Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 15 - Témoignages du 22 mars 2007
OTTAWA, le jeudi 22 mars 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, saisi du projet de loi S- 210, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale (création et protection du parc de la Gatineau), se réunit aujourd'hui à 8 h 50 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, mesdames et messieurs. C'est un plaisir de vous souhaiter la bienvenue au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui se réunit ce matin pour étudier le projet de loi S-210, Loi modifiant la Loi sur la capitale nationale. Le projet de loi porte sur la création et la protection de ce qu'on appelle couramment le parc de la Gatineau.
Ce projet de loi d'intérêt public et d'initiative parlementaire vise à créer et à protéger les limites physiques du parc de la Gatineau en prévoyant que, désormais, ces limites ne pourront être modifiées sans l'approbation et le consentement du Parlement.
L'honorable sénateur Mira Spivak, qui propose le projet et qui en est la marraine au Sénat, comparaît aujourd'hui. Après son exposé, nous entendrons le témoignage de la Nouvelle Ligue pour la conservation des terres boisées, qui est représentée par M. Andrew McDermott, un ancien concitoyen de l'Alberta, et le président de la Ligue, M. Jean-Paul Murray.
Je me présente : Tommy Banks, sénateur de l'Alberta. J'ai le plaisir de présider le comité. Je vais présenter les membres du comité qui sont ici ce matin. Le sénateur Ethel Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador, est vice- présidente. Le sénateur Willie Adams vient du Nunavut, le sénateur David Angus du Québec et le sénateur Lorna Milne de l'Ontario. Le sénateur Grant Mitchell vient de l'Alberta, et le sénateur Nick Sibbeston représente les Territoires du Nord-Ouest.
L'honorable Mira Spivak, marraine du projet de loi : Honorables sénateurs, comme le résumé du projet de loi l'explique, le projet de loi vise à établir les limites du parc de la Gatineau par voie législative, à donner au parc, que beaucoup considèrent comme le joyau de la région de la capitale nationale, la même protection législative et la même surveillance parlementaire qu'aux parcs nationaux.
Le projet de loi propose de modifier la Loi sur la capitale nationale pour atteindre cet objectif. Il donnerait au Parlement un processus pour étendre les limites du parc et l'assurance que les terrains publics fédéraux situés dans le parc de la Gatineau ne seront pas vendus pour des projets immobiliers ni pour quelque autre fin. Il encouragerait également la Commission de la capitale nationale, gardien du parc aux termes de la loi, à acquérir à long terme les biens privés qui subsistent dans le parc.
Le projet de loi ne se résume pas à ce que, dans le jargon parlementaire, on appelle un « projet de loi d'ordre administratif ». Mais, dans un sens plus large, il s'agit bien d'une mesure qui vise à assurer une bonne administration.
En adoptant le projet de loi à l'étude, le Parlement répondrait par des mesures concrètes aux bonnes intentions exprimées par une longue succession de gouvernements pendant une centaine d'années. Signalons par exemple sir Clifford Sifton, ministre de l'Intérieur en 1912 et père de la conservation. Il a écrit qu'il fallait préserver la beauté naturelle des collines de la Gatineau.
Au milieu des années 1930, Mackenzie King, alors chef de l'opposition, a émis l'idée qu'il faudrait peut-être protéger des terres dans la Gatineau. L'idée a été reprise par le premier ministre Bennett et solidement appuyée dans un éditorial paru dans le Ottawa Journal du 19 août 1935.
Permettez-moi de lire le dernier paragraphe de cet éditorial qui remonte à plus de 70 ans et n'a rien perdu de sa pertinence.
Au Canada, nous avons beaucoup parlé, et cela se pardonne peut-être, des riches ressources de nos champs, de nos mines et de nos forêts. Nous avons moins parlé — et nous y avons moins réfléchi aussi —, et cela est presque impardonnable, de notre riche patrimoine de beautés, de ces splendeurs que la Providence nous a données : des cours d'eau, des montagnes et des vallées. Heureusement, il y a des signes qui montrent que, au fur et à mesure que nous avançons en âge, nous prenons davantage conscience de ce que ces richesses veulent dire et que nous adoptons des mesures pour les préserver. C'est une chose que nous devons tous appuyer.
Pendant les années de guerre, le gouvernement avait des priorités plus pressantes, et cela se comprend. Au début des années 1950, l'urbaniste Jacques Gréber a présenté son rapport à l'organisme qui a précédé la CCN. Il y décrivait le parc de la Gatineau comme un élément essentiel de la région de la capitale nationale.
Des années de négociation avec le gouvernement du Québec ont abouti à la conclusion d'un accord en 1964. Il prévoyait l'échange des titres fonciers de terres que le Québec possédait à l'intérieur du parc, selon sa description de 1960. Pour sa part, la CCN céderait au Québec des terres à l'intérieur et à l'extérieur du parc. Soit dit en passant, la description de 1960, rattachée au décret du conseil, a longtemps été considérée par les fonctionnaires de la CCN comme celle des limites juridiques du parc de la Gatineau.
Lorsqu'un gouvernement de l'Union nationale a été élu à Québec, l'accord a tombé à l'eau. Au début des années 1970, l'accord a été remis en place et révisé. Au lieu de s'entendre sur l'échange de titres fonciers, les deux gouvernements ont accepté d'échanger la gestion des terres en cause. Une précision, toutefois : l'accord révisé prévoyait que les terres québécoises du parc resteraient affectées à cette utilisation et, si la CCN décidait qu'elles ne faisaient plus partie du parc, leur gestion serait rendue au gouvernement du Québec.
Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Le parc se compose en grande partie de terres fédérales qui relèvent de la CCN. La Commission est également chargée de la gestion des 17 p. 100 des terres à l'égard desquelles le Québec conserve un intérêt, et elle essaie de tenir compte des propriétaires de biens privés, qui détiennent 2 p. 100 des terres du parc. N'oublions pas que la CCN a également la responsabilité de la résidence d'été du premier ministre, au lac Harrington, et de la grande zone de sécurité qui l'entoure, de la résidence du Président de l'autre endroit, de la maison que le gouvernement possède au lac Meech, du Moulin Wakefield, petit centre de conférence que les fonctionnaires affectionnent, et du domaine Mackenzie King, avec son chalet historique, sa maison, ses jardins et ses ruines dont le premier ministre a fait don à tous les Canadiens. Tous ces éléments sont situés à l'intérieur du parc de la Gatineau.
Rien, dans cet assemblage complexe de régimes de propriété, de tutelle ou de responsabilités, n'a empêché la CCN de vendre des parcelles plutôt importantes de ce qui était considéré comme faisant partie du parc de la Gatineau. Une route à quatre voies, un ensemble résidentiel, un centre de ski privé et un hôpital communautaire se trouvent maintenant sur des terres autrefois rattachées au parc. Des zones tampons ont été remplacées par un mail linéaire et des accès qu'il aurait été possible d'établir avec l'Outaouais et la Gatineau ont été perdus aux mains de promoteurs immobiliers.
Dans les années 1990, la CCN a rationalisé les limites du parc et, par décret, a établi des limites conformes à sa version du parc. Cette décision prise derrière des portes closes n'a jamais été contrôlée par le Parlement. Sans le projet de loi proposé ici, il n'y aura aucune surveillance parlementaire des modifications qui pourraient être apportées ultérieurement à ces limites.
Depuis des années, la CCN parle dans ses plans directeurs, de donner un nouveau statut juridique au parc de la Gatineau. Parlons moins, s'il vous plaît, et agissons un peu plus.
Dans l'ensemble, la CCN a été bonne gardienne des terres qu'elle a conservées, bien qu'il y ait eu des problèmes de culture de marijuana à l'intérieur du parc.
Au fond, ce n'est pas la CCN qui ne s'est pas bien occupée du parc. C'est une longue succession de gouvernements et de Parlements qui ne se sont pas acquittés de leur devoir. Le Parlement n'a pas accordé au parc la protection législative qu'il mérite ni la surveillance parlementaire qui s'impose. Le projet de loi modifiera tout cela.
Pourquoi le Parlement n'a-t-il rien fait? Cette question simple appelle une réponse tout aussi simple : la politique. Malgré tout l'amour qu'il avait pour les collines de la Gatineau, Mackenzie King, par exemple, n'a pu se résoudre à agir avec audace, il y a 70 ans. Les critiques auraient pu l'accuser de vouloir en tirer profit, puisqu'il y possédait des terres.
Il y a 30 ans, l'élection du Parti québécois a jeté un grand froid sur toute velléité d'accorder une protection fédérale à des terres au Québec. Les suites de la crise d'octobre et la montée du séparatisme semblent toujours influencer l'attitude des hauts fonctionnaires de Parcs Canada. Ils évoquent de vaporeux obstacles à toute idée de faire du parc de la Gatineau un parc national et ils font comme si ces obstacles étaient d'acier. Nous ne sommes pas à l'abri non plus, aujourd'hui, des considérations politiques qui peuvent entraver cette mesure. La région prospère depuis des dizaines d'années à la faveur de politiques fédérales en matière de langue et de développement régional. Les municipalités qui entourent le parc songent aujourd'hui à des projets qui peuvent aller à l'encontre de l'imposition d'une délimitation fixe, me dit-on. Les propriétaires privés, peu nombreux mais influents, ne sont peut-être pas disposés à céder à la CCN le droit de premier refus à l'égard de leurs biens, s'ils décident de vendre. Et puis il y a le gouvernement du Québec, dont le ministre des Affaires intergouvernementales aurait dit que la province ne s'est jamais opposée à la création d'un parc, d'un parc national, mais qu'on ne lui a jamais fait de demande en ce sens. Pourtant, la province n'a pas enregistré l'accord de 1973 qui cédait à la CCN le contrôle à l'égard de la partie québécoise des terres du parc. Notre président a parlé avec éloquence au Sénat de l'indivisibilité de la Couronne et de ce qui comptait dans le transfert de terres pour les parcs.
J'espère que, au bout du compte, les sénateurs sauront mobiliser la volonté collective voulue pour mettre un terme à la situation profondément paradoxale du parc de la Gatineau.
Il s'agit du seul parc fédéral d'importance que le Parlement n'a pas su protéger. Il est menacé par le développement et, à dire vrai, par la réussite économique favorisée dans le secteur environnant. Il se trouve à quatre kilomètres de cette ville, haut lieu de la politique nationale au quotidien.
Au moment de passer à l'action, nous ne pouvons pas faire abstraction des considérations politiques. Il faut en tenir compte. Réussir là où d'autres gouvernements et d'autres Parlements ont craint d'agir, ce serait lancer un excellent message au sujet de la nature et de l'esprit du Parlement.
Andrew McDermott, président du conseil de la ligue, La Nouvelle Ligue pour la conservation des terres boisées : Sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant le comité ce matin, et nous espérons que nos observations à l'appui du projet de loi S-210 vous seront utiles pour évaluer les mérites de cette mesure législative opportune et fort nécessaire qui marquera l'histoire.
Nous signalons que l'immeuble où nous trouvons a déjà abrité les bureaux de la Ligue contre le déboisement des sites fédéraux et de son président, Percy Sparks, un homme qui a inspiré une grande partie de notre activité à l'égard du parc de la Gatineau. De plus, nous soulignons que des comités parlementaires ont étudié la question plusieurs fois au cours des quelque 60 dernières années : le Comité sénatorial du tourisme, en 1946, le Comité mixte chargé d'examiner la question du plan d'aménagement de la capitale nationale, en 1956, et le Comité mixte de la région de la capitale nationale, en 1976. Nous avons remis au greffier des documents présentés par Percy Sparks et la Woodlands Preservation League, ainsi que par l'Association des parcs nationaux et provinciaux du Canada lors de ces séances de comité.
Avant que nous ne passions au fond de notre exposé, M. Murray voudrait dire quelques mots.
Jean-Paul Murray, président de la ligue, La Nouvelle Ligue pour la conservation des terres boisées : Monsieur le président, certains membres du comité savent probablement que, au fil des années, j'ai travaillé avec divers députés et sénateurs. Il est vrai que de nombreux parlementaires ont donné publiquement leur appui à l'idée de donner une meilleure protection juridique au parc de la Gatineau et au principe général du projet de loi S-210, mais je dois souligner que la position exposée dans notre mémoire et notre témoignage est celle de la Nouvelle Ligue pour la conservation des terres boisées. Nous comparaissons uniquement en notre qualité de citoyens qui se préoccupent du parc.
[Français]
M. McDermott : Bien que pressenti comme le premier parc national du Québec et, en fait, comme le premier parc national à l'extérieur des montagnes rocheuses et le premier parc national prôné par le premier service des parcs au monde, le parc de la Gatineau n'a jamais acquis ce statut. Il demeure le seul parc fédéral d'importance sans protection juridique adéquate, le seul qui ne relève pas de la compétence du Parlement.
En l'absence de protection juridique, les limites du parc de la Gatineau ont beaucoup changé au cours des dernières années. Suite à une modification de ses limites dans les années 1990, la Commission de la capitale nationale a retranché 1842 acres du parc, soit près de 3 milles carrés.
De plus, en l'absence d'un mécanisme de gestion foncière adéquat, la CCN a donné libre cours à la construction de 112 nouvelles résidences à l'intérieur du parc depuis 1992 dans les secteurs de Chelsea et de Hull. Si l'on ajoute la construction d'un nouvel hypermarché, d'un resto-café, d'un poste d'essence, d'une caserne de pompier, d'une station de pompage et de cinq nouvelles routes, le portrait devient encore plus sombre.
[Traduction]
Cette expansion résidentielle, cette urbanisation qui se fait de l'intérieur, ce cancer qui ronge le cœur du parc, exerce une pression énorme, d'autant plus que l'infrastructure — les départs de sentiers, les plages, les lieux de mise à l'eau des embarcations, les routes et les sentiers —est située dans les secteurs mentionnés. Le projet de loi S-210, qui vise à régler ce problème, a été présenté en avril dernier. Nous félicitons le sénateur Spivak de son dévouement à cette cause, et nous soulignons le travail remarquable accompli par sa conseillère en politique, Mme Barbara Robson.
Le projet de loi S-210 traite du retranchement de biens immobiliers et de la prolifération résidentielle, mais il ferait aussi beaucoup pour résoudre un autre problème grave, celui de l'imprécision et de l'emplacement des limites du parc de la Gatineau. Depuis quelques années, on nous dit que ces limites ont été fixées par un décret de 1960 ou encore par le Conseil du Trésor, mais, dans les deux cas, on a fini par nous dire le contraire. De plus, on nous a dit que les limites avaient été établies de toutes sortes de manière, depuis le Concept d'aménagement de la Vallée du ruisseau Meech et la masse des terrains d'intérêt national jusqu'au paragraphe 10(2)c) de la Loi sur la capitale nationale. Bien que plusieurs documents du Comité directeur de la CCN aient confirmé que le décret de 1960 établit la délimitation du parc et que toute modification doit se faire par décret, aucun nouveau décret n'a été pris.
Honorables sénateurs, voilà une raison, s'il en fut jamais une, d'affirmer que nous avons grand besoin du projet de loi S-210.
M. Murray : Certes, le projet de loi S-210 ne crée pas un parc national, mais il prévoit une protection similaire. Le projet de loi, inspiré de diverses dispositions de la Loi sur les parcs nationaux, intégrerait à la Loi sur la capitale nationale l'esprit et la lettre de cette autre loi. Il établirait par voie législative la délimitation du parc, et seule une autre loi fédérale pourrait la modifier. En outre, il vise à confier à la CCN le mandat législatif d'honorer son engagement de longue date à acquérir des biens immobiliers privés selon un mécanisme transparent qui permet de modifier les limites.
Ce n'est pas une solution aussi populaire que la transformation du parc de la Gatineau en parc national, que privilégient 82 p. 100 des citoyens de la région, selon un sondage, mais le projet de loi S-210 recueille de larges appuis. À l'étape de la deuxième lecture, les six interventions ont été favorables à cette mesure. Depuis, au cours de la révision du mandat de la CCN, l'automne dernier, la Coalition pour le renouvellement de la CCN, regroupant une quinzaine d'organismes, a donné son appui au projet de loi S-210. Des participants se sont toutefois opposés au projet de loi, soutenant qu'il limiterait les droits de propriété ou minerait l'intégrité territoriale du Québec. En fait, le projet de loi S- 210 ne limite en rien les droits de propriété, car il ne prévoit guère que l'option de premier refus sur la vente de biens immobiliers. Et loin de miner l'intégrité territoriale du Québec, il donne une voix à la province, qui pourrait approuver toute modification des limites ou y opposer son veto, pouvoir qu'elle n'a pas pour l'instant.
Monsieur le président, le projet de loi S-210 est le meilleur moyen d'accorder une protection législative au parc de la Gatineau. Il propose le cadre de protection que les écologistes préconisent depuis des dizaines d'années, oblige la CCN à s'acquitter de son engagement à acquérir progressivement les biens privés et respecte le droit des propriétaires fonciers de continuer à habiter dans le parc. Toutefois, comme des groupes ont avancé que le projet de loi pourrait donner un mandat écologique plus fort à l'égard du parc, des groupes comme la Société pour la nature et les parcs du Canada, nous proposons deux amendements largement inspirés par la Loi sur les parcs nationaux.
[Français]
Le premier amendement est fondé sur le paragraphe 4(1) de la Loi sur les parcs nationaux et se lit comme suit :
Le parc de la Gatineau est créé à l'intention du peuple canadien pour son agrément et l'enrichissement de ses connaissances. Il doit être entretenu et utilisé conformément à la présente loi et aux règlements, de façon à rester intact pour les générations futures.
La deuxième modification s'inspire du paragraphe 8(2) de la Loi sur les parcs nationaux et se lit comme suit :
La préservation ou le rétablissement de l'intégrité écologique par la protection des ressources naturelles et des processus écologiques sont la première priorité de la Commission pour tous les aspects de la gestion du parc.
Avant de conclure, j'aimerais vous lire une citation tirée du rapport remis à la Commission du district fédéral en 1952 par l'urbaniste français Jacques Gréber au sujet du parc de la Gatineau. Il a dit, et je cite :
Le potentiel que présente cette magnifique réserve forestière située aux abords de la capitale nationale justifie à lui seul l'établissement d'un programme permanent de protection. Sa structure naturelle, l'infinie variété de sa beauté et les possibilités que présentent ses attraits font en sorte qu'il s'agit réellement de l'élément essentiel de l'ensemble du projet d'aménagement de la capitale nationale.
[Traduction]
Honorables sénateurs, en appuyant le projet de loi S-210, vous pouvez non seulement accorder une protection fort nécessaire à ce joyau de la capitale nationale, mais aussi achever le travail entamé il y a plus d'une centaine d'années, à l'époque où, à Ottawa, on a commencé à imaginer la création d'un grand parc naturel dans les collines de la Gatineau.
Pour conclure, étant donné que le comité entendra probablement des témoins qui souhaitent maintenir le statu quo, je vous laisse sur la réflexion suivante : le parc de la Gatineau n'est pas un endroit pour aménager des communautés cloisonnées ou laisser sévir l'esprit d'apartheid ou de ségrégation urbaine. Il s'agit avant tout d'un espace public. Le moment est venu d'abattre les murs qui protègent les privilèges d'une élite et favorisent l'exclusion. Le moment est venu de rendre le parc à la population.
Le sénateur Cochrane : Il s'agit d'une grande entreprise. Nous devons en arriver à l'idée de créer un parc national. Voulez-vous un parc national, un parc provincial ou encore voulez-vous que la CCN continue d'assurer l'administration? Apparemment pas. Dites-nous ce que vous voulez. Ai-je raison de dire que vous ne voulez pas de parc national?
Le sénateur Spivak : Il ne s'agit pas de créer un parc national. Il serait bien que nous puissions le faire, mais ce n'est pas possible. Le projet de loi propose une protection et l'établissement d'une délimitation réelle par voie législative. Il offre la protection du Parlement.
Que la CCN continue ou non d'administrer le parc, là n'est pas la question. Elle continuera de l'administrer, mais les décisions ne se prendront plus derrière des portes closes. Elles seront approuvées par le Parlement. Voilà ce qu'il faut faire, à mon avis, pour empêcher tout développement supplémentaire.
Il s'agit d'un territoire très précieux, et nous avons besoin du projet de loi pour éviter que le parc ne soit la proie des promoteurs. Poursuivre le développement, c'est aménager de nouvelles routes et bâtir d'autres maisons dans tout le parc. Or, le parc est un espace public à préserver pour des générations de Canadiens. C'est ce qu'il a toujours été censé être.
M. Murray : Pour rédiger le projet de loi, on s'est inspiré de la Loi sur les parcs nationaux et plus précisément des articles 5, 6, 7, 11, 12, 13 et 16. Il y a de gros obstacles à surmonter si on veut faire du parc de la Gatineau un parc national. D'abord, il y a la résistance de la bureaucratie. Le ministère a maintes fois répété qu'il ne voulait pas en faire un parc national.
Deuxièmement, l'alinéa 5(1)a) de la Loi sur les parcs nationaux interdit toute propriété privée à l'intérieur des parcs. Il existe quelques exceptions, mais elles sont antérieures à l'Accord de transfert des ressources naturelles des années 1930. De plus, l'Agence Parcs Canada précise dans sa politique qu'elle doit posséder tous les biens immobiliers à l'intérieur des parcs. Il n'y a donc pas de propriété privée dans les parcs, et les 200 maisons qui existent toujours dans le parc de la Gatineau seront un grave obstacle à sa transformation en parc national.
Le projet emprunte l'esprit de la Loi sur les parcs nationaux pour l'intégrer à la Loi sur la capitale nationale et permet à la CCN de continuer à gérer le parc sous la surveillance du Parlement.
Le sénateur Spivak : Je suis sûre que vous vous rappellerez nos voyages à Banff et la controverse dont a fait l'objet le parc là-bas, qui est également un joyau national. La solution a été simple : le ministre a dit que cette zone constituait un parc national.
Le cas du parc de la Gatineau est semblable, mais moins simple. J'espère que, au fur et à mesure que des biens immobiliers seront mis en vente, le Parlement jugera bon de les acquérir.
Comme M. Murray l'a fait remarquer — et j'ai vérifié sur la carte —, les maisons entourent le lac Meech et, à un endroit, elles semblent former une barrière qui bloque l'accès au parc.
Le sénateur Cochrane : J'ai vu la carte, et je comprends ce que vous voulez dire en parlant de barrière.
Terre-Neuve a également un joyau, le parc national du Gros-Morne. Je sais bien de quoi vous voulez parler, en ce qui concerne les maisons et le développement, car nous avons les mêmes problèmes là-bas.
Monsieur Murray, voulez-vous en faire un parc fédéral?
M. Murray : Exactement. Les terres appartiennent presque entièrement au gouvernement fédéral, je crois. On nous a dit que 17 p. 100 des terres demeuraient sous contrôle provincial, mais d'après mon analyse, qui est appuyée par deux avocats et le discours que le sénateur Banks a prononcé le 5 octobre, les terres n'appartiendraient pas à la province. La gestion et le contrôle des terres ont été cédés à perpétuité au gouvernement du Canada en 1973, à en croire deux décrets du conseil. Le sénateur Banks a déposé ces décrets, qui sont maintenant des documents parlementaires qu'on peut se procurer.
Le président : Je précise, monsieur Murray, que la gestion a été cédée au gouvernement du Canada.
M. Murray : Oui, et plus précisément à la CCN. J'ignore pourquoi cela n'a pas été compris. Je ne sais toujours pas pourquoi on continue de dire que la province conserve le contrôle à l'égard de ces terres, car le contrat et les décrets disent clairement qu'il y a eu transfert à perpétuité pour les fins d'un parc.
Le sénateur Spivak : Nous voudrions sans doute que les autorités québécoises comparaissent devant le comité pour donner leur point de vue.
Le sénateur Cochrane : Avez-vous eu des négociations avec le Québec? Vous dites qu'on n'a jamais approché les autorités québécoises et qu'elles ne sont pas contre la création d'un parc national, mais ce n'est pas un parc national que vous souhaitez. Sont-elles contre l'établissement d'un parc fédéral?
M. Murray : À mon sens, la province ne comprend pas forcément la structure du parc de la Gatineau.
D'abord, M. Pelletier a dit que la province n'avait jamais été approchée. En décembre 1912, James Harkin, le père des parcs nationaux du Canada, a écrit au ministre des Forêts, Charles Devlin, pour demander que le parc de la Gatineau devienne le premier parc national du Québec et le premier à faire partie d'un réseau national de parcs. Cela ne s'est jamais fait.
Il faut connaître l'histoire. On peut comprendre que M. Pelletier ne soit pas au courant. Ce n'est pas de son époque, si on peut dire. Néanmoins, il ne me semble pas évident que la province comprenne ce qu'est le parc de la Gatineau. J'étudie ce dossier depuis six ans et je suis renversé de la quantité de malentendus à ce sujet. J'ignore qui perpétue ces demi-vérités et pourquoi. Tout ce que je sais, c'est que je comprends maintenant mieux la question du parc que la plupart des gens. Je suis toujours renversé de constater que les fonctionnaires de Parcs Canada, de la CCN ou des ministères québécois ne semblent pas comprendre la nature de ce parc. En invitant des fonctionnaires québécois, je crois que vous rendrez un service au parc, à la province et au pays.
Le sénateur Cochrane : N'avez-vous pas dit également que ce que la CCN avait fait vous inquiétait?
M. Murray : Oui. J'ouvre ici une parenthèse. Avant que M. McDermott et moi nous occupions de ce dossier, on ne savait absolument pas à quoi s'en tenir sur l'histoire du parc.
En annexe à notre mémoire, j'ai présenté une thèse de maîtrise soutenue à l'Université Queen's en 1997. L'auteur soutient que l'histoire du parc de la Gatineau a été effacée et réécrite. J'ai pu, empiriquement, confirmer l'exactitude de ce constat. L'homme qui a eu ses bureaux dans l'immeuble où nous nous trouvons a été oblitéré dans l'histoire du parc, avant que M. McDermott et moi ne ressuscitions la Nouvelle Ligue pour la conservation des terres boisées.
Nous devons féliciter M. Beaudry des efforts qu'il a déployés à cet égard. Il a pris nos travaux, les a analysés et a dit que nous avions raison. Il nous a aidés à dédier la salle des visiteurs dans le parc de la Gatineau à la mémoire de Percy Sparks. La CCN n'a pas été irréprochable, mais elle a fait du bon travail.
Le sénateur Spivak : Malgré ses plans directeurs, elle n'a pas acquis les huit propriétés qui ont été mises en vente et qu'elle aurait pu acheter.
M. Murray : Elles ont été mises en vente l'été dernier.
Le sénateur Spivak : Elle ne les a pas acquises, mais elle aurait pu le faire. Nous espérons que, grâce à la surveillance exercée par le Parlement, elle acquerra les terrains privés, si le plan directeur précise qu'il faut le faire.
Le sénateur Cochrane : A-t-elle l'argent pour ces acquisitions?
M. Murray : Elle vient de recevoir 30 millions de dollars. Un projet de loi d'initiative parlementaire ne peut prévoir des dépenses, mais vous pourriez obliger la CCN à utiliser une partie de son fonds d'acquisition et de liquidation pour acheter ces propriétés. Elle dit que c'est pour elle une priorité d'acquérir les terrains riverains, mais elle ne respecte pas ces priorités.
Le sénateur Spivak : Plus on attend, plus les prix augmentent.
Le sénateur Angus : Bienvenue à vous tous, et merci de votre excellent travail. C'est de toute évidence un travail où vous mettez tout votre cœur.
Sénateur Spivak, comment se fait-il qu'une agréable dame de Winnipeg s'occupe de ce dossier local?
Le sénateur Spivak : Je suis une Canadienne.
Le sénateur Angus : Nous sommes tous des Canadiens, et nous en sommes fiers, je sais. La question semble banale. Je suis au courant de tout le bon travail que vous faites dans les dossiers environnementaux, qui vous tiennent très à cœur, tout comme à moi, vous le savez.
Le sénateur Spivak : Premièrement, je ne peux pas m'arroger le crédit de cette initiative. Il y a tout un groupe de gens, à commencer par les témoins d'aujourd'hui, qui ont observé ce qui se passait dans le parc et ne pouvaient pas le supporter. Voilà la raison, je crois.
Le sénateur Angus : On s'est adressé à vous parce qu'on savait que vous êtes une militante efficace.
Le sénateur Spivak : Oui, et lorsque j'ai vu de quoi il s'agissait, il m'a semblé que c'était un dossier idéal pour le Sénat.
La semaine dernière, j'ai pris la parole devant des étudiants de l'Université de Winnipeg. Je leur ai parlé du Sénat et de ce que nous faisons. J'ai commencé à passer en revue tout ce que notre institution a fait au fil des ans, et j'ai pris conscience que bien des gens n'étaient pas au courant de tout ce qu'elle a accompli. Je prends l'exemple de l'hydro-bus et du travail récent du Comité sénatorial permanent de la défense nationale.
La question à l'étude semble concrète et importante. Le parc de la Gatineau est un legs matériel, et je crois qu'il serait magnifique que le Sénat puisse susciter des changements qui s'imposent vraiment pour assurer la longévité du parc. Il s'agit d'un sujet de préoccupation local et national, et c'est une belle tâche pour le Sénat. N'est-ce pas censé être le travail que nous accomplissons? Mais j'avoue que je ne suis pas de la région d'Ottawa.
Le sénateur Angus : Je veux simplement savoir. J'ai écouté et lu l'intervention que vous avez faite au Sénat. Vous avez fort bien raconté l'histoire du parc. Je vous félicite, vous et vos collaborateurs, de votre travail.
Le sénateur Spivak : Pardonnez-moi de ne pas avoir donné le nom de mon attachée de recherche, Barbara Robson, qui a accompli un travail exceptionnel. Tout le mérite lui revient.
Le sénateur Angus : Je suis curieux. Il s'agit de la capitale nationale et, de toute évidence, il y a quelqu'un, au gouvernement, qui a décidé de confier le parc à la CCN. Est-ce exact? Je ne connais pas la délimitation du parc. Il semble qu'on y trouve le lac Meech, le lac Harrington, la maison du Président de la Chambre des communes, Kingsmere. Y a-t-il une règle empirique qui régit le parc? Si la CCN faisait son travail correctement, je présume que vous n'auriez pas à présenter un projet de loi semblable. Est-ce juste?
Le sénateur Spivak : Il faudrait qu'elle ait un mandat clair.
Le sénateur Angus : A-t-elle un mandat clair en ce qui concerne le lac Harrington, le lac Meech et Kingsmere?
M. Murray : La CCN en a la responsabilité. J'ignore si le mandat est clair ou non, car cette gestion est probablement assurée par des bureaucrates qui font leur travail derrière des portes closes, étant donné la nature de ces installations, qui servent à l'exécutif et au Président. Kingsmere est administrée conformément à la Loi de 1950 sur le parc de Kingsmere par laquelle Mackenzie King a fait don de ces biens au Canada. Kingsmere est une parcelle de 500 acres et constitue dans le parc une enclave qui est régie par sa propre loi, mais est administrée par la CCN.
Le sénateur Angus : Il y avait autrefois un immeuble tout à côté du Château Laurier, à l'endroit où se dresse maintenant un immeuble d'appartements de luxe, avec le Metropolitan Grill en bas. C'est l'immeuble Daly qui était là, et la Commission de la capitale nationale l'administrait. De bonnes gens comme vous, et moi aussi d'ailleurs, ont déployé des efforts considérables pour préserver cet élément merveilleux du paysage d'Ottawa. Nous avons tous essayé de combattre la Commission de la capitale nationale, qui semblait avoir beaucoup de pouvoir. La CCN est une entité indépendante, d'après ce que je crois comprendre, et ses membres sont nommés par décret du conseil. Le Cabinet nomme le commissaire et les autres membres de la Commission. On se souviendra peut-être que même les sénateurs ont eu maille à partir avec la CCN au sujet du 24, promenade Sussex et de Stornoway, qui semble également relever de la CCN.
Êtes-vous bénévoles? Il ne s'agit pas d'une entreprise. C'est une bonne œuvre, et cela me plaît. Vous êtes tout à fait les bienvenus. Pour commencer, y a-t-il une limite géographique au champ de compétence de la CCN? Cela va-t-il jusqu'à Montréal ou jusqu'aux portes de Maniwaki?
M. Murray : Il y a ce qu'on appelle la région de la capitale nationale, et elle englobe des milliers de kilomètres carrés. C'est l'un des territoires de cette nature les plus étendus du monde, je crois.
Le sénateur Spivak : C'est une situation hybride. La CCN administre divers éléments, comme ces maisons, ce qui est une responsabilité plutôt d'ordre municipal, mais ils appartiennent au Canada. Puis, il y a un parc énorme. Il est étrange que la Commission de la capitale nationale en ait seule le contrôle.
Le sénateur Angus : Oui, d'autant plus que, comme vous dites, il y a aussi Parcs Canada et un ministère québécois qui s'occupe du patrimoine naturel.
Le sénateur Spivak : Pourquoi ce parc est-il orphelin?
Le sénateur Angus : Chaque fois que je vois un projet de loi d'initiative parlementaire, j'ai l'impression qu'il est probablement présenté ou qu'on insiste pour le faire adopter parce qu'il y a une lacune, un domaine où le gouvernement n'a pas été à la hauteur dans l'exercice de ses fonctions. C'est pourquoi vous avez proposé cette mesure. Elle ressemble à un de vos autres projets de loi.
Le sénateur Spivak : Le gouvernement a bien des priorités, et c'est peut-être pourquoi il a négligé cette question.
Le sénateur Angus : Le croyez-vous? Si j'essaie de comprendre votre façon de penser ou votre motivation, je me dis que vous n'avez eu recours à cette mesure qu'après des démarches auprès du gouvernement. Ai-je raison?
Le sénateur Spivak : Oui.
Le sénateur Angus : Et vous avez essuyé un refus.
Le sénateur Spivak : Un instant. Le ministre Cannon ne s'est pas opposé au projet de loi, bien au contraire.
M. Murray : Si je puis me permettre, nous avons appris à travers les branches, au cabinet de M. Cannon, que le premier ministre a donné son approbation au projet de loi. J'ignore ce que cela veut dire pour un fonctionnaire. C'est ce que nous avons entendu dire.
Le sénateur Angus : Le premier ministre est très écologiste. M. Mulroney craint peut-être de ne plus être considéré pendant longtemps comme le premier ministre le plus vert. J'ai également trouvé intéressante la réaction qu'on prête au ministre Pelletier, dont je souhaite la réélection lundi. Il s'agit d'un homme très érudit, préoccupé de l'intérêt public, et il a comparu récemment devant un certain nombre de comités, dont l'un que je copréside, celui de la réforme du Sénat. Je peux voir que cet homme saisit fort bien les questions juridiques. Par exemple, il aurait dit, d'après Le Droit, que personne ne lui a jamais parlé de la question. Cela me semble étrange.
M. McDermott : Comme le sénateur Spivak l'a dit, on a vraiment du mal à s'y retrouver. À bien des égards, nous devons reconnaître à la CCN le mérite de ce qu'elle fait et de ce qu'elle a fait. Il faut dire aussi qu'elle ne peut pas tout faire pour tout le monde. Elle essaie de gérer le parc de la Gatineau, qui a une raison d'être entièrement différente. Il devait s'agir d'un parc fédéral, mais, en raison des circonstances, ce projet n'a pas abouti. Le parc a fini par être orphelin, à dire vrai.
Nous avons retrouvé bien des faits dont on ne parle plus, par exemple l'histoire de Booth, de Bronson et de Percy Sparks même. Nous avons dit ce qu'ont fait ces hommes et d'autres, comme O'Brien, qui a bâti la maison O'Brien. Il était le commissaire de la Ligue nationale de hockey et le propriétaire des Canadiens de Montréal. Ces histoires-là ne sont pas connues.
Je me réjouis que l'action de la CCN ait pu avoir des effets par ailleurs. Il y a des années, j'ai eu une conversation avec Hamilton Southam au sujet de l'installation de statues d'anciens combattants canadiens célèbres. Ces statues ont été mises en place. Voilà qui est excellent et mérite nos félicitations, mais, dans le cas du parc de la Gatineau, quelle est l'ampleur de l'engagement de la CCN? Selon moi, le parc a besoin d'une protection et d'une loi spéciales. Il ne s'agit pas d'en retirer la responsabilité à la CCN. Je ne veux pas la critiquer outre mesure, mais le parc a besoin d'être protégé. Au lieu d'avoir des plans directeurs à n'en plus finir qui prévoient l'acquisition de biens publics, nous devons prendre ces mesures en adoptant ce projet de loi.
Le président : Il faut se rappeler que les témoins ont dit sans détours que l'absence de conception claire de la nature de ce parc ne doit pas être reprochée à la CCN. C'est plutôt la faute de gouvernements successifs qui n'ont pas su agir.
Le sénateur Angus : Sur les titres de propriété de ces terres, c'est le gouvernement fédéral, Sa Majesté du chef du Canada, qui figure comme propriétaire, n'est-ce pas?
M. Murray : Oui.
Le sénateur Angus : Cela dit, Parcs Canada fait exactement le genre de travail que vous réclamez. Nous avons un parc fédéral au Québec, le parc national Forillon, et on ne semble pas y faire du bon travail. Les Gaspésiens sont indignés. J'ignore comment tout cela fonctionne, mais ma collègue, le sénateur Cochrane, demande ce que nous voulons. Voulons-nous un parc fédéral, un parc national, un parc québécois? Il semble qu'il y ait un grand territoire. C'est un parc qui appartient à Sa Majesté du chef du Canada, et elle a un organisme, Parcs Canada, qui exploite des parcs. Pourquoi ne pas lui confier l'administration de ce parc?
M. Murray : En principe, je n'ai pas d'objection à en faire un parc national. Ce devait être un parc national, mais les choses ont évolué différemment. Si le gouvernement décide d'en faire un parc national, je vais appuyer ce choix sans aucune réserve. Toutefois, les difficultés à surmonter sont claires. Une possibilité est de segmenter le parc, de le diviser en parcelles pour tracer une délimitation autour des propriétés privées, comme on l'a fait à Gros-Morne. L'autre possibilité est d'expulser tout le monde, car le paragraphe 5(1)a) de la Loi sur les parcs nationaux dit qu'il ne doit pas y avoir de biens privés à l'intérieur des parcs nationaux. Il y a maintenant 200 personnes, 200 résidences. Comment régler ce problème?
On peut dire que ce qui est proposé ici est typiquement canadien. Le projet de loi propose un compromis qui permet à ceux qui y habitent d'y rester et à la CCN de gérer le parc et d'acquérir peu à peu ces terrains, comme son plan directeur le prévoit. Dans 100 ans, lorsque la CCN aura réglé ce problème, le parc de la Gatineau pourra peut-être être rattaché à Parcs Canada. Il demeure qu'il y a des obstacles. Il faut régler ces problèmes, et je ne connais pas d'autre moyen que le droit de premier refus.
Le président : Lorsque nous avons abordé cette question avec le service de Parcs Canada, peut-être avant que vous ne deveniez membre du comité, il a dit clairement que, à cause des problèmes juridiques que posent les biens privés, il ne tenait pas à s'occuper de ce parc. En réalité, Parcs Canada, comme nous le savons tous, n'a pas de ressources suffisantes pour s'occuper de ses parcs existants. À plus forte raison, elle n'en a pas pour en acquérir d'autres.
Le sénateur Angus : Je ne vais pas insister. Mes questions étaient probablement naïves. Je ne connais pas le contexte aussi bien que vous.
M. Murray : Les gens posent des questions parce qu'il y a deux entités différentes en cause, Parcs Canada et la CCN. Tout le monde pense que le parc de la Gatineau est un parc national. La question n'a rien de naïf. Elle est parfaitement légitime.
Le sénateur Angus : J'ai un certain bagage juridique, je m'intéresse à la campagne, je suis sénateur, et j'ai du mal à m'y retrouver. J'ai entendu les différents vocables comme ceux employés par le sénateur Cochrane : parc national, parc fédéral, parc provincial. Ce doit être très déroutant pour le Canadien moyen.
Le sénateur Spivak : C'est l'art du possible.
Le sénateur Angus : Voilà pourquoi nous sommes ici.
Le sénateur Spivak : Si nous pouvions faire un parc national, c'est ce que je préférerais également, et alors, Parcs Canada pourrait s'en occuper, mais, étant donné l'histoire de ce parc, la solution proposée semble possible.
M. Murray : Je vous ai entendu dire pendant les séances du comité consacrées au projet de loi S-4, que vous aviez étudié avec F.R. Scott. Percy Sparks, qui avait ses bureaux dans cet immeuble et a été le père du parc de la Gatineau, a travaillé en étroite collaboration avec F.R. Scott, en 1934, au cours de l'enquête Stevens, pour la commission royale d'enquête sur les écarts de prix et les achats de masse. Il y a dans cette histoire un lien avec votre professeur.
Le président : Il ne faut pas oublier qu'il n'existe aucun parc fédéral nulle part, et je présume que c'est la raison pour laquelle on pourrait adopter cette désignation. Il n'y en a aucun autre. Si un parc fédéral était créé, ce serait un cas unique.
M. Murray a parlé d'un autre obstacle, soit la propriété fédérale des terres. Dans tous les autres parcs nationaux, il y a eu des négociations avec les provinces — avec l'Alberta et la Colombie-Britannique, par exemple, dans le cas de Banff et de Jasper — et les provinces ont cédé la propriété, non la gestion des terres avant qu'un parc national puisse être créé. Dans le cas qui nous occupe, environ 17 p. 100 de ce qui est maintenant appelé familièrement le parc de la Gatineau appartient toujours au Québec, selon les titres de propriété, mais leur gestion a été cédée.
M. Murray : Si je peux me permettre, la propriété n'est pas un facteur à prendre en considération lorsqu'il s'agit de questions qui se posent entre gouvernements; la propriété est toujours celle de la Couronne. Le principe de l'indivisibilité de la Couronne s'applique dans ce cas-ci. Les biens sont seulement administrés et gérés par le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral. Dans le cas du parc de la Gatineau, 100 p. 100 des terres, ou 98 p. 100, si on exclut les biens privés, sont administrés et contrôlés par le gouvernement fédéral. Voilà le principe.
Le sénateur Angus : Quelqu'un doit avoir accordé une désignation. Ce que vous dites est intéressant. Tout ce territoire que nous survolons en avion, qu'il s'agisse de la péninsule gaspésienne ou du lac des Bois, appartient à la Couronne. Des terres se retrouvent entre les mains de particuliers parce qu'on les leur accorde. Qui a désigné ces terres comme un parc?
M. Murray : Si le parc est de nature si étrange, nous allons en attribuer la faute à Mackenzie King. En 1935, M. Bennett a commandé le Rapport sur les terres boisées de la Basse-Gatineau, qui a été le document fondateur du parc de la Gatineau. Il proposait huit manières de protéger le parc, dont l'une était la création d'un parc national. Mackenzie King se sentait peut-être vulnérable devant ses adversaires et il se sentait peut-être un peu coupable de la création du parc national de Prince-Albert, en Saskatchewan. En 1927, M. Edwards, député conservateur, l'avait attaqué, lui reprochant de vouloir créer un parc autour de son domaine privé. Lorsqu'il a été réélu, en 1935, Mackenzie King a attendu deux ans avant de prendre une décision sur le parc de la Gatineau, et il a opté pour l'acquisition progressive de terrains au lieu de désigner un parc.
Les premiers 100 000 $ ont été votés en 1938, le 1er juillet. On peut prétendre que c'est la date de la fondation du parc de la Gatineau. Il a été créé petit à petit. Un décret du conseil a fourni la seule délimitation fédérale, en 1960, établie d'après les rapports de la Ligue contre le déboisement des sites fédéraux et du Comité consultatif du parc de la Gatineau et le plan Gréber, notamment. Il y a eu évolution avec le temps, et il est difficile de définir avec précision la nature du parc de la Gatineau.
Le sénateur Angus : Il est possible que ce ne soit pas un parc, quelle que soit la définition qu'on donne de ce terme dans le dictionnaire.
M. Murray : Des points de vue social et politique, il est reconnu comme un parc. La CCN l'administre. Sa délimitation a été définie dans un décret de 1960. De plus, c'est paradoxal, et vous le comprendrez, comme Québécois, mais la CCN n'a pas compétence en matière de chasse et elle a donc dû demander au Québec d'avoir l'obligeance de fixer une délimitation. Le parc de la Gatineau est donc à la fois un parc fédéral et un parc provincial, car la délimitation, celle qui existe dans la Loi québécoise sur la conservation de la faune de 1974, est une délimitation provinciale qui permet aux agents de conservation du Québec de faire respecter les lois provinciales.
Le président : J'aurais souhaité que vous ne souleviez pas ce point. Nous envisageons d'inviter des représentants du Québec.
Le sénateur Angus : Benoît Pelletier serait le témoin idéal. Le sénateur Spivak a proposé que nous l'invitions.
Le président : Nous verrons lundi qui nous inviterons.
Le sénateur Angus : Bonne idée.
Le sénateur Spivak : C'est comme peler un oignon. La complexité est telle qu'il y a toujours une nouvelle couche au- dessous.
Le sénateur Milne : Sénateur Angus, vous avez parlé des difficultés que présentent les propriétés privées, qui ne sont pas permises dans les parcs nationaux. Il y a environ 18 mois, le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a été saisi d'une situation dans laquelle toutes les parties en cause — la province, les bandes indiennes et Parcs Canada — se sont entendues sur la présence d'un village indien à l'intérieur d'un parc. Le village était entouré d'un parc national, tout près d'un aéroport municipal. Les Autochtones ne pouvaient pas construire de route parce qu'ils auraient empiété sur les terres du parc national chaque fois qu'ils se seraient rendus au village. Ils réclamaient une route d'accès pour établir une liaison avec le village. La seule façon de le faire était de longer la limite de l'aéroport. Il a fallu une quinzaine d'années avant de pouvoir corriger les limites et de les ramener à ce qu'elles étaient au départ, pour que les habitants aient un accès légal par la route à leur village. Toutes les parties s'entendaient pour dire que les levés étaient fautifs et que la limite n'était pas la bonne, et elles voulaient revenir aux limites exactes. Il a fallu 15 ans de négociations et une comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour y parvenir. C'est absolument ridicule.
Le président : C'était en Colombie-Britannique?
Le sénateur Milne : Non, quelque part dans les Prairies.
J'ai une foule de dates en tête. Par exemple, c'est en 1960 que les limites ont été établies et en 1974 que les limites provinciales de chasse ont été fixées.
M. Murray : D'après les levés remis au gouvernement provincial par la CCN, il s'agit d'une image conforme de la délimitation de 1960, à un ou deux arbres près.
Le sénateur Milne : Avez-vous parlé de 1 840 acres ou de 1 840 hectares, monsieur McDermott?
M. McDermott : Les 1 842 acres ont été retranchées au territoire de 1960. Le parc compte environ 89 000 acres.
Le sénateur Milne : Même si le plan directeur dit que la CCN acquerra progressivement les terrains au fur et à mesure qu'ils seront mis sur le marché, elle a vendu ces 1 842 acres.
M. Murray : La CCN a cédé ces terrains ou les a déclarés excédentaires. Elle en possède encore certains, mais ils se situent en dehors du parc. Il reste qu'un bon nombre ont été vendus.
Le président : En vertu de quel document se trouvent-ils en dehors du parc?
M. Murray : Là est justement toute la question, sénateur. On nous a dit que la nouvelle délimitation avait été établie par toutes sortes de moyens, depuis le paragraphe 10(2)c) de la Loi sur la capitale nationale jusqu'à une désignation comme partie de la masse des terrains d'intérêt national. La documentation montre que la CCN a dit que la nouvelle délimitation devait être reconnue par un nouveau décret du conseil. Or, il n'y a pas eu de nouveau décret. J'ignore donc quels sont les fondements juridiques des nouvelles limites.
Le sénateur Milne : C'était en 1982?
M. Murray : Non, les limites ont été modifiées.
Le sénateur Milne : Vous avez dit que les terrains ont été retranchés en 1982.
M. Murray : Non, ils ont été retranchés par suite de ce qu'on a appelé une rationalisation de la délimitation, en 1997-1998.
Le sénateur Milne : D'où me vient cette date de 1982?
M. Murray : Vous vous souvenez probablement du 17 avril, cette journée merveilleuse du rapatriement de la Constitution.
Le sénateur Milne : Non, non, 1982 est l'année que j'ai notée pendant votre intervention, monsieur McDermott.
Y a-t-il des communautés cloisonnées à l'intérieur du parc?
M. Murray : Merci de poser cette question, madame le sénateur. Je croyais que ce serait la première question.
J'ai fait quelques recherches sur ces communautés cloisonnées. Ils peuvent avoir une existence sur le plan des idées ou des faits. Dans ce cas-ci, il y a les deux. Le 7 août 1989, le Conseil municipal de Chelsea a pris une résolution unanime prévoyant l'installation d'une barrière au lac Meech pour fermer la route pendant le week-end.
Ces communautés cloisonnées ont une autre caractéristique : les associations de propriétaires, qui influencent la politique, les processus, et cetera. Il y en a deux dans le parc de la Gatineau, la Kingsmere Property Owners Association et la Meech Lake Property Owners Association.
À mon avis, la Kingsmere Property Owners Association est animée par de bonnes intentions, car elle préconise une protection législative pour le parc, alors que la Meech Lake Property Owners Association souhaite le maintien du statu quo. Elle veut que rien ne change, estimant que tout va à merveille.
On peut dire qu'il existe dans le parc une communauté cloisonnée sur le plan des idées et qu'il est possible d'en avoir également une sur le plan des faits, étant donné la résolution municipale 263-89. Le conseil municipal a pris cette résolution qui permet de bloquer la route. La résolution 265-89 a autorisé la municipalité à acheter les matériaux pour installer une barrière. Il y a donc une protection sur le plan des idées et sur le plan matériel.
Le sénateur Milne : L'accès public est-il restreint?
M. Murray : Non, mais le pouvoir de le restreindre existe bel et bien.
Le sénateur Milne : La municipalité a des plans en tête, de toute évidence, puisqu'elle achète des matériaux.
M. Murray : Je ne dirais pas qu'elle envisage d'installer la barrière à court terme. Voilà un autre cas où la CCN a fait de l'excellent travail. Mme Piggott est intervenue pour interdire cette barrière. Elle a insisté sur le fait que le parc était avant tout un lieu public. Encore une fois, la présence de biens immobiliers privés dans le parc suscite des différends, et ce n'est pas dans l'intérêt public.
Le sénateur Milne : Quand vous parlez de communautés cloisonnées, vous ne songez pas à ce que l'on conçoit normalement comme tel, c'est-à-dire des ensembles nouveaux entourés d'un mur et fermés par une grille devant, des logements en copropriété, plus ou moins.
M. Murray : Vous avez raison.
Le sénateur Milne : Vous ne parlez pas de cela, mais plutôt de secteurs où il y a des maisons et des chalets et où les propriétaires essaient, psychologiquement, de limiter l'accès.
M. Murray : C'est cela, en gros, et je souligne également que les associations de résidents font des démarches insistantes auprès de la municipalité pour qu'on ferme la plage et le lieu de mise à l'eau, au lac Meech. S'il ne s'agit pas là d'un cas évident de mentalité d'exclusion, j'ignore ce qui pourrait l'être. Il ne me semble pas que ce soit dans l'intérêt public. De plus, la municipalité est intervenue à maintes reprises auprès de la CCN pour qu'on ferme la plage Blanchet, au lac Meech. On veut clairement présenter ce secteur comme une communauté cloisonnée.
Le sénateur Spivak : Cela rappelle ce qui s'est passé à Banff. Ceux qui habitaient là-bas s'opposaient à tout ce qui pouvait limiter le développement, par exemple. Vous pouvez comprendre comment on en arrive là.
Le sénateur Milne : Nous sommes ici, cela nous plaît, et nous ne voulons pas que cela change. Je sais.
Sénateur Spivak, le projet de loi dit : « Est créé le parc de la Gatineau, dont les limites figurent à l'annexe 2. »
Or, il n'y pas d'annexe 2.
Le sénateur Spivak : À quoi vous reportez-vous, sénateur?
Le sénateur Milne : À l'article 4 de votre projet de loi. L'annexe 2 est une page blanche.
Le président : Oui, je crois qu'il s'agit d'article de la Loi sur la CCN, n'est-ce pas?
M. Murray : Comme dans les deux projets de loi semblables, des projets de loi des Communes, nous avons utilisé la délimitation de 1974, celle de la province, qui a été créée à la demande de la CCN. Cette délimitation a changé, cependant, et les collaborateurs du sénateur Spivak ont pensé que, étant donné qu'une nouvelle délimitation avait été mise en place, peu importe par quel mécanisme, nous devrions essayer d'en tenir compte.
La CCN n'a pas du parc une description qui précise les limites et les bornes, comme dans les projets de loi C-444 et C-311, qui définissent la délimitation du parc. Il nous a semblé plus judicieux de reconnaître la nouvelle délimitation parce que la CCN a déjà pris des mesures à cet égard; rétablir la délimitation selon la configuration de 1960 risquerait de causer tout un bouleversement. Il faudrait démolir le marché Loblaws.
Le sénateur Milne : Cela ne ferait peut-être pas de mal.
Il y a toutefois un problème, si nous adoptons un projet de loi qui dit expressément que la délimitation est établie à l'annexe 2, s'il n'y a pas d'annexe 2.
Le sénateur Spivak : C'est juste. Il n'y en a pas.
Le sénateur Milne : Que pouvons-nous faire pour régler le problème?
M. Murray : Si vous vous adressez à la CCN, je suis sûr qu'elle vous fournira une description qui précise les bornes et les limites. Je cherche cette description depuis des années, et je n'ai pas pu la trouver. La CCN dit avoir une description, mais il s'agit d'une compilation d'arpentages qui occuperait 15 pieds sur le mur.
Le président : Sénateur Milne, les représentants de la CCN comparaîtront devant le comité jeudi prochain. Vous pourrez leur poser la question.
Le sénateur Milne : Ce sera ma première question.
M. Murray : Excellent, sénateur.
Le sénateur Milne : L'annexe 2 pourrait correspondre à la description donnée par la CCN tel ou tel jour.
Le sénateur Spivak : Cela pourrait présenter un problème.
Le sénateur Milne : Oui.
M. Murray : C'est probablement le projet de loi C-311.
Le sénateur Milne : C'est le projet de loi S-210, à la page 6.
Le sénateur Angus : Pourrais-je intervenir?
Le sénateur Milne : J'ai été sage. Soyez-le aussi, sénateur Angus.
Le sénateur Angus : Ce que j'ai à dire vous intéressera. On vient de m'informer — comme on dit à la télévision — qu'il y a d'autres projets de loi semblables qui n'ont pas été choisis au moment du tirage au sort, à la Chambre des communes. Ils ne sont pas étudiés, mais ils se présentent de la même façon que le projet de loi du sénateur Spivak. Et ces projets de loi ont leur annexe. C'est là. Voilà tout ce que je voulais signaler.
Le sénateur Milne : C'est un document que nous ferions peut-être bien de déposer.
Le sénateur Angus : Les choses s'appliquant avec les adaptations nécessaires.
Le sénateur Milne : Nous pouvons déposer les descriptions de la délimitation à titre d'information pour le comité.
Le sénateur Spivak : Nous allons nous les procurer.
M. Murray : La carte qui a été remise au sénateur Spivak indique la délimitation de 1960 par une ligne en pointillé, tandis qu'un trait plein en vert correspond à la nouvelle délimitation. Cela pourra peut-être aider le comité à s'attaquer à la question. Je vais donner le numéro de document parlementaire. Il s'agit du 1/39-514S, 18 octobre 2006.
Le sénateur Milne : Document parlementaire de quoi.
M. Murray : Document parlementaire du Sénat. Vous avez la carte.
Le sénateur Milne : Merci.
Monsieur Murray, je crois que vous avez parlé de l'Accord de transfert des ressources naturelles de 1930.
Je sais que les propriétaires fonciers de l'Ontario ne possèdent pas les ressources du sous-sol. Par conséquent, s'il s'y trouve du sable, du gravier, de l'or ou des diamants, n'importe qui peut venir jalonner ces ressources, et les propriétaires n'y peuvent rien. Est-ce la même chose au Québec?
M. Murray : Je crois que la province conserve les droits à l'égard des ressources. Je crois que, dans le parc de la Gatineau, un grand nombre de ces droits ont été cédés. Le fond des lacs a été cédé au gouvernement fédéral, et la province a garanti qu'elle n'accorderait aucun permis de prospection minière dans la section La Pêche du parc de la Gatineau. Il y a donc cession de 12 500 acres.
Il y a toutefois un débat qui se déroule dans les collines, si je peux dire. Des exploitants de mines d'uranium jalonnent des propriétés. Ils ont reçu des permis de la province et ils peuvent se présenter chez vous et jalonner votre terrain. C'est du moins ce que je pense.
Le sénateur Milne : Dans le secteur La Pêche?
M. Murray : Dans le secteur La Pêche. Le décret dispose que le gouvernement n'accordera aucun permis de prospection minière dans ces 12 500 acres. J'ignore ce qu'il en est dans le reste du plan du parc de la Gatineau.
Le sénateur Milne : Y a-t-il des permis dans le secteur La Pêche?
M. Murray : Il en est beaucoup question dans les journaux locaux. Dans la région de Wakefield, je crois, et peut-être aux environs de Low, dans l'ouest du Québec.
Le sénateur Milne : Pas dans le secteur où la province a garanti qu'elle ne donnerait pas de permis?
M. Murray : Vous avez raison.
Le président : Et la garantie porte, puisqu'on en parle, sur le lit des lacs situés dans ce territoire?
Le sénateur Milne : Sauf erreur, M. Murray a dit que le lit des lacs était déjà protégé et avait été cédé au gouvernement fédéral.
M. Murray : C'est exact, conformément au décret de 1973, aux niveaux provincial et fédéral. Garantie à perpétuité.
Le sénateur Milne : Merci.
Le président : Pourvu que les terres fassent partie d'un parc.
M. Murray : Oui.
Le sénateur Cochrane : Avant de passer à autre chose, je voudrais revenir au projet de loi proposé à la Chambre des communes. Il s'agit du C-311. Je suis persuadé que vous avez étudié ce projet de loi, monsieur Murray.
M. Murray : Effectivement.
Le sénateur Cochrane : C'est bien ce que je pensais. Maintenant que nous sommes saisis du projet de loi du sénateur Spivak, le S-210, est-ce que notre problème sera réglé si le projet de loi C-311 est étudié aux Communes?
M. Murray : Je préférerais le projet de loi du sénateur Spivak parce qu'il me semble plus solide. Il dispose que seule une loi fédérale permet de modifier les limites du parc, alors que le projet de loi C-311 prévoit une motion d'approbation d'un rapport de comité. Il s'agit d'une surveillance parlementaire, mais elle est moins rigoureuse. Je crois que le C-311 est à peu près au 200e rang de l'ordre de priorité. Il pourrait ne pas être abordé au cours de la législature.
Le sénateur Cochrane : Il porte sur le parc de la Gatineau?
M. Murray : Effectivement. Il ressemble beaucoup au projet de loi à l'étude.
Le sénateur Milne : Je ne sais pas si le Règlement du Sénat prévoit qu'on ne peut présenter deux projets de loi semblables au cours d'une même session. Si un projet de loi du Sénat est renvoyé aux Communes et y est présenté, et s'il est semblable à un projet de loi de la Chambre des communes, j'ignore ce que son Règlement prévoit. Cela peut-il se produire?
Le sénateur Spivak : J'ignore ce que dit le Règlement, mais la rumeur veut que le cabinet du ministre préfère cette version-ci. Du reste, l'autre projet de loi pourrait fort bien ne jamais être mis à l'étude.
M. Murray : Il est peu probable qu'il le soit, car il est très loin dans l'ordre de priorité.
Le sénateur Milne : C'est vrai, il pourrait bien ne jamais être adopté, mais il a été présenté.
M. Murray : Sénateur, je soupçonne que le parrain du projet de loi aux Communes sera disposé à retirer sa proposition. Nous avons discuté avec lui, et il approuve sans réserve le projet de loi à l'étude.
Le président : De toute façon, si l'inverse se produisait, le projet de loi des Communes se retrouverait au Sénat de toute façon.
J'ai une ou deux questions à poser, mais je vais interrompre brièvement la séance. Je prie les témoins de nous excuser. Nous avons quelques questions d'ordre administratif à régler.
Nous avons discuté de deux petites motions sur le budget, et il faudrait les adopter pour que nous puissions poursuivre les travaux. J'invite les sénateurs à proposer la motion.
Le sénateur Angus : Vous voulez parler du budget du comité?
Le président : Oui. Il ne s'agit pas du budget que vous étudiez par ailleurs aujourd'hui, sénateur.
Le comité a besoin de son budget dès maintenant. Il faut adopter deux motions, dont l'une nous autorise, comme nous l'avons vu, à demander un budget de 10 000 $ pour terminer notre étude sur la LCPE, et 14 000 $ pour le budget de nos travaux législatifs au cours du prochain exercice financier.
Le sénateur Milne : Je propose le budget de l'étude de la LCPE.
Le président : Le sénateur Milne propose le budget de 10 000 $ pour l'étude de la LCPE. Tous sont en faveur?
Une voix : D'accord.
Le président : Le sénateur Angus propose la motion portant sur le budget de 14 000 $ pour les travaux législatifs. Tous sont en faveur?
Une voix : D'accord.
Le président : Les deux motions sont adoptées. Merci beaucoup.
Nous allons reprendre les questions. J'ai une ou deux brèves questions à poser. Il s'agit plutôt d'observations, en réalité. Dans votre exposé, vous avez présenté l'idée d'un développement commercial dans un parc national comme une abomination. En fait, il y a depuis fort longtemps dans les parcs nationaux des entreprises commerciales qui réussissent fort bien. Dans certains, ces entreprises existent depuis plus longtemps que le parc où elles se trouvent.
Les deux éléments ne sont pas incompatibles, la différence étant, selon moi, qu'il n'y a pas de propriété privée en cause. Je ne peux être propriétaire d'une maison ou d'un immeuble commercial à Banff. Je possède un bail, mais les terres sont la propriété de l'État à perpétuité. Est-ce que je saisis bien? Certains des baux sont d'une durée de 99 ans, mais la plupart sont de 42 ans, et ils sont souvent prolongés.
Si le projet de loi à l'étude était adopté et devenait loi, prévoyant le droit de premier refus — et cela prendra du temps —, la CCN pourrait grâce à ce droit acquérir les terrains lorsqu'ils sont mis en vente. Elle pourrait finir par devenir propriétaire, au nom de l'État, de tout le territoire englobé dans ce qu'on appelle familièrement aujourd'hui le parc de la Gatineau, n'est-ce pas?
M. Murray : C'est exact.
Le président : Toutefois, aucune expropriation n'est prévue dans le projet de loi.
M. Murray : C'est juste.
Le président : Les terrains ne seraient acquis que lorsque, pour une raison ou une autre, ils sont mis en vente.
M. Murray : Il dispose aussi que les biens peuvent être cédés au moyen de fiducies. Nous reconnaissons que certains, dont la famille habite dans le parc depuis une centaine d'années ou plus, peuvent vouloir y rester, et nous voulons respecter ce droit. Le projet de loi vise à empêcher les lotissements. Il y a de nombreux terrains d'une centaine d'acres dans le parc, et certains propriétaires pourraient vouloir en faire des lotissements. Voilà qui est inenvisageable dans le parc.
Si je peux en revenir à l'un des points que vous avez soulignés au sujet des biens privés à Banff, les règles sont claires. Le paragraphe 6.1.1 des Principes directeurs et politiques de gestion de Parcs Canada dit : « On pourra céder certains terrains dans les parcs nationaux au moyen de permis, de baux ou de permis d'occupation, afin de permettre l'établissement d'installations et de services essentiels aux visiteurs et aux besoins résidentiels autorisés. » Un bon exemple est celui de gens qui ont travaillé dans le parc, qui ont pris leur retraite et qui souhaitent continuer à y habiter.
Le président : En fait, si je veux prendre un bail sur une maison à Banff, je ne peux le faire que si je travaille dans le parc ou y possède une entreprise. Je ne peux pas y avoir un lieu de villégiature. Et la question relève d'un règlement plutôt que d'une loi.
M. Murray : Depuis 1998 ou 2000, la mission première des parcs est la conservation.
Le président : Vous avez dit que la CCN avait depuis longtemps pour politique d'acquérir les biens privés lorsqu'ils sont mis en vente. Mais vous avez ajouté qu'on y avait construit 200 maisons privées récemment.
M. Murray : Oui, le total s'élève à 112.
Le président : Comment est-ce possible? L'une de ces choses ne peut être vraie.
M. Murray : La CCN est une société d'État et une organisation, et elle obéit parfois à sa logique interne, qui n'a rien à voir avec notre type de logique. Elle a rationalisé la délimitation du parc et en a retranché des terrains qui ont été vendus à des promoteurs. Par exemple, il y a 68 nouvelles maisons dans le secteur du Lac des Fées. Dans les secteurs de Chelsea, de Kingsmere et du lac Meech, 36 maisons ont été construites. Dans certains cas, il s'agit de vieilles maisons qui ont été rebâties et dans d'autres, il s'agit de lotissements.
Il faut étudier la question de près pour comprendre comment la Commission s'y est prise. Elle vous dira que les 68 maisons du secteur du Lac des Fées ne sont plus dans le parc, mais elles sont tout de même à l'intérieur des limites qui existaient en 1960.
Le sénateur Spivak : J'ajoute simplement qu'il y a aussi à l'intérieur des limites un hôpital, un marché d'alimentation et un centre de ski privé.
M. Murray : Petro-Canada et Tim Horton's.
Le président : Lorsque la CCN vend des terrains, où vont les recettes?
M. Murray : Elles sont versées dans le fonds des acquisitions et cessions.
Le président : Le fonds de la CCN, et non dans le Trésor ou ailleurs. Est-il possible que la CCN vende ces terrains pour se procurer des fonds d'exploitation?
M. Murray : C'est son mandat, et c'est là que le Parlement manque à son devoir.
M. McDermott : Lorsque M. Beaudry a comparu devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, il y a un ou deux ans, il a déclaré que la CCN vendrait des terrains dits excédentaires pour combler ce qui manque à ses budgets de fonctionnement. C'était à un moment où d'autres organismes de l'État relevant du ministère du Patrimoine canadien obtenaient de nouvelles sources de revenus du gouvernement. Pourtant, la CCN continuait de vendre des terrains. En d'autres termes, elle considérait ses biens immobiliers comme un moyen de se procurer des revenus.
Le projet de loi à l'étude permettrait de confirmer ce que nous englobons sous le vocable « parc de la Gatineau » et de mettre un terme à cette évolution. Nous en viendrons à établir un parc national, un jour, mais le projet de loi fixera et rationalisera les limites du parc et nous dira sur quoi nous pouvons compter désormais.
J'ai déjà travaillé pour le ministre du Patrimoine canadien et j'ai vu une présentation de la CCN destinée au Conseil du Trésor au sujet de la cession de ces terrains, et il y en avait plusieurs. Les terrains étaient déclarés excédentaires. Il n'y avait aucun fondement pour prendre une décision à cet égard.
Évidemment, si on fouille la question, comment peut-on dire que tel ou tel terrain est excédentaire? Je crois pouvoir être d'accord avec vous, sénateur. M. Murray et moi discutions de la possibilité d'un poste d'incendie. Il faut des ressources de cette nature pour assurer la protection, mais ce qui s'est fait, ce sont des ventes un peu au hasard. Il y a eu des marchés à droite et à gauche et personne n'en sait jamais rien. Le projet de loi protégera les terres qui sont rattachées au parc de la Gatineau.
Le président : Cela m'incite encore à conclure que c'est un exemple de l'incapacité du gouvernement d'assurer à la CCN les fonds dont elle a besoin, car il est absurde de déclarer excédentaires des terres publiques qui font partie d'un parc.
Le sénateur Milne : J'ai grandi au centre-ville de Toronto, et j'ai vu ce qu'il était advenu des terres fédérales riveraines qui avaient été cédées à la Commission du port de Toronto. On n'a pas tardé à les vendre pour financer des activités dans la zone riveraine et aujourd'hui, nous y avons une enclave protégée pour les riches le long de la rive à Toronto. C'est consternant, et je m'inquiète de ce type d'activité de la CCN.
Croyez-vous que la nouvelle Loi sur l'accès à l'information permettra d'ouvrir les livres à l'examen public ou les documents seront-ils encore plus protégés? Certains éléments de la loi permettent aux ministères de garder certains documents secrets pour toujours.
M. Murray : Je ne suis pas au courant des dispositions de la nouvelle Loi sur l'accès à l'information. L'ancienne nous permettait d'obtenir beaucoup d'information très intéressante sur les activités de la CCN. Nous nous rappelons qu'on nous a dit que certains rapports d'activités avaient été déposés au sujet de l'administration d'un centre de ski à l'intérieur du parc de la Gatineau. Les responsables de Patrimoine canadien et de la CCN qui préparaient une réponse à une question verbale posée par un sénateur nous ont dit que ces cinq rapports avaient été déposés. Nous avons fait une demande d'accès auprès de la CNN et constaté que ces rapports n'avaient pas été déposés.
L'ancienne loi nous donnait cet accès. Elle prévenait de telles manigances en nous permettant d'examiner les activités de la CCN. Il faut dire que l'agent de l'accès à l'information de la CCN a été franc et cordial dans ses relations avec nous, et il mérite les plus grands éloges. Je ne suis pas en mesure de commenter la nouvelle loi. Je sais que l'ancien commissaire à l'information, M. Reid, en a dénoncé certaines dispositions. Je ne peux rien dire des détails, mais l'ancienne loi nous a permis de monter une grande partie de ce dossier.
Le président : On me corrigera si j'ai tort, mais j'ai l'impression qu'il existe une idée nébuleuse au sujet d'une sorte de parc, mais que personne ne sait au juste à quoi s'en tenir. Le projet de loi vise à dissiper le brouillard et à préciser le statut du parc, à faire en sorte que, peu importe les limites qui sont tracées aux termes de la loi, elles soient protégées, qu'elles soient protégées par le Parlement.
M. Murray : De plus, les gens pourront savoir à quoi s'en tenir. C'est tout à fait juste, monsieur le président. C'est tout ce que nous voulons.
Le sénateur Cochrane : Avec quels acteurs avez-vous communiqué? Projette-t-on quelque chose pour concilier les intérêts de tous les acteurs?
M. Murray : La Société pour la nature et les parcs du Canada fait des démarches à ce sujet depuis près de 40 ans.
Plus récemment, il y a eu la révision du mandat de la CCN. J'ai participé aux réunions de la Coalition pour le renouvellement de la CCN, et 15 des groupes en cause ont appuyé le projet de loi. La Coalition a appuyé le projet de loi S-210; il ne faut pas oublier les modifications que nous avons proposées à ce jour et qui assurent un mandat plus axé sur l'écologie dans le parc.
Je ne suis pas sûr que vous puissiez amener la Kingsmere Property Owners Association, la Meech Lake Property Owners Association ou la municipalité de Chelsea à appuyer l'orientation du projet de loi. Elles défendent leurs intérêts, et cela se comprend. Par définition, c'est ce qu'elles sont censées faire.
Un objectif d'intérêt public national plus large est inhérent au projet de loi, et il incombe au gouvernement d'étudier avec soin ce que nous proposons.
Le sénateur Cochrane : Et que pense le gouvernement du Québec?
M. Murray : Je ne crois pas que le gouvernement du Québec s'opposerait au projet de loi. C'est une bonne question. Pour l'instant, des terres peuvent être retirées du parc de la Gatineau sans la permission du gouvernement du Québec. Les limites peuvent changer.
Le projet de loi donne au Québec le droit absolu d'opposer son veto à toute modification des limites. Il faut que le gouvernement du Québec participe aux discussions et accepte toute proposition de modification des limites, sans quoi ces modifications resteraient sans effet.
De plus, le projet de loi dispose que la province sera consultée dans l'élaboration de tout plan de gestion du parc. Nous donnons sa place à la province, laissons un pouvoir à l'Assemblée nationale du Québec et respectons le principe de l'intégrité territoriale du Québec : aucune modification ne sera apportée aux limites, à l'intérieur comme à l'extérieur, sans le consentement de l'Assemblée nationale. Voilà qui, selon moi, témoigne de respect pour l'intégrité territoriale du Québec.
Le sénateur Spivak : Il faut aussi prendre conscience du fait que 80 p. 100 de la population de la région souhaite que le parc devienne un parc national. On ne peut jamais mettre tout le monde d'accord.
Les propriétaires font une bonne affaire. Pourquoi voudraient-ils changer quoi que ce soit? Mais il y a aussi l'intérêt public, et cet intérêt veut que le parc devienne un parc fédéral et qu'on le protège.
Le président : Si le projet de loi était adopté et devenait une loi fédérale, et si quelqu'un vous demandait : Qu'est-ce que c'est que le parc de la Gatineau, que répondriez-vous?
Le sénateur Spivak : Je dirais que c'est un parc fédéral qui a une histoire différente de celle des autres parcs et qu'il a certaines protections en commun avec les parcs nationaux.
Le président : Mais c'est un parc fédéral, et il sera le seul parc fédéral qui ne sera pas un parc national.
Le sénateur Spivak : Si le gouvernement veut modifier le projet de loi lorsqu'il parviendra aux Communes et faire du parc un parc national, nous applaudirons.
Le sénateur Angus : Relèverait-il de Parcs Canada?
Le président : Oui, si on en arrive là.
M. Murray : Il y a des obstacles à surmonter, comme je l'ai déjà dit.
Le sénateur Angus : Vous disiez tout à l'heure, monsieur Murray, que l'article 4 de la Loi sur les parcs nationaux empêche qu'un parc relève de Parcs Canada, si on en arrive là?
M. Murray : S'il y a des biens immobiliers privés à l'intérieur du parc.
Le sénateur Angus : Pourrions-nous passer outre aux dispositions de l'article 4 de la Loi sur les parcs nationaux et agir? Autrement dit, pourrions-nous prévoir une exception spéciale?
Il me semble que nous ne tenons pas à avoir encore un autre cas hydride. Ne pouvons-nous pas faire relever ce parc de l'organisme chargé de l'exploitation des parcs?
M. Murray : Vous le pourriez, mais il y a de gros obstacles à surmonter. La seule solution que j'entrevois, c'est un morcellement du parc, avec des limites qui permettent d'exclure les terrains privés. Mais si on fait cela, on prive le public de l'accès au cœur du parc, le secteur du lac Meech.
La dernière fois qu'il a comparu devant le comité mixte, Percy Sparks a dit que des intérêts privés avaient empêché de faire du parc un parc public. Si on redessine les limites autour des terrains privés pour protéger les intérêts privés, on va à l'encontre de l'esprit de la Loi de 1930 sur les parcs nationaux, qui interdit les biens privés à l'intérieur des parcs. On va également à l'encontre des intérêts du public et de leur libre accès au lac.
Le sénateur Spivak : Le lac Meech est maintenant un lac historique. Il est dans le domaine public, et il ne faudrait pas en faire une enclave parce que des gens y habitent.
Le sénateur Angus : Y a-t-il une association de résidents qui intervient dans ce dossier? Je n'aurais pas d'objection à écouter leur point de vue. En principe, je préfère protéger les droits privés plutôt que les droits publics.
M. Murray : Très bien. Je suis également favorable aux droits privés. C'est l'un des fondements de notre pays. Toutefois, les droits de 200 personnes à l'intérieur du parc ne peuvent supplanter les droits de 1,5 million d'habitants de la région d'Ottawa et d'autres Canadiens qui visitent le parc chaque année.
Le sénateur Spivak : Un instant. Il y a 30 millions de Canadiens.
Le président : Il ne nous reste plus de temps, malheureusement. Mais nous entendrons le point de vue du Québec sur la question. Merci beaucoup, messieurs Murray et McDermott.
La séance est levée.