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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères

Fascicule 2 - Témoignages du 31 mai 2006


OTTAWA, le mercredi 31 mai 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 16 h 12 pour étudier les défis en matière de développement et de sécurité auxquels fait face l'Afrique; la réponse de la communauté internationale en vue de promouvoir le développement et la stabilité politique de continent; la politique étrangère du Canada envers l'Afrique.

Le sénateur Hugh Segal (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Je constate que nous avons un quorum et d'autres sénateurs arriveront bientôt.

[Traduction]

Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous ainsi qu'à nos téléspectateurs pour la troisième réunion de cette session du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères au sujet de l'Afrique.

[Français]

Nous avons le plaisir et l'honneur de recevoir l'honorable Josée Verner, ministre de la Coopération internationale, de la Francophonie et des Langues officielles. L'Agence canadienne de développement international, dont Mme Verner assume la responsabilité a pour mandat de réduire la pauvreté et de contribuer à rendre le monde plus sûr, plus équitable et plus prospère. Ses actions sont axées sur cinq secteurs prioritaires : la bonne gouvernance, la santé, en particulier, le sida, l'éducation de base, le développement du secteur privé et la viabilité de l'environnement.

À moyen terme, le Canada concentrera la majorité de son aide bilatérale à 25 pays partenaires de développement, dont 15 se trouvent en Afrique. La ministre est donc avec nous pour en discuter plus en détails.

[Traduction]

En même temps que la ministre, nous recevons Mme Diane Vincent, vice-présidente générale de l'Agence canadienne de développement international, M. Paul Hunt, vice-président de la Direction générale de l'Afrique, que nous avons déjà reçu à plusieurs occasions durant la première session du 38e Parlement, et Bruce Montador, vice- président de la Direction générale des programmes multilatéraux.

Nous avons également l'honneur de recevoir aujourd'hui des membres du corps diplomatique représentant nos partenaires, collègues et alliés au sein du Commonwealth et de la Francophonie en Afrique.

[Français]

Madame la ministre, vous avez la parole.

Josée Verner, C.P., députée, ministre de la Coopération internationale : Monsieur le président, c'est un privilège de partager avec vous mes premières impressions sur l'ampleur et la complexité des défis de développement en Afrique et notre engagement à aider les Africains à relever ces défis.

Monsieur le président, à titre de ministre de la Coopération internationale et tenant compte de mes responsabilités à l'égard de la francophonie des langues officielles, je tiens à vous faire part de ce qui a vivement retenu mon attention en ce qui a trait à l'Afrique depuis ma récente nomination au Cabinet.

L'Afrique représente le plus grand défi en matière de développement et se situe au premier rang des priorités mondiales dans ce domaine. Je suis consciente de la gravité de la situation en Afrique : un niveau de pauvreté important, un taux de prévalence du VIH élevé, une condition précaire des femmes et des enfants et un nombre élevé de conflits.

Je ne m'étendrai pas sur ce sujet puisque vous avez eu l'occasion d'en discuter hier avec M. Fowler.

Nous savons que les écarts entre les conditions de vie en Afrique et celles des autres régions du monde ont des conséquences désastreuses pour tous et pas seulement pour les Africains. Nous aidons les Africains, mais il en va également de notre propre intérêt.

Monsieur le président, une image souvent très négative de l'Afrique continue d'être véhiculée. Malgré les défis que je viens de mentionner, il est important de noter que des progrès considérables sont accomplis dans plusieurs parties du continent.

Trop souvent, l'attention du public est centrée sur les crises et on n'entend que très peu parler des efforts mis en œuvre. Je ne peux passer sous silence la récente annonce du premier ministre Harper à l'effet que le Canada accorde 40 millions de dollars supplémentaires pour venir en aide à la population du Darfour. La moitié de cette somme sera affectée à l'aide humanitaire, l'autre, aux efforts de maintien de la paix de l'Union africaine. Cette contribution servira notamment à appuyer le Programme alimentaire mondial dont l'aide au Darfour et ailleurs en Afrique est précieuse et même essentielle.

Lundi, j'ai rencontré M. James Morris, directeur exécutif du Programme alimentaire mondial, le PAM. Il a insisté sur le fait que l'aide généreuse du Canada permet de sauver la vie de millions de personnes, des victimes innocentes, menacées par la faim, la famine et la mort.

Tout récemment, à la fin avril, le Programme alimentaire mondial annonçait une réduction importante des rations alimentaires, principalement dans la région du Darfour. Sans attendre, l'ACDI avait versé dix millions de dollars pour appuyer les efforts du Programme alimentaire mondial.

Je suis heureuse d'ajouter que les contributions de la communauté des donateurs, dont nous faisons partie, permettent au PAM de rétablir très prochainement les rations de millions de personnes au Darfour. Mais il en reste encore beaucoup à faire. D'importants besoins persistent au Soudan, dans l'est de l'Afrique, en Éthiopie et ailleurs dans le monde.

Nous avons également entendu parler abondamment du conflit qui fait rage en République démocratique du Congo. Ce pays en transition tente de se sortir de la crise, une crise subie par des dizaines de milliers de civils, pour la plupart des femmes et des filles, victimes d'agressions sexuelles ou de tortures.

J'ai annoncé, lors de la Journée internationale des femmes, en mars dernier, l'appui du Canada à un projet de l'ONU venant en aide aux victimes de violence sexuelle en République démocratique du Congo. En collaboration avec d'autres organismes internationaux, des organisations non gouvernementales ainsi qu'avec le gouvernement detransition de la République démocratique du Congo,nous travaillons à assurer des services médicaux et desoutien psychologique à 15 000 victimes.

L'ACDI cherche également à appuyer les efforts visant à la bonne gouvernance et les progrès démocratiques en République démocratique du Congo. J'attache une grande importance aux conditions dans lesquelles les femmes africaines vivent, à leur contribution à la réduction de la pauvreté et à la prévention et la résolution des conflits.

Récemment, j'ai eu le plaisir de présider la Conférence ministérielle de la francophonie qui a eu lieu à Saint-Boniface et qui a conduit à une déclaration sur la prévention des conflits et la sécurité humaine.

Par ailleurs, nous avons annoncé récemment une contribution de 250 millions de dollars pour combattre la poliomyélite, la tuberculose, le paludisme ainsi que le VIH/sida.

Le Canada s'efforce de mieux diriger son assistance bilatérale. Nous nous concentrons sur les pays les moins développés, mais également sur ceux ayant démontré leur engagement envers la réduction de la pauvreté et leur capacité à mettre en œuvre cet engagement.

Comme vous avez pu le constater, la communauté internationale s'est fortement mobilisée au cours des dernières années afin d'appuyer l'émergence du leadership africain. Elle s'est engagée à limiter ses pratiques fragmentées et isolées afin d'assurer l'efficacité et la durabilité des interventions.

Lorsque je réfléchis aux conditions nécessaires au développement, mon attention se porte invariablement sur les éléments d'un engrenage essentiel : l'appropriation, par un pays, de ses priorités de développement, l'exercice efficace d'un leadership convaincant et un engagement ferme de la part des donateurs.

Je suis heureuse de constater que cette combinaison d'ingrédients prend forme en Afrique. Elle se reflète dans l'élaboration de cadres stratégiques de lutte contre la pauvreté. Plus de 20 pays ont récemment élaboré leur propre stratégie.

De plus, le lancement du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique, communément appelé le NEPAD, a démontré le leadership des Africains et leur détermination à assumer l'entière responsabilité de leur défi de développement, invitant ainsi leurs partenaires à collaborer avec eux.

Je suis particulièrement sensible aux caractéristiques innovatrices du mécanisme d'évaluation par les pairs du NEPAD qui comprend un processus d'autoévaluation des performances en matière de gouvernance et requiert l'apport de la société civile, du secteur privé et des gouvernements.

Vingt-cinq pays ont accepté de s'y soumettre. Le Ghana, un de nos partenaires clés, a d'ailleurs reçu des félicitations pour ses réalisations en matière de gouvernance politique, économique et des entreprises. Le processus d'évaluation a donné lieu à des recommandations que le Ghana tente de mettre en œuvre dans un plan d'action que les donateurs suivent de près.

Des pays africains ont jugé qu'il était nécessaire de se soumettre à un examen complet de leur propre gouvernance. Cela constitue en soi une solide preuve de leur engagement envers leur population et leurs partenaires internationaux. Il s'agit également d'une initiative jamais vue auparavant.

Par ailleurs, un examen par les pairs est réalisé entre les donateurs par l'entremise du Comité d'aide au développement de l'OCDE. Le dernier examen nous a aidés à nous engager sur la voie de l'efficacité de l'aide, à concentrer davantage notre aide, à respecter les priorités des pays partenaires, à travailler plus étroitement avec les autres donateurs et à délier notre aide.

Notre approche plus concentrée, plus ciblée, tant au niveau des pays que des secteurs dans lesquels nous travaillons, nous permet d'augmenter notre influence et, surtout, de multiplier les répercussions de nos actions.

D'ailleurs, les progrès réalisés par nos pays partenaires témoignent de notre efficacité accrue. De réels progrès sont réalisés.

Avant de conclure, permettez-moi de vous présenter quelques exemples concrets de réussites africaines auxquelles le Canada contribue.

Présentement, 19 pays affichent une croissance économique annuelle moyenne supérieure à 5 p. 100 par année. Plus des deux tiers des élections parlementaires tenues au cours des cinq dernières années ont été jugées libres et transparentes. Des institutions panafricaines émergent; l'une d'elles, l'Union africaine, première institution politique responsable de la promotion de l'intégration du continent, a un rôle qui dépasse largement le maintien de la paix. Elle permet aux pays africains d'unir leurs voix, leurs ambitions mais surtout leurs actions.

En éducation, dans huit de nos pays partenaires, le nombre d'enfants sur les bancs d'école a augmenté de neuf millions au cours des cinq dernières années. La moitié de ces nouveaux écoliers sont des filles. Je souhaite souligner qu'en moyenne, pour une fille, chaque année additionnelle de scolarisation lui permettra d'augmenter son revenu de 10 à 20 p. 100.

Le Mali a réussi à vacciner tous les enfants de moins de cinq ans contre la poliomyélite. Grâce aux initiatives d'allégement de dettes des donateurs, la Tanzanie a investi dans l'éducation primaire et éliminé les frais de scolarité. Ce pays est en voie d'atteindre l'objectif de développement du millénaire visant l'éducation primaire pour tous, d'ici 2010. Le taux de fréquentation scolaire y est passé de 59 p. 100 en 2000 à 91 p. 100 en 2004.

Monsieur le président, en conclusion, je crois fermement que le contexte actuel n'a jamais été aussi favorable au développement efficace de l'Afrique. Le Canada possède une fière fédération d'aide auprès des Africains. Nous avons démontré notre capacité d'agir rapidement en situation de crise, comme nous l'avons fait au Soudan. Mais afin d'assurer la durabilité des progrès accomplis, il est essentiel que nous maintenions le cap.

Le discours du Trône et le récent budget, qui annonce que l'on doublera l'enveloppe d'aide internationale d'ici 2010- 2011, par rapport au niveau de 2001-2002, démontrent la compassion du présent gouvernement et son désir de maintenir et de consolider le leadership du Canada en matière d'aide internationale.

Monsieur le président, il me fera plaisir de dialoguer avec vous et de répondre aux questions du comité.

Le président : Merci pour votre présentation optimiste et franche.

Le sénateur Dawson : Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter pour votre persévérance. Ayant fait campagne avec vous, il y a deux ans, j'ai pu constater votre persévérance de poursuivre pendant deux ans. C'est de cette persévérance que notre comité a besoin pour s'attaquer à un problème sur l'Afrique.

Je voudrais aussi vous féliciter pour l'aéroport de Québec, parce que cela permettra d'accueillir le Sommet de la Francophonie dans deux ans. Ce qui amène ma question :peut-on penser que votre ministère pourra mettre en branle un processus durant le Sommet de la Francophonie de Québec, en 2008, pour annoncer des solutions au débat sur l'Afrique? Ou encore, peut-on penser que l'on soit capable d'annoncer aux pays francophones de l'Afrique que, suite aux démarches entreprises par des comités comme le nôtre, ou par le NEPAD, l'on met l'épaule à la roue.

La persévérance s'applique au comité de la francophonie parlementaire lorsque vous rappelez à vos collègues, qui participent à un colloque de parlementaires, d'insister pour que l'Afrique soit toujours à l'ordre du jour.

C'est triste de dire qu'il faut qu'on parle de 2008 et je ne crois pas qu'il y ait de solutions à court terme. La solution c'est de voir le ministère, les parlementaires canadiens et le comité saisi du dossier continuer à faire avancer le dossier.

Malheureusement, dans le passé on a eu tendance à mettre le dossier sur la glace pour ensuite le reléguer aux oubliettes. Nous avons un objectif, mais si on est capable de faire des annonces disant qu'on a solutionné des problèmes, j'aimerais savoir si on peut compter sur vous lors des prochains sommets de la Francophonie?

Mme Verner : Je prends bonne note de vos remerciements et de vos remarques positives face à ma persévérance. Je peux vous assurer de ma persévérance future également dans le dossier de l'Afrique.

Les 13 et 14 mai derniers, nous nous sommes réunis en conférence ministérielle à Saint-Boniface et y étaient présents les représentants des États francophones. Évidemment, nous avons traité de la résolution des conflits et des diverses façons de s'impliquer sur le continent africain.

Nous sommes sortis de cette conférence avec une déclaration commune qui sera soumise, avant 2008, au Sommet de Bucarest, en 2006. Les chefs d'État qui y seront présents prendront des décisions.

Je pense que non seulement 2008 sera une étape dans ce qu'on a l'intention de faire en Afrique, mais le dernier budget témoigne de bien au-delà de 2008; on parle de doubler notre aide en Afrique de 2001 à 2010 : aux alentours de 2010 on pourrait atteindre une aide représentant environ 5 milliards de dollars.

Le sénateur Dawson : Puisque vous avez parlé du Sommet de Winnipeg, je me permets d'espérer que ce qui est arrivé à M. Diouf à Toronto ne se reproduise pas. L'arrivée s'est peut-être faite dans un contexte différent pour les représentants de CATSA et pour ceux du ministère des Affaires extérieures puisque la région de Québec n'a certainement pas l'aéroport le plus international au monde.

J'espère qu'à l'avenir on prendra les mesures nécessaires afin que ce genre d'incident ne se reproduise pas, et je ne parle pas seulement pour 2008. Je crois que cet incident a entaché la réputation du Canada à l'échelle nationale et internationale.

Mme Verner : J'aimerais répondre au sénateur Dawson qui a fait allusion au fait que l'aéroport de Québec n'est pas un aéroport international. Notre gouvernement a annoncé qu'il injectera les fonds nécessaires pour que Québec ait un véritable aéroport international pour accueillir les dignitaires du Sommet de la Francophonie.

L'incident qui s'est produit à Toronto est malheureux et nous avons exprimé nos regrets. L'ex-président du Sénégal et secrétaire général de l'OIF a souhaité, suite à une conversation qu'il a eue avec notre premier ministre, tourner la page. Il a mentionné qu'il avait été touché par les propos tenus à son endroit. En guise de respect pour les membres de l'Organisation internationale de la Francophonie, il a aussi souhaité qu'on retienne non seulement qu'il a eu un accueil chaleureux au Canada malgré cet incident, mais que la conférence avait été un succès.

Le sénateur St. Germain : Nous avons eu les gouvernements de messieurs Trudeau, Mulroney, Chrétien et Martin. Aujourd'hui c'est M. Harper qui dirige le pays. Que fera-t-il de différent pour améliorer la vie des Africains? Je vous pose la question parce qu'on dirait que, comme on dit en français, « plus ça change plus c'est pareil ».

Mme Verner : La population canadienne a exprimé récemment qu'elle voulait un vrai changement et dans le discours du Trône, le gouvernement dit qu'il fera en sorte de répartir de façon plus judicieuse l'aide accordée à l'échelle internationale. Je rappelle encore qu'on souhaite doubler les sommes consenties en Afrique pour aider la population. Nous voyons déjà des histoires à succès en Afrique, qui ne sont pas tout à fait connues à leur juste valeur.

Il faut s'assurer d'accompagner les pays auxquels on donne de l'aide et c'est certainement avec la persévérance, qu'a évoquée le sénateur Dawson, qu'on va continuer d'investir. Je vous promets qu'on va continuer d'aider les populations et de s'assurer que l'on obtienne de bons résultats.

Le sénateur St. Germain : Certains disent qu'on devrait se concentrer sur trois ou quatre pays au lieu d'essayer de travailler avec une centaine. Qu'en pensez-vous?

Mme Verner : En tant que nouvelle ministre de la coopération internationale, je m'engage à m'assurer de l'efficacité de l'aide. On souhaite concentrer nos ressources dans un nombre restreint de pays ou dans des secteurs d'activités mieux ciblés, mais toute cette analyse sera faite pour s'assurer d'obtenir de bons résultats.

[Traduction]

Le sénateur Andreychuk : Tous mes vœux dans vos nouvelles fonctions. Je dirais que vous avez l'un des postes les plus importants et les plus sous-estimés au sein du conseil des ministres.

Hier, nous avons entendu Robert Fowler par vidéoconférence. Il nous a présenté certaines des réussites et certains des dilemmes qui accompagnent l'effort canadien en matière d'aide à l'étranger. J'aimerais vous interroger sur une question que je lui ai posée.

Les Canadiens veulent aider et veulent voir des réussites mais nous lisons souvent des manchettes qui nous parlent de questions humanitaires plutôt que d'aide au développement. Les questions humanitaires, comme l'a dit M. Fowler, peuvent aboutir au développement. Par exemple, au Darfour, nous avons commencé par une intervention humanitaire, mais l'on s'attend à ce que nous continuions à aider et prêter main-forte si bien que la distinction entre humanitaire et développement peut se perdre.

Cette situation représente un dilemme en soi mais nous faisons souvent des annonces et nous intervenons en Afrique en période de crise pour apporter une aide humanitaire. Aussi, il est difficile pour les Canadiens de savoir si nous faisons quelque chose d'efficace en matière d'aide au développement parce que nous n'avons pas défini exactement ce que nous faisions, nous n'avons pas fait la distinction entre l'aide au développement et le reste. C'est toujours mêlé au maintien de la paix et à l'aide humanitaire. Cela vous inquiète-t-il? Discutez-vous avec vos hauts fonctionnaires de la possibilité de transmettre un message réel concernant l'aide au développement, indépendamment de nos interventions humanitaires ou de maintien de la paix?

[Français]

Mme Verner : Je ne sais pas si je saisis bien la nuance de votre question, mais je peux vous parler peut-être d'histoires de succès en Afrique. Effectivement, on parle d'aide humanitaire, mais il y a aussi l'aide au développement qui donne des résultats.

Dès mon entrée en fonction, j'ai posé le même genre de question que vous, madame le sénateur. On m'a parlé du Ghana qui, depuis plusieurs années, a tenu plusieurs élections pacifiques avec un taux de participation enviable et que le Canada avait appuyé ces processus électoraux libres et pacifiques.

On sait également que lorsque la démocratie s'installe dans un pays, la croissance économique est plus élevée. Or c'est ce qu'on appelle véritablement de l'aide au développement; le pays peut se prendre en main lui-même, déterminer par la suite ses propres priorités et le Canada peut aider le pays concerné dans son développement.

Je ne sais pas si je réponds entièrement à votre question.Peut-être qu'un des experts qui m'accompagnent pourra compléter ma réponse.

[Traduction]

Paul Hunt, vice-président, Direction générale de l'Afrique, Agence canadienne de développement international : Sénateur, vous demandez comment le gouvernement canadien gère son enveloppe d'assistance internationale. Vous nous demandez en fait comment protéger les investissements à long terme en aidant les partenaires qui font ce qu'il faut. Comment protège-t-on les investissements dans des partenaires qui ont le potentiel voulu pour atteindre les objectifs de développement du millénaire et pour donner l'exemple en améliorant la gouvernance et en réduisant la pauvreté sans toutefois abandonner les situations de crise et les urgences qui se présentent de temps à autre?

Dans la gestion de cette enveloppe, le gouvernement canadien a séparé certaines enveloppes de financement qui permettent au ministère des Affaires étrangères, à l'ACDI et au ministère de la Défense nationale d'offrir du financement à long terme dans le contexte du développement ou dans le contexte des crises. Le gouvernement est en train de se donner des enveloppes de financement qui nous permettront de répondre aux crises que l'on ne peut prévoir aujourd'hui mais qui peuvent se produire demain. Nous aurons une source de fonds pour ces situations ainsi qu'une autre pour le développement, pour les investissements à long terme nécessaires dans le but d'accompagner les pays avec lesquels le Canada travaille en partenariat.

Le sénateur Andreychuk : C'est exactement la question que je vous posais. Ces renseignements doivent être transmis d'une façon ou d'une autre à la population. C'est là que je pense que nous faisons erreur. Je ne crois pas que l'on comprenne ces différences et l'importance de telles différences.

Comment combiner différentes choses? Nous voulons nous concentrer sur certains pays où nous pensons avoir ce qu'il faut pour être de bons partenaires. Toutefois, la communauté internationale continue à parler de lutter contre la pauvreté dans les plus pauvres des pays pauvres.

Vous avez signalé le Ghana. Le Ghana a apporté d'importants changements depuis suffisamment longtemps pour mériter que nous restions présents. Toutefois, certains des pays les plus pauvres, où les populations sont les plus destituées, ont des gouvernements horribles et non démocratiques. Ils se disentpeut-être démocratiques mais ils ne le sont pas. Ce sont évidemment les plus pauvres parmi les pauvres. Mais nous voulons faire quelque chose. Alors nous n'avons pas l'impression que l'aide donne des résultats. Il me semble que les fonds soient détournés puis perdus.

Comment pouvons-nous résoudre ce problème?

[Français]

Mme Verner : Effectivement, lorsque la situation ne permet pas de travailler avec le gouvernement, lorsque la situation n'est pas stable, il faut s'assurer de stabiliser le pays. C'est de cette façon qu'on travaille avec d'autres ministères pour s'assurer de stabiliser le pays, de l'amener vers les bienfaits de la démocratie. Le temps que ce processus se fasse, on travaille avec la population et avec des ONG sur place ou canadiennes.

Le sénateur Corbin : Bienvenue à ce comité pour la première fois, madame Verner. J'ai passé une partie de ma vie en banlieue de Québec, dans un endroit qui s'appelle Charlesbourg. Ce beau coin de pays me manque beaucoup. Je vous souhaite tout ce qu'il y a de mieux dans la poursuite de votre carrière comme ministre.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention la présentation de votre document. C'est un bon document de relations publiques, mais la situation en Afrique n'est pas si rose que cela. Je suis allé en Afrique plusieurs fois. La dernière fois j'ai passé, avec plusieurs de mes collègues, deux semaines dans quatre pays parmi les plus pauvres, les plus massacrés de l'Afrique et je n'ai pas vu le pire, car il y en a des pires encore.

Je comprends que l'on puisse se vanter des millions de dollars que le Canada verse en Afrique à différentes sortes de programme, mais on est loin, très loin, de satisfaire aux besoins des Africains en matière de soutien, d'infrastructures et tout ce que vous voudrez. Nous avons eu le privilège de rencontrer l'ancien président du Mali et président actuel de l'Union africaine, Alpha Oumar Konaré. Il nous a dit qu'un des problèmes majeurs en Afrique est la communication entre les états et les nations. Il y a un manque criant d'infrastructures. On ne peut pas penser à développer un pays si on ne met pas en place des infrastructures. On a commencé à développé le Canada en posant des rails en fer d'un océan à l'autre. Je ne pense pas qu'on puisse faire autrement en Afrique — peut-être pas avec des rails de fer, mais certainement avec de meilleurs réseaux de communication, au niveau du développement des routes internationales et internes. Est-ce que vous êtes impliquée dans ce genre de programme, madame la ministre?

Mme Verner : Les infrastructures constituent un enjeu extrêmement important pour le développement économique à long terme de l'Afrique, et le Canada travaille — je vous fais part de nos travaux dans ce sens — avec des pays et des institutions qui ont la même vision, comme par exemple la Banque mondiale et comme, dans le cas de l'Afrique, le Consortium des infrastructures pour l'Afrique. Nous sommes d'accord pour dire que le développement passe par l'infrastructure. Nous investissons dans ce genre de programmes.

Le sénateur Corbin : J'ai une série de questions, monsieur le président, qui sont reliées. L'aide internationale semble se concentrer sur la promotion du développement social et non pas celle du secteur privé. À quel point êtes-vous engagés dans le secteur privé, au niveau du développement des capacités bancaires, industrielles et manufacturières? Etes-vous impliqués ou non? Si oui, à quel degré?

Mme Verner : Le premier exemple, que l'on peut vous mentionner, sénateur, c'est celui du mouvement des caisses populaires. Il se fait du microcrédit dans certain pays de l'Afrique, notamment avec cette institution.

Le sénateur Corbin : Nous avons eu comme témoin des représentants des Caisses Desjardins qui sont très impliquées en Afrique, alors nous sommes parfaitement au courant de ces efforts. C'est quand même un modeste commencement. Au niveau des efforts pour favoriser, développer davantage les capacités artisanales des Africains, que faites-vous à ce chapitre?

Mme Verner : Pour revenir à notre collaboration avec le secteur privé, notamment dans cinq pays de façon plus précise, le Mozambique, le Mali, la Tanzanie, le Ghana et le Sénégal, des déboursés se font en collaboration avec le secteur privé.

Le sénateur Corbin : On a signalé à ce comité qu'environ 45 p. 100 de l'aide canadienne était liée à la fourniture de biens et services canadiens, ce qui cadre avec la moyenne de l'OCDE. Le Canada devrait-il se prononcer en faveur du déliement complet de son aide au développement? Dans la négative, pourquoi pas? Et qui exerce des pressions dans notre pays pour que l'aide continue à être liée à la fourniture de produits canadiens?

Mme Verner : Je vais demander à un des experts m'accompagnant de répondre; Mme Vincent.

Diane Vincent, première vice-présidente, Agence canadienne de développement international : Merci pour votre question.

Le sénateur Corbin : Excusez-moi, monsieur le président, mais les témoins n'ont pas été identifiés.

Le président : Je pense que je l'ai fait au début de la réunion. Mme Vincent est première vice-présidente de l'ACDI, responsable pour l'Afrique, je crois.

Mme Vincent : Merci, monsieur le président, de me donner l'occasion de répondre à votre question. Souvent, quand on réfère à l'aide liée, on réfère à l'aide alimentaire. Jusqu'à tout récemment, 90 p. 100 de l'aide alimentaire devait être liée à des fournitures canadiennes. L'ACDI a changé cette décision, donc 50 p. 100 de l'aide alimentaire peut maintenant être déliée.

Pour l'ensemble de nos autres interventions dans le domaine du développement, nous avons des partenariats canadiens. Des partenaires canadiens investissent dans du développement et nous investissons avec eux. On parle souvent d'aide liée et on inclut les partenariats avec les ONG canadiennes, le secteur privé, et cetera.

J'aimerais toutefois souligner que lorsqu'on est enco-investissement avec d'autres partenaires canadiens, bien sûr on utilise l'expertise canadienne et le savoir-faire canadien,mais les partenaires canadiens, à travers leurs campagnesde financement, investissent presqu'autant que nous dansle développement international. On parle d'un montantde 700 millions de dollars par année.

Le sénateur Corbin : Parlez-vous d'ONG ou d'entreprises privées?

Mme Vincent : Le tout confondu : les universités, les collèges, les ONG, le secteur privé canadien. Nous investissons avec eux, en partenariat, 650 millions de dollars par année. Nous savons que les partenaires canadiens vont chercher des ressources humaines et financières jusqu'à l'ordre de 700 millions de dollars par année. C'est un partenariat très riche qui se poursuivra à l'ACDI, mais pour ce qui est de la fourniture de biens et services, on réfère souvent à l'aide alimentaire. On est en train de délier l'aide alimentaire.

Le sénateur Corbin : L'ACDI, avec l'approbation du gouvernement j'en suis sûr, — je ne sais pas si c'est le gouvernement précédent ou actuel, vous saurez éclairer ma lanterne — a décidé récemment de porter de 6 à 14 le nombre de ces pays de concentration, des pays chouchous comme on les appelle dans certains ministères. Ces pays sont maintenant le Bénin, le Burkina Faso, le Cameroun, l'Éthiopie, le Ghana, le Kenya, le Malawi, le Mali, le Mozambique, le Niger, le Rwanda, le Sénégal, la Tanzanie et la Zambie. Quel est l'aspect négatif de cette décision de répartir l'aide plus largement?

Au départ, il y avait cet engagement du gouvernement fédéral de faire affaire avec des pays qui avaient une bonne carte de route au niveau de la gouvernance, de la reddition des comptes et tout cela.

Est-ce parce que la situation s'est progressivement améliorée dans les autres pays que le cadre d'opération s'est élargi ou est-ce pour d'autres considérations? Et pourquoi ne pas l'élargir davantage?

Mme Verner : Il s'agit d'une décision prise par le précédent gouvernement, pour répondre à la première partie de votre question. On m'informe que la décision à l'époque avait été prise parce que les succès obtenus dans les six premiers pays permettaient de donner de l'aide à un plus grand nombre de pays supplémentaires.

Le sénateur Corbin : J'ai avec mes collègues visité le Mali. Le Mali est quand même un des pays les plus pauvres en Afrique. N'aurait-il pas mieux valu concentrer davantage l'aide au Mali et laisser à d'autres pays occidentaux, comme les pays de la riche Europe, le soin d'adopter d'autres pays chouchous, ceci afin de permettre au Canada d'en faire davantage dans des pays de pauvreté criante comme le Mali? N'aurait-il pas mieux valu aller jusqu'au bout, se fixer un objectif et l'atteindre pour ensuite passer à autre chose, au lieu de « s'effoirer » à la grandeur du continent.

Mme Verner : En ce qui concerne le Mali, l'aide continue de croître également. Le précédent gouvernement a décidé d'élargir le nombre à 14 pays, mais il faut dire que c'est 14 pays sur un nombre de 53 pays, ce qui n'est quand même pas un très grand nombre. Je vous assure toutefois que l'aide continue de croître au Mali.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Bienvenue, madame la ministre. Je suis heureux que vous ayez pu venir aujourd'hui.

Vous avez répété quelque chose qu'avait dite une ministre qui vous a précédée devant notre comité, à savoir que l'Afrique représente le plus gros défi en matière de développement, que c'est la première priorité internationale dans ce secteur. Toutefois, notre comité a appris que 50 p. 100 seulement du budget de l'ACDI est dépensé en Afrique. Ce chiffre a-t-il augmenté en fonction de cette priorité?

[Français]

Mme Verner : Dans le budget, c'est 60 p. 100 de l'augmentation de l'aide qui est parvenue en Afrique, je pense donc qu'on a plutôt une croissance.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Êtes-vous en train de nous dire qu'une part plus importante du budget de l'ACDI va maintenant à l'Afrique?

[Français]

Mme Verner : Je veux ajouter que le Canada a consacré environ 60 p. 100 des nouvelles ressources de son aide publique au développement de l'Afrique entre 2001 et 2005.

Le président : Je pense que le sénateur souligne la question du budget total de l'ACDI; le pourcentage du budget envoyé à l'Afrique est de combien?

[Traduction]

Le sénateur Downe : La ministre nous informe qu'il y a eu une augmentation : 60 p. 100 des fonds nouveaux vont à l'Afrique, ce qui est mieux que les 50 p. 100 qui y allaient auparavant, mais la présidente a raison.

Sur le budget total de l'ACDI, quel pourcentage va à l'Afrique? Évidemment, l'Afrique représente le plus gros problème et vous l'avez dit, comme l'avait indiqué la ministre précédente, c'est une grande priorité.

Si c'est une grande priorité et que la majorité des pays pauvres se trouvent en Afrique, pourquoi ne mettons-nous pas là l'essentiel du budget de la lutte contre la pauvreté?

[Français]

Mme Verner : Je vais demander à un des experts qui m'accompagne de répondre concernant le pourcentage de l'aide envoyée en Afrique. Je pense que M. Hunt pourrait vous répondre.

Le président : J'aimerais spécifier à mon collègue le sénateur Corbin que M. Paul Hunt est le vice-président, Direction générale de l'Afrique et a comparu devant ce comité plusieurs fois lors de la première session de la 38e législature de ce Parlement.

Le sénateur Corbin : On connaît M. Hunt depuis plusieurs années.

[Traduction]

M. Hunt : Je suis heureux de me retrouver devant votre comité avec la ministre et mes collaborateurs.

Si je me souviens bien, l'enveloppe totale mise à la disposition de l'ACDI en 2005-2006 est de 3,1 milliards de dollars. Là-dessus, en gros, l'aide au développement de l'Afrique représente 1,5 milliard de dollars.

Il faut remarquer que la tendance en ce qui a trait à l'ensemble des ressources allant à l'Afrique, depuis 2000, commence à se faire sérieusement sentir. Comme l'a dit la ministre, à mesure que de nouvelles ressources sont mises à la disposition de l'Agence, on en investit une partie importante en Afrique. La ministre a également signalé dans son allocution que l'on va insister sur la continuité, que l'Afrique reste une priorité importante de la stratégie d'investissements de l'Agence.

J'ai eu le plaisir et le privilège d'être associé à l'Afrique. D'autres régions du monde sont également pauvres et rencontrent beaucoup de problèmes de développement. Une partie de l'efficacité de l'aide est d'arrêter les priorités, les secteurs de concentration et d'accompagner les partenaires clés qui prennent les décisions afin qu'ils apportent les changements nécessaires et réalisent des progrès dans leur contexte national.

Le nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique nous a permis de faire des choses extraordinaires dans ce contexte. Beaucoup d'entre vous avez cité des pays où les choses vont très bien depuis quelques années. Ces progrès ont permis d'aider les nouveaux dirigeants à apporter les réformes nécessaires. Le Canada, par l'intermédiaire de l'ACDI et d'autres organisations, a déployé des efforts réels pour faciliter aussi ce changement. Comme l'a souligné la ministre, c'est ce que nous voulons continuer à faire au fur et à mesure que nous constatons ce progrès.

Le sénateur Downe : Je vous remercie de cette précision. La situation m'inquiète, car il y a toujours une grande différence entre la parole et les gestes — le financement et l'argent que nous employons pour aider les pays. Vous avez dit, et votre prédécesseur l'avait également dit, que l'Afrique est la grande priorité internationale. Vous avez dit qu'il s'agissait d'une priorité importante. Votre prédécesseur nous avait dit, lors d'une réunion où plusieurs questions avaient été posées sur le financement accordé par l'ACDI, que l'Afghanistan recevait plus d'argent que tout ce que les pays d'Afrique reçoivent.

Je me demande si la ministre emboîtera le pas au ministre de la Défense nationale? Est-ce lui qui établira les priorités? Est-ce que l'ACDI se contentera simplement de venir après le fait, essayant ainsi de se servir de ses ressources limitées pour s'occuper de priorités qui ne sont pas ses principales priorités?

[Français]

Mme Verner : Je vérifie actuellement certains chiffres. Je comprends que la ministre précédente a affirmé un certain nombre de choses. Maintenant je veux peut-être corriger certains chiffres en vous donnant un exemple de l'Éthiopie où le total de nos déboursés en 2004-2005 était de l'ordre de 107 millions de dollars. Il y avait de l'aide humanitaire et du développement dans ce pays notamment qui s'est fait. Peut-être quelqu'un veut-il compléter ma réponse sur le financement?

Mme Vincent : Si le comité souhaite des données plus exactes sur la portion qui va au financement de l'Afrique, nos calculs sont approximatifs mais en 2001-2002, c'était 35 p. 100 du budget de l'ACDI et en 2004-2005, c'est autour de 50 p. 100. Au fur et à mesure que l'enveloppe d'aide internationale augmente, une plus grande concentration d'aide va à l'Afrique. Certains pays comme Haïti et l'Afghanistan ont besoin d'efforts particuliers à cause d'un moment particulier de leur histoire. J'aimerais relever un commentaire de mon collègue. Il y a des personnes très pauvres en plusieurs endroits au monde. Alors le geste se joint à la parole sur la concentration de l'aide en Afrique également.

[Traduction]

Le sénateur Downe : Je reconnais que de nombreux pays sont en piètre état, mais le gouvernement ne peut pas dire que l'Afrique est la priorité sans tout au moins assurer un financement adéquat. La ministre craint-elle que le gouvernement Harper n'ait pas placé l'Afrique dans une de ses cinq grandes priorités? Pourra-t-elle obtenir le financement nécessaire?

[Français]

Mme Verner : Notre gouvernement a cinq priorités, ce qui n'exclut pas ce que nous avons l'intention de faire dans d'autres domaines, au contraire. Les chiffres que je vous donnais tout à l'heure visent à doubler notre aide en Afrique entre 2001 et2006 pour atteindre près de cinq milliards de dollars.

Le sénateur Corbin : J'aimerais avoir des clarifications. Je m'adresse Mme Vincent en particulier. Quand vous nous ferez parvenir des chiffres plus précis en ce qui concerne les investissements africains, pourriez-vous faire la part en ce qui est strictement aide humanitaire, qui s'applique dans des situations conflictuelles comme celles du Darfour et ailleurs peut-être, et ce qui est strictement développement dans le sens classique du mot.

J'aimerais qu'on puisse comparer les deux afin d'avoir un portrait plus exact de la situation et de l'augmentation de l'aide à chacun de ces chapitres.

Mme Vincent : Oui, très bien.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Je crois que Mme Vincent a signalé un peu plus tôt que certaines modifications avaient été apportées et que l'on consacrait un plus grand nombre de programmes de développement canadien à des partenariats dans le domaine du développement et de l'investissement avec les ONG et le secteur privé. J'aimerais me pencher sur ce partenariat avec le secteur privé. Lors de nos délibérations, nous avons souvent entendu qu'après 40 ou 45 ans d'aide accordée à l'Afrique, le succès n'est pas retentissant, même s'il y a eu de très bons exemples. L'aide à long terme peut créer une certaine dépendance et nuire plus qu'autre chose.

Le partenariat avec le secteur privé pourrait mener à des débouchés à long terme pour l'Afrique et les Africains; cela m'intéresse vivement. Ce serait une bonne façon de s'attaquer à cet énorme problème. Pouvez-vous nous donner des exemples du genre de choses que vous faites avec le secteur privé? J'aimerais vous poser d'autres questions ensuite.

[Français]

Mme Vincent : On fait des interventions institutionnelles en Afrique pour monter des institutions qui serviront aux partenaires privés du sud. Madame la ministre a donné l'exemple de Développement international Desjardins où a été développé un réseau de caisses populaires au Sénégal et au Burkina Faso, par exemple. Mais aussi, on a un fond d'investissement au secteur privé. J'aimerais inviter mon partenaire à expliquer ce fond d'investissement en Afrique qui vise à attirer des investissements du secteur privé canadien en Afrique..

[Traduction]

M. Hunt : J'aimerais faire quelques commentaires sur le Fonds canadien pour l'Afrique, un programme d'investissement doté d'un budget de 100 millions de dollars qui a été lancé par le gouvernement afin d'encourager le financement de la part du secteur privé. Le principal objectif de ce fonds d'investissement était de promouvoir les investissements du secteur privé en Afrique, de mobiliser le secteur privé africain et le secteur privé du Canada et des autres pays afin d'assurer davantage d'investissements directs en Afrique.

Pour en revenir aux commentaires de Mme Vincent sur les initiatives assurées par l'entremise d'organisations canadiennes, le Canada a entrepris plusieurs autres initiatives pour s'attaquer à certains des problèmes que certains d'entre vous avez déjà signalés en ce qui a trait à la croissance du secteur privé, aux défis présentés par l'infrastructure et à la recherche d'économies d'échelle dans le secteur de l'infrastructure au niveausous-régional et panafricain.

[Français]

Vous avez déjà rencontré la DID. Nous avons aussi MEDA, du Manitoba, deux organisations parmi d'autres qui ont une réputation extraordinaire en termes de mobilisation du microcrédit et de la mobilisation des micros PME en Afrique. On voit la présence de ces organisations à travers plusieurs pays.

L'ACDI, le gouvernement du Canada est capable d'aller chercher ces partenaires et de les mobiliser pour le bénéfice de ces pays ainsi que la mobilisation des PME dans les régions de ces pays, dans la région de l'Afrique.

[Traduction]

Il existe nombre d'autres façons de stimuler les investissements du secteur privé, comme travailler par l'entremise d'une organisation comme la Commission économique pour l'Afrique. Par exemple, le Canada a aidé la Commission a mettre sur pied un service de conseils pour les ministres du commerce africains afin de leur permettre de participer plus pleinement aux rondes de négociations commerciales multilatérales, lors de la Conférence ministérielle de l'Organisation mondiale du commerce à Doha. Le Canada épaule ainsi les ambassadeurs africains à Genève qui se réunissent à toutes les semaines pour peaufiner le texte de ces ententes commerciales internationales. Ces initiatives ont d'intéressants résultats à divers égards — au niveau du microfinancement, de l'investissement et des débouchés d'investissement, du climat commercial et du développement de la capacité des institutions africaines et des intervenants africains et, lorsque approprié, tout cela pourrait s'accompagner d'une capacité de pointe canadienne.

Le sénateur Di Nino : C'est excellent, j'en suis très heureux. C'est probablement la seule façon de permettre aux Africains de régler leurs problèmes. Cela dit, pouvons-nous présenter dans notre rapport des exemples particuliers comme : « Nous avons assuré la création de 15 fermes d'élevage de volailles » ou « Nous avons pu participer à la création d'une entreprise qui fabrique des bottes destinées à l'exportation »? Avez-vous des exemples du genre?

M. Hunt : Oui. Nous pouvons les fournir au comité, mais je profiterai de l'occasion pour mentionner le Programme de coopération industrielle de l'ACDI. Ce programme fait appel à l'énergie et aux connaissances du secteur privé canadien qui cherche à développer ses affaires à l'étranger. Le programme cherche à créer ou à lancer des projets conjoints ou des projets d'investissements mixtes. Ces projets sont justement ces exemples que vous venez de mentionner, et permettent de créer des entreprises de fabrication et des entreprises tertiaires où le Canada, par l'entremise de l'ACDI, aide ces gens d'affaires à élargir leurs activités. De plus, les entreprises créent des emplois, des revenus et assurent un apport fiscal pour les gouvernements locaux, ce qui assure un impact social nécessaire et un impact environnemental positif dans les régions touchées. Nous pourrions vous donner un très grand nombre d'exemples de ce genre d'initiatives.

[Français]

Je pense à une personne de Montréal, entre autres, qui a diversifié ses affaires de Québec en Afrique de l'Ouest.

[Traduction]

La liste est longue. Je ne connais pas toutes ces initiatives. Elles sont trop nombreuses. J'aimerais vous amener à une des réunions organisées pour que vous puissiez rencontrer tous ces intervenants.

Le sénateur Di Nino : Nous devrions les inviter ici. Je suis heureux que vous nous disiez publiquement toutes ces choses parce qu'il s'agit d'une des rares fois que nous avons entendu des commentaires si positifs.

Bref, vous dites que si j'ai une entreprise qui fabrique desT-shirts et que je veux me rendre au Ghana, au Mali ou en Tanzanie et ouvrir une petite usine, si j'investis de l'argent, l'ACDI créera avec moi un partenariat pour ce genre d'entreprises. C'est en supposant que je vous ai donné suffisamment de renseignements pour vous convaincre qu'il s'agit d'une initiative viable.

M. Hunt : Bref, la réponse est oui. Grâce au Programme de coopération industrielle, si vous avez l'intention d'investir et de créer une coentreprise avec un homologue africain, l'ACDI n'investira pas dans cette nouvelle entreprise mais vous offrira les ressources nécessaires pour assurer la formation de votre nouveau personnel. Cette formation vous permettra d'importer en Afrique des technologies canadiennes de pointe et de lancer au Ghana une entreprise moderne. Cela permettra également à votre entreprise au Ghana de bénéficier des services d'une main- d'œuvre locale bien formée qui connaît les technologies de pointe.

Le gouvernement du Canada, par l'entremise de l'ACDI, n'investira pas, mais il accompagnera les investisseurs canadiens qui décident de lancer des initiatives du genre. Ce programme tient compte de la chaîne d'approvisionnement mondiale et des stratégies commerciales nouvelles des entreprises canadiennes; il permet également de créer des assises pour le secteur privé en Afrique.

Tout cela doit se faire dans le cadre des décisions prises par le gouvernement du Canada en 2003 et qui visent à annuler les tarifs et les quotas, ce qui permet d'ouvrir le marché international. C'était là un geste important qui a indiqué clairement que le marché canadien était ouvert aux pays les moins avancés, les PMA. Il existe diverses façons de renforcer cette politique.

Le Canada ne peut pas tout faire. Certains des efforts doivent être déployés à partir de ressources locales dans les pays africains, des ressources qui sont maintenant rendues à l'étranger mais qui doivent être rapatriées pour que l'on puisse créer des emplois, faire des investissements et assurer une croissance économique.

Le sénateur Banks : Aujourd'hui, je remplace le sénateur Mahovlich.

Le sénateur Corbin : Mais vous parlez en votre nom propre.

Le sénateur Banks : Certainement.

Le président : Est-ce que cela veut dire que vous devez poser une question sur la construction des routes?

Le sénateur Banks : Je m'écarterai des questions que pose habituellement le sénateur Mahovlich.

Madame la ministre, tout comme mes collègues je vous souhaite beaucoup de succès dans votre ministère. C'est très agréable d'entendre des rapports positifs, des succès. Vous nous avez fait part de certains d'entre eux. Je poserai une question bien précise. Je ne m'attends pas à ce que vous y répondiez maintenant, mais je vous demanderais de communiquer la réponse à notre greffier.

Vous avez dit que l'aide internationale allait être doublée, et que d'ici 2010-2011, le niveau atteindrait le double de ce qui était prévu en 2001-2002; je suppose que vous parliez d'un chiffre qui inclut l'aide au développement ainsi que l'aide humanitaire.Les deux sont regroupés. Est-ce exact? Je vois que nostémoins font signe que oui. Pourriez-vous faire parvenir à notre comité les données sur le montant de cette aide internationaleen 2001-2002 pour que nous sachions vraiment à combien ce montant passera; pouvez-vous également nous indiquer à combien s'élevait cette aide dans toutes les années qui ont suivi jusqu'à 2004-2005? Pouvez-vous également dire combien vous avez l'intention d'ajouter à ce budget d'ici 2010-2011?

Vous avez décrit, en réponse à une question posée par le sénateur Di Nino, le type d'associés que vous pouvez appuyer sans pour autant investir dans leur entreprise. Je suppose que les autres intervenants dont vous avez parlé un peu plus tôt, avec qui vous avez formé un partenariat, sont principalement des organisations non gouvernementales qu'on appellerait communément des organismes de charité. Est-ce exact?

[Français]

Mme Verner : Si nos partenaires sont uniquement des ONG, c'est bien là votre question?

[Traduction]

Le sénateur Banks : Je parle ici des associés dont vous avez parlé plus tôt. Vous avez dit qu'ils avaient réussi à accumuler quelque 700 millions de dollars par année. Vous avez dit que l'ACDI disposait de 650 millions de dollars et que les associés avaient fourni 700 millions de dollars pour assurer un coinvestissement dans les initiatives de l'ACDI. Ces associés, qui ont recueilli 700 millions de dollars, sont-ils principalement des ONG?

[Français]

Mme Verner : Merci de votre question et de l'avoir répétée. Pour revenir sur la croissance du budget, doublé jusqu'en 2010, il atteindra au total 5 milliards de dollars. Tel que vous nous l'avez demandé, on vous fera parvenir les chiffres d'année en année.

Pour la question des partenaires qui avaient apporté jusqu'à 700 millions de dollars, cette réponse a été donnée par lavice-présidente de l'ACDI. Je vais lui demander de répéter ce qu'elle a dit à ce moment.

[Traduction]

Mme Vincent : Cette somme de 700 millions de dollars estune donnée statistique recueillie par Statistique Canadaen 2003. Statistique Canada a procédé à une enquête statistique générale auprès des Canadiens — le secteur privé, les ONG et j'en passe — pour savoir combien d'argent ils consacraient au développement international en 2003. Le total est 700 millions de dollars. Cela ne veut pas dire que cet argent a été affecté au complet à des partenariats dans le cadre de projets avec l'ACDI. Cependant, nos programmes sont assortis de conditions précisant que l'intervenant doit apporter certaines de ses ressources.

Le sénateur Banks : Ce montant de 700 millions de dollars représente-t-il exclusivement de l'argent ou y a-t-il également des apports en nature, notamment sous la forme de services?

Mme Vincent : Je devrai vérifier avant de répondre. Cette donnée correspond aux définitions adoptées par Statistique Canada, mais je serai heureuse de vous fournir cette définition plus tard.

Le sénateur Banks : Merci. J'aimerais maintenant passer à l'Afghanistan. Je sais que nous parlons de l'Afrique aujourd'hui, mais la politique étrangère du Canada à l'égard du rétablissement de la paix ou du maintien de la paix reconnaît un principe qui s'appelle la guerre à trois volets. Dans le premier volet, vous vous battez farouchement contre l'ennemi; au deuxième volet, vous calmez les gens et au troisième volet vous vous occupez du développement et de la création de stabilité. Nous constatons que l'ACDI intervient au troisième volet. Est-ce là une politique permanente de l'ACDI? Dans l'affirmative, est-ce un rôle logique à votre avis?

[Français]

Mme Verner : Monsieur le président, je remercie le sénateur de sa question, mais mon gouvernement n'a pas adopté de politique en trois étapes qui vise un, à faire la guerre, deux, à stabiliser le pays et trois, à le développer. Pour obtenir de bons résultats en matière de développement, il faut s'assurer que le pays offre une stabilité. Il faut convaincre la population. Vous donnez l'exemple de l'Afghanistan. Vous me permettrez de vous préciser mon engagement dans ce domaine. Il faut convaincre la population que le gouvernement qui a été démocratiquement élu ait la bonne solution pour l'avenir de ce pays. C'est ce que nous nous employons à faire. Il faut comprendre que certaines portions du pays sont plus à risque, plus fragiles et pour continuer notre aide internationale, pour aider la population qui souhaite se démocratiser, il faut s'assurer que le tout se fasse en toute sécurité. C'est plutôt de cette façon que nous voyons les choses en Afghanistan et cela s'appliquera partout dans le monde.

[Traduction]

Le sénateur Banks : En ce qui a trait au rôle et à la participation de l'ACDI en Afghanistan, jugez-vous que son intervention est utile, appropriée et efficace?

[Français]

Mme Verner : C'est un engagement à très long terme. On le sait, c'est un pays très pauvre, un pays qui a traversé de longues années de guerre. Maintenant, nous en avons des résultats et quelques-uns d'ailleurs sont rendus publics. Je pense notamment à une journaliste très réputée à Radio-Canada, Céline Galipeau, qui a vu des progrès là-bas, notamment pour les femmes et les enfants et qui demandent au gouvernement de ne pas se retirer de l'Afghanistan. On n'a pas le droit de laisser tomber cette population à qui on a dit que la démocratie pouvait être une solution pour le futur. Des exemples concrets, je pourrais vous dire qu'en Afghanistan, il y a plus de 4 millions d'enfants inscrits à l'école maintenant, dont près du tiers sont des filles. Il faut se rappeler qu'il y a à peine quelques années, les filles n'avaient pas le droit d'aller à l'école. Les conditions de vie des femmes, si vous me passez l'expression, ressemblaient parfois à celles qu'on réserve à du bétail. Maintenant, il y a des femmes qui s'en sortent, il y a du microcrédit, notamment en Afghanistan, qui est offert et sur 157 000 clients, je vous dirais que 78 p. 100 de ceux qui ont profité du microcrédit là-bas sont des femmes et j'ajoute que 99 p. 100 des prêts sont remboursés.

[Traduction]

Le sénateur Banks : Monsieur le président, je m'excuse d'être passé à l'Afghanistan, mais un mouvement d'intérêts canadiens au Darfour a été mis sur le tapis et on supposerait qu'une prise de position politique devrait s'ensuivre.

[Français]

Le président : Madame la ministre, j'aimerais vous demander si vos fonctionnaires peuvent nous donner une précision quand ils nous envoient des fiches sur les montants. L'analyse que j'ai faite du rapport de l'ACDI au fil des ans me montre qu'il y a une division entre quelques catégories. Est-ce possible de fournir des chiffres au comité quant à ces divisions, cela nous aiderait énormément.

[Traduction]

Je pense qu'il y a une distinction entre l'aide au développement et l'aide humanitaire. Il serait bon qu'on compare les chiffres à ce sujet, ainsi que pour les programmes multilatéraux, les programmes régionaux ou géographiques et les apports des organisations du secteur privé, les ONG. Il serait également utile de pouvoir comparer le budget de l'ACDI à l'enveloppe de l'aide internationale. Si nous pouvons comparer ces chiffres de 2001 à 2005, je crois que le comité sera mieux en mesure de procéder à son analyse.

[Français]

La question que je veux poser au ministre, il s'agit du 1,5 milliards qui est un gros montant pour le citoyen canadien, mais auprès du grand défi de l'Afrique, cela ne représente pas nécessairement un montant suffisant. Alors je pense, pour représenter Monsieur et Madame tout le monde, je vous poserais cette question comme ministre de la Couronne. C'est très clair. Est-ce mieux d'avoir ce 1,5 milliards divisés dans plusieurs programmes et plusieurs pays en Afrique ou est-ce mieux de choisir une ou deux priorités comme, par exemple, l'initiative anti-malaria avec des filets anti- moustique suggérée dans un rapport assez récent, quelque chose où les Canadiens peuvent constater une réussite dans un programme intégré, dirigé vers un but et pas nécessairement de diffuser l'argent dans plusieurs programmes qui sont tellement importants mais où peut-être, on ne peut pas avoir le même niveau de réussite? Je sais que ce n'est pas facile de dire qu'on va faire un grand choix et qu'on va laisser toutes les autres questions de côté. Pouvez-vous nous donner vos perspectives là-dessus comme ministre de la Couronne.

Mme Verner : Comme vous le savez, dans le discours du Trône, notre gouvernement s'est prononcé sur l'efficacité de l'aide. J'ai demandé d'ailleurs à mon secrétaire parlementaire, en comité, de traiter cette question. Nous attendons les suggestions qui seront faites. J'ai demandé au personnel de mon ministère de se pencher sur cette question qui avait été mise de l'avant dans le discours du Trône.

Le sénateur Corbin : J'aurais trois points. Est-ce que l'ACDI contribue à des programmes qui visent à éliminer l'esclavage des enfants en Afrique?

Mme Verner : Je vous remercie de votre question. Il y a des choses qui se font via l'UNICEF?

Le Sénateur Corbin : Est-ce que l'ACDI est directement impliqué?

Mme Verner : On a des programmes pour les enfants. Maintenant peut-être que M. Hunt va compléter sur des programmes spécifiques.

M. Hunt : C'est un élément de notre programmation qui touche les enfants. C'est un secteur important qui rejoint l'éducation et la situation des enfants dans les pays de l'Afrique. Jusqu'à maintenant, nous avons essayé plusieurs modèles, et celui qui a très bien marché est celui de l'UNICEF et de quelques organisations canadiennes qui ciblaient particulièrement la situation de l'enfant en milieu de travail...

[Traduction]

... prendre des enfants d'un pays et les faire travailler dans une usine dans un autre pays.

[Français]

Le sénateur Corbin : Non mais, c'est pire que cela. La question que je soulève, ce sont des familles qui vendent leurs enfants dans des situations d'esclavage. J'ai vu deux reportages assez complets sur cette question à TV5 récemment. C'est assez répandu dans certaines régions d'Afrique. Ce n'est pas une question d'éducation, c'est une question qui vise à éliminer complètement ces pratiques honteuses. Etes-vous impliqués ou non?

Mme Verner : Vous avez raison, ce sont des pratiques honteuses. Nous sommes impliqués via des programmes internationaux comme l'UNICEF, qui s'implique beaucoup dans ce type de problème.

Le sénateur Corbin : En ce qui concerne la mutilation génitale des jeunes filles. J'ai posé la question à des représentants de l'ACDI, il y a quelques années : êtes-vous encore impliqués dans cet effort pour éliminer cette pratique absolument abominable?

Mme Verner : Je suis d'accord avec vous, c'est une pratique absolument atroce, mais des programmes existent. Récemment, 15 millions ont été investis en République démocratique du Congo dans ce programme. Signalons que les défis sont là. Il y a des croyances religieuses qui sont là mais la base demeure toujours l'éducation, évidemment.

Le sénateur Corbin : Que vous soyez impliqués, c'est important. Un dernier point. Lorsque votre collègue, le ministre des Affaires étrangères, Monsieur McKay, a comparu devant ce comité, j'ai essayé de l'inciter à garder un œil sur ce qui se passe avec le ministre des Finances auprès du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale. Dans les conversations qui ont suivi la réunion avec des officiels du ministère, on m'a avoué qu'il faudrait se concentrer davantage sur l'élaboration des politiques et des pratiques de ces deux grandes institutions financières mondiales.

Je pense que vous, madame, en tant que ministre responsable pour l'ACDI, la Francophonie, vous devez vous aussi vous intéresser à ce qui se fait par l'entremise de ces institutions financières dans le monde en développement.

Il paraît qu'il y a un manque de coordination criant. C'est pour cela qu'il y a eu des erreurs criantes dans certains pays par le passé. Je ne vous demande pas de me répondre, je voudrais tout simplement vous demander de garder un œil et une oreille sur ce qui se passe à la Banque mondiale, au Fonds monétaire international dans leurs programmes de développement pour l'Afrique en particulier. Vous seriez surprise de prendre connaissance de certaines choses. Il faut que vous soyez impliqués. Il faut que le ministre des Affaires étrangères soit impliqué, pas seulement le ministre des Finances du Canada. Voilà mon sermon.

Le président : Madame la ministre, il me reste à exprimer de la part de mes collègues du Comité des affaires étrangères mes remerciements profonds pour votre présentation, votre déclaration, vos réponses franches et claires, ainsi que les réponses des représentants officiels de l'ACDI. Nous espérons que vous allez comprendre notre attachement profond à l'Afrique et notre engagement dans un rapport qui va être positif, mais peut-être difficile. Je vous encourage à continuer votre travail sur l'Afrique qui reste une priorité pour nous ici à ce comité.

La séance est levée.


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