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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 7 - Témoignages du 22 mars 2007


OTTAWA, le jeudi 22 mars 2007

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 11 heures afin d'examiner, pour en faire rapport, les questions relatives au nouveau cadre stratégique en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour. À la demande du sénateur Watt, nous entendrons aujourd'hui des représentants de Pêches et Océans Canada. Jeudi prochain, nous rencontrerons une délégation du Nunavik.

John Davis, conseiller spécial auprès du sous-ministre sur la Loi sur les espèces en péril (LEP), Pêches et Océans Canada : Sénateurs, je suis accompagné aujourd'hui de M. Mike Hammill, qui représente le groupe scientifique de Pêches et Océans chargé de la biologie des mammifères marins, et de M. Patrick Vincent, de Québec, qui s'intéresse à la gestion des pêches et qui travaille dans ce domaine. Nous croyons savoir que le comité a l'intention de se pencher ce matin sur toute la question des bélugas, incluant l'Arctique de l'Est. Nous allons tenter de passer en revue les points auxquels vous voulez réfléchir sans vous ennuyer par une longue présentation. Je vais d'abord vous parler de la Loi sur les espèces en péril et de son incidence sur la situation des bélugas.

La Loi sur les espèces en péril est un nouveau texte législatif qui est entré en vigueur en juin 2004 et qui est destiné à la protection et au rétablissement de populations d'espèces qui sont menacées de disparition au Canada. Le processus est mené par le ministre de l'Environnement qui est responsable de la Loi sur les espèces en péril dans son ensemble. Le ministre des Pêches et des Océans est le ministre compétent en matière d'espèces aquatiques en vertu de la loi et, de ce fait, le ministre de l'Environnement travaille en étroite collaboration avec le ministre des Pêches et des Océans sur tous les dossiers concernant les espèces aquatiques. Le ministre des Pêches et des Océans conseille le ministre de l'Environnement relativement à ces espèces aquatiques.

Tout le processus de la LEP s'appuie sur les évaluations réalisées par le comité sur la situation des espèces en péril au Canada, le COSEPAC. Ce comité indépendant du gouvernement présente au ministre de l'Environnement des conseils sous la forme d'évaluations au sujet des espèces menacées. Le COSEPAC réalise en général l'évaluation de situations préoccupantes et signale par la suite au ministre de l'Environnement les espèces que le comité considère comme menacées, en voie de disparition, en situation préoccupante ou en voie de devenir préoccupante, non en péril, non menacées de disparition ou disparues du pays, ce qui signifie que l'espèce n'existe plus à l'état sauvage au Canada, mais qu'elle est présente ailleurs. Le COSEPAC effectue ces évaluations scientifiques afin de réunir toutes les données qu'il peut recueillir, et bon nombre de ces renseignements proviennent du ministère des Pêches et des Océans ainsi que d'autres sources.

En général, le COSEPAC commande une évaluation qui sera rédigée pour le comité et mise aux voix. Par la suite, le comité présente ses recommandations au ministre de l'Environnement. Ce processus indépendant du COSEPAC est à la base du processus global de la LEP. Le COSEPAC est formé de spécialistes des diverses espèces, qui proviennent souvent des milieux universitaires, et comprend également des experts des gouvernements fédéral et provinciaux. Par conséquent, le comité n'est pas entièrement indépendant du gouvernement, mais il n'est absolument pas dirigé directement par le gouvernement du Canada.

Le ministre de l'Environnement reçoit ces évaluations en vertu de la Loi sur les espèces en péril. De manière générale, nous effectuons une consultation avant d'inscrire les évaluations dans le processus officiel de prise de décisions prévu par la loi. S'il s'agit d'espèces complexes qui touchent de nombreux Canadiens répartis dans un grand secteur géographique, et que les Premières nations risquent éventuellement d'être touchées, nous prenons un peu plus de temps afin d'effectuer des consultations préalables et nous nous livrons souvent à des évaluations socio- économiques afin de nous assurer que les conséquences de l'inscription sont comprises, tant du point de vue biologique — dans quelle mesure l'espèce est menacée et quelles sont les données scientifiques sur le sujet — que du point de vue des éventuelles répercussions sur les différents groupes, les utilisateurs et les Canadiens qui seront touchés. Ce processus peut prendre plusieurs mois. Ensuite s'enclenche le processus de prise de décisions par le gouverneur en conseil, tel que prévu par la loi. C'est une étape d'une durée de neuf mois. Au cours de ce processus, les ministres s'entendent afin de recommander au gouverneur en conseil d'inscrire ou de ne pas inscrire une espèce sur la liste. Ils peuvent également décider de renvoyer la question au COSEPAC pour réexamen. Vers le milieu de la période de neuf mois, la Gazette du Canada publie une recommandation exposant ce que le gouverneur en conseil a l'intention de faire, en l'occurrence inscrire ou ne pas inscrire une espèce sur la liste ou demander un réexamen. Le processus de neuf mois qui amène le gouverneur en conseil à prendre une décision relativement à l'inscription, comprend une période de 30 jours réservée aux commentaires du public. Si le gouverneur en conseil ne prend pas de décision, l'espèce concernée est automatiquement inscrite sur la liste. Une espèce inscrite en vertu de la LEP figure à l'annexe 2 de la loi.

Une fois inscrite, une espèce aquatique est protégée automatiquement et il est interdit de posséder ou de prendre un individu de cette espèce sauvage inscrite comme espèce menacée ou en voie de disparition, de lui nuire ou de le harceler.

Divers groupes intéressés soulèvent alors de nombreuses questions : quelles sont les conséquences de l'inscription d'une espèce? Puis-je continuer à chasser les animaux de cette espèce? Puis-je continuer à pêcher ce poisson? Quelle sont les conséquences?

Dans les 12 mois suivant l'inscription d'une espèce en voie de disparition, il faut préparer une stratégie de rétablissement qui définit les menaces auxquelles l'espèce est exposée et précise les mesures que le ministre a l'intention de prendre pour remédier à ces menaces. Par exemple, une stratégie de rétablissement d'une espèce de poisson pourra préconiser de réduire la pêche, de mettre sur pied un programme d'élevage pour augmenter la population de poisson, ou encore d'améliorer la qualité des aires de reproduction. Nous pourrons également envisager de lutter contre les prédateurs de cette espèce. Voilà quelques mesures que nous pouvons prendre. Dans le cas des baleines, on s'intéressera à d'autres menaces telles que la chasse, éventuellement la capture accidentelle dans des filets de pêche et les risques de collision avec des navires, ainsi qu'à la possibilité de collaborer avec les autorités maritimes afin de modifier les voies de circulation des navires.

Les stratégies de rétablissement permettent de prendre de nombreuses mesures qui sont généralement définies par une équipe composée de spécialistes, de parties intéressées et de divers intervenants. Parfois, les équipes sont composées de spécialistes internationaux, par exemple dans le cas de la baleine noire de l'Atlantique ou de la tortue luth. Nous collaborons avec les autorités américaines ainsi qu'avec le public.

Bon nombre des préoccupations que soulève la LEP ont trait aux conséquences qu'entraîne l'inscription sur la liste. Quelles sont les conséquences socio-économiques?

Je vais vous présenter la situation du béluga, espèce qui intéresse votre comité. En 2006, le COSEPAC s'est dit préoccupé par cinq populations de bélugas. Il s'agit du béluga de l'est de la baie d'Hudson considéré en voie de disparition par le COSEPAC; de la population de la baie d'Ungava, jugée en voie de disparition; de la population du détroit de Cumberland, jugée menacée; de la population de l'est de l'Extrême-Arctique/baie de Baffin, jugée en situation préoccupante; et la population de l'ouest de la baie d'Hudson, jugée en situation préoccupante.

Pour l'évaluation de ces populations de bélugas, nous avons collaboré avec le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut puisque des revendications territoriales sont en cours au Nunavut et que l'accord concernant les revendications territoriales précise que les responsables doivent être avisés en cas de projet de classement de certaines espèces. Nous avons entamé un processus visant à harmoniser l'application de la LEP avec les exigences de l'accord sur les revendications territoriales. Nous rencontrons les représentants du Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut afin de mettre au point un processus qui permettrait de commencer par prendre les mesures nécessaires pour respecter l'accord sur les revendications territoriales et ensuite, une fois que nous aurions étudié attentivement la situation en étroite collaboration avec le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nuvavut, nous pourrions appliquer le processus de la LEP.

Cet effort d'harmonisation est constant. Au printemps, nous espérons présenter au Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut, au ministre de l'Environnement et au ministre des Pêches et des Océans, une proposition visant l'harmonisation de ces divers processus. En conséquence, nous avons recommandé aux ministres de ne pas appliquer pour le moment le processus d'évaluation de la LEP aux populations de bélugas, afin de nous permettre de respecter cette approche d'harmonisation. Nous leur avons recommandé de retarder pour le moment l'inscription des cinq populations de bélugas afin de nous laisser le temps d'achever le processus entamé avec le conseil du Nunavut. Cependant, la Loi sur les pêches nous permet de continuer à assurer la gestion et la protection des bélugas. En effet, la Loi sur les pêches est une loi complémentaire qui s'avère très utile.

Vous comprendrez, monsieur le sénateur Watt, que c'est pour respecter le processus d'harmonisation que ces cinq espèces de bélugas n'ont pas été inscrites sur la liste. Nous pensons que le processus sera un excellent modèle qui pourra être utile aux autres conseils de gestion de la faune existants ou qui seront créés à l'avenir dans le Nord québécois et ailleurs. Nous sommes en excellents termes avec le conseil et l'harmonisation est accueillie de manière positive. J'espère que les résultats seront satisfaisants. Nous sommes bien conscients que nous devons collaborer étroitement avec les conseils — c'est une exigence de la LEP — ainsi qu'avec les associations de chasseurs et de trappeurs et avec tous les autres processus visant à tenir compte des connaissances de la population dans la prise de ces décisions qui auront un effet sur elle lorsqu'il y a peu d'autres possibilités d'effectuer des captures et de prendre en compte les connaissances locales qu'il faut obligatoirement intégrer à l'analyse générale de cette question.

Tel est le contexte de la LEP et la raison qui nous a amenés à ne pas inscrire les bélugas sur la liste. Je vais maintenant laisser la parole à M. Hammill qui est le spécialiste des recherches scientifiques sur le béluga.

Le président : Avant de passer à M. Hammill, quelqu'un pourrait-il nous expliquer où se trouve la frontière sud du Nunavut? Où s'arrête le territoire du Nunavut? Nous savons que la région du sénateur Watt est touchée.

Le sénateur Watt : Les seules données auxquelles je peux me fier sont celles qui proviennent des récentes négociations concernant les îles situées au large. Je crois qu'il s'agit de la ligne utilisée. Je ne sais pas à combien de milles elle se situe par rapport au continent. Je n'ai pas ces informations avec moi, mais les experts auront probablement ces données en main et seront mieux placés que moi pour vous expliquer.

Le président : Si je pose la question, c'est que nous devons savoir exactement de quelles revendications territoriales il s'agit.

Le sénateur Watt : Ce sont celles du Nunavut et du Nunavik.

Le président : Les deux ont réglé des revendications territoriales?

Le sénateur Watt : Oui.

Le président : Par conséquent, peu importe alors où se trouve la ligne de séparation, n'est-ce pas? Des négociations sont en cours avec ces deux territoires à propos de revendications territoriales?

M. Davis : Je peux peut-être apporter quelques éclaircissements. J'ai parlé des cinq populations de bélugas retenues dans le cadre du processus auquel participe le Conseil de gestion des ressources fauniques du Nunavut. Je crois qu'un processus analogue est en cours de négociation avec le Nunavik et qu'un conseil de gestion de la faune sera établi pour les besoins de ce processus. Le type d'harmonisation avec la Loi sur les espèces en péril dont j'ai parlé sera utile à tout nouveau conseil de gestion qui verra le jour.

Le président : Le processus au Nunavik est-il terminé ou se poursuit-il actuellement?

Le sénateur Watt : Au sujet de la limite, un quota a été établi pour le Nunavik, mais pas encore pour le moment pour le Nunavut.

Le président : Je veux être clair. Avec qui négocions-nous? Qui a présenté une revendication territoriale et qui ne l'a pas fait?

Le sénateur Robichaud : Je ne le sais pas exactement non plus.

Patrick Vincent, directeur, Gestion de la ressource et des pêches autochtones, Pêches et Océans Canada : L'accord sur les revendications territoriales des Inuits du Nunavik a été signé en novembre 2006. Il sera adopté par le Parlement au cours de la présente session et devrait entrer en vigueur en avril.

Le président : Une revendication a été acceptée et une autre n'a pas encore été acceptée.

M. Vincent : Elle est pratiquement signée.

Le président : Je n'en doute pas, mais elle n'est pas encore signée. Je tenais à apporter cette précision.

Mike Hammill, chef, Section de la biologie et de la conservation des mammifères marins, Pêches et Océans Canada : Au Canada, il y a plusieurs revendications territoriales. Il y a la revendication territoriale de l'Arctique de l'Ouest qui concerne les Inuvialuits et qui porte essentiellement sur la partie occidentale de l'île Victoria, la partie occidentale des Territoires du Nord-Ouest. La revendication territoriale du Nunavut porte sur la partie orientale des anciens territoires, la région de Keewatin, l'île de Baffin. Ensuite, la compétence sur certaines îles, le détroit d'Hudson et l'est de la baie d'Hudson, était partagée. Il y a environ un an, une nouvelle revendication territoriale concernant le Labrador a été signée. Les habitants du Nunavik ont signé un autre accord de revendication territoriale qui concerne essentiellement le Nord québécois et les eaux adjacentes du Nord québécois. Une autre revendication territoriale concernant certaines parties de la baie James est actuellement en cours de négociation. Cette revendication porte sur les eaux territoriales.

Maintenant, revenons à la science. Je suis un spécialiste des mammifères marins à l'Institut Maurice-Lamontagne à Mont-Joli, près de Rimouski, sur la côte gaspésienne du Québec. Mon exposé est illustré par les images que vous avez devant vous et peut être divisé en trois chapitres. Le premier chapitre complète les renseignements donnés par M. Davis concernant les populations et aborde brièvement l'idée de séparation des populations. Le deuxième chapitre porte sur nos interactions avec les habitants du Nord et sur la façon dont nous effectuons notre travail. Le troisième chapitre explique comment nous comptons les animaux dans le Nord québécois et indique les principes que nous appliquons pour la réalisation des relevés.

Sur la première diapositive, on peut voir des bélugas dans l'eau. La deuxième diapositive est une carte du Canada. Les secteurs en rouge sont les endroits où les bélugas sont séparés en différentes populations au Canada et les chiffres sont des estimations approximatives de la population.

Comme l'a indiqué M. Davis, le COSEPAC a évalué à environ 2 000 animaux la population menacée dans la baie de Cumberland. Un quota de 41 animaux par an s'applique à cette population.

Le COSEPAC a également jugé que les populations de la baie d'Ungava et de l'est de la baie d'Hudson étaient en voie de disparition. La population de l'est de la baie d'Hudson est d'environ 3 100 animaux et on en compte moins de 200 dans la baie d'Ungava.

Le Saint-Laurent abrite une petite population qui est également jugée menacée. Il s'agit de la population la plus méridionale du monde. Cette population compte actuellement environ un millier d'animaux.

L'avenir de la population de l'ouest de la baie d'Hudson a été jugé préoccupant. Cela s'explique en grande partie par le fait qu'aucun relevé n'a été effectué depuis plus d'une décennie et que toute activité d'exploitation suscitait des inquiétudes, puisque l'on ne savait pas grand-chose sur la population.

Deux autres populations n'intéressent pas le COSEPAC. Ce sont celles de l'Extrême-Arctique, qui compte environ 20 000 animaux, et celle de la région de la mer de Beaufort qui compte environ 39 000 animaux.

Passons maintenant aux diagrammes à secteurs. Je n'ai pas l'intention de vous faire un cours de génétique, parce que c'est un domaine extrêmement complexe que je ne maîtrise pas très bien moi-même. Cependant, les diagrammes visent à démontrer que tous les bélugas ne sont pas les mêmes. On peut les répartir en différents groupes. Dans ces diagrammes à secteurs, les groupes sont isolés les uns des autres et les groupes où le rouge est prédominant appartiennent à la même famille. C'est le groupe de l'est de la baie d'Hudson. C'est un groupe unique.

Il existe un groupe de bélugas unique en son genre dans le secteur ouest de la baie d'Hudson et, à certaines périodes de l'année, près des îles Belcher qui portent le nom de Sanikiluaq sur votre carte. On peut distinguer ces baleines de celles du secteur est de la baie d'Hudson. Elles sont représentées par le bleu. Cette carte est basée sur l'endroit où se trouvent les animaux pendant l'été.

La génétique nous permet de répartir les bélugas en deux groupes principaux. Pendant l'hiver, ces animaux migrent dans le détroit d'Hudson qui est le secteur compris entre le Nord québécois et l'île de Baffin. Ils se rassemblent dans ce secteur pour passer l'hiver.

Sur la diapositive suivante, nous avons utilisé des bélugas de couleurs différentes pour simplifier les diagrammes à secteurs. En bleu, les bélugas de l'ouest de la baie d'Hudson ont une population d'au moins 57 000 individus. En rouge, les bélugas du secteur est de la baie d'Hudson sont environ 3 100 individus. La baleine isolée de la baie d'Ungava représente une population de moins de 200 individus. Voilà comment les bélugas se répartissent en été.

Pendant l'automne, généralement au moins d'octobre, ces animaux commencent à migrer vers le secteur du détroit d'Hudson où se pratique la chasse à la baleine. Toutes ces baleines sont blanches et celles qui appartiennent à de très petites populations se mélangent à celles qui proviennent de très grandes populations. Les chasseurs ont énormément de difficultés à distinguer entre les baleines du secteur est et celles du secteur ouest. Les habitants du détroit d'Hudson nous disent : « Il y a beaucoup d'animaux. Pourquoi voulez-vous imposer des limites aux chasseurs? » C'est un grand défi de leur faire comprendre que nous essayons de protéger un très petit groupe d'animaux qui passent les mois d'été dans le secteur est de la baie d'Hudson. C'est une notion difficile à comprendre. Même mes collègues de Pêches et Océans Canada ne parviennent pas à comprendre complètement cette notion lorsque je la leur présente au cours de nos réunions. Vous pouvez imaginer combien cela peut être compliqué d'expliquer une telle chose à des non-scientifiques.

Une grande partie de nos activités et des informations que nous recueillons bénéficient de l'aide que nous recevons des Inuits. Il y a de nombreuses années, nous avions noté un problème dans nos relevés de bélugas dans le secteur est de la baie d'Hudson. C'est alors que les Inuits nous ont dit : « Vous ne faites pas vos relevés de la manière correcte. Vous restez sur la rive. Vous devriez aller faire vos relevés au large. » C'est ce que nous avons fait et nos évaluations de la population sont passées de 200 à 3 000 ou 4 000 animaux. C'était dans les années 1980.

Les Inuits nous ont dit également : « Vous faites des relevés aériens. Comment êtes-vous certains d'avoir le bon compte? Ce sont des animaux qui plongent. » Cela nous a incités à utiliser des émetteurs afin d'obtenir des facteurs de correction permettant d'évaluer le nombre d'animaux qui se trouvent en plongée lorsque nous faisons des relevés aériens.

La télémétrie par satellite s'est également avérée utile pour savoir où les animaux se déplacent. Restent-ils près de la côte ou fréquentent-ils le large? Nous avons marqué des animaux dans la Petite rivière de la Baleine, dans la rivière Nastapoka, près de la localité d'Umiujaq, dans le secteur est de la baie d'Hudson. Nous avons constaté que, pendant l'été, les animaux passent beaucoup de temps au large, mais qu'ils restent près des côtes pendant les migrations. Ils ont tendance à suivre la côte le long de la rive est de la baie d'Hudson, et à contourner l'angle pour se rendre dans le détroit d'Hudson. Nous avons été surpris, parce que nous pensions que les bélugas passaient tout l'hiver dans le détroit d'Hudson, alors que certains hivernent le long de la côte du Labrador.

La diapositive suivante réunit dans des cases les données recueillies par satellite et présentées à la page précédente, ainsi que les transmissions sens montant et les endroits où nous avons obtenu les signaux transmis par satellite. C'est une tentative de classement des données visant à indiquer la localisation des animaux pendant les mois de juillet, août et septembre; c'est ce qu'on voit dans la case noire. La case rouge indique que beaucoup d'animaux se sont rendus dans le secteur du détroit d'Hudson ou se trouvent à l'angle nord-est de la baie d'Hudson. La case jaune montre que les animaux sont descendus assez bas le long de la côte du Labrador pendant les mois de janvier, février et mars. C'est là qu'ils passent l'hiver.

Il est intéressant de noter les renseignements que nous recueillons en parlant aux gens. Une des toutes premières choses que nous avons apprises lorsque nous avons parlé avec les gens de la région dans les années 1970 et 1980 était que les bélugas sont jaunes au printemps et deviennent blancs par la suite. Cela nous paraissait mystérieux, mais sur la foi de ces renseignements, nous avons cherché à comprendre ce phénomène. Nous avons découvert que le béluga est le seul cétacé qui subit une mue; il change de peau. Les Inuits le savaient depuis longtemps, mais nous avons pu décrire le processus et le vérifier à l'échelle microscopique.

Comme je l'ai dit un peu plus tôt, les Inuits nous avaient fait remarquer que nous ne comptions pas les animaux en plongée et qu'il fallait faire des relevés aériens au large. La diapositive suivante montre les secteurs où nous effectuons maintenant les relevés aériens. Nous avons modifié nos relevés pour tenir compte de leurs commentaires.

Sur cette figure, le Québec est vert. Nous avons une série de panneaux — trois en haut et trois en bas. Les panneaux situés à gauche présentent les informations que nous ont fournies les Inuits du Centre de recherche du Nunavik au cours des dernières années. Nous avons confronté ces données provenant du savoir écologique traditionnel aux données qui provenaient d'autres sources.

Dans le panneau situé en haut et à gauche qui présente le SET pour l'été, nous constatons que les bélugas sont répartis très près de la côte. Nous voyons que les bélugas sont répartis tout au long de l'arc que forme la baie d'Hudson, mais qu'ils sont localisés également dans la partie nord-est de la baie d'Hudson et jusque dans le secteur sud du détroit d'Hudson.

Si nous passons maintenant aux relevés télémétriques, présentés dans les deux panneaux à droite, nous constatons que les bélugas se rendent loin au large. Comment interpréter ce phénomène? Il faut noter tout d'abord que les Inuits sont en général des chasseurs côtiers et que, pour les besoins du relevé, ils n'ont pas accès aux animaux qui fréquentent le large et ne les prennent pas en compte. Cependant, la télémétrie par satellite est une technique d'échantillonnage très ponctuelle et très locale. Nous constatons que les bélugas fréquentent l'arc de la baie d'Hudson, mais nous manquons certains d'entre eux qui se trouvent plus haut, le long du détroit d'Hudson, même si nous avons fait plusieurs relevés. Voilà une lacune que nous devons pallier lors de nos recherches.

Passons maintenant au SET pour l'hiver, situé en bas et à gauche. Selon le savoir écologique traditionnel, les animaux passent l'hiver dans ce secteur sud-est de la baie d'Hudson et dans la baie James. Pourtant, les relevés télémétriques indiquent très clairement que les animaux quittent complètement ce secteur pour se rendre dans la baie d'Ungava, puis le long de la côte du Labrador. Les deux sources d'information sont très intéressantes. Elles révèlent ce que les scientifiques appellent une « perspective d'échantillonnage » ou une « erreur d'échantillonnage ». Les habitants de la région sont là pendant tout l'hiver. C'est eux qui recueillent les informations sur la présence des baleines.

Il reste à savoir à quelle population elles appartiennent. Font-elles partie de la population des baleines de l'est de la baie d'Hudson, la population dont le sort nous préoccupe, ou appartiennent-elles à un autre groupe de baleines qui passent l'été dans la baie James? C'est une question que nous devons nous poser. Par ailleurs, les jours étant plus courts et les conditions de déplacement plus difficiles en hiver, les chasseurs ne peuvent pas sortir aussi facilement pour se rendre à la chasse et ils ne remarquent donc pas que beaucoup des animaux qu'ils voient en été quittent la région pour se rendre le long de la côte du Labrador. Nous savons que certains des animaux dont nous avons vérifié génétiquement qu'ils appartiennent au groupe de l'est de la baie d'Hudson quittent cette région en hiver. Cependant, certains d'entre eux restent dans le secteur. D'où proviennent vraiment les animaux qui fréquentent cette région en été ou quelle la discrimination des stocks?

Je pourrais vous donner d'autres exemples de notre collaboration avec les habitants de la région, mais je vais maintenant passer au troisième chapitre, si l'on peut dire.

Comment faisons-nous pour effectuer le décompte? Comment évaluons-nous cette population à la fois pour l'application de la LEP et pour respecter notre objectif de gestion? Nous effectuons des relevés aériens. Lors de notre dernier relevé aérien, nous avions invité à bord des habitants de Kuujjuarapik pour nous aider à faire le décompte. On ajoute ensuite ces informations à un modèle démographique qui contient des données sur les captures et la mortalité, afin de tracer la trajectoire. Ces informations permettent de conseiller les gestionnaires des pêches qui s'en servent pour faire des recommandations en matière de quotas.

D'après les données historiques, la population de l'est de la baie d'Hudson peut avoir compté jusqu'à 12 000 animaux. Cette estimation s'appuie sur la reconstitution de la population d'après les registres de la Compagnie de la Baie d'Hudson. En effet, les représentants de cette compagnie ont toujours tenu d'excellents comptes rendus du nombre d'animaux ou tout au moins du nombre de peaux ou de la quantité d'huile reçues. Ces informations permettent de déduire le nombre de baleines.

On peut se faire une idée approximative du nombre actuel de baleines, et les données historiques nous permettent d'évaluer les populations passées. Ces informations s'appuient uniquement sur les captures à l'embouchure de deux rivières. Elles ne tiennent pas compte de la chasse de subsistance ni des captures qui peuvent avoir eu lieu ailleurs.

L'estimation est peut-être prudente, mais la population a pu atteindre jusqu'à 12 000 animaux à une certaine époque. De nos jours, le groupe de bélugas qui passe l'été dans le secteur est de la baie d'Hudson compte 3 000 individus. Ce chiffre inquiète le COSEPAC ainsi que Pêches et Océans Canada. Au cours des années à venir, nous souhaiterions porter cette population à au moins 8 000 individus. Cela nous donnerait plus de latitude. Nous disposerions alors d'une population en meilleure santé et il serait possible d'envisager d'augmenter les taux de capture.

Comment procédons-nous pour compter ces animaux? La dernière diapositive nous l'explique. Ce sont les Inuits qui nous ont conseillé de faire des relevés au large. Ils nous ont dit : « Vous ne couvrez pas une assez grande superficie. Vous devez aller plus loin pour trouver les animaux. »

Nous avons mis au point un vaste programme d'échantillonnage. Chacune des lignes perpendiculaires à la rive de l'est de la baie d'Hudson représente 45 minutes à une heure de vol à une vitesse de 150 nœuds. Nous nous rendons très loin au large. On peut voir sur la diapositive le type d'avion que nous utilisons. Ce secteur correspond très bien aux observations que nous faisons grâce à la télémétrie par satellite. Les animaux que nous avons dotés d'émetteurs passent l'été dans ce secteur. Ils ne sortent pratiquement pas du secteur que nous quadrillons au cours de nos relevés.

Nous effectuons de vastes relevés. Cela ne signifie pas qu'il est impossible de les améliorer, mais nous couvrons un secteur très vaste. Nos relevés portent également sur la baie James et la baie d'Ungava. Cependant, dans la baie d'Ungava, nous avons rencontré des problèmes, puisque les bélugas sont si peu nombreux qu'ils sont difficiles à repérer.

Cela nous pose un grave problème lorsque nous rapportons aux Inuits que nous n'avons repéré aucune baleine au cours de nos relevés. Ce résultat ne veut pas dire qu'il n'y a aucune baleine, mais qu'elles sont trop peu nombreuses pour que nous puissions les repérer. Cependant, les gens se déplacent le long de la côte en été. Ils voient des baleines et nous disent : « Vos relevés ne valent rien. Vous nous dites qu'il n'y a pas de baleines dans la baie d'Ungava. » C'est difficile pour nous d'expliquer que nous ne concluons pas qu'il n'y a aucune baleine dans la baie d'Ungava; nous disons seulement que la population est si restreinte que notre méthode de relevé ne nous permet pas de les détecter. Pour pouvoir détecter une baleine selon cette approche, il faudrait que la population compte au moins 200 individus dans la baie d'Ungava. Par conséquent, nous concluons que la population est inférieure à 200 animaux en surface.

Je vais m'arrêter ici afin de laisser M. Vincent poursuivre avec plus de détails sur l'approche de gestion.

[Français]

M. Vincent : Monsieur le président, il me fait plaisir de m'entretenir avec vous concernant la gestion du béluga au Nunavik.

Le béluga du Nunavik est sans contredit une espèce de première importance pour la population inuit du Nunavik. Il fait partie de l'alimentation de ce peuple depuis son arrivée sur ce territoire et continue d'être un apport très important de protéine dans l'alimentation encore aujourd'hui.

Ceci est particulièrement vrai compte tenu du coût très élevé de la nourriture provenant du sud qui doit être importée au Nunavik. Les traditions entourant la chasse du béluga, passées de génération en génération, sont également un élément très important de la culture inuit et la préservation de ces connaissances et des traditions font parties de la richesse de ce peuple.

C'est un peu pour ces raisons que des efforts importants sont consacrés à trouver l'équilibre entre les besoins alimentaires et culturels des Inuits à l'égard du béluga et la pérennité des stocks du Nunavik.

Le ministère des Pêches et des Océans Canada reconnaît les connaissances et les besoins des Inuits du Nunavik et doit conjuguer ces résultats avec la capacité de la ressource de se renouveler. Le défi est particulièrement intéressant car nous devons combiner les connaissances traditionnelles du peuple inuit aux connaissances scientifiques et biologiques généralement utilisées pour établir les taux de captures autorisés.

Comment concilier ces deux réalités? Un comité de cogestion a été établi pour assurer la gestion du béluga. Ce comité, le LUMAQ, est composé d'un représentant des chasseurs inuits de l'est de la baie d'Hudson, d'un représentant des communautés du détroit d'Hudson et d'un troisième représentant des communautés de la baie d'Ungava. Le comité est aussi composé du président de l'Association des chasseurs, trappeurs et pêcheurs (HFTA); d'un représentant du Kativik Regional Government, d'un représentant de l'Association des chasseurs et trappeurs de Sanikiluaq et un autre représentant du Nunavut, Tunngavikique Inc. et du Qiqitaluk Wildlife Board. Le comité est coprésidé par la société Makivik et le ministère des Pêches et des Océans. Mais le ministère ne possède pas de droit de vote. Cette nuance est importante parce que le ministère est ultimement responsable de la gestion de la ressource et de la conservation, et ne peut dans le cadre législatif actuel déléguer cette responsabilité.

Le comité LUMAQ a été établi en 2004 et se réunit une ou deux fois par année, dépendant des circonstances et des sujets à traiter. La responsabilité première du comité LUMAQ consiste à établir les éléments du plan de gestion du béluga. Un plan de gestion existe sous une forme ou une autre depuis 1985. Le plan actuel a été déterminé pour trois ans, soit pour les années 2006 à 2008 inclusivement. On y retrouve le contexte incluant le savoir traditionnel, l'avis scientifique, les mesures de conservation et les totaux admissibles des captures (TAC) par zone de chasse.

Lors des réunions du comité LUMAQ, les membres du comité peuvent donc commenter l'avis scientifique et communiquer par la suite leurs positions à l'égard de la gestion du béluga. Par la suite, on établit le plan de gestion et il est normalement la responsabilité des membres du LUMAQ de communiquer le plan de gestion à leurs communautés. De plus, le ministère des Pêches et des Océans communiquera officiellement le plan de gestion et les mesures particulières. Cette communication sera faite auprès des associations de chasseurs — avis aux chasseurs et/ou communiqué — de Makivik, de Kativik, des maires des communautés et des médias pour s'assurer d'avoir la couverture médiatique la plus large possible. Nous accordons généralement des entrevues aux médias locaux, aux stations de radio locales et à Nunatsiaq News.

Le défi majeur auquel doivent faire face les Inuits concerne les stocks de l'est de la baie d'Hudson et celui de la baie d'Ungava. Ces deux stocks sont considérés comme en voie d'extinction par le COSEPAC. Des plans de rétablissement ont été établis, lesquels permettent une chasse dans le détroit d'Hudson.

Normalement, lorsqu'une espèce est considérée comme menacée, en voie d'extinction ou disparue, aucun prélèvement n'est autorisé. Ici, le plan de rétablissement le permet parce qu'il s'agit d'une chasse de subsistance. Une chasse trop importante toutefois dans le détroit ne permettrait pas le rétablissement de ces deux stocks. Le total admissible de captures a été établi à 135 bélugas par année, mais même à ce rythme, le rétablissement pourrait prendre jusqu'à 100 ans.

De plus, les zones de l'est de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava doivent demeurer fermées à toute chasse. Vous voyez que dans un souci de conservation, nous sommes en conflit direct avec les besoins en nourriture et les traditions des Inuits. Ce conflit est d'autant plus exaspéré par le fait que la population des bélugas de l'ouest de la baie d'Hudson est estimée à plus de 50 000 bêtes. Nous en sommes conscients et c'est dans cet esprit que nous tentons de trouver des alternatives pour les représentants des Inuits. Le plan de gestion prévoit donc un quota accessible aussi à Long Island et dans la baie James. Nous sommes conscients par contre que l'éloignement de ces chasses peut être problématique pour les communautés.

Une chasse a été autorisée en 2006 autour des îles Ottawa sous certaines conditions. Une chasse peut également être effectuée à Sanikiluaq, aux îles Belcher, sous certaines conditions et avec l'accord des chasseurs locaux. Par ailleurs, le ministère des Pêches et des Océans demeure disponible pour travailler avec les représentants des Inuits dans le but d'établir une chasse à la baleine boréale dans le détroit d'Hudson de façon à permettre de trouver des alternatives pour les sources de nourriture et les sources de protéines recherchées.

Comment concilier des mesures de conservation sévères à une chasse de subsistance basée sur le seul savoir traditionnel d'un peuple? Ce n'est pas facile. Les Inuits et le ministère des Pêches et des Océans ont dû s'y investir énormément. Je citerai quelques exemples de collaboration qui méritent, je crois, l'attention du comité. Je classerai les différentes activités selon quatre catégories; la communication, la sensibilisation et l'éducation. Les informations servent à l'analyse scientifique, la récolte des données sur la chasse et finalement, la surveillance des activités de la chasse. Je vais en énumérer quelques-unes.

J'ai parlé du comité LUMAQ en ce qui a trait aux communications, à la sensibilisation et l'éducation, mais il faut noter également qu'à plusieurs occasions le ministère des Pêches et des Océans, avec des experts, faisaient des tournées dans les communautés pour parler du plan de gestion et des mesures de conservation, mais surtout pour écouter les différents membres des communautés.

Au moment où on se parle, une tournée est en cours auprès des 14 communautés. On s'affaire à rencontrer les chasseurs de toutes les communautés pour discuter avec eux du plan de gestion, pour échanger sur les enjeux des sciences et pour essayer de trouver des solutions pour rapprocher les parties.

Récemment, au niveau de la communication, le ministère des Pêches et des Océans a développé un guide de chasse et de savoir traditionnel des Inuits. Ce projet a été élaboré avec l'aide de l'Institut culturel Avataq, la participation de l'Association HFTA et les maires et les aînés de cinq communautés du Nunavik, soit Umiujaq, Inukjuak, Salluit, Kangiqsualujjuaq et Kangirsuq. Après ces rencontres, un guide de chasse a été développé en tenant compte du savoir traditionnel des Inuits. Cela permet aux aînés de transmettre leur savoir aux chasseurs actuels.

Également, le ministère des Pêches et des Océans, avec le concours du ministère des Ressources naturelles et de la Faune....

[Traduction]

Le président : Nous avons certaines limites de temps et j'aimerais vous demander de conclure rapidement. Vous parlez maintenant de la collaboration avec les collectivités locales. Je pense que nous avons entendu une bonne partie des informations dont nous avons besoin pour poser des questions.

[Français]

M. Vincent : Je ne vais pas passer à travers toute la liste, je pense que vous avez le document en main et on pourrait y revenir plus tard pour donner les détails d'autres activités qui ont été réalisées.

Avec la collaboration de tous on a essayé d'inclure le savoir inuit dans les décisions. La dernière collaboration dont j'aimerais vous faire part concerne la surveillance de la récolte des données de la chasse et la surveillance des activités de la chasse. Des ententes ont été conclues avec le Kativik Regional Government pour inclure des agents multidisciplinaires et des agents de ressources renouvelables inuits dans le contrôle de la chasse et dans la récolte des données de la chasse.

Il reste beaucoup de travail à accomplir, mais beaucoup a été accompli jusqu'à maintenant. Je suis persuadé que nous sommes dans la bonne voie. Il faut continuer d'y mettre les efforts car le nouvel accord sur les revendications territoriales du Nunavik des Inuits porte principalement sur la gestion de la ressource et établira clairement les droits et les responsabilités de chacun, et ce en vue d'assurer une saine gestion des ressources pour les générations actuelles et futures.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup. Vous nous avez fourni des informations très utiles.

Le sénateur Baker : Je félicite les témoins pour les renseignements qu'ils nous ont fournis et pour l'excellent travail qu'ils font certainement dans leurs fonctions respectives.

J'aimerais demander à M. John Davis s'il est apparenté à John Davis, célèbre navigateur du XVIe siècle qui a donné son nom au détroit de Davis.

M. Davis : Pas à ma connaissance, sénateur.

Le président : Nous n'avons pas fait de progrès cartographiques depuis.

M. Davis : Je ne suis pas non plus apparenté à un autre John Davis qui a foulé pour la première fois le sol de l'Antarctique.

Le sénateur Baker : Vous n'êtes vraiment pas cette personne?

M. Davis : Non.

Le sénateur Baker : On se sent un peu perdu après avoir entendu toutes ces informations. M. Hammill a rapporté que même les fonctionnaires de Pêches et Océans Canada ne parviennent pas à comprendre les explications concernant les populations de bélugas. Les fonctionnaires eux-mêmes ne comprennent pas pourquoi le ministère adopte des mesures aussi restrictives et exige le respect des critères concernant les populations.

Si l'on comprend bien votre raisonnement, il y a un million de baleines dans le secteur ouest de la baie, mais seulement deux dans le secteur est pendant la période estivale et lorsque les deux troupeaux se combinent pendant l'hiver, il est interdit de tuer une seule baleine.

Voilà le raisonnement que M. Hammill présente aux habitants de la région. Il confirme en hochant la tête. Voilà pourquoi nous sommes tous perdus. Voilà pourquoi le comité n'y comprend rien.

Monsieur Hammill, pourquoi vos estimations dénombrent 20 000 animaux dans l'Extrême-Arctique, région située au nord de votre secteur, alors qu'on pouvait lire dans Le monde sous-marin, publication du MPO parue le 6 juin, que le troupeau était évalué à 40 000 individus? La population a-t-elle diminué de 50 p. 100 depuis la dernière estimation, monsieur Hammill?

M. Hammill : Non, la population n'a pas diminué. Je vais vérifier la publication car, dans certains cas, on signale le nombre de baleines repérées. Dans d'autres cas, on corrige le chiffre pour tenir compte des animaux en plongée. Je devrai vérifier.

Le sénateur Baker : Oui, je pense que vous avez donné le nombre d'animaux observés en surface, alors que Le monde sous-marin indique le chiffre de 40 000 animaux lorsqu'on en aperçoit 20 000 en surface. On déduit qu'il y en a tout simplement 20 000 autres sous l'eau.

M. Hammill : C'est exact.

Le sénateur Baker : Pêches et Océans Canada, votre ministère, a fait paraître cette publication le 6 juin 2006. C'est vous qui l'avez rédigée, n'est-ce pas? Avez-vous fourni ces chiffres au Monde sous-marin?

M. Hammill : Oui, et je pense que le chiffre de 20 000 provient d'un document du COSEPAC.

Le sénateur Baker : Nous y voilà. Les baleines sont plus nombreuses que les habitants là-haut. Et s'il y a une espèce menacée, d'après les chiffres, c'est peut-être l'espèce humaine, si l'on en croit les coupures de journaux que nous a remises le sénateur Watt en particulier et le sénateur Adams également dans sa documentation. Le sénateur Watt nous a présenté des articles de journaux faisant état de l'intervention des représentants de votre ministère en plein milieu de festivités en l'honneur du béluga, atterrissant en hélicoptère juste à côté de la baleine, gâchant la nourriture et effrayant les hommes, les femmes et les enfants avant de déposer des accusations contre eux. Je ne sais pas combien d'enfants ont été mis en accusation, mais on a l'impression qu'ils ont eux aussi été appréhendés.

Selon l'article de journal, ces personnes font face à des amendes de 50 000 $ ou à une année de prison si elles sont condamnées sur déclaration sommaire de culpabilité, ou cinq ans de prison et 250 000 $ d'amende si elles sont mises en accusation. Ce sont les règles du COSEPAC et je pense que le Règlement sur les mammifères marins préconise les mêmes sanctions. Avant le début de la réunion, les membres du comité ont évoqué l'utilité de créer un sous-comité pour examiner ces accusations.

Monsieur Hammill, vous avez été contre-interrogé au cours d'instances judiciaires relativement au Règlement sur les mammifères marins. Votre nom apparaît dans Quicklaw, un recueil de jurisprudence. Vous souvenez-vous de votre comparution? Votre affidavit a été présenté au tribunal dans le cadre de poursuites en vertu du Règlement sur les mammifères marins et vous avez subi un contre-interrogatoire relativement à votre déclaration sous serment.

M. Hammill : Cela ne s'est jamais passé. Je n'ai pas été appelé à témoigner. On m'avait demandé d'être présent pour commenter certaines questions de sécurité concernant la chasse aux phoques du Groenland, mais je n'ai jamais été convoqué au tribunal.

Le sénateur Baker : Votre affidavit a-t-il bien été présenté?

M. Hammill : J'ai présenté un affidavit.

Le sénateur Baker : J'aimerais vous demander à tous les trois de commenter ceci : Il existe d'énormes populations de bélugas, 57 000 dans la baie d'Hudson, un autre troupeau de 3 100 baleines et 6 000 encore dans la baie James uniquement. On a pu en repérer 3 000 en surface et 3 000 sous l'eau. La baie d'Hudson à elle seule abrite plus de 60 000 bélugas qui migrent tous vers le nord, comme vous l'avez dit tout à l'heure. Ces baleines se rendent toutes vers le nord, à l'endroit où tous ces gens ont été interpellés.

Le sénateur Watt m'a expliqué que des accusations ont été portées récemment contre les Inuits. Je peux comprendre que vous ayez eu de la difficulté à expliquer cela aux fonctionnaires de Pêches et Océans Canada. Alors comment pouvez-vous l'expliquer à des sénateurs? Cela défie toute logique.

M. Hammill : J'ai omis de signaler dans mon exposé que les Inuits du Québec n'ont pas le droit de chasser la baleine actuellement dans le secteur est de la baie d'Hudson, parce que le troupeau est très petit. Pour chasser, ils doivent se rendre dans la baie James ou alors dans le détroit d'Hudson. Chaque fois qu'un chasseur du détroit d'Hudson tue quelques-unes des rares baleines qui passent la période estivale dans l'est de la baie d'Hudson, cela prive de chasse des localités comme Umiujaq. Nous essayons d'encourager la croissance des troupeaux de baleines de l'est de la baie d'Hudson. Nous tentons de protéger ce groupe.

La chasse est interdite pour certains habitants de la région, alors que leurs homologues du détroit d'Hudson peuvent continuer à chasser. Si l'on ne respecte pas de telles mesures, la chasse ne sera plus possible. Quand nous allons dans le secteur du détroit d'Hudson, les habitants nous disent : « Il y a beaucoup de baleines dans l'eau. On ne se rendait pas compte qu'elles venaient de deux endroits ou qu'elles appartenaient à des troupeaux différents. » Voilà d'où vient la confusion.

Le sénateur Baker : Au début de la conversation, nous avons dit qu'il y avait un million de baleines ici et deux là-bas. Alors, on interdit la chasse pour éviter que ces deux baleines soient tuées. C'est très difficile à comprendre pour les non- spécialistes.

M. Hammill : Je comprends, monsieur.

Le sénateur Baker : C'est probablement tellement absurde que, dans la pratique, on n'arrive pas à y accorder une once de crédibilité.

Nous avons examiné les règlements de l'Alaska et du Groenland et cela m'amène à ma dernière question. Les bélugas de la région du sénateur Adams migrent vers le Groenland. Les bélugas de l'autre côté de l'Arctique se rendent en Alaska.

Le sénateur Adams : Ils vont jusqu'en Russie.

Le sénateur Baker : Nous avons examiné ces règlements qui ne sont pas aussi stricts que ceux du Canada. Le règlement de l'Alaska stipule qu'un habitant originaire de l'Alaska qui réside sur la côte de l'océan Arctique peut tuer n'importe quel mammifère marin sans permis si c'est pour sa subsistance ou pour créer et vendre des articles d'artisanat et d'habillement autochtones authentiques. Le Groenland applique un règlement à peu près identique. Je crois que le Règlement sur les mammifères marins prévoit la même exemption pour les bénéficiaires, soit les personnes qui relèvent d'une revendication territoriale, comme celle de la baie James. Toutefois, la Loi sur les espèces en péril ne prévoit rien de tel.

Comment expliquez-vous aux habitants de ces régions que ces baleines se rendent au Groenland et en Alaska où les règlements sont beaucoup plus souples et qu'il est possible de les chasser là-bas sans crainte de poursuites, alors que la chasse de ces mêmes baleines est interdite au Canada et susceptible de poursuites judiciaires? Cela ne nous paraît pas logique. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?

M. Hammill : La chasse au béluga de Cook Inlet est interdite toute l'année, en raison de la diminution radicale de ce troupeau. C'est un troupeau de baleines de l'Alaska qui comprend actuellement 300 individus. Au Groenland, la chasse à la baleine a soulevé tellement de protestations sur la scène internationale que les autorités sont également en train de mettre en place un système de quotas.

Le sénateur Baker : Le Groenland va-t-il appliquer un système de quotas?

M. Hammill : Oui, c'est en cours. Bien entendu, il faut qu'ils étudient la question.

Le président : J'ai une question complémentaire. Si les baleines sont trop loin, a-t-on pensé à transporter les Inuits jusqu'à la région où elles se trouvent? Je pose la question, parce que c'est une formule que l'on applique pour d'autres espèces. Par exemple, les Innus du Labrador ont déjà bénéficié de transport aérien subventionné pour aller chasser le caribou. On a appliqué la même formule dans le nord du Labrador pour permettre à des Inuits de chasser des espèces auxquelles ils n'avaient pas accès. C'est peut-être une solution simpliste, mais si la formule fonctionne pour d'autres espèces, a-t-on envisagé de transporter les Inuits pour leur permettre de chasser les baleines?

[Français]

M. Vincent : Un tel programme a été mis sur pied à partir de 2002-2003 et même pour cette année, en 2006. Nous savions qu'en procédant à la fermeture de la zone de l'est de la baie d'Hudson et de la zone de la baie d'Ungava, vu la problématique du nombre de bélugas qui y restaient, plusieurs communautés devaient voyager très loin pour avoir accès à la chasse.

Par conséquent, à la demande des Inuits et de Makivik, nous avions mis en place un programme pour aider les chasseurs à aller chasser dans des zones éloignées. Mais ce n'est pas aussi simple de dire que nous allons déplacer des chasseurs et payer les coûts qu'ils ont encourus; certaines zones se trouvent dans des régions régies par d'autres traités ou d'autres juridictions.

Les Inuits doivent alors demander la permission, par exemple au Nunavut ou à Sanikiluaq, afin d'aller chasser sur leur territoire. Cela nécessite donc des procédures assez longues. Makivik pourrait sûrement vous en parler.

D'autres problèmes surviennent avec cette approche : les chasseurs inuits préfèrent chasser près de leur communauté. Nous devons également tenir compte de la sécurité et des coûts. On peut aider au niveau des coûts, par contre la sécurité est plus difficile à gérer.

Toutefois, un des avantages de procéder de cette façon est d'obtenir des informations sur une chasse qui se fait à l'extérieur. L'information peut être utilisée ensuite par les scientifiques, notamment l'ADN pour savoir d'où vient le béluga qui sera abattu et l'âge du béluga.

[Traduction]

Le sénateur Adams : J'ai des questions concernant l'étude sur les bélugas du Nunavut et du Nunavik. Je vais commencer avec une question destinée à John Davis au sujet de la baie d'Hudson. Le rapport du ministère des Pêches et des Océans montre en première page une photo d'épaulards. Leur population augmente nettement dans la baie d'Hudson et les épaulards dévorent beaucoup de bélugas.

Il faudrait que le ministère recense le nombre d'épaulards qui dévorent des bélugas dans la baie d'Hudson. Les gens ne veulent pas s'aventurer trop loin au large et les épaulards ramènent les bélugas plus près du rivage. Est-ce que le ministère va se pencher sur cette question? Est-il exact que vous étudiez les épaulards?

M. Davis : Je vais demander à M. Hammill de vous donner des détails à ce sujet. De manière générale, nous consacrons beaucoup de recherches à l'épaulard. Plus particulièrement, nous avons beaucoup travaillé sur la côte Ouest, avec les habitants du sud. Le nord de la Colombie-Britannique est très peu habité. Dans ce cas, le COSEPAC avait recommandé que l'épaulard soit placé sous la protection de la Loi sur les espèces en péril et sa recommandation a été acceptée. Les épaulards de cette région bénéficient actuellement d'une stratégie de rétablissement.

Votre question concerne le sort qui est réservé à ces populations dans l'Arctique, n'est-ce pas?

Le sénateur Baker : J'en appelle au Règlement. Si j'ai bien compris, la question du sénateur Adams portait sur l'épaulard en tant que prédateur du béluga. Autrement dit, il suggérait que l'on se débarrasse des épaulards plutôt que de les protéger comme vous le proposez.

M. Davis : J'ai dit que l'on faisait beaucoup d'efforts sur la côte ouest pour protéger cette espèce, mais j'avais l'intention de demander à M. Hammill de nous donner des précisions sur les interventions concernant les épaulards dans le Nord et de répondre à votre question sur ces prédateurs.

M. Hammill : Le nombre d'individus repérés est à la hausse. Ces données nous proviennent en grande partie des chasseurs qui exercent le long de la côte ouest de la baie d'Hudson. Nous venons tout juste de commencer des recherches sur les épaulards dans cette région. Nous ne connaissons pas leur régime alimentaire. Nous n'avons pas dénombré exactement leur population. Nous installons des hydrophones, car c'est le meilleur moyen d'évaluer une population d'animaux, de repérer les endroits qu'ils fréquentent et de se faire une idée approximative de leur abondance. Il est encore trop tôt pour présenter un état de la situation des épaulards dans l'ouest de la baie d'Hudson.

Le sénateur Adams : Merci. Nous comprenons. Dans notre langue, les épaulards s'appellent « aarluk ». Les mangeurs de baleines.

Ma deuxième question porte sur l'étude des bélugas entre Resolute et le détroit de Lancaster. Dans cette région, les eaux sont très profondes et la mer est libre. Faites-vous aussi des recherches sur les narvals et autres animaux de ce type dans le secteur de la baie de l'Arctique?

On pratique aussi la chasse à la baleine dans le détroit de Lancaster, bien que les baleines ne soient peut-être pas très nombreuses à migrer si haut. Ce document indique près de 70 000 bélugas actuellement. N'avez-vous pas encore étudié cette région? Est-ce qu'il n'y a pas de baleines là-haut? Il y a quatre ou cinq ans, je me souviens que plusieurs familles de la baie de l'Arctique s'étaient rendues là-haut sur la glace pour pratiquer la chasse et le piégeage. Un avion de la compagnie First Air les avait conduits et ramenés.

Votre rapport n'est pas encore tout à fait terminé?

M. Hammill : Non, ce diagramme est plutôt schématique. Il n'est pas censé montrer toutes les régions. Il indique simplement qu'il existe un troupeau de baleines dans l'Extrême-Arctique. Nous croyons savoir également qu'il y a des narvals là-haut. Les spécialistes qui ont consacré beaucoup de temps à l'étude des baleines de cette région appartiennent en fait à l'Institut des eaux douces de Winnipeg. Ils ont effectué des relevés dans tout le détroit de Lancaster, l'Inlet Prince-Regent et plus bas, afin de repérer les baleines boréales, les narvals et les bélugas.

Le sénateur Adams : Je suis content que vous ayez mentionné l'Institut des eaux douces; il a des bureaux au Nunavut. Ce qui est arrivé l'automne dernier, c'est que 14 baleines sont restées prises dans la mer de Beaufort. Selon les Inuits de la localité, ces 14 baleines ne pouvaient sortir de cet endroit. Je ne sais pas combien de temps il faut pour vous rejoindre par téléphone, peut-être cinq ou dix minutes, ou peut-être qu'il faut une semaine pour obtenir une réponse.

Les chasseurs et les trappeurs de la région disent que dans une telle situation les baleines ne peuvent survivre qu'environ une semaine. Ils ont tué les baleines parce qu'elles ne pouvaient pas retourner dans les eaux libres. Pouvez- vous nous dire ce qui se passera si la situation se représente une autre fois? Est-ce que le ministère des Pêches et des Océans a les moyens d'intervenir? Voilà ce qui est arrivé dans l'Extrême-Arctique, dans la région d'Igloolik.

Est-ce que vous étudié le problème des baleines qui se trouvent ainsi emprisonnées? La population de baleines augmente chaque année, étant donné qu'elles sont protégées. Par conséquent, il arrivera plus souvent que certaines d'entre elles seront bloquées à un endroit et incapables de revenir en eaux libres.

M. Hammill : Faites-vous allusion à l'incident des lacs Husky, dans l'Arctique de l'Ouest, la mer de Beaufort?

Le sénateur Adams : C'est arrivé dans la région d'Igloolik, dans l'Extrême-Arctique et dans la région de Grise Fiord, l'année précédente. Environ 24 baleines furent tuées par des ours polaires parce qu'elles étaient bloquées dans un endroit trop petit. Ces baleines ont été tuées.

M. Hammill : L'incident des lacs Husky a donné lieu à de nombreux échanges entre les chasseurs et les trappeurs et Pêches et Océans Canada, surtout nos collègues de Winnipeg. Je ne sais pas exactement combien de baleines furent tuées. Les premiers comptes rendus faisaient état de 70 baleines environ dans la région des lacs Husky. Les lacs Husky ont une morphologie extrêmement complexe et communiquent avec la mer par un goulet étroit. On se posait la question de savoir si les baleines pourraient trouver le passage elles-mêmes ou s'il faudrait les aider à sortir. On décida d'attendre et finalement, on prit la décision de sortir certaines baleines. En fin de compte, il semble que les baleines étaient moins nombreuses qu'on l'avait cru au départ. Pour vous donner plus de détails, il faudrait que je vérifie avec mes collègues.

Le sénateur Adams : Je suis également membre du Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Il y a trois ou quatre ans, nous avons adopté une loi visant à protéger certaines espèces. Que s'est-il passé depuis que nous avons adopté cette loi? Le projet de loi C-5 prévoyait des accusations au criminel pour les personnes qui abattaient des espèces menacées. Quels ont été les effets de cette loi?

M. Davis : Faites-vous allusion à l'adoption de la Loi sur les espèces en péril? Elle sera soumise au processus de révision parlementaire en juin 2008. Par conséquent, on aura prochainement l'occasion de débattre de ce genre de choses.

Le sénateur Watt : J'ai beaucoup trop de questions à vous poser pour le temps dont nous disposons. À mon avis, il faudrait créer un sous-comité pour faire le tour de cette question une fois pour toute. Sinon, ni les scientifiques, ni les détenteurs du savoir traditionnel ne seront jamais satisfaits.

Le sénateur Baker : Bonne idée.

Le sénateur Watt : Voilà quelque temps que je prends part au débat sur cette question. J'ai aussi été témoin de certains échanges entre des Inuits et des scientifiques. Je suis vraiment encouragé par tout ce que j'ai vu. J'aimerais aborder rapidement deux points. Vous avez dit que ce comité est responsable de certains aspects de gestion, mais vous ne devez pas oublier qu'une autre loi est sur le point d'être adoptée. J'espère que ce sera fait prochainement. Nous ne savons pas si la loi sera adoptée dans un avenir proche. Tant que la loi ne sera pas adoptée et en vigueur, vous ne disposerez pas de l'outil nécessaire pour examiner tous les aspects concernés. Je vous recommande aujourd'hui d'éliminer le quota établi pour le Nunavik jusqu'à ce que la nouvelle loi entre en vigueur, parce que vous ne disposez que d'une partie des informations. Vous ne disposez pas des données en provenance de l'île de Baffin. Vous avez reconnu vous-même qu'il existe une certaine confusion. Parallèlement, nous plaçons également les gens dans une situation dangereuse.

J'aimerais très rapidement parler d'un autre détail. Le ministère des Pêches et des Océans dispose d'un budget de 40 000 $ pour aider certaines personnes à se rendre par bateau dans une région éloignée de leur localité. Ces gens prennent un risque. On place ainsi ces personnes dans une situation dangereuse. On a déjà frôlé la catastrophe plusieurs fois. Il faut réexaminer la situation et trouver d'autres solutions. Il faut renforcer les aspects relatifs à la sécurité.

Je vais m'arrêter ici, parce que j'ai beaucoup d'autres préoccupations. Je crois que la situation n'a pas été bien gérée dès le départ. Je reproche également à la loi elle-même de ne pas offrir un juste équilibre entre les connaissances scientifiques et les connaissances traditionnelles. La loi n'est pas équilibrée, car elle n'exige pas mais recommande seulement de « prendre en considération ». Les habitants du Nord m'ont dit que les scientifiques ne les écoutent pas, qu'ils font la sourde oreille aux informations que les Inuits tentent de leur présenter.

Je ne veux pas me montrer trop critique, mais je pense que le moment est venu pour moi d'exprimer mon opinion. Ce n'est pas la bonne façon de régler cette question, parce que vous ne disposez pas de toutes les informations dont vous avez besoin pour prendre les décisions théoriques. C'est pourquoi je pense que vous devriez éliminer les quotas jusqu'à ce que l'on dispose des instruments nécessaires.

Le président : Sénateur Watt, je prends note de votre opinion.

L'idée de mettre sur pied un sous-comité me plaît beaucoup. Je propose que l'on attende qu'un membre du gouvernement soit présent. Nous avons une réunion jeudi prochain. Nous pourrons peut-être en parler à ce moment-là. Aucun membre du gouvernement n'est présent aujourd'hui.

Le sénateur Robichaud : Ce sera le moment idéal de le faire.

[Français]

On parle des populations de l'ouest et de l'est de la baie d'Hudson. Quel rapport ont ces populations entre elles et par rapport aux stocks de bélugas qui pourraient se trouver sur les côtes du Groenland? Est-ce que ce sont des populations complètement différentes?

M. Hammill : Elles sont complètement indépendantes. Il n'y a pas de mélange entre les bélugas de la baie d'Hudson et ceux du Groenland, ni avec les bélugas de Cumberland Sound.

Le sénateur Robichaud : Le nombre énoncé de 39 000 n'a aucun rapport?

M. Hammill : Non. Un lien existe entre les bélugas de la mer de Beaufort et ceux qui passent l'été sur les côtes de l'Alaska, mais pas pour toutes les populations car il y a deux ou trois populations là-bas. C'est une population unique qui se partage un peu avec l'Alaska, mais qui ne se partage pas avec les bélugas de l'Extrême-Arctique, ni les bélugas plus à l'est.

Le sénateur Robichaud : Quelle différence existe-t-il entre les bélugas de l'ouest de la baie d'Hudson et ceux de l'est de la baie d'Hudson?

M. Hammill : C'est basé sur les analyses d'ADN. Nous pouvons identifier des fréquences de certains codes d'ADN remarquées que chez les bélugas de la côte ouest de la baie d'Hudson et d'autres qui ne se retrouvent que chez les bélugas de la côte est de la baie d'Hudson. Cela suggère que les bélugas de la côte est de la baie d'Hudson ne vont pas sur la côte ouest de la baie d'Hudson et restent chez eux. Si on élimine donc tous les bélugas de la côte est de la baie d'Hudson, ils ne seront pas remplacés par les autres bélugas, et il y aura un vide. C'est ce qui nous inquiète actuellement.

Le sénateur Robichaud : Je comprends, mais est-ce que les chasseurs peuvent faire la différence entre les deux?

M. Hammill : Non, parce que les deux sont blancs, de l'extérieur, ils sont identiques. Mais nous avons remarqué que c'est un animal qui retourne toujours au même endroit et qui ne change pas ses habitudes.

M. Vincent : J'aimerais expliquer qu'on a établi un quota de 135 bêtes dans le détroit d'Hudson, basé sur le fait qu'il était estimé que 20 p. 100 des baleines passent dans le détroit d'Hudson lorsqu'elles effectuent leur migration et qu'elles sont considérées comme appartenant à la population de l'est de la baie d'Hudson. C'est pour cela qu'il y a un quota de 135 bêtes.

Aussitôt que le quota est atteint, naturellement on ferme la chasse dans ces zones et toute chasse ultérieure devient illégale. C'est donc basé sur le ratio de bélugas de l'est de la baie d'Hudson qui migrent avec la population de l'ouest de la baie d'Hudson dans le détroit d'Hudson.

Le sénateur Robichaud : En fait, ces bélugas sont de la même espèce. Les différences sont imperceptibles à l'œil nu et il faut faire une recherche génétique pour savoir s'ils sont différents ou pas. N'est-ce pas?

M. Hammill : Oui.

Le sénateur Robichaud : Alors pourquoi la communauté scientifique a-t-elle choisi de séparer ces groupes?

M. Hammill : Parce que nous voulons que les résidents des trois communautés de la côte est de la baie d'Hudson, qui sont Inukjuak, Kuujjuarapik et Umiujaq puissent chasser les bélugas dans le futur. S'ils éliminent les bélugas qui visitent pendant l'été, ils ne seront pas remplacés par les autres bélugas.

Le sénateur Robichaud : Vous dites qu'ils ne seront pas remplacés?

M. Hammill : Oui, parce que la population est limitée. On peut prélever un certain pourcentage de la population de bélugas, mais on ne peut pas aller au-delà de cette limite, car on risquerait d'éliminer la population en entier.

Le sénateur Robichaud : Les groupes se mélangent-ils? Les bélugas migrent durant l'hiver dans les détroits de Baffin et de l'Ungava. Lorsqu'ils reviennent, se séparent-ils de façon à ce que toutes les baleines qui viennent de la côte ouest retournent sur la côte ouest et celles de la côte est vers la côte est?

M. Hammill : Pas durant l'été. Non, elles se séparent l'été, comme si l'une allait en Floride et l'autre en Louisiane, par exemple. C'est le même principe. Elles se séparent, mais pas de façon organisée au sens que si une population est plus élevée d'un côté, elle n'envoie pas de signaux quelconques pour faire savoir qu'il faudrait que certaines d'entre elles se dirigent vers l'autre côté. Un groupe peut se développer en plus grand nombre au détriment de l'autre qui continuera de diminuer. De cette façon, les jeunes inuits risquent un jour de ne plus pouvoir chasser les bélugas près de chez eux, en face de leur petit village. Ils seront obligés de voyager des centaines de kilomètres pour avoir accès aux bélugas. Le problème est que moins vous chassez plus vite vous perdez l'expertise pour ce faire. Après un certain temps, la tradition se perd.

Le sénateur Robichaud : On parle des coutumes, de la tradition et de la vie que ces habitants connaissent. Vous me dites que la population de l'est est en danger actuellement, qu'elle diminue?

M. Hammill : Elle est en voie de disparition, selon COSEPAC.

Le sénateur Robichaud : Ce sont les communautés elles-mêmes qui exigent la protection des stocks?

M. Hammill : Non, elles n'aiment pas l'idée qu'on ferme la zone, mais elles respectent les quotas. Elles sont très respectueuses des quotas à l'heure actuelle. Elles n'aiment pas cela et nous pouvons comprendre pourquoi.

Le sénateur Robichaud : Je comprends pourquoi moi aussi, car je n'aimerais pas cela non plus si je vivais là.

[Traduction]

Le président : Je ne veux pas jouer au plaisantin, mais nous avons un peu le même problème avec les bleuets, à Terre- Neuve. Si je vous pose la question suivante : quand les bleuets sont-ils verts? Il faut répondre : quand ils sont rouges.

Le sénateur Baker : J'aimerais avoir un éclaircissement. Le sénateur Adams affirme que les épaulards dévorent les bélugas. Nos témoins sont des spécialistes respectés et font un excellent travail. Cependant, M. Hammill, scientifique excellent, vient tout juste de nous dire que Pêches et Océans ne sait pas exactement si les épaulards mangent des bélugas. Il est très important de le savoir, puisque, selon le sénateur Adams, il y a plus d'épaulards dans le Nord. J'aimerais demander à M. Hammill de nous expliquer pourquoi le Ministère ne sait pas si les épaulards mangent des bélugas. C'est, je crois, ce que vous nous avez dit.

M. Hammill : Il y a deux types d'épaulards; le premier mange essentiellement des poissons, surtout du saumon; et le deuxième type d'épaulard mange essentiellement des mammifères marins. Dans la baie d'Hudson, les épaulards mangent peut-être des narvals, des bélugas ou des baleines boréales. En fait, nous avons de bonnes raisons de croire qu'ils mangent des baleines boréales. Cependant, nous ne savons pas quel pourcentage de leur alimentation est composé de baleines boréales.

Je crois pouvoir dire que les épaulards mangent probablement des bélugas. Par contre, je ne peux pas vous dire si le béluga est un élément important dans leur alimentation.

Le sénateur Baker : C'est un peu comme pour les phoques.

Le président : Nous allons clore cette partie de la réunion, mais la question est loin d'être réglée. Nous aurons une autre réunion jeudi. Vous entendrez encore parler de nous. Entre-temps, si vous voulez communiquer avec nous, n'hésitez pas à le faire. Merci d'être venus et d'avoir supporter toutes nos questions.

Je demande aux sénateurs de ne pas quitter la réunion. J'ai l'intention d'examiner les deux budgets que vous avez devant vous. Le premier concerne les crédits dont nous aurons besoin quand nous serons saisis de la Loi sur les pêches, si la situation se présente. Une motion à la Chambre des communes semble vouloir la renvoyer aux calendes grecques. Franchement, je ne vois pas pourquoi.

J'aimerais examiner le projet de loi. Nous ne l'avons pas encore reçu, mais lorsque ce sera le cas, il nous faudra nous déplacer. Il s'agit donc du budget de déplacement pour les audiences relatives à la Loi sur les pêches. Le budget est de 398 000 $, ce qui me paraît assez modeste, compte tenu du budget dont dispose le comité de la défense. J'aimerais avoir l'approbation des membres du comité.

Le sénateur Adams : Je propose la motion.

Le président : Motion présentée par le sénateur Adams et appuyée par le sénateur Baker. Adoptée.

Le budget suivant est celui d'une étude spéciale que nous entreprendrons sur la côte Ouest et en particulier sur le lac Winnipeg relativement aux pêches en eaux intérieures. Nous devons nous rendre sur place.

Le sénateur Robichaud : Je propose la motion.

Le président : Motion présentée par le sénateur Robichaud, appuyée par le sénateur Baker.

Adoptée.

Le sénateur Johnson est absente mais elle a vu le budget. Ces budgets proviennent du comité de direction.

[Français]

Le sénateur Robichaud : On a parlé tantôt d'un sous-comité qui examinerait la question que nous avons étudiée aujourd'hui, mais je ne vois aucun budget à cet effet. Si on devait concentrer certains efforts sur cette étude, un déplacement, d'après ce que j'ai entendu des sénateurs Watt et Adams, s'imposerait pour aller voir les communautés et parler à ces gens. Est-ce qu'on ne devrait pas alors prévoir ce voyage?

[Traduction]

Le président : Nous devrions le faire. Je vais demander au greffier d'étudier la question et de présenter un budget. Je ne vois pas quel autre type d'instructions nous pouvons donner maintenant. Nous en parlerons au comité de direction.

La séance est levée.


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