes communautaires afin de comprendre les causes, les conséquences et la nature de la pauvreté rurale, afin de se préparer à se rendre dans des collectivités rurales, à l’hiver 2007. Le Comité a puisé dans une communauté très volontaire de chercheurs et d’analystes bien au fait des (peu nombreuses) études disponibles sur la pauvreté rurale. Bon nombre de ces chercheurs ont consacré toute leur carrière à l’étude du Canada rural et proposent des moyens de mettre à profit les forces et les talents des citoyens qui vivent en milieu rural, y compris les pauvres. 

Le Comité applaudit à cette démarche car, fort de ses voyages et de son expérience, il sait que le Canada rural recèle une somme considérable de talents, malheureusement souvent méconnus. Donc, le présent rapport porte sur un sujet qui est, à l’occasion, forcément décourageant et déprimant, mais le Comité insiste d’emblée sur la capacité de rebondir et l’attitude positive et constructive qui caractérisent toujours le Canada rural, même si parfois ces qualités semblent difficiles à percevoir. Le Comité est tout à fait convaincu que le Canada rural ne doit pas être abandonné ni laissé de côté pour la simple raison qu’il ne possède pas l’énergie des régions urbaines.

Annexe

C’est parce que le Comité s’est donné un mandat ambitieux qu’il a choisi de fractionner son étude en deux parties. Le présent rapport intérimaire définit des termes comme « rural » et « pauvreté » avant d’analyser quelques enjeux et questions stratégiques soulevés par des témoins. Ce rapport ne formule pas de recommandations en tant que telles parce que le Comité ne souhaite pas compromettre l’intégrité des réunions qu’il entend tenir avec des habitants des régions rurales de tout le Canada au cours de l’hiver et du printemps 2007. Le rapport intérimaire se veut un document de réflexion destiné à éclairer et à façonner les réunions avec des Canadiens des régions rurales; le rapport final, qui comportera des recommandations, sera produit au cours de 2007. 

La portée large de l’étude explique par ailleurs la décision de laisser de côté les questions relatives à la pauvreté rurale des Autochtones. Nous reconnaissons que la pauvreté est un problème très sérieux pour les Autochtones, mais, pour analyser le problème de la pauvreté rurale de ces collectivités, il faut utiliser un ensemble d’outils stratégiques (et statistiques) tout à fait différents des moyens que nous prenons pour examiner la pauvreté rurale dans le reste de la population. À cet égard, il fait plaisir au Comité de noter que le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones achève une étude de deux ans sur le développement économique des Autochtones, sujet évidemment très lié à la pauvreté des Autochtones. Le Comité est certain que cette étude accomplira le travail approfondi et respectueux que mérite le sujet.


CHAPITRE 2 : DÉFINITION DE LA PAUVRETÉ RURALE

J’ai commencé (ma recherche) en essayant de définir la pauvreté rurale, et cela aussi a  été une expérience quelque peu difficile. J’en suis venu à la conclusion que les personnes évaluent leur place au sein de la société dans laquelle elles vivent et suivant qu’elles disposent ou non des ressources suffisantes pour répondre aux besoins minimums de la vie compte tenu de l’ensemble des normes et des valeurs sociales de la société à laquelle elles appartiennent. La pauvreté est un concept contesté et il ne s’agit pas d’une variable absolue selon moi. Elle est définie par la société et elle est dictée par elle. —Donald Reid, professeur, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph, témoignage, 21 novembre 2006

Toute étude portant sur la pauvreté rurale fait ainsi face à deux défis immédiats, à savoir définir ce qu’on entend par les termes « rural » et « pauvreté ». Ces défis sémantiques se posent parce que les définitions fonctionnent comme des lentilles: elles dictent ce que nous voyons et ce que nous voulons dire lorsque nous employons des termes comme « rural » et « pauvreté ». Elles façonnent aussi immanquablement l’intervention stratégique appropriée.

Le Comité est tout à fait conscient du fait que ces questions sémantiques pourraient facilement faire l’objet d’un rapport complet. Elles ont certainement rempli de nombreux volumes et alimenté des carrières universitaires. Ceci dit, l’analyse du Comité sera brève, mettant l’accent uniquement sur les principaux enjeux relatifs aux diverses approches suivies pour la définition des termes utilisés.

Définitions de « rural »

Le terme « rural » semble plutôt simple. Dans l’usage quotidien, il fait surgir à l’esprit des images d’endroits situés n’importe où en dehors d’une grande ville : des petites villes blotties dans les paysages vallonnés du sud du Québec; des villages entourés d’immenses étendues de blé, d’orge et de canola dans les Prairies; des collectivités perchées sur des rochers dénudés dans les provinces Atlantique; ou des villes de compagnie entourées de lacs, de rochers et d’arbres dans les zones nordiques de nombreuses provinces et des territoires.

Pour les universitaires, les statisticiens et les décideurs, ce type de concept impressionniste ne se prête pas comme tel à une analyse empirique. Pour dépeindre le Canada rural au moyen de chiffres, de tableaux, de graphiques et de cartes, ils doivent utiliser des définitions quantifiables plus précises. Il existe trois grandes façons de définir ce qu’on entend par le terme « rural ». Le terme rural peut être défini de manière fonctionnelle d’après le degré d’intégration d’un secteur dans le marché du travail urbain, de manière descriptive d’après la densité démographique ou de manière sociologique suivant les attributs culturels communs ou les communautés d’intérêts. 

Au Canada, la démarche fonctionnelle correspond à la définition du terme « régions rurales et petites villes » (RRPV) de Statistique Canada, suivant laquelle le terme « rural » s’applique à toute collectivité ou lieu comptant moins de 10 000 personnes et dont moins de la moitié de la population fait la navette pour travailler en milieu urbain. Le principal avantage de la définition des RRPV tient au fait qu’elle tend à attirer l’attention sur les collectivités ayant moins de liens avec les centres urbains, le type d’endroits qui surgissent peut-être plus facilement à l’esprit de la plupart des gens lorsqu’on pense au mot « rural ». Par ailleurs, la définition des RRPV n’est peut-être pas très utile lorsqu’il s’agit de comprendre les difficultés des personnes qui se considèrent comme des résidents ruraux et qui, en raison de l’urbanisation envahissante, se trouvent aux prises avec des hausses marquées du prix de l’immobilier, une augmentation de la circulation et de la pollution, la disparition des terres agricoles ou, plus généralement, la perte de leur mode de vie rural. 

La méthode descriptive correspond à la définition du terme « essentiellement rural » utilisé par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE). Suivant cette approche, une région est définie comme étant « rurale » lorsque plus de la moitié de la population vit dans des communautés où la densité démographique est inférieure à 150 personnes par kilomètre carré. La définition de l’OCDE comprend les personnes vivant à la campagne, dans les villages et les petites villes à l’intérieur et à l’extérieur de l’aire de migration alternante des grands centres urbains. L’approche de l’OCDE offre deux avantages principaux. Premièrement, elle est facilement utilisable pour les comparaisons entre les pays et, deuxièmement, elle tend à être plus englobante que la définition des régions rurales et des petites villes de Statistique Canada[1], ce qui signifie donc qu’elle convient mieux pour décrire les préoccupations précises des résidents ruraux qui demeurent près des centres urbains. Cependant, la définition de l’OCDE comporte un grand handicap : elle inclut dans la catégorie « région essentiellement rurale » des zones que beaucoup considéreraient comme étant urbaines. Par exemple, suivant la définition de l’OCDE, l’Île-du-Prince-Édouard au complet, y compris Charlottetown, qui avait une population de 32 245 personnes en 2001 – est considérée comme étant « essentiellement rurale ». Ceci est peut-être vrai du point de vue international, mais c’est difficilement le cas pour les résidents de l’Î.-P.-É.

Quant à la définition sociologique, il peut s’agir par exemple d’une enquête sur la situation des personnes qui se décrivent elles-mêmes comme étant « rurales » même si elles correspondent à l’une ou l’autre des définitions, soit « RRPV » ou « région essentiellement rurale», aux deux définitions ou bien ni à l’une ni à l’autre. Par ailleurs, la définition sociologique peut souffrir d’un manque de précision et de transférabilité (vers d’autres aires de compétence). 

Définitions de la pauvreté

Permettez-moi de vous raconter l’histoire de la mère d’un garçon qui était dans la classe de mon fils. Nous nous rencontrions à l’école, le matin, au terrain de jeu. Nous avions par hasard le même médecin. Nous nous rencontrions au cabinet de ce médecin. En fait, nous avions le même dentiste et nous nous rencontrions aussi chez le dentiste. Puis, un jour, j’ai conduit un voisin à la banque d’alimentaire pour qu’il aille y chercher de la nourriture et j’y ai rencontré cette mère. J’ai mis beaucoup de temps à attirer son attention, et, la première chose qu’elle m’a dite, c’est « Je déteste devoir venir ici. » J’ai pensé, attends une seconde; nos deux enfants sont autorisés à aller à l’école, et aucune de nous deux n’a honte de devoir aller à l’école et d’y rencontrer l’autre. Nos deux enfants ont le droit de recevoir des soins de santé; nous n’avons pas honte lorsque nous nous rencontrons chez le médecin. Pourquoi l’une de nous devrait-elle avoir honte parce qu’elle doit aller chercher de la nourriture pour ses enfants? — Greg deGroot-Maggetti, analyste des politiques socio-économiques pour Citizens for Public Justice, témoignage, 28 novembre 2006

Le Canada, comme la plupart des autres pays mais contrairement aux États Unis, n’a pas un « seuil de pauvreté » officiel. Ceci dit, la question de la définition se pose à nouveau : « Que signifie être pauvre au Canada? »  Suivant la définition du petit Robert, on entend par pauvreté :

L’état d’une personne qui manque de moyens matériels, d’argent : insuffisance de ressources Þ besoin, dénuement, gêne, indigence, nécessité, paupérisme, privation... misère. Insuffisance matérielle ou morale. 

Cette entrée illustre les deux principales façons de définir et, par conséquent, de comprendre la pauvreté. D’une part, on trouve les concepts absolus, mettant l’accent sur l’incapacité d’une personne d’obtenir ce qui est nécessaire à sa survie (nécessité, privation). D’autre part, il y a les concepts relativistes, c’est-à-dire que l’accent est placé sur la situation pénible de la personne par rapport à la norme sociale (paupérisme, misère, gêne). 

Étant donné le vaste champ d’interprétation du terme, la question consiste alors à se demander quelle définition correspond le mieux à la façon dont les gens perçoivent généralement la pauvreté. La réponse semble être : « Cela dépend. » Quant on leur demande de penser à la pauvreté dans les pays en développement, par exemple, la plupart des personnes pensent probablement en termes absolus. Ils voient des ventres gonflés à cause de la faim, des vêtements en haillons, des sans-abri (des camps de réfugiés par exemple) et l’accès inexistant aux formes même les plus fondamentales de soins de santé.

Lorsqu’on leur demande de penser à des personnes pauvres qu’ils connaissaient lorsqu’ils étaient enfants ou qu’ils connaissent peut-être aujourd’hui, la plupart des gens brossent probablement un tableau qui se rapproche davantage de la définition « relativiste » : des personnes qui, bien que correctement vêtues, sont de toute évidence déphasées par rapport aux normes sociales; des personnes qui, bien que correctement logées, habitent dans des appartements délabrés, sans cour arrière et avec seulement les commodités minimales; ou une image plus poignante, celle d’enfants qui n’ont jamais les jouets « à la mode ». Dans son témoignage devant le Comité, Sherrie Tingley, directrice exécutive de l’Organisation nationale anti pauvreté, a pressé le Comité d’adopter l’approche relative qui, selon elle, correspond à la perception de la pauvreté en termes d’exclusion sociale. Pour illustrer son propos, elle a fait part au Comité de certaines des définitions de la pauvreté formulées par un groupe d’élèves de quatrième et cinquième année de North Bay, en Ontario :

La pauvreté, c'est rêver de pouvoir aller chez McDonald; avoir un panier du Père Noël; avoir honte lorsque mon père ne peut pas avoir d'emploi; ne pas acheter de livre à la foire du livre; ne pas pouvoir aller aux fêtes d'anniversaires; entendre ma mère et mon père se disputer pour de l'argent; ne jamais avoir d'animal de compagnie parce que ça coûte trop cher; rêver d'avoir une belle maison; ne pas pouvoir aller en camping; ne pas avoir un hot-dog lors d'une journée du hot-dog; ne pas avoir de pizza lors d'une journée de la pizza; ne pas aller à Canada's Wonderland; ne pas pouvoir inviter ses amis à dormir chez soi; faire semblant d'avoir oublié son dîner; avoir peur de dire à sa mère qu'on a besoin de nouvelles chaussures pour le gymnase; se passer parfois de déjeuner; ne pas pouvoir jouer au hockey; parfois c'est très difficile parce que ma mère a peur et se met à pleurer; cacher ses chaussures pour que le professeur ne soit pas contrarié en voyant que je n'ai pas de bottes; ne pas pouvoir aller aux louveteaux ou jouer au soccer; ne pas pouvoir prendre des leçons de natation; ne pas pouvoir prendre des options à l'école, par exemple le ski alpin; ne pas pouvoir se payer des vacances; ne pas avoir de jolies barrettes pour ses cheveux; ne pas avoir sa propre cour; se faire taquiner à cause de ses vêtements; ne pas pouvoir participer aux sorties de l'école. (Témoignage, 28 septembre 2006)

Ces tableaux impressionnistes des définitions de la pauvreté « absolue » et « relative » masquent le fait que la distinction est peut-être trop tranchée. Par exemple, l’économiste et philosophe Amartya Sen, lauréat du prix Nobel, soutient que le terme « pauvreté » possède à la fois une dimension absolue et une dimension relative. Selon Sen,  « l’idée de la pauvreté comporte un noyau absolu irréductible » : à un certain degré, la pauvreté signifie qu’il est important pour chacun d’avoir la capacité absolue de participer à la société. 

M. Christopher Sarlo, professeur d’économie à l’Université Nipissing et attaché de recherche au Fraser Institute, a indiqué au Comité qu’il définissait les seuils de pauvreté en mesurant la consommation minimale (par opposition au revenu) nécessaire pour maintenir le bien-être physique. Ainsi, son approche met l’accent sur le coût des biens essentiels, soit le logement (appartements à loyer modéré), les vêtements et l’alimentation (suffisamment de calories pour ne pas souffrir de la faim).[2] Son approche est « absolue » en ce sens qu’il examine ce qui est « absolument » nécessaire pour assurer le bien-être de base mais conserve néanmoins un élément de relativité du fait qu’elle s’adapte au contexte local et historique, notamment la planification d’un menu suivant les habitudes


alimentaires des Canadiens[3] et l’inclusion d’éléments comme le service téléphonique de base[4]. Pour lui, une famille est pauvre si son revenu avant impôt est insuffisant pour payer son panier de « besoins fondamentaux ». 

Pour leur part, les activistes sociaux et de nombreux chercheurs définissent le volet relatif de la pauvreté d’une façon plus large qui correspond en gros au propos d’Adam Smith, économiste politique du XVIIIe siècle, selon qui la pauvreté est étroitement liée aux notions de stigmate social et de honte. Smith a écrit qu’une personne devrait être considérée comme pauvre si elle n’a pas ce dont « selon la coutume du pays, il est indécent que des personnes honorables, même celles de la classe la plus basse, doivent se passer ». Dans une société riche comme le Canada, pour éviter ce que Smith appelait la honte et ce que les sociologues appellent « l’exclusion sociale », il faut veiller à ce que les gens aient ce qu’il faut pour pouvoir « s’asseoir à table » et participer pleinement à la société. Si « s’asseoir à table » signifie avoir accès à des livres, des journaux, etc., à faire partie des louveteaux ou des scouts ou à posséder une paire de patins à glace, les partisans de cette vision élargie sont d’avis qu’elle devrait se refléter dans la définition et la mesure de la pauvreté. 

Au Canada, la mesure la plus largement utilisée de la pauvreté fondée sur le revenu correspondant généralement à cette approche est la mesure du seuil de faible revenu (SFR) de Statistique Canada. Suivant cette approche, Statistique Canada établit le seuil de faible revenu à 20 points de pourcentage au-dessus de la proportion moyenne du revenu consacrée par le ménage à l’alimentation, au logement et aux vêtements. Si le revenu du ménage est inférieur à ce seuil, Statistique Canada classe celui-ci parmi les ménages « à faible revenu ». En 1992, par exemple, la famille moyenne composée de quatre personnes consacrait 43 p. 100 de son revenu après impôt à l’alimentation, au logement et aux vêtements. Si l’on ajoute 20 points de pourcentage, le SFR après impôt est égal à 63 p. 100 du revenu après impôt qui est consacré à l’alimentation, au logement et aux vêtements. 

Il est important de souligner que Statistique Canada refuse de considérer son seuil de faible revenu (SFR) comme une « mesure de la pauvreté » et affirme plutôt qu’il s’agit d’un outil servant à mesurer la fréquence du faible revenu. Le terme « pauvreté », selon cet organisme, doit être déterminé par la société et non pas par les statisticiens. Les analystes comme Finn Poschmann, directeur de la recherche à l’Institut C.D. Howe, quant à eux, soutiennent que le SFR est, du moins en partie, une mesure déguisée de l’inégalité du revenu. Selon eux, une mesure de la pauvreté claire et nette devrait mettre l’accent sur ce que le ménage consomme réellement (ou a besoin de consommer) plutôt que de qualifier comme « faible » un niveau de revenu déterminé quasi-arbitrairement. Malgré ces mises en garde et ces critiques, le SFR continue de compter parmi les mesures du seuil de pauvreté les plus largement utilisées dans les cercles d’activistes, parmi les décideurs et dans les médias.

En réponse à certaines des critiques faites à l’endroit du seuil de faible revenu, Développement des ressources humaines Canada (DRHC) a créé la « mesure du panier de consommation » (MPC). La MPC est une mesure fondée sur la consommation similaire en principe à l’approche préconisée par Sarlo mais plus complète à deux égards. Premièrement, la MPC définit le pouvoir de dépenser du ménage d’une manière relativement stricte, le revenu utilisable étant égal au revenu total du ménage moins les éléments suivants : l’impôt sur le revenu; les charges sociales; les contributions obligatoires à des postes comme les régimes de pensions de l’employeur, les régimes d’assurance-santé supplémentaires et les cotisations syndicales; les paiements de soutien des enfants et les pensions alimentaires; les menues dépenses pour le soin des enfants; et les dépenses sur ordonnance non remboursées pour les soins non assurés, comme les soins dentaires et ophtalmologiques, les médicaments sur ordonnance et les aides médicales pour les personnes handicapées. 

Deuxièmement, la mesure de la pauvreté fondée sur un panier de consommation comprend  une estimation des coûts d’un éventail de besoins déterminés par la société beaucoup plus large que les besoins fondamentaux inclus dans la mesure de Sarlo. Précisément, la MPC tient compte du coût d’achat d’un panier de biens et services considéré comme représentant la norme de consommation d’une famille de référence composée de deux adultes et de deux enfants dans diverses régions du pays. Cette « norme de consommation » comprend les coûts de l’alimentation, des vêtements, du logement, l’ameublement, le transport, les communications (services téléphoniques) et la lecture (journaux, magazines), les loisirs (activités sportives communautaires par exemple) et les distractions (la location de vidéo, des billets pour des événements sportifs locaux). Si le coût de ce panier de biens est supérieur au revenu utilisable, la famille est considérée comme un ménage « à faible revenu » ou « pauvre ». 

Finalement, Statistique Canada se sert aussi d’une autre mesure de la pauvreté largement utilisée appelée la mesure du faible revenu  (MFR). Suivant cette méthode, le particulier ou la famille est considéré comme étant « à faible revenu » s’il a un revenu inférieur à la moitié du revenu médian individuel ou familial. Statistique Canada calcule les seuils de la MFR pour le revenu marchand (c’est-à-dire excluant les transferts gouvernementaux), le revenu avant impôt et le revenu après impôt, le tout compte tenu de la taille et de la composition de la famille. Cette méthode facilite les comparaisons entre les pays et la MFR est relativement facile à calculer. Par ailleurs, la MFR ne fait pas la distinction entre le coût de la vie en milieu urbain et en région rurale. Les calculs faits au moyen de la MFR peuvent également donner des résultats contre-productifs, pouvant conduire à une situation le taux de pauvreté pourrait diminuer même en plein milieu d’une récession. 

L’approche du comité

Comme le montre cette analyse, différentes définitions mettent l’accent sur différents aspects de la signification des termes « rural » et « pauvreté ». Ceci dit, le Comité est d’accord avec de nombreux témoins qui lui ont proposé d’adopter une approche pragmatique face aux questions sémantiques. Plutôt que d’essayer de déterminer « la » seule meilleure définition des termes « rural » et « pauvreté », le Comité croit qu’il est préférable d’utiliser plutôt des définitions convenant à ses grands objectifs, à savoir mettre en lumière les difficultés des personnes pauvres en milieu rural, qui qu’elles soient et où qu’elles se trouvent, et proposer des solutions stratégiques pour s’attaquer aux caractéristiques spéciales de la pauvreté dans toutes les régions rurales du Canada. 

En ce qui concerne la définition du terme « rural », le Comité est d’accord avec M. Harry Cummings, professeur à l’École de design environnemental et de développement rural de l’Université de Guelph, selon qui « [l]a vie rurale n’est pas une condition absolue, mais un continuum ». (Témoignages, le 31 octobre  2006) La définition des régions rurales et des petites villes établie par Statistique Canada attire l’attention sur les défis spéciaux auxquels font face les personnes vivant dans les régions éloignées des centres urbains, la définition principalement rurale de l’OCDE est utile pour les comparaisons entre les pays tout en fournissant des informations additionnelles sur les résidents ruraux qui se sentent menacés par la prolifération urbaine tandis que la définition sociologique aide à faire voir ce que les citoyens ruraux eux-mêmes pensent du mode de vie rural.

En ce qui concerne la pauvreté, le Comité croit que malgré « un noyau absolu irréductible », la dimension « relativiste » de la pauvreté a une importance cruciale. Ainsi, lorsqu’on examine la pauvreté sous un angle relativiste, on constate que la pauvreté est fonction des besoins matériels changeants et des conventions sociales changeantes quant à ce qui est nécessaire pour éviter la honte sociale et, de là, l’exclusion sociale. 

Le Comité est d’avis que ces deux aspects de la pauvreté sont le mieux pris en compte au moyen de la mesure du panier de consommation offerte par DRHC, mais il croit également que la mesure de faible revenue et le seuil de faible revenue établis suivant l’approche de Sarlo, la MFR et le SFR ont chacun quelque chose d’important à dire. Les estimations faites suivant la méthode de Sarlo nous informent sur les membres les plus démunis de notre société; les estimations du SFR sont utiles parce qu’elles sont les mesures de fait de la pauvreté au Canada et parce qu’elles sont les seules comportant des données rurales exhaustives et facilement accessibles; et finalement, les données de la MFR facilitent les comparaisons entre les pays. 

Conclusion : quelques preuves statistiques

L’importance des définitions ressort peut-être davantage lorsqu’on examine les données obtenues à partir de l’éventail des définitions existantes. D’après les données de 2001, la population rurale du Canada se situe entre environ 6,1 millions de personnes, soit un peu plus de 20 p. 100 de la population totale suivant la définition des régions rurales et petites villes (RRPV) de Statistique Canada, et plus de 9 millions de personnes, soit  30,4 p. 100 de la population totale suivant la définition « région essentiellement rurale » de l’OCDE[5]. En d’autres termes, suivant la définition « région essentiellement rurale », le nombre de ruraux serait 50 p. 100 plus élevé que suivant la définition des RRPV, la plupart d’eux vivant dans les zones urbaines et près de celles-ci.

Pour ce qui est de la pauvreté, ici encore, différentes définitions permettent de brosser différents tableaux.[6] Les définitions de la mesure de faible revenu et de la mesure du panier de consommation, par exemple, montrent des fréquences relativement plus élevées de faible revenu en milieu rural (soit les RRPV) qu’en milieu urbain au Canada. Suivant la méthode de la MFR, le taux de pauvreté[7] au Canada rural en 2002 était de 13,1 p. 100 comparativement à 11,5 p. 100 en milieu urbain; suivant la MPC, le taux de pauvreté[8] au Canada rural en 2002 était de 14,1 p. 100 comparativement à 13,6 p. 100 en milieu urbain. Par ailleurs, suivant les estimations du seuil de faible revenue (SFR), la fréquence du faible revenu au Canada rural était de 6,8 p. 100 en 2002 comparativement à 12,3 p.100 en milieu urbain. 

Historiquement, les données permettent de supposer que la fréquence du faible revenu au Canada rural, soit dans les régions rurales et les petites villes (RRPV), est stable ou diminue lentement depuis le milieu des années 90 sans égard à la mesure utilisée, comme c’est le cas pour le pays dans son ensemble. La figure 2-1 illustre les tendances à long terme mesurées à l’aide du seuil de faible revenue dans les régions rurales et les petites villes (RRPV) au Canada comparativement aux tendances dans le Canada urbain. La figure 2-2 fait de même pour la MFR. Les estimations de la MPC, disponibles uniquement pour 2001, 2002 et 2003, permettent de brosser un tableau similaire. 

Les données sur le revenu de Statistique Canada montrent que les Canadiens ruraux ont tendance à avoir un revenu inférieur à leurs homologues urbains — il y a un écart constant de 10 000 $ (à prix constants) dans le revenu médian des citadins par rapport aux ruraux depuis au moins 1984.[9] Par ailleurs, les statistiques sur l’inégalité du revenu montrent que l’écart entre les particuliers à revenu élevé et ceux à faible revenu au Canada rural est considérablement moins grand que dans les secteurs urbains[10].

En ce qui concerne les familles agricoles, d’après les données d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, la fréquence des ménages à faible revenu dans les collectivités agricoles mesurée au moyen du seuil de faible revenu établi par Statistique Canada tend à diminuer, passant de plus de 10 p. 100 au milieu des années 1980 à 4,5 p. 100 en 2002[11]

Que fait le Comité de ces renseignements? Premièrement, nous devons nous méfier de ce que M. Cummings appelle la « tyrannie des moyennes », soit le fait que les données moyennes globales ont tendance à cacher des nuances sous-jacentes importantes. Les chiffres susmentionnés et illustrés dans les figures 1 et 2 utilisent la définition des RRPV. Si l’on examinait les mêmes données sur la pauvreté en utilisant la définition « région essentiellement rurale », on brosserait probablement un tableau différent parce que celle-ci inclut un nombre beaucoup plus grand de personnes vivant plus près des zones urbaines.

Deuxièmement, les données globales figurant dans les figures 2-1 et 2-2 ne permettent pas vraiment de saisir l’ampleur ni la persistance de la pauvreté. Tant Mark Partridge, professeur adjoint à l’Université de la Saskatchewan, que Ray Bollman, économiste à Statistique Canada, ont montré au Comité une carte qui démontre, entre autres, que de nombreuses collectivités rurales où la fréquence des personnes à faible revenu est élevée ont tendance à demeurer ainsi au fil du temps. La figure 2-3, qui reproduit cette carte, montre aussi comment les collectivités où la fréquence des résidants à faible revenu est constamment moins élevée tendent à être situées dans les environs des centres urbains ou du moins dans les régions les plus densément peuplées du sud de l’Ontario (par exemple). 

 

Troisièmement, les données sur la pauvreté rurale comparées aux données sur la pauvreté urbaine nous renseignent très peu sur le volet « exclusion sociale » de la plupart des définitions de la pauvreté, c’est-à-dire les défis auxquels font face les résidants ruraux pauvres pour participer aux activités communautaires ou avoir accès aux services de santé, d’éducation et autres. La seule mesure qui jette un peu de lumière sur les défis posés par le transport dans le Canada rural, par exemple, est la mesure du panier de consommation de DRHC, qui suppose que les résidants ruraux ont besoin d’un véhicule pour avoir accès aux services et prendre part à la vie de leur collectivité (on suppose que les résidants urbains utilisent le transport en commun). 

La mesure du SFR est particulièrement peu utile à ce chapitre parce que, tandis qu’elle exclut toute prise en compte explicite des coûts du transport, que l’on sait être plus élevés en milieu rural qu’en milieu urbain, elle inclut les estimations du coût du logement qui, comme on le sait, sont inférieurs dans le Canada rural. En conséquence, le SFR après impôt est souvent moins élevé de 10 000 dollars ou plus dans les régions rurales que dans les zones urbaines. Pour sa part, cet élément contribue à la fréquence beaucoup plus faible des ménages à faible revenu (après impôt) en région rurale et parmi les familles agricoles[12]

Quatrièmement et finalement, la tendance apparente vers des taux de pauvreté rurale plus bas et la convergence graduelle des taux de pauvreté rurale et des taux de pauvreté urbaine masquent un autre fait important, à savoir le dépeuplement des régions rurales, que nous analyserons plus en détail au chapitre suivant. Comme Donna Mitchell, directrice générale du Secrétariat rural, l’a signalé : « [l]a pauvreté dans les zones rurales peut engendrer l’exode des personnes et des familles en quête de meilleurs emplois pour échapper à la pauvreté ». (Témoignages, 17 octobre 2006) En d’autres termes, au moins une partie du déclin apparent à long terme de la pauvreté rurale et de la pauvreté des familles agricoles est peut-être attribuable à l’exode rural — les personnes pauvres partent s’installer dans les grandes villes et deviennent des pauvres urbains — plutôt qu’à l’amélioration véritable de la situation des pauvres ruraux.


Cinquièmement, il est également important de garder à l’esprit ce que les données disent vraiment. Par exemple, la figure  2 nous montre que, dans certaines régions du Canada, notamment dans de grandes parties des provinces des Prairies et des provinces Atlantique et dans des secteurs du Québec, de l’Ontario et de la Colombie-Britannique, la pauvreté rurale tend à se maintenir. 

Finalement, il est important de ne pas perdre de vue le fait que, au Canada, selon deux mesures, il y a une plus grande incidence du faible revenu ou de la pauvreté dans les régions rurales qu’en milieu urbain. Même un taux de pauvreté de 6,8 p. 100 (suivant le SFR de 2002) signifie grosso modo qu’environ 415 000 personnes vivent dans la pauvreté dans les régions rurales et les petites villes et que ces personnes, à cause de la pauvreté, pourraient être portées à abandonner complètement la vie rurale, au grand détriment de l’intérêt national. Comme David Bruce, directeur du Programme de recherche sur les localités rurales et les petites villes à l’Université Mount Allison, l’a fait remarquer : « Nous pouvons passer beaucoup de temps à débattre des mérites d’un seuil de revenu jugé approprié, mais quoi qu’il en soit, nous constaterons toujours qu’un cas de pauvreté est un cas de trop. » (Témoignage, 26 octobre 2006)

 


CHAPITRE 3 : LES TENDANCES QUI FAÇONNENT LE CANADA RURAL

 

Je connais quelqu’un qui travaille à plein temps à Mississauga et exploite une ferme à plein temps à Rosther, en Saskatchewan. Il prend l’avion jusqu’à Saskatoon et peut ensemencer un quart de section en une journée environ. Il s’occupe de toutes ses activités agricoles à partir de Mississauga. La technologie lui permet de le faire. Lorsque j’étais agriculteur, je ne pouvais pas faire ça. Mon plus gros outil était un cultivateur de 12 pi. — Kurt Klein, professeur d’économie à l’Université de Lethbridge et agriculteur à temps partiel, témoignages, 30 novembre 2006

Dans le présent chapitre, nous examinons ce que les témoins considèrent comme les trois grandes tendances qui ont façonné le Canada rural et qui sont susceptibles de continuer de le former dans l’avenir, à savoir une population rurale stagnante ou en déclin et une population rurale vieillissante, la substitution de la main-d’œuvre par le capital, dans le secteur primaire traditionnellement important pour le Canada rural, et la diminution des coûts du transport des marchandises accompagnée par une augmentation des coûts du transport de personnes. Ces tendances sont examinées sommairement mais il convient de garder à l’esprit que le Canada rural occupe un environnement économique, social et géographique vaste et diversifié, c’est-à-dire que ces tendances agissent différemment dans différentes régions du pays. 

Population et démographie

Les Canadiens d’aujourd’hui travaillent et habitent en des lieux fort différents des Canadiens de 1867, lorsque le pays fut créé. À cette époque, comme le montre la
Figure
 3-1, environ 80 p. 100 de la population habitait en milieu rural. En 2001, cette proportion globale avait diminué à environ 20 p. 100, soit approximativement 6,1 millions de personnes[13]. Donc, le Canada s’est considérablement urbanisé.

Les chiffres nationaux cachent une variation considérable de la ruralité d’une province et d’un territoire à l’autre. Le Tableau 3-1 indique que, selon la définition de  Régionruraleetpetiteville (RRPV), le Nunavut et les Territoires du Nord-Ouest sont les régions les plus rurales du Canada, suivis par Terre-Neuve et Labrador, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et la Saskatchewan. Selon cette définition, le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique sont les provinces les moins rurales. 


 

Tableau 3-1 – Proportion de la population par rapport à
la population totale des provinces et territoires (2001)

 

Nunavut

100 %

Territoires du Nord-Ouest

56 %

Terre-Neuve et Labrador

53 %

Nouveau-Brunswick

48 %

Île-du-Prince-Édouard

45 %

Saskatchewan

42 %

Nouvelle-Écosse

37 %

Manitoba

33 %

Yukon

25 %

Alberta

25 %

Québec

21 %

Colombie-Britannique

14 %

Ontario

13 %

CANADA

21 %

Source : Agriculture et Agroalimentaire Canada.

Note : L’adjectif rural est entendu selon la définition de Région rurale et petite ville (RRPV).

 

Les données du recensement de 2001 indiquent que la population rurale du Canada ne fait pas que diminuer, par rapport à la population totale; elle diminue également en termes absolus. Entre les recensements de 1996 et 2001, la population rurale du Canada (selon la définition de région rurale et petite ville ou RRPV) a diminué de 0,4 %, un fait sans précédent dans l’histoire récente. Là encore, cette valeur nationale cache d’importantes variations régionales. Au Yukon et à Terre-Neuve et Labrador, la population rurale a diminué de 18,9 % et 10,6 % respectivement, tandis que la population rurale augmentait de 5,5 % en Alberta. À Terre-Neuve-et-Labrador, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et en Saskatchewan, la dépopulation rurale était inscrite dans une baisse plus globale de la population qui a touché la totalité de la province, y compris les zones urbaines.


On a également relevé des variations importantes de la population au sein même des régions rurales. Dans la plupart des provinces, entre 1996 et 2001, les collectivités rurales ayant des liens forts avec des régions métropolitaines (établis d’après la proportion de la population rurale qui se rend travailler en ville) ont vu leur population augmenter et non pas diminuer. Autrement dit, à l’exception de Terre-Neuve et Labrador et du Nouveau-Brunswick, ces régions rurales sont en croissance et non pas en déclin. 

Par contre, entre 1996 et 2001, les taux de croissance de la population rurale ont été faibles ou négatifs dans les collectivités situées plus loin des zones métropolitaines, comme on peut le constater au Tableau 3-2. Ces baisses de population ont surpassé les hausses enregistrées dans les « zones d'influence métropolitaines fortes », ce qui se traduit par une diminution nette de la population rurale, selon la définition de région rurale et petite ville (RRPV).

 

Tableau 3-2 - CANADA – Variation de population entre 1996 et 2001

(en pourcentage)

 

 

 

Région rurale et petite ville (RRPV)

Zone d’influence métropolitaine (ZIM)

 

Villes

RRPV

fortes

 

moyennes

faibles

 

nulles

Total

Terre-Neuve et Labrador

-2,6

-10,6

-10,7

-10,9

-10,0

-11,2

-7,0

Île-du-Prince-Édouard

1,8

-1,0

0,1

-1,2

-2,0

-5,8

0,5

Nouvelle-Écosse

1,2

-2,3

4,9

-2,1

-3,2

-1,3

-0,1

Nouveau-Brunswick

0,3

-2,7

-1,6

-3,5

-2,9

3,0

-1,2

Québec

2,0

-0,8

2,3

-1,3

-4,4

-0,4

1,4

Ontario

6,8

1,5

4,1

-0,1

-2,9

11,6

6,1

Manitoba

0,5

0,5

3,1

1,8

-1,3

1,4

0,5

Saskatchewan

0,6

-3,5

0,8

-2,6

-4,4

-3,5

-1,1

Alberta

12,0

5,5

12,7

5,9

1,8

17,9

10,3

Colombie-Britannique

6,0

-1,1

2,5

0,7

-3,9

1,1

4,9

Yukon

-1,8

-18,9

S/O

S/O

S/O

S/O

S/O

Territoires du Nord-Ouest

-4,2

-7,0

S/O

S/O

S/O

S/O

S/O

Nunavut

S/O

S/O

S/O

S/O

S/O

S/O

S/O

Total

5,2

-0,4

3,7

-0,9

-2,9

1,0

 

Définitions :

o     ZIM forte - Entre 30 % et 49 %de la population active fait la navette pour aller travailler dans le noyau urbanisé d’une grande ville, ex. : Shediac (Nouveau-Brunswick); Garden River (Saskatchewan); Plumpton (Ontario).

o     ZIM moyenne – Entre 5 % et 30 % de la population active fait la navette pour aller travailler dans le noyau urbanisé d’une grande ville, ex. : Lunenburg (Nouvelle-Écosse); Twillingate (Terre-Neuve-et-Labrador); Taber (Alberta)

o     ZIM Faible : Entre 0 % et 5 % de la population active fait la navette pour aller travailler dans le noyau urbanisé d’une grande ville, ex. : Squamish-Lillooet (Colombie-Britannique); Cal-des-Lacs (Québec); Dauphin (Manitoba)

o     ZIM nulle - 0 % de la population active fait la navette pour aller travailler dans le noyau urbanisé d’une grande ville, ex. : Alma (Nouveau-Brunswick); Saint-Alphonse (Québec); Prairiedale (Saskatchewan).

Source : Secrétariat rural/Partenariat rural canadien, Profils ruraux et Statistique Canada

 

Quels facteurs causent ces tendances? L’émigration nette des jeunes de 15 à 24 ans est un facteur prépondérant[14]. Les jeunes quittent les localités rurales pour différentes raisons dont trois sont mentionnées plus que d’autres : le désir de trouver du travail, la poursuite d’études postsecondaires et la recherche d’une gamme plus étendue d’activités sociales et récréatives[15]. Cependant, la décision de rester a ses conséquences, comme l’a dit Donna Mitchell : « Il y avait des jeunes, mais ils finissaient leurs études secondaires et partaient pour ne pas revenir. Ceux qui restaient, étaient, pour reprendre la terminologie employée par les jeunes ruraux canadiens eux- mêmes, des perdants. » (Témoignage, 17 octobre 2006)


Ces départs sont toutefois partiellement annulés par le fait que, dans les régions rurales de toutes les provinces, la population des 25 à 69 ans augmente. Ces gains se produisent principalement dans les régions rurales situées à proximité des villes, par exemple les ZIM fortes mentionnées précédemment. En théorie, l’apport d’immigrants pourrait contribuer à repeupler le Canada rural; mais le fait est que la plupart des immigrants s’installent dans des villes. Selon les statistiques de 2001, les rares immigrants qui s’installent dans des régions rurales choisissent généralement des provinces où les revenus sont plus élevés comme la Colombie-Britannique, l’Ontario et l’Alberta[16] et, à l’instar des Canadiens de naissance, à choisir des collectivités rurales situées près des villes. Les immigrants sont moins susceptibles de résider dans des régions rurales situées dans les provinces atlantiques, au Québec et en Saskatchewan. 

Du point de vue démographique, autant les populations rurales que les populations urbaines donnent des signes de vieillissement, notamment en raison des classes pleines causées par le « baby boom ». Or, cette tendance est compliquée dans les régions rurales par l’émigration susmentionnée des jeunes, le faible apport d’immigrants, de faibles taux de natalité et la tendance croissante qu’ont des gens à prendre leur retraite dans des régions rurales. Par conséquent, le Canada rural compte une proportion plus élevée de personnes âgées que le Canada urbain[17]. Enfin, étant donné que les femmes vivent plus longtemps que les hommes, il est probable que l’on trouve plus de femmes âgées dans les régions rurales que dans les villes, une situation qui s’accentuera probablement avec le temps. 

L’économie rurale

Traditionnellement, l’économie rurale canadienne est dominée par le secteur primaire; de nombreuses collectivités doivent leur existence à des ressources naturelles accessibles et/ou à la fertilité du sol. C’est ainsi que leur sort est lié aux cycles de hausse et de chute des prix des produits et aux fluctuations des taux de change, aux pressions des concurrents à faible prix de revient dans les économies émergentes, aux impératifs des décisions commerciales, aux fermetures de frontière et à la concurrence des importations subventionnées. Dans certains cas, les collectivités rurales doivent en plus composer avec le risque bien réel de l’appauvrissement de la ressource et des problèmes environnementaux, l’effondrement des stocks de morue, sur la côte Est, et l’épuisement des mines en étant deux exemples tristement célèbres.

L’agriculture joue depuis toujours un rôle dominant dans l’économie rurale de nombreuses régions du pays. En 1931, pas moins des deux tiers (67 %) de la population rurale recensée habitaient sur une ferme[18]. En 2001, seulement 11 % de la population se trouvait dans la même situation. De même, la proportion de la population rurale qui pratique la pêche ou l’exploitation forestière ou minière a également diminué[19].

Dans une certaine mesure, ces tendances démographiques résultent d’une autre tendance durable, la substitution de la main-d’œuvre par le capital, phénomène causé par la hausse des coûts de la main-d’œuvre[20], laquelle est elle-même attribuable à une forte demande de main-d’œuvre suscitée par la croissance des secteurs secondaire et tertiaire, dans les villes, mécanisme entraîné par la recherche incessante des gains de productivité et de l’avantage concurrentiel. Pour résumer, le secteur primaire — c’est-à-dire l’agriculture, les mines, l’exploitation forestière et la pêche — peut produire bien plus qu’avant, avec beaucoup moins de main-d’œuvre. Comme le dit David Freshwater, professeur et directeur des Études supérieures en économie agricole à l’Université du Kentucky :

Dans l’industrie des ressources naturelles, la main-d’œuvre a généralement été remplacée par le capital, de sorte qu’un nombre moins grand de travailleurs produisent la même quantité d’extrants. Là encore, un très grand nombre de possibilités d’emplois ont disparu pour les gens qui ont à peine un diplôme d’études secondaires et qui, il y a une quarantaine d’années, auraient probablement pu gagner un revenu confortable mais qui ont aujourd’hui du mal à joindre les deux bouts et à se trouver du travail ailleurs.(Témoignages, 21 novembre 2006)

Aujourd’hui, l’emploi dans le secteur primaire ne représente plus que 15 % de l’emploi rural total (2005)[21]. À l’échelle nationale, l’agriculture primaire ne fournit plus que 8 % des emplois dans les régions rurales (2005). Là encore, on note des variations provinciales importantes. Ainsi, en Saskatchewan, l’agriculture primaire représente environ le quart des emplois ruraux, alors qu’au Manitoba et en Alberta, elle représente respectivement 16,1 % et 12,3 %; pour comparaison, à Terre-Neuve et Labrador, ce secteur ne représente que 1,9 % des emplois (voir le Tableau 3-4). Cela étant dit, l’agriculture canadienne continue de peser lourdement quoique indirectement sur les collectivités rurales, comme acheteur de produits locaux et de produits et services agricoles[22], des données qui ne figurent pas dans les chiffres sur l’emploi.

 

Tableau 3-3 – Emploi dans l’agriculture primaire en tant que pourcentage de l’emploi rural total par province – 2005 (définition de RRPV)

Canada

8,0 %

Terre-Neuve et Labrador

1,9 %

Île-du-Prince-Édouard

8,0 %

Nouvelle-Écosse

3,1 %

Nouveau-Brunswick

3,6 %

Québec

6,4 %

Ontario

5,7 %

Manitoba

16,1 %

Saskatchewan

24,2 %

Alberta

12,3 %

Colombie-Britannique

5,1 %

Source: Statistique Canada, Enquête sur la population active. 

Les industries manufacturières et en particulier celles qui sont étroitement liées à des industries primaires comme les usines de transformation du poisson, les scieries, les usines de pâtes et papiers et les fonderies[23] jouent également un rôle important dans la création d’emplois pour les habitants des régions rurales. Cependant, comme pour le secteur primaire, ces entreprises manufacturières ont elles aussi réagi à l’évolution technologique et économique en augmentant leur productivité grâce à la substitution de la main-d’œuvre par le capital, avec le résultat final que moins de gens produisent davantage de biens et services[24].

Nonobstant ces difficultés, on note au Canada rural des signes très encourageants. Le secteur de la vente au gros et au détail est le plus grand employeur dans les régions rurales (Figure 3-2) mais certains éléments montrent que le secteur manufacturier rural croît non seulement en taille mais aussi en diversité et déborde maintenant du cadre des activités traditionnelles liées à l’extraction des ressources et s’étend dans des domaines plus complexes comme la production automobile[25]. Le Canada rural gagne davantage d’emplois manufacturiers que l’ensemble du pays, et les fabricants sont de plus en plus attirés par l’avantage procuré par les régions rurales en matière de prix[26]. Cet avantage de prix peut être lié à la diminution du coût du transport des marchandises, grâce à laquelle les marchés éloignés sont plus faciles d’accès, et à des progrès dans le domaine des technologies de l’information, qui permettent aux entreprises de demeurer plus facilement en contact avec leurs usines de production situées en régions rurales. Ces aspects sont analysés ci-dessous.

Transport et communications

Les longues distances et la faible densité de population caractérisent le Canada rural. Comme nous le verrons dans ce chapitre, le transport est un élément crucial de toute réflexion sur la politique rurale; la mobilité est indissociable de la vie rurale moderne. 

Jusque vers la fin du XIXe siècle, les peuplements ruraux étaient largement dictés par le moyen de transport prépondérant, en l’occurrence la voiture à cheval[27]. Les villages étaient séparés de quelques kilomètres, en fonction des contraintes de ce moyen de transport. Dans la majorité des cas, la vie sociale et institutionnelle, de même que l’activité économique, était circonscrite aux environs de cette ville. Selon Tony Fuller, professeur de design environnemental et de développement rural à l’Université de Guelph, « C’est l’endroit où l’on rencontrait son futur conjoint, où on allait à l’église et à l’école, et tous les services se trouvaient au même endroit. » (Témoignage, 31 octobre 2006) Bon nombre des petits villages que nous connaissons ont été créés pendant cette période, qualifiée de « société à courte distance » par le professeur Fuller. 

Depuis cette époque, la technologie des transports a complètement modifié cet ordre. Par-dessus tout, l’automobile a exercé une influence décisive sur la manière dont les gens travaillent et vivent en milieu rural. Grâce à l’automobile, les déplacements ne sont plus limités à un seul village et, par conséquent, les services et les installations communautaires sont éparpillés sur un territoire beaucoup plus grand. Comme le souligne le professeur Fuller : « Les déplacements ne se font pas que vers un seul endroit, parce que l’hôpital, l’école, le bureau de l’avocat, la provenderie et le casse-croûte ne se trouvent plus dans un seul et même endroit. L’école d’un jeune enfant peut se trouver à un endroit, et l’école secondaire ailleurs. » (Témoignage, 31 octobre 2006) Le professeur Fuller appelle cette nouvelle manière de vivre à la campagne la « société ouverte ». 

Coûts du transport et des communications

L’automobile a sans doute précipité l’avènement de cette « société ouverte », mais il reste que le processus n’aurait pas été aussi étendu en l’absence de la diminution des coûts du transport[28] et d’une chute marquée du prix et de la disponibilité des technologies de communications (téléphones, radio, télévision, ordinateurs et Internet).

Quand on analyse les tendances à long terme, le coût réel (en dollars indexés) du transport de marchandises, par camion ou par train, a diminué[29]La Figure 3-3 montre que le prix du transport par train baisse continuellement depuis le début des années 1960. En revanche, le coût du transport de personnes augmente; depuis les années 1980 et même les années 1990, les Canadiens qui habitent des régions rurales doivent payer de plus en plus cher pour utiliser leur propre véhicule, prendre le car ou l’autobus ou acheter un billet d’avion[30].

Conclusion

Le Canada rural a changé. Le secteur primaire n’occupe plus la position dominante, la population diminue et vieillit, et le coût du transport des marchandises diminue pendant que le coût du transport de personnes augmente. Dans la société à courte distance, les collectivités rurales offraient toute la gamme de services; dans la société ouverte, elles ont tendance à se spécialiser. 

Dans certains cas, l’effet total de ces tendances est de contribuer à un cycle vicieux, tel qu’illustré dans la Figure 3-4 ci-dessous.

Figure 3-4 : Le cercle vicieux du déclin des régions rurales (OCDE)



Source: Organisation de coopération et de développement économiques,
Le nouveau paradigme rural : politiques et gouvernance, 2006, p.32.

Finalement, le Comité croit que le secteur primaire continuera de jouer un rôle vital au cours des prochaines années, au Canada rural; cependant, il admet que l’économie et que l’emploi en milieu rural sont de plus en plus dépendants d’autres domaines comme la fabrication complexe et les services. Le défi, comme toujours, consistera à apprivoiser ces tendances et à harnacher ces forces pour le bien-être des Canadiens ruraux. 

 


CHAPITRE 4 : LES DIFFICULTÉS DES PAUVRES DANS LE
CANADA RURAL

Si on ne se déplace pas, on n’est pas normal dans la région rurale. —Anthony Fuller, témoignage, 31 octobre 2006

Les ruraux pauvres ne sont pas très différents des urbains pauvres. Comme ces derniers, ils comprennent, en nombre disproportionné, des mères célibataires, des Autochtones, des personnes peu instruites, des aînés, des personnes handicapées et des chômeurs.

Toutefois, les ruraux pauvres vivent la pauvreté d’une manière très différente de celle de leurs homologues urbains. Dans ce chapitre, le Comité passe en revue quelques façons dont la pauvreté se manifeste dans les régions rurales. Dans bien des cas, les ruraux pauvres font face à des difficultés qui sont à la fois la cause et l’effet de la pauvreté.  Nous découvrirons également que les différences entre la pauvreté rurale et urbaine se ramènent souvent au manque de moyens de transport, situation qui, comme nous le verrons également, est souvent aggravée par une faible densité démographique.

Transports ruraux et routes rurales

Il est facile pour des gens qui ont accès à une voiture ou à des transports en commun de ne pas se rendre compte de l’importance que le transport revêt pour le bien-être physique et social. Le transport est nécessaire pour aller au travail, faire le marché, voir des amis, aller à un rendez-vous chez le médecin, rendre visite à un parent à l’hôpital, obtenir des soins médicaux d’urgence, accéder aux services sociaux, participer à la vie communautaire et faire du bénévolat. Pour les ruraux qui n’ont pas les moyens d’acheter un véhicule ou d’en assumer les frais, l’effort nécessaire pour se livrer à ses activités peut considérablement accentuer les effets de la pauvreté.

Pour se déplacer dans le Canada rural, on a également besoin de routes rurales sûres et bien entretenues. M. Partridge estime que l’infrastructure routière rurale « n’est pas suffisamment bonne pour soutenir le mouvement des gens et des biens » qu’il juge nécessaire pour la prospérité future du Canada rural. (Témoignages, 26 octobre 2006) De son côté, Jim Sentance, professeur agrégé au département des sciences économiques de l’Université de l’Île-du-Prince-Édouard, fait une mise en garde : « À mesure que la population diminue, on en arrive au point où les gouvernements ne veulent plus soutenir l’infrastructure. Or, il faut qu’il y ait une infrastructure si l’on veut que des occasions se présentent. À défaut d’installations ou d’entreprises, les petites villes du Canada rural sont vouées à la disparition. » (Témoignages, 24 octobre 2006)

Différents éléments permettent de croire que les routes rurales se détériorent sous l’effet combiné d’un trafic accru et de l’insuffisance des fonds consacrés à l’entretien et à la réfection. Ainsi, dans l’ouest du Canada, « l’abandon des voies ferrées et le regroupement des silos à grains ont eu des effets considérables sur les routes provinciales et les routes municipales secondaires[31] ». Il fut un temps où les Prairies comptaient près de 6 000 silos; aujourd’hui, il y en a moins de 600[32]. En Saskatchewan, la distance moyenne de transport entre l’exploitation agricole et le silo s’est accrue de 250 p. 100, passant de 15 kilomètres en 1984 à 52,5 kilomètres vers la fin des années 1990[33]. Pendant la même période, le volume des expéditions de grains et la transformation à valeur ajoutée ont également grimpé de plus de 850 p. 100. Le problème, c’est que « le réseau de transport provincial n’était pas conçu pour absorber une hausse aussi énorme du transport de grains[34] ».

En Ontario, une étude a révélé que les routes rurales sont soumises à de fortes contraintes par suite de l’augmentation de la demande de tourisme et d’activités récréatives dans les régions rurales, de la croissance des activités manufacturières spécialisées dans ces régions (avec tout le trafic de camions qu’elle implique), de la multiplication du trafic des banlieusards et de l’accroissement du trafic de camions et de tracteurs au fur et à mesure que le secteur agricole s’oriente davantage vers les activités à valeur ajoutée et l’exportation. En même temps, la province a cessé de subventionner directement les routes locales (et les ponts), laissant aux municipalités le soin de financer ces infrastructures sur les recettes tirées des impôts fonciers locaux[35].

Santé rurale et accès aux soins

Les réalités et les besoins en matière de santé des régions rurales diffèrent de ceux des milieux urbains. Ces besoins peuvent découler du milieu (p. ex. la nécessité d’enseigner la prévention des écrasements par des tracteurs), des données démographiques changeantes (p. ex. une hausse du nombre de personnes âgées dans certaines régions rurales), d’un besoin commun en matière de santé présent en milieu rural (p. ex. l’état de santé des collectivités de Premières nations) ou de la nécessité que les préoccupations en matière de santé tiennent compte du milieu « rural » (p. ex. services obstétriques qui n’obligent pas les femmes en milieu rural à « trop » se déplacer) — Bureau de la santé rurale de Santé Canada, Foire aux questions

La politique canadienne sur les soins de santé, ressortissant à la Loi canadienne sur la santé, a pour objectif de protéger le bien-être physique de tous les Canadiens et de permettre à tous les résidants d’avoir un accès satisfaisant à des services de santé, sans se heurter à des obstacles. Néanmoins, l’état de santé n’est pas réparti de façon égale entre les  diverses collectivités canadiennes. L’espérance de vie dans les régions rurales est plus courte que la moyenne canadienne, et celle dans les communautés isolées du Nord est la plus faible au pays.

Ces conclusions sont ressorties clairement lorsque l’Institut canadien d’information sur la santé (ICIS) a publié le premier rapport complet sur la santé rurale au Canada plus tôt cette année[36]. L’étude a permis de statuer que, d’une façon générale, l’état de santé des Canadiens ruraux est moins bon que celui des Canadiens urbains, ce phénomène se manifestant par des taux de mortalité plus élevés liés à leur tour à des taux supérieurs de maladies cardiovasculaires et respiratoires, d’accidents du travail (surtout dans les emplois du secteur primaire, comme l’agriculture), de suicide et d’accidents de la route ainsi qu’à la prévalence du tabagisme et de l’obésité[37].

Dans certains cas, le mauvais état de santé est directement lié à des difficultés de transport. L’étude note, par exemple, que les taux élevés d’accidents de la route dans le Canada rural pourraient être attribués à la nécessité de faire de plus longs déplacements, souvent sur des routes moins sûres que dans le cas des citadins. De plus, la distance se traduit souvent par un approvisionnement limité et coûteux en fruits et légumes frais. Enfin, il est plus facile en milieu rural de se cantonner dans un mode de vie sédentaire parce qu’une promenade quotidienne s’inscrit mal dans la routine rurale.

L’étude de l’ICIS établit également un lien entre les taux de mortalité, la pauvreté et le niveau d’instruction, notant qu’un faible niveau d’instruction et un revenu familial médian peu élevé constituaient « des prédicateurs importants du risque de mortalité accru chez les hommes et les femmes[38] ». Cette conclusion confirme le fait bien connu que « la prospérité économique d’une collectivité et la proportion de sa population qui vit sous le seuil de la pauvreté, plus particulièrement, influencent grandement la santé et les besoins de ses habitants en matière de santé[39] ». Le Comité est heureux de signaler que l’ICIS compte publier, début 2007, un deuxième rapport sur les problèmes d’accès aux soins de santé des habitants des régions rurales.

Les données limitées que nous avons pu trouver montrent que les ruraux doivent parcourir de plus grandes distances que les citadins pour accéder à de nombreux services de santé de base. En 1993, les habitants des régions rurales et des petites villes (RRPV) devaient parcourir en moyenne 10 kilomètres pour aller voir un médecin, par rapport à deux kilomètres seulement pour la moyenne des citadins[40]. Cette différence avait tendance à augmenter dans les régions plus éloignées des agglomérations urbaines.

La difficulté d’obtenir des services médicaux se reflète également dans les données sur la disponibilité des médecins. Selon M. David Hawkins, directeur exécutif de l’Association des facultés de médecine du Canada, en 2000, par exemple, les médecins d’au moins 14 collectivités rurales n’étaient pas au travail, et la liste devrait s’allonger.[41] Les médecins des régions rurales semblent avoir de la difficulté à fournir les soins appropriés aux patients, car leurs collègues quittent la région pour de meilleures conditions de travail ailleurs.

Depuis quelques années, l’incongruité de la répartition des médecins entre les régions rurales et urbaines est au cœur de la discussion.[42] En 1992, l’Association médicale canadienne (AMC) a mis sur pied un comité consultatif chargé d’examiner les lacunes dans la prestation de services médicaux dans les collectivités rurales et celles de taille moyenne au Canada, et a proposé des stratégies visant à aider à les corriger. Les membres du comité ont découvert que, en 1986, environ 10 p. 100 de tous les médecins du Canada pratiquaient dans les régions rurales, alors qu’un peu moins de 25 p. 100 de la population canadienne y résidait (à l’époque). Après une analyse plus poussée de l’information on a observé que les spécialistes étaient sous-représentés dans les régions rurales à comparer aux médecins de famille et aux omnipraticiens. Ainsi, une étude plus récente confirme ces conclusions, statuant par exemple que moins de 16 p. 100 des médecins de famille et 2,4 p. 100 des spécialistes sont établis dans des régions rurales, même si celles-ci comptent environ 21 p. 100 de la population[43].

Dans leurs mémoires au Comité, les Infirmières de l’Ordre de Victoria (VON) ont ajouté que dans beaucoup des régions rurales qu’elles desservent, il manque d’infirmières, d’infirmières praticiennes, d’ergothérapeutes et d’aides à domicile à un moment où la demande augmente à cause du raccourcissement des séjours à l’hôpital, des contraintes auxquelles est soumise l’aide familiale et communautaire et de la croissance de la population des aînés. Ces pénuries sont aggravées par le fait que de nombreux clients des VON manquent des moyens de transport de base nécessaires pour accéder à des services tels que les laboratoires médicaux, sans compter que les intempéries empêchent parfois les infirmières de se rendre chez leurs clients, ce qui peut avoir des effets négatifs sur leur état de santé.

Le problème peut même devenir plus aigu en cas d’urgence. Michael Goldberg, président de la First Call: BC Child and Youth Advocacy Coalition, a dit par exemple que « bien des familles des collectivités rurales doivent recourir aux services d’évacuation sanitaire pour être transportées vers un hôpital plus important, et un proche doit les accompagner. Ces coûts sont souvent assumés, intégralement ou en partie, par la famille, alors que dans les villes, les frais les plus importants consistent à faire deux kilomètres vers le [même] service d’urgence de l’hôpital. » (Témoignages, 7 novembre 2006)

Enfin, le Comité a appris qu’il y a peu ou pas de services de santé mentale dans les régions rurales. Les ruraux doivent donc se rendre dans les grands centres urbains pour accéder à des services de santé mentale, à moins de s’en passer complètement. C’est là un problème particulièrement sérieux dans la mesure où la maladie mentale et la pauvreté sont liées.

Niveau d’instruction et analphabétisme dans les régions rurales

Les ruraux tendent à avoir un niveau d’instruction inférieur à celui des citadins. En 2001, par exemple, la proportion des 20 à 34 ans qui n’avaient pas fait d’études secondaires était de 23 p. 100, par rapport à 14 p. 100 dans les villes[44]. Cette situation a de sérieuses incidences sur la pauvreté car, comme l’a souligné M. Poschmann, il existe une forte corrélation positive entre la pauvreté et le niveau d’instruction, les gens instruits parvenant en général à une meilleure situation économique que les autres.

Bien sûr, les niveaux d’instruction moindres du Canada rural découlent en partie des tendances migratoires que nous avons examinées au chapitre 3 : les jeunes partent pour faire des études et reviennent rarement, tandis que des personnes âgées relativement peu instruites reviennent souvent dans des régions rurales pendant les premières années de leur retraite. Bien qu’il soit tentant de penser que le télé-enseignement peut contribuer à la solution du problème, Bill Reimer, professeur au département de sociologie et d’anthropologie à l’Université Concordia, avait une mise en garde pour le Comité : même s’il y a eu des résultats encourageants, il ne faut pas perdre de vue que beaucoup de régions rurales n’ont encore qu’un accès limité aux services de télécommunications à grande vitesse. De plus, comme l’a dit Mme Martz, le télé-enseignement nécessite un haut degré de motivation et d’autodiscipline, et il arrive souvent que les stagiaires des régions rurales aient besoin d’une aide complémentaire.

En même temps, David Bruce a dit au Comité que, dans le Canada atlantique, « il y a un fardeau à assumer, au-delà des seuls frais de scolarité : les citadins ont la possibilité de demeurer à la maison et de se rendre à l’Université Dalhousie en empruntant les transports publics au coin de la rue, par exemple. » (Témoignages, 26 octobre 2006)

C’est ainsi que beaucoup de jeunes ruraux sortent de l’université ou du collège chargés d’une lourde dette étudiante qui, selon M. Bruce, les oblige à « aller travailler dans la région du Centre, sinon dans les sables bitumineux de l’Alberta pendant quelques années au moins, ne serait-ce que pour ramener leur dette étudiante à quelque chose de viable. Cela devient un grand élément à l’origine de l’exode rural. » (Témoignages, 26 octobre 2006) D’autres étudiants ruraux peuvent tout simplement renoncer à des études postsecondaires et aux lourdes dettes qu’elles entraînent, optant plutôt pour des emplois bien rémunérés à des endroits tels que Fort McMurray, en Alberta.

Les niveaux d’instruction étant peu élevés dans le Canada rural, on pouvait s’attendre à y trouver en outre des problèmes d’analphabétisme. C’est bien le cas. En effet, les auteurs d’une importante étude sur le niveau d’alphabétisation au Canada ont noté que, sur le plan des capacités de lecture et de calcul, « les résidents de zones urbaines obtiennent de meilleurs résultats que ceux des régions rurales[45] ». De toute évidence, ce problème aggrave la pauvreté non seulement parce que les analphabètes ont de la difficulté à trouver du travail, mais aussi parce qu’ils sont souvent incapables de profiter de l’aide offerte par les gouvernements.

Services publics et privés

À part le fait qu’ils doivent sortir de leurs collectivités pour faire des études et obtenir des services de santé, les ruraux ont à parcourir des distances de plus en plus importantes pour accéder à des services gouvernementaux de base et à de nombreux services dispensés par le secteur privé. M. Reimer a dit au Comité que, d’après ses recherches, l’assistance sociale et les services commerciaux, par exemple, « ont migré des bourgades rurales vers des centres régionaux. Cela signifie que ceux qui ne disposent pas d’un moyen de transport facile, ou de réseaux sociaux qui peuvent fournir le transport, se voient coupés de ces services. » (Témoignages, 9 novembre 2006)

Cette évolution se répercute le plus durement sur les pauvres des régions rurales. Nancy Shular, vice-présidente du conseil d’administration de l’Organisation nationale anti-pauvreté, a décrit les obstacles bureaucratiques et les difficultés de transport que doivent souvent surmonter les ruraux pauvres du centre-sud de l’Ontario simplement pour présenter une demande d’assistance sociale :

D’abord, il faut pouvoir vous rendre aux services sociaux du comté de Grey pour faire une demande, un endroit situé au centre d’Owen Sound. Vous devez voir un film le premier jour, y retourner un autre jour pour une entrevue et un autre jour pour voir si votre demande est acceptée. Donc, vous devez pouvoir vous y rendre trois fois et ensuite ils vous envoient un chèque si vous êtes accepté, ou une lettre de refus. Si vous recevez une lettre de refus, vous devez alors aller à un tribunal, ce qui pourrait prendre des mois. —Nancy Shular, témoignages, 28 septembre 2006

Quant aux services du secteur privé, la simple perte d’un commerce tel qu’un dépanneur local peut porter un coup dur à une petite ville ou à une collectivité rurale ou isolée. Bruno Jean, titulaire de la chaire de recherche du Canada en développement rural à l’Université du Québec à Rimouski, a noté : « Quand, dans cette communauté, les dépanneurs sont fermés, qu’il n’y a plus de stations-service pour faire le plein de la voiture, c’est un problème. C’est un problème énorme pour le quotidien. »(Témoignages, 26 octobre 2006)

Problèmes d’emploi

Le problème de la pauvreté rurale, comme celui de la pauvreté en général, est aussi fortement lié à la situation de l’emploi et au manque d’emplois bien rémunérés. Les données de Statistique Canada montrent que, même si les taux d’activité et d’emploi ont augmenté à peu près au même rythme dans les régions rurales et urbaines entre 1996 et 2000, le Canada rural traînait quand même derrière le Canada urbain dans les deux cas. En 2000, par exemple, le taux d’emploi rural était de 77,1 p. 100 par rapport à 80,7 p. 100 dans les régions urbaines, tandis que les taux de chômage respectifs étaient de 7,2 et 5,4 p. 100[46].

Conjuguée aux niveaux d’instruction inférieurs, la situation médiocre de l’emploi dans le Canada rural peut créer un cercle vicieux. Dans son témoignage, Donna Mitchell a dit au Comité que les recherches réalisées aux États-Unis « montrent que l’écart des revenus entre les zones rurales et les zones urbaines résulte d’un niveau d’instruction moins élevé dans les zones rurales, et de moins de concurrence pour les travailleurs au niveau des employeurs ruraux, ce qui se traduit par des salaires moins élevés, un nombre réduit de personnes très qualifiées et d’emplois très bien rémunérés dans le profil des emplois dans les zones rurales. » (Témoignages, 17 octobre 2006)

Par ailleurs, il ne faut pas perdre de vue que le contraire est vrai dans certaines autres régions rurales du pays. De graves pénuries de travailleurs qualifiés et non qualifiés sévissent dans certaines parties de l’Alberta, de même que dans les collectivités situées à proximité des mines d’or du nord de l’Ontario. Ces pénuries se traduisent par des salaires très élevés, mais pas toujours assez élevés pour compenser la pénurie de logements (ou leur coût très élevé) et certains des troubles sociaux qui accompagnent une très forte croissance. Ces régions en plein essor ont également des effets sur d’autres parties du Canada rural, encourageant beaucoup de jeunes à quitter l’école secondaire, mais offrant aussi à des agriculteurs aux prises avec de grandes difficultés financières la possibilité de gagner un important revenu hors ferme[47]. Les régions à forte croissance ont en outre attiré une attention renouvelée sur les communautés d’immigrants.

Immigration

Dans le passé, le Canada rural était la destination de choix des immigrants. Au début du XXe siècle, beaucoup d’Européens se sont établis dans l’Ouest, attirés par la perspective d’un brillant avenir dans l’agriculture. Toutefois, depuis quelque temps, les immigrants préfèrent pour la plupart s’établir dans les régions urbaines du Canada, habituellement pour des raisons très simples.

Premièrement, comme l’a noté M. Cummings, les immigrants nouvellement arrivés tendent à chercher du travail et à s’établir dans les régions où ils ont des amis ou de la famille ou dans lesquelles ils peuvent trouver une importante communauté d’immigrants. Ces deux critères ne s’appliquent pas dans la majorité des collectivités rurales. Deuxièmement, les réseaux d’amis et de parents sont particulièrement importants pour les immigrants qui ne connaissent ni le français ni l’anglais et qui ont besoin d’avoir des contacts pour trouver du travail, consulter un médecin ou simplement louer un appartement. De plus, de nombreux immigrants venant eux-mêmes de zones urbaines préfèrent les villes du Canada.

Troisièmement, pour les immigrants qui envisagent de s’établir dans le Canada rural, l’absence de cours de base d’anglais ou français langue seconde et de services culturels généraux constitue un autre obstacle. La tendance à vanter les services en ligne auprès des immigrants ruraux n’a pas beaucoup contribué à la suppression de ces obstacles. M. Cummings a noté à ce sujet : « Les immigrants doivent utiliser l’Internet pour trouver les modèles de service et, la plupart du temps, l’immigrant ne parle pas l’anglais et connaît peu ou pas l’Internet. Je sais que nous tentons de promouvoir les services en ligne auprès des résidants des régions rurales où bien souvent, l’accès se fait encore par ligne commutée, ce qui, rajouté aux problèmes de langue, fait que ce service n’est pas utilisé. » (Témoignages, 31 octobre 2006)

Enjeux hommes-femmes dans le Canada rural

La pauvreté rurale a des effets différents sur les hommes et les femmes. Pour les femmes, la pauvreté peut aggraver les difficultés de transport, de garde d’enfants et de travail. M. Fuller nous a dit par exemple que « les relations de violence étaient souvent déclenchées par des disputes pour les clés de l’unique automobile de la famille. Il est très facile pour les hommes de monopoliser les clés et, par conséquent, de piéger les femmes dans les régions rurales éloignées et isolées. » (Témoignages, 31 octobre 2006)

En ce qui concerne les garderies, beaucoup de collectivités rurales n’ont pas une population suffisante pour offrir des services professionnels de garde d’enfants et d’éducation préscolaire. Les services de garde à domicile ne constituent qu’une solution partielle car, comme nous l’a expliqué Mme Martz, les familles qui offrent ces services tendent à cesser de les dispenser dès que leurs propres enfants atteignent l’âge scolaire, sans compter que beaucoup de femmes rurales travaillent tôt le matin, dans la soirée ou pendant la nuit et ont donc un horaire qui ne correspond pas à celui des garderies.

La garde d’enfants et l’éducation préscolaire sont fortement liées à la pauvreté car, ainsi que l’a signalé M. Goldberg, les garderies « permettent aux femmes, surtout, de participer au marché de l’emploi » et « deux gagne-pain potentiels dans un ménage, c’est véritablement une clé pour éviter la pauvreté. » (Témoignages, 7 novembre 2006) En même temps, M. Goldberg a noté que « si nous nous orientons vers les économies du savoir, l’investissement le plus rentable, sans la moindre exception, d’après les données recueillies, c’est l’éducation de la petite enfance. »

Dans le cas des femmes rurales qui font un travail autonome, M. Reimer a déclaré au Comité que, contrairement à leurs homologues urbaines, elles se refusent à réduire le nombre d’heures qu’elles consacrent à l’économie informelle, c’est-à-dire au bénévolat et aux tâches ménagères. Elles risquent donc souvent l’épuisement.

Les femmes en milieu rural sont aussi souvent enfermées dans des emplois peu rémunérés ou payés au salaire minimum. Par exemple, Mme Martz a souligné qu’il existait peu de perspectives d’emplois bien rétribués dans les régions rurales, notamment pour les femmes. Nous avons examiné les femmes qui travaillent dans les industries de la transformation agricole et les industries forestières de la province et leur avons demandé ce qu’elles feraient si elles n’avaient pas ces emplois. Essentiellement, elles ont répondu qu’elles travailleraient à des postes de commis ou dans des dépanneurs et des choses comme ça. Les emplois bien rétribués qui paient plus que le traitement minimum ne sont pas légion, et les gens n’ont pas tendance à quitter ces postes, alors ils ne s’ouvrent pas très souvent. » (Témoignages, 23 novembre 2006)

Cela étant dit, les femmes rurales semblent pousser leurs études beaucoup plus loin que les hommes. Dans son témoignage, Peter Apedaile, professeur émérite au département d’économie rurale de l’Université de l’Alberta, a signalé que dans le comté de Smoky Lake, en Alberta, 30 p. 100 seulement des hommes de la cohorte des 20 à 35 ans ont terminé leurs études secondaires et que, parmi ceux qui l’ont fait, moins de 10 p. 100 ont entrepris des études postsecondaires. Parmi les femmes, par contre, « 90 p. 100 ont terminé l’école secondaire et sur ce nombre, plus de 35 p. 100 ont effectué des études postsecondaires d’une sorte ou d’une autre. » (Témoignages, 9 novembre 2006)

En Alberta, les bas niveaux d’instruction pourraient être attribuables à l’existence d’emplois bien rémunérés dans les champs de pétrole et les secteurs connexes. Dans les autres régions du pays, cependant, le manque d’instruction a des effets sérieux et immédiats. Par suite de la disparition de nombreux emplois traditionnellement réservés aux hommes dans le secteur primaire, les hommes ruraux connaissent un taux élevé de suicide. Comme l’a signalé M. Reimer, ce taux « est aussi le reflet d’une communauté ou d’une société en difficulté et c’est très inquiétant. » (Témoignages, 9 novembre 2006)

L’économie informelle

L’économie informelle représente aussi une partie importante du filet de sécurité rural. … le travail dans l’économie informelle est un élément important dans l’économie tant rurale qu’urbaine, mais davantage en milieu rural et davantage dans la catégorie des faibles revenus. — Bill Reimer, témoignages, 9 novembre 2006

Malgré les difficultés occasionnées par les distances et les caractéristiques démographiques, les collectivités rurales ont toujours joui d’un grand avantage : l’esprit de cohésion et le sentiment d’appartenance. La cohésion sociale peut jouer le rôle d’un filet de sécurité sociale qui compense, en tout ou en partie, les écarts de revenu dont nous avons parlé plus haut : des bénévoles dispensent quelques-uns (mais pas la totalité) des services que les urbains tiennent pour acquis, les gens s’entraident pour bâtir ou réparer des maisons, sur une base de troc ou par simple bonté, la collectivité unit ses efforts pour aider les familles qui ont perdu leur maison, et ainsi de suite. Dans certains cas, ces liens sont assez forts pour entraîner la création de coopératives qui soutiennent l’économie rurale.

Cet esprit de cohésion est cependant menacé dans les régions dont la population est stagnante ou en déclin. Lorsque le « filet de sécurité sociale » s’effiloche, les collectivités rurales sont affligées de problèmes tels que des taux de suicide élevés parmi les hommes ou peuvent même finir par disparaître. Comme Donna Mitchell l’a signalé, « pour les toutes petites communautés de 100 ou 400 habitants, il est plus difficile de trouver des façons de se diversifier. Les bénévoles avancent en âge et commencent à se fatiguer, parce que ce sont les mêmes personnes, année après année, en l’absence de nouveaux venus qui pourraient prendre le relais. » (Témoignages, 17 octobre 2006)

De façon générale, au sujet du secteur bénévole, selon Harry J. Kits, directeur exécutif de Citizens for Public Justice, les organismes de bienfaisance sur le terrain, qu’ils reposent ou non sur la religion, qui communiquent avec les personnes défavorisées dans les collectivités ne savent plus quoi faire. Cela découle en partie du fait qu’ils ont pris l’engagement d’être aussi près que possible de la population et de participer autant que possible à la vie des gens pour aider à s’attaquer au problème de la pauvreté. Ils ne se contentent pas de leur remettre un chèque; ils tentent de donner des conseils, ils s’occupent des banques d’alimentation et ainsi de suite. D’après lui, cela leur crée des problèmes. » (Témoignages, 28 novembre 2006)

Il ne faut pas non plus perdre de vue que même la cohésion sociale du Canada rural peut constituer une lame à deux tranchants. Comme Mme Martz l’a dit au Comité, l’identité rurale canadienne est fortement liée à l’autonomie, qui contribue à masquer la pauvreté. C’est ainsi que les décideurs et les politiciens finissent par faire abstraction de la pauvreté rurale. Dans son témoignage, Donna Mitchell a avancé un argument de la même nature : « Il est intéressant de constater que dans nombre de ces dialogues, on remarque que la pauvreté rurale, en soi, n’est pas considérée par les citoyens ruraux comme un problème. » (Témoignages, 17 octobre 2006)

Même dans les collectivités rurales ayant une forte cohésion et une économie informelle ou sociale très dynamique, la question du leadership continue à se poser. Avec une population de plus en plus réduite, les collectivités rurales ne peuvent plus supposer que des chefs se manifesteront spontanément. Elles doivent activement favoriser leur épanouissement.

Enfin, les collectivités rurales affrontent une autre série de problèmes qui se rattachent à leur population réduite : c’est simplement le fait qu’elles n’ont souvent pas les compétences ou les ressources nécessaires pour tirer parti de l’aide offerte par le gouvernement. Ces compétences sont importantes car les collectivités qui réussissent le mieux sont souvent celles qui savent naviguer dans les bureaucraties fédérales et provinciales pour profiter de l’aide disponible. Mme Martz a noté à cet égard que beaucoup de petites collectivités ont besoin d’aide pour en arriver à ce point.

Il est important cependant de ne pas exagérer l’importance de la cohésion rurale, comme l’a signalé M. Freshwater : « On croit souvent que les ruraux sont indépendants, qu’ils ont un esprit collégial poussé et sont prêts à coopérer et à réaliser des changements. Cela est vrai, mais leurs ressources sont très limitées. Le fardeau que nous leur demandons d’assumer lorsque les gouvernements nationaux et provinciaux se déchargent sur eux de certaines de leurs responsabilités peut, de bien des façons, dépasser leurs capacités. » (Témoignages, 21 novembre 2006)

Faiblesse des revenus agricoles et ses conséquences

Enfin, les faibles revenus agricoles ont occasionné de sérieuses difficultés aux agriculteurs, dont la situation n’est pas bien représentée par les chiffres de pauvreté établis en fonction du seuil de faible revenu (SRF), que nous avons mentionnés au chapitre 2. Comme le montre la figure 4-1, le revenu agricole net (réel) tiré du marché s’est situé aux alentours de zéro presque depuis 1987[48]. La figure 4-2 montre que depuis la fin des années 1980, les paiements de programmes du gouvernement représentaient la quasi-totalité du revenu net réalisé du secteur agricole. Elle montre également que, même avec le soutien du gouvernement, ce revenu a marqué une tendance régulière à la baisse depuis le début des années 1970.


Les agriculteurs ont réagi à ces tendances en recourant de plus en plus au travail hors ferme pour joindre les deux bouts. En 1980, le revenu hors ferme représentait 72 p. 100 du revenu agricole total, mais ce pourcentage est passé à 87 p. 100 en 2002. Dans son témoignage, Mme Martz a dit au Comité que le travail hors ferme impose de lourdes contraintes aux familles agricoles : les femmes et les parents âgés doivent alors s’occuper de l’exploitation agricole, tandis que les enfants manœuvrent souvent de lourdes (et dangereuses) machines. Lorsque le revenu hors ferme est insuffisant pour maintenir l’exploitation à flot, ce qui arrive souvent, beaucoup d’agriculteurs « doivent s’adresser à la banque d’alimentation, parfois dans la ville voisine pour ne pas courir le risque de rencontrer un voisin » et recourent de plus en plus à des services de santé mentale.

Le 31 juillet 2006, la mise en œuvre du Programme canadien d’options pour les familles agricoles, doté d’un budget de 550 millions de dollars, pour aider les agriculteurs et les familles à faible revenu. Le programme prévoit des paiements destinés à porter le revenu du ménage à un maximum de 25 000 $ pour les familles et de 15 000 $ pour les personnes seules ayant des recettes agricoles brutes d’au moins 50 000 $. Pour être admissibles, les demandeurs doivent s’engager à recourir à des programmes de planification d’entreprise et de développement des compétences.

Comme nous l’a rappelé M. Cummings, les difficultés sur les fermes ont donné lieu à une situation dans laquelle « l’agriculture est perçue comme une vie où il y a peu d’avenir et où la dépression, les crises et/ou les dettes perturbent gravement de nombreuses familles. On décourage les jeunes de s’y lancer, et le travail non agricole devient le soutien principal. » (Témoignages, 31 octobre 2006)

Ce ne sont pas tous nos témoins qui étaient d’accord avec le portrait pessimiste du revenu agricole ou de la vie à la ferme. M. Klein a déclaré qu’il n’emploierait pas le terme « pauvreté » pour décrire le sort des agriculteurs. Il était d’accord dans les faits avec M. Sentance, selon lequel les agriculteurs se heurtent à un problème d’encaisse, et non de pauvreté : « Comme par le passé, certaines personnes qui travaillent en agriculture sont en train de s’ajuster, et il s’agira d’un processus continu. Nous vivons dans une économie de marché dans laquelle les signaux du marché encouragent les gens à faire différentes choses. Je ne crois pas que nous devrions confondre cela avec la pauvreté, à moins que, à cause de cela, les gens n’aient en fait une condition de vie inférieure au niveau normal et je ne vois pas cela. J’ai été un agriculteur actif tout au long des années 1960 et au début des années 1970, et la situation est infiniment meilleure sur les fermes aujourd’hui qu’elle ne l’était alors, à bien des égards. Les souvenirs des gens sont souvent affectés par la mémoire la plus récente, mais les gens qui vivent sur des fermes maintenant ont un niveau de vie familial bien meilleur que ce que nous connaissions dans les années 1960 et 1970. Cela ne fait aucun doute. » (Témoignages, 30 novembre 2006)

Les difficultés dans le secteur forestier

Au cours des dernières années, le secteur forestier a subi des pertes d’emplois. De grosses entreprises forestière ont consolidé leurs opérations et réduit leur capacité en raison de l’augmentation de leurs coûts de production, de problèmes frontaliers avec les États-Unis et de la concurrence avec des pays en voie de développement. En d’autres mots, des scieries et des usines de pâte et de papier ont dû fermer leurs portes. Souvent, ces usines se trouvent dans des communautés mono-industrielles, et les conséquences sont alors dévastatrices. Comme l’a constaté M. Poschmann, une petite ville manufacturière dans le centre ou le Nord de l'Ontario est économiquement très fragile si sa collectivité de quelques centaines d'habitants est tributaire depuis longtemps d'une scierie dotée d’un équipement limité ou une petite exploitation de pâtes et papiers.

Par ailleurs, M. Reid s’est servi des difficultés dans le secteur forestier pour mettre l’accent sur les risques de trop généraliser lorsqu’on parle du Canada rural : la pauvreté« n’est plus un simple problème géographique. Dans le nord de l’Ontario, on retrouve un secteur minier en pleine croissance, mais lorsqu’on s’éloigne un peu de ça et qu’on s’arrête au secteur des pâtes et papier, on s’aperçoit que l’économie s’effondre. Vous pouvez avoir deux secteurs qui fonctionnent un à côté de l’autre géographiquement, mais seulement un seul est profitable.  Toutefois, l’expertise des travailleurs n’est pas toujours transférable. (Témoignages, 21 novembre, 2006)

Conclusion

Le caractère rural se définit par une combinaison de distance et de densité. La pauvreté, elle, se définit par une combinaison d’incapacité absolue et relative de répondre aux besoins essentiels de la vie quotidienne et d’obtenir les biens et les services susceptibles de minimiser le stigmate social et de favoriser l’inclusion dans la société. Les ruraux pauvres connaissent des difficultés qui se situent à l’intersection de ces deux définitions : être pauvre dans le Canada rural signifie non seulement qu’on ne possède pas assez, mais aussi qu’il faut parcourir de grandes distances pour accéder à ce dont on a besoin.

Pour les agriculteurs ruraux, la volonté de rester proche de la terre conjuguée à un sens poussé de l’éthique du travail se traduit par un recours croissant au travail hors ferme pour joindre les deux bouts, ce qui impose des contraintes aux familles et aux collectivités agricoles. De plus, certains agriculteurs doivent aller de plus en plus loin, en empruntant des routes de plus en plus dangereuses, pour livrer leurs produits au marché. Ce fait augmente les coûts d’exploitation et contribue à la crise du revenu agricole.

Le dépeuplement rural accentue ces pressions en incitant les gouvernements à fermer leurs bureaux régionaux et à négliger l’entretien des routes rurales. Les entreprises du secteur privé sont également obligées de plier bagage pour s’établir dans des secteurs urbains.

Cela étant dit, il importe de ne pas exagérer les difficultés que connaissent les ruraux, d’une façon générale, et les ruraux pauvres en particulier. Les collectivités rurales ont de nombreux avantages, dont l’esprit traditionnel de cohésion et le sentiment d’appartenance. De plus, comme l’a noté M. Partridge, les ruraux pauvres étant géographiquement dispersés, ils échappent à une partie de la « pression négative des pairs » (témoignages, 26 octobre 2006) qui sévit parmi les pauvres des villes. Pour M. Sentance : « Une personne qui vit en milieu rural aura bien souvent beaucoup plus de temps libre pour s’adonner à des activités personnelles, particulièrement si elle travaille dans un secteur saisonnier. Ce temps a une valeur qui peut contribuer à rehausser son niveau de vie. » (Témoignages, 24 octobre 2006) Il convient de noter que, bien que certains Canadiens vivant en milieu rural pourraient en réalité, grâce à leurs prestations d’assurance-emploi, apprécier le temps libre de la contre-saison, de façon générale, les agriculteurs canadiens ne sont pas admissibles à l’assurance-emploi.

Nous examinons au chapitre suivant quelques-unes des solutions proposées par nos témoins pour affronter le problème de la pauvreté rurale et tirer parti des points forts mentionnés ci-dessus et d’autres qui caractérisent le Canada rural.


CHAPITRE 5 : LES MOYENS DE VENIR EN AIDE AUX RURAUX PAUVRES

Il ne faut pas douter que les citoyens canadiens feront ce qu’ils ont à faire s’ils disposent des ressources nécessaires et si nous leur fournissons ensuite des moyens de le faire. Ils doivent rendre compte de ce qu’ils ont reçu du gouvernement, mais le gouvernement doit essentiellement rester à l’écart. Nous n’avons pas besoin d’agents sur le terrain pour se charger de tout à leur place. —Anthony Fuller, témoignages, 31 octobre 2006

Il est relativement facile, en se basant sur les témoignages reçus, de brosser un sombre tableau du Canada rural. Le Canada rural est en train de se dépeupler, il vieillit, il a un revenu médian inférieur à celui du Canada urbain, la pauvreté y sévit plus que dans les villes selon deux mesures statistiques et les familles agricoles comptent de plus en plus sur le revenu gagné à l’extérieur de leur exploitation pour joindre les deux bouts. Les Canadiens ruraux ne sont pas en bonne santé, ils doivent aller beaucoup plus loin pour voir un médecin, présenter une demande d’aide sociale, faire des études au acheter des légumes frais. Sur le plan économique, beaucoup des régions du Canada rural sont en dépression. Jim Sentance a bien cerné ce pessimisme en disant : « Essentiellement, les possibilités se déplacent ailleurs... Nos régions rurales vivent un déclin relatif – voire absolu, dans bien des cas. Il est difficile d’essayer de contrer cette tendance ou de la renverser... ce phénomène est pour ainsi dire irrésistible. » (Témoignages, 24 octobre 2006)

Même si les témoins qui ont comparu devant le Comité n’ont pas mis de gants pour décrire ces difficultés et d’autres examinées dans les chapitres précédents, beaucoup ont aussi inspiré le Comité en proposant un vaste éventail d’idées stratégiques faisant fond sur la richesse et les talents du Canada rural et en affirmant, comme l’a fait Bruno Jean : « C’est une question de citoyenneté. Est-ce que les ruraux sont des citoyens comme tous les autres au Canada ou des citoyens de deuxième zone? » (Témoignages, 26 octobre 2006)

Dans ce chapitre, le Comité présente un aperçu de ces idées. Il importe de souligner qu’elles ne reflètent pas nécessairement le point de vue du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts et qu’elles ne sont pas exhaustives dans leur détail et leur portée. Notre but est simplement d’établir un point de départ pour la discussion. Il faut également ajouter que la pauvreté rurale est un problème aux facettes multiples et que les ruraux pauvres ne forment pas un groupe homogène. Autrement dit, aucune politique ne pourrait, seule, résoudre le problème de la pauvreté rurale et aucune n’empêche nécessairement l’adoption d’une autre. De même, le Canada rural a de multiples aspects géographiques, économiques et sociaux, ce qui écarte d’emblée toute possibilité de « solution magique ».

Enfin, le Comité est très conscient du fait que les municipalités rurales relèvent des gouvernements provinciaux et que la compétence provinciale s’étend aux soins de santé, à l’éducation et à de nombreuses formes de soutien du revenu qui ont des effets directs sur les collectivités et les citoyens des régions rurales.

Historique : De la l’ARDA à l’Aide au développement des collectivités et
à
la Nouvelle économie rurale

Pour déterminer les orientations futures possibles de la politique rurale, il est utile de jeter un coup d’œil sur le passé. Comme le montrait la figure 3-1, le Canada rural est devenu minoritaire à un moment donné des années 1920 et l’évolution dans ce sens s’est accélérée dans les années 1950. Pour réagir à ce déclin relatif, le gouvernement fédéral a adopté en 1961 la Loi sur l’aménagement rural et le développement agricole (ARDA)[49], qui constitue l’une des premières initiatives explicites visant la création d’un programme national de développement de l’économie rurale.

L’objet de l’ARDA et de la multitude de politiques subséquentes destinées à favoriser la croissance rurale ou régionale (y compris la création du ministère de l’Expansion économique régionale ou MEER en 1969) correspondait parfaitement au courant de pensée économique dominant de l’époque : travaillant de concert avec les provinces, des planificateurs fédéraux ont cherché à créer des conditions propices à la croissance du secteur privé. Dans le cadre de l’ARDA, ces programmes ciblaient les régions agricoles les plus pauvres du pays. La création du MEER a marqué un virage de la politique officielle, le gouvernement fédéral cherchant plutôt à encourager la croissance des régions rurales les plus prometteuses (« favoriser les gagnants »). Tout le long du processus, les gouvernements encourageaient les gens à quitter les régions rurales les plus dépourvues, ostensiblement dans leur propre intérêt. Les ruraux eux-mêmes ont rarement été consultés sur les politiques adoptées.

Avec le temps, l’orientation de la politique rurale a encore changé, l’évolution ayant culminé avec l’établissement, en 1986, du Programme de développement des collectivités (PDC), initiative financée par le gouvernement fédéral, mais réalisée et dirigée par les collectivités, visant les régions les plus pauvres du Canada rural et ayant pour principaux objectifs le développement économique et la création d’emplois. Dans la première version de cette initiative, le gouvernement a mis en œuvre différents programmes dans le cadre du PDC pour offrir, par exemple, des prêts et des services consultatifs par l’entremise de Centres locaux d’aide aux entreprises, des encouragements financiers au travail autonome, des fonds pour réaliser des projets communautaires liés à un plan stratégique d’ensemble (Fonds pour les initiatives communautaires), de la formation ainsi que de l’aide au déménagement et aux déplacements pour les travailleurs à la recherche d’un emploi.

En 1994, le gouvernement fédéral a réorganisé le PDC pour créer des Sociétés d’aide au développement des collectivités (SADC), notamment en mettant fin au Fonds pour les initiatives communautaires et en intégrant les comités du PDC (composés d’entreprises, de syndicats et de dirigeants communautaires) dans les Centres d’aide aux entreprises. En 1995, le gouvernement a transféré la responsabilité des SADC de Développement des ressources humaines Canada à l’Initiative fédérale du développement économique du Nord de l’Ontario (FedNor), qui relevait d’Industrie Canada, et aux trois organismes de développement régional, l’Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA), l’Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec (DEC) et Diversification de l’économie de l’Ouest (DEO).

Tout le long des audiences du Comité, les témoins ont été unanimes à faire l’éloge des SADC, qui représentaient pour eux l’un des rares exemples d’une politique fédérale qui ait vraiment réussi à stimuler le développement économique et, par extension, à atténuer la pauvreté dans les régions rurales. Mme Martz a dit qu’à son avis, il y avait « des possibilités d’expansion et peut-être même d’accroissement de la base des prêts pour leur permettre de favoriser le démarrage d’entreprises et d’autres initiatives du même genre. » (Témoignages du 23 novembre 2006)

Sans mentionner expressément les SADC, M. Apedaile estimait que le gouvernement fédéral et les provinces pouvaient jouer un rôle utile pour aider les petites entreprises rurales du Canada « à accroître leur production et créer des emplois ». Selon lui, la plupart « sont des entreprises artisanales familiales axées sur une compétence ou un savoir-faire particuliers » et « ont beaucoup de mal à progresser et grandir. Cela suppose de différencier leur production, de trouver de nouveaux débouchés ou de développer leur activité. » (Témoignages, 9 novembre 2006)

L’approche communautaire des SADC semble être à l’origine des plus récentes politiques fédérales. Ainsi, le Programme de modèles de développement et de renforcement des capacités des collectivités rurales, ou Programme de modèles, du Secrétariat rural se fonde sur la même philosophie de base que les SADC. Il permet d’étudier les exemples de réussite rurale et d’échanger des renseignements à ce sujet avec d’autres régions rurales du Canada, parfois en offrant une certaine aide au financement.

Enfin, il y a lieu de mentionner que l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) cite les SADC comme modèle pour les autres pays et comme exemple clair de ce que l’OCDE appelle le « nouveau paradigme rural » (que d’autres nomment la « nouvelle économie rurale ») dont les principales caractéristiques sont résumées dans le tableau 5-1. Beaucoup des propositions mentionnées dans la suite de ce chapitre s’inscrivent dans le cadre de cette nouvelle approche.

 

 

Ancienne approche

Nouvelle approche

Objectifs

Péréquation, revenu agricole, compétitivité agricole

Compétitivité des régions rurales, valorisation de l’actif rural, utilisation des ressources inexploitées

Principal secteur cible

Agriculture

Différents secteurs des économies rurales (p. ex. tourisme, fabrication, technologies de l’information, industrie, etc.)

Principaux outils

Subventions

Investissements

Principaux intervenants

Gouvernements nationaux, agriculteurs

Tous les paliers de gouvernement (supranational, national, régional et local), différents intervenants locaux (secteur public, secteur privé, ONG)

Source : OCDE, The New Rural Paradigm: Policies and Governance, 2006, Paris, p. 15.

 

Développement économique rural

Au cours des réunions qu’il a tenues cet automne, le Comité a entendu un certain nombre de propositions visant à atténuer la pauvreté rurale grâce à des politiques économiques s’échelonnant entre le laisser-faire et l’intervention plus ou moins active. Dans tous les cas, les propositions se fondent sur la même conviction de base, à savoir que la façon la plus efficace et probablement la plus directe de réduire la pauvreté consiste à favoriser la croissance économique, l’emploi et une forme de développement économique rural. Comme l’a signalé M. Freshwater, « la pauvreté étant un aspect du développement rural, la façon de l’affronter est de mettre en œuvre une politique efficace de développement rural. » (Témoignages, 21 novembre 2006)


a.      Faciliter la transition de ceux qui veulent quitter le Canada rural

Selon certains témoins, il y a des limites à ce que les gouvernements devraient faire pour maintenir le dynamisme des régions rurales au moyen de programmes de développement économique ou de création d’emplois. Pour eux, les programmes de ce genre ne font qu’aggraver la situation parce qu’ils encouragent les gens à rester dans des régions où les perspectives d’emploi à long terme sont rares. Les programmes gouvernementaux devraient donc favoriser la mobilité de la main-d’œuvre et aider ceux qui peuvent s’en aller à trouver du travail ailleurs.

Nous avons un régime d’assurance-emploi qui a subi des réformes radicales en 1971-1972. Ces réformes ont été partiellement neutralisées par celles qui ont été apportées en 1996. Depuis lors, cette initiative a subi pas mal de retours arrière. Ces réformes ont permis, soutenu et, à mon avis, encouragé au bout du compte le recours à l’emploi saisonnier dans les communautés rurales. De nombreux Canadiens, jusqu’à maintenant, vivent dans les communautés rurales dans des conditions pas particulièrement propices, et pour qui il aurait mieux valu qu’il n’y ait pas eu ces réformes au début des années 1970. Nous avons créé une culture saisonnière qui, je pense, à long terme, n’a pas été bonne pour le bien-être des Canadiens. — Finn Poschmann, témoignage, 7 novembre 2006.

Les partisans de ce point de vue croient également que les régions rurales connaîtront probablement d’importantes baisses absolues de la population et de l’emploi dans les prochaines décennies. Il serait donc peu réaliste d’essayer de maintenir des services dans ces régions. Les gouvernements devraient plutôt se préparer en vue d’un éventuel dépeuplement.

b.                        Former des alliances rurales

Le Comité a également entendu des témoins qui, tout en reconnaissant la réalité du dépeuplement rural, n’étaient pas du tout disposés à abandonner le Canada rural à son sort. Les propositions qui suivent ont également un thème commun, à savoir que les régions rurales doivent mettre en commun leurs ressources et travailler de concert avec les centres urbains, collaborer entre elles ou les deux.

i.          Profiter de la croissance urbaine

Le Canada urbain se développe. Pour certains témoins, la meilleure stratégie de développement rural consiste à renforcer les liens avec les régions urbaines. Dans son exposé, M. Partridge a souligné que les gouvernements obtiendraient les meilleurs résultats en aidant les collectivités rurales à profiter de la croissance urbaine : elles doivent à cette fin resserrer leurs liens avec les centres urbains, notamment grâce à une meilleure infrastructure de transport et à des institutions de soutien de la gouvernance.

Comment faire pour améliorer les possibilités qui se présentent en milieu rural? Nous devons trouver des façons de resserrer les liens avec les centres urbains, même les plus petits. Pour une bonne part, cela tient au comportement des usagers des transports, mais je tiens à le souligner : nous ne cherchons pas à ce que tout le monde [aille en ville] tous les jours; nous voulons seulement qu’un nombre suffisant de personnes le fassent pour que nos collectivités rurales demeurent vigoureuses, et suffisamment nombreuses pour que nous puissions offrir des services importants, notamment du point de vue de la santé. Il s’agit d’en arriver à une masse critique et d’utiliser l’effet de levier pour stimuler le développement rural grâce à la croissance en milieu urbain. (Témoignages, 26 octobre 2006)

M. Partridge a souligné la nécessité de créer des structures de gouvernance plus novatrices à orientation régionale. Il estime que les régions rurales ont besoin d’une identité plus marquante que celle des petites villes pour arriver à se faire entendre.

ii.         Conjuguer les intérêts ruraux et urbains

D’autres témoins, comme M. Apedaile, ont présenté un point de vue différent, soutenant que l’urbain a au moins autant besoin du rural que le rural a besoin de l’urbain :


... nous ne disons pas que le milieu urbain tirerait vers le haut le milieu rural. Nous disons que l’économie rurale a soutenu les agglomérations pendant des années. Nos intérêts communs consistent à faire fonctionner pour l’avenir cette relation symbiotique. (Témoignages, 9 novembre 2006)

Pour illustrer son propos, M. Apedaile a noté que les régions rurales fournissent aux centres urbains toute une gamme de biens publics essentiels, dont le plus évident est l’eau propre et sûre provenant des bassins hydrographiques ruraux.

D’après M. Reimer, le défi consiste à faire comprendre aux habitants du Canada urbain les raisons pour lesquelles le Canada rural est si important. Cela est particulièrement difficile parce que, comme l’a signalé M. Freshwater, peu d’urbains ont une expérience assez complète de la vie rurale : « Ce qui est arrivé, c’est que nous avons une population de banlieusards qui ne savent presque rien des régions rurales. Les agréments et les avantages d’un endroit rural constituent pour eux le principal motif de leurs liens avec les régions rurales. Ils se soucient donc peu du fait que les habitants de ces régions ont besoin de gagner leur vie. » (Témoignages, 21 novembre 2006)

iii.        Établir des liens entre les régions rurales

Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, les collectivités rurales manquent souvent de moyens économiques et de ressources humaines. Donna Mitchell a fait remarquer qu’il arrive aux régions rurales d’être obligées de se faire la concurrence pour attirer des investissements privés, des fonds publics ou des touristes. Pour elle, cependant, les collectivités rurales auraient intérêt à travailler ensemble et à partager leurs ressources en créant des zones ou des régions rurales d’une plus grande taille.

Ce type de solution collective pourrait être celui qui convient le mieux pour améliorer la situation dans de nombreuses parties du Canada rural. Ainsi, a proposé Mme Mitchell, au lieu d’élaborer des plans touristiques individuels, les collectivités pourraient se regrouper pour concevoir un plan vantant les agréments et les avantages de toute une région.

c.       Agriculture et multifonctionnalité 

Même si l’agriculture ne domine plus comme autrefois l’économie rurale, de nombreux témoins étaient d’avis qu’elle a des liens essentiels avec l’identité et la prospérité rurale. Pour M. Cummings, « les terres agricoles sont l’ossature d’une grande partie de notre société rurale. Si vous examinez le paysage du sud de l’Ontario et du sud du Canada, on peut difficilement l’imaginer sans agriculture. » (Témoignages, 31 octobre 2006)

Comme nous en avons discuté au chapitre précédent, les agriculteurs du Canada voient leurs revenus d’agriculture s’orienter en baisse depuis près de 30 ans, et les perspectives futures de hausser leurs marges de revenu ne sont pas optimistes. La principale raison du déclin est la chute des cours des produits de base. Selon nombre d’agriculteurs, leur manque d’emprise sur le marché et la concurrence déloyale des secteurs agricoles généreusement appuyés de nos partenaires commerciaux sont au centre du problème.

Beaucoup de témoins ont préconisé une nouvelle approche de la politique agricole, reconnaissant le grand rôle que l’agriculture joue dans la société. Ainsi, Mme Martz a recommandé de rechercher « une approche multifonctionnelle... comme celle qu’a adoptée l’Europe, où les exploitations agricoles sont considérées comme des endroits pour séquestrer le carbone et protéger les bassins hydrographiques. » (Témoignages, 23 novembre, 2006) Dans le cadre d’une approche multifonctionnelle, les agriculteurs sont considérés comme d’importants intervenants dans le développement rural, la préservation du patrimoine, des agréments et de l’environnement du milieu rural, et la sécurité de l’approvisionnement alimentaire.

De plus, l’approche multifonctionnelle met en évidence le fait que les prix des denrées ne reflètent pas pleinement tous les avantages que l’agriculture apporte aux pays. C’est la raison pour laquelle M. Apedaile estime que nous ne pouvons pas laisser les agriculteurs à la merci des forces du marché : « Ce pays a besoin de cultivateurs, pour toutes sortes de raisons. La plupart de ces raisons sont étrangères aux forces de l’offre et de la demande sur le marché. Par conséquent, la valeur des services que fournissent les cultivateurs n’est pas mise en évidence et nous concluons qu’ils ne sont probablement pas importants. »

Au-delà de fournir de la nourriture et des services sociaux, le secteur agricole se révèle un générateur éventuel de sources alternatives d’énergie comme les biocarburants.

Politique en matière de revenu

Compte tenu de l’échec de nombreuses stratégies nationales et même provinciales de développement rural ainsi que de la tendance à long terme de substitution du capital à la main-d’œuvre, plusieurs témoins ont proposé d’adopter des politiques de lutte directe contre la pauvreté rurale en soutenant le revenu des particuliers plutôt qu’en leur offrant des programmes administrés par différentes bureaucraties.

M. Goldberg estime, par exemple, que le revenu annuel garanti « est un concept qui refait surface, et qui mérite qu’on s’y arrête. » (Témoignages, 7 novembre 2006) Dans un tel régime, le gouvernement assurerait, sans conditions, un revenu minimum annuel à toutes les familles et à tous les particuliers.

David Bruce a également appuyé le principe d’un revenu universel garanti qui aurait, selon lui, d’importantes répercussions dans les régions rurales parce qu’il constitue « une façon originale de réfléchir à ce dont nous parlons, soit de nous assurer que les gens ne sont pas pénalisés parce qu’ils contribuent à quelque chose qu’il nous faut dans notre société, c’est-à-dire qu’ils fournissent la nourriture. » (Témoignages, 26 octobre 2006) Autrement dit, un programme de revenu garanti pourrait aider les ruraux à ne pas quitter le Canada rural.

Pour M. Reid, le revenu annuel garanti constituerait une étape importante vers une séparation entre l’aide rurale et la réduction de la pauvreté rurale, d’une part, et la politique agricole ou de main-d’œuvre, de l’autre. Il estime en effet que, si le gouvernement fédéral veut lutter contre la pauvreté rurale ou agricole d’une façon générale, il ferait mieux de le faire directement dans le cadre d’un programme tel que le revenu annuel garanti. M. Reid a également noté qu’il serait difficile d’assurer un revenu annuel garanti uniquement aux Canadiens ruraux car « il faudrait nécessairement l’étendre au-delà du milieu rural. » (Témoignages, 21 novembre 2006)

Dans son témoignage, M. Partridge a dit que, même s’il est souhaitable d’adopter à long terme une politique de revenu garanti, le Canada devrait d’abord envisager une mesure fiscale semblable au crédit d’impôt au revenu gagné (EITC) des États-Unis. L’EITC est un crédit d’impôt remboursable versé aux familles qui travaillent, dont le revenu tombe en deçà d’un certain seuil. Mis en vigueur en 1975, l’EITC constitue le plus important programme américain de lutte contre la pauvreté et bénéficie d’un large appui. En 2004, il a permis à près de 21 millions d’Américains de recevoir des remboursements totalisant plus de 36 milliards de dollars. Au Canada, le gouvernement fédéral a annoncé qu’il mettra en œuvre une prestation fiscale pour le revenu gagné (PFRG) semblable à l’EITC des États-Unis dans son Budget de 2007.

Enfin, M. Goldberg a aussi proposé une mesure plus immédiate de lutte contre pauvreté consistant à porter la prestation fiscale canadienne pour enfants à près de 5 000 $ par enfant, parce que « nous devons dire qu’aucun enfant dans ce pays ne sera jamais plus élevé dans la pauvreté. » (Témoignages, 7 novembre 2006)

Éducation

L’éducation a été un autre grand thème des discussions du Comité, d’une part parce qu’elle constitue l’un des meilleurs moyens d’échapper à la pauvreté et, de l’autre, parce que les Canadiens ruraux, comme nous l’avons vu plus haut, ont un niveau d’instruction moindre que les Canadiens urbains. Pour M. Poschmann, « l’instruction revêt une importance déterminante pour les jeunes membres de la communauté qui entrent dans la population active. C’est vrai partout. » (Témoignages, 7 novembre 2006)

Bien sûr, l’éducation relève des provinces, fait dont les témoins ont tenu compte dans leurs propositions. M. Poschmann croit que le gouvernement fédéral pourrait offrir directement aux gens des fonds pour faire des études postsecondaires, plutôt que de le faire par l’entremise des établissements ou des provinces. Cela réglerait du même coup le problème dont souffrent de nombreuses universités, surtout dans les petites provinces, lorsqu’elles assument le coût de l’éducation de personnes qui, aussitôt diplômées, iront utiliser leurs compétences nouvellement acquises dans une autre province.

M. Goldberg estime, pour sa part, que le gouvernement fédéral devrait user de ses pouvoirs financiers pour convaincre les provinces d’offrir des services abordables de garde d’enfants et d’éducation préscolaire parce que c’est ainsi « que nous obtenons le meilleur rendement sur l’investissement. » (Témoignages, 7 novembre 2006) Il a ajouté que le gouvernement fédéral devrait aider les provinces à mettre en œuvre davantage de programmes d’éducation des adultes et d’alphabétisation, à réduire les frais de scolarité des universités (afin d’alléger l’endettement des étudiants) et à augmenter les subventions versées aux enfants ruraux comme contribution aux frais qu’ils doivent assumer lorsqu’ils vivent hors de chez eux. Enfin, il croit que le gouvernement fédéral devrait exiger des provinces, en contrepartie du financement de l’éducation postsecondaire, qu’elles fixent les mêmes frais de scolarité pour tous les étudiants canadiens, indépendamment de leur province d’origine. La pratique actuelle consistant à imposer des frais différents réduit la mobilité de la main-d’œuvre et n’est pas dans l’intérêt du pays.

Pour réduire l’écart entre le niveau d’instruction rural et urbain d’une façon encore plus directe, M. Apedaile préconise que les régions rurales jumellent leurs services éducatifs à ceux de centres urbains pour offrir un plus grand choix aux étudiants ruraux.

Enfin, M. Reimer et M. Jean croient que tous les paliers de gouvernement devraient envisager d’augmenter le financement des universités, des collèges et des écoles de métier à caractère régional ou rural. Ces établissements encouragent les étudiants à pousser plus loin leur éducation parce que ceux qui les fréquentent n’ont pas à aller trop loin et ont moins d’obstacles culturels à surmonter. De plus, ils font bénéficier les collectivités rurales de ressources extraordinaires. Comme l’a signalé M. Jean, « […] plusieurs universités au Québec sont situées dans des zones rurales. Ce modèle est assez unique au Canada. Je suis profondément convaincu que l’université a une influence réelle sur la prospérité économique d’une région. » (Témoignages, 26 octobre 2006)

Autres possibilités d’intervention

Au cours de ses délibérations, le Comité a pris connaissance d’un certain nombre d’autres idées qui, sans bénéficier de la même attention que les propositions relatives à la politique économique, au revenu et à l’éducation, pourraient quand même jouer un rôle important dans la réduction de la pauvreté rurale.

a.      Transports

Comme nous l’avons mentionné au chapitre précédent, les déplacements peuvent être difficiles dans le Canada rural. M. Fuller a recommandé que les gouvernements contribuent au financement d’organisations qui offrent déjà des services de transport dans les régions rurales et qui connaissent bien les besoins locaux, comme les services de repas à domicile et la Croix-Rouge. Il a ajouté que l’action de ces organisations est souvent entravée par des règlements qui les empêchent de prendre dans leurs véhicules des gens qui ne sont pas officiellement inscrits à leurs programmes.

Tout en reconnaissant que cette question relève essentiellement des provinces, M. Fuller croit que le gouvernement fédéral pourrait atténuer certains des problèmes qui se posent en offrant des prêts de démarrage à des services centraux de covoiturage dans le cadre de l’Aide au développement des collectivités. Le gouvernement fédéral pourrait également encourager ces organisations à acheter des véhicules à faible consommation, utilisant peut-être des biocarburants, ce qui aurait des avantages environnementaux et aiderait les agriculteurs locaux. Pour sa part, M. Reimer croit que le gouvernement fédéral devrait offrir des subventions, des remises sur le prix du carburant ou des crédits d’impôt pour aider les organismes de transport ruraux.

b.      Tourisme

Même si la réputation des paysages naturels (essentiellement ruraux) du Canada n’est pas à refaire, M. Cummings estime que le gouvernement fédéral pourrait en faire davantage pour encourager le tourisme rural : « Nous nous montrons timorés dans nos activités de promotion. Nous ne faisons pas preuve d’imagination dans la manière dont nous vantons notre nature et les possibilités qui s’offrent. Nous pouvons soutenir le secteur des services de multiples façons. Nous soutiendrons la ruralité dans une bonne partie du Canada, pas partout, mais assurément dans une bonne partie du Canada. » (Témoignages, 31 octobre 2006)

c.       Immigration

L’arrivée de nouveaux immigrants pourrait contribuer à la revitalisation des régions rurales, comme elle l’a fait au début du XXe siècle. Ainsi que l’a noté M. Partridge, « les immigrants sont associés à un effet de multiplication très important en ce qui concerne la croissance de la population rurale. Non seulement ils s’y ajoutent eux-mêmes, mais en plus, ils produisent deux autres effets. D’abord, il y a la masse critique. Si ces collectivités comptent un nombre suffisant d’habitants, elles peuvent garder un hôpital et faire en sorte que l’endroit soit vivable pour des gens nés au Canada même. » De plus, « une fois que vous commencez à attirer des immigrants, vous obtenez un effet de multiplication qui fait que d’autres immigrants encore viennent, ce qui rend la collectivité plus vivable, car elle peut compter sur davantage de services. Le problème, c’est que nombre de collectivités rurales ne comptent pas d’immigrants et qu’elles éprouvent de la difficulté à en attirer. » (Témoignages, 26 octobre 2006)

Pour M. Bruce, on pourrait attirer des immigrants dans le Canada rural en ciblant ceux d’entre eux qui viennent eux-mêmes de régions rurales ou qui souhaitent y vivre : « Il faut voir comment nous pouvons signaler ce besoin aux pays dont les gens [ont] plus d’éléments en commun entre le pays d’origine et le Canada rural. » (Témoignages, 26 octobre 2006)

M. Cummings estime que les gouvernements doivent faciliter la transition de certains immigrants vers les régions rurales en finançant des services interculturels et l’apprentissage de l’anglais ou du français langue seconde dans les régions rurales : « [Ces services] n’ont pas à être importants et coûteux. Ils peuvent être intégrés à des volets qui peuvent être divisés pour répondre aux besoins de la collectivité. » (Témoignages, 31 octobre 2006)

d.      Régionalisation de services gouvernementaux

Au fil des ans, le gouvernement fédéral a soit établi soit déménagé certains de ses services à l’intérieur de petites localités et régions du pays. Ainsi, le centre de la taxe sur les produits et services (TPS) se trouve dans l’Île-du-Prince-Édouard, et des centres fiscaux ont été créés à des endroits tels que Sudbury, en Ontario, et Shawinigan, au Québec. M. Partridge a dit au Comité que les bureaux régionaux du gouvernement peuvent contribuer à la stabilisation des économies régionales et jouer un rôle important dans la création du genre de centres régionaux qu’il croit essentiels à la prospérité future du Canada rural. À son avis, « [ces] genres de services [...] pourraient être offerts à l’étranger, en Inde. Pourquoi ne pourrait-on pas les confier à de petites collectivités rurales, de façon à étaler la richesse? » (Témoignages, 26 octobre 2006)

e.       Davantage de recherche sur le Canada rural

Le Comité a appris que, malgré un demi-siècle de déclin économique relatif, la pauvreté rurale et, d’une façon plus générale, les questions rurales n’ont fait l’objet que de très peu de recherches sérieuses. D’après Mme Mitchell, « nos recherches sont incomplètes. Très peu de recherche se fait sur la situation dans les régions rurales au Canada. » (Témoignages, 17 octobre 2006) Pour sa part, M. Fuller a déploré le manque de bonnes données empiriques sur les problèmes de transport dans le Canada rural.

Plusieurs témoins ont recommandé que des fonds supplémentaires soient affectés pour combler cette lacune. Pour M. Jean, « il faut encourager la recherche universitaire de qualité sur les nombreux problèmes que doivent affronter les communautés rurales de ce pays, en lançant une initiative de recherche sur les défis de développement de la ruralité canadienne. » (Témoignages, 26 octobre 2006)

Conclusion

L’éventail de propositions avancées par nos témoins, dont nous avons présenté un aperçu ici, est vraiment impressionnant. M. Freshwater a encouragé le Comité à envisager des changements radicaux dans ses recommandations concernant la pauvreté rurale : « Je vous engage à penser à de grands changements plutôt qu’à des changements cumulatifs. Si les mesures prises n’ont pas donné de résultats probants, il est peu vraisemblable que de petits changements en fassent beaucoup plus. »(Témoignages, 21 novembre 2006)

Soulevant une question semblable, mais d’un point de vue différent, M. deGroot-Maggetti a exhorté les membres du Comité à étudier une recommandation de stratégie nationale de lutte contre la pauvreté touchant tant les régions rurales que les milieux urbains, et semblable, du moins en principe, à celle annoncée récemment à Terre-Neuve-et-Labrador. « D’après nous, ce que l’on doit d’abord faire, et il ne s’agit pas de l’approche pratique directe, c’est élaborer une stratégie visant à régler ces problèmes, car celle-ci devra prendre en compte ce que les différents groupes peuvent faire. Il y a certaines choses que le gouvernement fédéral peut faire, il y a des choses que les gouvernements provinciaux peuvent faire, et il y a des stratégies de lutte contre la pauvreté qui se déroulent aussi au niveau de la collectivité. Une stratégie comme celle-là, on peut l’élaborer dans le cadre d’un budget particulier et prendre des mesures particulières. Elle ne permettra peut-être pas de se défaire de la pauvreté, mais elle s’inscrit dans un plan global, qui doit effectivement avoir pour objectif l’éradication de la pauvreté. » (Témoignages, 29 novembre 2006)

Comme nous l’avons signalé au début de ce chapitre, beaucoup des propositions faites témoignent d’une grande confiance dans l’endurance du Canada rural et d’un principe sous-jacent : le gouvernement fédéral (de même que les provinces) doit faciliter, mais non dicter, la recherche de solutions aux problèmes du Canada rural.

Autrement dit, les collectivités rurales doivent elles-mêmes trouver les initiatives de développement économique et de lutte contre la pauvreté les mieux adaptées à leurs besoins particuliers. Le gouvernement fédéral et les provinces peuvent y contribuer en offrant du financement et, si nécessaire, des mesures d’élaboration et de mise en œuvre des politiques. Pour M. Jean, « la meilleure politique rurale, c’est celle qui est cogérée avec les ruraux. » (Témoignages, 26 octobre 2006)


CHAPITRE 6 : CONCLUSION

Je suis convaincu que les ruraux exercent plusieurs fonctions. Tout en occupant le territoire, ils produisent des biens et services, ils aménagent un paysage. L’occupation du territoire est une fonction géopolitique essentielle pour la souveraineté nationale et la sécurité. On peut dire également que les ruraux le font bénévolement. Mais dans certaines zones isolées, je pense que le gouvernement a la responsabilité de les aider à se maintenir dans cette partie du territoire. — Bruno Jean, titulaire de la chaire de recherche du Canada en développement rural à l’Université du Québec à Rimouski, témoignage, 26 octobre 2006


Quant à savoir en quoi les régions rurales sont si importantes, je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’invoquer la question de la sécurité nationale. Nous pouvons invoquer toutes sortes d’autres facteurs. Premièrement, les gens sont nombreux à aimer le mode de vie qui existe dans les régions rurales. Ils aiment les petites villes; ils n’aiment pas la congestion; ils aiment le fait de connaître leurs voisins; ils aiment l’impression générale qui se dégage d’une zone rurale. Si nous perdons nos collectivités rurales, nous perdons cette option. Une des raisons principales pour lesquelles les régions rurales sont si importantes au Canada, c’est que ce que nous perdons, nous le perdons non seulement aujourd’hui, mais encore pour des siècles. De même, les collectivités rurales constituent souvent la première ligne de défense pour ce qui est de l’environnement. Elles en sont les gardiens. Ce sont elles qui se trouvent aux abords des bassins hydrographiques, des forêts et des lacs. En ce sens, la bonne santé du Canada rural favorise la bonne santé de l’environnement. Il y a une autre raison, qui est culturelle : nous perdons une bonne part de notre patrimoine si nous perdons nos collectivités rurales. — Mark Partridge, témoignage, 26 octobre 2006

Nous avons dit, dans l’introduction du présent rapport, que les ruraux pauvres sont souvent invisibles. Le Comité espère, dans le cadre des déplacements qu’il prévoit pour l’hiver et le printemps 2007, faire sa part pour qu’ils soient entendus, pour faire connaître leurs préoccupations et les rendre plus visibles. Ce rapport intérimaire permettra, nous l’espérons, de lancer un débat, le but ultime étant bien sûr d’écouter, d’apprendre et de contribuer à l’avancement de la cause des ruraux pauvres au moyen de recommandations pertinentes.

Le Comité tient à insister sur sa profonde foi dans la capacité du Canada rural de concevoir ses propres solutions avec un soutien adéquat de la part du gouvernement. Le Comité espère avoir l’occasion de s’entretenir avec les habitants des collectivités qui ont eu un certain succès dans leur lutte contre le déclin et la pauvreté dans les régions rurales.

Le Comité veut également insister sur le fait que le Canada urbain a besoin du Canada rural non seulement pour s’approvisionner en vivres, en bois, en minéraux ou en poisson, mais aussi pour profiter de sa bonne intendance de l’environnement, de ses bassins hydrographiques, de ses forêts et de ses grands espaces.


DÉFINITIONS DE FAIBLE REVENU / PAUVRETÉ

Mesure de la pauvreté d’après les besoins fondamentaux : Conçue pas M. Christopher Sarlo, chercheur auxiliaire au Fraser Institute, cette approche définit les seuils de pauvreté en mesurant la consommation minimale (par opposition au revenu) nécessaire pour maintenir le bien-être physique. Ainsi, elle met l’accent sur le coût des biens essentiels, soit le logement (appartements à prix modique), les vêtements et l’alimentation (suffisamment de calories pour ne pas souffrir de la faim).  Selon cette approche, une famille est pauvre si son revenu avant impôt est insuffisant pour subvenir à ses « besoins fondamentaux ».

Mesure du faible revenu (MFR) : Suivant la MFR, les Canadiens à faible revenu sont ceux qui vivent dans des familles dont le revenu après impôt est inférieur à la moitié du revenu médian de l’ensemble des familles canadiennes, pendant une année donnée.

Mesure de la pauvreté fondée sur le panier de consommation : Élaborée par Développement des ressources humaines Canada, cette mesure de la pauvreté est fondée sur le coût estimatif d’un panier de biens et services censé représenter la norme de consommation pour une famille type composée de deux adultes et de deux enfants.  Cette mesure englobe les coûts de l’alimentation, de l’habillement, du logement, du transport et d’autres biens et services dans différentes régions du Canada.

Seuil de faible revenu (SFR) : Conçu par Statistique Canada, le seuil de faible revenu est établi à 20 points de pourcentage au-dessus de la proportion moyenne du revenu consacrée par le ménage à l’alimentation, au logement et à l’habillement. Si le revenu du ménage est inférieur à ce seuil, Statistique Canada le classe parmi les ménages « à faible revenu ». En 1992, par exemple, la famille moyenne composée de quatre personnes consacrait 43 p. 100 de son revenu après impôt à l’alimentation, au logement et à l’habillement. Si l’on ajoute 20 points de pourcentage, le SFR après impôt est égal à 63 p. 100 du revenu après impôt consacré à l’alimentation, au logement et à l’habillement.

DÉFINITIONS DE RURAL

Essentiellement rural : Selon cette approche mise au point par l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), une région est définie comme « rurale » lorsque plus de la moitié de la population vit dans des communautés où la densité démographique est inférieure à 150 personnes par kilomètre carré. Les régions essentiellement rurales de l’OCDE englobent les personnes qui vivent à la campagne et dans les petites villes, à l'intérieur et à l'extérieur de la zone de migration quotidienne des grands centres urbains.

Régions rurales et petites villes (RRPV) : Conçue par Statistique Canada, cette définition du terme « rural » s’applique à toute collectivité ou à tout lieu comptant moins de 10 000 personnes et dont moins de la moitié de la population fait la navette pour travailler en milieu urbain.

Zone d’influence métropolitaine (ZIM) : La définition de la ZIM est basée sur la densité de la population et la distance, mais prend également en considération le navettage entre les régions rurales, les petites villes et les grands centres. Les ZIM sont assignées en fonction du pourcentage de navettage de la main-d’oeuvre vers les milieux urbains (ZIM forte : 30 à < 50 %; ZIM modérée : 5 à < 30 %; ZIM faible : > 0 à < 5 %; Zone sans IM : aucun navetteur).


Le 28 septembre 2006

 

Organisation National Anti-Pauvreté :

Sherrie Tingley, directeur général;

Debbie Frost, présidente, Conseil d'administration;

Nancy Shular, vice-présidente, Conseil d'administration.

 

 

 

Le 3 octobre 3 2006

 

Agriculture et Agroalimentaire Canada :

L'honorable Charles Strahl, C.P., député, ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire;

Christiane Ouimet, sous-ministre déléguée;

Donna Mitchell, directrice exécutive, Secrétariat rural aux coopératives.

 

 

 

Le 5 octobre 2006

 

Statistique Canada :

Sylvie Michaud, directrice, Statistique du revenu;

Denis Chartrand, directeur, division de l'Agriculture;

Ray Bollman, économiste chercheur.

 

 

 

Le 17 octobre 2006

 

Agriculture et Agroalimentaire Canada :

Donna Mitchell, directrice exécutive, secrétariat rural aux coopératives;

Christine Burton, directrice, Politique rurale et développement stratégique.

 

 

 

Le 24 octobre 2006

 

À titre personnel :

Jim Sentance, professeur agrégé, Département d'économie, Université de l'Île-du-Prince-Édouard.

 

 

 

Le 26 octobre 2006

 

À titre personnel :

Bruno Jean, titulaire, chaire de recherche du canada en développement rural, Université du Québec à Rimouski;

David Bruce, directeur, Rural and Small Town Programme, Mount Allison University;

Mark Partridge, professeur auxiliaire, Département de l'économie agricultural, Université de Saskatchewan.

 

 

 

Le 31 octobre 2006

 

À titre personnel :

Harry Cummings, professeur, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph;

Anthony Fuller, professeur, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph.

 


 

 

 

 

Le 7 novembre 2006

 

Institut C.D. Howe :

Finn Poschmann, directeur de la recherche.

À titre personnel :

Michael Goldberg, président, First Call: BC Child and Youth Coalition. (par vidéconférence)

 

 

 

Le 9 novembre 2006

 

À titre personnel :

Peter Apedaile, professeur émérite, Département de l'économie rurale, Université de l'Alberta;

Bill Reimer, professeur, Département de sociologie et anthropologie, Université Concordia.

 

 

 

Le 21 novembre 2006

 

À titre personnel :

David Freshwater, professeur et directeur des études supérieures pour l'économie agricole, Université de Kentucky;

Donald Reid, professeur, École de design environnemental et de développement rural, Université de Guelph.

 

 

 

Le 23 novembre 2006

 

À titre personnel :

Diane Martz, chef de groupe de recherche, Le centre d'excellence pour la santé des femmes - région des prairies.

 

 

 

Le 28 novembre 2006

 

Fraser Institute :

Chris Sarlo, agrégé supérieur de recherches Citizens for Public Justice. (par vidéoconférence)

Citizens for Public Justice :

Greg deGroot-Maggetti, analyste des politiques socio-économique;

Harry J. Kits, directeur exécutif.

 

 

 

Le 30 novembre 2006

 

À titre personnel :

Kurt Klein, professeur, Département des affaires économiques, University of Lethbridge.

 



[1] Dans une étude effectuée à l’aide des données de 1996, Statistique Canada a estimé que la population essentiellement rurale du Canada était de 8,9 millions de personnes et que la population dans les régions rurales et les petites villes était de 6,3 millions de personnes. Tandis que 86 % de la population des RRPV vivaient également dans des secteurs considérés comme essentiellement ruraux, seulement 60 % de la population essentiellement rurale résidait dans des zones considérées comme RRPV. Les autres 40 % de la population essentiellement rurale habitaient dans l’aire de migration alternante d’un grand centre urbain. Voir Du Plessis, Valérie, Roland Beshiri, Ray D. Bollman et Heather Clemenson. Définitions de « rural »,  document de travail de Statistique Canada, No061, No catalogue 21-601-MIF202-061.

[2] La mesure de M. Sarlo adopte comme hypothèse que tout le monde a accès au transport en commun, ce qui, comme il le reconnaît dans son travail, n’est clairement pas le cas dans le Canada rural, comme nous le verrons. Cela rend sa mesure plus ou moins utile pour l’étude de la pauvreté en milieu rural.

[3] Aux fins d’illustration, bien qu’il soit possible de survivre en s’alimentant surtout de riz et de fèves (par exemple), le régime alimentaire proposé par M. Sarlo se conforme aux exigences de Santé Canada et du Guide alimentaire canadien et inclut diverses coupes de viande (palette semi-désossée, bœuf à bouillir, bœuf haché, poulet, etc.), des légumes (chou, carottes, céleri, laitue, etc.), des fruits (bananes, oranges, pommes), des produits céréaliers (flocons de maïs, pâtes, pain (blanc) tranché, farine) ainsi que du sucre, du sel et de la margarine.

[4] M. Sarlo prévoit que ces besoins fondamentaux changeront au fil du temps et suivant les endroits, compte tenu des grands changements sociaux. Sa mesure de la pauvreté inclut, par exemple, le coût du service téléphonique de base, un service qui, de toute évidence, aurait été considéré comme un produit de luxe il y a cent ans. 

[5] Les tendances démographiques sont examinées au chapitre suivant. À noter également qu’il ne s’agit pas d’une liste exhaustive de toutes les définitions existantes de « rural ». Les définitions des régions rurales et des petites villes (RRPV) et de « région essentiellement rurale » sont toutefois les plus largement utilisées au Canada.

 

[7] Les données sur les fréquences de faible revenu/pauvreté discutées dans ce paragraphe sont calculées à partir de revenu familial après-impôts.

[8] Le taux de pauvreté est calculé en additionnant toutes les personnes qui se situent au-dessous d’un seuil de pauvreté donné dans une région donnée (en milieu rural par exemple) et en divisant ce nombre par la population en question (c’est-à-dire suivant la définition des régions rurales et des petites villes - RRPV).

[9] Rural est déterminé ici par la définition des régions rurales et des petites villes (RRPV) offerte par Statistique Canada.

[10] L’analyse présentée dans ce paragraphe est tirée de l’exposé fait par Statistique Canada devant le Comité le 5 octobre 2006.

[11] Agriculture et Agroalimentaire Canada. Recueil de données sur les questions de revenu agricole : février 2005, graphique D2.3, p. 79.

[12] Les mesures de M. Sarlo posent aussi problème dans le contexte rural parce que les seuils qu’il établit supposent que tous ont accès au transport en commun, ce qui, il le reconnaît dans ses travaux, n’est de toute évidence pas le cas.

[13] Statistique Canada, Recensement de la population, 1851-2001. Cette figure s'appuie sur la définition suivante des régions rurales : « régions ayant une population clairsemée, situées à l'extérieur des régions urbaines ». Les régions urbaines sont celles avec un peuplement de plus de 1 000 et une densité de population de plus de 400 par kilomètre carré. 

[14] Dupuy, Richard, Francine Mayer et René Morissette,  Les jeunes ruraux : Rester, quitter, revenir, Rapport soumis au Secrétariat rural d'Agriculture et Agroalimentaire Canada et à l'Agence de promotion économique du Canada atlantique, Statistique Canada, 31 mars 2000. 

[15] Bollman, Ray, Rural Canada: Drivers and Riders, présentation au personnel du Western Producer, 27 septembre 2006, Saskatoon, fourni au Comité. 

[16] Beshiri, Roland, Les immigrants au Canada rural : une mise à jour de 2001, Statistique Canada, Bulletin d'analyse : régions rurales et petites villes du Canada, vol. 5  no 4, juin 2004. 

[17] McCracken, Mike, Kathy Tsetso, Bruno Jean, Kay Young, Danny Huxter, Greg Halseth et Marion Green, Les aînés du Canada rural et des régions éloignées du Canada : document de travail, Partenariat rural canadien, le Comité consultatif sur les questions rurales, 2005.

[18] Fermes de recensement ??

[19] Bollman, Ray, The Demographic Overlap of Agriculture and Rural: Implications for the Coherence of Agricultural and Rural Policies, présentation à l’atelier de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sur la cohérence des politiques de développement agricole et rural, 24-26 octobre 2005, fourni au Comité.

[20]Bollman, Ray, Rural Canada: Drivers and Riders, op cit. 

[21] Statistique Canada, estimations de l’Enquête sur la population active, CANSIM Tableau 282-0099

[22] OCDE, The New Rural Paradigm: Policies and Governance, 2006, Paris

[23] Bollman Ray, Rural Canada: Drivers and Riders, op. cit.

[24] Beshiri, Roland, Structure de l'emploi dans les régions rurales et les petites villes du Canada : le secteur manufacturier, Bulletin d'analyse : régions rurales et petites villes du Canada, vol. 2  no 8, juin 2004.

[25] Cette analyse est fondée sur la définition prédominante de l’OCDE pour l’adjectif rural. 

[26] Bollman, Ray, Drivers and Riders, Statistique Canada, op cit. 

[27] Fuller, Tony, Sustainable Rural Communities in the Arena Society, dans Towards Sustainable Rural Communities: The Guelph Seminar Series,  John M. Bryden (auteur), 1994, Guelph: École universitaire de planification et de développement ruraux. p. 133-139.

[28] Reimer, Bill, Rural and Urban: Differences and Common Ground, dans Harry H. Hiller (Ed), Urban Canada: Sociological Perspectives, 2005, Toronto: Oxford University Press.

[29] Bollman, Ray, Rural Canada: Drivers and Riders, op cit

[30] Ibid.

[31] Gouvernement de la Saskatchewan, 1999, Parallel Process on Roads: Saskatchewan Road Impact Analysis, p. i.

[32] Doug Ramsey, “Elevators, Doctors, and Libraries: Fighting the Good Fight in Rural Manitoba”, “In Sites” Information Flyer, New Rural Economy Project (NRE2).

[33]Gouvernement de la Saskatchewan, op cit.

[34] Ibid.

[35] , Todd Gordon,  Le réseau routier rural en Ontario : Où en sommes-nous? Quelle direction prendre aujourd'hui?, Gouvernement du Canada, Collection d'études sur le transport en milieu rural, étude no 3, p. i.

[36] Institut canadien d'information sur la santé (ICIS), Comment se portent les Canadiens vivant en milieu rural? Une évaluation de leur état de santé et des déterminants de la santé, septembre 2006. Cette étude adopte une définition de « rural » fondée sur la définition de « régions rurales et petites villes (RRPV) » de Statistique Canada.

[37] Comme le notent les auteurs, cependant, beaucoup de ces effets sont atténués ou même inversés dans les zones à forte influence métropolitaine (ZIM fortes).

[38] ICIS, Comment se portent les Canadiens vivant en milieu rural, p. 43.

[39] Ibid., p. 13.

[40] Statistique Canada, « À quelle distance se trouve le plus proche médecin? », Bulletin d'analyse : Régions rurales et petites villes du Canada, volume 1, no 5, mars 1999.

[41] Cité dans Michelle Khan, « Health Access in Rural Canada », rapport de cherche non publié, septembre-août 2006.

[42] La majeure partie de la discussion de ce paragraphe est tirée de Michelle Khan, « Health Access in Rural Canada », rapport de cherche non publié, septembre-août 2006.

[43] ICIS, Répartition géographique des médecins au Canada : Au-delà du nombre et du lieu, Janvier 2006, p. ix.

[44] ICIS, Comment se portent les Canadiens vivant en milieu rural, p. 10.

[45] David A. Green et W. Craig Riddell, Les capacités de lecture et de calcul et la situation sur le marché du travail au Canada, Statistique Canada, 2001, p. 18.

[46] Neil Rothwell,  « Employment in Rural and Small Town Canada : An Update to 2000, » Bulletin d’analyse: Régions rurales et petites villes du Canada, Volume 3, No. 4, décembre 2001, Catalogue No. 21-006-XIE.

[47] Nous examinons de plus près ces deux conséquences ci-dessous.

[48]Par définition, le revenu net du marché des exploitations agricoles est égal au « revenu net réalisé » moins les « paiements directs du gouvernement ». Le revenu net réalisé est égal à la différenceentre les recettes monétaires et les dépenses d’exploitation des agriculteurs, moins l’amortissement, plus le revenu en nature.

[49] Ces paragraphes s'inspirent largement d'un article de Brett Fairbairn, de l'Université de la Saskatchewan, intitulé “A Preliminary History of Rural Development Policy and Programmes in Canada, 1945-1995”, disponible sur le site Web de la Nouvelle économie rurale à http://nre.concordia.ca/nre_reports.htm.


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