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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 1 - Témoignages du 4 octobre 2006


OTTAWA, le mercredi 4 octobre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation, se réunit aujourd'hui à 14 h 35 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Mesdames et messieurs les sénateurs, celle-ci est notre 24e réunion portant sur le projet de loi C-2, Loi prévoyant des règles sur les conflits d'intérêts et des restrictions en matière de financement électoral, ainsi que des mesures en matière de transparence administrative, de supervision et de responsabilisation. Le projet de loi est mieux connu sous le nom de loi fédérale sur la responsabilité.

Comme le savent les sénateurs, les témoins et les membres du public ici présents ou qui nous regardent à la télévision, ce projet de loi est un élément central du programme du nouveau gouvernement et l'une des plus importantes mesures législatives dont le Parlement ait été saisi au cours des dernières années. Le comité accorde à ce projet de loi l'examen approfondi, minutieux et détaillé qu'il mérite. Nous avons déjà consacré plus de 75 heures de réunions au projet de loi et entendu plus de 120 témoins. Ceux-ci ont traité de questions allant de la responsabilité à l'éthique et aux conflits d'intérêts, en passant par le privilège parlementaire, le financement des partis politiques, le bureau du budget parlementaire, l'accès à l'information, le respect de la vie privée, la dénonciation, les pouvoirs de vérification et l'approvisionnement.

Nous nous concentrons cette semaine sur la question du lobbying. J'accueille, pour ouvrir la séance, Michael Nelson, directeur des lobbyistes. M. Nelson a été nommé à ce poste à temps plein en septembre 2005. Le bureau qu'il dirige est responsable, en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, de l'établissement et du maintien du registre des lobbyistes, qui renferme des renseignements sur tous les lobbyistes inscrits et sur leurs activités, comme l'exige la loi.

Par ailleurs, le directeur émet des avis consultatifs et des bulletins d'interprétation au sujet de la loi et est chargé de l'élaboration du Code de déontologie des lobbyistes et du contrôle de son respect.

M. Nelson est accompagné de Karen Shepherd, directrice des Enquêtes, de Pierre Ricard-Desjardins, directeur des Opérations, et de Bruce Bergen, conseiller juridique.

Le comité vous souhaite la bienvenue. Après votre exposé, nous aurons une période de questions et réponses.

[Français]

Michael Nelson, directeur des lobbyistes, Bureau du directeur des lobbyistes : Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion de m'adresser au comité au sujet du projet de loi C-2. J'ai remis au greffier du comité une copie de la présentation que j'ai faite récemment au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes. Je vous présente ce document à titre de contexte de l'application de la loi actuelle. Bien sûr, je serai heureux de répondre à toutes les questions concernant ma présentation.

Le projet de loi C-2 comprend plusieurs changements touchant l'actuelle loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Dans mon allocution d'ouverture, je souhaite parler des trois changements que je juge particulièrement utiles.

[Traduction]

Le premier changement concerne l'établissement d'un commissariat au lobbying entièrement indépendant. Comme les sénateurs le savent peut-être, à titre de directeur des lobbyistes, je dois faire rapport au Parlement au sujet de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Cependant, je suis également un fonctionnaire relevant d'un ministre — à l'heure actuelle, le président du Conseil du Trésor. Depuis mon entrée en fonction comme directeur en 2004 — d'abord à temps partiel, puis, à compter de 2005, à temps plein — j'ai eu la chance de travailler avec des ministres qui ont respecté la nécessité d'indépendance. Je n'ai rencontré aucun des trois ministres dont j'ai relevé. De plus, ces ministres et leur personnel n'ont jamais posé de questions sur l'état d'un enregistrement ou d'une enquête en cours. Ils ont adopté cette approche parce que, de temps à autre, les responsabilités de mon bureau touchent des questions délicates sur le plan politique. Le Parlement et les Canadiens pourront avoir davantage confiance dans les actions et les décisions du commissaire au lobbying s'il est, ou s'il semble, entièrement à l'abri de l'influence du gouvernement du jour. J'appuie fortement l'ajout d'un mandat détaillé pour la création et la mise en œuvre de programmes d'éducation.

Monsieur le président, le lobbying non enregistré serait à toutes fins pratiques éliminé si les titulaires de charge publique refusaient de communiquer avec les lobbyistes dont ils ne peuvent pas vérifier l'enregistrement en bonne et due forme dans le registre public. Je ne suggère pas que les titulaires de charge publique assument mon mandat quant à l'application de la loi. Je ne suggère pas non plus que les activités du gouvernement doivent cesser chaque fois qu'il existe un doute au sujet de l'enregistrement d'un lobbyiste. Il est en effet possible qu'un nom ne figure pas dans le registre pour une raison légitime. Cependant, le bureau du commissaire pourrait grandement accroître son influence en s'assurant que les titulaires de charge publique soient conscients des obligations liées à l'enregistrement et à la conduite des lobbyistes, et que les lobbyistes et leurs clients comprennent la loi afin de s'y conformer.

[Français]

Selon moi, le troisième changement important concerne l'élargissement du mandat relatif aux enquêtes. L'actuelle loi sur l'enregistrement des lobbyistes confère des pouvoirs considérables au directeur lorsqu'il mène une enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes. Cependant, ces pouvoirs ne peuvent pas être invoqués lorsque le directeur examine des allégations selon lesquelles on a enfreint la loi en tant que telle.

Il en va de même au cours des étapes de collecte des renseignements précédant une enquête au terme du Code de déontologie des lobbyistes. Par conséquent, le directeur doit se fier uniquement à la collaboration volontaire des lobbyistes, de leurs clients et des titulaires de charge publique. Cette solution ne suffit pas et nuit à l'application de la loi.

Le projet de loi C-2 prévoit une gamme de pouvoirs d'enquête pour le directeur et ce, dans tout type d'enquête. Monsieur le président, je vais m'arrêter ici et j'ai hâte d'apporter mon aide au comité dans le cadre de ses importants travaux.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup pour ce survol. L'une des raisons pour lesquelles nous sommes saisis du projet de loi C-2 est le rapport du 1er février 2006 du juge John Gomery et de la Commission d'enquête sur le programme de commandites et les activités publicitaires, la Commission Gomery. Le rapport renferme plusieurs recommandations. Je vais vous en lire une et vous inviter à y réagir, étant donné la déclaration d'ouverture que vous venez de prononcer.

Pour veiller au respect de la loi, la Commission Gomery a recommandé l'indépendance du directeur des lobbyistes. Elle a recommandé qu'il ou elle relève directement du Parlement et non d'un ministre du Cabinet et que son bureau soit doté de ressources suffisantes pour lui permettre de faire connaître et d'appliquer les dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et pour veiller à ce que son propre personnel puisse mener des enquêtes et intenter des poursuites.

Le projet de loi C-2 englobe-t-il bien cette recommandation et, dans la négative, où s'y trouvent les lacunes et que pensez-vous du projet de loi C-2 par rapport à cette recommandation?

M. Nelson : Monsieur le président, cette recommandation comporte à mon sens deux parties : la première est l'élément indépendance, qui se trouve englobée dans le projet de loi du fait que le directeur des lobbyistes doive rendre compte directement au Parlement et non pas par l'intermédiaire d'un ministre.

Le président : Il s'agit, certes, d'une amélioration, comme vous l'avez souligné dans vos remarques liminaires.

M. Nelson : En effet. J'ai beaucoup de chance, car aucun des ministres dont j'ai relevé n'a jamais retardé ou renvoyé un rapport, pas plus qu'ils ne m'ont interrogé au sujet d'un quelconque rapport. Cependant, il importe pour le public que tout, depuis le lancement d'une enquête — le pouvoir de décider de façon indépendante qu'il est temps de faire une enquête — jusqu'au dépôt du rapport, soit à l'abri de toute ingérence réelle ou perçue de la part du gouvernement du jour.

La deuxième partie de la recommandation concerne les ressources à la disposition du directeur.

Le président : Le rapport Gomery dit : « [...] être doté de ressources suffisantes pour lui permettre de faire connaître et d'appliquer les dispositions [...] »

M. Nelson : Je diviserai en deux cette deuxième partie également. Il y a les ressources dont j'ai besoin pour faire ce que je fais maintenant en vertu de la loi en vigueur et les ressources dont j'aurai besoin en vertu du projet de loi C-2. J'étais sous-ministre adjoint lorsqu'on m'a nommé au poste de directeur des lobbyistes, et il n'y avait à l'époque presque aucune ressource y correspondant. Tous les ministères ont chacun déposé leur Rapport sur les plans et les priorités. Le RPP pour mon ministère demande, pour la première fois, un montant d'environ 3,5 millions de dollars, pour 20 employés et l'exécution de mes fonctions actuelles. C'est Industrie Canada qui gère ma trésorerie, et j'en suis fort reconnaissant car c'est pourquoi j'ai pu me bâtir une équipe et une organisation.

Le président : Ce seuil de 3,5 millions de dollars correspond-il à la bonne fourchette pour vous?

M. Nelson : Ce montant suffira pour me permettre d'accomplir mes fonctions actuelles. D'après ce que j'ai compris, un montant d'argent a été mis de côté pour la mise en œuvre des mesures énoncées dans le projet de loi C-2. Une fois le projet de loi C-2 adopté et promulgué et les exigences correspondant au commissaire aux lobbyistes fixées, alors le commissaire devra faire une soumission au Conseil du Trésor détaillant ses besoins. En vertu de la loi existante, les principaux moteurs sur le plan ressources seraient les améliorations à apporter à notre registre pour : la base de données sur les contacts; les mandats en matière d'éducation, afin que l'on puisse faire l'important travail d'extension; le personnel supplémentaire nécessaire pour mener les enquêtes et aider les lobbyistes à se conformer à la loi. Mon espoir est que plus il est facile pour les gens d'utiliser le registre, plus ils s'en serviront.

Le président : Merci.

Le sénateur Campbell : Dans mes questions, je vais me reporter à un document dont M. Giorno va entretenir le comité tout à l'heure, bien que je ne m'attende pas à ce qu'il en fasse une lecture intégrale. Certaines parties du document traitent plus particulièrement du directeur des lobbyistes, et la partie portant sur l'autonomie est intéressante. Je conviens avec vous que l'autonomie est sans doute un ingrédient clé dans le projet de loi C-2. M. Giorno aimerait voir changer un certain nombre de choses dans le projet de loi. Le premier changement concerne la page 74 du projet de loi, où le 9(3.1), sous l'article 72, dit que le commissaire doit déterminer les modalités de temps et autres aux fins d'éclaircissement et d'exactitude.

M. Giorno avance trois raisons pour lesquelles il aimerait un changement à ce sous-paragraphe proposé. Premièrement, en vertu du libellé, le Cabinet ne serait pas en mesure de comprendre le genre d'éclaircissement requis. Le Cabinet ne comprendrait pas les circonstances. Deuxièmement, cela cadre avec l'objectif selon lequel le commissaire doit être indépendant du Parlement, et ceci est perçu comme un empiétement inutile. Troisièmement, l'actuel libellé correspond à un oubli. Lorsque l'amendement a été proposé, le conseiller juridique a dit aux députés que l'idée était de permettre au commissaire d'imposer une limite de temps pendant laquelle il recevrait des renseignements, sans quoi il demanderait ces renseignements et la partie visée pourrait prendre tout son temps pour les fournir. L'idée ici est d'augmenter sa capacité de faire enquête. Êtes-vous d'accord, monsieur Nelson?

M. Nelson : J'aime cette idée. Je n'ai pas eu l'occasion d'examiner le mémoire de M. Giorno, et je ne voudrais pas non plus lui voler la vedette en le lisant à haute voix.

Le sénateur Campbell : C'est pourquoi je lui en ai attribué la paternité. Je ne voulais pas me faire prendre avec la loi sur le droit d'auteur.

M. Nelson : Je vais suivre votre exemple et ne pas lui voler la primeur, sauf pour lui attribuer le mérite pour certaines idées très valables. L'une des qualités de l'actuelle loi, qui est maintenue dans les amendements apportés par le projet de loi C-2, est qu'elle reconnaît au directeur des lobbyistes un certain pouvoir discrétionnaire face à une réalité qui est extrêmement compliquée. Le projet de loi C-2 nous fait nous rendre compte que c'est un monde bien complexe que celui des arrangements qu'ont les lobbyistes avec leurs clients et des exigences découlant de l'application de la loi. Tout ce qui contribue à accorder au commissaire aux lobbyistes un plus grand pouvoir discrétionnaire en vue d'ajuster en temps réel ce qui est nécessaire à l'application en bonne et due forme de la loi est une bonne idée. C'était sans doute davantage un oubli, car l'intention semblait être que le commissaire fasse cela. Il me semble plutôt extrême qu'il faille recourir au règlement pour tirer cela au clair.

Le sénateur Campbell : Le deuxième élément de changement est renfermé dans l'énoncé que voici : « Les titulaires de charge publique de haut rang devraient être tenus de donner suite aux demandes du commissaire ». M. Giorno dit que le projet de loi C-2 suit une approche différente. Sans faire une comparaison entre les deux, je vais m'attarder sur une omission apparente : le refus d'un titulaire de charge publique de haut rang de répondre ne serait pas une infraction; la décision d'un titulaire de charge publique de haut rang de fournir une réponse incomplète ne serait pas une infraction; et la fourniture par un titulaire de charge publique de haut rang d'une réponse incorrecte ne serait pas une contravention, à moins que cela n'ait été délibéré. Or, une déposition inexacte par un lobbyiste ou un PDG, même par inadvertance, serait une infraction. M. Giorno dit qu'il semble que ce soit là une omission. Les membres du comité de la Chambre se sont vu dire que les titulaires de charge publique de haut rang seraient tenus de répondre au commissaire. Qu'auriez-vous à dire là-dessus?

M. Nelson : Je ne sais pas très bien. Je ne conteste pas sa conclusion selon laquelle ce ne serait pas une infraction, car c'est tout à fait juste. Ayant été titulaire de charge publique de haut rang, l'idée que mon nom soit brandi devant le Parlement du fait que j'aie refusé de coopérer dans le cadre d'une mesure mise en place par le Parlement n'est pas un concept que j'embrasserais. La simple honte serait un outil puissant dans un tel cas, pour les titulaires de charge publique. Il y a également cette idée que cela pourrait peut-être être affiché sur un site Web. Je pense que l'élément honte est relativement puissant. L'autre idée est que le renvoi de quelque chose à la GRC — et je dirais la même chose en réaction à certains commentaires faits par M. Giorno ailleurs dans son texte — pourrait retarder outre mesure la mise en plein jour de certaines choses. Je me méfierais de tout nouveau régime en vertu duquel vous enverriez quelque chose à la GRC, par exemple, avant que je n'aie eu l'occasion d'en parler au Parlement ou d'afficher cela sur un site Web.

Le sénateur Campbell : Peut-être que j'ai mal compris cette recommandation. Ce que j'en ai déduit est que cela exigerait de ces personnes qu'elles répondent, et ce qui se passerait par la suite, bien sûr, relèverait de vos pouvoirs en tant que commissaire. Ce n'était pas tant qu'il vous faille ensuite communiquer l'information à la GRC ou la rendre publique, mais plutôt, vous me demandez quelque chose, et je dis « non ». Que se passe-t-il? C'est là le problème.

M. Nelson : Puis-je faire appel à mon avocat, à mon conseiller juridique, qui est beaucoup plus sage que moi?

Le sénateur Campbell : Vous passez beaucoup trop vite à l'étape de la consultation d'un avocat.

M. Nelson : Il me renverra la balle.

Bruce Bergen, conseiller juridique, Bureau du directeur des lobbyistes : Je vais dire quelques mots au sujet de ce paragraphe 9(1) proposé. Cela accorde au commissaire le pouvoir discrétionnaire d'envoyer à un titulaire de charge publique présent ou passé les renseignements contenus dans le registre des communications. Le commissaire ne voudrait peut-être pas envoyer tous les renseignements à tous les titulaires de charge publique; cela donnerait lieu à un volume énorme. Une fois cela fait, le titulaire de charge publique est tenu de confirmer auprès du commissaire que les renseignements sont justes et complets. Bien que cela ne corresponde je ne pense pas à une sanction pénale, le commissaire est habilité à en faire rapport. Comme l'a dit M. Nelson, cela est considéré comme étant une sanction dans le projet de loi, aux fins du code de déontologie et, dans la même veine, en cas de non-respect de cette exigence de confirmer ou de contester des renseignements contenus dans le registre des communications.

Le sénateur Campbell : Vous êtes donc à l'aise avec cet article proposé.

M. Nelson : Oui. Une autre chose qui me rassure est que, bien que cela semble loin dans le temps, le compteur tourne encore, si j'ai bien compris, pour la disposition de l'actuelle Loi sur l'enregistrement des lobbyistes prévoyant un examen de la loi au bout de cinq ans. Le compteur a commencé à tourner le 20 juin 2005. Si certains des articles du projet de loi se rapportant au lobbying entrent par exemple en vigueur l'an prochain, en 2007, alors nous sommes toujours à trois années d'un réexamen.

Je pense qu'une partie de ce que doit faire le commissaire, compte tenu du genre de changements qui seront apportés, c'est prêter une attention toute particulière aux aspects mentionnés par M. Giorno et qui vous interpellent. Cela fonctionne-t-il ou pas, ou bien avons-nous davantage besoin d'un marteau? Voilà ce que je dirais là-dessus. Comptez sur la honte pour le moment, et si cela ne fonctionne pas, alors intervenez auprès du Parlement pour lui dire qu'il vous faut quelque chose de plus.

Le sénateur Stratton : Pourriez-vous passer rapidement en revue pour nous le processus que vous suivez pour une enquête, de quelle façon et pour quelle raison vous en entamez une? Et pour la gouverne de tout le monde, vous pourriez peut-être au fil de votre explication nous indiquer là où il y aurait place à l'amélioration.

M. Nelson : Oui, je peux faire cela et je demanderai à Mme Shepherd de parcourir rapidement avec nous l'annexe de notre rapport annuel.

Nous avons deux types d'enquêtes. La loi m'accorde, en ma capacité de directeur des lobbyistes, le pouvoir de mener une enquête relative au code de déontologie. Mais avant de procéder à une telle enquête, il importe de recueillir un certain nombre de faits. S'il s'avère qu'il s'agit d'une infraction en vertu de la loi, alors le dossier est renvoyé à la GRC. S'il s'agit d'une infraction au Code de déontologie des lobbyistes, alors je m'appuie sur les différents pouvoirs qui m'appartiennent pour mener une enquête. Je suis en ce moment en train de mener dix enquêtes du genre, et je compte en faire rapport de quatre au Parlement.

Madame Shepherd, pourriez-vous, si cela convient à tous, passer à travers le processus pour nous. Cela figure dans l'annexe de nos deux rapports annuels, sur le code de déontologie et sur la loi, rapports qui ont tous deux été récemment déposés devant les deux Chambres du Parlement.

Karen Shepherd, directrice des enquêtes, Bureau du directeur des lobbyistes : La première partie de l'enquête, nous l'appelons examen administratif ou phase d'établissement des faits. Il s'agit à ce stade pour nous de recueillir, d'analyser et de vérifier des renseignements. Il y a déclenchement d'un examen administratif lorsque nous recevons une plainte. N'importe qui est libre de déposer une plainte, journalistes, titulaires de charge publique, sénateurs, ou alors nous lançons peut-être un examen administratif du fait que quelque chose ait été porté à notre attention, par des articles parus dans la presse ou par un autre moyen.

Une fois l'examen administratif lancé, nous nous reportons à nos sources internes, au registre, à tout ce que nous pouvons avoir sous la main relativement à la personne dont il est allégué qu'elle ne s'est pas conformée à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Comptent parmi nos sources externes le Hansard, la presse écrite, des documents de ministères ou autres. Nous effectuons des entrevues du titulaire de charge publique, de la personne dont il est allégué qu'elle s'est adonnée à du lobbying, du client, et nous communiquons également avec le plaignant pour voir s'il dispose de renseignements supplémentaires.

Une fois tous les renseignements réunis, nous les résumons et préparons notre rapport. Il peut s'ensuivre quatre choses. Nous sommes allés aussi loin que possible, car à ce stade-ci, il n'y a aucun pouvoir d'obliger une personne à fournir des renseignements. Dans un tel scénario, nous fermerons peut-être le dossier, faute de renseignements suffisants pour en arriver à une décision. Dans un deuxième scénario, nous pourrions décider que, sur la base de tout ce que nous avons vu, il n'y a aucun motif raisonnable de croire qu'il y a eu non-respect de la loi ou du code. Troisièmement, nous appuyant sur les renseignements recueillis, nous décidons qu'il y a des motifs raisonnables de croire qu'une enquête devrait être lancée. Cela s'inscrit toujours dans la prescription de deux ans, alors une recommandation de renvoi à la GRC pour examen plus poussé serait faite au directeur des lobbyistes. Dans le quatrième scénario, nous établissons que nous disposons bel et bien de suffisamment de renseignements pour lancer une enquête aux termes du Code de déontologie. Si le directeur détermine qu'il y a suffisamment de preuves pour entreprendre une enquête aux termes du Code de déontologie, alors l'on recueillera dans le cadre d'une telle enquête les compléments d'information requis. Il s'agirait d'interviewer des témoins, de déposer des demandes formelles de renseignements, y compris assignations à témoigner, et d'obtenir les documents requis pour être en mesure d'en arriver à une conclusion. Nous préparerions alors un rapport d'enquête et le soumettrions au directeur des lobbyistes. La loi exige que la personne visée par l'enquête ait une possibilité raisonnable de présenter sa version des choses. Le directeur des lobbyistes rend alors une décision finale et un rapport est déposé auprès du Parlement.

M. Nelson : Merci, madame Shepherd. La plus importante amélioration à tout ce processus est qu'à l'étape préenquête de l'établissement des faits, je n'ai aucune capacité d'exiger quoi que ce soit. Comme l'a souligné le sénateur Campbell tout à l'heure, si je demande des renseignements à un client, au client d'un lobbyiste ou au lobbyiste lui- même, je ne dispose d'aucun moyen de contraindre ceux-ci à m'en fournir. Si je dis, « J'aimerais copie du contrat que vous avez utilisé de façon à déterminer si vous avez entrepris d'organiser des réunions », ils peuvent très bien dire, « Non, merci. Je ne ferai pas cela », et le cas s'est déjà présenté.

L'amélioration la plus importante apportée par le projet de loi C-2 est donc l'élargissement des pouvoirs d'enquête présentement prévus pour tout type d'enquête aux termes du Code de déontologie. Au lieu de compter sur la bonne volonté des gens alors que nous essayons de boucler le triangle — c'est-à-dire de discuter avec le client, le titulaire de charge publique et le lobbyiste — nous pouvons contraindre les gens à nous fournir des documents, les assigner à comparaître, et ainsi de suite. S'il me faut transmettre une affaire à la GRC, j'aurai au moins un dossier sérieux, au lieu qu'on me dise, « Il serait bon que nous disposions de preuves supplémentaires. Pourriez-vous s'il vous plaît essayer d'obtenir davantage de renseignements? ». Eh bien, non, je ne le peux pas. Merci de cette question. Elle est fort importante.

Le sénateur Stratton : Si vous cédez des documents à la GRC et qu'il y a des preuves mais que celles-ci ne sont pas suffisantes, la GRC ne peut-elle pas demander au lobbyiste de lui fournir ces renseignements?

M. Nelson : La GRC a ses propres règles quant au stade auquel elle peut demander à un juge de décerner un subpoena. L'autre aspect est qu'il faut la convaincre que l'affaire est suffisamment importante, car elle a toujours beaucoup d'autres dossiers dans son assiette. Il y a également la limite temporelle de deux ans qui est inscrite dans la loi actuelle et qui va être prolongée — et ce changement apporté par le projet de loi C-2 est une grosse amélioration — , car une fois le délai écoulé, si j'ai épuisé toutes mes tentatives d'obtenir des renseignements pour les lui transmettre, le compteur continue sérieusement de tourner avec une limite de deux ans.

Le sénateur Zimmer : Merci de votre exposé. Ma question porte sur la loi elle-même et les preuves empiriques. Serait-il juste de dire qu'à ce jour aucune accusation d'infraction à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes n'a été portée?

M. Nelson : Vous avez raison, sénateur.

Le sénateur Zimmer : Cela étant, il a été dit que l'actuelle loi ne peut pas être appliquée comme il se doit. Êtes-vous au courant de l'expérience vécue par d'autres pays en la matière?

M. Nelson : Je ne peux pas vous répondre là-dessus aujourd'hui. Je pourrais envoyer au comité tous les renseignements dont je dispose au sujet de l'aspect application. Je peux cependant vous renseigner sur la situation telle qu'elle existe au Canada. Comme vous le savez, certaines régions du pays ont des lois semblables. C'est le cas de cinq provinces : la Colombie-Britannique, l'Ontario, la Nouvelle-Écosse, le Québec et Terre-Neuve et le Labrador, le plus récent ajout à la liste. La seule province qui soit jamais parvenue — et cela s'est produit tout juste cette année — à condamner quelqu'un en vertu d'une de ces lois est le Québec. Mon collègue André Coté, le commissaire aux lobbyistes, a annoncé plus tôt cette année qu'il avait condamné un lobbyiste en vertu de la loi québécoise.

Certains des commentaires au sujet de la difficulté ou de l'impossibilité d'appliquer la loi portaient sur les amendements pré-2003, où « communication » était définie comme étant « la communication avec un titulaire de charge publique ». La GRC et ceux qui s'efforçaient d'appliquer la loi pensaient à l'époque que la norme de preuve nécessaire pour condamner quelqu'un en vertu de cette partie de la loi, pour imposer une amende ou une peine de prison, était la norme de preuve.

Le président : C'est la norme de preuve pénale, au-delà de tout doute raisonnable, n'est-ce pas?

M. Nelson : Oui, et prouver qu'une personne avait l'intention d'influencer était chose difficile — à un point tel que cela a été enlevé de la loi. La loi présente ses propres défis, mais elle rend certainement plus facile de prouver que « Vous avez communiqué avec lui. Il y a ici un courriel. Nous ne parlons pas de vos motifs, de votre intention. La preuve est là ».

Il y a eu beaucoup d'améliorations en ce sens avec la loi de 2003, qui a été mise en œuvre en 2005.

Le sénateur Zimmer : D'après ce que je crois comprendre, cela fait quelque temps déjà que votre bureau enquête sur certaines infractions au Code de déontologie des lobbyistes. Pourriez-vous nous renseigner quant à l'évolution de ces enquêtes et au rapport qui pourrait peut-être venir sous peu au Parlement?

M. Nelson : Il y en a dix; j'en ai lancé huit. Comme le savent peut-être les sénateurs, dans les dix années environ écoulées depuis l'intégration du Code de conduite à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, il n'a jamais été déposé une seule enquête et aucune enquête n'a été déposée devant la Chambre.

Nous en avons dix enquêtes en cours. De ces dix, quatre ont été versées au processus qu'a décrit Mme Shepherd, dans le cadre duquel les lobbyistes se voient donner l'occasion de préparer une réponse. Quatre des dossiers concernent un lobbyiste dans quatre affaires différentes. Le délai pour la réception par nous de cette réponse va expirer d'ici quelques jours. Suite à cela, mon espoir sincère est que ces rapports seront déposés le plus rapidement possible auprès des deux Chambres du Parlement. Je pourrai alors arrêter de dire qu'il n'y a aucune preuve de conséquences pour cette loi, qui a été interprétée devant le comité ici réuni comme n'étant pas appliquée, ce que je n'ai pas dit et ce que je ne crois pas. Je ne crois pas, comme vous l'avez dit, qu'il n'y a aucune conséquence. Je compte donc déposer très prochainement quatre rapports devant le Sénat et devant l'autre endroit.

Le sénateur Zimmer : Cela me ramène à ma question de tout à l'heure, à laquelle vous pouviez répondre.

M. Nelson : Oui.

Le sénateur Zimmer : Vous avez indiqué que vous appuyez l'ajout d'un mandat en vue de l'élaboration et de la mise en œuvre de programmes d'éducation. Qu'a fait votre bureau jusqu'ici pour éduquer les titulaires de charge publique au sujet des obligations des lobbyistes en matière d'enregistrement et de conduite? Quelles ont été les limites à ces efforts?

M. Nelson : Il ne s'est pas encore écoulé beaucoup de temps depuis que j'ai été nommé à ce poste à temps plein en octobre dernier.

L'été dernier, lors de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi, j'ai écrit à tous les sous-ministres leur disant : « Une nouvelle loi est en vigueur. Si vous aimeriez que je rencontre votre comité de gestion, je le ferai et viendrai vous faire une présentation ». Plusieurs ministères ont accepté mon offre, et c'est ainsi que j'ai rencontré des comités de gestion ministériels. De façon générale, c'était les sous-ministres, accompagnés des sous-ministres adjoints, qui étaient présents pour les exposés. D'après la rétroaction que nous avons reçue, ces rencontres ont été extrêmement utiles pour comprendre non seulement les amendements, mais la loi elle-même. Comme l'ont dit certains, la loi n'est pas volumineuse, mais elle compte beaucoup de méandres. Nous avons fait le tour des comités de gestion ministériels. Certains ministères nous ont même demandé de faire des présentations au comité de gestion de niveau inférieur. J'ai pris la parole lors de nombreuses conférences. Je vais justement cet octobre prononcer un discours devant l'Association des affaires publiques du Canada.

Le principal facteur limitatif est que nous ne sommes pas très nombreux et il existe d'énormes lacunes côté compréhension de la loi, sans même parler des amendements. Il me faut du renfort. Celui-ci pourrait peut-être venir de l'École de la fonction publique du Canada ou de l'Institut de relations gouvernementales du Canada. Il me faut un effet multiplicateur sur le terrain, car nous ne serons jamais très nombreux. Il me faut des produits de communication qui soient clairs. Un produit pilote est le topo que j'ai fait distribuer. Celui-ci réussit-il à expliquer une loi qui est par moments absconse? Le principal facteur de limitation à l'heure actuelle est que je n'ai pas assez d'appui multiplicateur. Je m'attends cependant à en obtenir avec la nouvelle loi.

J'ai parlé plus tôt d'aller voir le Conseil du Trésor pour obtenir de l'argent. En règle générale, le Conseil du Trésor conteste ces genres de demandes. On me demandera par exemple : « Est-ce votre loi ou non? » On pourrait me dire : « Monsieur Nelson, vous faites du bénévolat ici », car la loi ne fait état d'aucune obligation de ma part de faire quoi que ce soit du genre.

C'est pourquoi c'est une grosse amélioration pour moi que de pouvoir indiquer une partie de la loi et dire, « Regardez, le texte dit que je suis censé faire cela ».

Le sénateur Fox : J'ai lu le deuxième point que vous soulevez dans votre déclaration liminaire : vous dites que le lobbying non enregistré serait pratiquement éliminé si les titulaires de charge publique refusaient de communiquer avec les lobbyistes dont ils ne peuvent pas vérifier l'enregistrement en bonne et due forme dans le registre public.

Pourriez-vous expliquer un peu cela?

M. Nelson : Oui : Ce n'est pas pour faire joli, mais il faut deux parties pour qu'il y ait une transaction de lobbying. Il faut un lobbyiste et il faut une personne prête à recevoir la communication. Il existe deux types d'application et, lorsque j'ai écrit ceci, j'ai de nouveau pensé au terme « application ». Il y a l'application tactique, l'application opérationnelle, ce que fait M. Ricard-Desjardins avec son équipe lorsqu'une personne s'enregistre et qu'il n'y a pas suffisamment de renseignements : ils demandent alors davantage d'information. Il y donc ce genre d'application, mais il y a également l'application stratégique. L'application stratégique c'est veiller à ce que les titulaires de charge publique comprennent que lorsqu'une personne appelle en disant qu'elle représente telle compagnie, ou telle branche de telle compagnie, et qu'elle aimerait avoir une réunion ou une discussion, ce lobbyiste a peut-être des obligations que le titulaire de charge publique pourrait vérifier dans le registre public. Je conseille ces comités de gestion. Je les rencontre et on m'a posé la question que voici il y a quelques semaines devant un comité de la Chambre : « Que conseillez-vous aux députés de faire? » Le registre public est disponible 24 heures par jour, sept jours par semaine. Je conseille aux comités de vérifier le registre pour voir si tel lobbyiste est enregistré pour s'entretenir avec eux ou avec leur organisation au sujet de telle ou telle question. Si ce n'est pas le cas, alors ils devraient au moins demander au lobbyiste pourquoi il n'est pas enregistré et s'il a jamais envisagé la chose.

Voilà ce que je veux dire. Il y a peut-être des raisons pour lesquelles la personne n'est pas enregistrée. Si vous n'êtes pas payé pour faire du lobbying, vous n'êtes pas tenu de vous faire enregistrer. Si, avec les gens de ma rue, je fais du lobbying auprès du ministre des Affaires des anciens combattants pour obtenir de l'argent pour un événement pour célébrer le jour des anciens combattants, alors personne ne nous paye et il n'est pas nécessaire que nous nous enregistrions. C'est du lobbying, mais il ne s'agit pas d'une activité enregistrable.

Je veux parler de la capacité des titulaires de charge publique de savoir ce que les lobbyistes sont censés faire, afin qu'ils puissent appliquer en douceur la loi.

Le sénateur Fox : Clairement, une façon de boucher le trou serait d'obliger les titulaires de charge publique à divulguer le nom des personnes qu'ils rencontrent et de vérifier les noms sur une liste de contrôle quelque part. Avez- vous des idées là-dessus?

M. Nelson : J'en ai, et cette question a déjà fait l'objet de discussions. L'actuelle loi a déjà frappé un certain groupe de titulaires de charge publique de haut rang dans le cas duquel les lobbyistes auraient cette obligation. Le problème que je vois avec l'enregistrement de lobbyistes par les titulaires de charge publique est que ces derniers sont tenus de savoir si la personne était bénévole ou si l'organisation consacre 20 p. 100 de son temps au lobbying, renseignements qui sont requis conformément à cette partie de la loi. Il y a beaucoup de « si » et de « peut-être » quant à la question de savoir si une personne devrait ou non être enregistrée. Si les titulaires de charge publique inscrivent chaque contact, alors le registre pourrait être envahi d'inscriptions d'activités de lobbying alléguées, qui ne sont pas enregistrables en vertu de la loi.

Le sénateur Fox : Puis-je supposer qu'il y a une exception en vertu de la Loi sur l'accès à l'information qui autoriserait, mettons, les titulaires de charge publique de haut rang, les sous-ministres ou les directeurs à ne pas répondre lorsqu'on leur demande qui ils ont rencontré au cours du mois écoulé?

M. Nelson : Il me faudrait ici m'incliner devant votre connaissance supérieure de la Loi sur l'accès à l'information. En ma qualité de SMA, l'on m'a à l'occasion demandé mon agenda.

Le sénateur Fox : En vertu de la Loi sur l'accès à l'information?

M. Nelson : Oui, en vertu de la Loi sur l'accès à l'information.

Le sénateur Fox : Je sais que vous avez dit que ce n'est pas à vous qu'il faut poser la question, mais si j'étais un journaliste, je pourrais demander au gestionnaire du Programme de partenariats technologiques dans l'industrie aérospatiale de qui il a reçu des appels au cours du dernier mois, puis vérifier si ces personnes sont des lobbyistes enregistrés.

M. Nelson : Oui, c'est mon interprétation. En ce qui concerne le projet de loi C-2 et ce que l'on appelle à l'heure actuelle le registre des communications, bien que les titulaires de charge publique ne soient pas tenus de garder un registre des lobbyistes enregistrés avec lesquels ils s'entretiennent, ce serait sage. C'est le genre de conseil que je donnerais aux titulaires de charge publique de haut rang — qu'ils gardent un genre de registre, car ils pourraient se voir demander de vérifier ces renseignements. S'ils ne sont pas en mesure de les vérifier, alors ils se trouveront confrontés au genre de difficultés dont a parlé le sénateur Campbell tout à l'heure. Même si cela n'est pas explicite dans le projet de loi, il s'instaurera une pratique de meilleure tenue de registre par les titulaires de charge publique de haut rang quant aux personnes qu'ils ont rencontrées, ce en prévision de la visite de quelqu'un qui vient aux renseignements.

Le sénateur Fox : Dans le cas de membres d'organisations de lobbying à Ottawa, ou de membres d'organisations qui font du lobbying auprès du gouvernement fédéral, leurs noms sont sans doute bien connus dans 90 p. 100 des cas. J'imagine que dans 90 p. 100 des cas, les hauts fonctionnaires connaissent le nom de la personne. Je connais mieux la définition du genre palier un ou palier deux, qui, si j'ai bien compris, a disparu de la loi, il y a sans doute de nombreuses années de cela. Si je laisse pour le moment de côté les lobbyistes professionnels pour parler des soi-disant lobbyistes du palier deux œuvrant pour une société, je pense que 100 p. 100 d'entre eux sont connus des cadres supérieurs avec lesquels ils traitent. Par exemple, si j'appelais le sous-ministre adjoint dans l'industrie des télécommunications, comme je l'ai fait dans une vie antérieure, et si j'étais enregistré, pour que tout soit bien en règle, il était clair qu'il me connaissait. Si je m'identifiais comme étant un cadre supérieur de telle ou telle boîte de télécommunications, le sous- ministre adjoint savait très bien que j'étais quelqu'un de cette industrie. Quel genre de relations puis-je avoir avec cette personne? Il y a des gens qui les appellent tous les jours. Les gens appellent et insistent pour savoir dans quelle direction va aller le ministère en matière de recommandations au gouvernement et d'interprétation des règlements ou textes de loi existants. D'ailleurs, il me semble que la seule raison pour laquelle on appellerait un cadre supérieur au gouvernement serait parce qu'on veut savoir autre chose que le fait que l'année civile se termine le 31 décembre.

M. Nelson : La loi ne limite pas les sujets dont vous pouvez vous entretenir avec des titulaires de charge publique. Elle dit simplement que si vous discutez avec eux de certaines choses, il vous faut être enregistré. Pour ce qui est des catégories de lobbyistes, les paliers un et deux sont toujours présents dans l'esprit de nombre d'entre nous, mais dans le contexte de l'application actuelle de la loi, les lobbyistes-conseils sont les personnes que vous recrutez pour faire quelque chose pour vous, puis il y a deux types de lobbyistes-maison. Il y a des lobbyistes salariés qui sont des entreprises. Par exemple, j'ai sorti quelques enregistrements avant de venir. Shell Canada est enregistrée comme lobbyiste salarié et compte dans le registre 42 lobbyistes qui communiquent avec le gouvernement.

Le président : S'agit-il d'employés de Shell?

M. Nelson : Oui, ce sont des employés, et il y a différentes règles qui déclenchent l'exigence que certains d'entre eux soient inscrits au registre. Dès lors que l'entreprise dans son entier dépasse le seuil de 20 p. 100 du temps d'une personne — un jour par semaine, pour être pratique — alors le cadre dirigeant de l'entreprise est tenu de faire enregistrer tout cadre — et on ne parle pas ici des subalternes directs mais des cadres de la boîte — qui consacre plus de 20 p. 100 de son temps à faire du lobbying. C'est là l'une des règles qu'il faut du temps pour bien comprendre.

Il existe un régime pour les lobbyistes salariés de personnes morales. Puis il y a un troisième groupe de lobbyistes salariés renfermant universités, associations médicales et autres. Il est extrêmement important de comprendre l'envergure de l'application de la loi. En intégrant une nouvelle règle à la loi, même si elle est là du fait de lobbyistes- conseils, il y a de bonnes chances qu'elle englobe également la personne qui travaille comme chercheur à l'Université Dalhousie.

Le sénateur Fox : Dans ce contexte, si j'étais cadre dirigeant d'une entreprise active dans le secteur manufacturier ou une autre industrie, comment ferais-je pour appeler le ministère de l'Industrie pour lui dire : « Vous ne savez vraiment pas ce que vous faites. Vous êtes en train de nous tuer ici. À moins que vous ne fassiez x ou y, nous ne serons plus là dans six mois »? À mon sens, cette activité constituerait du lobbying et cette personne, qu'elle le sache ou non, aurait à se faire enregistrer en tant que lobbyiste dans un laps de temps donné. La vraie question en bout de ligne est la suivante : dans quelle mesure peut-on continuer de communiquer avec son gouvernement? Les gens n'aiment pas se faire appeler lobbyistes. En fait, ils agissent dans l'intérêt de leur entreprise ou de leurs actionnaires, et tout d'un coup la presse leur impose l'appellation « lobbyiste », mais c'est ce qu'ils sont dans une certaine mesure. Dans quelle mesure peuvent-ils faire ce qu'ils font sans s'enregistrer?

M. Nelson : Dans le cas que vous venez d'évoquer, si la personne fait partie d'une organisation à but lucratif, si elle est seule dans la boîte à faire ce dont vous parlez, et si elle s'adonne à cette activité pendant plus d'un jour par semaine, y compris le temps de préparation et de rédaction de documents à envoyer, alors il lui faut se faire enregistrer. Le seuil est en ce moment 20 p. 100 de son temps. Cependant, si tout un groupe de personnes dans l'organisation font ce genre de choses et que cela représente plus de 20 p. 100 du temps de la personne, alors c'est différent.

Le sénateur Fox : Il ressort clairement de votre réponse que si, en ma capacité de cadre dirigeant, j'ai un vrai problème, je devrais écarter les gens qui consacrent plus de 20 p. 100 de leur temps à faire du lobbying au sein de la boîte et traiter directement avec le gouvernement car je n'aurai alors pas à divulguer le fait que j'ai rencontré le sous- ministre ou le sous-ministre adjoint.

M. Nelson : S'il se fait suffisamment de lobbying pour qu'il faille enregistrer l'organisation tout entière, si vous faites partie de cette tranche supérieure, un coup de fil, quel que soit le temps que cela occupe, suffirait pour qu'il vous faille vous enregistrer. Je dirais que si cela n'a pas figuré dans le projet de loi lors de son élaboration c'est qu'un coup de fil de cinq minutes du PDG a sans doute un bien plus grand impact que le bombardement pendant deux semaines du sous- ministre par tous les directeurs des communications et des relations gouvernementales. Je pense que c'est sans doute là la raison pour laquelle il y a eu cet ajout.

Le sénateur Fox : Passant maintenant à quelque chose de tout à fait différent, ma dernière question concerne la période de restriction. D'après ce que je comprends, il y a une période de refroidissement de cinq ans applicable aux personnes nommées par décret en conseil. Est-ce bien le cas?

M. Nelson : Cela s'applique à ceux et celles qui sont définis comme étant des titulaires de charge publique de haut rang. Nous ferions mieux de regarder le texte. La définition de titulaire de charge publique de haut rang est nouvelle. Ce nouveau groupe de personnes a été créé car à l'heure actuelle nous sommes tous des titulaires de charge publique. Le projet de loi C-2 crée un nouveau sous-groupe appelé titulaires de charge publique de haut rang. Y a-t-il une réponse simple à cela?

M. Bergen : Je pense qu'il y a une réponse simple. La définition de titulaire de charge publique de haut rang se trouve à l'article 67 du projet de loi et englobe les ministres et ministres d'État, les membres du personnel d'un cabinet de ministre, ainsi que les personnes qui occupent au sein d'un ministère, au sens de la Loi sur la gestion des finances publiques, un poste de sous-ministre, de premier dirigeant ou un poste de rang équivalent ou un poste de sous-ministre délégué, de sous-ministre adjoint ou un poste de rang équivalent, car dans certaines organisations, le poste peut correspondre à ce rang mais ne pas porter le même titre. Puis il y a une autre catégorie, celle des personnes occupant des postes désignés par règlement.

M. Nelson : Pour répondre à la question, certaines des personnes dont vous venez de parler sont nommées par décret en conseil.

M. Bergen : Exactement.

M. Nelson : Au moins certains membres de ce groupe sont nommés par décret en conseil. Même si la loi ne stipule pas explicitement que les personnes nommées par décret en conseil sont visées, certaines personnes qui sont nommées par décret en conseil sont nommées dans le projet de loi.

Le sénateur Fox : Ce que j'aimerais savoir c'est si les personnes qui occupent présentement des postes de commissaire au CRTC, à l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada ou à l'Office des transports du Canada sont couvertes par cet article.

M. Nelson : Tout dépend de la façon dont ces personnes sont en ce moment nommées. Je dirais que les personnes nommées à des postes par décret en conseil doivent, au sens de la loi, figurer dans la catégorie des titulaires de charge publique.

Le sénateur Fox : La loi est-elle suffisamment claire pour que les personnes siégeant à ces offices sachent si elles seront ou non touchées? En ce moment, d'après ce que je comprends, si je travaille dans un office, ma situation est meilleure que celle de personnes au CRTC. Il y a en ce moment une période de restriction, mais j'ignore si elle est d'un an ou de deux ans. Le savez-vous?

M. Nelson : En ce moment, en vertu du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique en ce qui concerne les conflits d'intérêts et l'après-mandat, le nombre d'années varie selon le cas.

M. Bergen : Dans le cas de certaines personnes, la période de restriction peut encore maintenant être de cinq ans.

M. Nelson : En vertu du code qui est entré en vigueur en 2006, l'interdiction de faire du lobbying est en place pendant cinq ans pour les titulaires de charge publique.

Le sénateur Fox : Cette interdiction s'applique-t-elle à toutes les personnes qui occupent ce genre de poste en ce moment?

M. Nelson : Sénateur, je pense que la meilleure réponse que je peux donner à votre question est que je ne pense pas que la loi actuelle ou que le projet de loi C-2 soient suffisamment clairs. Une partie du mandat du commissaire au lobbying en matière d'éducation est de veiller à ce que les titulaires de charge publique de haut rang sachent qui ils sont, et ce pour deux raisons. Premièrement il leur faut savoir qui ils sont pour la période de restriction et, deuxièmement, les lobbyistes doivent savoir qui ils sont de telle sorte que lorsqu'ils communiquent avec eux en leur qualité de titulaires de charge publique, ils sachent ce qu'ils ont à faire.

Le sénateur Fox : Je songeais pour le moment au titulaire de ce poste. Il est important qu'il sache si ceci constitue un changement. D'après ce que je comprends, c'est ou un an ou deux ans pour un commissaire du CRTC. Si, à l'avenir, ces personnes sont interdites de traiter avec l'industrie qu'elles ont réglementée pendant cinq ans, alors il est important qu'elles le sachent maintenant, car je pense que certaines d'entre elles voudraient tout de suite réorganiser leur carrière, avant l'entrée en vigueur de cette disposition.

M. Nelson : Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100. Il est essentiel que ce nouveau groupe de personnes appelées titulaires de charge publique de haut rang — envers lesquelles les lobbyistes ont des obligations, et qui ont des obligations personnelles en matière d'après-mandat — sachent qui elles sont, et que le public le sache également. Je suis d'accord à 100 p. 100.

Le président : Dans son avant-dernière question, le sénateur Fox a soulevé un élément important au sujet de renseignements qui sont sensibles sur le plan commercial. J'aimerais revenir sur cette question, mais je vais auparavant donner la parole au sénateur Andreychuk, qui attend depuis longtemps.

Le sénateur Andreychuk : Bienvenue, monsieur Nelson, et merci de vos explications. J'aimerais revenir sur certains des points que vous avez soulevés. Vous êtes en faveur du projet de loi C-2, si j'ai bien compris, car vous pensez que cela vous accordera davantage d'appui aux fins d'enquêtes, pour employer des termes que le profane comprendra, n'est-ce pas?

M. Nelson : Je m'efforçais d'être aussi objectif que possible. Certaines parties du projet de loi C-2 seront incroyablement utiles face à certains problèmes que je vis à l'heure actuelle. Sur le plan appui multiplicateur, l'une d'entre elles est celle concernant le mandat explicite en matière d'éducation, car cela me charge explicitement de veiller à ce que les titulaires de charge publique sachent quelles sont les obligations des lobbyistes. Cette responsabilité démultiplie en définitive ma présence, si vous voulez, non pas pour nourrir quelque penchant égotiste, mais en multipliant le nombre de personnes qui savent ce que sont censés faire les lobbyistes. La partie enquête de ce mandat est extrêmement importante car à l'heure actuelle, si je ne mène pas une enquête en vertu du Code de déontologie, si je ne fais que me renseigner au sujet de quelque chose, alors je dois compter sur la collaboration bénévole des gens, ce qui, à l'occasion, ne suffit pas.

Le sénateur Andreychuk : Ce sont ces deux éléments qui constituent le gros de votre travail.

M. Nelson : Il y a trois éléments à mon travail : le maintien d'un registre; la communication avec ceux qui utilisent le registre et ceux qui s'inscrivent dans la sphère de l'activité de lobbying; et l'application. Selon ma façon simpliste d'envisager mon travail, il se partage entre trois éléments stratégiques.

Le sénateur Andreychuk : Lorsqu'est entrée en vigueur la loi antérieure, y avait-il des fonds alloués pour l'éducation, la formation et la diffusion au public de renseignements au sujet de la loi?

M. Nelson : La réponse simple est non.

Le sénateur Andreychuk : Je suis choquée d'entendre cela. Je siège depuis de nombreuses années à ce comité, et chaque fois qu'il y a eu une nouvelle initiative — surtout lorsqu'elle allait avoir une incidence sur les droits et responsabilités des gens et qu'il y aurait des conséquences —, le gouvernement a toujours annoncé qu'il y aurait de la formation préalable. C'est ce qui s'est passé dans le cas, par exemple, de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Si vous avez de bonnes pratiques en matière de politique, vous mettez quelque chose de côté pour la formation des personnes qui sont touchées ou qui administreront l'initiative, et pour diffuser des renseignements au public. Vous êtes en train de dire que cet argent n'a pas été alloué. Cela est incroyable.

M. Nelson : Si l'on songe à l'environnement à l'époque, il est possible que le lobbying, et que l'exigence que les titulaires de charge publique connaissent les obligations des lobbyistes, n'étaient pas perçus comme étant aussi importants que d'autres aspects. L'environnement créé par la Commission Gomery et par certains des événements survenus au cours des dernières années a inscrit à un autre endroit le lobbying, tout ce qui a trait à l'activité de lobbying ainsi que le Bureau du directeur des lobbyistes, et nous pensons que cela est important sur le plan responsabilité.

Dans le sens où les événements durent le temps qu'ils durent et où les politiques durent le temps qu'elles durent dans le domaine public, les projecteurs sont braqués sur le lobbying, et ce depuis un ou deux ans. Si l'on envisage les événements de façon positive, ceux-ci ont donné du poids à une fonction qui, lorsque je suis arrivé en poste, était littéralement accomplie par une seule personne. Il y avait au maximum deux personnes au bureau du conseiller en éthique. Aujourd'hui, le bureau compte une vingtaine de personnes avec un directeur des enquêtes, et des enquêtes sont en cours. Dans la mesure où nous avons peut-être le vent dans nos voiles et occupons ainsi une place dans la politique publique qui est plus adaptée au contexte, les choses fonctionnent comme elles le doivent.

Le sénateur Andreychuk : J'ignore si vous pourrez répondre à cette question. Vous dites avoir dix affaires en cours, dont quatre impliquant une seule et même personne ou entreprise — j'ignore ce qu'il en est exactement — mais une seule entité.

M. Nelson : Oui.

Le sénateur Andreychuk : Il ne nous appartient pas de connaître tout le détail de votre enquête, mais il y a eu certains retards côté réponses, si je comprends bien — ou bien est-ce tout le mécanisme de votre façon de mener enquête? Si le projet de loi dans son libellé actuel était déjà en place, cela aurait-il facilité ces affaires qui sont toujours en cours? Pouvez-vous répondre à cela?

M. Nelson : Mon incapacité de répondre à la question n'est pas imputable à la loi. C'est davantage une question de temps. Les enquêtes et les pouvoirs d'enquête en vertu du Code de déontologie des lobbyistes, ces dix enquêtes, ne sont aucunement modifiés par le projet de loi C-2.

Le délai entre le moment où je les ai lancées, soit en novembre dernier, et le moment où j'ai enfin pu dire que j'espère en faire rapport très bientôt est attribuable au fait que c'est la première fois en dix ans qu'une enquête a lieu. L'enquête recouvre le tout, allant de la question de savoir à quoi doit ressembler un rapport d'enquête à celle des droits en matière de protection des renseignements personnels de personnes qui n'étaient peut-être pas les lobbyistes mais qui ont joué un rôle. Comment faire pour protéger les renseignements personnels et pour veiller à ce que la première fois que vous déposez un de ces rapports, ses conclusions ne seront pas tout de suite renversées par un examen judiciaire? L'élaboration de la méthodologie a demandé du temps. Comme je l'ai mentionné plus tôt, j'ai dû commencer à zéro pour me constituer une équipe, et j'ai dû embaucher des enquêteurs car je n'en avais aucun. Cela a quelque peu ralenti les choses.

Mon espoir est qu'ayant élaboré la méthodologie pour ces affaires, et la méthodologie qu'a décrite Mme Shepherd pour les examens administratifs, la force de frappe supplémentaire offerte par le projet de loi ou la loi fédérale sur la responsabilité proposée au point de départ, avant que vous ne lanciez une enquête, sera extrêmement utile.

L'une des grandes frustrations de ce travail — pas le travail lui-même, mais la loi actuelle — est l'incapacité d'agir rapidement. Cela est frustrant pour le public; cela est frustrant pour les lobbyistes qui attendent de voir ce que je vais dire; et cela est frustrant pour le Parlement. Le fait de pouvoir bouger plus rapidement sera certainement une amélioration avec les pouvoirs d'enquête prévus dans le projet de loi C-2. Le fait que toute la machine soit enclenchée sera utile également.

Le sénateur Andreychuk : Vous avez commencé votre exposé en disant que vous êtes redevable au Parlement, mais que votre rapport est déposé par l'intermédiaire d'un ministre. Vous avez également dit faire partie de la Commission de la fonction publique.

M. Nelson : Non, de la fonction publique. J'ai déjà travaillé pour la Commission de la fonction publique, mais c'était dans le cadre d'un tout autre poste.

Le sénateur Andreychuk : Très bien, mais vous êtes un fonctionnaire assujetti aux règles et au mandat de la fonction publique.

M. Nelson : En effet.

Le sénateur Andreychuk : Grand cas a été fait du fait que vous passez par l'intermédiaire d'un ministre. Si le ministre est en fait non interventionniste, je n'y vois pas de problème à proprement parler. Vous-même et d'autres nous disent que vous ne devriez pas avoir à passer par l'intermédiaire de ministres et que vous devriez pouvoir rendre compte directement au Parlement. Je m'interroge quant à la capacité du Parlement d'absorber et de comprendre tous les rapports qui lui sont présentés, et je me demande si nous avons fait notre travail et si nous sommes prêts à contrôler comme il se doit tout cela.

Un aspect qui me préoccupe est celui de la gestion. Même si certains parlementaires acquièrent une certaine compétence — certains peuvent prendre la parole et parler de lobbyistes, d'autres de justice et d'autres encore d'accès à l'information —, je ne suis pas convaincue que nous possédions toutes les capacités requises. Je crois néanmoins que nous sommes en mesure de faire ici quelque chose de bien et que nous devrions réfléchir à la façon de nous y prendre.

Je ne suis cependant pas certaine quant à l'administration de votre boutique — quant à ce à quoi ressemblent vos comptes de dépenses et ce que vous faites de votre temps. Je ne suis pas certaine qu'il s'agisse là d'éléments d'information précieux pour le Parlement. Qui vérifie ce que vous faites dans le cadre de vos opérations dans tout cela?

M. Nelson : Le comité devant lequel j'ai l'habitude de comparaître est le Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique de la Chambre des communes. C'est sans doute parce que je n'ai jusqu'ici pas eu de budget conséquent qu'il n'a pas eu grand-chose à examiner. J'imagine que ce serait à ce comité que reviendrait ce rôle. Par exemple, en ce qui concerne le Rapport sur les plans et les priorités, le RPP, que j'ai déposé, il demanderait, monsieur Nelson, pourquoi avez-vous demandé 3,5 millions de dollars, qu'allez- vous faire de cet argent?

Pour ce qui est d'autres types de contrôle, je suis comme tout le monde sous la loupe du vérificateur général. J'invite quiconque est intéressé à examiner mes divulgations proactives. Je ne coûte pas cher : je ne fais pas beaucoup de déplacements et j'ai très peu de frais de représentation, mais ceux-ci figurent sur mon site Web.

Votre question est si importante. À la fin de ma comparution devant le comité il y a deux semaines, j'ai dit qu'en tant que fonctionnaire responsable devant le Parlement pour une loi et ayant un ministre avec lequel il ne parle jamais, comparaître devant un comité du Parlement — comme celui-ci et comme l'autre — est ce qui se rapproche le plus d'une rencontre avec mon patron. Il est important pour ces comités de passer en revue le RPP lorsqu'il sort, car après le Rapport sur les plans et les priorités, il y a le Rapport ministériel sur le rendement, ou RMR. Je dois à un moment donné faire rapport sur ce que je comptais faire dans mon RPP. Il s'agit d'une fonction importante lorsque, comme je le disais, vous n'avez en réalité pas quelqu'un qui surveille les choses au jour le jour.

Je suis d'accord avec vous à 100 p. 100. Je serais bien sûr heureux de discuter de n'importe laquelle de ces questions devant quelque comité que ce soit — surtout si je pense faire un bon travail, mais je compte être heureux d'en discuter même si je ne fais pas un bon travail.

Le sénateur Andreychuk : Le public pourra alors nous dire si nous faisons nous aussi notre travail.

M. Nelson : Absolument.

Le sénateur Andreychuk : Je ne veux pas me moquer, mais vous avez indiqué que si, dans l'une des affaires dont vous traitez, vous trouviez quelqu'un prêt à présenter l'affaire et en mesure de le faire, alors se serait une réfutation face à ce que vous demandent les parlementaires.

Il me semble que la valeur de la loi, si elle est administrée comme il se doit, n'est pas fonction du nombre de condamnations ou d'acquittements que vous enregistrez. J'espère que les parlementaires n'ont pas utilisé cela comme critère; moi, je ne le ferai pas. Pour évaluer le mandat de votre bureau, ce sont les qualités éducatives qui sont importantes et le fait que tout le monde se plie aux règles, et non pas le fait de dire qu'il y a eu trois condamnations.

M. Nelson : Je suis tout à fait de votre avis. Application de la loi n'est pas synonyme de condamnations. Chaque fois qu'un agent dit à quelqu'un : « Il nous faut davantage de renseignements avant de pouvoir certifier cet enregistrement », c'est du travail d'application de la loi. Chaque fois qu'un titulaire de charge publique dit : « Je comprends que vous êtes censé vous enregistrer », c'est là un autre type d'application de la loi. Le registre compte aujourd'hui 3 000 noms de plus qu'il y a quelques années.

Vous avez tout à fait raison. Ce n'est pas la « Loi sur la condamnation des lobbyistes », mais la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Le nombre d'enregistrements est essentiel. Cela est également important du fait qu'il y ait de ceux qui ne prêtent pas attention à la loi. Il est important qu'ils sachent que s'ils s'écartent du droit chemin, il y a de bonnes chances que quelqu'un les poursuivra et qu'il y aura des conséquences. C'est pourquoi il est important que ces rapports sortent et que l'on fasse plus grand cas des preuves.

Le sénateur Andreychuk : Serait-il juste de dire que vous êtes en train d'établir une saine culture de respect envers les titulaires de charge publique et que ce projet de loi correspond à votre orientation?

M. Nelson : Vous avez tout à fait raison. Il y a une culture différente, surtout en ce qui concerne ceux et celles qui viennent voir des titulaires de charge publique. Ceux-ci ne devraient pas se sentir mal à l'aise de dire : « Je ne vous trouve pas dans le registre. Que se passe-t-il? » À l'heure actuelle, je m'imagine bien qu'il y a tendance à ne pas poser la question. Or, il faudrait la poser. La culture devrait être telle qu'il soit tout à fait acceptable de poser la question, du fait qu'il soit important d'être perçu comme traitant avec des personnes qui sont enregistrées, si elles doivent l'être.

Le président : J'aimerais poser une question qui découle d'un point qu'a soulevé le sénateur Fox.

Vous avez dit que les lobbyistes seront tenus de déposer des rapports mensuels, de tenir un registre de leurs activités de lobbying, et ainsi de suite. Il a été argué que les exigences accrues du projet de loi C-2 en matière de divulgation jettent un froid sur le lobbying dans ce pays et le poussent dans la clandestinité, des discussions informelles ou spontanées venant remplacer les réunions officielles. Certains disent également craindre que ces exigences en matière de divulgation compromettent des renseignements sensibles sur le plan commercial. Pourriez-vous vous prononcer sur cette allégation, dont il a beaucoup été question dans les journaux?

M. Nelson : Oui, je vais répondre. J'aimerais par la suite corriger une chose que j'ai dite plus tôt, car nous avons trouvé quelque chose en réponse aux questions du sénateur Fox.

En ce qui concerne le caractère confidentiel de renseignements commerciaux, je m'attends à ce que le rapport mensuel, d'après mon interprétation de la loi, exige des lobbyistes de faire état du détail et des sujets pour lesquels ils se sont déjà fait enregistrer. Si un lobbyiste, dans le cadre de l'actuel régime, est enregistré en vue de discussions avec le ministère de l'Industrie au sujet de l'achat d'un nouvel aéronef, alors celui-ci traiterait de cette question et l'inscrirait dans son rapport mensuel. Il ne lui est pas nécessaire d'aller plus loin que cela.

Le président : Aucun autre détail n'est requis.

M. Nelson : Aucun autre détail n'est requis à l'heure actuelle, à moins que le règlement ne vienne changer cela. Voici où réside la différence, et c'est ici que cela devient important, et je comprends les arguments qui ont été avancés. Le rythme du lobbying sera dorénavant manifeste. À l'heure actuelle, les lobbyistes doivent se réinscrire tous les six mois. Au lieu de cela, leurs concurrents peuvent voir que tout d'un coup ils ont eu quatre réunions en une semaine avec un certain SMA, par exemple, qui est peut-être un décideur. Je comprends l'argument voulant que ce n'est pas tant la divulgation de renseignements que le rythme du lobbying et l'identité des personnes avec lesquelles vous vous entretenez. C'est une chose de discuter avec le directeur de quelque chose. C'en est une autre de discuter avec une personne qui est habilitée à signer un contrat ou à dire oui ou non.

Le président : Je comprends votre explication, mais quelle est votre opinion là-dessus?

M. Nelson : Je n'ai pas d'opinion quant à la question de savoir si c'est une bonne chose ou une mauvaise chose. C'est pour cette raison que la loi parle d'équilibre, dans la mesure où elle ne change pas les comportements. Ce n'est pas le fait de jeter un froid sur cette activité qui ne serait pas une bonne chose, c'est que le SMA pourrait dire à son directeur général — et les directeurs généraux ne sont pas des titulaires de charge publique de haut rang — : « Occupez-vous s'il vous plaît de cette réunion, car je ne veux pas y aller ». Nous verrions alors disparaître de l'écran radar certaines activités dont il faudrait discuter et qui devraient être examinées au niveau sous-ministre adjoint ou sous-ministre. D'un point de vue politique publique, ce serait une mauvaise chose que ces questions ne figurent pas sur l'écran radar, mais il est difficile de dire si c'est ce qui se passera.

Je n'ai pas répondu à une partie de votre question, celle concernant le caractère confidentiel de renseignements commerciaux. Ce que je voulais souligner c'est que la loi québécoise comporte un article selon lequel si vous parvenez à convaincre le commissaire que les renseignements vous concernant portent sur un investissement qui serait menacé d'un point de vue confidentialité commerciale du fait de votre inscription, alors vous vous inscrivez, mais l'inscription en tant que telle ne figure pas dans le registre public, et ce pendant six mois. J'ai lu le plus récent rapport de mon collègue, André Coté, juste avant de venir ici. L'an dernier, il n'a pas reçu une seule demande du genre. Je trouve que cela est important.

Le président : Vous vouliez corriger une déclaration que vous avez faite plus tôt.

M. Nelson : La définition de nomination par gouverneur en conseil n'englobe pas les députés, ni les secrétaires parlementaires, ni les personnes nommées par gouverneur en conseil et tous les autres employés de ministères fédéraux qui ne figurent pas dans la liste. Ce n'est pas les personnes nommées par gouverneur en conseil, sauf celles qui sont énumérées ci-dessus : sous-ministres et autres personnes de rang équivalent. Encore une fois, pour en revenir à ce que disait le sénateur Fox, cette définition doit être tirée au clair, mais pas forcément dans la loi.

Le président : C'est un point intéressant.

Le sénateur Ringuette : Combien d'enquêteurs comptez-vous à l'heure actuelle au sein de votre équipe?

M. Nelson : J'en ai trois.

Le sénateur Ringuette : Vous avez trois enquêteurs et vous êtes en train de mener dix enquêtes.

M. Nelson : Il y a dix enquêtes ainsi qu'un certain nombre d'examens administratifs. Les enquêteurs ne s'occupent pas que d'enquêtes; ils effectuent des examens administratifs, et même avant que l'examen administratif ne soit enclenché — si je reçois une lettre, comme cela a été le cas l'autre jour, d'un député ou de quelqu'un qui me demande d'examiner telle ou telle chose — quelqu'un y sera affecté. Il se déroule quantité d'activités.

Le sénateur Ringuette : Êtes-vous en train de dire que les enquêtes et les examens administratifs sont déclenchés par une plainte?

M. Nelson : Ils peuvent être déclenchés par une observation interne. Nous lisons les journaux le matin. Nous avons un spécialiste des communications. Si nous relevons quelque chose que nous devrions examiner, alors c'est ce que nous faisons.

Le sénateur Ringuette : Nous avons discuté de sous-ministres adjoints et de directeurs de programme qui font la transition de titulaires de charge publique à lobbyistes, et des ramifications de la loi en la matière. Cependant, je ne pense pas qu'il y ait de disposition couvrant la situation inverse, soit celle de lobbyistes qui deviennent sous-ministres adjoints ou directeurs de programme, ce qui amène un autre déséquilibre lorsqu'on parle trafic d'influence.

J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que le projet de loi se limite à un côté de la question, soit celle de titulaires de charge publique qui deviennent lobbyistes et qui possèdent certains renseignements. Il y a la situation inverse de lobbyistes qui deviennent titulaires de charge publique et qui ont un certain penchant pour leur domaine de travail antérieur.

M. Nelson : Vous avez raison. Le projet de loi ne traite pas de cette question. Je n'essaie pas de m'esquiver, mais à mon avis, tout dépendrait de la situation particulière. Les fonctionnaires doivent également se plier à des règles en matière de conflits d'intérêts. J'imagine que lorsque des lobbyistes entrent dans la fonction publique, ils sont alors assujettis aux dispositions en matière de conflits d'intérêts qui s'appliquent à nous tous. La question de savoir comment cela est contrôlé est une bonne question. Je m'attendrais à ce que les sous-ministres des différents ministères soient méfiants en la matière, pour ce qui est des fonctionnaires, mais je ne peux pas dire comment les autres seraient surveillés. Je ne suis pas la bonne personne pour répondre à cette question. Je m'attendrais à ce que toute personne intégrant la fonction publique, quel qu'ait été son emploi antérieur, qu'il ou elle ait été lobbyiste ou employé politique, soit assujettie aux mêmes règles en matière de conflits d'intérêts que nous tous. Des fonctionnaires peuvent apprendre que d'autres fonctionnaires font des choses qui ne sont pas appropriées, et il y a toujours moyen de rapporter ces cas-là également.

Le sénateur Cowan : Nous tous sommes en faveur de la transparence, de l'ouverture et de l'imputabilité. De nombreux témoins qui ont comparu devant le comité se sont prononcés en faveur de l'orientation du projet de loi, disant que celui-ci représente une amélioration sensible. De nombreux témoins ont suggéré des moyens d'améliorer ou de préciser le projet de loi, comme vous l'avez vous-même fait dans votre échange avec le sénateur Campbell tout à l'heure et dans vos commentaires au sujet des recommandations de M. Giorno en vue d'améliorations.

En réponse aux questions du sénateur Fox, vous avez dit que le projet de loi devrait selon vous être davantage précisé. Vous nous avez ensuite lu un autre article et je ne sais plus si, dans le cadre de cet échange, vous avez dit que celui-ci n'avait pas forcément besoin d'être éclairci dans le projet de loi, mais que la chose devrait être tirée au clair. Reconnaissant qu'un nombre appréciable d'amendements seront apportés au projet de loi dans le but de l'améliorer, êtes-vous en train de dire que certains changements et éclaircissements devraient apportés de façon à ce que ce rôle et cette fonction travaillent mieux?

M. Nelson : Je ne suis pas convaincu qu'il faille les apporter dans le projet de loi. Par exemple, le projet de loi parle de sous-ministres adjoints ou de leurs équivalents. De nombreux équivalents se créent et pourraient être créés à l'avenir. Par exemple, lorsque j'étais SMA à la Commission de la fonction publique, on m'a appelé « directeur exécutif » puis, plus tard, « vice-président ». Si vous vous efforcez d'énumérer un trop grand nombre de ces titres dans un projet de loi, alors vous vous enfermez dans un carcan. J'aime l'idée que le projet de loi dise « ou un poste de rang équivalent ». Il autorise également le gouverneur en conseil à désigner d'autres personnes comme étant de rang équivalent. Vous retirez cela du projet de loi car vous seriez coincé pendant cinq ans ou plus si par malheur vous vous trompiez dans le projet de loi. Cela est faisable à l'extérieur du projet de loi.

Le sénateur Cowan : La disposition du projet de loi qui habilite le gouverneur en conseil à désigner d'autres personnes comme étant de rang équivalent couvrirait cet éclaircissement.

M. Nelson : Oui, par exemple, cela serait utile pour les membres des forces armées. Je ne suis pas certain quant à toutes les autres applications, mais j'ignore s'il y a quelqu'un qui soit absolument certain. Le projet de loi permet en tout cas cette désignation.

Le président : Honorables sénateurs, je vous demande votre autorisation de prolonger de dix minutes le temps prévu pour ce panel afin que le sénateur Day et le sénateur Campbell aient l'occasion de poser des questions pendant cette ronde-ci.

Des voix : D'accord.

Le sénateur Day : Pendant que vous parliez, monsieur Nelson, j'ai parcouru les recommandations du juge Gomery. Une seule sur les 18, soit la recommandation 15, fait état de l'enregistrement de lobbyistes dont vous parliez plus tôt.

M. Nelson : Est-ce la recommandation portant sur l'éducation?

Le sénateur Day : Oui, vous en faisiez l'analyse et c'est la seule que je vois qui concerne le lobbying. Le juge Gomery recommande que vous disposiez de ressources suffisantes pour pouvoir faire connaître et appliquer les dispositions de la loi et pour que votre propre personnel puisse mener des enquêtes et intenter des poursuites. Cela ne figure pas dans le projet de loi. S'agit-il de quelque chose que vous aimeriez voir? Cela vous rendrait-il plus efficace en tant que commissaire au lobbying?

M. Nelson : La séparation de ces responsabilités est utile. La capacité d'avoir encore un autre regard côté poursuite, assorti des compétences requises, résulterait sans doute dans un bureau plus important, mais cela pourrait empiéter sur les responsabilités d'autres œuvrant dans le domaine des poursuites. J'estime que, sans cet aspect poursuites, il y a suffisamment de choses dans le projet de loi et dans le bureau. Il devrait cependant y avoir une meilleure relation avec la GRC de sorte que celle-ci, dont les mains sont depuis des années liées relativement à ces questions, puisse mieux les comprendre et mieux faire son travail. Dans le contexte du travail d'éducation et de la relation de coopération, la solution serait de se rapprocher de ceux qui s'occupent de la poursuite.

Le sénateur Day : Vous avez expliqué le processus d'enquête tout à l'heure. Lorsque vous menez une enquête, en livrez-vous les résultats à la GRC ou recommandez-vous à la GRC d'engager des poursuites?

M. Nelson : Je vais vous dire ce que nous avons fait dans un cas. Nous avons effectué notre examen administratif, réuni un dossier avec toutes les informations que nous avions recueilles et écrit à la GRC recommandant qu'elle se penche sur l'affaire en vue d'un condamnation possible en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

La GRC pouvait prendre cela et commencer à la case zéro, car je n'avais aucun pouvoir d'y faire quoi que ce soit, ou alors elle pouvait décider qu'il y avait là de bons renseignements utiles mais qu'il lui en fallait davantage encore. C'est à elle qu'il revient de décider ce qu'elle veut faire.

Le sénateur Day : La GRC ferait enquête de son côté et livrerait ses conclusions et recommandations au directeur des poursuites pénales ou au ministère de la Justice.

M. Nelson : C'est ainsi que je pense que cela fonctionnerait. À mon sens, cela fonctionnerait mieux si je pouvais utiliser mes pouvoirs coercitifs avant de devoir transmettre le dossier. Cela me permettrait de livrer à la GRC une meilleure base à partir de laquelle travailler, au lieu qu'elle soit ainsi poussée à commencer à la case zéro dans son enquête.

Le sénateur Day : Cela ne fonctionnait-il pas mieux si vous pouviez soumettre directement vos recommandations au ministère de la Justice ou au directeur des poursuites pénales?

M. Nelson : Je n'ai pas d'opinion quant à savoir si cela serait préférable. Cela changerait certainement l'orientation du bureau.

Le sénateur Day : Le comité est à la recherche de moyens d'améliorer le projet de loi C-2. Nous souhaitons qu'il fonctionne bien pour votre ministère. Nous comprenons les éléments qui sont positifs pour vous et nous les appuyons fermement. Il y a peut-être d'autres aspects pour lesquels vous estimez que nous pourrions rajuster un peu le tir afin que soient mieux réalisés les buts et objectifs esquissés au début de la loi existante. Il est intéressant qu'il y ait des énoncés de politique au début du projet de loi, car ce n'est pas souvent que l'on voit cela. Je les appuie. Nous avons eu des discussions sur d'autres éléments que certaines personnes aimeraient voir incluses.

Je vais maintenant passer aux modifications à la Loi sur l'accès à l'information, et plus particulièrement à l'article 16.2, à la page 86. D'après la lecture que j'en fais, vous ne devez, en vertu de l'article 16.2, ne rien révéler de votre travail d'enquête mais, une fois l'enquête terminée, vous ne devez pas refuser de communiquer. Il pourrait s'agir de renseignements sensibles, surtout si vous menez une enquête et décidez de ne pas recommander d'aller plus loin. Cet article du projet de loi suscite-t-il chez vous quelque malaise?

M. Nelson : Je préfère de beaucoup cet article tel qu'il figure à l'heure actuelle dans le projet de loi comparativement à son libellé dans le projet de loi original. Cet article répartit selon moi les renseignements correspondant à une enquête dans deux catégories : les renseignements que je crée dans le cadre d'une enquête et les renseignements que j'obtiens dans le cadre d'une enquête.

Selon mon interprétation de cet article, celui-ci dit que pendant la durée de l'enquête toute communication est interdite. Après l'enquête, les renseignements que j'ai créés peuvent être divulgués, mais je présume que ce serait sujet à la Loi sur la protection des renseignements personnels et aux dispositions pertinentes de la Loi sur l'accès à l'information.

Je pense que c'est très important, et si je préfère cela au fait de ne pas pouvoir diffuser quoi que ce soit, c'est aux fins du mandat d'éducation. Il est tout à fait possible que des renseignements que je crée pendant cet examen, sous réserve, précisément, de ce que vous dites, veillant à ce que soient respectés les droits des gens et la Loi sur l'accès à l'information, puissent être utilisés à des fins éducatives. Si je mène toutes ces enquêtes et que je ne peux parler à personne, alors cela va à l'encontre de l'objet même de l'aspect application de la loi.

Le sénateur Day : Vous avez tout à fait raison de faire intervenir ici la Loi sur la protection des renseignements personnels, et nous avons justement eu ce débat tout au long de l'examen du projet de loi. La divulgation est importante, du point de vue de la responsabilité, mais les droits en matière de protection de la vie privée sont eux aussi extrêmement importants. C'est pourquoi j'essayais d'obtenir de vous votre opinion au sujet de cet article. Je pense qu'il pourrait y avoir ici des inquiétudes quant à la protection des renseignements personnels des gens. J'ai cependant entendu ce que vous avez eu à dire et j'apprécie vos commentaires.

L'une des infractions est le fait de ne pas s'inscrire. Si un groupe sans but lucratif ne s'est pas enregistré, celui-ci jugeant qu'il n'est pas lobbyiste, et que vous êtes d'avis qu'il aurait dû le faire, quel processus suivez-vous pour enquêter là-dessus au niveau initial?

M. Nelson : Mme Shepherd a passé en revue ce processus tout à l'heure. J'aime bien parler de « boucler le triangle ». Nous discuterions avec les titulaires de charge publique avec lesquels il est entré en contact ainsi qu'avec les lobbyistes au sein de l'organisation. Nous recueillerions des renseignements au sujet de ce qu'ils faisaient.

Le sénateur Day : Ils ne s'appellent pas lobbyistes. Ils disent qu'ils n'en ont pas.

M. Nelson : Non, mais ils ont des gens qui ont communiqué avec d'autres. J'imagine que dans ce cas-ci on nous aurait fait savoir que quelqu'un communiquait avec un titulaire de charge publique. Le titre qu'ils se donnent m'est égal. Je m'efforce de ne pas utiliser le mot lobbyiste. Bien souvent, je parle d'activités enregistrables en vertu de la loi, car il n'est pas juste de dire que vous ne faites pas du lobbying du simple fait que vous ne soyez pas rémunéré. Cela fait partie de notre vocabulaire; c'est du lobbying, mais ce n'est pas une activité enregistrable en vertu de la loi.

Nous compilerions des renseignements au sujet de leurs activités et si nous jugions que celles-ci étaient enregistrables au sens de la loi et que le délai de deux ans n'était pas passé, alors le dossier serait transmis à la GRC et ils en auraient la visite.

Le sénateur Day : Il peut s'agit d'une plainte déposée par quelqu'un ou d'une initiative interne. La même règle s'applique-t-elle?

M. Nelson : Absolument. La loi ne traite pas de la façon dont ces choses sont lancées, alors nous décidons de la suite dans tous les cas, quelle que soit l'origine de l'interrogation.

Le sénateur Day : J'ai visité votre site Web et il y a un nombre énorme d'organisations qui sont inscrites. Je devine que les gens commencent à être au courant et que c'est ce pour quoi ils s'enregistrent, ce qui revient à un compliment pour vous et votre travail.

M. Nelson : Merci.

Le sénateur Day : Vous avez élaboré un code en vertu de l'actuelle loi. Avant que vous ne le mettiez en œuvre, et j'imagine que cela viendra avant que vous n'y apportiez de changements, il sera renvoyé devant un comité de la Chambre des communes. Cela vous poserait-il un problème de comparaître devant un comité sénatorial pour passer en revue ce code, maintenant que nous avons eu l'occasion de nous éduquer relativement à votre projet de loi et aux amendements le visant?

M. Nelson : Absolument pas. Je ne sais pas pourquoi il en est ainsi; c'était peut-être un oubli lors de la rédaction du texte initial.

Le sénateur Day : Cela se trouve à l'article 9 de la nouvelle loi.

M. Nelson : Non, absolument pas.

Le sénateur Day : J'ai de nombreuses autres questions, mais vu l'heure et aux fins du respect de notre horaire, je vais les mettre de côté et j'aurai peut-être l'occasion de les poser aux témoins suivants. Je tiens à vous remercier de votre comparution ici. Si j'ai des questions auxquelles les témoins suivants ne peuvent pas répondre, me serait-il possible de vous écrire et de distribuer alors vos réponses aux autres membres du comité?

M. Nelson : Absolument. Quel que soit le protocole, j'écrirai au président et ce serait un plaisir pour moi de faire cela pour vous, sénateur.

Le sénateur Campbell : Je me suis retrouvé dans une situation très semblable lorsque j'étais coroner en chef : je ne pouvais poursuivre personne, mais je pouvais toujours envoyer les renseignements à la GRC et c'est nous qui déterminions si elle trouverait la chose importante ou non. Vous avez peut-être là quelque chose qui constitue un pouvoir. Par exemple, il a été suggéré que toute entorse au code de déontologie des lobbyistes soit une infraction; même chose pour entrave à l'action du commissaire, et pour contournement d'une interdiction. Encore une fois, toutes ces propositions nous sont venues des messieurs qui viendraient ici.

Vous les avez. Cela ne veut pas dire que vous les exercez, mais cela témoigne du sérieux de la question. Conviendriez-vous qu'il s'agirait là de bons ajouts? Ce n'est pas un marteau que vous avez, c'est tout simplement que les gens regardent et constatent que c'est une question sérieuse qui ne peut pas être ignorée, car il y a des recours.

M. Nelson : Pour ce qui est des trois que vous venez de mentionner, et je n'ai pas eu l'occasion d'en discuter avec M. Giorno, je serais tout à fait en faveur d'un délit d'obstruction. J'envisage avec plaisir d'entendre le témoignage de M. Giorno au sujet du code. Je suis tout à fait favorable à sa logique voulant qu'un mauvais comportement est dans certains cas beaucoup plus grave.

Le sénateur Campbell : Certaines provinces appliquent le code et au Québec vous pouvez en fait vous faire imposer une amende allant de 500 $ à 25 000 $. Ce n'est donc pas comme si cela tombait du ciel. Cela existe déjà. Encore une fois, je ne m'attendrais pas à ce que vous passiez votre temps à taper sur les gens avec des amendes, mais ils devraient savoir que s'ils ne respectent pas cette loi, alors il y aura des pénalités.

M. Nelson : Ma seule réserve quant à cette recommandation est que si cela signifiait qu'au lieu de déposer un rapport au Parlement il me faudrait envoyer quelque chose à un autre pouvoir d'enquête doté de critères supérieurs du fait du Code criminel, ces preuves de conséquences dont j'ai parlé auraient moins de chances de déboucher. C'est là ma seule inquiétude.

Le sénateur Campbell : Merci beaucoup. Cet échange a été très instructif et je vais visiter votre site Web.

Le président : Monsieur Nelson, avant de vous livrer nos remerciements, j'aimerais vous poser une question, par curiosité. Vous avez dit avoir lu certains des témoignages que le comité a entendus. Avez-vous lu celui de Duff Conacher, lorsqu'il a comparu devant le comité au sujet de l'enregistrement des lobbyistes alors qu'il était consultant? Avez-vous par hasard lu cela?

M. Nelson : Oui.

Le président : Auriez-vous quelque commentaire à faire au sujet de son témoignage?

M. Nelson : À part souligner qu'il s'est trompé en disant — et Dieu merci que nous avons le Hansard pour des choses comme cela — que j'avais déclaré que la loi n'était jamais appliquée, mon seul commentaire — parce que ses 140 recommandations sont très détaillées — serait que certaines d'entre elles ont du mérite et que d'autres exigeraient beaucoup d'étude. Je pense que pour pouvoir en traiter comme il se doit, il faudrait que j'y consacre tout un autre exposé, monsieur le président.

Le président : J'aimerais, au nom de tous les membres du comité, vous remercier, vous et vos collaborateurs. Vous avez été un témoin essentiel sur une partie très importante du projet de loi et vos témoignages ont été instructifs et profitables. Merci beaucoup à vous tous.

Honorables sénateurs, nous allons maintenant entendre Robert Ramsey et Robert Hamp, de la Société canadienne des directeurs d'association. Cette association a pour objet de promouvoir la valeur que représentent les organisations sans but lucratif pour la société canadienne, en renforçant et en appuyant l'excellence et le professionnalisme de ses membres grâce à des initiatives pertinentes en matière d'éducation, d'intervention, d'information et de recherche. Nous accueillons également M. Guy Giorno, avocat chez Fasken Martineau DuMoulin. Il est l'un des grands spécialistes du Canada en matière de droit du lobbying. Il prononce des discours, rédige des articles et conseille des clients sur les différentes lois en matière d'enregistrement des lobbyistes qui existent au Canada et est le principal coauteur d'un ouvrage intitulé Lobbying in Canada.

Nous accueillons également à la table MM. Alain Pineau et Keith Kelly, de la Conférence canadienne des arts. La CCA est un organisme de défense culturelle non partisane et sans but lucratif dont l'objet est de fournir une tribune nationale pour discuter de la politique culturelle et d'être un défenseur national des artistes et institutions et industries culturelles du Canada.

[Français]

Le comité tient à vous remercier de votre présence. Je vous cède maintenant la parole et, par la suite, nous passerons à une période de questions et discussion qui sera, j'en suis certain, très utile pour les membres du comité.

[Traduction]

Guy W. Giorno, avocat, Fasken Martineau DuMoulin LLP, à titre personnel : Merci beaucoup. Je sais que l'on est en train de distribuer le texte de mon exposé car j'ai entendu des intervenants s'y reporter, alors je vais tout de suite vous livrer mes remarques liminaires.

Selon moi, les articles en matière de lobbying du projet de loi ne soulèvent pas, ni ne devraient soulever, la question de savoir si le lobbying est une bonne ou une mauvaise chose car, comme le dit l'actuelle loi, le lobbying est une activité légitime. Plus encore, le droit de soumettre des requêtes au gouvernement a ses racines dans la Magna Carta et dans la Déclaration des droits britannique de 1689.

Si une personne morale ou un citoyen juge le gouvernement si complexe ou si intimidant qu'il ou elle recourt à des spécialistes pour accéder au gouvernement ou communiquer avec lui, cela aussi est un droit.

Il serait dommage que le débat dégénère, comme cela a été le cas dans les médias et chez certains critiques, en un débat au sujet de la question de savoir si le lobbying est une bonne chose ou une mauvaise chose. La discussion devrait plutôt porter sur l'imputabilité, la transparence et les normes éthiques s'appliquant aux lobbyistes.

Je sais qu'il y a des critiques d'une divulgation accrue, d'une transparence et d'une ouverture accrues, et le message qu'il leur faut communiquer est que bien que ce soit le droit de tout Canadien d'influer sur la politique publique, ce n'est pas un droit que d'y influer en secret. C'est là, à mon sens, la distinction à faire.

D'aucuns craignent qu'un accroissement de la divulgation, jetant plus de lumière sur les activités de lobbying, aura un « effet de refroidissement » sur les communications entre fonctionnaires et parties prenantes ou encore que cela nuira à l'industrie du lobbying. Dans mon mémoire, je fais état de la province de Québec et de la province de la Colombie-Britannique où il se fait certains genres de divulgations et l'on n'a pas relevé de tels effets néfastes.

Je fais également état des États-Unis, où les lois fédérales et d'État régissant le lobbying sont pour la plupart beaucoup plus onéreuses, beaucoup plus intrusives que tout ce qui existe ou est proposé au Canada. Je documente certains de ces exemples : pièces d'identité avec photo pour les lobbyistes; obligation pour les lobbyistes dans certains États de divulguer chaque cent et désignation des fonctionnaires pour lesquels cet argent est dépensé, et je pourrais continuer encore.

Honorables sénateurs, personne n'affirme sérieusement qu'il existe aux États-Unis un problème d'accès trop limité aux décideurs par les lobbyistes. Personne ne prétend sérieusement qu'aux États-Unis l'industrie américaine du lobbying est si brimée qu'elle souffre du fait d'une surréglementation.

Le projet de loi C-2 est bon, il est louable et il constitue un très bon pas en avant, et je vous soumets respectueusement qu'il devrait et qu'il devra satisfaire les attentes des Canadiens. Cela étant dit, je crois que le projet de loi devrait être amélioré.

Le sénateur Day : Parlez-vous du projet de loi tout entier?

M. Giorno : Des articles portant sur le lobbying.

Je propose 12 recommandations ou amendements précis. J'aimerais traiter brièvement de deux d'entre eux. Le premier concerne un souci que j'ai au sujet du libellé technique de la partie traitant des rapports mensuels détaillés. Cela se trouve aux pages 69, 70 et 72 du projet de loi.

Dans sa formulation actuelle, l'exigence en matière de déclarations mensuelles détaillées ne s'appliquerait qu'à certains types de communication. Cela est à mon sens malheureux. Je recommande d'inverser cette disposition, de telle sorte que l'obligation de préparer une déclaration mensuelle détaillée s'applique à toutes les communications sauf celles qui sont exemptées du fait d'être prescrites comme étant exemptées.

Quelle est la différence entre les deux? Mon souci quant au libellé actuel, qui dit que le Cabinet doit identifier les types de communication qui devront faire l'objet d'une déclaration mensuelle, est le suivant : si le Cabinet ignore l'existence d'un certain type de communication, alors il ne peut pas l'assujettir à cette exigence. Si le Cabinet n'identifie pas un type de communication donné, alors en vertu de l'actuel libellé, une telle communication ne sera pas divulguée. C'est ainsi qu'à mon avis certains des types de communication qui devraient justement être divulgués échapperont au mécanisme de rapport précisément du fait que le Cabinet en ignore l'existence.

L'avantage de l'approche inverse est que ce serait plus transparent. Ce serait plus transparent si les Canadiens savaient véritablement ce qui est exempté — et cela pourrait être détaillé — par opposition à une situation dans laquelle cet aspect-là n'est pas traité, les Canadiens et les législateurs restant dans l'ignorance. Il y a ce dicton qui dit que vous ne savez pas ce que vous ne savez pas, et cela peut paraître simpliste, mais c'est vrai, et dans ce cas-ci, si telle ou telle communication n'est jamais rapportée, alors elle ne sera jamais exposée.

Enfin, je pense que cela situe la responsabilité là où elle devrait exister. Si l'industrie du lobbying veut pouvoir s'adresser au gouvernement et lui dire de prescrire par décret en conseil ou par règlement telle ou telle exemption, par exemple pour les courriels de routine, alors elle pourra présenter ses arguments, au lieu que l'on ait la situation inverse, les Canadiens et les partisans de l'accessibilité ayant à justifier ce qui devrait être couvert.

La deuxième de mes recommandations précises concerne le manque d'uniformité dans les règles concernant l'interdiction quinquennale. J'estime que cette « période de refroidissement » quinquennale est vitale, essentielle et qu'elle correspond aux attentes des Canadiens, mais il y a une contradiction entre la façon dont cette période d'interdiction de cinq ans est prévue dans le projet de loi C-2, et la façon dont elle existe dans l'article 29 du code après- mandat. Deuxièmement, l'on fait des distinctions entre différents types de lobbyistes salariés, et ces distinctions sont différentes de la façon dont les lobbyistes salariés sont traités dans d'autres parties de la même loi, c'est-à-dire la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Je pourrais traiter plus dans le détail de cette question, mais je vais me contenter de faire ressortir ici deux exemples. En vertu du projet de loi C-2, les lobbyistes salariés d'organisations sont traités de façon beaucoup plus sévère que les lobbyistes salariés de personnes morales, et je ne sais pas très bien quel est l'objet de cette différence de traitement pour ce qui a de la période d'interdiction de cinq ans. Pour exprimer les choses autrement, un titulaire de charge publique de haut rang qui quitte son poste pour partir travailler comme lobbyiste-maison pour une organisation serait traité de façon beaucoup plus sévère qu'un titulaire de charge publique de haut rang qui quitte son poste pour aller travailler comme lobbyiste-maison pour une entreprise.

Le président : De quelle façon?

M. Giorno : Cela se trouve à l'article 10.11, à la page 75 du projet de loi. Vous verrez qu'aux alinéas b) et c), il y a une différence, car l'alinéa c) comporte d'autres éléments. L'alinéa b) parle de l'ancien titulaire de charge publique de haut rang qui part travailler pour une organisation. Soit dit en passant, le terme « organisation » n'inclut pas seulement les sociétés sans but lucratif, mais également les partenariats et en fait tout ce qui n'est pas une personne morale.

Quiconque part travailler pour l'une de ces organisations et s'adonne à l'une ou l'autre des activités devant faire l'objet d'une déclaration en vertu de l'article 7, est frappé d'une interdiction de cinq ans. S'il ou elle quitte son poste pour aller travailler pour une personne morale, le texte supplémentaire dit que si une personne exerce les activités en question et que celles-ci constituent une part importante de l'ensemble de ses activités, alors elles doivent faire l'objet d'une déclaration. Je suis certain que les honorables sénateurs auront entendu dire que le seuil est de 20 p. 100.

Le président : Un jour par semaine.

M. Giorno : Ou un jour par semaine. Cela fonctionne ainsi : le titulaire de charge publique de haut rang qui part travailler pour une société sans but lucratif ou un partenariat et qui consacre 1 p. 100 de son temps à faire du lobbying serait couvert, tandis que ce ne serait pas le cas de la personne qui part travailler pour une personne morale et qui consacre 19,999 p. 100 de son temps à des activités de lobbying. Je ne pense pas que cela corresponde à l'objet visé au départ. Je crois qu'il s'agit d'un oubli. Il me semble que c'est quelque chose qui pourrait être assez facilement corrigé.

Il y a également une légère différence dans la façon dont les cadres dirigeants de société sont traités. Encore une fois, en vertu de l'actuelle loi et de l'article 29 du code, si vous êtes cadre dirigeant d'une entreprise et que vous consacrez une seconde à faire du lobbying, c'est-à-dire 0,0001 p. 100 de votre temps, vous êtes visé par l'interdiction. Selon le libellé actuel, pour quelque raison, si vous êtes cadre dirigeant d'une personne morale, vous serez maintenant assujetti à la règle des 20 p. 100. Encore une fois, je ne pense pas que cela soit intentionnel; je crois qu'il s'agit d'une erreur.

Voilà seulement deux des éléments sur lesquels je voulais me concentrer, mesdames et messieurs les membres du comité. Je sais qu'il y aura du temps pour les questions et que je devrais m'arrêter là.

Le président : Merci beaucoup, et je suis certain qu'il y aura de nombreuses questions.

Robert Ramsay, président, Société canadienne des directeurs d'association : Merci, mesdames et messieurs les membres du comité. La Société canadienne des directeurs d'association est heureuse de pouvoir commenter le projet de loi C-2, Loi fédérale sur la responsabilité, et de participer à son examen au nom de nos membres.

Je suis l'actuel président du Comité des relations gouvernementales de la SCDA et président du Conseil de l'industrie de la motocyclette et du cyclomoteur, ainsi que du Conseil canadien des distributeurs de véhicules tout terrain. M'accompagne cet après-midi Bob Hamp, directeur des Communications et de la Recherche de la SCDA.

La SCDA est le regroupement professionnel des 1 600 hommes et femmes qui dirigent un grand nombre des organisations commerciales, professionnelles, philanthropiques et d'intérêts communs les plus progressives du pays. Nous représentons également 600 autres entreprises fournissant services et produits au secteur.

La SCDA et ses organisations membres appuient les mesures gouvernementales visant à renforcer les règles et les institutions dans le but d'accroître la transparence et la responsabilité envers les Canadiens. Nous approuvons ces objectifs et, à l'exception de deux importants sujets de préoccupation, sommes heureux d'appuyer le projet de loi dans son ensemble.

Notre première réserve concerne les restrictions quant au lobbying, c'est-à-dire l'interdiction de cinq ans imposée aux ministres, à leur personnel et aux titulaires de charge publique de haut rang de pratiquer le lobbying. Nous sommes d'avis que les représentants du gouvernement devraient conserver le droit de passer librement de la fonction publique au secteur sans but lucratif en raison du lien privilégié que les organisations sans but lucratif ont tissé avec le gouvernement fédéral. Aux termes de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes, les cadres supérieurs des organisations membres de la SCDA qui font du lobbying auprès du gouvernement sont définis comme étant des « lobbyistes salariés ». Ils font du lobbying auprès de représentants du gouvernement et ils visent avant toute chose le bien commun de tous les électeurs.

Permettez-moi de mettre brièvement cela en contexte pour vous. Il y a de nombreuses années, j'ai travaillé comme adjoint à un député et à un ministre. L'organisation pour laquelle je suis allé travailler lorsque j'ai quitté mon poste auprès du ministre avait peu d'expérience en matière de relations gouvernementales. Elle ne comptait en fait que quatre employés à l'époque, dont aucun ayant quelque expérience que ce soit avec le gouvernement. Ils ont compté sur mes connaissances et mes instincts et cela leur a permis de beaucoup mieux intervenir relativement à la politique publique. Ce n'était pas moi personnellement; c'était ma connaissance des rouages du gouvernement, et leurs idées en matière de politiques publiques et de bien public. Ma contribution était ma capacité de cerner ces intérêts au sein de l'industrie afin que celle-ci puisse non seulement exposer ses idées et ses intérêts mais également comprendre l'intérêt public. J'ai aidé l'organisation à élaborer un meilleur cadre pour la politique en matière de transport au sein de l'industrie pour laquelle je travaille, sur les plans environnemental, sécurité, et tout le reste.

Lorsqu'on traite avec le secteur sans but lucratif, il faut savoir qu'il s'agit d'organisations très petites. La plupart comptent moins de dix employés. Elles n'ont pas beaucoup d'expérience. Elles comptent sur une ou deux personnes pour la totalité de leurs relations gouvernementales.

Nous sommes une organisation nationale et nous sommes actifs d'un bout à l'autre du pays. Nous traitons avec dix gouvernements provinciaux, les gouvernements territoriaux et, bien sûr, ce qui est plus important, le gouvernement fédéral. Ces choses sont importantes pour le secteur sans but lucratif.

La position de la SCDA est qu'il conviendrait d'éliminer ce moratoire de cinq ans ou de le remplacer par une période plus raisonnable, afin de maintenir la libre circulation de renseignements ainsi que les consultations qui profitent à l'heure actuelle autant au gouvernement qu'au secteur sans but lucratif. À défaut de supprimer cette période d'interdiction, on finira par dissuader les représentants du gouvernement de travailler pour des organisations sans but lucratif. Ce serait un obstacle. Les gens comme moi ne pourraient pas accéder au secteur sans but lucratif. Ce serait dommage pour la société, et ce serait dommage pour le gouvernement.

Notre deuxième préoccupation concerne l'obligation de déclarer toutes les communications avec les représentants du gouvernement désignés. La loi oblige tous les lobbyistes salariés d'organisation — et j'en suis — à garder un registre de toutes leurs activités déclarables, avec certaines exceptions, par exemple rencontres fortuites, bien qu'il faille encore en préciser la définition. De telles rencontres fortuites avec des titulaires de charge publique de haut rang se produisent, auquel cas il faut noter le nom de la personne et les sujets abordés, et les lobbyistes doivent déposer régulièrement des rapports auprès du directeur des lobbyistes.

Encore une fois, la SCDA craint que ces nouvelles exigences de faire rapport plus fréquemment ne créent des situations où les communications avec des porte-parole du gouvernement risquent d'être sérieusement compromises ou carrément inexistantes. Ce n'est pas tant que des exigences en matière de rapport soient là, c'est le fait qu'elles soient aussi onéreuses. Si vous avez un personnel de sept ou de neuf, et qu'il vous faut déclarer chaque communication, cela prendra beaucoup de temps. Nous traitons avec différents ministères. La SCDA est préoccupée par ces nouvelles exigences de faire rapport plus fréquemment. Le gros des communications avec nous sont l'initiative du gouvernement. Nous avons des experts en matière de sécurité, de génie et ainsi de suite dans le secteur des transports, experts que le gouvernement n'a pas et ne pourra jamais avoir. Il n'a pas les moyens de se procurer le même niveau de compétence, en génie ou autre. Nous donnons suite à des demandes émanant d'Environnement Canada, de Transports Canada et d'autres organisations encore qui ont besoin de nos compétences. Il s'agit d'un arrangement réciproque, mais il faudra dorénavant que tout soit déclaré. La libre circulation de l'information, des travaux de recherche, des connaissances et des consultations entre le gouvernement et le secteur sans but lucratif sera entravée, ce qui viendra en retour affaiblir le processus décisionnel éclairé qui existe à l'heure actuelle.

Est-ce que la tenue d'un registre de toutes les communications avec les titulaires de charge publique de haut rang servira vraiment le processus d'élaboration de politiques publiques face aux intérêts publics? C'est là une question importante qui mérite d'être examinée de plus près.

Comme vous le savez peut-être, nombre d'organismes sans but lucratif s'enregistrent deux fois par an en vertu de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes et fournissent des mises à jour sur les questions et les dossiers abordés, ainsi que le ministère ou l'institution contacté. Nous craignons que le resserrement des règles s'avère être un fardeau plus lourd et plus coûteux en temps et résulte en une perte de productivité pour de nombreux organismes sans but lucratif aujourd'hui confrontés à des ressources limitées. Nos organismes sans but lucratif ne disposent en effet que de très peu de ressources et nos petites équipes sont déjà surmenées, et ceci ne fera qu'alourdir encore leur charge de travail.

Nous encourageons le comité à maintenir les actuelles exigences en matière de rapport pour les lobbyistes salariés d'organisations — et tout particulièrement pour les lobbyistes salariés d'organisations sans but lucratif.

Mesdames et messieurs, je tiens, au nom des membres de la SCDA, à vous remercier de votre temps et de m'avoir donné l'occasion de vous saisir de certaines de nos préoccupations. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Ramsay.

[Français]

Alain Pineau, directeur général, Conférence canadienne des arts : Je vous remercie beaucoup, honorables sénateurs, de l'occasion qui nous est donnée de comparaître aujourd'hui devant vous.

Je tiens à souligner que mon collègue, Keith Kelly, qui a été décrit comme conseiller de direction principal, a également occupé le poste que j'occupe maintenant pendant une dizaine d'années, de 1989 à 1998. Il a donc une perspective historique sur les relations avec le gouvernement que je n'ai pas. C'est la raison pour laquelle il m'accompagne.

Le sénateur Fox : Excusez-moi, avez-vous un mémoire?

M. Pineau : Nous avions envoyé une lettre, mais je pourrai vous remettre notre exposé.

La Conférence canadienne des arts, la CCA, est la plus ancienne et la plus vaste organisation du secteur culturel. Elle représente le point de vue de toutes les disciplines artistiques. La CCA parle au nom de tous ceux et celles, individus et institutions, avec ou sans but lucratif, qui au pays ont un intérêt dans la culture nationale.

Le mandat de la CCA dans la société civile est de parler au nom de l'intérêt commun sur toute politique ou règlementation qui affecte de près ou de loin le secteur des arts et de la culture. Depuis plus de 60 ans, la CCA a nourri le débat public par l'information et les analyses qu'elle génère et par les forum qu'elle organise en matière de politiques et de programmes du gouvernement fédéral concernant le secteur culturel au sens large du mot.

Pour vous donner une idée de notre implication actuelle, au cours des huit derniers jours, j'ai participé à une présentation devant le comité d'experts sur les subventions et contributions, de même qu'à une présentation devant le Comité permanent des finances dans le cadre des consultations prébudgétaires.

J'ai déposé un mémoire au CRTC sur la politique télévisuelle et aujourd'hui, j'ai eu l'occasion de présenter nos préoccupations à votre distingué comité sur un projet de loi de la plus grande importance.

[Traduction]

Il a été intéressant pour moi d'entendre M. Ramsay. Je suis certain qu'il y a des représentants d'organisations qui comparaissent devant vous et qui disent des choses que nous appuyons. Beaucoup des remarques de M. Ramsay au sujet des secteurs sans but lucratif et caritatif s'appliquent à la plupart des organisations que nous représentons ici.

Nous aimerions nous concentrer aujourd'hui sur deux aspects particuliers qui nous préoccupent. Ces deux questions se rapportent aux exigences de rapports excessifs qui vont être imposées à des organisations comme la nôtre, et à l'effet de refroidissement que ce projet de loi pourrait avoir sur le débat public ouvert dans notre société démocratique.

Keith Kelly, conseiller principal en matière de politique, Conférence canadienne des arts : Le secteur des arts et de la culture appuie pleinement le principe de l'imputabilité relativement à l'utilisation faite des fonds publics. Nos organisations sont régies par des conseils, qui assument la responsabilité fiduciaire pour la gestion tant des fonds gouvernementaux que des recettes gagnées. La plupart de nos organisations sont vérifiées annuellement et les résultats sont accessibles au public.

Cependant, de nombreuses mesures de comptabilité présentement en place pour le secteur sans but lucratif sont déjà disproportionnées par rapport aux fonds publics reçus — fait que la vérificatrice générale elle-même a reconnu. Lorsque nous parlons du cadre de reddition de comptes, nous parlons en réalité du cadre de reddition de comptes pour le financement — les dons et contributions reçus par le secteur artistique et culturel sans but lucratif.

Les rapports d'étape mensuels, la ventilation détaillée, en heures et en minutes, du temps consacré par les membres du personnel aux différents projets, les prévisions de trésorerie et ainsi de suite accaparent une quantité indue de temps et chez les récipiendaires de fonds fédéraux et chez les fonctionnaires qui administrent les programmes de financement. Les mesures de reddition de comptes ne sont pas suffisamment adaptés aux montants de deniers publics versés aux récipiendaires ainsi qu'au risque lié à l'administration de ces fonds.

La Conférence canadienne des arts, ou CCA, demande au comité de veiller à ce que les nouvelles mesures d'imputabilité reflètent mieux ces aspects et ne viennent pas alourdir inutilement le fardeau que subissent déjà ces organisations fragiles de la société civile. Les exigences et processus en matière de comptabilité ne devraient pas être les mêmes pour une contribution de 10 000 $ que pour une contribution de 10 millions de dollars. Or, c'est précisément dans cette situation que nous nous trouvons.

Notre deuxième préoccupation relativement au projet de loi sur la responsabilité concerne le caractère vague du libellé de certaines dispositions exigeant la déclaration de communications entre les organisations, la fonction publique et d'autres éléments faisant partie du réseau du gouvernement fédéral. La CCA, comme c'est le cas de nombreux autres organismes sans but lucratif ayant leur siège à Ottawa, entretient d'abondantes communications avec des fonctionnaires fédéraux et des parlementaires. Dans le cadre du processus d'élaboration de politiques, les consultations publiques comme la réunion en cours ici sont un processus essentiel et permanent. La libre circulation d'information, d'idées et de perspectives est essentielle à l'élaboration de politiques et de programmes devant servir le bien public.

M. Pineau : La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes exige que la moitié des employés de la CCA soient enregistrés comme lobbyistes du fait de nos activités; étant donné que nous sommes sept et non pas trois et demi, trois d'entre nous devrons être inscrits. La loi exige déjà de ceux qui s'inscrivent qu'ils indiquent de quels sujets ils vont traiter et avec quels ministères ou organismes gouvernementaux se fera le prétendu lobbying.

La CCA a de la difficulté à qualifier de lobbying ses activités auprès du gouvernement et du Parlement, étant donné qu'elle ne bénéficie d'aucune façon directement des réussites sur lesquelles peuvent déboucher ces efforts. Nous intervenons dans les dossiers relatifs à la radiodiffusion, mais nous ne sommes pas radiodiffuseurs. Nous intervenons relativement à la législation en matière de droit d'auteur; or, nous ne détenons aucun droit d'auteur pouvant nous rapporter. L'ajout d'encore une autre couche de reddition de comptes pour de telles interventions semble redondant et excessif.

L'on ne sait pas très bien jusqu'à quel point les dispositions de la loi contiendraient ou compliqueraient ces interactions. Il semblerait que toute communication entre fonctionnaires et membres du grand public devrait faire l'état d'une déclaration par l'organisation ou le lobbyiste en question. Les fonctionnaires du Conseil du Trésor n'ont pas pu dire si ces règles exigeraient la déclaration d'une simple conversation à l'occasion d'un dîner ou d'un cocktail. Si c'est le cas, la vie sociale à Ottawa sera sérieusement contenue ou alors deviendra clandestine.

Le sénateur Day : Vous savez comment vous y prendre pour faire passer votre message.

Le sénateur Campbell : Je vote pour cela.

M. Pineau : Le projet de loi sur la responsabilité a été inspiré par le détournement de fonds fédéraux. L'objet de la loi, selon la compréhension que nous en avons, est d'empêcher qu'une telle situation ne se reproduise. D'après ce que nous savons, rien dans le discours sur la politique publique n'a signalé la nécessité d'un resserrement des contrôles quant aux relations qu'entretiennent les Canadiens avec leur gouvernement, les fonctionnaires ou les parlementaires.

Honorables sénateurs, c'est à vous qu'il revient de veiller à ce que la Loi sur la responsabilité résolve les vraies questions essentielles qui ont rendu nécessaires de telles mesures. Il vous incombe également de veiller à ce que ce zèle en faveur d'une reddition de comptes accrue n'entrave pas par inadvertance le processus démocratique et la libre circulation d'idées, d'opinions, d'analyses et d'échanges qui est au cœur de l'élaboration des politiques et des programmes qui servent le bien public.

Dans une lettre que la CCA a envoyée à tous les sénateurs en juin, nous avons demandé qu'au minimum le règlement correspondant à la loi fasse l'objet de nouvelles séances publiques et ouvertes, mettant l'accent sur l'incidence des mesures prévues dans la loi sur la relation entre les Canadiens et leur gouvernement et le Parlement. Nous vous renouvelons ici aujourd'hui cette demande.

Si vos collègues du Sénat adoptent ce projet de loi sans y apporter d'importantes révisions, la CCA vous demande d'y joindre un rapport appuyant la demande qu'ait lieu un examen public ouvert des changements proposés. Le simple fait de les annoncer dans la Gazette du Canada et d'ouvrir pour quelques semaines une consultation sur Internet ne suffit pas, compte tenu de l'incidence potentielle de ce projet de loi sur l'essence même de la vie démocratique au Canada.

Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Nous sommes prêts à répondre aux questions que vous voudrez nous poser.

Le président : Merci à vous tous pour ces trois excellents exposés. J'ai une petite question pour M. Ramsay. Lorsque vous avez parlé du moratoire de cinq ans, vous avez dit qu'il devrait être remplacé par une période plus raisonnable. Quelle serait cette période plus raisonnable?

M. Ramsay : Nous avons discuté de cette question au sein de notre comité des relations gouvernementales. Il m'est difficile de répondre, compte tenu des genres d'organisations que nous représentons. La grande majorité d'entre elles comptent moins de dix employés; si vous perdez un membre de votre personnel, vous en perdez 10 p. 100. S'il vous faut remplacer une personne calée en relations gouvernementales, c'est tout un trou qu'il vous faut combler.

Nous avons discuté de cette question et cherchons à déterminer une période plus raisonnable. Au bout du compte, nous aimerions une exemption pour les lobbyistes salariés d'organisation de façon à ce qu'il n'y ait aucune limite temporelle, quelle qu'elle soit. Pour être réaliste, cela ne serait peut-être pas acceptable d'un point de vue politique. En essayant d'équilibrer les besoins du gouvernement et ceux de nos organisations, nous pourrions peut-être déterminer une période plus réaliste, comme par exemple un ou deux ans.

Le président : Est-ce là le nombre que vous choisissez?

M. Ramsay : Nous aimerions travailler avec le gouvernement, car nous pensons pouvoir mettre en place des mesures de protection qui sont nécessaires du point de vue du gouvernement. Sur le plan conceptuel, nous tenons à assurer la transparence publique et la reddition de comptes publique; que l'on trouve un mécanisme pour ce faire afin qu'il n'y ait aucune période d'interdiction quelle qu'elle soit. Il se pourrait qu'il y ait des possibilités en la matière. Nous pensons pouvoir travailler avec le gouvernement, avec vous, pour trouver une solution.

Le sénateur Campbell : Je suis certain que vous savez qu'il a été dit que le comité ici réuni s'adonne à de l'obstructionnisme. Rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Je pense que chaque membre du comité, quel que soit son parti, croit en l'objet visé par le projet de loi C-2. Cependant, certains d'entre nous estiment que le projet de loi n'a pas fait l'objet de l'étude exhaustive qu'il méritait dans l'autre endroit.

J'ai ce même sentiment à la lecture de l'excellent exposé de M. Giorno. En parcourant son rapport, je vois sans cesse le mot « contrôle ». Puis il y a M. Nelson qui reprend le même terme et M. Pineau qui parle de la façon de nous y prendre et dont nous devrions examiner le projet de loi. C'est vraiment cela que nous faisons.

J'ai deux questions, l'une concernant une déclaration faite et par M. Giorno et par M. Pineau. Monsieur Giorno, vous avez été cité dans le numéro du 2 octobre 2006 du Hill Times. Monsieur Pineau, vous avez fait la même remarque lors d'une déclaration que vous avez prononcée le 28 juin 2006. Vous avez tous les deux fait la même déclaration au sujet de l'élaboration du nouveau règlement, qui viendra après l'adoption du projet de loi. M. Pineau a déclaré que les fonctionnaires du Conseil du Trésor avaient dit à l'assistance qu'il serait difficile de comprendre l'incidence du projet de loi tant et aussi longtemps que le règlement devant être rédigé après son adoption n'avait pas été rédigé.

Monsieur Giorno, vous avez déclaré ici que le sentiment au sein de certains milieux de lobbying est que le gouvernement pourrait choisir de n'inclure que certains types de communications dans ce que l'on appelle maintenant communément le registre des communications. Vous avez dit que cela encouragerait les lobbyistes à jouer le système. Qu'entendez-vous par « jouer le système »?

M. Giorno : L'auteur de ce papier avait utilisé l'expression « jouer le système », qui est courante autour d'Ottawa. Dans mon mémoire, j'en fais état de façon plus diplomatique.

Si vous avez un système de rapports mensuels et qu'y figurent certains types d'activités et de communications mais pas d'autres, les lobbyistes seront bien sûr poussés à organiser leurs communications de façon à ne pas devoir les divulguer.

Permettez que je vous explique le genre de communications qui me préoccupe ici. Nous n'avons pas encore vu le règlement. D'aucuns disent que ce qui sera couvert, vu l'actuel libellé du projet de loi, ce seront les communications planifiées avec des fonctionnaires. Tout ce qui ne serait pas planifié, tout ce qui serait ponctuel et fortuit, dans la rue, dans un bar à un cocktail, serait exclu. Cela pose un problème particulier du fait que les lobbyistes seront alors incités à ne rien planifier et à compter rencontrer tout le monde à un match des Sénateurs, dans un bar, à un cocktail ou dans le cadre d'une autre manifestation sociale. C'est pourquoi j'ai proposé que l'on fasse le contraire, soit que l'on couvre tout, auquel cas, si le Cabinet estime qu'il y a de bonnes raisons d'exempter une activité particulière, alors il serait libre de le faire. Voilà ce que j'ai voulu dire. J'ai employé l'expression tout à fait non diplomatique de « jouer le système », mais je voulais dire par là choisir le moyen de communiquer pour veiller à ce que le gros de vos communications soient exemptes de la nécessité de divulguer.

Le sénateur Campbell : Monsieur Pineau, j'ai l'impression que vous n'avez aucune idée claire de ce que sera le règlement ou de l'incidence qu'il aura sur vous. Ai-je raison?

M. Pineau : Oui, je me base sur les renseignements que nous avons reçus. Une séance de breffage a été organisée sous le leadership de M. Perrin Beatty, des Manufacturiers et exportateurs du Canada. Il y avait environ 15 personnes dans la salle. On nous a clairement fait comprendre que le projet de loi avait été élaboré à une vitesse incroyable, qu'il était extrêmement complexe et qu'ils ne pouvaient pas répondre à nombre des questions qu'on leur posait. Ils n'arrêtaient pas de dire, « Eh bien, vous verrez cela dans le règlement, et d'après l'échéancier selon lequel nous travaillons à l'heure actuelle, vous saurez dans le détail ce sur quoi il vous faudra faire rapport en juin 2007 ».

Cela n'éclaire pas beaucoup votre lanterne lorsqu'il est question d'un projet de loi comme celui-ci et que vous essayez de prendre position.

Il est extrêmement onéreux pour des organisations comme la nôtre de faire rapport sur ce genre de choses. Le commentaire de M. Giorno n'a pas été mis à notre disposition. Cela me ramène à ce que je disais tout à l'heure, soit que les arts et la culture, pour parler du domaine qui nous occupe — et j'ai de nombreux collègues dans le secteur sans but lucratif et caritatif qui diraient la même chose — n'ont pas de grandes chances de tomber sur des décideurs lors des matchs des Sénateurs. Je ne pourrais inviter aucun décideur chez McDonald à moins de payer la sortie de ma poche. Je n'ai pas de budget. Chaque fois que je prends rendez-vous avez quelqu'un, il faut que chacun paye sa part. Il est difficile de se sentir dans la même catégorie que les gens qui ont remis des enveloppes brunes remplies d'argent à des partis politiques par le passé et de se faire demander de se plier aux mêmes exigences en matière de rapports.

Le sénateur Campbell : Est-il juste de dire qu'une réponse du genre « le chèque est à la poste » ne suffira pas dans ce cas-ci?

Ma dernière question, et elle est intéressante, concerne la page 10 du rapport de M. Giorno. L'article 75, à la page 75 du projet de loi, le nouvel article proposé 10.1, interdit le versement de paiements conditionnels aux lobbyistes salariés.

Le 5 septembre, Howard Wilson a comparu devant nous. Il est, comme vous le savez, l'ancien conseiller en éthique, et il a été responsable également de l'enregistrement des lobbyistes. J'ai trouvé intéressant qu'il nous dise qu'en 1995 il y avait une proposition du gouvernement d'interdire ces paiements. Le ministère de la Justice avait dit à l'époque que cela débordait du pouvoir constitutionnel du gouvernement fédéral, que les contrats relevaient en fait de la responsabilité des provinces, que nous pouvions contrôler la base des contrats pour le gouvernement fédéral ou les subventions devant être accordées, mais pas de façon très large. J'en déduis que l'opinion du ministère de la Justice a changé. Je vous répète ses propos.

C'est là encore une autre raison pour laquelle nous sommes ici. Hier, au Sénat, le sénateur LeBreton a déclaré, à juste titre, que nous prenons très au sérieux nos responsabilités en tant que législateurs. Si nous faisions un meilleur travail en cet endroit et à la Chambre des communes pour veiller à ce que nos lois soient constitutionnelles, alors cela éliminerait peut-être la nécessité que des groupes aillent contester les lois du pays devant les tribunaux.

Diriez-vous que ceci est constitutionnel ou pas? Dans la négative, que sommes-nous en train de regarder?

M. Giorno : Vous m'interrogez au sujet de l'interdiction de verser des honoraires conditionnels. De façon générale, je propose que cela soit élargi.

Le sénateur Campbell : Oui.

M. Giorno : Il est toujours difficile de donner une courte réponse constitutionnelle. Si mon rapport traitait de cela, il serait épais comme ceci. De façon générale, il est vrai que la question des contrats civils relève de la compétence exclusive des assemblées législatives provinciales. Cependant, la question est de savoir quelle est la nature de cette interdiction, et s'il s'agit, en essence et substance, d'une réglementation de l'activité de lobbying telle qu'elle s'applique aux titulaires de charge publique, alors il relèverait à mon sens du Parlement — de la Chambre, du Sénat et de Sa Majesté — de promulguer ce genre de loi. J'ignore quelle est l'opinion du ministère de la Justice, mais, comme je le disais, je pense qu'il serait constitutionnel pour le Parlement fédéral de réglementer la conduite éthique des lobbyistes fédéraux. L'interdiction de payer des honoraires conditionnels se résume à cela. Cela est conçu pour supprimer l'incitatif financier pour les lobbyistes de faire des choses qu'ils ne devraient pas faire du fait qu'ils aient des intérêts monétaires personnels dans le résultat de ce pour quoi ils font du lobbying.

Le sénateur Campbell : Vous dites que cela devrait être élargi et non pas interdit, et considéré comme faisant partie de l'ordre normal des choses, de la même façon que vous recevriez une prime si vous faisiez bien votre travail ou réussissiez. Vous pensez que cela devrait être élargi. J'ai peut-être mal cité vos propos.

M. Giorno : Il y a différents types de frais conditionnels. Si vous en interdisez un, vous devriez sans doute tous les interdire. Les gens qui travaillent comme employés de société peuvent recevoir des paiements conditionnels du fait de recevoir des primes ou leur rémunération. Le projet de loi, dans son libellé actuel, ne les couvre pas. Il n'y a sans doute aucune raison pour laquelle ils ne devraient pas être couverts.

Le président : Honorables sénateurs, je vais maintenant donner la parole au sénateur Fox, qui a une déclaration à faire.

Le sénateur Fox : Je tiens à déclarer, afin que cela figure au procès-verbal, que dans l'intérêt de la transparence et pour éliminer tout risque d'apparence de conflits d'intérêts, je vais m'abstenir de poser des questions aux membres de ce panel car M. Giorno et moi-même avons une relation avec le même cabinet d'avocats, lui-même y étant associé principal et moi conseiller. Je n'ai participé d'aucune façon à la préparation de son mémoire et je n'ai pas non plus été consulté en la matière.

Le sénateur Campbell : Vous ne le reconnaîtriez pas?

Le sénateur Fox : Je pensais que M. Giorno serait plus à l'aise si je faisais cette déclaration.

Le président : Merci pour cela, sénateur Fox. Le sénateur Fox a déclaré un conflit. Je vais demander au greffier du comité d'inscrire cela dans le procès-verbal de la réunion.

Le sénateur Zimmer : Monsieur Giorno, ma question concerne les lois américaines en matière de lobbying et leur application. Vous dites dans votre mémoire que les lois américains en matière de lobbying n'ont pas eu d'effet dommageable sur l'industrie du lobbying. Au Canada, personne n'a été accusée d'une infraction à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Pourriez-vous nous indiquer quelle a été l'expérience des États-Unis dans l'application de leurs lois en matière de lobbying?

M. Giorno : Je ne peux pas vous fournir de statistiques, mais je sais qu'il y a eu des condamnations routinières en vertu de lois fédérales et d'État, ainsi que des condamnations au criminel pour toutes sortes d'actes d'inconduite. Je n'a pas les statistiques. À ce jour, au Canada, il y a eu deux séries de condamnations multiples, les deux au Québec. C'est beaucoup plus que deux.

Le sénateur Zimmer : Ma question suivante s'adresse à M. Pineau et à M. Kelly. Je m'intéresse aux arts car j'ai travaillé dans le domaine artistique pour de nombreuses communautés, surtout en tant qu'ancien président du Royal Winnipeg Ballet. Je suis intéressé par vos pratiques de financement pluriannuel, au sujet desquelles j'ai lu certaines choses dans la documentation que vous nous avez fournie. Pour ce qui est des subventions et contributions fédérales, votre organisation s'est prononcée en faveur de certaines des recommandations de la vérificatrice générale. Figure parmi celles-ci l'idée de l'adoption d'une pratique de financement pluriannuel, qui pourrait être appelée pratique philanthropique. Une telle pratique assurerait un environnement plus stable à l'intérieur duquel fonctionneraient les membres des organisations, ce qui réduirait le roulement parmi le personnel et les bénévoles et ouvrirait la voie à d'autres changements positifs. Vous seriez ainsi en mesure de planifier pour le moyen terme. Nous avons vécu la même chose au Royal Winnipeg Ballet, où l'impossibilité de faire de la planification à moyen terme amenait un roulement parmi le personnel, la direction et les danseurs. L'organisation les a perdus car il n'y avait aucune sécurité d'emploi.

Pourriez-vous nous expliquer de quelle façon une structure de financement pluriannuelle travaillerait le plus efficacement selon vous? Une fois que je connaîtrai ces secrets, je les ramènerai avec moi à Winnipeg vendredi.

M. Kelly : Lorsqu'une contribution ou une subvention est consentie pour une période de temps donnée, peut-être trois ans, l'entente avec l'organe de financement prévoit des intervalles de rapport. La plupart de ces organisations subissent chaque année des vérifications indépendantes. Elles sont dotées d'un conseil d'administration bénévole constitué de Canadiens distingués, comme vous-mêmes, qui sont responsables de contrôler les activités. Si ceux-ci ne parviennent pas à s'acquitter d'un quelconque élément essentiel de l'entente, alors l'entente de financement pluriannuel est révoquée et l'on revient à un régime annuel.

Vous avez raison dans ce que vous dites au sujet de la capacité de planifier et de conserver son personnel. L'une des lacunes de l'actuel régime de financement est qu'il est difficile de prédire au-delà de l'exercice financier ce qui se passera. Dans le cas de nombre des arts de la scène, les saisons sont planifiées trois ou quatre ans à l'avance, mais vous n'avez pas la moindre idée des ressources dont vous disposerez.

En règle générale, de façon à pouvoir réaliser leur vision artistique, les organisations économisent côté rémunération du personnel. Les professionnels qui œuvrent pour ces organisations ne sont pas payés ce que toucheraient dans d'autres secteurs des professionnels offrant des niveaux de formation et d'expérience équivalents. Comme nous le disons en parlant des arts : « L'argent est épouvantable, mais au moins les conditions sont atroces ». Nous réussissons néanmoins à maintenir le taux de croissance le plus élevé parmi toute la main-d'œuvre canadienne. Le pays compte aujourd'hui près de 700 000 personnes par an qui gagnent leur vie dans le secteur des arts et de la culture, ce en dépit des aléas imposés par l'instabilité du financement et les changements de courant politique qui font partie de nos vies.

M. Pineau : Le même thème a été exposé au groupe d'experts sur les subventions et les contributions la semaine dernière, mon allusion quant à ma participation au secteur bénévole et sans but lucratif. Le thème était le financement à long terme ou prévisible. Les gens préconisaient entre trois et cinq ans pour certains types d'organisations. Que l'on parle arts ou santé ou programmes pour les enfants ou sports, il y aurait un certain niveau de prévisibilité.

À l'heure actuelle, notre organisation est schizophrène. Comme je l'ai mentionné plus tôt, d'un côté je suis lobbyiste, mais de l'autre, notre organisation a été reconnue par le gouvernement comme livrant un précieux service public. Une part importante de notre budget a été financée par des ministères successifs, à l'heure actuelle Patrimoine canadien; or, chaque année depuis 30 ans, dans le cadre de cette relation, nous commençons à zéro comme si nous étions apparus sur la scène la veille. Nous sommes traités de la même façon et devons faire les mêmes acrobaties que tous les autres. Il devrait y avoir en place un système qui assure une certaine prévisibilité, ce qui n'est pas, comme le disait mon collègue, contraire à la reddition de comptes. Nous sommes tous à fait prêts à faire rapport de façon régulière, mais il doit y avoir à l'horizon une chose en vue de laquelle planifier. À l'heure actuelle, c'est tout l'inverse. Sous prétexte de devoir rendre compte des deniers publics dépensés, de l'argent est en un sens largement gaspillé sur des éléments administratifs. L'argent n'est pas pleinement utilisé aux fins prévues. Nous consacrons à l'heure actuelle environ 25 cents par dollar public reçu à la préparation de nos demandes et à la reddition de comptes. Bientôt, cinq cents de plus viendront s'ajouter à cela. Près du tiers de l'argent que nous recevons du gouvernement est utilisé pour faire rapport sur l'utilisation que nous en faisons ou pour en faire la demande au départ. Est-ce là une bonne façon de dépenser les deniers publics? Il nous faut un système qui soit stable et qui reconnaisse les institutions de longue date.

Le sénateur Zimmer : Je suis tout à fait de votre avis, car le Royal Winnipeg Ballet est une très petite troupe et elle doit parcourir le monde pour assurer sa survie. L'on ne peut tout simplement pas présenter suffisamment de spectacles à Winnipeg. Comme vous l'avez très bien dit, il est impossible pour les gens de planifier. Comment pouvez-vous planifier si vous ne savez pas si vous recevrez de l'argent? Je vais rapporter ce message à Winnipeg et si je pouvais peut- être vous appeler un jour, je vous en serais reconnaissant.

Le président : Monsieur Giorno, vous étiez dans la salle lorsque j'ai posé à l'ancien commissaire une question au sujet des renseignements sensibles sur le plan commercial. J'aimerais bénéficier de vos lumières en votre qualité d'expert en matière de lobbying. Ces exigences en matière de divulgation pourraient-elles compromettre les renseignements sensibles sur le plan commercial?

M. Giorno : Tout dépend si c'est une divulgation excessivement détaillée qui est prescrite ou si la divulgation se limite à l'identité de la personne que vous avez rencontrée et au sujet dont vous avez discuté. La « matière » ne revient pas à la divulgation de renseignements commerciaux ou d'information sensible sur le plan commercial. Pour inscrire les choses dans un contexte différent, des entreprises pourraient passer leur temps à discuter avec des fonctionnaires et partager avec eux des renseignements commercialement sensibles. Cependant, le fait qu'il y ait communication ou le fait que vous discutiez avec le gouvernement n'est pas sensible sur le plan commercial. Vous pouvez prétendre que cela pourrait être préjudiciable et ne pas vouloir le divulguer, mais le fait de ne pas vouloir divulguer quelque chose ne signifie pas que les renseignements sont sensibles sur le plan commercial. J'approuve la conclusion de M. Nelson à cet égard.

Le sénateur Joyal : J'aimerais revenir sur la question de l'interdiction de cinq ans. Il me semble qu'au départ il avait été question d'une « période de refroidissement ». L'idée était d'empêcher que des sous-ministres et ministres actifs dans leurs portefeuilles se transforment immédiatement en experts-conseils sur des sujets relatifs à leurs anciens portefeuilles dans le secteur privé. Ils revenaient à leur ancien ministère pour consulter des fonctionnaires qu'ils avaient autrefois encadrés. Tout le monde comprend pourquoi l'on voudrait éviter cette pratique. Cependant, en voulant éviter cette situation, l'on peut aller à l'autre extrême. En établissant cela en tant que règle générale sans exception, l'on n'aide pas le système, car il importe de maintenir une certaine mobilité entre les secteurs privé et public.

Supposons qu'une personne qui a été active dans le domaine des transports se lance dans le milieu des arts, où il n'y a strictement aucun chevauchement sur les plans professionnalisme ou expérience. Bien sûr, la personne connaît la structure gouvernementale car elle a été titulaire de charge publique, mais l'on ne voudrait certainement pas empêcher pendant cinq ans à une telle personne de se joindre à une société sans but lucratif ou de l'aider. Si nous voulions maintenir l'apparence de transparence, nous pourrions demander à cette personne de ne pas entrer en contact avec un quelconque palier de gouvernement pendant peut-être deux ans, surtout si ce n'est pas dans le secteur dans lequel elle était active.

Je comprends les raisons pour lesquelles l'on voudrait créer cette distance, mais il faut qu'il y ait un équilibre. Cette situation concerne les députés et sénateurs, surtout si est adoptée la proposition du gouvernement voulant que les sénateurs puissent être « nommés » à 40 ans, siéger au Sénat pendant huit ans, puis passer au secteur privé. Le projet de loi ne couvrirait pas les députés, ni les sénateurs. L'objectif de la transparence ne s'appliquerait pas dans le cas d'un député, mais s'appliquerait dans le cas d'un employé subalterne de cabinet de ministre s'étant trouvé par hasard à accompagner les bagages du ministre pendant qu'il était en déplacement.

Il y a là un certain équilibre. Autant il nous faut établir cette distance aux fins de la période de refroidissement, autant nous ne voulons pas enliser le système, geler les échanges entre les secteurs public et privé. Nous ne voulons pas empêcher ces personnes de contribuer aux sociétés sans but lucratif. La plupart des gens ayant été fonctionnaires se feront inviter à servir des sociétés sans but lucratif lorsqu'ils quitteront leur poste, étant donné qu'on les connaît, qu'ils comprennent le bien commun et qu'ils veulent contribuer.

Ne devrions-nous pas revoir cette interdiction et établir quelque critère en vue de mieux refléter la réalité?

M. Ramsay : C'est justement ce que pense la Société canadienne des directeurs d'association. Il est essentiel de pouvoir injecter du sang neuf dans les organisations à but non lucratif. Il s'offre très peu de cours à l'université ou dans d'autres établissements d'éducation qui vous préparent pour ce secteur.

Dans mon cas personnel, et je peux en parler ouvertement, je travaillais pour le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire et je me suis occupé de questions politiques. J'étais considéré comme étant personnel exonéré et conseiller politique. Je suis ensuite passé au secteur des transports.

Je savais et comprenais comment fonctionne le gouvernement, comment fonctionne un cabinet de ministre et comment communiquer la politique publique, mais je n'avais aucun contact du côté des transports, aucun contact personnel. De mon point de vue, je passais à un secteur tout à fait différent, et cela a bénéficié à l'industrie qui m'a accueilli.

Un grand nombre de personnes qui quittent le gouvernement pour intégrer le secteur sans but lucratif choisissent des secteurs différents. Les organisations qu'ils intègrent, qu'elles appartiennent au milieu des arts, qu'il s'agisse d'instituts professionnels de l'industrie ou de groupes de défense d'intérêts communs, ont toutes besoin de savoir, de personnes qui possèdent au moins une petite connaissance du gouvernement, car la très grande majorité des Canadiens et des organisations sans but lucratif n'ont que très peu d'expérience de la façon dont fonctionne le gouvernement.

De nombreux membres de ces organisations ont des attentes qui dépassent, et de loin, ce qui est raisonnable. Ils pensent littéralement qu'il devrait être possible de parler à un ministre et d'obtenir un changement dans les deux semaines. Il m'est déjà arrivé que de nouveaux membres au conseil d'administration me disent cela. Ils ne comprenaient pas le fonctionnement du processus.

Ce n'est pas que nous ne voulons pas la transparence; nous la voulons. Ce n'est pas que nous ne voulons pas la responsabilité; nous la voulons. La question est celle de trouver un mécanisme faisable qui bénéficie à tous les Canadiens.

M. Giorno : C'est une bonne question, que j'ai déjà entendue. Alors que je me rendais ici, un ami à moi, un lobbyiste industriel, m'a envoyé un long courriel dans lequel il réfutait ce que j'allais dire. Il m'a servi l'argument qu'a donné le sénateur Joyal. Qu'en est-il de l'avantage du transfert de connaissances entre le secteur public et le secteur privé, et inversement, et n'allez-vous pas entraver cela?

La réponse que je lui donnerai sera la même que celle que je donnerai au sénateur Joyal. Rien dans la période de refroidissement n'empêche le transfert de ces connaissances ni le libre mouvement des gens, dans un sens ou dans l'autre; la période de refroidissement ne limite que les mouvements vers un type de position. C'est une bonne chose que des gens quittent la fonction publique pour se lancer dans l'entreprise canadienne. L'entreprise canadienne en bénéficie, tout comme notre société.

Vous pouvez devenir PDG, directeur financier ou n'importe quoi. Tout ce qu'il vous est interdit de faire c'est de mettre à profit un réseau de contacts établi auparavant, aux fins de travail de lobbying. Ce n'est pas une interdiction de migrer vers l'entreprise privée ou le secteur sans but lucratif, c'est une interdiction sur le lobbying.

J'aimerais dire encore deux choses au sujet des argentiers. Je pense qu'une loi bien conçue devrait prévoir des exemptions au cas par cas ou fondées sur le niveau de responsabilité, et je pense que le projet de loi C-2 fait précisément cela.

Le point suivant que j'aimerais aborder est sensible car, tout comme M. Ramsay, j'ai été membre de personnel politique, comme beaucoup d'autres; nous savons tous à quoi ressemble cette vie. Nous avons une situation malheureuse, même pour les personnes visées. Je songe aux personnes dont le premier emploi après l'université est de travailler pendant plusieurs années pour un politicien. Lorsque ces personnes quittent pour aller dans le secteur privé, elles apprennent qu'il y a de nombreuses sociétés et de nombreux employeurs prêts à les embaucher, non pas pour leurs compétences, mais pour ce que j'appellerais leur capital-réseau. Cela est dommage pour elles car cela les prive en définitive de la possibilité de travailler dans l'industrie, dans différentes professions. Cela revêt également de l'importance pour le public, car ce capital-réseau n'appartient pas à ces personnes, mais bien aux citoyens canadiens. Ces personnes ont acquis ce capital-réseau pendant qu'elles travaillaient au service du peuple canadien, de telle sorte que les Canadiens ont un droit et qu'il est tout à fait approprié qu'ils réglementent l'utilisation faite de ce capital- réseau.

Le sénateur Ringuette : Je pense que vous étiez dans la salle lorsque j'ai posé au panel qui vous a précédé une question au sujet de l'équilibre entre l'interdiction ou la période de refroidissement de cinq ans pour les personnes migrant du secteur public au secteur privé, et la situation des personnes ayant travaillé pour une industrie, une société ou un secteur donné et qui prennent un poste dans la fonction publique. Nous ne voyons pas le même mécanisme à l'œuvre. Il n'y a dans le projet de loi aucun équilibre entre les personnes qui quittent le secteur privé pour aller dans le secteur public et celles qui quittent le secteur public pour aller dans le secteur privé. J'aimerais entendre vos commentaires là-dessus.

M. Giorno : M. Nelson avait raison; la loi ne couvre pas cela. Le transfert de personnes du secteur privé au gouvernement est en fait beaucoup plus important. La période de refroidissement vise également les personnes qui quittent le gouvernement pour un nombre limité d'emplois dans le secteur privé, mais ce sont des emplois de lobbyistes uniquement.

Mais votre question, sénateur, en est vraiment une de parti pris et de perspective. Cela ne s'applique pas seulement à la personne qui arrive en tant que lobbyiste de l'entreprise canadienne; cela s'applique à quiconque quitte l'entreprise privée canadienne, quel que soit son poste, ainsi qu'à quiconque quitte, quelle que soit son étiquette, le Canada sans but lucratif. Quiconque arrive au gouvernement apporte avec lui ou elle un ensemble d'expériences et d'opinions ainsi qu'un passé. La question est beaucoup plus vaste s'agissant de composer avec les partis pris ou les perceptions de parti pris de la part de ceux et celles qui se joignent au gouvernement, quelle qu'ait été leur vie antérieure.

Le sénateur Ringuette : Oui, surtout si ces personnes deviennent ministres et ont le même portefeuille que celui qui les intéressait quand elles étaient lobbyistes.

M. Giorno : La question n'est pas simplement qu'il y a quelqu'un qui fait du lobbying dans le portefeuille X; c'est que la personne était auparavant président d'une société œuvrant dans le domaine X ou alors était président d'un conseil d'organisme sans but lucratif. Je ne sais où vous tirer le trait; c'est pourquoi vous êtes ici en votre qualité de législateurs et que je suis ici en train de témoigner en ma qualité de citoyen. La question est plus vaste qu'on ne pourrait le croire.

Le sénateur Ringuette : Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a un déséquilibre ici?

M. Giorno : Non. Je conviens que les Canadiens ont le droit de connaître l'expérience passée, les opinions ou les antécédents que des fonctionnaires ou des représentants du gouvernement apportent à leur emploi. Cependant, je ne sais pas si cela devrait être une barrière. Ces éléments devraient certainement entrer en ligne de compte chez la personne qui recrute ou qui, dans le cas d'un ministre, fait une nomination. Cela devrait être transparent pour les Canadiens, mais si nous empêchons quiconque a un passé d'entrer dans le gouvernement, alors il n'y aura plus personne au gouvernement sauf des gens sans passé.

Le sénateur Joyal : Monsieur Giorno, sur la base de votre réponse, ne devrait-on pas assujettir les députés et sénateurs à une petite période de refroidissement? Si la masse de leur connaissances du gouvernement appartient aux Canadiens, alors pourquoi un député qui s'en va après X années, ayant, comme vous dites, acquis au sein du système tout un réseau, réseau qu'il utilisait alors qu'il travaillait comme adjoint dans un bureau de ministre, assujetti à un deuxième niveau de sécurité du fait de ne pas pouvoir accéder aux documents du Cabinet mais traitant de programmes et d'autres questions, se ferait-il écarter à un niveau comparable? Il y a pour moi quelque chose d'illogique dans la réponse que vous avez donnée à ce sujet.

M. Giorno : Je conviens que les Canadiens devraient avoir leur mot à dire sur la façon dont d'anciens élus et d'anciens parlementaires se comportent après leur départ. Le projet de loi C-2 ne traite pas de cela. Je ne sais trop pourquoi. Je pense que cela a à voir avec l'histoire du code. Cela ne s'appliquait pas aux parlementaires car la Loi sur le Parlement du Canada ainsi que la Chambre et le Sénat ont leurs propres règles pour traiter de cela.

Dans la mesure où il s'agit ici de la codification du code après-mandat des titulaires de charge publique, cela ne s'applique pas aux députés et sénateurs. Je pense que c'est cela qui explique pourquoi cet aspect n'est pas intervenu dans l'élaboration de ce texte. Y a-t-il quelque chose que l'on pourrait envisager d'inclure dans un texte de loi donné? Oui. Est-ce une chose sur laquelle les Canadiens devraient avoir leur mot à dire? Oui, car vous pouvez troquer votre réseau en tant qu'ancien député aussi facilement que si vous êtes ancien membre du cabinet d'un ministre, sous- ministre ou ministre. Quant à savoir si cela devrait s'inscrire dans le projet de loi C-2, je ne peux pas vous le dire. C'est en tout cas quelque chose qui intéresse les Canadiens.

Le sénateur Joyal : Monsieur Ramsay, dans le deuxième paragraphe de la page 3 de votre mémoire, vous faites état d'une échappatoire dans le projet de loi. Les lobbyistes salariés d'organisations sont tenus d'inscrire toutes les activités déclarables, avec certaines exceptions, comme par exemple les rencontres fortuites.

Nous avons tous vu de la neige tomber. Il semble que plus vous limitez l'accès et laissez des petits points de-ci de-là, plus les gens seront attirés par ces petits points. La nature humaine est ainsi. Des philosophes de grand renom ont longuement réfléchi sur la nature humaine. Je ne vais pas vous citer leurs propos, mais les rencontres fortuites seront une porte ouverte pour placer des gens dans des situations difficiles et suspectes. Ne devrait-on pas définir « une rencontre qui ne doit pas faire l'objet d'une déclaration? »

M. Ramsay : Cela nous ramène encore à une question philosophique, comme vous l'avez si bien souligné. De notre point de vue, il est impossible de cerner chaque circonstance particulière. Si nous regardons ce qui est raisonnable et ce qui est équilibré, alors je ne suis pas certain que nous puissions identifier chaque type de rencontre, car il se présente un trop grand nombre d'occasions uniques et, ce qui est plus important encore, je ne suis pas convaincu que nous le devrions. Notre argument n'était pas tant que les rencontres fortuites ne sont pas définies, car elles ne le sont pas. La question concerne davantage l'incidence que cela peut avoir sur la libre circulation de renseignements. Quelle incidence cela a-t-il sur nos institutions? Sur la capacité du gouvernement de s'acquitter de ses responsabilités en matière de service public?

Nous sommes tout à fait en faveur du contrôle et croyons que le contrôle est important pour les Canadiens, mais contrôle suppose également capacité de tenir des discussions ouvertes. Nous arguerions que, oui, il devrait y avoir un certain contrôle et que, oui, il devrait y avoir transparence, mais, non, il ne devrait pas y avoir un mécanisme interdisant quelqu'un d'aller à tel endroit. Surveillez la personne, passez son dossier en revue, mais ne lui imposez pas une interdiction ou une période de restriction de cinq ans.

La petite organisation que je représente compte un personnel de neuf. La très grande majorité des organisations sans but lucratif ont à leur emploi entre sept et neuf personnes et disposent d'un budget de 2 à 3 millions de dollars. La quantité de travail correspondant à ce projet de loi est phénoménale pour les organisations de ce genre. Certains porte- parole comparaissant ici représentent d'énormes sociétés. Les grosses sociétés ont de l'argent qu'elles peuvent investir pour satisfaire aux exigences, mais ce n'est pas le cas des petites organisations sans but lucratif. Notre budget est très serré et chaque fois qu'il nous faudra déclarer une rencontre fortuite ou imprévue, cela entamera nos ressources.

Je ne pense pas que nous voulions trop nous préoccuper de chaque rencontre fortuite pouvant survenir, mais plutôt l'inverse. Il nous faut, à partir d'un certain niveau, faire confiance aux gens. Il nous faut faire confiance à nos parlementaires; il nous faut faire confiance aux personnes qui travaillent pour nos parlementaires. La très grande majorité des gens qui occupent ces postes sont des personnes formidables. Elles font de leur mieux dans des circonstances très difficiles. Il est malheureux que l'image qu'a le grand public est que les politiciens, en tant que groupe, doivent être contrôlés. Ce n'est pas le cas. C'est plutôt la rare exception. Ce sont ces exceptions qu'il nous faut surveiller dans la fonction publique, dans le secteur privé et ailleurs.

Ne faites pas en sorte que ce soit aussi onéreux pour le reste d'entre nous, surtout les petits, les petites entreprises, les petites associations, la communauté artistique, la communauté sans but lucratif et ainsi de suite. Cela nous rendra la vie très difficile. En repartant d'ici aujourd'hui, je vais me secouer la tête et dire « Pour les organisations sans but lucratif comptant moins de 15 à 20 personnes, ce sera un gros coup de poing dans la figure. Cela nous fera du mal ».

Le sénateur Joyal : Monsieur Kelly, conviendriez-vous que pour les sociétés sans but lucratif nous pourrions établir des critères en vertu desquels les anciens titulaires de charge publique, ministres ou personnes travaillant pour la bande ne pourraient pas, dans un contexte sans but lucratif, faire du lobbying pendant, mettons, une période de deux ans, auprès des ministères ou agences avec lesquels ils étaient auparavant directement ou indirectement associés? Pensez- vous qu'une période de deux ans serait suffisante pour maintenir la transparence et la crédibilité que nous voulons réaliser au moyen de ce projet de loi?

M. Kelly : Il est difficile de répondre à cette question. Même si j'ai dit il y a quelques minutes que la main-d'œuvre culturelle compte 700 000 personnes, les gens qui s'occupent de politique artistique et de défense des arts forment une très petite communauté. J'ai migré du gouvernement au secteur sans but lucratif, pour retourner à une agence gouvernementale, et ensuite repartir dans le secteur sans but lucratif. Voilà mon parcours des 30 dernières années. Mon collègue, Alain Pineau, est dans la même situation. Il s'agit d'un bassin de talent très restreint et vous ne voudriez rien faire qui entrave le mouvement, l'échange et le perfectionnement des compétences. Dans l'intérêt de l'équité, s'il doit y avoir une période de refroidissement, alors elle devrait s'appliquer aux arts également. Je pense que ce devrait être une mesure uniforme, appliquée d'un bout à l'autre du spectre. Une période de deux ans ne serait pas onéreuse.

Le sénateur Joyal : Cela n'entraverait pas votre communauté à un point tel que cela créerait de graves problèmes ou de graves retards dans l'élaboration de projets?

M. Kelly : Dans le cas de certains postes, sans doute que oui. Par exemple, le directeur du Conseil des Arts du Canada vient en règle général de la communauté des arts et apporte avec lui une vaste expérience de toutes les disciplines. Il serait assez difficile de combler ce poste si toutes les personnes activement engagées dans le secteur se voyaient interdire de postuler pendant deux ans. Cependant, il existe peut-être d'autres façons de faire. Je ne suis pas partisan de l'exceptionnalisme. Si vous allez imposer une mesure, alors elle devrait s'appliquer équitablement à tous les secteurs en dépit des difficultés limitées que cela pourrait causer pour celui des arts et de la culture.

M. Pineau : Il pourrait y avoir des différences entre, par exemple, le Conseil des Arts du Canada, qui est un organe subventionnaire, et le CRTC, qui est un organe de réglementation. Nous-mêmes et d'autres avons par le passé exprimé notre vive inquiétude au sujet de la porte battante entre certains secteurs qui sont réglementés. Je mentionne le CRTC, mais je suis certain qu'il y a d'autres organes de réglementation.

Le sénateur Andreychuk : Cette séance ressemble presque à une conférence sur les organisations sans but lucratif et les différents dilemmes auxquels elles sont confrontées. Je pense que les questions du financement en provenance de sources multiples et de la dotation sont importantes pour notre société. Je ne suis pas convaincue qu'elles s'inscrivent à proprement parler sous le projet de loi C-2, mais il est bon que nous en entendions parler.

En ce qui concerne le règlement, je siège à ce comité depuis de nombreuses années, tout comme c'est le cas du sénateur Joyal, et nous avons déjà exprimé nos inquiétudes face au fait que l'on inscrive de plus en plus de choses dans les règlements plutôt que dans les lois. La réponse des gouvernements antérieurs était qu'ils ne pouvaient pas rédiger les règlements tant et aussi longtemps que le Parlement n'avait pas adopté le projet de loi. L'on nous a souvent dit cela lorsque nous demandions de quelle façon serait mis en œuvre un projet de loi. On nous donnait également toujours l'assurance qu'il y aurait consultation exhaustive, ouverture, et cetera. Cette situation n'est pas unique au projet de loi C-2; elle est unique au monde occidental, que l'on parle de la Grande-Bretagne ou d'un autre pays.

Je voulais limiter mes questions à deux aspects. Monsieur Giorno, vous avez dit qu'il y a de nombreuses exceptions que l'on pourrait prévoir pour les lobbyistes et que si certaines d'entre elles étaient instaurées, les gens sauraient comment s'y prendre pour les manipuler. Ils sauraient comment établir des contacts tout en respectant les règles. Cependant, il me semble que ce n'est pas cela que vise le projet de loi C-2. Nous essayons d'établir une culture qui apprenne à comprendre l'ouverture et la transparence et à reconnaître que le public a le droit de savoir qui traite avec le gouvernement. C'est pourquoi il me semble que les règles sont là et qu'il nous faudra essayer de les respecter en vérifiant si le bon équilibre est atteint.

M. Giorno : Je suis d'accord avec vous sur tout cela, sénateur. Je parlais d'un changement de libellé, qui serait d'un côté très simple mais de l'autre très profond. Cela faciliterait le travail du Cabinet. Dans le contexte actuel, le projet de loi dit que le rapport mensuel devra couvrir chaque communication d'un genre donné, tel que prescrit par la loi. Cela veut dire que seules les choses couvertes par cette disposition sont celles dont le Cabinet estime qu'elles méritent de faire l'objet d'une divulgation. Cela impose au Cabinet le lourd fardeau de déterminer ce qui devrait être divulgué, alors que l'objet même du projet de loi est de faire la lumière sur des activités, d'obliger l'industrie à divulguer ce qui se passe ou de divulguer davantage de renseignements qu'à l'heure actuelle.

Mon souci est que le Cabinet, en tant qu'organe de réglementation, n'est pas au courant de tous les moyens par lesquels les lobbyistes tentent d'influer sur la politique publique. Si cet article est adopté tel quel, le Cabinet se verra charger de choisir les choses qu'il aimerait que les lobbyistes déclarent, par exemple réunions, lettres, et cetera. Ma thèse, qui est plus qu'une thèse, est qu'il existe — et même le Cabinet et les législateurs seraient d'accord — des types de communications qui ne viendront pas à l'esprit des membres du Cabinet à l'étape de la rédaction du règlement et ce sont précisément ces genres de communications qui devraient faire l'objet de déclarations. J'utilise l'interaction sociale à titre d'exemple : si l'utilisation d'interactions sociales comme forme de lobbying faisait partie d'une stratégie, alors les gens diraient que cela devrait être rendu transparent et être divulgué.

Le changement de libellé que je proposais serait tel que tout serait divulgué, sauf si le Cabinet en décide autrement. Cela faciliterait de beaucoup le travail du Cabinet. Celui-ci ne se concentrerait pas sur ce qu'il ne sait pas, en essayant de deviner de quelle façon les lobbyistes se comporteront. À la place, il accomplirait la tâche plus facile que serait celle de décider ce dont il n'est pas nécessaire qu'on entende parler. Il pourrait décider qu'il ne nous est pas nécessaire d'entendre parler de courriels, exemptant ainsi courriels et envois postaux en vrac de routine. Décider de ce qui ne doit pas être couvert est un travail plus facile et il en résulte un processus plus transparent, car ce qui est exempté est assujetti au règlement — vous pouvez le lire — et tout le reste doit être divulgué, y compris ce qui, autrement, serait dissimulé quelque part.

J'accepte votre prémisse, sénateur, mais j'estime que ce changement de libellé serait très utile et faciliterait les choses pour le Cabinet.

Le sénateur Andreychuk : Ne serait-il donc pas plus difficile pour l'industrie et les ONG de prévoir chaque interaction possible? Nous connaissons certains des domaines qui posent problème. J'espère que c'est là-dessus que se concentrera le Cabinet. Si ces aspects se corrigent tout seuls, alors ils ne seront peut-être plus visés s'il survient une nouvelle culture. Nous avons de nouvelles technologies et ainsi de suite. Ne cible-t-on pas directement le problème au lieu de ratisser large? Allez-vous pêcher avec un grand filet pour tout ramasser ou bien cibler les éléments dont vous savez qu'ils posent problème?

M. Giorno : J'ai à votre question une réponse en deux parties. Premièrement, les industries et les organisations sans but lucratif devraient savoir, et, je pense, savent de quelle façon elles communiquent avec les gouvernements. Si des témoins qui comparaissent devant vous vous disent que le projet de loi les obligera à fournir des renseignements qu'ils n'ont pas, alors il m'est difficile de concilier cela avec ce que je sais du fonctionnement des sociétés et des organisations. Elles savent à qui elles s'adressent et quand, surtout lorsque cela doit servir leurs propres intérêts.

Deuxièmement, je suis inquiet car, bien que cela ne figure pas dans le projet de loi, des gens à Ottawa et d'autres groupes, ce qu'indique le mémoire de M. Ramsay, disent que c'est ainsi que le règlement sera rédigé. Apparemment, il y a une proposition voulant que seules soient incluses les choses qui sont planifiées. C'est justement cette proposition qui m'a amené à réfléchir au rôle des législateurs en adoptant un texte réglementaire accordant ce pouvoir de réglementation. Le fait de ne couvrir que ce qui est planifié laisse échapper beaucoup de choses et crée beaucoup de potentiel d'abus. Peut-être que la solution serait que les législateurs rédigeant le texte modifient le pouvoir de réglementation de telle sorte que le règlement ne puisse pas être utilisé de cette façon. C'est en fait cet exemple qui m'a amené à croire que la prescription des exemptions était supérieure à la prescription de la couverture.

Le sénateur Andreychuk : Mon professeur de droit m'a dit qu'il n'y a rien de commun dans le sens commun, et nous voyons le monde de façon très différente. Donnez-moi la règle et je vais m'y plier; si je n'aime pas la règle, j'essaierai de la changer. Le fait de devoir prévoir ce que vous jugerez être raisonnable et acceptable me place dans une situation très difficile. Je comprends ce que vous dites. Vous pensez qu'il y a déjà une certaine présomption quant à la façon dont fonctionnera la définition.

M. Giorno : Je pense que oui. Personne ne l'a dit officiellement, mais j'ai vu cela ressortir de séances de breffage et d'autres choses du genre.

Le sénateur Andreychuk : Monsieur Ramsay, il y a de cela 30 ans j'ai passé du temps dans le secteur sans but lucratif avec de nombreuses ONG. Nous discutions alors de la prestation de services : devons-nous atteindre les mêmes normes que le gouvernement ou qu'une entreprise? Au fil de cette discussion, qui a duré des années, le public disait que peu lui importait que les services soient livrés par une ONG ou par le gouvernement. Ce qu'il veut, c'est une norme de soins donnée sur laquelle il puisse compter, et le secteur sans but lucratif a dû adhérer à cela et se rajuster, ce qui lui a posé d'énormes difficultés.

Mon souci est que vous êtes en mesure de faire du lobbying, de distribuer les renseignements. Je remercie M. Giorno de nous rappeler que seuls ceux qui font du travail de lobbying ne pourront pas intégrer des ONG. Les autres pourront y aller et faire le bon travail que font les ONG.

Qu'en est-il de l'argument selon lequel vous êtes une ONG plutôt sophistiquée si vous appartenez à votre association? Une part importante de l'activité des ONG sans but lucratif est le propre de simples citoyens et de bénévoles, et ceux-ci ne vous regardent souvent pas différemment de la façon dont ils regardent les entreprises, et ils disent que vous avez l'oreille du ministre ou du ministère parce que vous êtes bien organisé, sophistiqué et que vous savez comment vous y prendre. Or, le vrai travail bénévole se fait sur place, dans les petites localités.

L'une des plaintes que l'on entend de la Saskatchewan est que c'est une affaire entendue à Ottawa et qu'à moins d'être une branche d'une ONG à Ottawa, votre voix n'est pas entendue car les gouvernements sont de plus en plus nombreux à se tourner vers les parties prenantes et le secteur sans but lucratif. C'est le mot à la mode aujourd'hui.

Le vrai travail bénévole est exclu, et pourquoi devriez-vous alors être traités différemment? Comment réagissez-vous à cela?

M. Ramsay : Tout d'abord, je ne voudrais pas être traité différemment. Je ne pense pas que nous demandions d'être traités différemment. Nous disons qu'il faudrait que ce soit juste et équitable d'un bout à l'autre du spectre.

Je vais vous donner quelques exemples. J'ai grandi sur une ferme. Nous allions au 50e anniversaire de mariage de quelqu'un parce que nous habitions tous le même coin, et le député se présentait, parfois accompagné d'un ministre, et nous les saluions tous et leur parlions de nos problèmes dans l'agriculture cette année-là, et ce genre de choses constituerait du lobbying.

Vous avez parfaitement raison. Ce sont les plus petits groupes qui seront le plus touchés par le projet de loi. Le conseil d'administration de la foire sera touché s'il s'adresse au député local pour obtenir du financement. Il lui faudra commencer à déclarer cela. Le conseil de la sécurité de la petit ville que vous habitez sera touché. Toutes ces personnes sont peut-être des bénévoles; nombre de ces groupes n'ont que des bénévoles et aucun employé rémunéré. Ils seront touchés par cela.

Nous avons de la chance. Nous sommes une association professionnelle et comptons un personnel à temps plein. La très grande majorité des organisations sans but lucratif n'ont pas d'employés à temps plein. Le comité rural agricole qui est responsable de la foire, le comité de sécurité du village qui a besoin d'argent pour aménager un terrain de jeu pour enfants ou faire installer des panneaux de sécurité et ainsi de suite — ce sont eux qui seront le plus touchés par ce projet de loi. Il est important de comprendre cela. Nombre de ces organisations ne comptent que des travailleurs à temps partiel, et nombre d'entre elles sont sans employé aucun. Or, si elles demandent du financement parce qu'il leur faut quelque chose de nouveau pour leur localité, elles seront touchées par le projet de loi.

L'effet sera que les gens ne sauront pas ce qu'ils devraient faire. La plupart d'entre eux sont de braves gens, honnêtes. Ils ne sont pas là pour obtenir 50 000 $ pour eux. Ils sont là pour obtenir 5 000 $ pour leur localité. C'est tout ce qu'ils veulent, car ils peuvent en faire des choses avec ces 5 000 $.

Oui, veillons à ce que ce soit transparent. Nous sommes d'accord à 100 p. 100. Faisons en sorte que tout le monde soit redevable, mais, je vous en supplie, soyez sensibles à l'incidence que cela aura sur les petites organisations, le secteur sans but lucratif, les milieux artistiques et les groupes communautaires. Ce sont eux qui seront le plus touchés par le projet de loi. Les grosses sociétés comptent beaucoup de gens et de compétences et ont les moyens de faire appel à des experts-conseils. Elles ne seront pas touchées par cela.

Lorsque j'étais jeune, le député est venu au 50e anniversaire de mariage de mes parents. Du fait que j'étais là, il aurait fallu que je dise que c'était là une communication. Voilà toutes les choses dont vous devez être au courant.

Le sénateur Andreychuk : Il n'est pas prévu que ces personnes-là soient touchées par le projet de loi. Elles ne sont pas lobbyistes à temps plein.

M. Ramsay : Mais moi je le serais.

Le sénateur Andreychuk : C'est justement ce que j'essayais de dire. Le projet de loi vise les personnes comme vous, mais pas le citoyen qui communique avec son député.

M. Ramsay : Sauf tout le respect que je vous dois, il y a des gens qui se présenteront pour quantité de raisons différentes. Je ne me suis manifestement pas très bien exprimé. Si vous êtes membre du comité de la foire qui veut obtenir quelque chose pour la localité auprès de votre député ou d'un ministre, alors il y a un effet en cascade parmi tous ces gens.

Le sénateur Andreychuk : C'est précisément ce que j'essayais de dire. Il existe un secteur bénévole. Il y a des gens qui prennent contact avec d'autres. Ce que dit M. Giorno est que votre droit de communiquer avec votre député est important, mais les sociétés sans but lucratif et les lobbyistes enregistrés correspondent à une toute autre dimension.

M. Ramsay : C'est juste.

Le sénateur Andreychuk : Vous vous englobiez dans la catégorie des activités de simple citoyen. J'essayais de faire une distinction entre votre association et ces groupes de citoyens. À bien des égards, vous ressemblez davantage à une entreprise. Il y a à l'intérieur du secteur bénévole toute une gamme et il y a un débat quant à savoir qui serait touché parmi ceux à la table. Cependant, avec ce projet de loi, peut-être que les gens à la base sauront mieux ce que vous faites et seront en mesure ou de vous appuyer ou de prendre leurs distances par rapport à vous et de mieux livrer leur propre message.

M. Ramsay : Vous avez raison. Je siège également à plusieurs conseils d'administration de groupes communautaires, et je parlais depuis cette perspective-là.

Le sénateur Day : Nous avons littéralement reçu des milliers de lettres de petites organisations sans but lucratif qui sont extrêmement préoccupées par le projet de loi. Elles expriment exactement les mêmes préoccupations que vous. Monsieur Giorno, je me demande s'il vous est possible de nous aider ici, car vous secouiez la tête lorsque M. Ramsay parlait de cela. Est-ce un faux problème sur le terrain?

M. Giorno : Je secouais la tête au sujet de la question des bénévoles, car ni la loi dans son libellé actuel ni la loi si elle est modifiée comme cela a été proposé ne couvriraient les bénévoles dans ce créneau étroit.

Le sénateur Day : Le ministre qui se rend en visite dans une petite localité déposerait-il un rapport déclarant qu'une petite organisation d'agriculteurs lui a demandé de faire quelque chose?

M. Giorno : Selon le libellé actuel du projet de loi, non, le ministre ne ferait pas de rapport là-dessus. L'agriculteur n'aurait pas à faire de rapport non plus.

Le sénateur Day : Qu'en est-il du petit groupe sans but lucratif?

M. Giorno : Si le petit groupe sans but lucratif avait un employé.

Le sénateur Day : Ou un membre du conseil d'administration?

M. Giorno : Seulement si le membre du conseil d'administration — s'il y avait plus que le simple remboursement des dépenses.

Les sénateurs doivent déterminer si c'est la bonne ligne ou la mauvaise ligne, mais d'après la façon dont cette ligne a été tracée dans chacune des régions du Canada, à l'exception de la ville de Toronto avec son nouveau projet de règlement, ce qui compte, c'est le paiement. Qu'il s'agisse d'un paiement correspondant à un emploi ou d'un paiement de consultant, c'est là la ligne de démarcation. Vous pouvez dire que c'est bon ou mauvais, mais c'est là la ligne qui a été tracée jusqu'ici dans tous les textes de loi canadiens, et cela serait maintenu avec le projet de loi C-2.

Le sénateur Day : Toutes ces lettres que nous recevons soulèvent-elles donc un faux problème?

M. Giorno : Les sociétés sans but lucratif comptent souvent du personnel. En conséquence, ce serait les membres du personnel et non pas les membres bénévoles des conseils d'administration qui seraient couverts par ce projet de loi, bien que les membres bénévoles de conseils pourraient s'inquiéter des ramifications pour le personnel relevant d'eux.

Le sénateur Day : Nombre d'entre eux n'ont pas de personnel rémunéré. Qu'en serait-il pour ces groupes-là?

M. Giorno : Ils ne seraient pas touchés par cela.

Le sénateur Day : Aucun problème. Cela est très utile.

M. Giorno : Aucun problème, mais il y a une toute petite question. Cela ne figure pas dans le projet de loi sur le lobbying, mais dans la Loi sur les conflits d'intérêts. La seule application du projet de loi C-2 aux bénévoles se situe au niveau de la Loi sur les conflits d'intérêts, en vertu de laquelle un ancien titulaire de charge publique principal ne peut pas, pendant un an, présenter des instances à son ancien ministère ou organisme, même à titre gracieux. La seule conséquence pour un bénévole est renfermée dans cet article, qui ne figure même pas dans le projet de loi proposé en matière de lobbying.

Le président : La Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ne s'applique qu'aux lobbyistes rémunérés qui communiquent avec un titulaire de charge publique fédérale pour le compte d'un tiers.

Le sénateur Day : Êtes-vous en train de lire un extrait de quelque chose?

Le président : Cela est tiré de l'interprétation de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes préparée par la Bibliothèque du Parlement.

Le sénateur Cowan : J'aimerais enchaîner sur le point que vient de soulever le président. En ce qui concerne la rémunération des lobbyistes, je pense que l'objet du nouvel article 10.1 est d'interdire le versement d'honoraires conditionnels à des tiers, à des consultants de l'extérieur et non pas à des lobbyistes-maison. Est-ce bien cela?

M. Giorno : Oui, c'est ainsi qu'a été rédigé cet article.

Le sénateur Cowan : Je songe aux universités et aux instituts de recherche. Le président d'une université pourrait, par exemple, fixer des objectifs pour un an et dire que l'un des objectifs sera d'être admissible à telle ou telle subvention pour la recherche, ce afin de faire passer le financement de la recherche à un certain niveau. Le président d'université ferait peut-être intervenir d'autres personnes dans son initiative, mais lui ou elle jouerait un rôle actif dans le dossier, et les primes et autres choses du genre en fin d'année pourraient être conditionnelles à l'atteinte de certains objectifs. Ce cas de figure n'est pas couvert par ceci.

M. Giorno : C'est exact.

Le sénateur Cowan : C'est seulement si l'université, l'institut de recherche, l'orchestre symphonique ou autre retenait les services d'un expert-conseil qu'il faudrait qu'il y ait dépôt de rapport en vertu du paragraphe 5(1).

M. Giorno : C'est exact, sénateur, même si ma proposition couvrirait ce président d'université, mais les sénateurs ont peut-être leurs propres idées quant à savoir si ce serait bien ou non. Je soulignerai simplement que le principe de l'abandon des frais de conclusion de transaction est que, du fait que les lobbyistes interviennent dans un processus de politique publique, ils ont pour obligation dans leurs relations avec le gouvernement d'être justes, objectifs et honnêtes. Tout cela est explicité dans le code de déontologie; mais le motif, dans le contexte de la politique publique, de l'interdiction des frais de conclusion de transaction est que lorsque le lobbyiste a des intérêts financiers dans ce qu'il prône, cela compromet son objectivité et le place en situation de conflit par rapport à son devoir d'être juste, honnête, objectif et franc dans ses relations avec le gouvernement. Cet incitatif à agir autrement est donc supprimé. Ce que je veux dire par là est que, si c'est là le motif — et je pense que c'est le cas —, cela s'applique également aux employés.

Vous utilisez l'exemple d'un président d'université. Comme c'est le cas de tout lobbyiste salarié, ce qui est recherché, ce qui fait l'objet du lobbying, est ou une décision en matière de politique publique ou une dépense de deniers publics, ou les deux. Cela peut être différent de la situation du président d'Inco, d'IMB ou de Coca-Cola et de sa rémunération par son conseil d'administration, mais peut-être pas. C'est aux sénateurs et aux députés qu'il revient d'en juger.

Le sénateur Cowan : La même chose s'appliquerait au président du Royal Winnipeg Ballet. Vous pourriez dire que si vous atteignez ces objectifs, si vous parvenez à obtenir tel ou tel financement, ce serait là une mesure de votre succès, et vous seriez rémunéré en conséquence. Je peux voir les arguments des deux côtés.

Il me semble que cela est raisonnable; peut-être que c'est l'aspect divulgation de la chose. Vous pourriez arguer que si vous divulguez le fait que ce pourrait être l'un des critères servant à déterminer le rendement du cadre en question, alors il n'y aurait aucun mal à cela.

M. Giorno : C'est là une excellent remarque, sénateur. À l'heure actuelle, cela n'est pas divulgué. À l'heure actuelle, un lobbyiste-conseil doit divulguer cela, et ce serait bientôt interdit en vertu du projet de loi C-2. Cependant, si le président de l'université ou de la troupe de ballet aborde un ministre d'État et lui demande davantage d'argent, à l'heure actuelle ce ministre d'État ne saurait pas si le président est en train de plaider pour le bien de l'organisation seulement ou pour le bien de l'organisation plus un incitatif financier. Il serait selon moi approprié de divulguer ce genre de chose.

Le sénateur Joyal : Cela n'est pas couvert dans le projet de loi.

M. Giorno : Ni dans la loi actuelle, ni dans le projet de loi C-2.

Le sénateur Day : J'ai beaucoup apprécié votre commentaire de tout à l'heure; cela m'a économisé beaucoup de temps. Nous avons reçu de nombreuses lettres de plus petites sociétés sans but lucratif. Je me suis rendu sur le site Web de la Conférence canadienne des arts. Vous y faites un certain nombre de très bons commentaires, demandant notamment à tous vos membres d'écrire à leurs gentils sénateurs. Je peux vous dire que cela a fonctionné. Je vous en félicite et il est bon que vous soyez ici pour essayer de tirer cela au clair pour nous.

En ce qui concerne la période de refroidissement, il n'y a pas entente entre les deux organisations. Vous pourriez accepter deux ans, cela pouvant aller jusqu'à cinq; vous préféreriez qu'il n'y ait aucune période d'interdiction, mais vous pourriez peut-être vous accommoder de deux ans. Nous sommes ici à la recherche d'un compromis. Nous aimerions améliorer le projet de loi si possible, mais nous comprenons vos besoins spéciaux, particuliers, et nous souhaitons dans toute la mesure du possible en tenir compte.

À la page 74 du projet de loi, dans la version anglaise, le terme « prescribed » figure deux ou trois fois, dans le paragraphe 9.1(1), et dans le paragraphe 9(3.1); et vous avez souligné qu'il figure également à la page 70.

Le projet de loi, dans son libellé actuel, parle de la nécessité pour le directeur de faire un certain nombre de choses, s'agissant de prescrire la forme que devraient prendre les rapports. Le texte anglais ne parle pas du règlement. Typiquement, l'on verrait la mention « prévu par règlement » dans un projet de loi, alors je devine que ces explications concernent ce que le directeur, qui sera bientôt le commissaire, est en train de faire par opposition à ce que prévoira le règlement.

M. Giorno : J'en suis venu à une autre conclusion. À l'heure actuelle, l'article 12 de la loi, auquel le projet de loi C-2 ne modifie rien, renferme une disposition standard qui dit que vous pouvez prendre un règlement prescrivant toutes choses devant l'être. Il s'agit d'un énoncé très général qui n'est pas unique à la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes.

Le sénateur Day : Il s'agit de l'alinéa 12d) du règlement de l'actuelle Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. :

prendre toute mesure d'ordre réglementaire prévue par la présente loi;

Voilà qui couvre cela et intègre cela au projet de loi qui viendra modifier cette loi. Vous croyez que cela relève du règlement, et c'est là le problème.

M. Giorno : C'est exactement ce que je voulais dire. Vous parliez du moment, de la forme et du mode de fourniture de nouveaux renseignements ou d'éclaircissements ou de rectificatifs. Je sais que les fonctionnaires du Conseil du Trésor disent qu'ils entendent par là le commissaire, et ils auraient raison; mais je pense qu'en vertu de l'article 12, il s'agit en fait du Cabinet.

Le sénateur Day : À l'article 9, le directeur des lobbyistes, qui deviendra sous peu le commissaire, est habilité à déterminer la forme que devra prendre le registre et d'autres choses du genre, alors il y a une certaine confusion.

M. Giorno : C'est exact. Je ne pense pas que le pouvoir de prendre des règlements, expression technique employée dans de nombreux textes de loi, soit accordé au directeur et(ou) au nouveau commissaire. Si j'ai raison et que c'est un pouvoir qui revient au seul Cabinet, alors pour être conforme à l'intention du gouvernement, cet article devrait être remanié pour qu'il soit bien clair que c'est le commissaire qui dicte aux gens la manière, la forme et les délais en matière de rectificatifs et d'éclaircissements.

Le sénateur Day : Si l'on arrêtait d'utiliser, en anglais, le terme « prescribed », et reprenait l'expression employée dans l'article 9, alors ce serait le résultat.

M. Giorno : Je dirais que oui, mais j'irai encore plus loin pour dire que si vous nommiez expressément le commissaire à cet endroit, il n'y aurait plus aucun doute du tout.

Le sénateur Day : Cela est très utile. Merci.

Le sénateur Stratton : Je tiens à être certain de bien comprendre ce que vous dites. Si un conseil d'administration bénévole fait du lobbying auprès du gouvernement, d'un député, d'un ministre ou autre, il n'est pas visé par ceci car ses membres ne sont pas rémunérés; mais le PDG ou le président d'une personne morale, qui est rémunéré et qui fait du lobbying, devrait être un lobbyiste enregistré. Ne seriez-vous pas d'accord avec moi là-dessus? Je ne verrais rien de mal à cela, et je ne pense pas que le public canadien y voie quoi que ce soit de mal non plus, car c'est là l'objet même du projet de loi.

Je vois des gens faire signe de la tête. Vous êtes dans l'ensemble d'accord avec moi sur ces deux points.

Le gouvernement juge opportun de prolonger cette période de deux à cinq ans, et c'est dans une large mesure de cela qu'il est question ici. Dans son esprit, il y a une raison à cela, et c'est qu'il trouve que la période de refroidissement de deux ans est insuffisante car les gouvernements restent en place pendant de nombreuses années. Cela étant, une personne qui a travaillé pour un ministre peut partir, mais au bout de deux ans connaître un grand nombre de personnes; en d'autres termes, les liens demeurent très forts. Vous pouvez voir pourquoi le nouveau gouvernement réfléchit à cela, à cause de cette situation.

Si vous pouviez me dire comment faire pour régler ce problème fondamental, alors j'en serais ravi, mais je ne vois pas comment cela serait possible, à cause du souci réel qui existe.

M. Giorno : Je serais en faveur de cinq ans.

M. Ramsay : Je pourrais faire une suggestion. Le projet de loi est très volumineux et complexe. Il s'agit ici de l'une des pierres d'achoppement à laquelle nous sommes, au sein du secteur sans but lucratif, tous confrontés, lorsqu'on regarde le projet de loi dans sa totalité. Il nous faut cibler les choses qui nous affectent le plus. En ce qui nous concerne, il y a des moyens de régler cela. Notre suggestion serait de dire que les personnes qui quittent le gouvernement pour ensuite faire du lobbying ne peuvent pas traiter avec les ministères ou organismes pour lesquels ils ont travaillé. Ainsi, ils ne pourront pas forcément compter sur leurs contacts, mais ils auront néanmoins la possibilité d'intégrer le secteur sans but lucratif, dans l'intérêt des Canadiens dans leur ensemble.

Les milieux artistiques, le secteur sans but lucratif et le gouvernement aimeraient pouvoir s'entendre et trouver une solution à cela. Il y a beaucoup de gens bien qui travaillent pour le gouvernement et ils veulent faire ce qui est bien. Nous ne devrions pas leur fermer la porte. Trouvons le moyen de garder cette porte ouverte, tout en protégeant l'intérêt public.

Le sénateur Stratton : Ma dernière question s'adresse au sénateur Day. Vous nous avez dit avoir reçu plus de 1 000 lettres.

Le sénateur Day : Ma déclaration était peut-être un peu hyperbolique.

Le sénateur Stratton : Je vais m'arrêter là, sénateur Day.

Le sénateur Day : Puis-je poser une question supplémentaire à l'avant-dernière? J'aimerais comprendre les modifications pour les lobbyistes salariés, ce qui se trouve à l'article 7. Il y a des exigences différentes en matière d'enregistrement pour les consultants qui sont payés pour faire du lobbying pour le compte de quelqu'un d'autre. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les lobbyistes salariés. Il me semble que c'est la personne morale ou l'organisation qui s'enregistre par opposition à l'employé.

M. Giorno : Je peux aider à tirer cela au clair. Depuis 2005, lorsque la dernière série d'amendements est entrée en vigueur, rien de nouveau dans le projet de loi C-2, les personnes morales et organisations sont traitées de la même façon. En d'autres termes, le rapport émane non pas du lobbyiste salarié lui-même mais de son PDG, du directeur exécutif ou du principal dirigeant de l'organisation ou de la personne morale.

Le sénateur Day : C'est cette personne qui est le déclarant.

M. Giorno : C'est cette personne qui est le déclarant. Cette personne dépose la déclaration et cela est perçu comme étant la responsabilité de la personne morale ou de l'organisation. Les personnes qui sont désignées ici sont les lobbyistes.

Le sénateur Day : C'est donc la personne qui est employée pour faire du lobbying.

M. Giorno : Ce pourrait être le PDG ou le directeur exécutif ainsi que son propre rapport. La période de refroidissement et les différentes interdictions en matière de lobbying s'appliquent sur la base des employés qui font le véritable travail de lobbying, et non pas du cadre dirigeant qui appose sa signature sur le rapport, à moins que cette personne ne fasse véritablement du lobbying.

Le sénateur Day : Il a été suggéré plus tôt qu'il pourrait y avoir sept, huit ou dix personnes dans une société sans but lucratif et, qu'ensemble ils atteignent le seuil de 20 p. 100 de leur temps, alors est-il vrai que tous leurs noms figureront sur la liste?

M. Giorno : C'est exact.

Le président : Le commissaire a donné l'exemple de Shell. Il a dit qu'il y avait 42 noms sur la liste.

Le sénateur Day : Shell serait une organisation d'un genre différent. Nous parlons ici d'organisations sans but lucratif.

Le président : Messieurs, j'aimerais, au nom du comité, vous remercier du temps que vous avez pris pour venir ici et nous livrer vos opinions au sujet du projet de loi C-2.

La séance est levée.


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