Délibérations du Sous-comité des Villes
Fascicule 1 - Témoignages du 29 mars 2007
OTTAWA, le jeudi 29 mars 2007
Le sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 10 h 47 pour étudier les questions sociales qui touchent les grandes villes canadiennes et en faire rapport.
Le sénateur Art Eggleton (le président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Nous allons commencer.
[Français]
Bienvenue à la première réunion du sous-comité sur les villes. Je suis très enthousiaste du travail que nous sommes sur le point de commencer.
[Traduction]
Nous allons commencer notre séance d'aujourd'hui par un aperçu de certaines tendances de l'urbanisation au pays que nous présentera Statistique Canada. Le dernier rapport a obtenu beaucoup d'attention médiatique et concorde avec notre examen sur les villes. Comme vous le voyez, ils sont venus nombreux.
Bienvenue. Vous avez la parole.
Garnett Picot, directeur général, Analyse socioéconomique et commerciale, Statistique Canada : Merci beaucoup. Nous sommes très heureux de comparaître aujourd'hui.
Voici un sujet qui nous intéresse beaucoup. En plus de la publication récente du rapport dont a parlé le président, en 2004-2005, nous avons produit près de neuf rapports sur les tendances et les conditions dans les villes. Nous espérons mettre à jour ces documents dans les deux prochaines années, au fur et à mesure que l'on aura obtenu davantage de données par le biais du recensement.
Aujourd'hui, nous voulons vous parler des conditions sociales et de ce que vous appelez la « capacité sociale » dans votre note d'information. Nous aurions pu parler de beaucoup d'autres sujets, mais nous nous en sommes tenus à ceci.
Nous nous concentrerons sur les éléments suivants : la croissance de la population — et nous disposons des données récentes du nouveau recensement de 2006, qui figure dans le rapport dont le président a parlé; l'établissement de l'immigration et les conséquences économiques de l'immigration dans les grandes villes; le faible revenu dans les villes; quelques éléments sur le taux de criminalité; et enfin, on vous parlera un peu des villes et du développement économique. Cela fait beaucoup d'éléments et de villes à couvrir. Nous ne pourrons pas les couvrir toutes, mais aux fins de cet exposé, nous en choisirons quelques-unes et vous signalerons si une tendance particulière s'applique à toutes les villes ou plutôt à une seule.
Comme je l'ai dit, nous disposons à présent des dernières données sur la croissance de la population, mais notre information est moins récente sur les autres sujets, parce que la plupart de ceux-ci exigent les résultats du recensement et que le dernier recensement date de 2001. Au cours de l'année qui vient, nous publierons davantage de données et nous vous fournirons les dates de ces publications. Je voulais simplement vous mettre à jour relativement à la disponibilité des données.
Trois personnes vous feront un exposé. Commençons par Grant Schellenberg, qui va nous parler des changements de la population dans les villes.
Grant Schellenberg, analyste principal, Statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : J'aimerais d'abord définir un concept clé qui régira notre discussion. Statistique Canada emploie différentes définitions pour décrire les zones urbaines. La région métropolitaine de recensement, ou RMR, est très souvent utilisée et sera le concept géographique principal employé dans cet exposé. Une région métropolitaine de recensement est une région dont la population atteint au moins 100 000 personnes, incluant un noyau urbain d'au moins 50 000 personnes. Entre 2001 et 2006, le nombre de RMR au Canada est passé de 27 à 33. Remarquons que les RMR comprennent généralement, ou souvent, plusieurs municipalités.
À la diapositive suivante, les résultats du recensement de 2006 indiquent que le Canada est très urbanisé, car les deux tiers de sa population vivent dans l'une des 33 régions métropolitaines de recensement du pays. Treize pour cent de la population vit dans des centres urbains de taille moyenne, c'est-à-dire les centres qui ont une population de 10 000 à 100 000 personnes environ. Enfin, 19 p. 100 de la population vit dans de petites villes ou des régions rurales.
Six RMR — Montréal, Toronto, Vancouver, Ottawa-Gatineau, Calgary et Edmonton — comptent chacune plus de un million d'habitants actuellement. Entre 1996 et 2006, la proportion de la population canadienne qui vivait dans ces six grandes RMR est passée de 42 à 45 p. 100. Dans ce contexte, on peut dire que la population du Canada est de plus en plus concentrée dans les grands centres urbains.
Le tableau 4 fait état du taux de croissance des RMR. Entre 2001 et 2006, cette croissance a beaucoup varié. Comme vous l'observez sur ce tableau, tout à fait à gauche, la population de Barrie, une des plus récentes RMR du Canada, a augmenté de près de 20 p. 100 au cours de ces cinq années.
Les taux de croissance de Calgary, d'Oshawa et d'Edmonton étaient de plus de 10 p. 100 au cours de cette période et 11 RMR ont présenté une croissance de population supérieure à la moyenne nationale de 5,4 p. 100.
Seules deux RMR, Saint John et Saguenay, ont vu leur population diminuer entre 2001 et 2006.
Le deuxième élément important que l'on observe dans ce tableau, c'est que le taux de croissance de la population est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale canadienne dans 33 des RMR, soit environ 7 p. 100. De plus, dans les six plus grandes RMR, ce taux de croissance était de près de 8 p. 100. À l'inverse, le taux de croissance de la population des centres urbains de taille moyenne, 4 p. 100, et des petites villes et des régions rurales, 1 p. 100, est nettement inférieur à la moyenne nationale. Pour résumer, la croissance de la population est concentrée dans les grandes RMR.
La population des RMR continue à s'étaler sur le plan géographique, ce qui s'observe de deux façons. D'abord, les municipalités périphériques des RMR augmentent plus rapidement que les municipalités centrales. Je vous montrerai ce phénomène sur une carte dans un instant. Deuxièmement, à l'extérieur des RMR, on observe que les régions rurales situées près des régions métropolitaines ont crû plus rapidement, avec un taux de près de 5 p. 100, que les régions plus éloignées. Cela s'observe également dans les centres urbains de taille moyenne, dont les petites municipalités qui connaissent la plus forte croissance sont situées à moins de 100 kilomètres de Montréal, Toronto ou Vancouver, ou près des autres RMR. Par conséquent, les RMR sont des moteurs de croissance.
Sur la prochaine diapositive, on observe une vue spatiale de la croissance de la population de la RMR de Toronto. Il y a beaucoup d'éléments dans ce tableau, mais j'aimerais attirer votre attention sur le plus important. Sur cette image, la municipalité de Toronto est située dans le groupe du bas. La municipalité de Toronto a connu une croissance de moins de 1 p. 100 entre 2001 et 2006.
La municipalité de Toronto ne représente que 5 p. 100 de la croissance totale de la population de la RMR. Si l'on regarde les cinq municipalités autour de celle de Toronto, en haut et un peu à droite de la carte, il y a Markham, puis si on continue vers la gauche, Richmond Hill, Vaughan et Brampton. La croissance de la population de chacune de ces municipalités se situait généralement entre 25 et 30 p. 100, comparativement à moins de 1 p. 100 pour la municipalité de Toronto. Si l'on inclut Mississauga dans ce groupe, on observe que 70 p. 100 de la croissance de la population de la MRM de Toronto était concentrée dans ces cinq municipalités du premier anneau qui encercle la municipalité de Toronto. C'est une croissance qui représente 300 000 personnes sur une croissance nette de 430 000 personnes pour toute la MRM de Toronto.
Vingt-cinq pour cent de la croissance de la MRM de Toronto est également concentrée dans les municipalités plus éloignées. C'est le phénomène de l'étalement géographique. On l'observe également dans beaucoup de grandes RMR, comme en témoigne la prochaine diapositive sur la ville de Calgary. Nous pourrions vous montrer beaucoup d'autres cartes comme celles-ci. Ce qu'il faut retenir, c'est que la croissance est plus importante dans les régions périphériques.
Ces tendances de croissance en fonction de la géographie ont des incidences importantes sur le transport et le navettage. La croissance de l'emploi reflète la croissance de la population et on l'observe plutôt à l'extérieur des centres-villes. Si l'on prend Toronto comme exemple, entre 1996 et 2001, plus de 200 000 emplois ont été créés dans des endroits situés à plus de 20 kilomètres du centre-ville.
Nous remettrons cette information à jour une fois que le nouveau recensement sera disponible. Pour ces 200 000 emplois situés à plus de 20 kilomètres du centre-ville, 90 p. 100 des personnes vont travailler en voiture et 7 p. 100 seulement utilisent les transports en commun.
Au cours de la même période, 73 000 emplois ont été créés à moins de cinq kilomètres du centre-ville de Toronto. Vingt-trois pour cent des personnes qui occupaient ces emplois se rendaient au travail en voiture et 64 p. 100 utilisaient les transports en commun. On observe cette tendance dans beaucoup d'autres grandes RMR, y compris les défis qu'elle pose en matière de transport.
Jusqu'ici, nous avons parlé du taux de croissance et de certains aspects géographiques de cette croissance. J'aimerais maintenant évoquer certaines des raisons démographiques qui expliquent cette croissance des RMR. Ces facteurs démographiques ne sont pas les mêmes d'une RMR à l'autre.
La croissance de la population dans certaines RMR découle principalement des déménagements en provenance d'autres villes. Cela implique les déménagements à l'intérieur de la province ou d'une province à l'autre. C'est ce phénomène qui explique la croissance de RMR comme Moncton, Barrie, Brantford, Oshawa et Kelowna.
Dans d'autres RMR, cette croissance de la population est due à l'immigration. Les exemples les plus flagrants de cette tendance sont Montréal, Toronto et Vancouver, mais l'immigration est aussi un facteur important de la croissance de RMR comme Abbotsford, Sherbrooke, Hamilton et London.
Pour certaines RMR, ce sont ces deux facteurs qui expliquent la croissance de la population. Calgary et Edmonton, et leurs économies florissantes, en sont de bons exemples.
J'aimerais maintenant attirer votre attention sur la question de l'immigration dans les RMR canadiennes. En 2001, 94 p. 100 de tous les immigrants qui sont arrivés au Canada dans les années 1990 se sont installés dans l'une des 27 RMR du pays à leur arrivée. En outre, les immigrants sont de plus en plus concentrés dans les plus grandes régions métropolitaines de recensement du pays, notamment Montréal, Toronto et Vancouver.
À titre d'exemple, 33 p. 100 des immigrants qui sont arrivés au pays dans les années 1970 se sont installés à Toronto. Ce sont des personnes qui sont au pays depuis 10 ans ou moins. Parmi les immigrants qui sont arrivés au Canada dans les années 1990, 43 p. 100 se sont installés à Toronto, ce qui représente une augmentation de 9 points de pourcentage. On observe la même tendance à Vancouver, où la part d'immigrants qui s'y sont installés est passée de 11 à 18 p. 100 au cours de cette période. De façon générale, à Montréal, à Toronto et à Vancouver combinées, la part d'immigrants qui choisissent ces villes est passée de 58 à 73 p. 100 entre 1981 et 2001.
Enfin, il est important de remarquer que depuis le début des années 1980, les pays sources d'immigrants ne sont plus tellement les États-Unis et les pays d'Europe de l'Est, mais plutôt les pays d'Asie, ce qui se reflète dans les plus grandes régions métropolitaines de recensement du Canada. En 2001, les minorités visibles représentaient environ un tiers de la population de Toronto et de Vancouver et selon les projections démographiques de Statistique Canada, cette proportion atteindra environ 50 p. 100 dans ces deux RMR d'ici 2017.
Mon collègue Andrew Heisz va maintenant examiner avec vous les autres changements des caractéristiques et des expériences des immigrants des RMR du Canada.
Andrew Heisz, économiste principal de recherche, Analyse des entreprises et du marché du travail, Statistique Canada : Je vais commencer mon exposé en revenant quelque temps sur la question de la sélection et de l'intégration des immigrants dans notre marché du travail.
Au début des années 1990, le processus de sélection des immigrants a été modifié pour encourager l'entrée au Canada des immigrants les plus susceptibles de réussir dans une économie du savoir. Ces nouvelles façons de faire ont radicalement changé les caractéristiques de l'offre de main-d'œuvre de l'immigration, comme nous l'avions prévu.
Par exemple, on observe dans ce tableau que les immigrants entrent au pays avec un niveau de scolarité plus élevé. Le graphique de gauche montre le pourcentage d'immigrants qui arrivent au pays et le niveau de scolarité. Le graphique de droite porte sur la répartition des immigrants selon leur catégorie d'immigration. On observe, sur le graphique de gauche, que le niveau de scolarité des immigrants reçus l'année de leur entrée au pays a grandement augmenté. Le pourcentage des immigrants ayant un diplôme universitaire est passé de 16,9 p. 100 en 1992 à 44 p. 100 en 2007. Il y a donc eu beaucoup plus d'immigrants diplômés d'université qui sont arrivés au Canada en 2004 qu'en 1992.
On observe dans le graphique de droite des statistiques semblables selon la catégorie d'immigration, soit les travailleurs hautement qualifiés, les immigrants du programme de réunification des familles et les réfugiés, selon l'année d'arrivée au Canada. On voit clairement qu'il y a eu beaucoup plus de travailleurs hautement qualifiés qui sont arrivés au Canada en 2004 qu'en 1992. Par exemple, le pourcentage des immigrants qui étaient des travailleurs hautement qualifiés est passé de 28,8 p. 100 en 1992 à 51 p. 100 en 2004.
Cependant, malgré l'augmentation du niveau de scolarité des nouveaux immigrants, leur succès sur le marché du travail diminue. Le graphique suivant fait état des gains des immigrants récents par rapport aux personnes nées au Canada. Pour l'année 1980, on observe que les immigrants arrivés au Canada entre 1976 et 1980 ont gagné un revenu représentant entre 70 et 80 p. 100 des revenus des personnes nées au Canada, selon la RMR que l'on regarde. Cependant, cette proportion a diminué au cours des années 1980 et a atteint un minimum record en 1995, les immigrants ayant gagné un revenu correspondant à 50 p. 100 du revenu des travailleurs nés au Canada.
Les revenus des immigrants récents ont quelque peu augmenté à la fin des années 1990, avec le boom de la haute technologie, mais en 2004, ils représentaient toujours seulement 60 p. 100 des revenus des travailleurs nés au Canada.
La diapositive suivante porte sur les taux de faible revenu, un des indicateurs socioéconomiques les plus surveillés. Ce tableau représente les taux de faible revenu dans certains groupes précis, en particulier les immigrants récents, les autres immigrants, les Autochtones et les familles monoparentales. On observe que les taux de faible revenu sont particulièrement élevés chez les immigrants récents, les Autochtones et les familles monoparentales.
À titre d'exemple, pour toutes les personnes, le taux de faible revenu au cours de l'année 2000 était de 16,7 p. 100. Or, chez les immigrants récents, le taux de faible revenu était deux fois plus important, soit 32,2 p. 100. Pour les Autochtones, le taux de faible revenu est environ deux fois et demie plus élevé que le taux de la population en général, soit 39,4 p. 100.
Le sénateur Cordy : Je suis désolée de vous interrompre, mais pouvez-vous nous donner la définition d'un immigrant récent? Est-ce une personne arrivée au Canada il y a un an ou il y a cinq ans?
M. Heisz : Ici, on définit les immigrants récents comme des personnes arrivées au Canada au cours des dix dernières années, soit dix ans avant 2000. Ce tableau porte donc sur les personnes qui sont arrivées au Canada dans les années 1990.
Le taux de faible revenu est presque trois fois plus élevé chez les personnes d'une famille monoparentale que parmi la population en général.
Les RMR n'ont pas toutes la même proportion d'habitants autochtones et d'immigrants, ce qui soulève un problème important en ce qui concerne la prestation des services pour les personnes à faible revenu. Comme nous l'avons montré plus tôt, les immigrants récents sont plutôt concentrés à Vancouver, à Toronto et à Montréal, ainsi que dans d'autres RMR. D'autre part, les Autochtones sont grandement concentrés dans le Nord de l'Ontario et dans plusieurs RMR de l'Ouest comme Winnipeg, Regina et Saskatoon. Cela veut dire que les RMR n'ont pas la même représentation de groupe à faible revenu.
C'est ce que l'on essaye d'illustrer à la prochaine diapo. Chaque diagramme à secteur représente le pourcentage de faible revenu par groupe, soit les Autochtones, les immigrants récents, les autres immigrants et les autres pour trois RMR. Par exemple, le groupe autochtone représente une infime partie de la population à faible revenu. En outre, c'est la même chose pour les immigrants récents et pour les immigrants. La plupart de la population à faible revenu de cette RMR appartient à la catégorie « autres », c'est-à-dire les personnes nées au Canada.
À Toronto, qui est une ville qui accueille beaucoup plus d'immigrants récents que d'autres RMR, la part d'immigrants récents chez les personnes à faible revenu est disproportionnellement élevée, mais la part des Autochtones est relativement petite.
D'autres RMR qui accueillent beaucoup d'immigrants, comme Vancouver, auront une répartition semblable.
Le sénateur Nancy Ruth : Que veut dire « autre immigrant »?
M. Heisz : Un « autre immigrant », c'est quelqu'un qui n'est pas un immigrant récent, donc qui est arrivé au Canada il y a plus de 10 ans.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce que cette statistique a un rapport avec l'âge?
M. Heisz : Oui.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce que cela veut dire qu'ils ne font pas partie de la main-d'œuvre?
M. Heisz : C'est le cas pour certains.
Le sénateur Nancy Ruth : Trente-six pour cent, c'est énorme. Qui sont ces immigrants?
M. Heisz : À mon avis, c'est un groupe qui est un peu plus âgé que les immigrants récents même si, bien que les immigrants récents soient généralement plus jeunes que les autres immigrants, il y a également des immigrants récents âgés. Cependant, de façon générale, les « autres immigrants » sont plus âgés que les immigrants récents.
À Winnipeg, la situation est un peu différente, puisqu'on y retrouve une vaste population autochtone. Dans cette RMR, 23,8 p. 100 de la population à faible revenu est autochtone, par rapport à des pourcentages relativement moins élevés d'immigrants récents et d'autres immigrants. Quand je dis « relativement moins élevés », je veux dire par rapport à Toronto.
On constate les mêmes tendances dans d'autres RMR qui comptent une population autochtone importante, comme Regina et Saskatoon. Ces différences entre les populations à faible revenu des RMR représentent un défi pour ceux qui souhaitent élaborer une stratégie nationale afin d'aborder le problème du faible revenu. Toute solution doit peut-être être adaptée aux besoins spécifiques de chaque collectivité.
La prochaine carte porte sur l'emplacement des quartiers à faible revenu dans les RMR. Celle-ci porte sur la RMR de Toronto. L'emplacement des quartiers à faible revenu dans les grandes RMR nous intéresse, car nous voulons déterminer si elles sont concentrées en une seule grappe au centre-ville ou si elles sont dispersées à travers la RMR. Nous savons que la croissance des centres-villes des RMR canadiennes a été plus lente que la croissance dans la banlieue et que certains centres ont même connu une diminution de la population. Cela nous amène à nous demander si les quartiers à faible revenu sont centralisés dans les centres-villes des villes canadiennes, comme c'est le cas dans certaines villes américaines. Cela a aussi une incidence sur l'emplacement des services pour les personnes à faible revenu.
Cette carte vous indique certains quartiers dans la RMR de Toronto. Vous voyez que nous avons utilisé deux couleurs. Le rouge vif indique les quartiers où le taux de faible revenu est de plus de 40 p. 100, tandis que le rouge pâle indique les quartiers où le taux de faible revenu est entre 30 et 40 p. 100. Ce sont des données du recensement de 2000.
Dans le cas de Toronto, vous voyez qu'il y a une grappe de quartiers à faible revenu au centre-ville; cependant, il y en aussi à travers la région métropolitaine. Il s'agit d'une répartition décentralisée des quartiers à faible revenu. Il n'y a que quelques quartiers à faible revenu au centre-ville et encore moins en banlieue. Il s'agit d'un exemple d'une RMR qui se caractérise par un noyau urbain relativement aisé entouré par plusieurs grappes distinctes de quartiers à faible revenu.
La situation à Winnipeg, que vous pouvez constater en regardant la prochaine carte, démontre une autre répartition, que l'on trouve dans d'autres RMR canadiennes. À Winnipeg, les quartiers à faible revenu sont hautement centralisés. On constate la même répartition à Hamilton.
Nous constatons aussi que les RMR peuvent changer avec le temps. Dans notre étude, nous avons constaté que Montréal est passé, entre 1980 et 2000, d'une ville avec une seule grappe centrale de quartiers à faible revenu à une ville avec des quartiers à faible revenu décentralisés. Ce changement s'explique par la transformation économique de Montréal marquée par le fait que les quartiers à revenu élevé ont remplacé les quartiers à faible revenu au centre-ville.
Vous pouvez donc constater qu'il n'y a pas une répartition dominante de l'emplacement des quartiers à faible revenu dans les villes canadiennes : certaines villes ont une répartition décentralisée tandis que d'autres ont une répartition centralisée.
J'aimerais maintenant vous parler brièvement de la criminalité dans les RMR. Ce graphique indique la tendance du taux global de crimes pour toutes les RMR confondues au cours de la dernière décennie. Il indique le taux de crimes déclarés à la police pour 100 000 habitants. On voit qu'en 1996, le taux pour 100 000 habitants s'est situé à environ 9 000 crimes déclarés. Ce taux a diminué au cours de la décennie pour s'établir à environ 7 300 en 2005. Vous pouvez constater que les crimes diminuent, en général.
Cependant, ce qui est notable, c'est que la baisse du taux de criminalité a été plus marquée dans les grandes villes que dans les régions qui ne font pas partie des RMR. Autrement dit, la criminalité n'est pas forcément un phénomène qui touche les grandes villes. Par exemple, bien que les neuf RMR les plus importantes ont compté environ 50 p. 100 de la population en 2005, elles n'ont enregistré qu'environ 47 p. 100 du nombre global des crimes déclarés.
Cependant, le taux de criminalité déclaré varie d'une façon importante selon la région métropolitaine. Ce graphique démontre que les taux de criminalité pour 2005 ont beaucoup varié à travers le pays. Vous pouvez constater que, en général, les taux les plus élevés étaient enregistrés dans les RMR de l'Ouest : Saskatoon, Regina, Vancouver, Winnipeg et Edmonton. Les taux les plus faibles étaient enregistrés au Québec et en Ontario. Nous avons aussi constaté la même tendance au niveau provincial.
Le sénateur Cordy : Excusez-moi de vous interrompre mais qu'est-ce que vous voulez dire par cela? Voulez-vous dire que le taux de criminalité est plus faible à Halifax que dans les petites collectivités de la Nouvelle-Écosse?
John Turner, chef, Programme des services policiers, Centre canadien de la statistique juridique, Statistique Canada : Permettez-moi de répondre à votre question. En général, la tendance des taux de criminalité plus élevés dans les villes de l'Ouest existe aussi au niveau provincial. En général, les taux de criminalité les plus élevés ont été enregistrés dans les provinces de l'Ouest et les taux les plus faibles en Ontario et au Québec.
M. Heisz : Je vais concentrer le temps qu'il me reste aux conditions économiques et au développement économique dans les RMR. Je veux souligner que les RMR diffèrent considérablement sur le plan de la vigueur du marché du travail, même en 2006, en dépit de l'économie forte. Le taux de chômage dans les RMR varie considérablement. Parmi les RMR étudiées, Montréal et St. John's affichent un taux de chômage de plus de 8 p. 100 tandis que toutes les RMR de l'Ouest étudiées affichent des taux du chômage de moins de 5 p. 100. La situation du marché du travail varie donc beaucoup selon les RMR.
Je vais maintenant céder la parole à Mark Brown, qui conclura notre exposé.
Mark Brown, économiste principal de recherche, Analyse micro-économique, Statistique Canada : Un bon nombre de rapports récents ont indiqué que les villes constituent une force motrice de plus en plus importante de la croissance économique au Canada. Permettez-moi de partager quelques exemples pour illustrer ce point.
Premièrement, en moyenne, les revenus sont plus élevés dans les grandes villes. À titre d'exemple, pour les revenus, il existe un écart de 25 p. 100 entre les villes ayant une population de 500 000 personnes ou plus et les régions rurales du Canada.
Étant donné que les gens gagnent plus dans les grandes villes, le bilan économique de ces grands centres urbains est plus important qu'on l'aurait cru étant donné la taille de la population. À cause de la forte croissance métropolitaine et de la forte croissance démographique, les grands centres urbains au Canada deviennent d'autant plus importants sur le plan économique. Les chercheurs essayent d'établir pourquoi on vit un tel phénomène. Évidemment, cela s'explique en partie par des taux d'immigration élevés, notamment à Toronto et à Vancouver. Cependant, même les petits centres urbains sont en croissance. Les villes de taille moyenne, c'est-à-dire celles qui comptent entre 100 000 et 500 000 habitants, s'accroissent plus rapidement que les petites villes, et les petites villes s'accroissent plus rapidement que les régions rurales du Canada. Cela s'explique difficilement par l'immigration. Il faut tenir compte d'autres facteurs qui sous-tendent la croissance assez importante des grands centres urbains.
Les études commencent à déceler trois facteurs principaux qui caractérisent les villes et qui pourraient expliquer la croissance. D'abord, les plus grandes villes abritent des populations plus instruites. Le graphique à droite de la diapo illustre cette tendance.
Pour que l'on se comprenne bien, les grandes villes sont celles qui comptent plus de 500 000 habitants; les villes de taille moyenne sont celles qui comptent entre 100 000 et 500 000 habitants; et les petites villes sont celles qui comptent entre 10 000 et 100 000 habitants. Il y a aussi, bien sûr, les régions rurales. Il y a une vraie différence dans la proportion de diplômés selon la taille de la ville. Dans les grandes villes, la proportion de diplômés s'élève à 20 p. 100 et diminue en fonction de la taille de la ville pour se situer à environ 12 p. 100 dans les régions rurales.
En quoi cela avantage-t-il les grandes villes? Tout d'abord, la croissance économique à long terme dépend des nouveaux produits, des processus de production et des nouvelles industries, et tout cela, à son tour, dépend de plus en plus des connaissances scientifiques et techniques d'une main-d'œuvre hautement qualifiée. Et les grandes villes jouissent d'une abondance de travailleurs hautement qualifiés, comparativement aux petites villes. Le deuxième avantage est que les entreprises qui cherchent du personnel hautement qualifié vont le trouver plus facilement. Autrement dit, elles peuvent le trouver plus rapidement et elles peuvent trouver le candidat idéal pour le poste, ce qui peut être très important pour la croissance à long terme de l'entreprise.
Le niveau de scolarité de ces habitants offre donc un avantage aux grandes villes. Un deuxième avantage, qui est peut-être un peu moins évident, c'est que dans les grandes villes, les entreprises sont plus rapprochées les unes des autres. Le graphique à droite indique le nombre moyen d'entreprises par industrie selon la taille des villes. Dans une grande ville, comme Toronto ou Vancouver, il y a environ 70 entreprises dans le même secteur d'activités par industrie. Ce chiffre diminue pour atteindre environ dix pour les villes de taille moyenne et seulement quelques-unes pour les petites villes et les régions rurales.
Les entreprises du même secteur, qui font la même chose, se concentrent dans les grandes villes. Cela présente des avantages réels pour ces sociétés. Premièrement, même si ces entreprises sont souvent des concurrents les unes pour les autres, elles apprennent aussi les unes des autres. Quand une entreprise adopte avec succès une idée novatrice, les autres emboîtent rapidement le pas. Elles tentent d'apprendre les unes des autres et d'adopter rapidement les nouvelles pratiques commerciales. Parce que plus de sociétés sont regroupées au même endroit, elles sont plus nombreuses à faire différentes choses dont les autres peuvent tirer des enseignements. Ce n'est pas le cas d'une entreprise qui serait plus isolée et entourée seulement de quelques autres. Elles ont moins d'occasions d'apprendre et ont moins de connaissances à transmettre aux autres. Par conséquent, elles peuvent tirer de l'arrière et ne pas être en mesure de rattraper leur retard en matière d'innovation.
Deuxièmement, quand un grand nombre d'entreprises sont concentrées au même endroit, les réseaux acheteurs- fournisseurs sont généralement plus vastes; autrement dit, il y a plus de sociétés qui desservent ce groupe d'entreprises. Ces fournisseurs adaptent leurs produits aux entreprises acheteuses qui elles, en aval, sont alors plus concurrentielles. Bien des études ont démontré que les entreprises qui sont regroupées ont une production supérieure par travailleur que les entreprises se trouvant à l'extérieur de ces regroupements. C'est un autre avantage des grandes villes.
Enfin, et c'est presque évident, on trouve une plus grande diversité industrielle dans les grandes villes qui sont rarement associées à un seul secteur. Toronto compte bien des secteurs, tout comme Montréal. Cela présente de véritables avantages. Cela fait en sorte que les innovations adoptées par un secteur peuvent être adoptées rapidement par les autres. Quand un grand nombre de secteurs se trouvent au même endroit, quand l'un met au point une nouvelle technologie, les autres ne tardent pas à la trouver utile et à l'adopter aussi. Cela, à long terme, mène à la croissance. De plus, la diversité est généralement associée à une croissance plus stable; la croissance est généralement plus forte et plus constante. Autrement dit, les villes qui reposent sur un seul secteur connaîtront beaucoup de hauts et de bas, alors que les grandes villes comptant de nombreux secteurs différents peuvent faire place à une nouvelle industrie quand l'une disparaît. Cela contribue à stabiliser la croissance.
Ces trois facteurs, la scolarité, la concentration des groupes d'entreprises et la diversité industrielle de l'économie, contribuent à la croissance économique des grandes villes à long terme. Cela met fin à ma partie de l'exposé.
M. Picot : Les deux diapositives suivantes résument ce que nous venons de dire. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les passer en revue.
Le dernier tableau décrit les diffusions du recensement de 2006. Comme je l'ai indiqué, jusqu'à présent, nous avons diffusé les statistiques de la population qui proviennent du recensement de 2006. Au cours des douze prochains mois, nous diffuserons d'autres caractéristiques de la population canadienne touchant les sujets que nous avons abordés, le dernier, et peut-être le plus important, étant le revenu et les gains, dont les données seront publiées dans environ un an. Nous comptons actualiser les rapports dont j'ai fait mention plus tôt, les neuf études sur différents aspects dont nous avons touché quelques mots. Ces rapports seront mis à jour dans les années à venir, au fur et à mesure que les données seront disponibles.
Le président : Merci beaucoup. Vous nous avez donné beaucoup d'information qui nous sera utile au cours de notre examen de la situation des villes. J'aimerais vous poser une question sur la façon de définir les villes pour les fins de notre étude. Au départ, notre mandat consistait à examiner la plus grande ville de chaque province, mais comparer Charlottetown à Toronto, Montréal ou Vancouver peut faire ressortir des points communs, mais aussi de nombreuses différences quant à l'envergure des défis que doivent relever ces villes.
Le Conference Board du Canada a récemment parlé des dix villes qui sont les moteurs économiques du pays mais pas nécessairement les dix plus grandes villes. Outre les régions métropolitaines de recensement, cela nous amène à parler de villes qu'on appelle parfois les régions urbaines.
Prenons l'exemple de ma propre ville, Toronto. Il y a la ville de Toronto, il y a la région du Grand Toronto, il y a la région métropolitaine de recensement de Toronto qui diffère, j'ignore dans quelle mesure, de la région du Grand Toronto. De plus, la région urbaine de Toronto, qu'on appelle chez moi le Golden Horseshoe, qui va jusqu'à Hamilton et peut-être même jusqu'à Kitchener et Guelph. Je ne sais plus précisément ce qu'englobe le Golden Horseshoe, mais il inclut non seulement de grandes zones urbaines, mais aussi de petites municipalités et même des régions rurales, notamment la zone fruitière et vinicole du Niagara. L'ajout du Golden Horseshoe est important, car selon le Conference Board du Canada, c'est un moteur économique d'importance pour le pays.
Que pouvez-vous nous dire sur ces différentes définitions? J'aimerais aussi savoir si la RMR correspond essentiellement à la région du Grand Toronto.
M. Schellenberg : L'unité d'analyse dépendra dans une certaine mesure des questions auxquelles vous vous intéressez. S'il s'agit de prestations de services de financement et de services aux immigrants, par exemple, il est peut- être préférable de prendre la municipalité comme unité d'analyse. En revanche, s'il s'agit de développement et de croissance économique, le Golden Horseshoe serait plus logique.
J'ajouterais même un troisième élément : quand nous parlons de divisions environnementales à Statistique Canada, nous ne nous fondons pas sur les limites administratives mais plutôt sur le bassin hydrologique ou l'écosystème où se trouve la ville. Il ne serait pas logique de se limiter aux frontières de la municipalité s'agissant de qualité de l'eau ou de l'air.
Je ne crois pas donc pas qu'une unité d'analyse soit meilleure qu'une autre; vous devrez la choisir en fonction des questions auxquelles vous voudrez trouver des réponses.
Le président : C'est une bonne réponse. Nous allons étudier les villes par thème : la capacité sociale, la durabilité de l'environnement, l'infrastructure, les administrations urbaines, la capacité financière et le développement économique et la compétitivité internationale sont les principaux thèmes du mandat que nous a confié le Sénat.
Si nous examinons le développement économique, je suppose qu'il serait préférable que nous étudiions les régions urbaines, ce qui, dans ma région, signifie le Golden Horseshoe. En ce qui concerne la capacité sociale, il sera peut-être logique d'examiner la situation de chaque municipalité. Pour la durabilité environnementale, comme vous l'avez fait remarquer, il sera peut-être bon de délimiter les régions en fonction des bassins hydrologiques ou d'autres éléments semblables. Est-ce ce que vous suggérez, que pour chaque thème, nous adoptions une définition quelque peu différente de la ville?
M. Schellenberg : À mon avis, ce serait une approche prudente.
Le président : Je vois, c'est intéressant.
Le sénateur Munson : J'ai une seule question à laquelle vous ne pourrez peut-être pas répondre, mais elle est de nature générale et s'adresse aussi au comité. Il s'agit de la croissance de la population, notamment des tableaux que vous nous avez montrés et des villes qui entourent Barrie, par exemple. Auparavant, Barrie était une petite ville. Il semble qu'elle se transforme en une grande ville.
Je me demandais si nous pouvons déterminer si les infrastructures sociales et de santé existantes pourront s'adapter à la croissance de la population ou si elles suffiront. Je crois que c'est ce qui sera au cœur de nos discussions : notre pays est-il prêt à dispenser des soins de santé et des services sociaux aux régions qui connaissent une croissance rapide? J'ignore si vous, les statisticiens, pouvez répondre à cette question.
M. Picot : Je n'en suis pas certain.
Le sénateur Munson : Je pose la question parce que cela fera partie des statistiques. Les statistiques nous montreront que nous aurons bientôt du mal à financer et à dispenser des services dans les régions qui croissent si rapidement avec l'arrivée de nouveaux Canadiens.
M. Picot : Nous pourrons peut-être vous aider avec des données sur l'utilisation des installations médicales et le ratio médecin-personnes et d'autres données semblables, mais je ne suis pas certain que nous pouvons affirmer de façon générale que les installations qui s'avéreront nécessaires existent déjà ou devront être prévues à l'avenir; cela serait difficile.
Nous avons produit des statistiques sur l'utilisation des soins de santé, par exemple, ainsi que sur les résultats pour la santé que nous pourrions vous communiquer. Je crains que ce ne soit là la seule contribution que nous puissions vous apporter. Mais, manifestement, c'est une question très importante.
M. Schellenberg : Toutes les RMR ne font pas face au même genre de demandes concernant l'infrastructure et la capacité. Je vous donne deux exemples. Nous n'avons pas abordé le vieillissement de la population. Les données sur la population selon l'âge et le sexe seront rendues publiques en juillet. Mais si nous remontons un peu dans le temps — je pense que j'ai les chiffres de 2004 — nous pouvons vous donner des informations sur le vieillissement de la population canadienne et les répercussions de ce vieillissement sur l'infrastructure. Dans la région métropolitaine de recensement de Calgary, les personnes de 65 ans et plus représentent environ 9 p. 100 de la population. À St. Catherines ou à Victoria, elles représentent environ 16 p. 100 de la population. Le nombre de personnes âgées dans les différentes régions varie donc beaucoup. De même, nous pourrions vous donner des informations sur les capacités à accueillir des immigrants. En 2001, les immigrants récents, soit ceux qui sont ici depuis dix ans ou moins, représentaient approximativement 17 p. 100 de la population de Vancouver et de Toronto, mais ne représentaient que 4 p. 100 des habitants de Winnipeg. À cet égard, la demande de services par rapport à la population peut être quatre fois supérieure dans certaines RMR.
Le sénateur Nancy Ruth : J'ai trois questions qui portent sur trois sujets différents. Premièrement, j'aimerais savoir quelles sont les conséquences de la destruction des terres agricoles découlant de l'expansion des villes, de Toronto jusqu'à Barrie. Deuxièmement, en ce qui concerne les tableaux présentant les gains des immigrants, leur niveau de scolarité et le déclin de leurs gains relatifs, à quels autres facteurs cela peut-il être attribué? Troisièmement, au sujet de la criminalité, à quoi peut-on attribuer les différences qui existent entre les provinces de l'Ouest et les autres?
M. Picot : Je ne suis pas certain que nous pouvons répondre à votre première question, pour être franc.
Le sénateur Nancy Ruth : Peut-être pouvez-vous me donner des informations sur l'approvisionnement alimentaire ou les échanges commerciaux?
M. Heisz : Je crois que la division de l'environnement de Statistique Canada recueille des informations sur les terres de catégorie A entourant les RMR et le taux de leur déclin, mais je ne peux vous en dire plus. Je n'ai pas ces informations avec moi.
Le président : Peut-être pourriez-vous nous les transmettre plus tard?
M. Heisz : Certainement. Je serai heureux de le faire.
M. Picot : Nous avons fait des recherches assez poussées sur le sujet de votre deuxième question. Vous voulez savoir quels sont les autres facteurs causant la détérioration des résultats économiques?
Le sénateur Nancy Ruth : Nous accueillons de plus en plus de diplômés d'universités mais les gains ont baissé de moitié.
M. Picot : Selon nos études, cela pourrait être attribuable à trois ou quatre facteurs. Premièrement, pendant les années 1980 et au début des années 1990 en particulier, nous avons accueilli des immigrants provenant de pays différents. Par le passé, les nouveaux arrivants de Chine et de l'Inde avaient plus de mal à trouver du travail à leur arrivée au Canada que les Européens de l'Ouest. Quand nous avons commencé à accueillir davantage d'immigrants de ces pays, cela a influé sur leur situation dans le marché du travail, y compris leur revenu.
Deuxièmement, il y a les avantages de l'expérience. Généralement, les travailleurs nés au Canada comptant 10 à 15 ans d'expérience de travail s'attendent à être rémunérés selon leur expérience et à voir leur salaire augmenter au fur et à mesure qu'ils acquièrent de l'expérience. C'était aussi le cas des immigrants dans le passé. Quand un immigrant arrivait de l'étranger, on le rémunérait en fonction de l'expérience qu'il avait acquise à l'étranger. Cela ne semble plus être le cas. À leur arrivée au Canada, les immigrants ne reçoivent pratiquement aucun avantage de l'expérience acquise à l'étranger, du moins au niveau du salaire; en conséquence, leur salaire a baissé. Quand un nouveau Canadien compte 10 ans d'expérience à l'étranger, cela ne compte pas, il est payé comme s'il n'avait pas d'expérience. Nous ne savons pas pourquoi c'est ainsi, mais nous l'avons constaté.
Troisièmement, il y a aussi eu un changement dans les compétences linguistiques. Tout comme les pays sources ont changé, la capacité de parler anglais ou français a aussi changé et cela a certainement eu une incidence sur la situation financière des immigrants.
Quatrièmement, il y a eu de façon générale une détérioration de la situation économique des nouveaux arrivants sur le marché du travail. Nous savons qu'au Canada, les gains des jeunes hommes en particulier sont à la baisse depuis environ 20 ans. Ceux qui arrivent aujourd'hui sur le marché du travail sont en moins bonne posture que ceux qui entraient sur le marché du travail il y a 20 ans. Il y a eu un déclin général des gains de niveau d'entrée et les immigrants constituent un cas particulier, car ils sont de nouveaux arrivants sur le marché du travail du Canada tout comme le sont les jeunes en général. Ils ont donc subi les effets, dans une certaine mesure, de la baisse générale des résultats économiques.
Ce sont les quatre facteurs qui ressortent de nos études et qui expliquent pourquoi les gains des immigrants récents ont baissé ces 20 dernières années en dépit de l'augmentation de leur scolarité.
Le président : Avez-vous une réponse à la dernière question sur le taux de criminalité plus élevé dans l'Ouest?
M. Turner : Ce n'est pas un phénomène récent. C'est le cas depuis 20 ou 30 ans. Depuis que nous recueillons des statistiques sur la criminalité, les provinces de l'Ouest présentent un taux plus élevé. Pour ce qui est de savoir pourquoi, personne ne peut répondre à cette question avec certitude. Si des tendances ont émergé dans l'Ouest du Canada au cours des 20 dernières années, elles nous indiquent que le taux de criminalité en Alberta a baissé pour atteindre un niveau inférieur à celui des autres provinces de l'Ouest, alors que ces trois autres provinces ont vu leur taux de criminalité rester relativement stable. Au cours de cette période de 20 ou 30 ans, le taux de criminalité en Ontario et au Québec a baissé par rapport au reste du pays, dans la région de l'Atlantique, il a augmenté un peu et dans l'Ouest, il est resté assez constant et assez élevé.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce lié aux Autochtones, à l'immigration ou aux autres facteurs habituels? Aux gangs?
M. Turner : Les facteurs qui entrent en jeu sont très nombreux. Nous avons fait le géocodage des données de certaines villes et nous avons constaté que certains facteurs, tels que le faible revenu et la présence de familles monoparentales, avaient un effet dans certaines parties de certaines villes, mais il est difficile d'extrapoler pour toute une ville.
Le sénateur Nancy Ruth : Quand vous parlez de familles à faible revenu, cela signifie-t-il que, dans ces quartiers, on manque de services sociaux, de logement, etc.?
M. Turner : Oui, tous ces facteurs sont interreliés. Certains quartiers présentent une proportion plus élevée de ces caractéristiques. Cela ne signifie pas que ces familles sont plus impliquées dans le crime, mais plutôt que dans ces quartiers, le taux de criminalité est plus élevé. Il y a aussi des différences au sein des villes. Ainsi, les crimes avec violence ont tendance à être commis davantage au centre-ville, là où se trouvent les bars, évidemment. Les crimes contre la propriété, eux, sont commis un peu partout dans les villes et même davantage dans les banlieues. Il y a donc bien des facteurs à prendre en compte.
On assiste actuellement à un phénomène intéressant dans l'Ouest. Nous avons parlé des mouvements de population en Alberta et du fait que l'Alberta a vu son taux de criminalité baisser ces dernières années. Maintenant, toutefois, beaucoup de jeunes hommes de 18 à 30 ans, qui sont les plus susceptibles de commettre des crimes, s'installent en Alberta et cela commence à avoir une incidence sur le taux de criminalité de cette province, qui est à la hausse.
Le sénateur Cordy : Habituellement, je ne trouve pas les statistiques très intéressantes et j'ai du mal à les comprendre, mais cela n'a pas été le cas ce matin. Je vous en félicite. Merci beaucoup.
Quand on étudie la croissance des grandes villes, on se penche sur des enjeux tels que le transport, le crime, l'immigration et les autres problèmes associés à une croissance rapide. Vous les avez tous abordés ce matin. Je me demandais si vous aviez analysé l'infrastructure de transport puisque vous avez fait mention de l'infrastructure de santé en réponse à la question du sénateur Munson. J'ai jeté un coup d'œil aux informations que vous nous avez données : seulement 7 p. 100 des travailleurs habitant à plus de 20 kilomètres du centre-ville de Toronto ont utilisé le transport en commun alors que 64 p. 100 des travailleurs vivant au centre-ville l'ont utilisé. Avez-vous fait une analyse plus poussée de ces données? Le transport en commun est-il disponible à l'extérieur du centre-ville ou est-ce que ceux qui ont plus de 20 kilomètres à parcourir préfèrent se servir de leur propre véhicule? Vous avez donné l'exemple de Toronto; en est-il de même pour Montréal, Vancouver et les autres grandes villes?
M. Heisz : Nous avons fait une analyse assez détaillée des réponses à ces questions. Nous ne nous sommes pas penchés sur les trajets des autobus en particulier, mais j'ai l'impression que le transport en commun dans toutes les grandes villes est axé sur le centre-ville. Le transport en commun est très efficace pour ceux qui veulent aller au centre- ville. Par exemple, à Toronto, de tous ceux qui font la navette par transport en commun, près de la moitié se dirigent vers le centre-ville. Quand je parle du centre-ville, j'entends par là une très petite zone au cœur même de la ville de Toronto.
À Toronto, on crée de plus en plus d'emplois dans les banlieues. Prenons l'exemple de l'aéroport. Moins de 10 p. 100 de ceux qui travaillent à l'aéroport utilisent le transport en commun. Or, le nombre d'emplois créés dans la zone aéroportuaire est très élevé. En comparaison, plus de 80 p. 100 de ceux qui travaillent au centre-ville prennent le transport en commun. Il est aussi intéressant de noter que si vous allez au centre de l'un de ces villes, vous êtes plus susceptibles de prendre le transport en commun qu'auparavant.
Cette situation est attribuable à plusieurs facteurs. On peut se rendre facilement au centre-ville par transport en commun, mais beaucoup de nouveaux emplois sont créés dans les banlieues et les banlieues sont mieux desservies par les autoroutes. Les usines et lieux de travail dans les banlieues sont d'assez grande taille et ces endroits sont assez éloignés les uns des autres, ce qui rend difficile la desserte par autobus. De plus, les lieux de travail dans les banlieues disposent souvent d'un grand stationnement où les travailleurs peuvent facilement se garer. Il faudrait peut-être rendre le stationnement moins facile pour inciter les travailleurs à prendre le transport en commun.
Cependant, avec la croissance des villes et la pression qui s'exerce sur l'infrastructure, le transport en commun ne semble pas gagner en popularité. Il reste cependant que pour aller au centre-ville, on est plus enclin à prendre l'autobus qu'auparavant.
En ce qui concerne les autres RMR, M. Schellenberg a donné l'exemple de Toronto. Toronto est un cas particulier, car cette ville croît très rapidement et ses banlieues aussi. La RMR de Montréal, elle, dont la croissance a été moins rapide pendant la période qui a fait l'objet de notre étude, a connu une croissance plus équilibrée de l'utilisation du transport en commun. Comme il y a moins de croissance dans les banlieues de Montréal, l'utilisation du transport en commun y est plus équilibrée. C'est aussi fonction de la croissance dans la RMR.
Le sénateur Cordy : Vous êtes-vous penché sur le logement? Je pense plus particulièrement aux villes albertaines. Vous n'avez pas fait mention de Fort McMurray, mais je sais que le coût du logement y croît de façon exponentielle. De plus, dans certaines villes, il n'y a pratiquement pas de logements de disponibles. Les gens s'installent dans ces villes mais ne trouvent pas d'endroit où habiter. Peut-être que je m'intéresse à Fort McMurray parce que je viens de la côte est.
Jane Badets, directrice, Statistique sociale et autochtone, Statistique Canada : C'est un aspect que nous avons omis dans notre exposé, parce que nous ne l'avons pas analysé. Je crois savoir que vous accueillerez des représentants de la SCHL, qui a fait une analyse plus poussée des données de recensement sur le logement, y compris l'abordabilité et d'autres indicateurs. Ils pourront vous décrire mieux que nous la situation du logement dans les villes.
Le sénateur Cordy : Je pense à ceux qui travaillent ailleurs qu'au centre-ville de Toronto. Vivent-ils au centre-ville et doivent-ils parcourir 30 ou 40 kilomètres pour se rendre au travail?
M. Heisz : Il semble que la banlieue apparaît d'abord et que, ensuite, on y crée de l'emploi. Nous avons tenté de déterminer si les travailleurs parcourent de plus grandes distances pour aller au travail. D'après les données que nous avons étudiées, ce n'est pas le cas. Il y a davantage de gens qui habitent en banlieue, mais il semble qu'ils travaillent en banlieue.
Cela dit, on peut faire la navette de différentes façons. La navette traditionnelle, c'est partir de la banlieue, où on habite, pour aller travailler au centre-ville. Mais on peut aussi faire la navette entre son lieu de résidence au centre-ville et son lieu de travail en banlieue ou entre une banlieue et une autre. Dans les grandes villes, c'est surtout la navette non traditionnelle qui est en croissance. Il y a une certaine augmentation du nombre de navetteurs allant du centre-ville vers les banlieues, mais la plus forte croissance se situe au niveau de la navette de banlieue à banlieue. La différence entre ces différents types de navettes n'est pas énorme. Elle réside surtout dans le mode de transport. Quand on fait la navette de la banlieue au centre-ville, on est plus susceptible de se servir du transport en commun. Même pour la navette du centre-ville vers la banlieue, on peut prendre le transport en commun, car il est disponible. Toutefois, très peu de gens font la navette de banlieue à banlieue par transport en commun. Étant donné que de plus en plus de gens vivent et travaillent en banlieue, c'est là que la pression augmentera pour les grandes villes.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je suis d'accord avec le sénateur Cordy pour dire que vous avez rendu les statistiques intéressantes, mais il faut avouer que le sujet est intéressant. C'est pourquoi nous sommes ici.
J'ai deux questions; il sera facile de répondre à la première mais peut-être moins facile de répondre à la seconde.
Je suis à la page 15 de votre document. Je m'intéresse particulièrement à la ville de Toronto. Je crois avoir une idée de ce qui se passe dans le nord-ouest de cette ville. Il y a un quartier sur la rive du lac où le taux de faible revenu est de plus de 40 p. 100. Pouvez-vous me dire où se trouve ce quartier plus précisément?
Le sénateur Nancy Ruth : C'est le quartier du marché St. Lawrence, l'Esplanade. On y trouve un mélange d'habitations dont des logements subventionnés.
Le sénateur Trenholme Counsell : Mais un taux de faible revenu de 40 p. 100, c'est très élevé.
Le président : Il y a aussi le port. En fait, d'après ce que je peux voir, le port accapare presque toute cette zone.
Le sénateur Nancy Ruth : Personne n'habite là.
Le président : Personne n'habite dans la zone portuaire, mais je ne sais pas jusqu'où cela va dans la ville. Vous avez peut-être raison, sénateur Nancy Ruth; on y inclut peut-être d'autres quartiers. Voyons voir ce que les experts peuvent nous dire.
Le sénateur Nancy Ruth : Devinez où nous habitons.
Le sénateur Trenholme Counsell : Je croyais que presque tous les logements dans ce quartier étaient devenus très coûteux.
Le sénateur Nancy Ruth : En effet. Une petite maison en rangée dans ce quartier s'est vendue hier pour 437 000 $.
M. Heisz : Un des inconvénients des secteurs de recensement, c'est qu'ils englobent souvent des quartiers où peu de gens vivent. Vous avez fait mention du port, mais je crois que c'est le Gardiner Expressway qui délimite le nord de ce secteur de recensement particulier. Il s'agit donc de la zone entre le Gardiner Expressway et le lac.
Le sénateur Trenholme Counsell : Est-ce là qu'on trouve tous ces immeubles en copropriété?
Le président : Non, ils ne sont pas si loin vers l'est. Il y en a quelques-uns, mais ils ne sont pas nombreux. Cette zone est essentiellement la zone industrielle du port. Très peu de gens y vivent.
Le sénateur Nancy Ruth : Il y a une coopérative d'habitation financée par le Réseau des femmes.
Le président : Je ne suis pas certain que ce soit dans ce secteur de recensement. Cette carte est très petite.
M. Heisz : Nous n'avons pas cartographié les secteurs de recensement comptant une population extrêmement basse. Ce qu'on entend par « extrêmement basse » pourrait faire l'objet d'un débat.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous savez où c'est? C'est en allant vers Leslie Street Spit.
Le président : Cela inclut Leslie Street Spit. Il n'y a pas âme qui vive là.
Le sénateur Nancy Ruth : Il y a une petite cité ouvrière dans Carlaw Avenue.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pourriez-vous nous dire précisément quelles sont les limites de ce secteur?
M. Heisz : Je pourrais vous fournir cela plus tard. Vous parlez du quartier au nord du parc Regent? Il s'agit d'une zone densément peuplée. Vous voyez les quatre petits carrés, c'est ça le quartier.
Le sénateur Trenholme Counsell : Pouvez-vous nous donner également — par la suite sinon aujourd'hui — une ventilation des 44,4 p. 100 de familles monoparentales à faible revenu dans les RMR? Quel est le chiffre absolu? Vous nous avez donné un pourcentage. J'ai été très frappée par cette proportion, et j'aimerais bien avoir davantage de détails à ce sujet.
M. Heisz : Oui, nous pourrons répondre plus tard.
M. Picot : J'ajouterais quelque chose. Il y a une lueur d'espoir au sujet des familles monoparentales à faible revenu. La proportion de ces familles à faible revenu est élevée, mais elle est en train de baisser. Depuis 10 ou 15 ans, il y a une baisse importante dans la proportion de familles monoparentales dont le revenu est faible. Avant, c'était de l'ordre de 60 p. 100, et maintenant, c'est environ 40 p. 100.
Le sénateur Trenholme Counsell : Vous pourrez peut-être nous donner cela dans les renseignements supplémentaires que vous allez nous donner.
Le président : Je pense que vous avez dit que 73 p. 100 des immigrants vont dans les trois grandes villes, Toronto, Montréal et Vancouver. On a déjà essayé d'encourager les gens à s'installer dans les régions rurales ou dans des centres urbains plus petits. D'après vos chiffres, ces efforts n'ont pas porté fruit. Pouvez-vous nous parler des immigrants qui s'installent dans des régions rurales ou dans des centres urbains plus petits et qui aboutissent dans les grandes villes? Avez-vous des données au sujet de ce groupe, ou uniquement au sujet de l'endroit où ils s'installent au début?
M. Schellenberg : Nous avons les deux. Dans une étude que nous avons faite il y a quelques années, nous avons regardé les concentrations de population dans les villes, mais dans le recensement de 2001 et dans celui de 2006, nous avons demandé où se situait le lieu de résidence il y a un an et il y a cinq ans. Nous constatons que même si les gens changent de lieu de résidence au sein d'une RMR, la plupart de ceux qui s'établissent à Montréal, Toronto ou Vancouver y restent. Si les gens changent de RMR, en général c'est pour déménager à Toronto, Montréal ou Vancouver.
Vous avez demandé si les programmes de relocalisation ou les efforts faits pour encourager les gens, comme les candidats d'une province, à s'établir dans une certaine région ou une certaine ville ont porté fruit. Je n'ai pas ici les chiffres concernant la proportion de gens qui s'installent dans les centres plus petits et qui y restent à long terme et la proportion de ceux qui déménagent dans une grande ville.
Nous avons fait une enquête longitudinale sur les immigrants au Canada et nous leur avons demandé pourquoi ils avaient choisi de s'établir dans certaines villes. La réponse la plus fréquente, c'était la présence de la famille et des amis dans ces endroits. Cela laisse entendre qu'on aurait peut-être des problèmes si on essayait d'encourager les gens à s'installer là où ils n'ont ni famille ni amis.
Le président : Plus il y en a dans les grands centres, plus cela attirera les autres immigrants.
Le sénateur Keon : Je dois dire que contrairement à l'ancien maire de Toronto, je sais très peu de choses sur cette question, mais je la trouve intéressante. Si je vous ai bien entendu, monsieur Picot, vous avez fait une observation intéressante. Vous avez dit que le revenu de la population active diminuait.
M. Picot : Je parlais des jeunes, surtout des jeunes hommes.
Le sénateur Keon : Mais il y a eu ce mouvement important de la population des régions rurales vers les villes.
M. Picot : C'est exact.
Le sénateur Keon : Nous savons qu'il y a un écart entre les riches et les pauvres. Je sais que le revenu de certains groupes de gens bien nantis, par exemple les cadres supérieurs, croît de façon presque exponentielle. Est-ce qu'il y a une baisse générale des revenus au Canada? J'ai du mal à le croire.
M. Picot : Non, non, il n'y a pas de baisse globale. Par contre, on constate des tendances différentes selon les groupes de la population. Le revenu familial global est resté assez constant — c'était le cas dans les années 1980 et 1990, et il a augmenté un peu depuis l'an 2000. Voilà ce qui se passe en moyenne. On constate des tendances différentes chez différents groupes de la population.
Comme vous l'avez dit, les revenus des personnes en haut de l'échelle augmentent assez rapidement. Les revenus des personnes en bas de l'échelle, les familles à faible revenu, ont été stables ou ont diminué dans certains cas. Les revenus des jeunes, surtout ceux des jeunes hommes, ont baissé assez considérablement dans les années 1980 et 1990. Les revenus des travailleurs âgés ont même augmenté. À une certaine époque, les revenus des gens de plus de 35 ans augmentaient, tandis que les revenus des gens de moins de 35 ans baissaient. Donc, il y a des gagnants et des perdants.
Depuis 20 ou 30 ans, la valeur moyenne du revenu familial était assez constante, mais elle a augmenté depuis l'an 2000. C'est le cas à l'heure actuelle.
Le sénateur Keon : Avez-vous les proportions pour ces différents groupes?
M. Picot : Oui, mais je ne saurais pas vous les donner au pied levé.
Le sénateur Keon : Pouvez-nous envoyer ces renseignements?
M. Picot : Nous avons fait plusieurs études sur ces tendances. Je pourrais rassembler ces renseignements et vous les envoyer.
Le sénateur Keon : Ce serait intéressant. Merci beaucoup.
Le sénateur Nancy Ruth : Savez-vous si les immigrants qui relèvent le défi d'aller s'installer ailleurs que dans les grands centres gagnent davantage que les autres? Existe-t-il une incitation économique?
M. Picot : C'est une excellente question. Il y aurait deux façons d'envisager le sujet. Un bon projet de recherche consisterait à suivre les revenus de ceux qui déménagent de Toronto dans un centre plus petit. Nous n'avons pas fait cela. Ce serait un excellent projet de recherche.
Nous avons posé des questions au sujet de la baisse des revenus, surtout dans le cas des emplois de premier échelon. Nous constatons que les revenus des immigrants qui arrivent au Canada baissent au fil des ans, à mesure que les nouveaux groupes arrivent.
Est-ce que c'était le cas dans toutes les villes — grandes et petites? On pensait que c'était le cas dans les grandes villes comme Vancouver, Montréal et Toronto, parce que c'est là qu'ils vont tous et cela a peut-être entraîné une baisse des revenus. Et on pensait que ce n'était peut-être pas le cas dans des villes comme Winnipeg ou Halifax, car il y a moins d'immigrants et leurs chances sont meilleures. Pourtant, ce n'est pas ce que nous avons constaté. Nous avons constaté une baisse de revenu chez les immigrants dans toutes les huit grandes villes. Il ne semble pas y avoir un avantage économique énorme pour les immigrants qui s'installent dans une ville plus petite où il y a moins d'immigrants.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous ne voudrez peut-être pas répondre à cette question, mais je tiens à la poser : cette situation est-elle attribuable au racisme plutôt qu'à un problème de compétences?
M. Picot : Nous ne sommes pas en mesure de parler de la discrimination parce que nous ne pouvons pas la mesurer. Nous ne pouvons tout simplement pas mesurer la discrimination.
Le président : Je pense que nous pouvons tirer nos propres conclusions de toute façon et nous pouvons obtenir des informations anecdotiques pour compléter les statistiques.
Le sénateur Nancy Ruth : Je suis de Toronto, donc je vois qui travaille dans le domaine financier ou pour le gouvernement fédéral, provincial ou municipal. Qui travaille dans le secteur des banques? C'est toujours surtout des Blancs. Pouvez-vous mesurer s'il y a des changements raciaux dans ces structures de pouvoir? Quand je prends le métro, je vois des gens de tous les groupes ethniques. Si je vais dans un cabinet d'avocats au centre-ville, je vois surtout des Blancs.
M. Picot : Je suppose qu'une autre façon de poser la même question serait de se demander si l'on constate d'autres changements dans d'autres professions.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce qu'il a des évolutions qui se produisent dans les grandes villes?
M. Picot : Je n'ai pas la réponse à cette question. Je ne sais pas si quelqu'un l'a. On pourrait examiner la question, mais je n'ai pas vu de preuve dans ce sens.
Le président : Je ferais les mêmes remarques.
Le sénateur Nancy Ruth : C'est comme les partis politiques.
Le président : Je pense que cela met fin à notre séance, qui a été fort instructive et intéressante. Je vous remercie beaucoup d'être venus et de nous avoir fourni ces renseignements. Il se peut qu'on vous demande de revenir à un autre moment. Cette étude va prendre quelques années. C'est un des avantages du Sénat : nous pouvons faire des études de longue haleine. Vous allez publier d'autres rapports et il se peut qu'on ait besoin d'autres renseignements sur certaines questions précises.
Nous allons prendre une pause d'environ une minute pour permettre à nos invités de partir. Ensuite, nous allons passer à huis clos pour discuter de l'ébauche de notre plan de travail.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.