Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 16 - Témoignages du 19 avril 2007
OTTAWA, le jeudi 19 avril 2007
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, saisi du projet de loi C-288, Loi visant à assurer le respect des engagements du Canada en matière de changements climatiques en vertu du Protocole de Kyoto, se réunit aujourd'hui à 8 h 7 pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je vous souhaite la bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles, qui étudie ses recommandations à l'égard du projet de loi C-288.
Ce matin, nous accueillons l'auteur du projet de loi, M. Pablo Rodriguez, député.
Après M. Rodriguez, nous entendrons le ministre de l'Environnement, l'honorable John Baird, et son sous-ministre, Michael Horgan.
Je m'appelle Tommy Banks et je suis sénateur de l'Alberta. Avant de commencer, j'aimerais vous présenter rapidement les membres du comité.
À ma droite se trouve le sénateur Cochrane, vice-président de notre comité, qui représente Terre-Neuve-et- Labrador; le sénateur Angus du Québec; le sénateur Dawson, également du Québec; le sénateur Robichaud, du Nouveau-Brunswick; le sénateur Kenny de l'Ontario; le sénateur Mitchell de l'Alberta; le sénateur Tkachuk de la Saskatchewan et le sénateur Spivak du Manitoba.
[Français]
Pablo Rodriguez, député, Chambres des communes : Monsieur le président, je vous remercie de m'accueillir parmi vous aujourd'hui. C'est un honneur pour moi d'être ici afin de discuter de mon projet de loi C-288, dont le but est de faire en sorte que le Canada respecte ses engagements en vertu du Protocole de Kyoto.
En fait, ce projet de loi parle avant tout d'avenir. Il vise à poser des gestes concrets dès aujourd'hui afin d'améliorer notre avenir collectif. L'environnement est certainement un élément sur lequel on peut agir dès maintenant afin d'améliorer les conditions de vie de nos enfants et de nos petits enfants.
Je suis d'avis que mon projet de loi n'aurait pas dû être nécessaire. En fait, en tant que Canadien, je me serais attendu à ce que le gouvernement de mon pays agisse sur les changements climatiques. Je me serais attendu à ce qu'il respecte les accords internationaux. Malheureusement, la violation du droit international ne semble pas déranger le gouvernement. Et le fait que nous soyons à l'aube d'une catastrophe climatique, tout comme le fait que nous fassions face à des conséquences irréversibles, ne semble pas le déranger non plus.
[Traduction]
Tout au long de sa carrière, le premier ministre a nié la réalité des changements climatiques, remettant en question à la fois la science et la nécessité d'agir. Cela fait maintenant plus d'un an que son gouvernement, fidèle à ses racines réformistes et alliancistes, cherche à éviter d'agir, se contentant de clips sonores, d'excuses, d'affirmations trompeuses et de désinformation plutôt que d'adopter une bonne politique. C'est une erreur.
À titre de représentants élus, nous avons l'obligation politique et morale d'œuvrer pour construire une meilleure société, non seulement pour ceux qui nous entourent, mais, c'est encore plus important, pour ceux qui nous suivront, pour nos enfants et nos petits-enfants.
[Français]
C'est pourquoi, dans le cas des changements climatiques, ne pas agir n'est pas une option. Prenons le temps de regarder où en est notre planète aujourd'hui. Sans être alarmistes, parlons des faits.
Nous savons aujourd'hui, par exemple, que la concentration des gaz à effet de serre dans l'atmosphère n'a jamais été aussi élevée depuis 650 000 ans. Nous savons également que 11 des 12 dernières années ont été les plus chaudes jamais enregistrées. L'Arctique se réchauffe à un rythme moyen de presque deux fois supérieur à celui de la planète. Les scientifiques ont découvert que les glaces de mer de l'Arctique fondent encore plus vite que ce que prévoyaient leurs propres modèles.
La température moyenne de la surface de la planète a déjà augmenté de plus de 0,6 degré Celsius au cours des dernières années. Si les États ne parviennent pas à s'entendre pour faire baisser radicalement les émissions de gaz à effet de serre, la température moyenne de la planète risque de croître d'au moins deux degrés Celsius au cours des prochaines décennies.
[Traduction]
Les scientifiques prédisent qu'une augmentation de deux degrés de la température aura les effets suivants : des dizaines de millions de réfugiés environnementaux chassés par l'augmentation du niveau des océans; des précipitations et des orages plus intenses; des dizaines de millions d'autres personnes menacées de famine à cause des mauvaises récoltes; et une augmentation des pénuries d'eau qui pourraient toucher des milliards de personnes.
[Français]
Permettez-moi de m'attarder sur l'aspect économique. Le gouvernement conservateur essaie de faire peur aux Canadiens avec des scénarios apocalyptiques.
[Traduction]
Le ministre de l'Environnement viendra aujourd'hui vous parler. Ce qu'il vous dira est prévisible et prouvera le manque absolu de leadership au sein de l'administration conservatrice. Le spectacle d'aujourd'hui sera plein de bruit et de fureur, mais ne voudra rien dire. Il va chercher à vous induire en erreur et à vous tromper; il fera tout ce qu'il peut sauf présenter un plan véritable et crédible pour lutter contre les changements climatiques. Il fera des affirmations sur le coût de l'atteinte de nos obligations en vertu du Protocole de Kyoto. Il vous induira en erreur et vous dira que le projet de loi C-288 vise une réduction d'un tiers des émissions de gaz à effet de serre au Canada au cours de chacune des cinq prochaines années. Il vous induira en erreur et vous dira que le Protocole de Kyoto impose des réductions nationales d'un tiers au cours de chacune des cinq prochaines années. Il vous induira en erreur en se faisant l'écho d'hypothèses fausses selon lesquelles la réduction des émissions entraînera des coûts économiques sans avantages économiques positifs. Il passera sous silence les avantages économiques découlant d'une plus grande efficacité énergétique, d'une plus faible consommation d'énergie et de la création d'emplois liés à la mise en place d'activités visant à réduire les émissions.
Le sénateur Angus : Est-ce que vous lisez son courrier?
M. Rodriguez : Pour lui, aucun de ces avantages ne mérite d'être mentionné ni d'être pris en considération.
Enfin, il vous induira en erreur en passant sous silence les coûts économiques que nous devrons assumer si nous ne prenons pas les mesures nécessaires pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre. Les coûts de l'inaction seront beaucoup plus élevés que le coût des mesures que nous prendrions aujourd'hui. Les uns après les autres, les experts l'ont affirmé, or le ministre de l'Environnement du Canada ne tiendra pas compte de ces réalités économiques.
Son incompétence sera stupéfiante. Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que ça suffit et que les Canadiens méritent mieux. Nous traitons d'un projet de loi qui pourrait tout aussi bien s'appeler « la loi sur la responsabilité de Baird » et je sais que le ministre ne sera pas à la hauteur.
[Français]
Je dis qu'il faut mettre fin à cette mentalité dépassée qui nous demande de choisir entre l'économie et un environnement sain. Au XXIe siècle, les gouvernements — et en particulier ce gouvernement — doivent réaliser que la croissance économique et la protection de l'environnement vont de pair.
Dans une étude de grande crédibilité que vous connaissez probablement, sir Nicholas Stern, ancien économiste en chef de la Banque mondiale, a calculé que les changements climatiques, s'ils n'étaient pas freinés, coûteraient entre 5 et 20 p. 100 du PIB mondial.
D'un autre côté, résoudre la question des changements climatiques coûterait environ 1 p. 100 de ce même PIB. Ainsi, selon les conclusions de M. Stern, s'attaquer aux changements climatiques est favorable à l'économie; c'est de les ignorer qui, à terme, pourrait créer une récession.
Dans les faits, nous voyons déjà de nombreux exemples d'entreprises ou de secteurs qui considèrent les mesures de lutte contre les changements climatiques comme favorables à la croissance économique. La British Petroleum a atteint son objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 10 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990. Elle a réussi cet exploit dès 2001, soit neuf années à l'avance, et elle estime que les modifications qu'elle a apportées pour y parvenir ont accru sa valeur de 650 millions de dollars.
Selon l'Association des produits forestiers du Canada, le secteur forestier a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 30 p. 100 par rapport aux niveaux de 1990 au cours des dix dernières années. Il l'a fait volontairement. Pourquoi? Parce que c'était bon pour l'environnement et pour l'économie.
Comme l'a démontré l'Institut Pembina, il serait possible et abordable de fixer, pour l'industrie lourde, un objectif aligné sur les niveaux de Kyoto. Même dans le secteur des sables bitumineux, on pourrait atteindre un tel objectif au coût d'environ un dollar le baril alors qu'en ce moment, ce même baril se vend autour de 60 $.
[Traduction]
J'aimerais déposer ce rapport intitulé A Cost Curve for Greenhouse Gas Reduction, rendu public récemment par McKinsey & Company, l'une des entreprises d'experts-conseils les plus réputées au monde. Le rapport conclut que les réductions de GES qu'il faudrait réaliser d'ici 2030 afin d'éviter une augmentation moyenne de 2 degrés pourraient être effectuées à un coût inférieur à 40 euros la tonne, soit 60 $CAN la tonne. Le rapport indique également que le coût annuel mondial des réductions d'émissions nécessaires pour éviter des changements climatiques encore plus graves d'ici 2030 ne représentent que 0,6 p. 100 du PIB prévu pour cette année-là.
Enfin, les auteurs de l'étude estiment que près du quart des réductions d'émissions serait obtenu par l'amélioration de l'efficacité énergétique au moyen de mesures visant à réduire la demande d'énergie et que ces mesures ne comportent aucun coût net et ne nécessitent aucune modification du style de vie. Elles sont, en fait, gratuites.
[Français]
Je l'ai dit au début, ce projet de loi n'aurait pas dû être nécessaire. Le gouvernement aurait pu prendre des mesures concrètes pour lutter contre les changements climatiques. Au lieu de cela, il a abandonné Kyoto, a baissé les bras et refuse d'agir. Laissez-moi vous dire que lorsqu'un gouvernement ne respecte pas la loi internationale ni la volonté de ses propres citoyens, lorsqu'il n'assume pas ses responsabilités face à l'un des plus importants défis auxquels fait face notre planète, le Parlement a la capacité et le devoir de l'obliger à le faire.
Le gouvernement nous dit qu'atteindre Kyoto sera difficile. Et alors? Ce n'est pas parce que c'est difficile qu'il faut baisser les bras et ne pas essayer. Au contraire, il faut se battre avec courage, avec détermination et avec force.
[Traduction]
Le premier ministre a dit que la cible canadienne en vertu du Protocole de Kyoto est trop difficile à atteindre et il a donc décidé l'abandonner sans même faire d'efforts. Il a dit que le Canada est trop petit et que nous ne pouvons rien faire parce que les États-Unis ne sont pas membres du Protocole de Kyoto ou parce que la Chine n'a pas encore de cible. Eh bien, j'aimerais lui dire aujourd'hui que le Canada peut mener la lutte contre les changements climatiques. Nous n'avons pas besoin d'attendre que d'autres pays nous montrent la voie.
[Français]
Il y a des solutions, elles existent. Il faut simplement avoir le courage et la détermination nécessaires pour les appliquer.
[Traduction]
Le président : Monsieur Rodriguez, êtes-vous prêt à répondre à des questions?
M. Rodriguez : Oui, avec plaisir.
Le président : Le sénateur St. Germain de l'Alberta s'est joint à nous.
Le sénateur Cochrane : Monsieur Rodriguez, je vous remercie d'être venu ce matin nous faire part de vos opinions au sujet du projet de loi C-288 et nous parler de votre façon de voir les obligations du Canada dans le dossier des changements climatiques. D'après votre exposé préliminaire, je suppose que vous avez été informé d'avance de ce que le ministre va nous dire aujourd'hui, puisque vous l'avez cité. Je ne sais pas où vous avez obtenu votre information, mais vous avez probablement eu accès à quelque chose que nous n'avons pas.
Le sénateur Dawson : Le Globe and Mail.
M. Rodriguez : Non, j'ai simplement mentionné des chiffres qui sont aussi ridicules que ceux qu'il va vous présenter.
Le sénateur Cochrane : J'aimerais bien poser ma question, si vous me le permettez.
M. Rodriguez : Bien sûr.
Le sénateur Cochrane : J'ai lu récemment un article dans le Edmonton Journal. Dans cet article, M. Lorne Gunter soulève une très bonne question que j'aimerais vous poser aujourd'hui. Il dit que votre projet de loi, monsieur Rodriguez, nous amène à poser une question évidente que je vous cite.
Si une loi obligeant le gouvernement fédéral à respecter ses obligations en vertu du Protocole de Kyoto est une si bonne chose et si c'est si facile à faire, pourquoi n'en avez-vous pas adopté une lorsque vous étiez au pouvoir?
Le président : Monsieur Rodriguez, nous avons posé cette question à l'ancien gouvernement.
[Français]
M. Rodriguez : Il y a plusieurs éléments de réponse, mais avant d'aller au cœur de cette réponse, je voudrais dire deux choses. Premièrement, Kyoto est la loi internationale. Et en ne respectant pas Kyoto, le premier ministre du Canada dit volontairement à la communauté internationale que Stephen Harper, premier ministre d'un pays du G8, a décidé de ne pas respecter la loi internationale. Ce projet de loi est nécessaire pour forcer le premier ministre à respecter ses engagements internationaux. Cela prend une loi internationale pour forcer un premier ministre qui ne veut pas respecter la loi internationale. Alors que le gouvernement libéral, lui, a non seulement signé le Protocole de Kyoto, il a ratifié le Protocole de Kyoto. Il était désireux d'atteindre les objectifs de Kyoto et a même mis de l'avant, en 2005, le Plan vert et y a injecté la somme 10 milliards de dollars, comme première étape, pour atteindre les objectifs de Kyoto.
Beaucoup de choses ont été faites contrairement au gouvernement actuel qui n'a même pas essayé d'atteindre les objectifs de Kyoto.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Je crois savoir que votre chef appuie ce projet de loi. Comme il a déjà été ministre fédéral de l'Environnement, je pense que les Canadiens s'attendent à ce qu'il comprenne bien le Protocole de Kyoto et qu'il sache dans quelle mesure il est possible pour nous d'atteindre nos cibles d'ici 2012.
Cela étant dit, j'aimerais également citer un article du National Post publié le Jour du Canada l'an dernier. « Stéphane Dion a reconnu qu'un futur gouvernement libéral serait incapable de respecter son engagement, pris en vertu de Kyoto, de réduire les émissions de gaz à effet de serre en dessous des niveaux de 1990. » Dans le même article, on cite M. Dion qui aurait dit : « En 2008, je serai membre de Kyoto, mais je dirai au monde que je ne pense pas que nous réussirons ». Ce sont ses propres paroles. Que dites-vous de cela?
M. Rodriguez : Tout d'abord, je vous dirai que le chef appuie le projet de loi. Quiconque se soucie de l'avenir du pays et de nos enfants appuie ce projet de loi, madame.
Deuxièmement, ce n'est pas une excellente citation. Il a dit que si les conservateurs restaient au pouvoir jusqu'en 2008 ou même plus tard, il ne serait pas possible d'atteindre nos objectifs de Kyoto.
[Français]
Vous aurez entre cette période, baissé les bras et rien fait. À un moment donné, si une élection survient trop tard et que des années se passent durant cette période et que vous ne faites rien, il est évident qu'il sera impossible d'atteindre les objectifs de Kyoto. Il a dit clairement qu'après une certaine période de gouvernance conservatrice à l'intérieur de laquelle rien n'a été fait, il est évident qu'il sera impossible de les atteindre. Nous n'en sommes pas encore là.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Vous attendez-vous à ce que le gouvernement adopte ce projet de loi dans sa forme actuelle, immédiatement, et qu'il entre en vigueur dans les 60 prochains jours?
M. Rodriguez : Non.
Le sénateur Robichaud : J'invoque le Règlement, monsieur le président.
Le président : Un instant, monsieur Rodriguez.
Le sénateur Robichaud : Ce n'est pas le gouvernement, mais bien le Parlement, qui adopterait ce projet de loi. C'est très différent.
Le sénateur Cochrane : Vous avez raison, monsieur le sénateur, je m'excuse.
Mais vous vous attendez à ce que le Parlement adopte ce projet de loi assez rapidement, même si votre propre chef a reconnu qu'il ne serait pas capable de le faire tout de suite s'il était au pouvoir?
[Français]
M. Rodriguez : Avec tout le respect que je vous dois, madame le sénateur, ce n'est pas ce qu'il a dit. Il a dit que si trop de temps s'écoule durant le mandat conservateur et qu'on ne fait rien, il est évident qu'il ne sera plus possible d'atteindre les objectifs de Kyoto. On n'en est pas encore là.
Pour ce qui est de l'adoption du projet de loi, le projet de loi a franchi toutes les étapes à la Chambre des communes et j'espère qu'avec votre appui il franchira aussi les étapes pour devenir loi. Ce ne sera alors plus un projet de loi d'intérêt privé, mais une loi du Canada comme n'importe qu'elle autre loi.
Le premier ministre actuel a commencé par dire qu'il ne respecterait pas le projet de loi C-288 et la loi. Lorsqu'il a vu le ridicule de ses commentaires, lorsqu'il s'est fait traité de petit dictateur en choisissant une loi et pas une autre, il a reculé. Si cette loi est adoptée par le Sénat, et j'espère que vous l'adopterez, elle aura été adoptée par les deux Chambres et le gouvernement devra s'y soumettre.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : J'aimerais approfondir cette question plus tard, mais pour l'instant je vais laisser la chance à quelqu'un d'autre et j'attendrai le deuxième tour.
[Français]
Le sénateur Dawson : Je voudrais vous féliciter, je pense que tout débat sur la question, qu'on parle de l'« inconvenient truth » ou toute exposition à la population par le biais d'une télédiffusion directe du sujet aide la promotion de la sensibilisation du dossier.
Que la Chambre des communes ait été capable de l'adopter rapidement afin qu'il nous parvienne pour étude, nous rend responsables, en tant que sénateurs, de respecter la volonté de la première Chambre, et le plus rapidement possible, chercher à ratifier ce projet de loi. Cela nous donne aussi l'occasion de voir les tromperies du gouvernement, qui va nous faire une belle présentation et qui, par des fuites calculées la veille du comité, s'assure que tous soient intéressés. D'ailleurs, nous sommes contents parce que, sincèrement monsieur Rodriguez, il est important que le débat ait lieu.
Pour la population qui nous écoute, j'aimerais clarifier la distinction entre votre projet de loi C-288 et le projet de loi C-30. Comment ceux qui sont moins impliqués dans le débat peuvent-ils faire la différence entre le passage de votre projet de loi et l'autre projet de loi présentement à l'étude. Où y a-t-il concordance ou divergence?
M. Rodriguez : Ils sont d'une certaine façon complémentaire. Mon projet de loi s'attaque au court terme, c'est-à-dire à la première phase de Kyoto, la période 2008-2012, et force le gouvernement à respecter les objectifs clairement établis par le Protocole de Kyoto. La version actuelle du projet de loi C-30 est la conclusion d'un long processus. C'est à l'origine le projet le « Cleaner Air Act » présenté par les conservateurs qui essayait d'imiter leurs collègues républicains aux États-Unis. Il n'y avait absolument rien dedans. À ce moment-là, il n'y avait certainement pas d'objectifs à court terme, des objectifs très faibles à moyen et à long terme avec des limites basées sur l'intensité, pas de limites absolues. Ce n'était pas, pour nous, un plan crédible pour l'environnement. Il a été à l'étude en comité, a été retravaillé et modifié par les trois partis de l'opposition qui se sont entendus pour lui donner beaucoup plus de dents à moyen terme. On reconnaît Kyoto, on reconnaît non seulement l'existence du protocole, mais qu'il faut s'y soustraire et aussi avec des cibles plus contraignantes et plus sérieuses pour le moyen et le long terme. Il est vraiment nécessaire d'adopter le projet de loi C-288 pour le travail à court terme.
[Traduction]
Le sénateur Dawson : Vous avez dit à plusieurs reprises que le ministre de l'Environnement allait essayer de nous induire en erreur. En quelques minutes, pouvez-vous nous dire quels avantages économiques découleraient de la réduction des émissions?
[Français]
M. Rodriguez : Sans avoir eu le document parce je ne suis pas privilégié; le ministre en remet quelques copies à ses amis journalistes, mais surtout pas à l'opposition, en regardant les chiffres, on peut présumer, mais on est presque certains, qu'il n'y a pas de mécanisme d'échange d'émissions et que cela ne permettra pas l'achat de crédit à l'étranger donc d'investir dans de bons projets reconnus par les Nations Unies à l'étranger.
Donc, il arrive avec un rapport qui n'a rien à voir avec le projet de loi C-288. Ce projet de loi ne dit pas de tout faire au point de vue domestique. Il donne le droit de créer un marché d'échange d'émissions et d'investir à l'étranger. Il a pris les mesures les plus contraignantes et les plus chères, produit un rapport qui dit qu'il en coûtera cher pour atteindre Kyoto. Aurait-il eu un discours différent en 1995 ou en 1997? Il a toujours dit qu'il en coûterait une fortune pour atteindre les objectifs de Kyoto. C'est ce discours qu'on entend depuis toujours et c'est ce même discours qu'on entendra encore dans dix ans.
Avec ces chiffres, il essaie de faire peur aux gens. Je demande aux journalistes de ne pas tomber dans le panneau parce d'autres études contredisent ces chiffres et sont beaucoup plus réalistes. C'est une excuse pour baisser les bras et justifier le fait qu'il veut nous sortir de Kyoto et ne rien faire pour l'avenir de l'environnement.
[Traduction]
Le président : Je n'ai jamais fait cela auparavant, mais je vais arbitrairement demander à tout le monde de s'en tenir à une seule question, pendant ce premier tour — j'espère que nous pourrons en avoir un deuxième — parce que tout le monde souhaite intervenir. Le sénateur Gustafson de la Saskatchewan et le sénateur Willie Adams du Nunavut se sont joints à nous.
Le sénateur Angus : Monsieur Rodriguez, merci d'être venu ce matin et de nous faire participer à ce débat si important. Je suis d'accord avec le sénateur Dawson pour dire que tout ce qui nous force à nous intéresser à ces graves questions, pas seulement dans l'intérêt de notre propre génération mais dans celui des générations à venir, est important.
Il est clair que votre projet de loi a suscité beaucoup de discussions. J'admire les députés qui se donnent la peine de préparer leur propre projet de loi. Je sais comment fonctionne le système, pour le faire inscrire au Feuilleton et l'amener si loin, c'est un peu comme jouer à la loterie. Vous avez fait un travail admirable pour l'amener si loin. Vous avez dû y consacrer beaucoup de temps.
M. Rodriguez : En effet.
Le sénateur Angus : J'imagine que vous avez réfléchi à toutes les conséquences que pourrait avoir votre projet de loi.
Avant de rédiger ce projet de loi, de le parrainer et de le suivre tout au long du processus, avez-vous fait une analyse économique? Savez-vous ce que coûterait au juste la mise en œuvre de votre projet de loi ou l'avez-vous présenté sans savoir ce qu'en seraient les coûts ou sans vous en préoccuper?
[Français]
M. Rodriguez : Merci pour vos bons mots. C'est effectivement tout un défi d'apporter un projet de loi, surtout aussi loin que cela.
Il y a deux types de réponse à votre question, sénateur. Le premier, c'est qu'il est difficile de savoir combien coûterait la mise en application de ceci parce que c'est le gouvernement qui va décider quel volet prendre. Le projet de loi lui donne différentes options : l'option de mettre des limites absolues et de créer un marché d'échange. Cela lui donne l'occasion de travailler avec les provinces. Cela lui donne l'opportunité d'investir dans de bons projets verts reconnus par les Nations Unies; cela lui donne l'opportunité de réglementer différents secteurs de l'économie, de faire en sorte que les Canadiens consomment de façon plus responsable. Il y a toutes sortes de mécanismes que le projet de loi C-288 met à la disposition du gouvernement. C'est à lui de choisir les outils qu'il veut prendre.
Parallèlement à cela, on peut consulter plusieurs études qui rendent le tout réalisable. J'ai fait référence à l'étude de sir Nicolas Stern qui dit que le coût de ne pas agir est astronomiquement plus important que le coût d'agir, à court terme, sur les changements climatiques. On doit tenir compte de cela. Je faisais référence aussi à une étude qui met un coût très différent à la tonne de gaz à effet de serre. Donc on travaille avec des scénarios confortables. Encore une fois, c'est au gouvernement de déterminer ce qu'il doit faire. Ce n'est pas à moi de décider ce que le gouvernement dépensera.
Si le gouvernement décide de dépenser zéro, il peut le faire en y allant par des réglementations très strictes. Ce n'est pas mon choix; pour ma part si j'étais au gouvernement, j'investirais dans des projets verts, je créerais des mécanismes d'échanges d'actions. Là encore, c'est aux membres du gouvernement conservateur de déterminer quels mécanismes il mettra en place pour atteindre les objectifs.
[Traduction]
Le sénateur Angus : C'est tout pour moi, monsieur le président. Monsieur Rodriguez n'a pas répondu à ma question. A-t-il tenu compte des coûts? Il aurait pu répondre simplement oui ou non. Le très réputé M. Bob Page, directeur de TransAlta, a dit devant le comité de la Chambres des communes que cela coûterait 19 milliards de dollars au Canada.
Le président : Monsieur Rodriguez, pouvez-vous répondre rapidement à cette question? Avez-vous tenu compte des coûts lorsque vous avez rédigé ce projet de loi?
[Français]
M. Rodriguez : Oui, j'ai regardé, mais si cela coûtait 19 milliards, savez-vous combien coûte la réduction de 1 p. 100 de la TPS? Cinq milliards par année, monsieur le président. Cela veut dire 20 milliards au cours des quatre prochaines années. C'est un choix, ils ont le droit de le faire. D'autres personnes pourraient décider que ma petite fille, nos enfants, nos petits-enfants, valent la peine peut-être de ne pas faire cette réduction de 1 p. 100, mais peut-être de l'investir dans l'environnement pour les générations futures et faire une différence dès aujourd'hui. C'est un choix, ils ont décidé de ne pas investir en environnement, monsieur le président. C'est leur choix.
[Traduction]
Le sénateur Mitchell : Monsieur Rodriguez, je vous remercie beaucoup de votre défense passionnée de cette question très importante et de ce projet de loi d'avant-garde. Vous faites preuve de leadership, qualité qui fait défaut au gouvernement actuel. L'une des questions centrales est celle du leadership. Même le premier ministre dit qu'il reconnaît les données scientifiques qui montrent que nous avons un problème. Personne ne dit, et vous encore moins que d'autres, que ce ne sera pas difficile de trouver une solution. Les Canadiens n'ont pas peur de résoudre des problèmes difficiles. Dans le passé, les Canadiens ont relevé des défis énormes et ont montré l'exemple au reste du monde. C'est une coïncidence, bien sûr, la bataille de Vimy que nous commémorons a illustré ce leadership de manière très claire.
Le gouvernement actuel ne semble pas capable de comprendre que les Canadiens sont capables de relever des défis et qu'ils l'ont déjà fait. Il est incapable d'assurer le leadership que ce problème exige. Il réduit ce débat à un choix à faire entre l'économie et l'environnement et souligne cette dichotomie et disant clairement que tout ce que nous pourrions faire pour atteindre nos cibles de Kyoto nuira à l'économie, la ralentira, la détruira, et fera disparaître des emplois, mais c'est fondamentalement faux. Elle a deux stratégies.
Ils citent des études aux hypothèses truquées qui n'évaluent pas pleinement les avantages économiques d'une politique environnementale. Ils passent sous silence les exemples de grands défis environnementaux qui ont été relevés avec succès. Ces défis ont coûté beaucoup moins qu'on ne l'aurait imaginé sans nuire à l'économique ou aux entreprises. En fait, ils ont stimulé l'économie et les entreprises.
Pourriez-vous nous parler de quelques exemples d'initiatives qui ont été prises pour régler d'énormes problèmes environnementaux et qui en fait ont eu des retombées économiques avantageuses pour l'économie et les entreprises?
[Français]
M. Rodriguez : Si vous me permettez, j'aimerais brièvement faire un parallèle avec ce qui s'est passé dans l'histoire. Le ministre de l'Environnement va venir ici aujourd'hui pour faire une chose : il va venir ici pour nous faire peur. C'est tout. Comme cela s'est fait régulièrement par le passé. Rappelez-vous les discussions autour des pluies acides. Rappelez-vous ces discussions. Combien cela coûterait et cela jetterait l'économie à faire. On a réussi. L'économie n'est pas à terre. Rappelez-vous la lutte menée pour réduire le problème de la couche d'ozone, avec le Protocole de Montréal. On a dit que faire ces changements structurels jetteraient l'économie à terre et que des entreprises ne survivraient pas. On l'a fait aussi.
[Traduction]
L'économie se porte encore bien. Nous sommes encore vivants.
[Français]
Certains ne se rappellent peut-être pas lorsque Lee Iacocca avait dit, et je m'en souviendrai toujours, qu'il y avait des changements structurels à apporter au secteur automobile. Il était président de Ford à l'époque et il avait dit que cela coûterait 800 000 emplois aux États-Unis, que cela créerait une récession massive, qu'il y aurait des pertes de cinq milliards de dollars de revenu, et cetera. Ce n'est jamais arrivé, à ce que je sache.
Ceux qui ne veulent pas bouger, ne veulent pas admettre qu'ils ne veulent pas bouger et cherchent des excuses pour justifier leur inaction; et c'est ce qui va arriver ici ce matin.
Je vous dirais aussi que tout cela était basé sur des modèles économiques qui, par la suite, se sont avérés faux. Je me demande pourquoi le modèle économique que le ministre va présenter ce matin serait plus vrai que les autres. Gardez ceci en tête.
Pour répondre à votre question, on doit entrer dans l'économie du XXIe siècle. Il faut arrêter d'avoir ces réflexes des économies du XIXe du XXe siècle. Il faut comprendre qu'environnement et développement économique vont ensemble. Pensez aux créations d'emplois dans les nouvelles technologies. Pensez comment on peut exporter ces nouvelles technologies à des pays comme la Chine, l'Inde, le Mexique, le Brésil. Il y a des opportunités extraordinaires en ce domaine.
[Traduction]
Le sénateur Spivak : M. Don Drummond, dont il est question dans les journaux aujourd'hui, parle de 195 $ la tonne. Pensez-vous qu'il oublie de tenir compte des compensations? La mise en valeur des sables pétrolifères contribue environ 40 p. 100 de nos émissions de gaz à effet de serre, et le Pembina Institute dit que le coût de conformité au protocole de Kyoto se situerait dans une fourchette de 1,76 $ à 13,65 $ le baril.
La plupart des gens parlent plutôt de 30 $ la tonne.
Nous n'avons pas vu les données sur lesquelles s'appuie M. Drummond. Pensez-vous qu'il a tenu compte des crédits d'émission de carbone? Pensez-vous que nous pouvons nous fier à l'estimation des coûts établis par le Pembina Institute? Ma troisième et dernière question concerne les cibles d'intensité. Selon des documents gouvernementaux, ces cibles entraîneraient une augmentation de 179 p. 100 des émissions provenant des sables pétrolifères. Voilà mes questions.
Vous pourrez répondre à juste une question maintenant et m'envoyer une note en réponse aux autres plus tard.
[Français]
M. Rodriguez : Je n'ai pas vu l'étude à laquelle fait référence M. Drummond. Le gouvernement et le ministre de l'Environnement, John Baird, ont pour seul but d'effrayer les membres du comité et la population canadienne.
Je n'ai pas vu l'étude. Toutefois, pour en arriver à des chiffres aussi ridicules, je ne peux que présumer qu'elle ne tient pas compte de tous les mécanismes prévus dans le Protocole de Kyoto et dans le projet de loi C-288, notamment les marchés d'échange d'émissions et l'investissement dans des projets verts reconnus par les Nations-Unis.
[Traduction]
Le sénateur Spivak : Les mécanismes de développement vert.
[Français]
Mr. Rodriguez : À mon avis, Pembina est un institut très crédible, qui a une longue expérience de travail dans ce domaine. La réduction des émissions en fonction de l'intensité n'est pas du tout la voie à suivre, car elle permet l'augmentation des émissions. On doit avoir des cibles précises et absolues si nous voulons nous attaquer sérieusement aux changement climatiques.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Merci beaucoup d'être venu aujourd'hui. Monsieur Rodriguez, je voulais vous rappeler que vous n'êtes pas le seul à vous soucier des enfants, des petits-enfants ou de l'ensemble de la population du Canada. Nous discutons pour trouver une solution à un problème; un problème de changement climatique. Nous avons des points de vue différents.
Je ne partage pas votre point de vue, même si vous pensez avoir raison. Vous semblez être capable de prédire l'avenir très clairement, mais vous semblez avoir du mal à vous rappeler le passé. C'est votre parti qui était au pouvoir entre 1996 et 2005, période pendant laquelle les émissions ont augmenté. Vous n'aviez aucun plan pour atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto. Cela, il n'y a pas que vos critiques comme le Globe and Mail, mais les gens de votre propre parti qui le reconnaissent. M. Ignatieff, dont vous avez présidé la campagne à la direction du parti, a dit dans un célèbre débat que M. Dion n'avait pas fait ce qu'il fallait pour l'environnement.
Êtes-vous d'accord avec M. Ignatieff lorsqu'il a dit : « Je pense que notre parti s'est embourbé dans le dossier de l'environnement »? En pratique, personne ne sait ce qu'est Kyoto ni à quoi il nous engage. Il a dit cela alors que vous étiez président de sa campagne.
[Français]
M. Rodriguez : J'aimerais tout d'abord répondre à vos commentaires préliminaires. Je sais qu'on partage cet amour pour nos générations.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Répondez à la question. Nous n'avons que cinq minutes environ.
[Français]
M. Rodriguez : Pour nos générations futures, j'aimerais juste que vous démontriez votre intérêt à travers vos actions concernant les changements climatiques.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk : Ne me montrez pas du doigt.
[Français]
M. Rodriguez : Je ne le fais pas de façon impolie, sénateurs — et je vous prierais d'être respectueux vous aussi.
Je tiens à vous rappeler que c'est le gouvernement libéral qui a signé et ratifié l'Accord de Kyoto et qui avait en place un plan, en 2005, pour atteindre ses objectifs. Ce plan prévoyait, au départ, 10 milliards de dollars, ce qui est déjà beaucoup plus que ce le gouvernement actuel a fait. Depuis un an, c'est l'inaction totale et le recul en ce qui a trait aux changements climatiques. Cela pose de graves inquiétudes pour l'avenir de notre planète.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Rodriguez, à plusieurs reprises vous nous avez dit que le ministre était pour comparaître devant nous et essaierait de nous faire peur. Je vous ferais remarquer que nous ne sommes pas peureux.
M. Rodriguez : Je le sais. C'est pourquoi cela ne marchera pas.
Le sénateur Robichaud : Vous parlez de la population canadienne et je crois que celle-ci saura faire la part des choses entre ce qui est sensé et ce qui ne l'est pas. Mes collègues ont parlé du passé. Ce gouvernement, par le biais de son ministre, a fait une tentative qui a échoué. Le ministre fut remplacé et peut-être que ce nouveau ministre le sera également à son tour. La population saura faire la différence.
Que l'on parle d'action ou d'inaction, cela comportera des coûts d'une part et d'autre. Dans les modèles, on parle de changements climatiques et de ses effets sur les marées — question d'importance dans ma région — sur le climat et on parle de tempêtes. Est-ce que ces études ont traité des effets sur la santé et des coûts de l'inaction sur ce plan?
M. Rodriguez : Plusieurs études ont été réalisées, notamment celle du groupe d'experts sur les changements climatiques et d'autres organismes oeuvrant dans le secteur de la santé et pour la lutte contre les changements climatiques. On remarque déjà des conséquences désastreuses. Des millions de réfugiés climatiques devront, pour plusieurs raisons, quitter leur pays ou les zones où ils habitent, soit à cause des inondations et des changements de températures. On verra, par exemple, une recrudescence du paludisme. De grandes zones seront inondées.
On remarque déjà des changements considérables et certaines réalités dont on ne parle même pas. La culture des peuples vivant dans le Grand Nord est déjà affectée par cette réalité. Certaines personnes sont obligées de quitter leurs terres où elles ont vécu depuis toujours. Il fait nul doute que ces changements vont se produire et une partie des impacts sont désormais irréversibles.
Il faut donc agir avec courage afin de limiter les dégâts et ralentir les changements qui se produisent déjà. Ai-je dit qu'il serait facile de respecter le Protocole de Kyoto? Bien sûr que non. Ai-je parlé de solutions miracles? Non plus. Tout ce que je dis, c'est que nous devons faire preuve de force, courage et détermination. Il faut agir dès maintenant.
Ce n'est malheureusement pas ce que fait le gouvernement conservateur. Je constate plutôt qu'il nie le problème et parfois même ses causes. À mon avis, honorables sénateurs, ce projet de loi nous fournit un outil nécessaire et important pour passer aux actes dès maintenant. C'est pourquoi je vous exhorte à appuyer le projet de loi C-288 afin qu'ensemble nous puissions faire une différence, comme vous le disiez, pour nos enfants et nos petits-enfants.
[Traduction]
Le président : Merci. En raison des contraintes de temps, monsieur Rodriguez, nous allons vous écrire et je vous inviterais à répondre à nos questions écrites. Je soupçonne que nous vous inviterons peut-être à revenir puisqu'il y a d'autres membres du comité qui souhaitent vous poser des questions mais nous n'avons malheureusement plus de temps.
Notre prochain invité est arrivé. Nous allons suspendre brièvement pour donner le temps à notre prochain invité de s'installer.
Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant ce matin l'honorable ministre de l'Environnement, M. John Baird. Monsieur le ministre, merci d'être venu aujourd'hui et bienvenue également au sous-ministre, Michael Horgan. Nous sommes ravis de vous accueillir.
Monsieur le ministre, je suis sûr que vous avez des choses à nous dire au sujet du projet de loi C-288. La parole est à vous.
[Français]
L'honorable John Baird, C.P., député, ministre de l'Environnement : Monsieur le président, je crois que les Canadiens réclament des mesures concrètes en matière d'environnement. Les Canadiens veulent voir une véritable lutte aux changements climatiques et une réduction des émissions de gaz à effet de serre.
Ils veulent désespérément voir une réduction du smog et de la pollution de l'air et respirer un air plus pur. Les Canadiens exigent du leadership de la part de leur gouvernement tant au point de vue de l'assainissement de l'environnement et de la croissance économique. Ils veulent que leurs députés et leur gouvernement agissent de façon responsable sur ces deux fronts.
[Traduction]
Il y a près de trois mois, la Chambre des communes a adopté le projet de loi libéral sur l'environnement, soit le projet de loi C-288. Ce dernier oblige le gouvernement à respecter les engagements pris par le Canada en vertu du Protocole de Kyoto.
En 1997, le gouvernement libéral a signé le Protocole de Kyoto. Au cours des neuf années qui ont suivi, le Parti libéral n'a absolument rien fait pour réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada. Alors que les libéraux avaient promis de réduire de telles émissions nocives, ils n'ont rien fait et les ont laissé augmenter de façon dramatique. Voyons les faits. En 1997, lorsque le gouvernement libéral a signé le Protocole de Kyoto, le Canada dépassait sa cible de 22 p. 100. Mais la bonne nouvelle était que nous avions 15 ans pour respecter notre engagement. Lorsque les Canadiens ont opté pour le changement en 2006, le Canada excédait sa cible de 35 p. 100.
Lorsque la course a commencé il y a 15 ans, il s'agissait d'un marathon mondial de 15 ans pour réduire les gaz à effet de serre — le Canada, sous le gouvernement libéral, a commencé à courir dans la mauvaise direction.
[Français]
Je crois que le projet de loi libéral C-288 est une mesure législative irresponsable. Il ne permettrait pas à notre pays d'assurer à la fois une action environnementale audacieuse et une administration judicieuse de l'économie. Le nouveau gouvernement du Canada croit que, pour être responsable, il faut atteindre un tel équilibre. Nous avons pour objectif de prendre des mesures audacieuses en matière d'environnement, tout en faisant progresser notre économie de manière à ce que les Canadiens puissent préserver leurs emplois et bâtir un avenir prometteur pour leur pays. Je m'explique.
[Traduction]
À mon avis, à titre de gardien responsable tant de l'économie que de l'environnement, notre gouvernement est tenu de rendre compte au Parlement et aux Canadiens de toutes les conséquences de ce projet de loi. C'est pourquoi nous avons demandé à certains des économistes les plus éminents du gouvernement d'examiner le projet de loi. En outre, nous avons fait examiner et valider leur travail par certains des meilleurs économistes du Canada qui ne sont pas à l'emploi du gouvernement. Parmi ces personnes on compte notamment Jean-Thomas Bernard, professeur au département d'économie de l'Université Laval; Mark Jaccard, professeur à l'École de gestion des ressources et de l'environnement de l'Université Simon Fraser; Don Drummond, premier vice-président et économiste en chef du groupe financier Banque TD; Carl Sonnen, président d'Informetrica; et Christopher Green, professeur au département d'économie de l'Université McGill.
Les conclusions de nos économistes et de spécialistes de l'extérieur du gouvernement sont plutôt saisissantes. Je crois qu'ils jettent un éclairage plus sobre sur le projet de loi. Nos économistes ont déterminé que, pour mettre en œuvre les dispositions du projet de loi C-288, il faut que, dans huit mois à peine, chaque industrie, chaque entreprise et chaque citoyen au Canada commence à réduire du tiers ses émissions de gaz à effet de serre.
Entre autres, que nous réduisions du tiers les émissions d'essence de toutes nos voitures et les émissions de diesel de tous les camions. Que nous réduisions du tiers la consommation du gaz naturel servant à chauffer nos maisons. Que nous réduisions du tiers l'électricité utilisée pour alimenter nos lieux de travail. Que nous réduisions du tiers les émissions de toutes les usines et de tous les lieux de travail. Il n'y aurait alors qu'une façon d'y arriver : le gouvernement devrait créer de toutes pièces une récession.
Le gouvernement serait contrait d'adopter d'importantes mesures punitives pour parvenir à réaliser les baisses draconiennes d'émissions exigées dans le court délai mentionné dans le projet de loi C-288. Pour qu'elles soient efficaces, ces mesures devraient imposer des coûts à l'économie tout entière, ce qui aurait des répercussions non seulement sur les grands émetteurs industriels de gaz à effet de serre, mais encore sur les entreprises et sur les Canadiens. La réglementation visant à limiter les émissions devrait être si sévère que des usines seraient forcées, juste pour atteindre leur cible imposée dans un si court délai, d'interrompre leur production et de réduire considérablement leurs effectifs. Le prix moyen du gaz naturel ferait plus que doubler dès l'an prochain. Le prix de l'électricité devrait augmenter de plus de 50 p. 100 au cours des cinq prochaines années. Ce qui veut dire que la facture d'électricité mensuelle d'un ménage moyen au Canada qui chauffe sa maison à l'électricité passerait de 90 $ à près de 145 $. En fait, les frais d'entretien d'une maison ou d'une entreprise s'emballeraient. Le prix de tous les produits augmenterait, que ce soit l'huile de chauffage, l'électricité, l'équipement énergétique, les électroménagers et l'essence.
Pour ce qui est de l'essence à la pompe, les Canadiens paieraient plus de 60 p. 100 plus cher. Les familles canadiennes moyennes devraient s'habituer à payer plus de 1,60 $ le litre d'essence entre 2008 et 2012. Si cela n'apparaît pas comme une source de préoccupation suffisante, permettez-moi de dresser un portrait encore plus vaste de la situation.
La nature punitive de ces mesures forcerait les entreprises à réduire leur production ou à fermer leurs portes à cause de la diminution de la demande et des coûts énergétiques plus élevés. Notre analyse indique que plus de 275 000 personnes qui travaillent aujourd'hui perdraient leur emploi d'ici 2009 et seraient au chômage. Qu'est-ce que cela signifie? Imaginez, c'est comme si les travailleurs de Saint John, au Nouveau-Brunswick, de Saguenay, au Québec, et de Regina, en Saskatchewan, tous ensemble perdaient leur emploi en même temps et la capacité de subvenir aux besoins de leur famille. À mon avis, il s'agit là de répercussions massives et inacceptables pour les familles canadiennes. Les statistiques montrent que ces innombrables pertes d'emplois se traduiraient par une augmentation de 25 p. 100 du taux de chômage au Canada d'ici 2009. Cela est tout simplement inadmissible.
Mais les taux ce chômage et les coûts énergétiques plus élevés ne seraient pas les seules conséquences négatives pour les Canadiens si l'on optait pour cette voie. Le volume de l'économie du Canada chuterait de plus de 6,5 p. 100 par rapport aux projections actuelles pour 2008, ce qui représenterait une baisse de 4,2 p. 100 comparativement au niveau de 2007. Il s'ensuivrait une grave récession en 2008.
En d'autres mots... Rappelons que, lors de la récession de 1981-1982, soit la pire que le Canada ait connue depuis la Seconde Guerre mondiale, le PIB a diminué de 4,9 p. 100. En valeur réelle, la récession ainsi prédite entraînerait en 2008 un recul de l'activité économique au pays de l'ordre de 51 milliards de dollars par rapport au niveau de 2007.
Fort de ces faits, qui sont appuyés par certains des spécialistes en économie les plus respectés au pays, il nous est facile de voir les impacts dévastateurs qu'auraient des réductions d'émissions aussi draconiennes sur l'économie canadienne s'il fallait qu'elles soient appliquées à compter de janvier prochain. Et il est d'autant plus aisé de comprendre pourquoi un tel plan ne serait guère accepté par les Canadiens.
De toute évidence, il nous faut agir avec précaution et nous rappeler que la direction choisie doit nous permettre d'établir un équilibre entre la prospérité économique et la protection de l'environnement. Je vous demanderais toutefois de ne pas considérer ces critiques à l'égard du projet de loi C-288 comme une condamnation du Protocole de Kyoto. En fait, je tiens à préciser ceci : le Canada, sous notre gouverne, continue à adhérer aux principes et aux objectifs de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques et du Protocole de Kyoto. Nous acceptons nos obligations internationales et nous ferons de notre mieux.
[Français]
Nous acceptons nos obligations internationales et nous ferons de notre mieux. Nous croyons fermement en la nécessité d'une action internationale. Nous aimerions voir naître une plus grande collaboration et un plus grand leadership entre tous les grands pays émetteurs et, tout particulièrement, entre les pays du G8, plus cinq, qui regroupent non seulement les principales économies occidentales, comme celle de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Allemagne, des États-Unis, mais aussi les grandes économies émergentes telles celles de l'Inde et de la Chine.
Le nouveau gouvernement du Canada a été élu pour prendre des décisions. Le défi mondial qu'est la lutte contre les changements climatiques et le réchauffement planétaire exige des mesures concrètes. Il faut faire preuve de leadership et de détermination pour réduire les gaz à effet de serre et la pollution atmosphérique.
[Traduction]
Nous avons déjà fait des pas importants, qui attestent de notre ferme volonté d'agir, et qui produiront des résultats concrets tant pour l'environnement du Canada que pour la santé de tous les Canadiens. Nous avons dévoilé toute une gamme d'initiatives afin de favoriser les énergies propres et les transports écologiques, et de lutter ainsi contre les deux plus grandes sources de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.
Nous augmentons l'utilisation des combustibles renouvelables en adoptant des règlements et en soutenant le développement de notre industrie des biocarburants. Nous incitons les Canadiens à conduire des véhicules écologiques en leur offrant des encouragements financiers et fiscaux. Nous imposerons des normes obligatoires de consommation de carburant sur les véhicules que les Canadiens achètent. Nous appuyons le développement de sources d'énergie renouvelables, comme les énergies éoliennes et marémotrices. Nous encourageons les Canadiens à améliorer l'efficacité énergétique de leurs maisons par des mesures incitatives. Nous collaborons avec la province de l'Alberta à la création d'un groupe de travail écoÉNERGIE sur le piégeage et le stockage du carbone, qui fera des recommandations quant aux meilleures façons de capter le dioxyde de carbone des sables bitumineux et de le stocker en profondeur dans le sol. Et nous avons accordé 1,5 milliard de dollars aux provinces et aux territoires afin d'appuyer les projets concrets visant l'efficacité énergétique et la technologie ou autre qu'ils ont définies en vue d'être en mesure de réaliser de véritables réductions des émissions de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre.
Dans le budget de 2007, le gouvernement témoigne aussi de notre engagement à l'égard de l'environnement : il affecte 4,5 milliards de dollars à la salubrité de l'air et de l'eau, à la gestion des effets des substances chimiques, à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la protection de notre milieu naturel.
Ajoutés aux investissements de plus de 4,7 milliards de dollars effectués depuis 2006, ces crédits portent à plus de 9 milliards de dollars la somme totale consacrée à la préservation de l'environnement. Mais, à eux seuls, ces crédits ne sauront ni susciter les changements en matière d'efficacité énergétique, de technologie et d'innovation qui doivent se produire dans les installations industrielles, ni favoriser les investissements concomitants, pour que le Canada parvienne à faire véritablement sa part pour réduire le fardeau planétaire du dioxyde de carbone. Il s'agit donc pour nous, désormais, de mettre en œuvre des règlements qui permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques provenant des principales sources industrielles, tout en veillant à ce que notre économie continue de prospérer.
Notre gouvernement ne peut être responsable de l'inaction et des erreurs commises par le gouvernement antérieur. Mais nous pouvons nous sortir de ce bourbier et nous le ferons. En ne faisant rien pour réduire les émissions de gaz à effet de serre nocives, le gouvernement antérieur s'est trop concentré sur l'économie. Maintenant, avec le projet de loi actuel, les libéraux se concentrent entièrement sur l'environnement en ne tenant pas compte des répercussions économiques pour les familles et les entreprises canadiennes.
Pendant que l'industrie propose des mesures minimales et les environnementalistes, la perfection, le problème ne fait que s'aggraver. Il est temps que le gouvernement du Canada passe à l'action. Et c'est ce que nous nous proposons de faire.
Nous présenterons bientôt notre cadre réglementaire pour les émissions atmosphériques du secteur industriel. Notre stratégie produira des réductions concrètes de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. Elle comportera des règles et des règlements plus sévères, qui obligeront l'industrie canadienne à réduire les émissions polluantes qui menacent la santé des Canadiens et provoque des changements climatiques. Pour la première fois dans notre pays, nous disposerons d'une véritable stratégie, d'une stratégie concrète et réaliste de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques.
Si nos citoyens avaient en main toutes les données, je me demande s'ils ne préfèreraient pas un plan plus réaliste que celui proposé dans le projet de loi libéral C-288. Un plan qui leur permettra de maintenir une qualité de vie qui est le fruit de leurs durs labeurs... un plan qui les associe pleinement à la résolution des problèmes sans pour autant vider leurs poches. Il va sans dire que les Canadiens devront faire certains ajustements. Nous devons tous assumer une plus grande part de responsabilité. Et nous croyons que les Canadiens sont prêts à le faire. Nos concitoyens veulent que des mesures soient prises sans délai dans le domaine de l'environnement, et ils sont disposés à y mettre toute l'énergie qu'il faut, dans la mesure du raisonnable.
Mais qu'est-ce qui est raisonnable? Où est la ligne du raisonnable? Les Canadiens s'attendent à ce que nous gérions ces questions de façon raisonnable, d'une manière équilibrée qui permet tout à la fois de réduire les gaz à effet de serre et de maintenir la croissance économique. D'après ce que nous savons, le projet de loi C-288, qui prévoit des réductions draconiennes d'émissions dès janvier prochain, n'est pas la solution recherchée. Le compte n'y est pas.
Par ce projet de loi, les libéraux cherchent imprudemment à palier 10 années de mauvaise politique gouvernementale par 10 autres années de mauvaise politique économique. Voilà justement pourquoi notre gouvernement doit s'employer à tracer une voie plus réaliste. Une voie plus équilibrée, assortie de buts concrets mais réalistes.
Notre approche suscitera-t-elle l'adhésion de tous? Probablement pas. Certains environnementalistes extrêmes diront probablement qu'elle est trop molle. L'industrie dira sans doute qu'elle est trop sévère. Mais voilà. Il faut bien que quelqu'un prenne l'initiative, et cette responsabilité incombe au nouveau gouvernement du Canada. Nous avons été élus pour prendre des décisions difficiles au nom de tous les Canadiens. Nulle question de les esquiver. À titre de législateurs, nous avons le choix. Nous pouvons nous servir de l'environnement à des fins politiques. C'est la voie que propose le projet de loi C-288. Ou nous pouvons adopter le chemin de l'équilibre, la voie mieux adaptée qui nous permet de prendre des mesures rigoureuses pour améliorer l'environnement tout en travaillant résolument à la croissance de notre économie et à la préservation des emplois des Canadiens. C'est donc cette direction qu'entend prendre notre gouvernement.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
Honorables sénateurs, nous ne sommes pas limités par le temps dont dispose le ministre, mais par le fait que la salle doit être libérée à une heure précise, au plus tard à 10 h 25.
Pour cette raison, je devrai de nouveau user d'une pratique inhabituelle à cet endroit, c'est-à-dire demander à chaque sénateur de ne poser qu'une seule question au ministre durant le premier tour de table, au lieu d'une question qui en contient trois. Il y aura ensuite un second tour de table. J'espère que cela convient à tout le monde.
Le sénateur Kenny : Monsieur le président, je m'y oppose. Je vais renoncer à mon tour afin que des sénateurs puissent poser des questions supplémentaires raisonnables. Si nous entendons le ministre, il n'est pas logique de nous dire que nous ne pouvons poser qu'une seule question. Ce n'est pas la coutume au Sénat et ce n'est pas la bonne façon d'examiner ce projet de loi.
Le président : C'est vrai, et c'est extrêmement inhabituel; mais compte tenu des circonstances, je vais malheureusement devoir imposer cette limite afin que chacun ait la possibilité de poser une question. J'espère que nous aurons le temps de faire un second tour de table.
Le sénateur Cochrane : Monsieur le ministre, nous savons que vous êtes très occupé et nous sommes heureux que vous puissiez nous consacrer une heure et demie de votre temps. Nous vous remercions d'être venu nous rencontrer.
Je suis préoccupée par l'environnement et je suis également préoccupée quand vous utilisez le mot « récession ». Je viens de Terre-Neuve-et-Labrador. Nous sommes très inquiets actuellement en ce qui concerne les emplois et l'économie.
Ma question est la suivante : depuis bon nombre d'années, les Canadiens se sont habitués à entendre beaucoup de discours mais à ce qu'aucune mesure ne soit prise dans le domaine de l'environnement.
Le fait est que sous le régime du gouvernement libéral précédent, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté au lieu de diminuer. Cela nous inquiète tous.
En votre qualité de ministre de l'Environnement, avez-vous un plan en vue de réduire les émissions de gaz à effet de serre à court terme, quand les Canadiens peuvent-ils s'attendre à être davantage informés de ce plan et que contiendra ce plan?
M. Baird : Au cours des derniers mois, j'ai présenté des initiatives en matière de transport. Nous avons en outre présenté des initiatives en matière d'efficacité énergétique, de sciences et de technologie. Nous avons inclus des initiatives dans notre budget. Pour la toute première fois, nous allons chercher la collaboration des provinces, ce qui ne s'était jamais fait auparavant.
Le sénateur Robichaud : Vous êtes vraiment allé chercher la collaboration des provinces.
M. Baird : Nous travaillons de concert avec toutes les provinces. Nous avons des initiatives souples qui satisfont aux besoins différents des différentes provinces. Les mesures prises en Alberta auront des effets différents si elles sont appliquées au Nouveau-Brunswick. Il en va de même de l'Ontario et de la Colombie-Britannique.
Cependant, l'élément-clé de ce plan ou de cette stratégie générale consiste à viser plus particulièrement les 47 p. 100 d'émissions du secteur industriel. Nous produirons prochainement une stratégie en vue de réglementer les grands émetteurs finaux, les 700 grands émetteurs du pays, au moyen d'une réglementation d'application obligatoire en matière de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques. C'est une première dans l'histoire canadienne. Ce plan sera présenté sous peu. Le Canada sera ainsi positionné comme chef de file mondial afin de démontrer que nous prenons non seulement ces questions au sérieux, mais aussi que nous sommes prêts à agir, et que nous agirons de façon responsable tout en protégeant les emplois et la qualité de notre environnement.
Le sénateur Cochrane : Cela sera annoncé bientôt?
M. Baird : Oui, très bientôt.
Le sénateur Dawson : Monsieur Baird, je me souviens que l'été dernier, on disait que les mesures législatives adoptées par la Chambre des communes devraient être adoptées par le Sénat le plus rapidement possible, puisqu'elles représentaient la volonté de la population. Je suppose que cette même logique ne s'applique pas à toutes les mesures législatives qui vous sont présentées, monsieur Baird.
On nous a dit à d'autres occasions que le ciel allait nous tomber sur la tête. Les convertisseurs catalytiques sonneraient le glas de l'industrie automobile et ensuite, si nous n'arrivions pas à lutter contre les pluies acides, le secteur forestier périrait. Le ciel va nous tomber sur la tête. Nous avons vu le film Une vérité qui dérange, mais dans ce cas-ci, il s'agit plutôt du mensonge qui arrange. Chaque fois que nous parlons des changements écologiques, on nous dit que l'économie sera détruite. Ce n'était pas vrai en 1960 et en 1970, et ce ne l'est pas davantage en 2000.
Cela dit, je suis impressionné : 1 000 $ par Canadien, 4 000 $ pour une famille de quatre personnes. Est-ce bien la logique qui sous-tend l'économie, chaque personne aura-t-elle un foyer? Chaque personne aura-t-elle une automobile? Chacun possédera-t-il un appareil de chauffage? Les Canadiens auront-ils tous le même niveau de production? Une économie aussi forte que celle-là justifiait les énormes investissements qui ont été faits.
Nous allons devoir examiner tout cela au cours des prochaines semaines, monsieur le président, car le document est très volumineux. Pourquoi, dans l'analyse que vous nous avez présentée, ne trouve-t-on nulle part un exposé de ce qui se produira si nous permettons aux choses de continuer comme elles sont maintenant? Quelles seront les conséquences? Nous n'en trouvons pas d'indice dans votre témoignage.
M. Baird : Personne ne préconise l'inaction. Nous préconisons certaines des mesures les plus radicales au monde. Si le problème était aussi simple et facile à régler, je suppose que le gouvernement précédant l'aurait résolu, mais nos émissions ont augmenté au lieu de diminuer. Il vous faudra vous demander pourquoi Stéphane Dion n'a pas appuyé davantage de mesures de ce genre au cabinet, comme certains de ses collègues du cabinet l'ont dit. Il semble que c'est parce qu'il ne voulait pas se mettre à dos les provinces.
Une ancienne ministre de l'Environnement, Christine Stewart, a déclaré qu'elle n'arrivait pas à obtenir un traître sou de Paul Martin, lorsqu'il était ministre des Finances. À mon avis, l'approche du gouvernement précédant était trop centrée sur l'économie, et le projet de loi C-288 est trop centré sur l'environnement. Les Canadiens veulent une approche équilibrée. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, honorables sénateurs, vise davantage à sauver la face qu'à protéger l'environnement.
Le sénateur Spivak : La société Suncor Energy, par exemple, a déclaré qu'elle pouvait atteindre les objectifs de Kyoto, et les producteurs de produits chimiques ont réduit leurs émissions de 43 p. 100. Ils ne sont pas au bord de la faillite.
Les hypothèses que l'on trouve à la page 25 de votre analyse contiennent de nombreuses mises en garde. Je suppose que le ministère a fait de nombreuses analyses sur les effets de l'accord de Kyoto sur l'économie, et il nous serait très utile de pouvoir les consulter. Seriez-vous prêt à nous en communiquer certaines?
M. Baird : Je suis prêt à vous remettre tout ce que nous avons à notre disposition. Toutefois, si vous parlez à M. Rick George, qui dirige Suncor Energy, il vous dira que l'affirmation que vous venez de faire n'est pas exacte. Je vous encourage à communiquer avec lui. Je suis sûr qu'il pourra envoyer une lettre au comité pour vous expliquer que ce n'est pas le cas.
Bon nombre d'associations industrielles nous disent que nous avons déjà dépassé nos objectifs de Kyoto. Je me demande bien pourquoi. Est-ce parce qu'un grand nombre d'usines de pâtes et papiers ont fermé leurs portes au Canada? Cela n'est pas dû à des mesures visant expressément à réduire les émissions de gaz à effet de serre. Dans le secteur des produits chimiques, une société, DuPont, a déployé des efforts extraordinaires pour modifier ses procédés. C'est la seule société qui ait vraiment résolu le problème. Cette société a assumé elle-même la responsabilité de réduire ses émissions. C'est pour cette raison que nous imposerons des objectifs rigoureux de réduction des émissions qui obligeront tous les grands émetteurs industriels à faire leur part.
Le président : La société 3M l'a fait également. Nous avons reçu une invitation de Suncor Energy. Cette société comparaîtra devant le comité.
Le sénateur Mitchell : Merci d'être venu. Permettez-moi de dire brièvement qu'à mon avis, vous n'offrez pas de leadership. Vous acceptez le problème, si c'est le cas, ainsi que les connaissances scientifiques, puis vous devez fournir le leadership. Votre évaluation de la capacité des Canadiens de relever de grands défis est diminuée, et vous avez peut-être raison de dire que vous n'êtes pas en mesure de diriger leurs efforts.
Si vous regardez ce que les Canadiens ont fait pour restructurer l'économie en 1939, pour gagner la guerre, il est intéressant de constater que ces mesures n'ont pas ruiné l'économie. Aujourd'hui, vous parlez de dépenser des milliards de dollars à l'achat de chars d'assaut, d'hélicoptères et de munitions, dans le cadre d'un effort de guerre, et cela ne nuit pas à l'économie. En fait, cela a pour effet de stimuler l'économie, même si ce sont pour de mauvaises raisons. Il faut avouer que ce genre d'investissement stimule l'économie, mais vous dites que les investissements dans l'environnement, dans l'avenir et dans la solution aux changements climatiques, les efforts pour atteindre ce grand objectif de Kyoto, ont des effets négatifs sur l'économie. C'est ce que vous dites dans cette étude. Cette étude est typique des gens qui défendent les mêmes arguments que vous, car elle est truquée. Elle réfute toutes hypothèses quant aux effets positifs que pourrait avoir une bonne politique environnementale sur l'économie et la croissance; elle nie que des emplois sont créés grâce aux nouvelles technologies et aux gains d'efficacité qui, à leur tour, accroissent la productivité.
Comment pouvez-vous fonder vos conclusions quant aux effets négatifs sur l'économie sur une étude dans laquelle on avoue que cette analyse ne peut tenir compte de façon crédible de technologies qui auront des effets transformateurs à long terme comme le piégeage et le stockage du carbone?
Cette initiative essentielle aura des effets bénéfiques énormes pour l'économie et la stimulera grandement. Cette analyse ne peut tenir compte des effets de projets d'infrastructures énergétiques à long terme sur les émissions. Comment, sinon, appliquerait-on l'accord de Kyoto? Il faut des projets d'infrastructures énergétiques à long terme. Je pourrais en dire davantage. Cette étude est truquée, et tout ce qu'elle révèle, c'est à quel point vous réussissez à manipuler les médias. En fait, si cette manipulation pouvait produire de l'énergie, nous aurions là une source d'énergie de rechange.
Le président : Sénateur Mitchell, veuillez poser une question.
Le sénateur Mitchell : Je voudrais savoir comment le ministre peut tirer une telle conclusion alors qu'il déclare que l'étude est incomplète. Comment peut-il souligner que l'étude révèle des effets négatifs? D'après ce qu'il dit, cette analyse ne saurait tenir compte de façon crédible des technologies qui auront des effets transformateurs à long terme comme le piégeage et le stockage du carbone.
Comment peut-on en tirer une telle conclusion, si l'étude ne tient pas compte de tels éléments?
M. Baird : Je devrai rendre compte aux électeurs de toutes les mesures que je prends en tant que ministre et député. En Alberta, il en ira de même bientôt pour la Chambre haute.
Vous avez parlé du stockage du carbone. Dans ce projet de loi, le Protocole de Kyoto s'applique à la période de 2008 à 2012. Existe-t-il une seule personne sur toute la planète, dans tout le pays, qui croit que nous puissions piéger et stocker le carbone à court terme? Le Protocole de Kyoto parle de la période de 2008 à 2012.
Le sénateur Mitchell : J'en connais une. Le premier ministre vient d'investir 150 millions de dollars dans notre pipeline pour piéger le carbone.
Le président : N'entamons pas cette discussion.
Le sénateur Mitchell : Eh bien, il m'a posé la question.
M. Baird : Personne ne croit que cette technologie puisse être déployée de façon importante à court terme, en moins de huit mois.
Le sénateur Mitchell : Le premier ministre le croit, lui.
M. Baird : Nous prenons des mesures importantes dans ce domaine, alors que le gouvernement précédent ne l'a pas fait. Vous pourrez peut-être en parler à votre prochaine intervention? Nous espérons mettre sur pied de grands projets commerciaux de piégeage et de stockage du carbone, mais cela ne se fera pas dans les huit prochains mois ni dans les quatre prochaines années. Ce sera possible en 2012 ou en 2015, mais cela dépasse la portée de ce projet de loi. On ne peut pas considérer que le projet de loi C-288 propose de bons investissements et de bons choix, car il s'applique exclusivement à la période qui précède 2012.
Je vous exhorte à lire le Protocole de Kyoto et à vous rendre compte que ces décisions devraient être prises et appliquées en moins de huit mois. Personne ne croit qu'on peut apporter une réduction d'autant de mégatonnes.
Dans les Débats du Sénat, on peut lire que vous avez dit ce qui suit :
Pour atteindre notre objectif de réduction de 270 mégatonnes d'ici 2012, il en coûterait entre 10 milliards de dollars et 20 milliards de dollars. J'ai étudié ces chiffres et ils m'apparaissent raisonnables.
Nous consacrons 9 milliards de dollars en nouvelles dépenses au titre de l'environnement, ce qui est certes supérieur à ce qu'a fait le gouvernement précédent.
Le sénateur Mitchell : Vous avez bien dit « raisonnables »?
M. Baird : Ce sont des chiffres raisonnables.
Le sénateur Mitchell : Ils sont raisonnables, c'est bien ce que je dis.
M. Baird : Vous voudriez que ce soit plus de 20 milliards de dollars?
Le sénateur Mitchell : Non. Je dis qu'ils sont raisonnables.
M. Baird : M. McGuinty a dit qu'il en coûterait 40 milliards de dollars et que les Canadiens « crieraient au meurtre » lorsqu'ils constateraient les coûts. Ce n'est pas moi qui le dis. C'est une affirmation du porte-parole libéral en matière d'Environnement. C'est sans parler de Michael Ignatieff, qui a dit que le gouvernement précédent n'a pas fait le travail nécessaire. Notre gouvernement acceptera ses responsabilités et fera ce qu'il faut pour la population canadienne et notre environnement.
Le sénateur Mitchell : Continuez votre propagande, monsieur Baird.
M. Baird : Il vous faudra beaucoup d'énergie pour mener une campagne électorale, sénateur.
Le sénateur Angus : Il en serait capable et il l'a déjà fait.
Le président : Il l'a déjà fait et il a été élu.
M. Baird : J'ai dû le faire également pour être ici.
Le sénateur Angus : Nous sommes ici pour examiner le projet de loi C-288. On peut supposer que vous seriez satisfait de nous voir rejeter ce projet de loi et de le voir mourir au Feuilleton. C'est ce que vous préféreriez. Compte tenu de cela, je cherche une solution de rechange.
David Suzuki, que nous connaissons tous, a déclaré récemment qu'il était d'accord avec le gouvernement conservateur sur le fait que les libéraux n'ont pas pris les mesures rigoureuses qui étaient nécessaires pour atteindre l'objectif de Kyoto. Vous en avez déjà parlé. Votre gouvernement et vous-même êtes-vous prêts à prendre ces décisions difficiles que les libéraux n'ont pas eu le courage de prendre?
M. Baird : Je crois que oui.
Le sénateur Angus : Quelles seraient ces décisions?
M. Baird : Grâce à nos plans, le Canada disposera d'un programme complet de réduction des gaz à effet de serre. Nous acceptons les responsabilités que nous devons assumer en application du Protocole de Kyoto pour ce qui est de faire tous les efforts possibles afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Nous le ferons dans un contexte global. Nous ferons plus que tout autre gouvernement auparavant, mais nous ne pouvons pas remplacer une mauvaise politique environnementale par une mauvaise politique économique. À mon avis, les Canadiens souhaitent que nous ayons une approche équilibrée. Les Canadiens veulent que notre pays soit un chef de file mondial, tant à l'échelle nationale qu'internationale. Trop souvent, nous avons dépensé des sommes énormes à faire la leçon aux autres pays alors qu'ici, nos actes ne correspondaient pas à nos discours.
Nous avons à cœur de prendre des mesures concrètes. Les règlements visant l'industrie seront rigoureux, et même si l'industrie et les écologistes ne sont pas d'accord, il nous incombe à titre de gouvernement élu d'agir et de diriger les efforts.
Le sénateur Kenny : Monsieur Baird, vous ne pouvez pas tout avoir. Vous critiquez le gouvernement précédent en disant qu'il avait une mauvaise politique économique, mais pourtant, votre gouvernement et les Canadiens bénéficient de l'économie la plus forte que le Canada ait jamais connue. Nous avons enregistré une série d'excédents budgétaires et nous avons obtenu de bons résultats du point de vue de l'économie. Et il n'est pas logique de dire que la proposition libérale serait mauvaise pour l'économie et qu'il faut revenir en arrière.
J'aimerais que vous disiez quel article du projet de loi exige que les émissions de gaz à effet de serre soient réduites d'un tiers à compter d'une période de huit mois et que vous conciliez cela avec l'un des exemples que vous nous avez donnés, qu'il s'agisse du taux de chômage de 25 p. 100, de l'augmentation du tarif de l'électricité de 50 p. 100, ou encore de l'augmentation de 60 p. 100 du prix de l'essence. Veuillez nous expliquer comment vous en arrivez à ces chiffres. Des déclarations semblables sans fournir d'explications, cela ressemble beaucoup à vouloir semer la peur.
Pour la gouverne du comité, choisissez l'exemple que vous voulez et expliquez-le nous. Dites-nous comment vous en arrivez à de telles augmentations.
M. Baird : Je vous encourage à lire le document intitulé Coût du projet de loi C-288 pour les familles et les entreprises canadiennes.
Prenons l'exemple d'une province qui consomme beaucoup de carburants fossiles pour la production d'électricité. La Nouvelle-Écosse obtient quelque 80 p. 100 de son électricité à partir du charbon. S'il fallait exiger que la Nouvelle- Écosse réduise d'un tiers sa dépendance aux carburants fossiles pour la production d'électricité dans un délai de huit mois, les prix monteraient en flèche ou les gens se retrouveraient sans électricité.
Le sénateur Kenny : Comment avez-vous fait ce calcul?
M. Baird : Tout cela se trouve dans le document, sénateur.
Le sénateur Kenny : Veuillez nous indiquer à quelles pages.
M. Baird : Lisez le document, c'est très clair. Vous avez demandé un exemple précis, et je l'ai expliqué. L'échéancier de mise en œuvre de l'accord de Kyoto se trouve dans le titre du projet de loi. On n'a pas à aller plus loin que les premiers mots du projet de loi. On y dit que les obligations découlant du Protocole de Kyoto seront respectées. Le Protocole de Kyoto précise que ces obligations commencent à s'appliquer en 2008 et vont jusqu'en 2012, en moyenne.
Je me souviens que quand j'étais ministre de l'Énergie en Ontario, le chef de l'opposition avait promis de fermer toutes les centrales au charbon dans un délai de quatre ans. Aucun Ontarien ne l'a cru. Nous sommes maintenant en 2007, et le gouvernement n'a encore fermé aucune centrale au charbon.
Il faut contester les discours qui ne correspondent pas aux faits. Je ne crois pas qu'on puisse en arriver à cette moyenne dans un délai de huit mois. Je ne crois pas que l'on puisse prendre des mesures aussi rapides en ce qui a trait à la production d'électricité. En Ontario, 20 p. 100 de la production d'électricité dépend du charbon; en Saskatchewan, la proportion est de 70 p. 100.
De telles mesures pourraient avoir des effets environnementaux pervers. Au Canada, nous pourrions réduire notre production d'électricité à partir du charbon, mais il faudrait pour cela importer de l'électricité produite à partir du charbon de façon polluante aux États-Unis. La qualité de l'air sera tout aussi mauvaise et les émissions de gaz à effet de serre doubleront. Les prix doubleront également. Une telle mesure n'est pas dans l'intérêt des Canadiens, non plus que de l'environnement. Nous voulons progresser au moyen d'une approche équilibrée.
S'il était si facile et si simple d'atteindre l'objectif de Kyoto, pourquoi le gouvernement libéral a-t-il échoué, même s'il a eu 10 ans pour le faire. Pour reprendre une analogie que j'ai déjà utilisée, l'accord de Kyoto était un marathon de 15 ans pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, mais lorsque le coup de départ a été lancé, le Canada a commencé à courir dans la mauvaise direction.
Vous devez vous rendre compte que nous ne pouvons plus faire les choses comme par le passé. Le projet de loi libéral dont nous sommes saisis vise davantage à sauver la face qu'à protéger l'environnement.
Le sénateur Kenny : Monsieur le président, on ne m'a laissé poser qu'une question. J'ai demandé au ministre de nous donner un exemple et de nous expliquer ses calculs. Il n'a pas choisi d'exemple et n'a expliqué aucun calcul. Il essaie de faire peur au comité et il ne peut prouver aucun des renseignements qui nous ont été présentés.
Le sénateur Angus : Foutaise.
Le sénateur Kenny : On ne peut pas se limiter à une seule question, monsieur le président, car il essaie de contourner la question.
Le sénateur Angus : Pas du tout.
Le sénateur Kenny : Il fait des effets de manche. Il sème la peur et tente d'effrayer les Canadiens.
Le sénateur St. Germain : C'est vous qui semez la peur, vous et vos collègues libéraux.
Le sénateur Kenny : Monsieur le ministre, je vous ai demandé un exemple.
M. Baird : Je vous ai donné l'exemple très clair de la production d'électricité à partir des carburants fossiles.
Le sénateur Kenny : Expliquez-nous comment vous en arrivez à ce chiffre de 50 p. 100.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, j'ai une question à poser.
M. Baird : Ces chiffres sont confirmés par les experts de la fonction publique. Cinq ou six économistes éminents du Canada ont déclaré que les renseignements que je vous ai communiqués sont justes et raisonnables.
Le sénateur Kenny : Expliquez-nous cela; décrivez-nous chacune des étapes. C'est une question raisonnable.
M. Baird : Je parlerai plus lentement la prochaine fois que je répondrai à une question.
Le président : Monsieur le ministre, j'imagine que vous avez pris note de la question. Je vous demanderais donc, à la lumière des documents que vous nous avez remis aujourd'hui, de faire parvenir votre réponse à la greffière. Pourriez- vous nous montrer un des exemples et les calculs précis qui ont conduit à vos conclusions, qui sont très précises. Il faut que le comité puisse comprendre exactement comment vous êtes arrivé aux conclusions. J'ai parcouru les documents que vous nous avez remis aujourd'hui et je ne vois nulle part les formules qui aboutissent à ces conclusions. Accepteriez-vous de le faire pour le comité?
M. Baird : Volontiers. Je vais demander à des fonctionnaires de venir vous l'expliquer.
Le président : Nous allons sans doute fouiller davantage la question.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présentation. Je ne sais pas si je devrais rire ou pleurer, mais à première vue, ce document frise le ridicule. Je me demande de quelle façon vous auriez pu écrire un rapport plus négatif que celui que vous nous présentez. Je dis bien à première vue.
Puisque vous aimez parler du passé, j'aimerais savoir de quelle façon votre discours est différent de celui de votre prédécesseur et dans quelle direction votre prédécesseur s'est-il mis à courir lorsque vous avez pris le pouvoir au ministère de l'Environnement. J'aimerais que vous me situiez.
M. Baird : Mon prédécesseur a annoncé notre intention de réglementer l'industrie en octobre dernier. Nous travaillons très fort. Nous recevons des avis de groupes environnementaux et nous consultons aussi l'industrie.
Nos intentions sont beaucoup plus précises pour les cinq prochaines années. Mon prédécesseur a annoncé 5 milliards de dollars l'année dernière. Nous avons travaillé plus fort et nous recevons 4,5 milliards de dollars supplémentaires.
[Traduction]
Nous avons pu faire fond sur les mesures. Au début janvier, le premier ministre a déclaré que les Canadiens voulaient que nous fassions davantage. Nous avons entendu cet appel et nous ajoutons aux initiatives de l'an dernier. J'assumerai la responsabilité des actes de mon gouvernement dans l'année qui vient de s'écouler si les membres de l'autre parti acceptent la responsabilité de l'inaction des 10 dernières années.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Vous n'avez pas le choix de prendre la responsabilité relativement à ce que le gouvernement fait, surtout sur le plan de l'environnement. Si je comprends bien, votre prédécesseur ne courait pas dans la même direction. La seule différence, c'est que vous parlez plus fort.
[Traduction]
M. Baird : L'argent parle fort et 4,5 milliards de nouveaux crédits, ce n'est pas rien. Pour la première fois, nous travaillons avec les provinces. J'ai fait une annonce au Manitoba en compagnie du premier ministre Gary Doer, qui a dit ne jamais avoir reçu le moindre sou du gouvernement précédent pour combattre les changements climatiques.
Nous avons réussi à collaborer avec les provinces et les territoires d'un bout à l'autre du pays. Les territoires ont reçu davantage de fonds que ce qui était prévu à l'origine. Cela comprend maintenant l'adaptation. Nous avons accompli beaucoup mais il reste encore des choses à faire. Nous allons compléter ce que nous avons fait dans l'année écoulée au moyen du régime de réglementation de l'industrie, qui sera sérieux et important. Ce sera un plan honnête que l'on pourra réaliser.
Je vais revenir sur notre engagement au sujet des centrales au charbon. Pendant la dernière législature, le chef de l'opposition en Ontario s'est engagé auprès de tous les Canadiens à éliminer le charbon sale, mais il n'avait aucun plan pour y parvenir. Plus de 20 p. 100 de l'électricité produite en Ontario provient encore du charbon.
Je ne vais pas faire une promesse que je ne peux pas tenir. Celles que nous avons faites, nous allons les tenir.
Le sénateur Tkachuk : À propos du gouvernement libéral, M. Eddy Goldenberg, chef de cabinet de l'ancien premier ministre Chrétien, a dit ceci :
Pas plus que le gouvernement lui-même avec ce qu'il y avait vraiment à faire. Les cibles de Kyoto étaient extrêmement ambitieuses et c'est tout à fait possible qu'au bout du compte, les objectifs à court terme doivent être repoussés.
Je trouve renversant que le conseiller du premier ministre, au moment de signer le Protocole de Kyoto, avoue ne pas avoir eu l'intention d'atteindre les cibles. Il se rendait compte, semble-t-il, que vu l'information disponible à l'époque, il ne serait pas possible d'atteindre les objectifs. À la Conférence de l'ONU sur les changements climatiques tenue à Montréal, les pays membres n'ont pas réussi à s'entendre sur des cibles obligatoires d'émissions après 2012, date à laquelle prend fin le Protocole de Kyoto.
J'aimerais que vous nous parliez de la responsabilité de l'ancien gouvernement libéral, qui a pris ce genre d'engagement sachant pertinemment bien à l'époque, comme le montre cette déclaration, qu'il n'avait nullement l'intention de tenir parole. De toute évidence, l'information disponible à l'époque montre que ce n'était pas possible.
Le sénateur Kenny : Monsieur le président, nous étudions ici le projet de loi et il pose une question à propos de ce qu'a dit l'ancien gouvernement libéral. Sa question est parfaitement irrecevable.
Le président : Monsieur le ministre, pourriez-vous répondre à la question sous l'angle du projet de loi C-288 étudié par le comité?
M. Baird : Elle va directement au vif du sujet quand on parle dans l'abstrait de pouvoir accomplir quelque chose que personne n'a l'intention d'accomplir. Le député libéral de l'actuelle Chambre des commune a dit en février, il y a à peine deux mois : « Nous sommes tellement en retard pour respecter nos engagements de Kyoto, à l'heure actuelle, qu'il est impossible de rattraper le temps perdu sans paralyser le pays. » Ce n'est pas John Baird qui parle; c'est un membre éminent du caucus libéral qui a tenu ces propos en février. Ni M. Chrétien ni M. Martin n'ont apporté le soutien nécessaire aux ministres de l'Environnement qui se sont succédé, comme Christine Stewart, qui a déclaré que M. Chrétien n'avait pas « pigé » l'environnement et qu'il lui avait été impossible d'obtenir des fonds de M. Martin. M. Anderson a beaucoup insisté sur ce point mais n'a pas reçu d'appui de gens comme Stéphane Dion dans ce dossier. C'est important.
J'ai une autre promesse d'un député libéral : « J'ai le plaisir d'annoncer à la Chambre...
Le sénateur Kenny : Monsieur le président, cela n'est pas en rapport avec le projet de loi dont nous sommes saisis. C'est irrecevable.
Le président : Monsieur le ministre, est-ce que ce que vous lisez porte expressément sur le projet de loi C-288?
M. Baird : Oui.
Le président : Pourriez-vous nous dire en quoi?
M. Baird : Laissez-moi terminer et vous verrez. Je répète.
Je suis heureux de dire à la Chambre que le gouvernement du Canada respectera et dépassera même ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre dans ses propres activités.
L'objectif était de ramener ces émissions à 20 p. 100 de moins que les niveaux de 1990 avant 2005. Évidemment, cela ne s'est pas fait. Il y a un schéma de promesses faites non tenues tout à fait pertinent au débat sur le projet de loi.
Le président : Je n'en suis pas sûr.
Le sénateur Tkachuk : Monsieur le président, j'aimerais dire quelque chose. Quand le témoin précédent a demandé la parole, la moitié de son temps a été consacrée à ce que M. Baird pourrait dire au lieu de parler du projet de loi C-288. Il a comparé ce que notre gouvernement fait à ce que le gouvernement libéral faisait. Ça lui retombe maintenant sur le nez. Si son témoignage s'était limité au projet de loi C-288, je suis convaincu que M. Baird aurait fait de même.
Le sénateur Dawson : Je préciserai que tout ce qu'a « prédit » le témoin précédent s'est avéré.
Le président : Ce n'est pas de cela qu'il s'agit et ce n'est pas une question. Sénateur Adams, vous avez la parole.
Le sénateur Adams : Les changements climatiques m'inquiètent. On fait trop de politique ici ce matin.
Ceux d'entre nous qui habitent au Nunavut s'inquiètent du changement climatique à cause de ses nombreux effets : la chasse, les déplacements et la nature. Nous voyons bien que le climat change parce que le temps change chaque année.
J'y étais la semaine dernière et il n'y avait presque pas de neige au sol. La neige est différente aujourd'hui. Normalement, à cette époque de l'année, il y a des caribous et le sol est recouvert de neige ferme. Elle a fondu et le sol est tout détrempé.
J'ai fait des recherches là-dessus. Je n'ai pas suffisamment de copies pour en donner à tout le monde mais je peux en remettre une à la greffière. Les habitants du Nunavut et des territoires veulent savoir ce qui se passe. Nous-mêmes, à voir l'eau et la glace dans les lacs et sur terre, nous savons que tout est en train de changer. Il est maintenant parfois dangereux de voyager. Ce n'est plus comme avant. Avant, on pouvait se tenir sur la glace mais ce n'est plus possible parce que la glace des mers bouge. On ne peut plus se déplacer en motoneige sur terre. C'est trop dangereux.
Le premier ministre a annoncé à Montréal il y a à peu près un mois qu'il allait affecter 150 millions de dollars de plus à l'étude sur le changement climatique. Va-t-on aussi étudier les changements dans l'Arctique?
M. Baird : Une des choses les plus inquiétantes à propos du réchauffement planétaire, c'est qu'il se fait sentir de manière extrêmement inégale dans le monde. Le prix à payer sera beaucoup plus lourd pour le Canada que pour les États-Unis et pour le Nord canadien que pour le Canada méridional.
Je ne pense pas qu'on ait besoin d'étudier beaucoup plus la science du changement climatique. Elle est universellement acceptée, je crois. Comme les autres pays du G8, nous acceptons les éléments scientifiques. Il faut maintenant se concentrer sur les mesures d'adaptation pour comprendre ce qui se passe.
Nous nous préoccupons en particulier de récits qui nous ont été faits, par exemple, du cas des écoles qui glissent de leurs fondations là où le pergélisol fond et des dégâts considérables causés aux infrastructures, comme les autoroutes.
Le rapport récent venant de Belgique au sujet des effets du changement climatique exige que l'on se concentre sur l'adaptation et l'atténuation. La première grande conclusion du rapport, toutefois, est que la priorité doit aller aux mesures destinées à combattre, réduire et ralentir le changement climatique dans le monde.
Il ne fait pas de doute que c'est notre priorité. Nous avons beaucoup investi dans l'Année polaire internationale, qui favorisera la réalisation de plus de travaux scientifiques dans le Grand Nord. Nous avons déjà commencé à investir dans les trois territoires. Les investissements étaient censés être déterminés en fonction de la démographie, et les trois premiers ministres en ont réclamé davantage. Nous nous sommes entendus avec eux et avons accordé 5 millions de dollars à chacun, en les autorisant à s'en servir aussi pour l'adaptation.
Nous devons prendre des mesures supplémentaires au sujet de l'atténuation et de l'adaptation. Nous y travaillons actuellement, le but étant de donner suite aux annonces que nous avons faites il y a environ six semaines au sujet de l'Année polaire internationale.
Dans le Nord et dans l'Arctique, les difficultés sont grandes. Avec la fonte des glaces, cet écosystème fragile pourrait souffrir de l'augmentation de la navigation. Nous avons pris des initiatives importantes ces deux derniers mois et vous verrez d'autres mesures.
Il faut comprendre que l'Arctique et le Grand Nord assument une plus grande partie du fardeau que toute autre partie du Canada ou du reste du monde. Cela ne fait que souligner l'importance d'agir.
Le sénateur St. Germain : Merci d'être venu ce matin, monsieur le ministre, pour nous présenter une approche équilibrée et pragmatique de la situation. Je sais que le discours hypocrite libéral coule à flots ici ce matin et je pense que les Canadiens veulent savoir si le projet de loi C-288 créera une obligation financière directe pour le gouvernement fédéral s'il est adopté.
Historiquement, d'après mon expérience — ayant comme vous été député à la Chambre des communes — si c'est le cas, comment concilions-nous ceci? J'ai toujours cru qu'un projet de loi d'initiative parlementaire ne pouvait pas être un projet de loi de finances. Pourriez-vous expliquer cela aux Canadiens?
Le sénateur Robichaud : J'invoque le Règlement.
Le président : Je ne suis pas sûr que cela ait à voir avec le texte. Quel est l'objet de votre rappel au Règlement, sénateur Robichaud?
Le sénateur Robichaud : C'est en rapport avec la question, à laquelle le Président de la Chambre des communes a répondu. Ce projet de loi a été jugé recevable et a été adopté à la Chambre. Il n'y a pas lieu de revenir là-dessus.
Le sénateur St. Germain : Pourquoi pas? J'ai le droit de poser n'importe quelle question et je n'ai pas besoin d'un libéral pour me dire ce que je peux demander. Que ce soit clair.
Le président : Nous posons toutefois des questions qui concernent le texte; et le fait est que le Président de la Chambre des communes...
Le sénateur St. Germain : Peu m'importe ce qu'a dit le Président de la Chambre. Je pose la question au ministre, qui fait partie du gouvernement. Je pose la question au gouvernement.
Le sénateur Spivak : Monsieur le président, ramenez l'ordre, s'il vous plaît.
Le président : D'accord. Monsieur le ministre, pouvez-vous répondre brièvement à la question. Comme nous le savons tous, la réponse à la question, toutefois, c'est que le Président de la Chambre des communes a tranché la question.
Le sénateur St. Germain : Je m'en moque.
Le sénateur Kenny : Pas nous.
Le sénateur St. Germain : Il a pu se tromper. Il n'est pas Dieu, après tout.
Le sénateur Robichaud : Le ministre non plus.
M. Baird : J'apprécie le respect d'un grand nombre de sénateurs pour la Chambre des communes.
Le président : Ce n'est pas ce que j'ai dit, monsieur le ministre.
M. Baird : Ce n'est pas ce que j'ai dit. J'ai dit que la proposition de loi C-288, un texte libéral, a davantage pour but de sauver la face que de sauver l'environnement et la planète. Elle n'accorde aucun crédit aux nouveaux pouvoirs réglementaires destinés à réduire les gaz à effet de serre.
Considérez les diverses propositions de loi. Celle de M. Layton confère plus de pouvoirs que celle-ci. On parle de réflexion sereine et attentive; si la sérénité prévalait au Sénat, on tâcherait de sauver l'économie canadienne de la catastrophe.
Cela dit, si vous lisez le texte, vous verrez qu'il y est question de plus d'études, dont les résultats seraient communiqués à d'autres entités, comme la TRNEE. Le gouvernement ferait une étude et un plan et le plan serait envoyé pour examen complémentaire. C'est la raison pour laquelle nous n'attendons pas que le Sénat et les deux chambres du Parlement aient terminé leur travail. Nous agissons en matière de changements climatiques maintenant parce que le temps des études est révolu.
Ce n'est qu'un discours creux qui crée de faux espoirs impossibles à concrétiser — des attentes qui n'ont pas été remplies. Pour savoir ce qui va se passer dans l'avenir, il suffit de voir ce qui est arrivé par le passé. C'est la même salade.
Le sénateur Gustafson : À cause de l'immensité du territoire canadien, nos agriculteurs sont à la fois inquiets et enthousiastes de voir le nouveau gouvernement appuyer l'idée d'usines d'éthanol et d'une démarche environnementale favorable à l'agriculture. Ils attendent impatiemment de voir comment le nouveau gouvernement va procéder. C'est très important.
Nos agriculteurs s'inquiètent. Le sol et l'utilisation qu'on en fait sont une question très importante pour le pays. J'aimerais connaître vos idées de suggestions dans ce domaine.
M. Baird : Je suis un chaud partisan des biocarburants et de l'éthanol. Je suis particulièrement enthousiasmé par la technologie cellulosique mise au point ici même à Ottawa par Iogen. Ce travail est à la fine pointe. Pendant des années Iogen a tenté d'obtenir de l'aide du gouvernement fédéral pour construire une usine commerciale plutôt qu'une usine pilote. J'ai été heureux qu'il en ait été question dans le budget. L'entreprise propose de bâtir une usine en Saskatchewan. Elle se sert non seulement de l'épi mais de toute la tige. La technologie cellulosique offre beaucoup d'espoir pour l'avenir; pour notre environnement mais aussi pour notre sécurité énergétique, quelque chose d'extrêmement important pour nous en Amérique du Nord.
Le sénateur Gustafson : D'autant plus qu'il s'agit d'une ressource renouvelable.
Le président : Merci, monsieur le ministre. Vous avez déclaré que le gouvernement prend des mesures énergiques pour réduire les gaz à effet de serre. Est-ce que le plan que vous proposez en substitution du C-288 se servira pour les réduire du mécanisme de l'intensité des émissions par opposition à une véritable réduction d'ensemble? Si l'on a recours à l'intensité des émissions pour mesurer le succès de ces programmes, comment cela va-t-il permettre de réduire les émissions de gaz à effet de serre?
M. Baird : Vous me posez une question détaillée à propos d'un plan qui n'a pas été présenté. Je peux vous dire que je crois que le Canada doit réduire ses gaz à effet de serre. Je sais que le gouvernement libéral précédent était un chaud partisan de la méthode de l'intensité. John Godfrey, le président comité de l'environnement des libéraux, a déclaré à la fin de l'an dernier qu'il est préférable de faire plus avec moins d'énergie.
Je sais que les Canadiens cherchent de véritables réductions. Je pense que notre plan en présentera.
Le président : Si je vous ai bien compris, vous n'êtes pas certain que nous voulons réduire les émissions de gaz à effet de serre.
M. Baird : Non.
Le président : Bien, nous vérifierons.
Le sénateur Cochrane : Monsieur le ministre, pensez-vous qu'à ce moment-ci, le meilleur plan d'action qui soit pour le Canada soit de fixer les objectifs de Kyoto dans un projet de loi comme C-288?
M. Baird : Je crois irréaliste, huit mois avant le début de la période de Kyoto, de s'attendre à une réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour le Canada, cela a été un marathon de 15 ans. Si le gouvernement libéral précédent n'avait rien fait, cela aurait été une bonne chose pour l'environnement. Maintenant, il faut en faire plus en beaucoup moins de temps, parce que le problème s'est aggravé, et de beaucoup.
Il nous faut faire deux choses. Nous devons présenter un plan d'action conséquent. La plupart de ses éléments ont été présentés. La partie industrielle est la plus importante, puisqu'il s'agit de 47 p. 100 de nos émissions. Le plan doit être réaliste. Les Canadiens sont très sceptiques au sujet des politiciens qui parlent de l'environnement, parce qu'ils connaissent leur bilan. Ils ont entendu M. Ignatieff dire que le travail n'a pas été fait. Ils ont entendu M. Dryden, un autre député libéral, demander pourquoi nous n'avions pas fait mieux, pourquoi le travail n'était pas fait.
Nous voulons présenter un plan concret, que nous pourrons mettre en œuvre pour les Canadiens. De faire 15 ans de travail en huit mois, c'est tout un défi. Je le répète, mieux que des paroles, les actions passées parleront des résultats à venir.
Le président : Merci, monsieur le ministre.
[Français]
Le sénateur Dawson : Il y a eu les rapports Stern et Makenzie, qui indiquent très clairement que si on ne fait rien, les coûts seront définitifs, les pertes d'emplois et les effets sur l'économie seront réels.
D'ailleurs, sénateur Kenny, le seul moment où il parle de 25 p. 100, 50 p. 100 et de 60 p. 100 et du fameux 4 000 $ pour quatre personnes, c'est dans la lettre du ministre, à la première page, signée par l'honorable John Baird. Cette lettre du ministre accompagne le document qui mentionne ces chiffres. Ce qui rend la présentation un peu moins crédible.
Vous n'êtes pas en faveur du projet de loi C-288 ni du projet de loi C-30 puisque vous le laissez sur la tablette à la Chambre des communes. Vous avez toujours dit, lors de votre comparution l'été dernier, que la volonté de la Chambre des communes devrait être respectée par le Sénat. Aujourd'hui, vous nous demandez de rejeter un projet de loi adopté par la Chambre des communes. J'essaie de voir votre logique. Toutefois, si vous êtes contre ces projets de loi et que vous reconnaissez que Makenzie et Stern ont raison de dire qu'il y a des conséquences énormes à ne pas agir, qu'allez- vous faire pour nous convaincre qu'il y a quelque chose de mieux? Ce sont deux projets de loi concrets. Vous devriez en laisser l'adoption afin que nous ayons des objectifs à atteindre, plutôt que de dire que vous allez présenter un nouveau projet de loi dans six mois. Nous pourrions ainsi convaincre la population canadienne que nous réagissons à leurs besoins et que nous avons compris que nous devons poser des gestes. On a deux projets de loi devant nous. Si vous n'êtes par en faveur du projet de loi C-288, présentez-nous le projet de loi C-30 le plus rapidement possible. Je vous assure que le Sénat voudra collaborer avec vous pour faire ce que vous nous avez demandé l'été dernier.
[Traduction]
M. Baird : Si vous voulez parler de la validité des rapports que nous vous avons remis, vous n'êtes pas obligés de croire les experts de la fonction publique. Vous pouvez vous tourner vers certains des économistes les plus réputés du pays, qui ont examiné le rapport. Comme le Parlement est saisi du projet de loi C-288, je comprends pourquoi vous avez demandé aux fonctionnaires d'entreprendre une étude que j'ai examinée.
J'espère que personne ne songe sérieusement à mettre en œuvre cette politique. Les coûts économiques sont inacceptables. Je pense plutôt à Don Drummond, l'un des économistes les plus réputés du pays, tout comme Christopher Green, de l'Université McGill, Marc Jaccard de l'Université Simon Fraser, Carl Sonnen, d'Informetrica, et Jean-Thomas Bernard, de l'Université Laval. De graves préoccupations ont été exprimées au sujet de la teneur du projet de loi. Nous avons présenté des mesures pour les secteurs du transport, de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables, en plus de travailler avec les provinces. Ces mesures ont été très bien accueillies, partout au pays. Le dernier élément du plan en sera le plus important, il s'agit de la réglementation de l'industrie.
Il faut prendre le temps de bien faire les choses. Ce sera l'un des régimes réglementaires les plus importants jamais adoptés au Canada.
Est-ce que ça va?
Le sénateur Spivak : Oui, ça va.
M. Baird : Chaque fois que je commence à parler, vous toussez.
[Français]
Le sénateur Dawson : Vous ne m'avez pas répondu à ma question, mais merci quand même.
[Traduction]
Le sénateur Spivak : Puisque tout le monde a énoncé un préambule, je ferai de même. Je pense que les Canadiens s'intéressent moins à ce que les Américains appellent le jeu du blâme, qu'à une analyse raisonnée des possibilités, que je m'attendais à entendre ici.
Les libéraux n'ont peut-être pas fait le travail, il reste que les conservateurs s'opposaient au protocole de Kyoto pendant toute cette période. Vous ne voudriez pas qu'on entende au comité tous les commentaires énoncés à l'époque.
L'une des raisons pour lesquelles j'ai demandé ce rapport, c'est une fuite dans Le Devoir selon laquelle le régime axé sur l'intensité des émissions pour le secteur industriel, du moins pour les sables bitumineux, qui est d'environ 47 p. 100, donnerait lieu à une augmentation de 179 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre. Et cela, en raison de l'expansion rapide de l'exploitation des sables bitumineux.
J'aimerais que nous parlions de l'échange des émissions. Vous croyez certainement que les changements climatiques touchent le monde entier. Ils ne proviennent pas non plus seulement du Canada.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des échanges internationaux de carbone. Cette mesure nous permettrait de trouver le temps de mettre en œuvre des moyens techniques de captage du CO2, par exemple.
Il est difficile de comprendre la position du gouvernement à ce sujet. Pourriez-vous la clarifier pour nous?
M. Baird : Il s'agit d'une politique qui sera annoncée bientôt, et non du projet de loi C-288, mais je répondrai volontiers au comité, s'il m'en donne la possibilité. Monsieur le président, je sais que vous avez été très strict à ce sujet auparavant mais je répondrai volontiers à la question.
J'ai de véritables préoccupations. Le gouvernement libéral précédent a bel et bien voté pour le Protocole de Kyoto. Je pense qu'il faut distinguer entre les préoccupations légitimes et significatives au sujet du réchauffement climatique et du changement climatique, et ce document, le Protocole de Kyoto.
Avec Kyoto, qui a reçu l'appui du gouvernement libéral, on envisage de permettre au Canada d'échanger des émissions contre des crédits d'air chaud, sans que cela donne de réductions réelles des émissions de gaz à effet de serre. Le Canada échangerait ses émissions avec des pays comme l'Ukraine et la Russie.
C'est un peu comme dire à tout le monde qu'il faut suivre un régime.
Le sénateur Spivak : Ce n'est pas la seule solution.
M. Baird : Si je dois perdre 20 livres mais que je n'y arrive pas, je vais payer quelqu'un en Russie pour qu'il perde 20 livres. En passant, il n'y a pas eu beaucoup de perte de poids là-bas récemment, cela remonte à il y a 20 ou 30 ans. C'est de la folie pure.
Considérons le Protocole de Kyoto, qui a en son cœur même des mesures nationales de réduction des gaz à effet de serre. Notre plan propose la même chose. L'Union européenne a dit à l'Espagne que seulement 20 p. 100 de ses émissions devaient faire l'objet d'échange.
Kyoto porte sur des mesures nationales, surtout. Si vous arrivez à 90 p. 100 de l'objectif dans votre pays, le reste peut être obtenu dans le cadre de régimes d'échanges. J'ai des doutes sérieux. Il y a 10 jours, le marché du carbone en Europe s'est écroulé et est devenu du jour au lendemain un titre de pacotille.
Le sénateur Spivak : Pourtant en Amérique, tout va. Il y a des échanges d'émissions.
M. Baird : Non, il n'y en a pas.
Le sénateur Spivak : Oui, à Chicago.
M. Baird : Je suis ministre de l'Environnement et je dois connaître les faits. Il n'y a pas de tel régime.
Le sénateur Spivak : On y négocie notamment des oxydes d'azote.
M. Baird : Des oxydes d'azote et des oxydes de souffre, oui, mais pas de gaz carbonique. Nous n'avons pas là encore un partenaire. Je dois tenir compte des conséquences. Je préfère nettement investir concrètement au Canada.
Prenons un exemple. Si nous pouvons faire du captage et du stockage au Canada, grâce à des investissements, non seulement nous réduirons les gaz à effet de serre, mais aussi les oxydes de souffre et d'azote, les particules et les COV. Nous profiterons aussi de l'économie verte. Si vous envoyez 10 milliards ou 20 milliards de dollars en Russie ou en Europe, vous ne tirez pas parti de l'économie verte. Nous voulons ici une usine Iogen. Nous ne voulons pas dépenser 140 millions de dollars en Russie ou en Europe. Je préfère prendre ces 140 millions de dollars et travailler avec Iogen, en investissant au Canada.
Nous aurions des doubles avantages, c'est-à-dire que nous réduirions les émissions de gaz à effet de serre en même temps que le smog et la pollution. Parlez aux parents d'enfants asthmatiques, parlez à des personnes âgées qui ne peuvent plus sortir. Quand j'ai été élu, il y a 12 ans, il n'y avait pas de journées de smog à Ottawa. Il y en avait à l'époque une par année à Toronto, alors qu'il y en a maintenant de 27 à 37.
Le président : Monsieur le ministre, le projet de loi C-288 ne porte pas sur le smog.
M. Baird : Vous avez dit que je pouvais répondre à la question du sénateur.
Le président : La question portait sur les échanges d'émissions.
Le sénateur Mitchell : Un document a été distribué, il s'agirait d'une ébauche. Cela ressemble fort à une ébauche de plan environnemental du gouvernement conservateur. Je le déposerai au comité. Ce plan vise à satisfaire des normes d'émissions de gaz à effet de serre.
Monsieur Horgan, ce document est-il celui auquel travaillent vos employés et le ministère?
Dans l'affirmative, je tiens à vous exprimer mes préoccupations. Comme l'étude qui a été discréditée, on y sous- estime l'effet sur l'économie de la poursuite des objectifs de Kyoto. On surestime les coûts pour y arriver et on y fixe semble-t-il de nouveaux objectifs de 20 p. 100 des niveaux de 2006, ce qui dépasse largement les objectifs de Kyoto qui ont fait l'objet d'un engagement, en vertu de l'accord international.
Pourriez-vous confirmer la nature de ce document et nous dire si vous avez mis de côté toutes normes raisonnables. Vous dénigrez les coûts, vous surestimez les avantages et vous proposez un plan qui n'a aucune crédibilité.
M. Baird : C'est la première fois que je vois le document dont vous parlez. Je suis enthousiaste au sujet du plan que nous vous présenterons sous peu.
Je peux vous dire que l'inaction n'est pas possible. On ne peut pas permettre que les émissions de gaz à effet de serre augmentent en flèche. Michael Ignatieff a dit que Stéphane Dion n'avait pas fait le travail. Je peux vous dire que Stephen Harper, lui, le fera.
Le président : Je confirme la question.
Le sénateur Tkachuk : Je veux savoir d'où provient ce document. On n'y trouve rien de valable. Pour ce que j'en sais, cela a été imprimé comme ça, dans le bureau à côté. Ça n'est pas une façon correcte de procéder.
Le président : Voici la question posée par le sénateur Mitchell : Est-ce un document auquel vous travaillez actuellement, monsieur Horgan?
Michael Horgan, sous-ministre, Environnement Canada : Il faudrait que je le regarde.
Le président : Veuillez le faire.
M. Horgan : Oui. Nous pourrons vous confirmer si c'est un document auquel nous travaillons.
Le sénateur Mitchell : Ne pouvez-vous pas simplement regarder la première page? Envisagez-vous maintenant 20 p. 100 des niveaux de 2006?
Le président : Monsieur Horgan, pouvez-vous nous dire si votre ministère a travaillé à ce document, simplement en le regardant? Si ce n'est pas le cas, la question perd sa pertinence.
M. Horgan : Cela ressemble à un document auquel travaille le ministère, mais ce n'est certainement pas quelque chose dont dispose le ministre.
Le président : Nous vous demandons donc, monsieur Horgan, si vous pouvez confirmer par l'intermédiaire de la greffière s'il s'agit d'un document auquel travaille le ministère, en vue de le présenter au ministre.
Le sénateur Kenny : J'invoque le Règlement, monsieur le président. Quand le ministre n'a pu confirmer des faits, vous lui avez demandé de le faire, dans un cas. S'il s'adresse à ses fonctionnaires, nous voudrions que tous ces faits soient confirmés et qu'on réponde au comité de manière opportune, avant que nous terminions notre travail. Aujourd'hui, on n'a fait qu'agiter des épouvantails. Il serait bon d'avoir quelques faits.
M. Baird : Tous les documents sont validés par Don Drummond et Christopher Green.
Le président : Il y a un instant, le ministre s'est engagé à répondre au sénateur Kenny, pour confirmer les faits. Nous avons hâte de voir les résultats.
Merci, monsieur le ministre, mesdames et messieurs.
La séance est levée.