Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 11 - Témoignages du 1er février 2007
OTTAWA, le jeudi 1er février 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 37, pour l'examen de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (1999, ch. 33), conformément au paragraphe 343(1) de ladite loi.
Le sénateur Ethel Cochrane (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La vice-présidente : Bonjour à tous. Nous entamons aujourd'hui la deuxième partie de notre étude de la LCPE, qui porte sur les hydrocarbures perfluorés ou CPF.
John Arseneau, directeur général, Sciences et évaluation des risques, Environnement Canada : Merci beaucoup. Je vais commencer par nous présenter rapidement, mes collègues et moi.
Je suis directeur général, Sciences et évaluation des risques à Environnement Canada. Le Programme des substances nouvelles et le Programme d'évaluation des substances existantes relèvent de mon secteur de responsabilité.
À ma droite se trouve M. Derek Muir, l'un des chercheurs les plus en vue du domaine des substances perfluorées au Canada. Il effectue depuis de nombreuses années des travaux de recherche importants sur la contamination dans l'Arctique et sur les polluants organiques persistants.
À ma gauche se trouve M. Steve Clarkson, de Santé Canada, qui est responsable du Secteur de l'évaluation et de la gestion des substances existantes.
Mme Myriam Hill est responsable de l'évaluation des risques dans le cadre du Programme des substances nouvelles à Santé Canada.
Nous avons essayé de donner le plus de portée possible à notre engagement et à notre participation, en ce qui concerne l'enjeu qui nous occupe aujourd'hui.
Je pense qu'on a fait parvenir un document par courriel aux membres du comité, et je peux peut-être le parcourir rapidement avec vous.
Les substances perfluorées sont maintenant courantes dans la vie de tous les jours. Elles entrent dans la composition de produits industriels, commerciaux et de consommation. La production de ces substances a commencé dans les années 1940, avec quelques applications mineures dans le secteur industriel, puis elle a explosé pendant l'après-guerre, et on a commencé à les utiliser pour élaborer différents types de produits.
On utilise les substances perfluorées dans des procédés industriels pour la fabrication d'autres substances chimiques, telles que les fluoropolymères ou les substances à base de télomères fluorés, qui ont une utilité précise pour l'élaboration des produits qu'on trouve aujourd'hui sur le marché. Les substances perfluorées entrent dans la composition de nombreux produits commerciaux. On les trouve dans des produits antitaches et hydrofuges pour les papiers, les textiles, le cuir et les tapis. On les utilise pour l'élaboration de solutions de collage pour éviter l'étalement ou la pénétration des liquides, à appliquer aux emballages et produits de papier, ainsi que d'agents égalisants pour assurer une surface uniforme à l'application de produits comme les polis, les cires à plancher, et cetera. Il s'agit de produits dont les caractéristiques chimiques intéressantes et uniques les rendent utiles pour l'élaboration de nombreux types de produits commerciaux.
Nous pensons que le rejet des substances fluorées dans l'environnement se fait de deux manières différentes. Premièrement, les produits que nous achetons et utilisons contiennent souvent des résidus que le produit finit par libérer, et qui se transforment dans l'environnement en composés perfluorés. Les acides perfluorocarboxyliques ou APFC, et le sulfonate de perfluorooctane ou SPFO. Nous croyons aussi que certains polymères se décomposent avec le temps et libèrent d'autres composés de sulfonates d'alkyle perfluorés ou SAP. C'est ainsi que ces substances se retrouvent dans l'environnement sous forme d'acides et de sulfonates.
L'enjeu n'a commencé à prendre de l'importance qu'à la fin des années 1990. Auparavant, nous ne disposions pas de méthodes d'essai fiables pour démontrer la présence des substances en question dans l'environnement. Ce n'est que vers 1999 ou2000 que nous avons commencé à constater la présence de ces composés dans des endroits où ils n'auraient pas dû se trouver. Essentiellement, on les a retrouvés dans l'organisme d'animaux du Grand Nord. Une partie de l'affaire tient à la manière dont la recherche a soulevé un enjeu dont nous devons nous occuper, ainsi qu'aux mesures que nous prenons en ce sens.
Nous avons aussi découvert que les substances en question sont susceptibles d'être transportées sur de grandes distances. Nous avons commencé à essayer de détecter leur présence dans des endroits uniques comme l'Arctique, mais aussi dans les maisons et chez les humains. À la diapo 5, vous pouvez voir que les composés perfluorés sont maintenant présents dans l'ensemble de la population humaine. On en trouve dans l'organisme de tout un chacun en quantités infimes. Nous en trouvons aussi dans l'organisme d'animaux sauvages de régions éloignées. Le fait que ces composés se retrouvent partout est une source de préoccupation, et c'est la raison pour laquelle la population et le gouvernement demandent qu'on prenne des mesures.
Nous avons aussi été en mesure d'utiliser des échantillons provenant de banques de tissus d'animaux sauvages constituées sur une période de plusieurs dizaines d'années pour retourner dans le temps et retracer l'augmentation de la concentration des substances en question au cours des 30 à 40 dernières années. Le Canada a cette capacité unique parce que nous disposons de ces banques d'échantillons de tissus que nous avons constituées au cours des dernières décennies. Les autres pays n'ont pas cette capacité particulière, ce qui fait qu'ils ne peuvent pas effectuer de comparaisons. Derek Muir peut répondre à toute question concernant la façon dont ces travaux de recherche ont vu le jour.
Il s'agit d'un domaine nouveau et émergent. La science tente de se rattraper sur la question, tout comme les gouvernements. Notre connaissance des substances perfluorées est inégale. Nous disposons de beaucoup d'informations sur certaines substances comme l'APFO et le SPFO. Il s'agit des substances les plus couramment utilisées des catégories en question, pour lesquelles on a effectué beaucoup d'essais et sur lesquelles on dispose des renseignements substantiels sur le plan de la toxicologie. Pour d'autres substances, nous n'en sommes qu'à l'étape de la collecte de renseignements. Pour de nombreuses substances, nous avons même de la difficulté à déterminer clairement ce qu'elles sont et à les décrire, sur le plan chimique, de manière à nous permettre d'effectuer des analyses et des essais adéquats.
Nos travaux de recherche en toxicologie ont révélé que les substances chimiques comme l'APFO et le SPFO ont des effets négatifs sur certains animaux de laboratoire. Cette constatation nous pousse à nous poser la question de savoir quels sont exactement les mécanismes de ses effets négatifs : pourquoi se produisent-ils, et comment? Il reste beaucoup de choses à comprendre dans ce domaine particulier, notamment la toxicologie des substances en question, la contribution relative des différentes sources et la manière dont les êtres humains y sont exposés.
La partie 5 de la de la LCPE porte sur le contrôle des substances toxiques. Elle nous fournit des outils pour la collecte de renseignements servant à l'évaluation et à la gestion des risques. Elle nous permet d'évaluer les substances nouvelles et celles qui sont déjà sur le marché. Elle nous permet d'adopter des mesures de gestion des risques visant à protéger la santé et l'environnement des Canadiens.
Le gros du travail a pour origine les dispositions de la loi relative aux substances nouvelles. L'objectif est d'adopter une démarche de prévention — essentiellement, il s'agit de prévenir les problèmes. Les dispositions en question constituent notre premier champ d'activités.
Nous effectuons une évaluation des effets de toute substance nouvelle sur la santé et sur l'environnement avant que des volumes précis de cette substance entrent sur le marché canadien. À partir de ces évaluations, nous avons le pouvoir de prendre des mesures concernant ces substances, soit en limitant grandement leur utilisation, soit en la prohibant soit en y appliquant des conditions. À la page 8, vous pouvez voir comment nous avons pris des mesures précoces en consultant les chercheurs, en utilisant les dispositions relatives aux nouvelles substances, puis en procédant à un examen des produits déjà sur le marché.
En 1999, on a évalué deux nouvelles substances contenant du SPFO en vertu des dispositions relatives aux substances nouvelles de la LCPE. Les conclusions de l'évaluation ont mené à l'imposition de restrictions concernant l'utilisation de ces substances. Nous avons pris cette mesure à la lumière des travaux de recherche récents à l'époque, selon lesquels la présence de ces substances était beaucoup plus répandue que nous l'avions prévu.
Quelle a été la réaction à cette constatation? En 2000, l'entreprise 3M, qui était alors le plus important producteur de SPFO, a accepté, à la demande de l'Environmental Protection Agency des États-Unis, d'éliminer volontairement du marché le SPFO et ses précurseurs.
Nous avons effectué des enquêtes pour obtenir des renseignements en vertu des dispositions de la LCPE, afin de mieux comprendre comment on utilisait ces substances chimiques qui existaient déjà. Nous avions déjà, à l'époque, prohibé les nouvelles substances dont on proposait l'entrée sur le marché. Nous devions ensuite revenir en arrière et examiner celles qui étaient déjà commercialisées. À la lumière des renseignements que nous avons obtenus des entreprises, nous avons lancé un processus d'évaluation complète des risques liés à l'utilisation du sulfanate de perfluorooctane, ou SPFO, dans le contexte canadien. Nous avons récemment publié notre conclusion finale à cette évaluation, ainsi qu'un projet de règlement.
Nous avons aussi effectué des travaux à l'échelle internationale. Des mesures prises à cette échelle formeront une partie très importante de la solution, puisque les composés en question sont susceptibles d'être transportés sur de longues distances et qu'ils entrent dans la composition de produits de consommation que les pays s'échangent couramment. Nous avons lancé les travaux dans le cadre du Programme sur les produits chimiques de l'Organisation de coopération et de développement économiques, et, à l'heure actuelle, nous travaillons à l'élaboration d'accords internationaux limitant l'utilisation des POP, dans le cadre de la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants.
À la diapo 10, vous pouvez voir que le SPFO et ses précurseurs déjà sur le marché canadien ont fait l'objet d'une évaluation en vertu des articles concernés de la LCPE. On a publié laversion préliminaire des évaluations en 2004, et la version finale en 2006. Les conclusions sont les suivantes : du point de vue de la santé humaine, l'évaluation, fondée sur des marges de sécurité conservatrices, montre que les niveaux d'exposition actuels ne constituent pas un danger immédiat pour la santé humaine au Canada. Cependant, du point de vue de l'environnement, nous avons constaté que les composés en question peuvent avoir, immédiatement ou à long terme, un effet nocif sur l'environnement en raison de leur extrême persistance et de la bioaccumulation chez les animaux sauvages. Nous avons décidé qu'il fallait aussi prendre des mesures pour prévenir l'accroissement du risque d'exposition chez les humains.
Ainsi, nous croyons que nous nous sommes occupés de la question à temps. Si nous parvenons à réglementer l'utilisation des substances de façon adéquate, afin d'en réduire la concentration dans l'environnement, les humains y seront logiquement moins exposés. Selon l'évaluation réalisée par Santé Canada, il ne s'agit pas encore d'une crise pour la santé humaine.
À la suite de la publication de l'évaluation, on a proposé des mesures de gestion de risque. On a proposé de réglementer l'utilisation des substances en question en prohibant la plupart des utilisations. Cette prohibition suivra le processus réglementaire habituel, et il y aura notamment des consultations publiques qui contribueront à l'élaboration des mesures. La LCPE prévoit des échéances rigoureuses pour la mise en place du Règlement. D'ici la fin de l'année qui vient environ, nous parachèverons le règlement sur le SPFO. Le règlement prévoira certaines exceptions, et il permettra l'utilisation du SPFO dans certains produits, comme les mousses extinctrices, qu'on éliminera progressivement pour les remplacer par de nouveaux produits.
Nous continuons d'évaluer de nouvelles substances perfluorées. De nouvelles substances entrent continuellement sur le marché, et nous continuons de les évaluer et de les gérer dans le cadre du programme des substances nouvelles. Nous avons effectué ce genre de gestion en 2004, par exemple, lorsque nous avons évalué quatre nouvelles substances dans le cadre du programme. Les conclusions ont été qu'elles seraient dessources d'APFC à longue chaîne, bioaccumulables, persistantes et intrinsèquement toxiques. Cela signifie qu'il s'agirait de substances chimiques très préoccupantes à nos yeux.L'article 84 de la LCPE nous permet d'imposer des interdictions temporaires d'utiliser ces produits, d'une durée de deux ans. Les interdictions sont suivies d'un projet de réglementation des substances en question au cours de cette période de deux ans en vue de prolonger l'interdiction de ces substances sur le marché. Cela s'est produit en juin 2006, lorsque le gouvernement a publié un plan d'action relatif aux APFC un projet de réglementation de ces quatre substances.
Par conséquent, nous nous sommes demandé ce qu'il fallait faire dans le cas des substances du même genre qui faisaient déjà partie de la liste intérieure des substances et qu'on trouvait déjà sur le marché canadien. Nous avons lancé des travaux de recherche et commencé à recueillir des renseignements sur des produits chimiques semblables en vue d'élaborer un plan plus exhaustif. Le genre de mesures que nous prenons dans le cadre du programme des substances nouvelles sont de nature provisoire. Ce sont des mesures préventives et elles nous poussent à effectuer d'autres travaux au sujet de produits chimiques semblables.
À la diapo 13, nous abordons un autre membre de la famille chimique en question — les acides perfluorocarboxyliques, ou APFC, soit les substances perfluorées sous forme d'acides. La forme la plus courante est l'acide perfluorooctanoïque, ou APFO, qui est l'acide dont la chaîne comporte huit atomes de carbone. En juin 2006, Environnement Canada a publié dans la Gazette du Canada un plan d'action concernant ce genre de produits chimiques. Nous sommes en train d'évaluer l'APFO, et nous publierons bientôt un rapport à la fine pointe de la science au sujet de ces produits chimiques. On les surveille de près en Europe et aux États-Unis, par l'intermédiaire de l'Environmental Protection Agency, qui joue le rôle de chef de file, à l'échelle internationale, au chapitre des études sur la santé humaine et l'APFO en toxicologie. Environnement Canada collabore avec l'EPA en lui fournissant des résultats.
Les principales questions qui demeurent en suspens figurent à la diapo 14. Nous devons en apprendre davantage au sujet de la toxicologie des APFC, en particulier ceux dont la chaîne ne comporte pas huit atomes de carbone comme les APFC et le SPFO, qui ont fait l'objet de plus d'essais que les autres.
Nous devons en apprendre davantage sur la contribution relative de différentes sources du genre d'APFC que nous retrouvons aujourd'hui dans l'environnement. Nous devons également en apprendre davantage sur la manière dont les êtres humains sont exposés à ces substances. Nous entreprenons beaucoup, à l'échelle internationale, de travaux de recherche et de coopération à cet égard. L'OCDE a canalisé un important effort international d'identification des différents membres de la famille des APFC. Des travaux de recherche en toxicologie sont en cours dans plusieurs pays. Environnement Canada participe également à des travaux de recherche dans les domaines suivants : les concentrations et les tendances des substances dans l'eau au Canada; l'air à l'intérieur des bâtiments et l'air ambiant; les centres urbains; ainsi que les animaux sauvages, en particulier dans l'Arctique. Les travaux de recherche effectués au Canada sont véritablement à la fine pointe en ce qui concerne la compréhension des enjeux relatifs au transport sur de longues distances. Nous cherchons également à élaborer une démarche réglementaire commune à l'échelle internationale, de façon à pouvoir résoudre les problèmes à cette échelle.
À la diapo 16, vous pouvez voir les mesures que prennent d'autres pays. C'est le SPFO qui a fait l'objet du plus grand nombre d'évaluations à l'échelle internationale. L'union européenne, le Royaume-Uni et la Suède ont effectué des évaluations par l'intermédiaire de l'OCDE. Nous avons tous soulevé des préoccupations concernant la persistance et la bioaccumulation. Vous pouvez voir dans cette diapo la liste des mesures de gestion des risques qui sont soit déjà en place, soit en voie d'être appliquées.
L'Union européenne a émis une directive en vue de limiter la commercialisation et l'utilisation du SPFO. Le Royaume-Uni a proposé de restreindre l'approvisionnement et l'utilisation du SPFO et des substances qui libèrent du SPFO en se décomposant. La Suède a proposé d'interdire le SPFO à l'échelle nationale et d'inclure cette substance à la Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants. L'Australie a enclenché un processus d'élimination des produits contenant du SPFO.
La situation qui a cours aux États-Unis est unique. Une fois que 3M a accepté d'éliminer progressivement et volontairement la substance, et avant qu'une autre entreprise ne reprenne la production de SPFO, le gouvernement a adopté une disposition dans le cadre de son programme sur les nouveaux produits chimiques pour prévenir le retour de cette substance sur le marché américain.
En ce qui concerne les autres APFC, il y a de nombreuses évaluations à grande échelle en cours. L'Environmental Protection Agency des États-Unis est probablement àl'avant-garde de l'étude de l'APFO, spécialement du point de vue de la santé humaine. L'OCDE est aussi en train de réaliser des évaluations dans le cadre de son programme sur les produits chimiques, et l'Allemagne dirige l'évaluation des risques écologiques de l'APFO. L'Union européenne a un important programme de recherche intitulé Perfluorinated Organic Chemicals in the European Environment, PERFORCE, dont l'objectif est d'essayer de mieux comprendre les propriétés chimiques des substances en question, ainsi que leur rejet dans l'environnement.
À titre de mesures de gestion des risques, les États-Unis ont récemment mis sur pied un programme de gérance qui vise à pousser les fabricants du domaine à élaborer, avec le temps, des produits chimiques de rechange ou des substances présentant beaucoup moins de risque. Le Canada a aussi adopté les mêmes principes, et il les a intégrés au plan d'action canadien.
L'OCDE a organisé de nombreux ateliers et débats scientifiques qui ont donné lieu à des démarches communes en ce qui concerne les besoins de recherche, l'évaluation et la gestion des risques éventuels.
En somme, nous avons vu comment la combinaison de nombreuses dispositions de la LCPE peut fonctionner. Une bonne partie de ce que nous savons vient de la recherche fondamentale prévue par la loi. Il est extrêmement important de connaître les liens solides qui existent entre la communauté de la recherche scientifique et celle de l'évaluation et de la gestion des risques pour comprendre l'évolution de l'enjeu qui nous occupe aujourd'hui.
Le programme des substances nouvelles nous a permis de prendre des mesures le plus rapidement possible en ce qui concerne les nouvelles substances chimiques, mais la question des produits qui existent déjà sur le marché demeure en suspens. Il est extrêmement important de renforcer les liens entre le programme des substances nouvelles et celui des substances existantes : la manière dont ces évaluations interagissent et dont nous pouvons utiliser les dispositions de la loi qui permettent la collecte de renseignements pour régler des problèmes d'ordre plus général, plutôt que de nous occuper d'une substance à la fois.
Je crois que le plan de gestion des produits chimiques dont on a fait l'annonce en décembre témoigne de ce que nous avons appris. À l'heure actuelle, nous prenons des mesures au sujet de catégories de produits chimiques comme celles-ci de façon à uniformiser nos démarches en ce qui concerne les substances nouvelles et les substances existantes. Nous tentons de nous occuper plus rapidement de toute une catégorie de composés présentant un danger donné, et de nous en occuper de façon systématique, plutôt que ponctuelle, un produit chimique à la fois.
Voilà qui termine notre exposé. Nous avons joint aux diapos une quantité importante de renseignements scientifiques de base pour répondre à vos questions. Nous avons aussi apporté des affiches scientifiques à l'intention des sénateurs, affiches que nous avons diffusées à l'occasion de toutes sortes de symposiums, ateliers et conférences. Elles présentent les différents aspects de la question tels que nous les avons envisagés à l'époque et les mesures que nous avons prises.
Nous allons faire circuler trois affiches. La première est celle de Santé Canada qui décrit l'évaluation des risques pour la santé humaine dans le cadre du programme des substances nouvelles. La deuxième présente les raisons qui ont motivé la décision du gouvernement du Canada de prohiber quatre fluorotélomères en 2004. Elle décrit aussi le plan d'action annoncé par le gouvernement du Canada à la suite de l'interdiction. Enfin, l'autre affiche présente un aperçu des évaluations du SPFO et de l'APFO, et elle trace la voie à suivre pour la gestion des produits chimiques semblables qui appartiennent à la même catégorie.
La vice-présidente : Allez-vous nous laisser les affiches, monsieur Arseneau?
M. Arseneau : Oui.
La vice-présidente : Merci beaucoup. Votre exposé a été informatif et nous a fourni matière à réflexion : ce que vous avez fait et ce que vous prévoyez faire. Je suis heureuse d'apprendre que vous vous chargez aussi du volet international. Cela nous réconforte un peu.
Avant de passer à la période de questions, je veux poser la première, si les sénateurs n'y voient pas d'inconvénient.
En ce qui concerne le terme CPF, combien de produits ou de composés chimiques entrent dans cette catégorie? Utilise-t-on toutes les substances en question surtout à des fins commerciales à l'heure actuelle?
M. Arseneau : La question met en lumière l'ampleur des lacunes dans nos connaissances à l'heure actuelle.
Nous découvrons encore de nouveaux produits chimiques semblables qui tendent à se former dans l'environnement. Lorsque vous me demandez combien de produits chimiques entrent dans cette catégorie, je peux vous dire qu'il y en a plusieurs dizaines, mais nous ne savons pas exactement combien.
En 2005, nous avons effectué une enquête globale concernant l'utilisation des APFC au Canada. D'après les renseignements que nous avons obtenus, on utilise de nombreuses formes apparentées de ces substances chimiques au Canada. Cependant, il ne s'agit en aucun cas de tous les produits chimiques de la catégorie. Nous avons été en mesure d'en repérer plusieurs qui ne sont pas commercialisés, mais qui font partie de notre liste intérieure des substances et pour lesquelles je crois que nous pouvons prendre rapidement des mesures préventives efficaces.
En ce qui concerne celles qu'on utilise à l'heure actuelle, les principales tendent à être celles dont la chaîne comporte huit atomes de carbone, c'est-à-dire le SPFO et l'APFO. Ces substances entrent dans divers autres composés. Il arrive parfois qu'elles se décomposent et deviennent des alcools ou d'autres substances chimiques.
Je vais maintenant demander à M. Muir d'expliquer les aspects chimiques de la question, parce que, honnêtement, il en sait plus que moi.
Le sénateur Milne : Peut-être M. Muir peut-il commencer par nous dire exactement ce que signifient les sigles SPFO et APFO.
Derek M. Muir, chef, Impacts des contaminants atmosphériques, Environnement Canada : Lorsque les chimistes utilisent l'expression « perfluoré », c'est pour parler de la chaîne carbonée, qui a pour source un hydrocarbure, et qui est complètement fluoré. Normalement, les hydrocarbures comme l'essence et l'octane que vous connaissez présentent des atomes d'hydrogène liés aux atomes de carbone. Dans le cas des substances perfluorées, le fluor remplace entièrement l'hydrogène. La molécule est donc unique. Le fluor est un élément chimique qui, lorsqu'il remplace l'hydrogène, rend le composé volatil.
On dit que le fluor donne des ailes, et que la substance chimique produite ne peut pratiquement plus se décomposer. Dans le cas du SPFO, la molécule comporte une chaîne de huit atomes de carbone à laquelle s'ajoute un acide sulfonique, un groupe qui est un acide fort. Il peut se créer un lien entre le bout de cette chaîne et le bout de la chaîne carbonée. Dans les années 1940, les chercheurs ont découvert que ce produit chimique avait des propriétés uniques, parce qu'il comporte à la fois cette partie formée d'une chaîne incroyablement stable et cette partie acide, ce qui fait que le produit est un peu comme un savon ou un agent de surface, doté de la capacité de demeurer à la surface. Toutes ces propriétés uniques des substances chimiques leur confèrent leur valeur.
Le sénateur Milne : Le SPFO est de l'oxygène perfluoré?
M. Muir : Il s'agit plutôt de sulfonate perfluorooctane. APFO signifie acide perfluorooctanoïque. Il n'y a pas de soufre dans l'APFO. S'il y avait de l'hydrogène dans le composé, il s'agirait d'un produit naturel — d'un acide gras, en fait —, mais on remplace tout l'hydrogène par du fluor pour produire un produit chimique unique et extrêmement stable, un peu différent du SPFO, mais avec des propriétés essentiellement semblables.
La vice-présidente : Pouvez-vous continuer en répondant à l'autre question que j'ai posée? Combien de CPF utilise-t- on dans le commerce?
M. Muir : Je ne connais pas la réponse à cette question. Comme M. Arseneau l'a dit, je ne pense pas que nous disposions de cette information. Je suis sûr qu'il y a quelqu'un au sein du programme des substances nouvelles ou du programme des substances existantes qui connaît le chiffre exact, mais, le problème, c'est qu'il y a des polymères, qui sont en fait les substances dont il s'agit, ce qui fait qu'il n'y a que quelques produits de départ. La chaîne de la plupart des substances comporte huit atomes; certaines en ont neuf ou dix. Pour la majorité des substances, cela varie entre six et dix atomes. Il s'agit de composés simples dont nous pouvons mesurer la concentration dans l'environnement. Puis il y a une autre catégorie, celle des alcools, parce que pour lier les produits chimiques à un polymère, on ne peut utiliser l'acide. Il faut utiliser un alcool. Bienvenue au cours Chimie 101.
Il y a le groupe des acides, puis le groupe des alcools, et la longueur de la chaîne est toujours la même, entre six et dix atomes. Puis il y a les produits en tant que tels, qui sont liés à des polymères. En règle générale, les polymères, comme le polyéthylène et ainsi de suite, ont une base de carbone, à laquelle il faut lier des atomes de fluor. On a découvert il y a longtemps qu'il est possible de créer ces liens pour élaborer des produits uniques. Vous en voyez lorsque vous achetez du liquide lave-glace, par exemple, dans lequel il y a ce qu'on appelle du téflon. Il s'agit non pas de téflon, mais d'un polymère qui comporte ces chaînes de huit et de dix atomes de carbone liées à une base, ce qui donne au produit la caractéristique unique de ne pas laisser de trace sur le pare-brise.
J'essaie de répondre à votre question en disant qu'il existe une série de produits, d'alcools et d'acides, et que l'aspect qui concerne les polymères fait partie des renseignements commerciaux confidentiels. Les fabricants peuvent ajouter à leurs produits quelques-unes ou de nombreuses substances perfluorées dont les propriétés sont légèrement différentes. Beaucoup de fabricants s'en servent, ce qui fait qu'il est difficile de savoir exactement combien il y a de composés.
M. Arseneau : Si mes souvenirs sont exacts, dans notre liste intérieure des substances, lorsque nous avons réalisé nos enquêtes, nous avons relevé environ 185 composés appartenant à la catégorie en question. L'OCDE a récemment effectué une vaste enquête auprès des pays membres de l'organisation afin d'obtenir des renseignements sur l'utilisation de tous les composés ou produits de la catégorie, et elle est arrivée à un chiffre. Je pense que l'enquête a porté sur environ 215 composés. Au cours de la dernière réunion du comité sur les substances chimiques, l'Australie, qui dirigeait l'initiative en question, a déclaré qu'en plus des 215 substances ayant fait l'objet de l'enquête, on avait récemment repéré encore une quarantaine d'autres substances qu'il fallait ajouter à la liste. En d'autres termes, il y a moins de dix ans, nous ne disposions même pas de la capacité de mettre à l'essai les produits chimiques de la catégorie en question, ce qui fait que nous découvrons toujours davantage de produits légèrement modifiés en usage ou qui sont le fruit de la décomposition d'un autre produit. C'est donc environ le chiffre pour la catégorie en question à l'heure actuelle.
La vice-présidente : Je m'intéresse à la mousse extinctrice dont vous avez parlé. Comme vous le savez, l'espérance de vie des pompiers est limitée. À votre avis, quand allons-nous pouvoir prendre des mesures au sujet de cette mousse?
M. Arseneau : Je pense que l'intention est de permettre l'utilisation du stock actuel, mais de le remplacer par de nouvelles mousses qui n'ont pas les mêmes caractéristiques. Il s'agira d'éliminer progressivement ce produit, plutôt que de prendre une mesure d'élimination et de remplacement immédiat.
La vice-présidente : Est-ce que cela va se faire bientôt?
M. Arseneau : Oui, bientôt.
Le sénateur Spivak : Merci beaucoup de votre exposé, qui a été très intéressant. Pouvez-vous me rafraîchir la mémoire avant que je ne pose une question précise? La LCPE ne prévoit pas l'inversion du fardeau de la preuve. En d'autres termes, les fabricants ne sont pas obligés de prouver que leurs produits sont sécuritaires avant de les mettre sur le marché. Est-ce exact? Quelles sont leurs obligations?
M. Arseneau : Les obligations sont différentes dans le cadre du programme selon qu'il s'agit de substances nouvelles ou de substances existantes.
Dans le cadre du programme des substances nouvelles, nous exigeons des fabricants qu'ils nous fournissent des données sur les nouveaux produits qu'ils ont l'intention d'utiliser. Nous évaluons ces données puis nous tirons des conclusions à ce chapitre. Les fabricants ont la responsabilité de nous fournir les données aux fins d'évaluation. Ces données nous permettent d'être plus avertis, si je puis dire, en ce qui concerne les nouvelles substances chimiques.
En ce qui concerne les substances existantes, essentiellement, parce qu'elles étaient déjà sur le marché et qu'on continue de permettre leur utilisation pour cette raison, le gouvernement a accepté en général d'accepter la responsabilité d'essayer de repérer les problèmes. Nous sommes en train de renverser le fardeau de la preuve dans ce cas. Notre nouvelle approche, en ce qui concerne les substances d'importance prioritaire, c'est de dire : « Voici ce que nous savons. Nous pensons qu'il y a un problème.Prouvez-nous qu'il n'y a pas de problème si vous voulez continuer d'utiliser le produit chimique. »
Le sénateur Spivak : Ce n'est pas la même chose. Prenez Premarin, par exemple. Il ne s'agit pas d'un pesticide. Pensez à tous ces produits qui sont sur le marché et au sujet desquels les fabricants soit gardent secrets les renseignements soit n'ont jamais eu à prouver qu'ils étaient sécuritaires. Au cours des débats qui ont entouré l'adoption du projet de loi qui est devenu la LCPE, on a proposé l'idée de l'inversion du fardeau de la preuve, mais cette idée n'a pas été retenue. Cela ne pose pas de problème. Je comprends ce que vous faites, mais il ne s'agit pas tout à fait de l'inversion du fardeau de la preuve.
Je vais vous poser plusieurs questions d'un coup. Combien de nouveaux produits chimiques entrent sur le marché chaque année? De combien d'employés disposez-vous pour les examiner? Y a-t-il des substances perfluorées dans les bouteilles dans lesquelles on vend de l'eau? Combien y a-t-il de polluants organiques persistants, ou POP, qui sont bannis au Canada?
À la page dix, j'ai été surprise de lire que le SPFO et ses précurseurs ne constituent pas un danger pour la santé humaine, mais qu'ils posent un problème lorsqu'ils se retrouvent dans l'environnement. Comment est-ce possible que ces substances constituent un problème dans l'environnement, dans l'eau que nous buvons et dans l'air que nous respirons, sans toutefois devenir un problème, au bout du compte, pour la santé humaine? J'ai des tonnes de questions, mais cela suffit pour l'instant.
M. Arseneau : Merci beaucoup de ces questions. Nous avons aussi des tonnes de questions comme celles-là.
En ce qui concerne votre première question, celle qui concerne l'inversion du fardeau de la preuve, je veux rappeler aux membres du comité que l'article 70 de la loi exige des fabricants qui sont en possession de renseignements qu'ils nous en fassent part, comme cela s'est produit de temps à autre.
En ce qui concerne les nouveaux produits chimiques, on nous avise en moyenne d'environ 700 à 900 nouvelles substances chaque année. Au sein des deux programmes, à Santé Canada et à Environnement Canada, il y a probablement au total environ de 75 à 100 employés qui s'occupent des renseignements relatifs au processus d'avis, ainsi que des évaluateurs qui passent en revue ces renseignements. Ils effectuent par ailleurs leur travail dans des délais rigoureux. Nous disposons en général d'environ 90 jours au maximum pour examiner les renseignements et tirer une conclusion en ce qui concerne les risques, ainsi que pour imposer une exigence ou une condition particulière afin d'atténuer les risques.
Le programme est dynamique, ce qui fait que nous élaborons de nouveaux outils. Nous utilisons beaucoup les modèles de prévision et la toxicologie computationelle pour comprendre la manière dont une nouvelle substance chimique peut réagir à partir des propriétés de substances chimiques apparentées de la même catégorie. Nous combinons ces renseignements avec les renseignements relatifs aux essais que les fabricants doivent nous fournir. Nous avons élaboré des modèles et des outils avancés qui nous aident à effectuer ce genre d'évaluation. On s'occupe généralement des nouvelles substances chimiques de cette façon dans la plupart des pays industrialisés.
En ce qui concerne le fait que des substances perfluorées se retrouvent dans l'eau embouteillée, entre autres, on utilise souvent ces substances pour élaborer des produits de plastique, mais je vais demander à Santé Canada de répondre à la question, puisque ce ministère s'occupe davantage de l'aspect sécurité des produits.
Steve Clarkson, directeur général associé, Programme de la sécurité des milieux, Santé Canada : L'eau qu'on peut acheter dans les magasins est généralement embouteillée dans des contenants composés du même plastique que celui qu'on utilise pour les boissons gazeuses, qu'on appelle couramment le polyéthylène téréphthalate, et le symbole de recyclage du plastique accompagné des lettres PET, ou, ce qui est davantage approprié, les lettres PETE, indique qu'il ne s'agit pas du tout de substances perfluorées.
Le sénateur Spivak : Qu'en est-il des POP?
M. Muir : Les substances en question ne se trouvent pas dans la liste des 12 POP les plus honnis — il s'agit de 12 produits chimiques à l'échelle internationale — mais elles font partie de substances qu'on évalue pour déterminer s'il faut les ajouter à la liste, liste proposée par la Suède. Les dossiers concernant la substance en question sont encore à l'étape de l'examen.
Le sénateur Spivak : Ma question était la suivante : combien ya-t-il de substances bannies à l'heure actuelle, depuis combien d'années sont-elles bannies et combien de substances sont bannies au Canada?
M. Muir : Parlez-vous des produits chimiques apparentés au SPFO?
Le sénateur Spivak : Je parle des polluants organiques persistants.
M. Muir : Toutes les substances de la liste des POP ont été bannies au Canada il y a longtemps, ou encore on a procédé à leur élimination progressive. Il ne s'agit pas seulement de produits chimiques utilisés dans le commerce. Il y a aussi des substances comme les dioxines qui sont le produit de la combustion et ainsi de suite.
Le sénateur Spivak : Elles n'existent donc plus?
M. Muir : Elles font partie de la liste ou n'existent plus, oui.
M. Clarkson : Essentiellement, il existe trois catégories de POP. Il y a ceux qu'on a fabriqués et vendus sous forme de produits. Bon nombre de produits chimiques de la liste des 12 substances les plus honnis sont des pesticides. Le Canada a cessé d'autoriser leur utilisation en ne les homologuant plus. L'une des catégories ne comporte que le dichlorodiphényltrichloroéthane, ou DDT. On utilise cette substance dans certaines régions limitées du monde, et il s'agit encore d'un traitement efficace contre la malaria. L'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, a fait état de sa position concernant l'utilisation du DDT en septembre ou en août de l'an dernier.
Et ensuite la catégorie des dioxines et des furanes, qu'on ne cherche pas à fabriquer, mais qui sont des sous-produits de processus de fabrication. On connaît et on contrôle ces substances, ou encore il existe des exigences limitant la production de ces substances.
Au Canada, nous disposons de règles strictes concernant la production de dioxines et de furanes. Nous ne permettons pas l'utilisation du DDT, et la plupart des autres sont des pesticides interdits. Je crois que les BPC font partie de la liste, et qu'on les a progressivement éliminés. Nous ne permettons plus la fabrication de BPC au Canada, et on publie de nouveaux règlements concernant les BPC à l'heure actuelle.
Le sénateur Spivak : J'ai une dernière question, madame la présidente. Je ne veux pas de réponse tout de suite. Je me demandais si vous pouviez répondre par écrit. J'aimerais savoir exactement quelles sont les nouvelles mesures et les différences qui caractérisent la loi sur l'assainissement de l'heure proposée, par rapport à la LCPE, et je demandais si vous pouviez répondre par écrit, parce que je suis sûre qu'il s'agit d'une question importante.
La vice-présidente : Si vous faites parvenir une lettre à la greffière du comité, elle distribuera la réponse.
Le sénateur Angus : Merci beaucoup, et merci surtout à M. Arseneau et à M. Muir. Je pense que les renseignementsque vous nous avez fournis dépassent le contenu du cours Chimie 101; il s'agit plutôt de Chimie 404 et même davantage, et je vais donc tenter de ne pas faire étalage de mon ignorance.
Tout d'abord, je pense que nous devrions nous intéresser à deux éléments fondamentaux dans le contexte de notre étude, soit ce que vous avez dit concernant le fait que, à la lumière de toutes les recherches et de tout ce qui s'est fait ici et ailleurs, il n'y a pas de risque ou de danger immédiat pour la santé humaine. Je pense que c'est ce que vous avez dit. J'espère que vous pouvez confirmer que j'ai bien compris, parce que c'est évidemment la première chose à envisager. Je remarque que mon bon ami de Winnipeg est susceptible de contester cela. De toute façon, ce que vous m'avez dit m'a surpris et m'a fait plaisir.
Vous avez aussi mentionné de nombreuses activités que vos collèges et vous avez entreprises dans le contexte de la LCPE, qui fait l'objet de notre étude et dont font partie le SPFO et l'APFO. D'après ce que j'ai compris, la LCPE, telle qu'elle a été rédigée, et le cadre dans lequel vous effectuez vos activités sont adéquats et vous permettent de faire votre travail relativement au sujet qui nous occupe, et vous ne nous recommandez donc pas d'amender ou de modifier la loi. C'est ce que j'ai cru comprendre, moi, un gars qui s'est rendu jusqu'au cours Chimie 101, mais pas plus loin, puis qui s'est tourné vers les sciences sociales. Ces deux éléments préliminaires sont d'un intérêt immédiat dans le cadre de la présente étude. Je veux par la suite aborder un autre sujet.
M. Arseneau : Santé Canada a conclu, en ce qui concerne le SPFO, que même s'il y a des preuves de la présence du SPFO au sein de la population humaine, la concentration de la substance n'a pas atteint le niveau nécessaire pour qu'il y ait des effets négatifs. Cependant, des études ont révélé des effets négatifs du SPFO chez des animaux, ce qui permet évidemment la comparaison avec les êtres humains, ou qui peut mener à la conclusion selon laquelle il pourrait y avoir des effets négatifs à long terme chez les humains. Les évaluations ont permis de conclure que nous n'avions pas encore atteint le niveau en question, et que les mesures proposées feront que nous ne les atteindrons pas.
Je vais renvoyer la question à Myriam Hill, qui, du point de vue des substances nouvelles, a aussi déterminé les risques éventuels pour la santé humaine que présentent divers composés du genre de ceux dont il est question aujourd'hui.
Myriam Hill, chef de section, Nouvelles substances chimiques 1, Bureau de l'évaluation et contrôle des substances nouvelles, Programme de la sécurité des produits, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada : Du point de vue des substances nouvelles, puisque notre programme en est un de prévention et qui précède la mise en marché, notre rôle est plus conservateur, dans un sens, que le rôle du programme des substances existantes. À la lumière des renseignements dont nous disposions en ce qui concerne les dangers que présentent certains des composés perfluorés en question, nous avons pensé qu'il serait prudent de ne pas autoriser leur entrée sur le marché. Il y a encore trop de questions sans réponse. On n'a pas établi le mode d'action. La façon dont les gens sont exposés aux substances en question demeure inconnue. Le fait que ces substances entrent dans la composition de produits de consommation, auxquels tout le monde a accès et est exposé, nous a poussés à conclure qu'il fallait les interdire.
Comme M. Arseneau l'a expliqué, nous ne connaissons pas le mode d'action ni la façon dont les gens sont exposés. Cependant, notre conclusion préventive a été qu'il ne fallait pas permettre l'entrée de ces substances sur le marché. De cette façon, nous avons averti les fabricants du fait qu'ils ne devraient peut-être pas continuer de produire ces substances. Aujourd'hui, dans le cadre du programme, nous avons reçu des avis faisant état de propriétés chimiques différentes, concernant de nouveaux produits qui n'ont pas les propriétés en question. Nous suivons de près ces produits et nous exigeons des essais toxicologiques de ces substances pour déterminer si elles sont préférables à celles dont la chaîne carbonique comporte huit atomes et plus.
M. Arseneau : Peut-être puis-je répondre à la deuxième partie de la question, celle qui porte sur la LCPE. Est-ce approprié? Il semble que nous sommes en mesure de travailler dans le cadre de la loi actuelle : bref, il semble que cela fonctionne.
Cet exemple nous a cependant indiqué que nous devons être beaucoup plus souples et nous adapter beaucoup plus rapidement pour être en mesure de gérer certains types de risques et de substances tant du point de vue des substances nouvelles que des substances existantes. Je pense que les différentes dispositions et les différents styles de gestion, dans le contexte de la loi, vont converger d'une certaine manière avec le temps. Nous pouvons faire cela quant à la manière dont nous exécutons notre programme, effectuons nos travaux de recherche scientifiques et nos tâches, mais ce n'est pas comme ça qu'on a fonctionné dans le passé.
Nous innovons en ce sens. Nous ne croyons pas qu'il y ait quoi que ce soit dans la loi qui nous empêche de le faire.
Le sénateur Angus : Nous arrivons au cœur de ma question. Si notre président, le sénateur Banks, était ici, il dirait peut-être :y a-t-il une liste de choses que vous souhaiteriez obtenir pour faciliter votre travail? C'est là que nous pouvons vous être utiles dans le cadre de notre rapport.
M. Arseneau : Le ministère et le ministre publieraient probablement une proposition de liste de souhaits. Je crois qu'on a entrepris un examen l'année dernière, dont on a fait part au comité, en vue de signaler certaines parties de la loi qu'il serait possible d'améliorer. On a repéré ces parties en fonction des perceptions non seulement du ministère, mais aussi des intervenants.
M. Clarkson : Les ministères ont rédigé un document présentant les différents enjeux soulevés par les intervenants, ayant trait, par exemple, au fait que le ministre de la Santé puisse se voir doter d'un pouvoir accru au chapitre de la collecte d'information et à la formulation d'un énoncé plus clair en ce qui concerne la collecte de renseignements relatifs à la charge corporelle et à la surveillance de l'exposition des êtres humains aux produits chimiques. Je crois qu'on a probablement présenté ce document au comité lorsque la sous-ministre adjointe Cécile Cléroux et d'autres ont témoigné devant le comité au début des audiences, il y a de cela un certain temps.
Le sénateur Angus : Le document abordait la question de façon plus générale. Je voulais parler des CPF en particulier. Si vous ne souhaitez rien dire de précis, ce n'est pas grave.
Vous avez dit que l'entreprise 3M avait volontairement accepté de faire les choses que vous avez décrites, ce qui met en lumière le fait que, en ce qui concerne les CPF, nous avons affaire à des produits chimiques anthropiques qui posent problème. Nous parlons de substances produites à des fins commerciales. Je n'arrive pas à croire que 3M soit la seule entreprise concernée.
Je sais que 3M est une importante entreprise publique américaine du secteur des produits chimiques, mais qu'enest-il de Dow Chemical et de tous ces autres fabricants?Nous pourrions continuer longtemps comme ça, comme le sénateur Spivak le sait. Pourquoi tout ce bruit autour de 3M? L'entreprise s'est évidemment portée volontaire pour donner un coup de main à ses concurrents, peut-être. Je suis sûr que les motifs de l'entreprise étaient beaucoup plus honorables que ce que je décris, mais vous voyez où je veux en venir. Vous n'êtes pas en train de dire que 3M est la seule entreprise à fabriquer ces produits chimiques qui peuvent être dangereux, n'est-ce pas?
M. Arseneau : Non, 3M était le principal fabricant de SPFO à l'époque. D'autres fabricants élaboraient des produits comme l'APFO. À l'échelle mondiale, quelques grandes entreprises étaient les principaux producteurs de composés perfluorés. C'est à ces entreprises que l'EPA des États-Unis et le Canada ont demandé de modifier les propriétés chimiques des substances, d'effectuer davantage de recherches et de rendre les produits propres — et surtout d'éliminer les composantes de longue chaîne possédant le genre de propriétés chimiques dont il est question.
L'entreprise 3M a adopté une attitude proactive à l'époque, et elle a bien collaboré avec les gouvernements pour mettre fin à ses activités de fabrication du SPFO. D'autres entreprises font du bon travail et élaborent des produits de rechange, et nous recevons leurs avis concernant de nouvelles substances. Cependant, il s'agit d'un gros marché, important sur le plan commercial, et la réaction a été inégale. Certaines entreprises ont été davantage proactives que les autres, et d'autres ont été plus réfractaires et sur la défensive.
Le sénateur Angus : Le SPFO entre donc dans la composition de différents produits industriels. On élabore ces produits en vue de leur utilisation dans le domaine de la construction, et ainsi de suite. Encore une fois, d'après ce que vous avez dit dans votre témoignage, j'ai eu l'impression qu'il était possible de se procurer les substances en question dans un Home Depot ou n'importe quelle grande quincaillerie. Chez les gens ordinaires, qui sait que les produits qui sont sur les tablettes recèlent un danger caché? À l'échelle des gens, assurez-vous une présence, et y a-t-il de grandes affiches sur lesquelles on peut lire « matières dangereuses », des choses du genre?
M. Arseneau : Nous essayons d'adopter toutes sortes de démarches. Évidemment, l'étiquetage des matières dangereuses et des directives claires concernant la façon dont il faut utiliser et jeter les produits de façon sécuritaire est une partie importante de ces démarches.
Une autre partie importante tient à ce que nous essayons de faire en ce qui concerne certaines catégories de substances chimiques, c'est-à-dire empêcher qu'on les utilise pour élaborer certains produits dès le départ. Nous empruntons les deux voies.
Certains types de matières et de produits sont dangereux en soi de par la façon dont ils agissent. Nous tentons de favoriser à long terme les substances les moins dangereuses et d'adopter une démarche de prévention en ce qui concerne certaines des substances les plus dommageables, persistantes ou bioaccumulables, ainsi que de restreindre leur utilisation dans l'élaboration de produits. Il faut faire cet effort à l'échelle internationale comme au pays.
Le sénateur Angus : Je comprends que le défi est énorme, parce que nous sommes déjà rendus très loin dans le domaine.
Le sénateur Milne : Merci du renseignement. Ce que vous avez dit est fascinant, quoique troublant. À la diapo 10, vous concluez que, dans le cadre de l'article 64 de la LCPE, le SPFO et ses précurseurs ne constituent pas un danger pour la santé ou pour la vie humaine, et que cette substance répond aux critères définis à l'alinéa 64a), mais qu'elle peut avoir un effet négatif immédiat ou à long terme sur l'environnement ou sur la biodiversité. Certaines des substances en question sont bioaccumulables chez les animaux, qui font partie de l'environnement, et nous mangeons les animaux. Nous ne savons pas vraiment ce qui se passe. Lorsque j'entends parler d'une substance bioaccumulable, ma réaction immédiate est de penser qu'on devrait bannir cette substance. Je suis troublée lorsque vous dites qu'on n'a pas ajouté de substances à la liste des POP, parce qu'il est évident que certains de ces polymères à longue chaîne dont nous avons parlé sont persistants, et que nous ne connaissons pas l'effet qu'ils vont avoir sur nous ou sur nos petits-enfants.
A-t-on réalisé des études au sujet de l'accumulation de l'une ou l'autre des substances en question dans l'organisme des habitants du nord et du sud du Canada? L'accumulation dans l'organisme des humains est-elle différente entre les deux régions?
M. Arseneau : Vous avez raison lorsque vous dites que nous devons adopter un point de vue déterminé en ce qui concerne les produits chimiques persistants, bioaccumulables et intrinsèquement toxiques, ceux auxquels nous avons accordé la plus haute priorité. Dans le cadre du plan de gestion des produits chimiques que nous sommes en train d'appliquer, nous avons repéré plusieurs centaines de produits chimiques hautement bioaccumulables et persistants pour lesquels nous allons rapidement prendre des mesures au cours des deux ou trois années qui viennent.
Le sénateur Milne : S'agit-il du projet de règlement que vous êtes en train d'élaborer?
M. Arseneau : Oui, exactement. Nous y accordons beaucoup d'attention. Cette catégorie de substances chimiques en question s'accumule d'une manière différente de ce que nous avons observé auparavant. Pour en revenir à la question du sénateur Angus, au sujet des modifications de la loi, la LCPE exige que nous prenions des mesures en ce qui concerne la bioaccumulation, que le règlement définit. Il ne s'agit pas d'une question d'ordre législatif, puisque nous pouvons la régler dans le cadre du règlement. Nous avons découvert que cette catégorie particulière de substances chimiques s'accumule, mais pas de la même façon que les BPC. C'est ce qui fait que nous avons été un peu pris au dépourvu dans le cadre de notre démarche réglementaire, et que nous sommes en train d'adapter cette démarche.
La liste des POP fait l'objet de négociations et d'un consensus à l'échelle internationale. La Convention de Stockholm sur les polluants organiques persistants n'est entrée en vigueur qu'il y a peu de temps, et elle comportait au départ 12 substances. Cependant, un groupe d'experts scientifiques actif étudie cinq nouvelles propositions d'ajouts à cette liste, notamment le SPFO. Le Canada est bien représenté au sein de ce groupe, et il a fourni des renseignements, assuré une surveillance et participé au processus décisionnel. Nous sommes activement engagés, mais le processus est plus long.
En ce qui concerne la concentration des substances en question dans l'organisme des animaux sauvages et des humains, ainsique les comparaisons entre le Nord et le Sud, je vais demander à M. Muir de répondre à la question.
M. Muir : Les renseignements à ce sujet sont intéressants. Mes collègues de Santé Canada ont découvert que les quantités dans le sang des gens sont les mêmes dans le Nord que dans le Sud. C'est peut-être une bonne nouvelle, et les concentrations sont relativement faibles, de l'ordre de quelques parties par milliard. On a été surpris par cette conclusion, puisque la consommation de gibier, traditionnelle dans l'Arctique, a donné lieu à des concentrations de BPC beaucoup plus élevées chez les habitants du Nord. Ce n'est cependant pas le cas pour les substances perfluorées. L'hypothèse est que l'exposition ne vient pas de la consommation de nourriture traditionnelle. On pense que les concentrations sont les mêmes parce que tout le monde est exposé de la même façon aux produits de consommation qu'on retrouve dans les foyers, comme les sacs de pop-corn. Ce genre de produit est à l'origine d'une exposition faible chez tout un chacun.
Les animaux sauvages de l'Arctique présentent des concentrations beaucoup plus élevées que les gens — jusqu'à 1 000 fois plus élevés. Ils font face à un taux d'exposition différent, et les ours polaires présentent les concentrations les plus élevées de tous les animaux du monde, en raison de la façon unique dont les substances chimiques en question s'accumulent. Elles sont collantes, et elles restent dans le foie des ours polaires où les concentrations atteignent des niveaux élevés.
Le sénateur Milne : Je ne mange plus de foie.
M. Muir : Les gens ne mangent pas le foie des ours polaires, parce que ce n'est pas bon pour eux.
Le sénateur Milne : On élabore actuellement un projet de règlement.
M. Arseneau : Oui.
Le sénateur Milne : Quelles sont les échéances?
M. Arseneau : On a publié le projet de règlement sur le SPFO l'an dernier. La LCPE prévoit que l'on parachève le règlement dans un délai de deux ans après publication du projet de règlement. Nous essayons de conclure nos travaux avant cette échéance. Je m'attends à ce que nous mettions la dernière main au règlement sur le SPFO au cours de l'année qui vient.
Le sénateur Milne : C'est bien. Qu'en est-il des mousses extinctrices qu'on éliminera progressivement, sur une période prolongée?
M. Arseneau : Cette période prolongée signifie qu'on remplacera les mousses en question, au fur et à mesure qu'on les utilise, par des matières qui ne contiennent pas de SPFO.
Le sénateur Milne : Ces matières existent-elles à l'heure actuelle?
M. Arseneau : Oui : essentiellement, on converge vers les molécules à chaînes plus courtes, pour remplacer les molécules dont la chaîne carbonique comporte huit atomes, parce que les molécules à chaînes plus courtes ne s'accumulent pas autant.
Le sénateur Milne : Madame Hill, il semble que le délaide 90 jours pour l'étude et la publication de vos résultats est arbitraire. D'où vient ce délai?
Mme Hill : C'est la LCPE qui le prévoit.
Le sénateur Milne : Pensez-vous qu'il s'agit d'un délai suffisamment long?
Mme Hill : Cela pose problème parfois.
M. Arseneau : D'une certaine manière, cela nous permet d'être plus prudents. La tendance, chez les évaluateurs et les gestionnaires du programme des substances chimiques nouvelles, c'est d'utiliser les outils disponibles dans le cadre de la LCPE pour anticiper les problèmes.
Le sénateur Milne : Vous péchez par excès de prudence.
M. Arseneau : Oui, nous prenons des précautions.
Le sénateur Milne : Y a-t-il quoi que ce soit que le comité devrait recommander pour vous faciliter la tâche, mis à part le fait de vous offrir plus d'employés?
M. Arseneau : J'ai parlé d'assurer une transition plus fluide entre les substances nouvelles et les substances existantes. L'un des problèmes auxquels nous faisons face par rapport à cette transition ou à la convergence des démarches, c'est souvent le fait que la confidentialité des renseignements sur un produit chimique qui vient de faire l'objet d'un avis nuit aux efforts que nous déployons pour publier rapidement l'information scientifique. Nous devons passer par un long processus pour supprimer tout renseignement commercial confidentiel figurant dans certains rapports scientifiques. Des éclaircissements à ce sujet nous aideraient. Il s'agit davantage des règles administratives de quoi que ce soit que d'autre, mais si tout est clair, nous pourrions publier de façon plus rapide et plus efficace les renseignements scientifiques qui peuvent avoir une incidence importante sur l'utilisation des substances existantes.
Le sénateur Milne : J'ai une question au sujet de ma poêle à frire en téflon. Au sujet d'un composé comme le téflon et de l'utilisation appropriée du produit, devrait-on faire quelque chose pour informer la population? A-t-on suggéré que le fabricant ou l'entreprise qui vend le produit devrait informer la population au sujet de l'utilisation appropriée des produits en question et de la façon de s'en débarrasser après usage? La question de la mise au rebut est aussi une question essentielle.
M. Clarkson : Ma femme a récemment fait l'achat d'une petite poêle à frire, et elle a choisi une poêle antiadhésive. Parce que la question m'intéresse, j'ai examiné le produit, j'ai constaté qu'elle était accompagnée de directives d'utilisation. Les directives ne disaient rien au sujet de l'APFO, qui est un additif qu'on utilise souvent au cours de l'élaboration de ce produit. Il y avait des directives concernant l'utilisation de la poêle, et des avertissements concernant le fait de ne pas la faire chauffer trop, mais rien au sujet de la mise au rebut.
Je dois m'en remettre à mes collègues d'Environnement Canada pour savoir si nous devons nous inquiéter de la façon de jeter les produits de consommation qui contiennent des substances perfluorées.
M. Arseneau : Dans une large mesure, nous ne nous sommes pas penchés sur la question de la mise au rebut des poêles à frire autant que de l'utilisation dans d'autres articles de consommation courante, comme les tapis, les meubles et cetera, qui contiennent des quantités beaucoup plus importantes de ces substances chimiques que les poêles.
D'autres objets comme les assiettes de papier et d'autres produits de papier contiennent souvent les substances chimiques en question à la surface, parce que celles-ci empêchent les corps gras ou l'eau de pénétrer. Les substances utilisées de cette façon peuvent se retrouver dans les eaux usées, ce qui doit nous faire réfléchir encore plus que les casseroles et les poêles.
M. Clarkson : Si je peux ajouter quelque chose, commeM. Arseneau l'a mentionné plus tôt, l'utilisation de ce type précis de substances est de nature relativement internationale. Personne ne fabrique d'APFO au Canada, mais on peut en importer ou on en a peut-être importé dans le passé pour l'utiliser dans la fabrication, par exemple, d'un revêtement antiadhésif ou d'autres choses du genre.
En raison de ce caractère international, nous n'avonsd'autres choix que de tenir compte de ce qui se passe ailleurs. Aux États-Unis, l'EPA a lancé un programme en collaboration avec DuPont et cinq ou six autres fabricants d'APFO, pour mettre en œuvre de nouveaux processus et chercher des produits de rechange. Une partie des nouveaux processus a pour objectif de réduire au minimum les résidus d'APFO dans les produits fabriqués, de façon à réduire l'exposition potentielle de l'environnement, et des gens par l'intermédiaire de celui-ci.
Dans le cas du SPFO, après que 3M a fait son annonce, on a commencé à abandonner l'utilisation de ce produit presque immédiatement. Comme M. Arseneau l'a mentionné, les efforts se poursuivent pour encourager l'industrie : cherchez d'autres choses, parce que cette substance nous préoccupe. Nous cherchons, et nous allons continuer de chercher. Plus tôt les entreprises adoptent des produits de rechange, mieux c'est.
Nous sommes prudents, mais notre prudence a des limites. Nous n'avons pas de preuves solides ou de raisons d'être tout à fait inquiets au sujet de la santé humaine. Vous avez mentionné plus tôt que la diapo 10 indique que nous avons effectué une évaluation du SPFO, relativement approfondie. Les taux d'exposition que nous avons découverts à partir des concentrations dans le sang indiquent que nous sommes loin de l'exposition nécessaire pour engendrer les effets observés dans le cadre d'études sur les animaux.
Je veux insister sur le fait que mes collègues d'Environnement Canada se préoccupent de toutes les espèces d'animaux de la chaîne. Je ne me préoccupe que des humains. Environnement Canada doit protéger beaucoup plus d'espèces que moi, mais je vous assure que nous faisons tout ce que nous pouvons pour protéger la population humaine.
Le sénateur Milne : Je monopolise peut-être notre temps, mais comment le SPFO s'accumule-t-il dans les organismes vivants? Il faut bien qu'il entre dans l'organisme des animaux d'une manière ou d'une autre. Est-ce que c'est quand les animaux broutent?Est-ce que le produit chimique remonte la chaîne alimentaire à partir des herbivores? Nous, les humains, mangeons de la viande.
M. Muir : C'est exact. Les sources sont les mêmes que celles dont vous avez entendu parler au sujet des autres substances chimiques, et nous avons déjà banni des produits chimiques comme les BPC.
Ce qui explique l'accumulation, au bout du compte, c'est que les organismes ne métabolisent pas les produits chimiques en question. Il s'agit de produits stables. Ce qui entre dans les organismes y demeure en quelque sorte, et en ressort lentement, pas aussi rapidement que les substances sont ingérées. Les substances entrent dans les organismes surtout par la nourriture.
Ces substances chimiques présentent des caractéristiques particulières qui font que les mammifères les absorbent différemment. Elles tendent à être recyclées dans l'organisme des animaux. Vous avez peut-être entendu parler du fait que les BPC se logent dans les graisses. Les substances en question se trouvent non pas dans nos graisses, mais davantage dans notre sang et notre foie. Elles tendent à être recyclées, parce qu'elles ne sont pas évacuées. Elles agissent comme les acides biliaires, qui sont un élément de notre processus de digestion normal, et elles reviennent dans l'organisme de l'animal. Elles ont tendance à coller.
Si un ours polaire mange un phoque, il s'agit de deux maillons de la chaîne alimentaire où des mammifères ont accumulé beaucoup de la substance en question. Les humains ont cependant tendance à avoir un régime alimentaire plus diversifié. Nous ne consommons pas beaucoup de viande provenant d'animaux situés à un maillon élevé de la chaîne alimentaire. Oui, nous consommons de la viande, mais de la viande d'animaux qui paissent, et non des poissons et autres animaux du genre. Nous avons tendance à nous situer à un maillon inférieur de la chaîne alimentaire, par rapport à l'ours polaire ou au phoque.
Le sénateur Spivak : J'ai une question complémentaire. Puisque nous avons l'occasion de vous aider, par l'intermédiaire d'amendements de la loi, vous serait-il utile que les fabricants assument une plus grande part de la responsabilité lorsqu'il s'agit de prouver que leurs produits sont sécuritaires? Je serais en faveur de l'inversion du fardeau de la preuve, mais je ne suis pas sûre que cela va passer. Il s'agit assurément de la voie à emprunter lorsqu'il y a 700 substances et 70 personnes pour les évaluer en 90 jours.
Une dernière chose : Avez-vous lu Cradle to Cradle, de William McDonough? J'ai terminé mon plaidoyer.
M. Arseneau : Vous soulevez un bon point en disant que nous sommes en plein examen de la législation, et je suis sûr que le gouvernement va formuler des propositions sur le genre d'amendements qui rendraient notre travail plus efficace.
Cependant, dans un sens, nous avons déplacé notre travail global sur les substances chimiques au-delà de la LCPE. Nous avons adopté un plan de gestion des produits chimiques qui tente de faire le point entre ce que nous faisons dans le cadre de la LCPE et ce que nous faisons au sujet des pesticides dans le cadre de la Loi sur les produits dangereux. Le plan vise à établir des liens entre les différentes lois qui, lorsqu'on les applique ensemble, donnent lieu à une démarche beaucoup plus complète et puissante quant à la gestion des produits chimiques. Nous ne devons pas nécessairement tout faire dans le cadre de la LCPE si nous utilisons ces autres outils aussi.
En ce qui concerne la responsabilité des fabricants concernant l'utilisation sécuritaire des produits chimiques qu'ils élaborent, essentiellement, nous avons commencé à leur demander de l'assumer. Nous les abandonnons maintenant avec en main les profils décrivant ce que nous savons au sujet des produits chimiques qui nous préoccupent, et qui sont le fruit de notre processus de catégorisation.
Nous avons franchi une nouvelle étape en raison du travail de catégorisation que nous avons fait. Ce travail nous a fourni les renseignements dont nous avions besoin pour poser précisément la question de la responsabilité ou pour demander aux entreprises d'assumer cette responsabilité. Nous rédigeons les documents scientifiques, et nous les présentons aux fabricants en leur disant : « Montrez-nous comment vous pouvez utiliser tel ou tel produit chimique de façon sécuritaire, sans quoi nous allons prendre des mesures. »
Le sénateur Spivak : Je tiens à souligner le fait que le gouvernement fédéral n'est pas le seul à pouvoir amender des lois.
Le sénateur Peterson : On a abordé la plupart des questions. Ce que je veux vous demander, cependant, c'est si vous avez une idée de la manière dont l'industrie se débrouille pour élaborer des substances de rechange pour les produits de tous les jours. Je ne suis pas sûr de connaître l'ampleur et la profondeur de la question. Avez-vous banni les substances, ou attendez-vous? Travaillez-vous avec l'industrie en collaboration, ou la relation est-elle difficile? Il semble dans l'intérêt de tous de travailler ensemble.
M. Arseneau : Disons que les résultats sont variés. Il s'agit d'un domaine d'activité nouveau, mais en croissance rapide. Les travaux de recherche et d'enquête s'y sont multipliés. Ce n'est qu'au cours des quelques dernières années, depuis que nous avons prohibé quatre nouveaux fluorotélomères, en 2004, que l'industrie a commencé à accorder de l'attention à certains aspects de la question. Nous voyons des indices positifs à l'heure actuelle, certaines entreprises nous faisant part des nouveaux produits qu'elles veulent mettre sur le marché, pour lesquels elles utilisent des substances dont les propriétés chimiques ne sont pas les mêmes et dont la chaîne est plus courte. Nous recevons les avis concernant des substances dont les propriétés chimiques sont modifiées, mais le changement prend un peu de temps. En fait, les fabricants ont réagi de diverses façons, et je vais m'arrêterlà-dessus.
Le sénateur Peterson : Lorsque vous êtes sur le point de bannir une substance, prévenez-vous l'industrie? Le cas échéant, combien de temps d'avance?
M. Arseneau : Certainement : dans le cadre du Programme des substances nouvelles, nous faisons part de nos conclusions au fabricant qui nous a fait parvenir un avis aussitôt que nous les tirons. Il y a beaucoup d'échanges concernant les renseignements scientifiques, les démarches de gestion possibles et toutes les choses du genre.
Pour faire suite aux mesures prises par le gouvernement en 2004, nous participons à des réunions internationales, à des conférences, à toutes sortes d'événements, notamment des réunions avec des fabricants, afin de faire part de nos préoccupations et de les inciter à effectuer davantage de recherches sur le type de produits qu'ils mettent en marché, et aussi pour essayer de faire en sorte que les processus chimiques qui entourent l'élaboration de ces catégories particulières de produits deviennent plus écologiques.
Oui, nous fournissons des renseignements ou donnons un avis très tôt aux fabricants qui nous font parvenir un avis concernant une substance chimique. Nous travaillons dur pour diffuser les renseignements scientifiques auprès de la population le plus tôt possible, et pour continuer d'exiger des améliorations quant à la manière dont on utilise les substances chimiques en question. Le processus est long et lent.
Le sénateur Sibbeston : Je m'intéresse aux effets des polluants dans le Nord. Nous pensons que nous vivons dans une région vierge, mais il y a toujours de la pollution dans le Nord. Je m'intéresse toujours à l'ampleur de la pollution là- bas. Dans le cas qui nous occupe, il semble y avoir une certaine contamination liée aux substances perfluorées. Est-ce que des scientifiques de votre organisation se rendent dans le Nord pour étudier la situation des ours polaires et des habitants de la région chaque été? Vous parlez de l'augmentation de la concentration de la substance en question dans l'organisme des ours polaires, mais effectuez-vous des essais sur les caribous? Il y a probablement davantage de caribous, et la consommation de caribous est plus répandue dans le Nord.
M. Muir : Premièrement, je ne m'occupe pas des ours polaires. C'est un sujet intéressant, mais je ne vais pas l'approfondir beaucoup. Il y a un programme de collecte d'échantillons associé à la chasse à l'ours, parce que chaque collectivité a un quota, et ce programme a permis aux chercheurs spécialistes de la faune du ministère des Ressources renouvelables du Nunavut, du Service canadien de la faune et d'Environnement Canada d'obtenir des échantillons au fil des ans. Non seulement on recueille des échantillons chaque année, à peu près, mais il y a, ici, à Ottawa, une banque de tissus dans laquelle certains échantillons remontent à la fin des années 1960. Certains chercheurs importants, comme Ian Stirling, ont commencé les travaux dans les années 1970, et ils ont placé les échantillons dans la banque de tissus, ce qui nous permet de réaliser des figures comme celle que nous avons présentée tout à l'heure. En général, Environnement Canada, comme Pêches et Océans Canada, dans une certaine mesure, en ce qui concerne les baleines, dispose d'un programme d'examen des contaminants dans le Nord. Celui-ci est coordonné par le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, dirigé par Affaires indiennes et du Nord Canada. Le programme se poursuit. Le rôle principal d'Environnement Canada consiste à mesurer certaines choses et à recueillir des échantillons d'air, et c'est de cet aspect que je parle.
Nous avons effectué moins de travaux au sujet du caribou, mais, récemment, les chercheurs de Santé Canada ont étudié le caribou, entre autres aliments que les gens des collectivités mangent. Ils ont recueilli des échantillons de nourriture dans les assiettes. Ils ont découvert de faibles concentrations des substances fluorées dans le caribou. Il s'agit de concentrations très faibles. Cependant, les gens mangent beaucoup de caribous, ce qui fait que lorsque les chercheurs ont calculé le taux d'exposition, ils ont conclu que le caribou était la principale source alimentaire d'exposition. Je ne veux absolument pas dire que l'exposition est énorme, parce que, comme je l'ai déjà dit, nous pensons que les gens sont exposés aux substances en question par l'intermédiaire des produits de consommation et autres choses du genre, et non pas du caribou. Voilà la véritable conclusion de l'étude. Il s'agit non pas d'une étude soumise à un comité de lecture, mais d'une étude qui n'a été publiée que l'automne dernier. Nous concluons que, oui, si l'on envisage les animaux sauvages, les caribous présentent de faibles concentrations des substances en question, mais que si l'on multiplie ces faibles concentrations par les quantités de viande consommée, des substances perfluorées entrent dans l'organisme des gens qui mangent du caribou.
Le sénateur Sibbeston : À la page deux, vous parlez des substances perfluorées qu'on utilise pour élaborer des produits industriels, commerciaux et de consommation. On trouve ces substances dans les tapis. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'il y a des tapis dans toutes les maisons du pays. Lorsqu'on pose un nouveau tapis, une odeur s'en dégage. Est-ce que c'est l'odeur du contaminant? Est-ce qu'on utilise les substances en question pour faire en sorte que le tapis résiste mieux aux taches, soit plus durable et ainsi de suite? Parce qu'il y en a dans les tapis, les produits chimiques se retrouvent dans toutes nos maisons.Est-ce qu'il s'agit du produit que nous sentons dans les nouveaux tapis, et dont l'odeur s'affaiblit avec le temps? On ne sent pas l'odeur du tapis qui se trouve ici, mais dans une nouvelle maison, on la sentirait.
M. Muir : Je peux essayer de répondre à votre question. Je ne pense pas que nous connaissions toutes les composantes de l'odeur, mais je dirais que ce ne sont pas les substances fluorées que vous sentez, parce que d'autres colles et d'autres produits se retrouvent aussi dans les tapis, dont on sent l'odeur aussitôt qu'un tapis est déroulé et laissé en place. Les éléments qui forment le tapis dégagent des gaz. Il s'agit du processus au cours duquel certains des résidus fluorés, comme nous les appelons, qui se trouvent dans le tapis, dans le revêtement qui rend le tapis résistant aux taches, s'échappent sous forme de gaz. Je ne pense pas que vous puissiez les sentir, parce qu'ils n'ont probablement pas d'odeur. Le processus est cependant le même, et un certain pourcentage de la substance est libéré, probablement moins de 1 p. 100 du revêtement antitache du tapis.
Le sénateur Sibbeston : Vous dites qu'on en trouve dans le sang et dans le foie. Quel est le pire effet de la substance sur l'être humain? Le savez-vous?
Mme Hill : Nous ne connaissons pas la mesure dans laquelle les résultats des études sur des animaux d'expérience sont applicables aux humains.
Si vous me demandez quels effets on a constaté chez les animaux d'expérience, je peux vous répondre. Des études récentes révèlent certains effets sur le développement et certains effets systémiques, mais nous ne connaissons pas le mode d'action. Aux États-Unis, on a classé l'une des substances en question dans la catégorie des substances qui peuvent être cancérigènes chez l'humain. Cependant, on en débat toujours.
Certains effets ont trait au métabolisme et au transport des graisses, ce qui peut s'appliquer dans une certaine mesure aux humains. Nous avons constaté certains effets, dans le cadre d'études sur des travailleurs, qui tenaient à la diminution du taux de cholestérol, contrairement à ce qu'on constate chez certains animaux. Le mode d'action des substances en question n'est pas bien catégorisé, ce qui fait que je ne peux vous dire dans quelle mesure les résultats s'appliquent aux humains.
Le sénateur Adams : J'ai une question au sujet du foie des ours polaires. Il y a encore des Inuits au Nunavut qui mangent de l'ours polaire. On a l'habitude de faire cuire la viande; mais pas comme celle des autres mammifères. Il y a plusieurs couches de graisse entre les muscles. Nous changeons habituellement l'eau de trois à quatre fois tellement il y a de graisse.
Nous mangeons surtout du caribou, mais nous nous préoccupons davantage de l'âge de l'ours polaire. Pensez-vous que le foie d'un ours polaire est de plus en plus toxique à mesure que l'ours vieillit? Je pense que les gens du Nunavut doivent en savoir davantage au sujet de l'ours polaire. Auparavant, nous ne touchions jamais au foie de l'ours polaire. Puis nous avons découvert que les chiens, qui, habituellement, mangent l'estomac et le foie, sont très forts.
Nous ne mangeons pas le foie. Nous mangeons le foie des phoques, mais jamais celui du caribou. À l'heure actuelle, de plus en plus de gens modifient leurs habitudes. Ils peuvent acheter du foie à l'épicerie, et ils trouvent le foie de caribou meilleur que le foie de bœuf. La question concerne les études qui portent sur l'ours polaire. Je pense que vous surveillez une grande région au Nunavut, et la plupart des études que j'ai vues portent sur les ours polaires et leur âge, surtout autour de Churchill, au Manitoba. C'est là qu'on a effectué une surveillance dans les années 1960. Les ours polaires ne mangent habituellement que du phoque, mais il arrive parfois qu'ils mangent des baleines mortes depuis deux ou trois mois. Le foie des ours polaires est-il davantage touché que celui des autres mammifères?
M. Muir : Évidemment, nous savons que les gens ne mangent pas le foie des ours polaires, ce qui fait qu'il est plus facile pour nous d'obtenir des échantillons. Nous avons découvert que beaucoup de gens n'ont pas envie de céder le foie des phoques qu'ils chassent. Nous vous avons fourni une carte dans laquelle nous avons indiqué les quantités de produits chimiques dans le foie des ours polaires, parce que vous nous aviez demandé si ces quantités étaient les mêmes partout au Nunavut. Ce n'est pas le cas. Nous avons constaté que les quantités avaient tendance à être plus élevées chez les ours de la baie d'Hudson. Nous pensons que c'est parce que la substance chimique est transportée jusqu'à un endroit éloigné comme la baie d'Hudson dans l'atmosphère. Nous pensons que le produit chimique se retrouve en majeure partie dans l'atmosphère, puis dans la chaîne alimentaire par l'intermédiaire de la neige et de la glace qui fond, pour aboutir dans l'organisme des phoques. Les ours polaires de la baie d'Hudson sont moins éloignés des milieux urbains et du sud, là où les substances chimiques sont produites, et c'est la raison pour laquelle nous croyons que les quantités sont plus élevées dans cette région. De plus, les courants sont un peu différents dans la baie, par rapport à l'océan.
Je ne pense pas que nous avons analysé les muscles des ours polaires — j'essaie de voir si quelqu'un de Santé Canada hoche la tête — mais nous pourrions facilement le faire. Nous nous sommes concentrés sur les principaux aliments des gens. La chair du caribou, de l'omble chevalier et du phoque figure dans le haut de la liste. L'ours polaire est un peu plus bas dans la liste, et c'est pourquoi je pense que nous ne l'avons pas encore étudié. Nous devrions le faire, parce que les quantités de substances chimiques seront encore une fois plus élevées que chez les autres animaux; nous en sommes convaincus.
Le sénateur Adams : Vous n'avez pas précisé si l'âge de l'ours polaire a une incidence.
M. Muir : Il y a un léger effet lié à l'âge. En d'autres termes, on trouve des quantités de substances chimiques plus importantes chez les animaux qui sont vieux que chez les jeunes, mais l'effet n'est pas énorme; la quantité de substances chimiques estpeut-être doublée, ou quelque chose du genre. Les animaux les plus vieux ont mangé pendant plus longtemps, et les substances en question restent dans l'organisme, ce qui fait que les quantités ont tendance à être plus élevées. L'effet n'est pas aussi frappant que dans le cas du mercure. On ne constate pas le même effet dans le cas du SPFO.
Le sénateur Adams : A-t-on eu l'occasion d'effectuer des essais chimiques sur de la viande crue? Autrefois, nous n'avions pas toujours de cuisinière, et nous avions l'habitude de manger une partie de la viande crue, parce que nous ne disposions d'aucune manière de la faire cuire. Nous mangions de l'omble chevalier congelé, de la viande de phoque et du caribou. Y a-t-il une différence entre faire cuire la viande et la manger crue?
M. Muir : C'est une bonne question, pour laquelle je ne connais pas la réponse, mais je peux essayer de la trouver après la réunion, et essayer de voir si quelqu'un s'est penché sur la différence entre la viande cuite et la viande crue en ce qui concerne les substances fluorées. Je ne pense pas qu'on a répondu à cette question en ce qui concerne les substances perfluorées, mais pour d'autres produits chimiques, comme les BPC, la quantité est plus faible dans la viande cuite, parce que la cuisson fait fondre une partie du gras. Cependant, certaines personnes aiment boire le jus de cuisson et mangent moins de viande, mais c'est dans le jus de cuisson que les substances chimiques se retrouvent. Il est difficile d'évaluer si les gens sont exposés à des quantités plus faibles lorsqu'ils ingèrent des aliments cuits, si l'on pense aux différentes manières traditionnelles d'apprêter la nourriture.
La vice-présidente : Le Canada dispose-t-il d'un programme de biosurveillance suffisamment rigoureux pour déterminer les taux de CFP dans le sang des Canadiens? Peut-être devrions-nous inclure les CFP dans la LCPE.
M. Clarkson : La LCPE ne prévoit rien de précis au sujet de la biosurveillance ou de la surveillance des populations humaines. Cependant, l'article 55, je pense, confère au ministre la capacité de recueillir des renseignements sur les répercussions des produits chimiques et d'autres substances sur les humains, qui, si on l'interprète dans son sens large, peut avoir trait à la surveillance. Nous avons conclu une entente avec Statistique Canada au sujet d'un projet pilote que nous allons lancer en février pour mettre à l'essai des procédures en vue de la réalisation d'une enquête sur les caractéristiques physiques des Canadiens. Cette enquête portera sur un certain nombre de substances à analyser dans le sang et dans l'urine, et elle visera à mesurer d'autres caractéristiques physiques. Parmi les substances à analyser, il y aura le SPFO et l'APFO, ainsi que certains métaux et d'autres composés organiques.
L'enquête commence cette année dans le cadre du plan de gestion des produits chimiques que le gouvernement a annoncé. Nous prévoyons pouvoir faire de l'enquête un événement récurrent — peut-être pas annuel, mais qui aura lieu tous les trois ou quatre ans. Je ne connais pas le calendrier exact, mais le ministère a déjà son plan.
La vice-présidente : Allez-vous effectuer des essais sur les enfants?
M. Clarkson : Le groupe d'âge visé par l'enquête sur les caractéristiques physiques des Canadiens va de six à 75 ans, je pense. Nous avons aussi déployé un effort pour obtenir des données sur les enfants de moins de six ans. La conception des expériences, et ainsi de suite, soulève des questions éthiques, mais nous savons que les renseignements qui ont trait au domaine peuvent être importants, et nous déployons des efforts pour obtenir des données. Madame Hill, voulez-vous ajouter quelque chose?
Mme Hill : Nous avons lancé des travaux de recherche en collaboration avec certaines universités. Nous allons étudier les femmes enceintes et les effets des concentrations de substances perfluorées dans leur sang, puis, après l'accouchement, dans le sang ombilical. Parallèlement, nous allons étudier la présence des substances en question dans les maisons. Nous disposons d'un questionnaire exhaustif dans lequel nous posons aux gens des questions concernant leurs habitudes — les objets qu'ils ont à la maison — des tapis, des tissus, et cetera — et le genre de maisons qu'ils possèdent. Nous allons mesurer la quantité de substances perfluorées dans l'air, dans la poussière et dans la charpie qui se trouve dans les sécheuses pour voir si nous pouvons cerner les voies d'exposition chez les humains.
Le sénateur Adams : Nous allons traduire tout cela à l'intention des habitants du Nunavut. Certains des noms de produits chimiques seront difficiles à traduire dans la langue inuite.Y a-t-il des façons de rendre les choses plus faciles à comprendre, peut-être en offrant davantage d'images pour faciliter la traduction?
M. Arseneau : C'est un bon point, parce que, sincèrement, je n'arrive pas moi-même à prononcer la moitié des noms; c'est assez difficile.
M. Muir : Je peux peut-être répondre à la question, parce que nous faisons face à ce défi chaque année dans le cadre de notre programme relatif à la santé dans le Nord. Lorsque nous recueillons des échantillons, nous consultons d'abord les collectivités, et la traduction est un problème réel. Le seul mot que nous avons trouvé et qui dit quelque chose aux gens est le mot « contaminant ». Nous parlons parfois aussi des antitaches et des produits du genre. Il est difficile de parler de bon nombre d'enjeux du domaine de la chimie, et surtout de celui qui nous occupe aujourd'hui.
La vice-présidente : C'est difficile pour nous aussi. J'ai une dernière chose à vous demander, monsieur Arseneau. Notre personnel a préparé plusieurs questions, et une bonne partie de ces questions sont importantes. Si je vous les donne, pouvez-vous y répondre?
M. Arseneau : Certainement.
La vice-présidente : D'accord, je vais vous les donner, et vous pouvez faire parvenir les réponses à notre greffière, s'il vous plaît.
Merci d'être venus. Vous nous avez renseignés, et je pense que vous nous avez libérés d'un poids, parce que nous savons que des choses se font.
La séance est levée.