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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 16 - Témoignages du 22 novembre 2006


OTTAWA, le mercredi 22 novembre 2006

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire, se réunit aujourd'hui à 16 h 30 pour en étudier la teneur.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte. Il s'agit de notre première réunion sur le projet de loi S-3. Ce texte vise à modifier la Loi sur la défense nationale pour obliger les délinquants qui ont commis des infractions de nature sexuelle à fournir des renseignements qui seront inscrits dans une base de données nationale en vertu de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels.

Ce régime est parallèle à celui qu'on trouve dans le Code criminel et dans la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Le régime d'enregistrement des délinquants sexuels civils est entré en vigueur le 15 décembre 2004.

Pour amorcer notre étude de ce projet de loi, j'ai le plaisir d'accueillir le ministre de la Défense nationale, l'honorable Gordon O'Connor, qui a été nommé au Cabinet en février 2006. M. O'Connor a été élu pour la première fois à la Chambre des communes en 2004 et réélu en 2006 dans la circonscription de Carleton—Mississippi Mills en Ontario.

Avant d'être élu au Parlement, M. O'Connor a fait carrière à la fois dans les secteurs privé et public. Plus particulièrement, il a servi au sein de la Force armée régulière en qualité d'officier pendant plus de 30 ans, passant du rang de sous-lieutenant dans la Branche de l'arme blindée à celui de brigadier général au moment où il a pris sa retraite.

Il est accompagné aujourd'hui par le brigadier général Kenneth Watkin, juge-avocat général des Forces canadiennes, qui, depuis 24 ans, œuvre en qualité d'avocat militaire des Forces canadiennes dans divers postes au sein du cabinet du juge-avocat général, dans les domaines du droit opérationnel, de la justice militaire et du droit militaire général.

Nous vous remercions tous les deux de votre présence parmi nous aujourd'hui. Bienvenue à vous deux.

L'honorable Gordon O'Connor, C.P., député, ministre de la Défense nationale : Merci, monsieur le président.

Honorables sénateurs, je suis très heureux de m'adresser à vous aujourd'hui pour discuter de l'amélioration d'un outil très important d'enquête sur des crimes, à savoir le registre des délinquants sexuels.

Le projet de loi S-3 modifiera la Loi sur la défense nationale, le Code criminel, la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le casier judiciaire afin d'aligner le régime de justice militaire sur les normes juridiques canadiennes en ce qui concerne l'enregistrement des délinquants reconnus coupables d'agressions sexuelles.

Avant d'aller plus loin, j'aimerais vous présenter la personne qui m'accompagne aujourd'hui, le brigadier général Kenneth Watkin. Il sera à mesure de répondre aux questions à caractère juridique et technique relatives à ce projet de loi.

[Français]

Nous serons ravis de répondre à vos questions dans un instant. Permettez-moi d'abord de vous dire quelques mots à propos du projet de loi S-3.

Comme vous le savez, le registre des délinquants sexuels est une base de données nationale qui offre aux policiers civils un accès rapide à des renseignements précis et à jour sur des délinquants sexuels reconnus coupables.

Le registre est entré en vigueur en décembre 2004, après de vastes consultations auprès des provinces et des territoires.

[Traduction]

J'aimerais souligner que l'obligation de se conformer au régime d'enregistrement et à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels ne se veut pas un châtiment additionnel pour le délinquant. La base de données a pour seul but de fournir à la police un instrument d'enquête à jour et, à cette fin, la loi limite l'accès de ces informations aux personnes autorisées et pour des motifs précis.

La base de données n'est pas accessible au public et toute personne qui tente de la consulter sans en avoir reçu l'autorisation expresse commet un délit. C'est également une infraction que d'utiliser ces informations à des fins autres que celles qui sont énoncées dans la loi.

Comme vous le savez, la loi initiale qui a créé le registre des délinquants sexuels ne prévoyait pas modifier les amendements nécessaires à la Loi sur la défense nationale de façon à ce que la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels s'applique au régime de justice militaire. De ce fait, en vertu du régime actuel, on ne peut ordonner à aucune personne reconnue coupable d'une infraction désignée aux termes de la Loi sur la défense nationale de s'inscrire dans le registre des délinquants sexuels. Il s'ensuit que les informations concernant ces personnes ne peuvent être disponibles dans une base de données à des fins d'enquêtes futures sur des agressions sexuelles.

Le projet de loi S-3 remédiera à cette lacune en prévoyant l'enregistrement dans la banque de données de tous les délinquants reconnus coupables d'agressions sexuelles.

[Français]

Les changements à la Loi sur la Défense nationale contenus dans ce projet de loi permettront aux cours martiales d'ordonner aux individus reconnus coupables d'infractions sexuelles désignées de s'enregistrer dans la banque de données nationale.

Le contenu du projet de loi S-3 n'est pas nouveau pour ce comité. Il s'agit, en grande partie, d'un projet de loi présenté au Sénat et analysé par les membres de ce comité lors de la dernière session parlementaire.

[Traduction]

Le contenu du projet de loi a subi de légères modifications par rapport à la version antérieure, les changements les plus importants ayant été apportés pour tenir compte de deux grandes préoccupations que le comité a exprimées l'automne dernier. En premier lieu, le comité s'est inquiété de l'ajout proposé de cinq infractions à la Loi sur la défense nationale à la définition des infractions désignées. Nous avons étudié la question que vous avez posée et nous avons décidé de supprimer ces cinq infractions du projet de loi. Deuxièmement, votre comité a formulé des objections au sujet des pouvoirs conférés au chef d'état-major de la Défense et du fait qu'une version antérieure du projet de loi ne contenait pas de disposition en matière de surveillance. À la lumière de ces préoccupations, une disposition a été ajoutée au projet actuel pour obliger le chef d'état-major de la Défense à informer le ministre de la Défense nationale chaque fois qu'il exerce un de ces pouvoirs.

Outre les modifications qui sont proposées à la Loi sur la défense nationale, le projet de loi apporte également un certain nombre de modifications au Code criminel et à la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Certes, bon nombre de ces modifications sont corrélatives à celles qui sont apportées à la Loi sur la défense nationale, mais certaines sont proposées pour améliorer l'administration et l'application du régime existant. En guise d'exemple, le projet de loi permettra davantage de souplesse quant au moment où un délinquant est autorisé à s'inscrire.

[Français]

Les modifications que nous proposons ne signifient pas que nous prévoyons que plusieurs membres des Forces canadiennes seront poursuivis pour des infractions désignées. En fait, de janvier 2000 à juin 2006, il n'y a eu que 20 condamnations à la cour martiale pour des infractions désignées.

Les changements proposés visent plutôt à harmoniser le système de justice militaire au système civil de justice pénale.

[Traduction]

Cela étant dit, les modifications faites à la Loi sur la défense nationale dans le projet de loi S-3 ne reprennent pas exactement le libellé des dispositions du Code criminel. Le projet de loi S-3 reconnaît que le milieu opérationnel militaire est unique en son genre et qu'une certaine dose de souplesse est nécessaire. Cette caractéristique unique se manifeste de plusieurs façons. Ainsi, le projet de loi autorise le gouverneur en conseil à établir des centres d'enregistrement pour les Forces canadiennes soit au Canada, soit à l'étranger. En outre, le projet de loi donne au chef d'état-major de la Défense le pouvoir de prendre deux types de décisions qui permettront de satisfaire aux exigences de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, tout en prenant en compte les exigences opérationnelles.

Premièrement, lorsque le chef d'état-major de la Défense établit que les obligations opérationnelles d'un délinquant l'empêcheront d'exercer certains droits ou de remplir certaines exigences de la loi en matière d'enregistrement, la date limite applicable au délinquant sera temporairement suspendue jusqu'à ce que les obligations opérationnelles aient pris fin.

Deuxièmement, le projet de loi confère au chef d'état-major de la Défense le pouvoir d'empêcher que certaines informations opérationnelles soient versées dans la base de données, s'il est d'avis que ces renseignements pourraient compromettre la sécurité nationale, les relations internationales ou certains types d'opérations.

[Français]

Le mécanisme d'enregistrement fourni par la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels reconnaît que les droits d'un délinquant sexuel doivent être équilibrés avec l'intérêt de la société à enquêter efficacement sur les crimes.

Le projet de loi S-3 respecte cet équilibre au moment de décider si un délinquant doit s'enregistrer et une cour martiale analysera les mêmes facteurs qu'examinerait une cour criminelle civile.

[Traduction]

Tout comme dans le système de justice civile, un délinquant auquel une cour martiale donne l'ordre de s'enregistrer aura le droit de faire appel. Par ailleurs, des limites similaires à celles qui existent dans le système de justice civile en ce qui concerne l'accès aux informations contenues dans la base de données ou leur utilisation s'appliqueront au système de justice militaire.

Les modifications présentées dans le projet de loi S-3 aligneront la Loi sur la défense nationale sur le Code criminel en ce qui concerne l'enregistrement des personnes condamnées pour agression sexuelle, tout en prenant en compte les exigences opérationnelles propres aux Forces canadiennes. En proposant d'appliquer le régime de la Loi sur l'enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels à des personnes reconnues coupables d'agression sexuelle en vertu de la Loi sur la défense nationale, le projet de loi S-3 garantit que le système de justice militaire continuera d'être régi par les mêmes normes juridiques qui existent dans le système de justice civile.

Le sénateur Jaffer : Merci beaucoup, monsieur le ministre, d'être venu nous rencontrer aujourd'hui. En premier lieu, je voudrais que vous disiez aux hommes et aux femmes avec lesquels vous travaillez que j'ai eu l'occasion d'aller à Wainwright et, il y a deux semaines, à Halifax, pour contribuer au recrutement. Je suis très fière de pouvoir dire que vous travaillez avec des hommes et des femmes remarquables. Je remercie ces hommes et ces femmes qui font de l'excellent travail pour notre pays.

J'ai présidé le Comité canadien sur les femmes, la paix et la sécurité et, en parcourant le monde, j'ai découvert l'un des défis auxquels les femmes sont confrontées. Des femmes m'ont dit que des combats ont lieu dans leurs collectivités. Les femmes et les enfants sont particulièrement touchés par les opérations menées à l'étranger.

Ce projet de loi est très important et j'ai un certain nombre de questions à poser à son sujet. Premièrement, certains ont dit que des délinquants reconnus coupables d'infractions sexuelles mineures ne devraient pas participer aux opérations; ils devraient être expulsés pour éviter que ne soit entachée la réputation des Forces canadiennes. Aucun militaire n'est assez utile, ou n'a des compétences assez indispensables, pour demeurer au sein de nos forces armées.

Que répondez-vous à l'argument selon lequel l'honneur des Forces canadiennes exige que les délinquants sexuels soient expulsés de leurs rangs?

M. O'Connor : Lorsque j'étais dans l'opposition, j'ai fait une observation très similaire. Ce que je ne savais pas à l'époque, c'est que les forces armées suivent des normes plus rigoureuses que celles appliquées par les tribunaux civils. Les infractions de nature sexuelle ne font pas toujours l'objet de poursuites ou d'un procès devant les tribunaux civils, mais elles en font toujours l'objet au sein des forces armées. Nos militaires appliquent une tolérance zéro à l'égard des infractions sexuelles.

Quand je pense aux infractions sexuelles, il me vient tout de suite à l'esprit des crimes odieux comme le viol, mais il y a certaines infractions où une personne en touche une autre de manière déplacée, par exemple. Au sein des forces armées, si un acte du genre est signalé, son auteur est reconnu coupable d'une infraction sexuelle. Le tribunal ou d'autres personnes peuvent estimer que cette infraction est d'une nature telle qu'elle ne va probablement pas se reproduire et qu'elle n'a pas la gravité de ce qu'on entend normalement par infraction sexuelle.

Je me suis rendu compte qu'il y a des gens qui se trouvent visés par cette liste d'agressions sexuelles, mais qui ne commettraient probablement pas cet acte une autre fois. S'il s'agit de crimes plus graves, d'actes plus odieux, le ou la coupable ne pourra pas demeurer dans les Forces armées.

Le sénateur Jaffer : Quelles mesures prend-on actuellement pour surveiller les gens qui participent aux opérations? Je parle des politiques.

M. O'Connor : D'après ce que je crois comprendre, il y a eu, au cours des cinq ou six dernières années, 20 personnes qui méritaient de figurer sur notre liste d'agresseurs sexuels. Je crois que la grande majorité d'entre eux a quitté les Forces canadiennes, mais je pense qu'il en reste encore quelques-uns.

Brigadier général Ken Watkin, juge-avocat général des Forces canadiennes, Défense nationale : J'aimerais vous dire, en premier lieu, que j'en suis à ma première comparution devant le comité sénatorial en qualité de juge-avocat général. C'est pour moi un grand honneur et un plaisir que de me trouver devant vous. J'espère pouvoir vous être utile dans vos délibérations.

J'aimerais vous répondre en faisant un lien avec la question de la surveillance, dont vous avez parlé. Comme l'a dit le ministre, nous vivons très près les uns des autres dans les forces armées, particulièrement dans les opérations, et, assez souvent, la gamme des infractions sexuelles est très large. Les tribunaux ont la latitude de désigner ces infractions par des termes d'une gravité variable, tout comme la loi elle-même prévoit des châtiments plus ou moins sévères, mais il ne fait pas de doute que, pour nous, toutes les infractions sexuelles sont graves. Il faut en évaluer le degré de gravité.

Bien sûr, les circonstances varient d'un cas à un autre. Je vous donne un exemple : des militaires, hommes et femmes, réunis dans une tente servant de fumoir, avaient consommé de l'alcool, quand l'un d'entre eux a saisi une femme par la région du bas ventre pendant quelques secondes et lui a dit « tu n'es pas un homme », en guise de plaisanterie. Notre système de justice est intervenu. L'homme a été accusé d'agression sexuelle, réprimandé et condamné à une amende de 2 000 $. Par la suite, il a été placé en mise en garde et surveillance, mais il est demeuré au sein des Forces canadiennes. Le tribunal a tenu compte de la consommation d'alcool et du contexte où l'infraction a été commise. Les faits ne se sont pas produits dans un cadre isolé, privé, mais au sein d'un groupe.

Dans un autre cas similaire, un individu qui ne se souvenait plus de rien parce qu'il avait trop bu a bel et bien dû répondre de ses actes. Il a d'ailleurs été condamné. Des mesures administratives ont été prises sous la forme d'une période de counselling et de probation visant à assurer un suivi permanent; mais l'individu en question n'a pas été renvoyé des Forces canadiennes. Tout dépend donc de la gravité de l'infraction, même si chacune d'entre elles est traitée avec le plus grand sérieux.

Il est bien évident que certaines infractions peuvent être plus graves. Le tout serait porté au dossier de l'individu. Le counselling et la probation se poursuivraient pendant une certaine période au cours de laquelle on suivrait les agissements du militaire — des hommes dans la plupart des cas. Tout dépend de la nature de l'agression sexuelle. C'est un aspect à considérer.

Le sénateur Jaffer : Voilà qui est très intéressant. De nos jours — et je suis persuadée qu'il en est ainsi depuis de nombreuses années — nos militaires se rendent dans différentes parties du monde où ils sont confrontés à des systèmes de valeurs et des normes qui diffèrent des nôtres. Quelle formation est dispensée en ce sens aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes dans le contexte des crimes à caractère sexuel? Y a-t-il une formation permanente?

M. O'Connor : Avant de déployer des troupes — je parle de troupes dans le sens général, ce qui peut inclure les marins — pour une mission à l'étranger, nous essayons de les sensibiliser notamment à la culture et aux normes locales. Cependant, je crois que si vous vous rendez coupable d'une infraction sexuelle au Canada, vous serez sûrement aussi reconnu coupable dans un autre pays. Je ne pense pas que ces normes-là changent. Un comportement condamnable demeure un comportement condamnable.

Nos soldats, hommes et femmes, connaissent bien les règles, mais ils reçoivent également une formation qui les sensibilise aux différences culturelles — pas du point de vue sexuel, mais sous les autres aspects — et aux comportements qui sont acceptables ou non dans un autre pays.

Le président : Chers collègues, il nous reste 40 minutes avant le départ du ministre et je veux m'assurer que tous les sénateurs ont la chance de lui poser leur question.

Le sénateur Baker : Est-ce que le juge-avocat général va rester après le départ du ministre ou est-ce que notre séance prendra fin?

Le président : Je ne connais pas la réponse à cette question.

M. O'Connor : Le général pourrait continuer.

Le sénateur Baker : Comme la plupart de mes questions sont de nature générale ou technique, je peux laisser la chance aux autres membres de poser des questions au ministre avant son départ.

Le sénateur Zimmer : Bienvenue à vous, monsieur le ministre et monsieur le général. Merci pour votre exposé. Tout d'abord, comme le sénateur Jaffer l'a mentionné, j'ai eu la chance d'assister au match de la coupe Grey le week-end dernier en présence du général Hillier. Les forces armées ont participé à la cérémonie; en fait, la coupe Grey est arrivée par hélicoptère. Le général a prononcé une allocution qui a été une grande source d'inspiration pour nous tous, monsieur le ministre, à l'occasion du brunch du commissaire. Nous sommes très fiers des hommes et des femmes qui travaillent au sein de votre ministère. Ce fut un moment de grande fierté et je peux vous assurer que les applaudissements ont été bien nourris.

Ceci étant dit, dans l'ensemble du projet de loi, on renvoie au Code de discipline militaire. Je crois que différentes procédures sont prévues pour le cas où une personne est assujettie à ce code. Par exemple, une demande d'ordonnance d'exemption est adressée au juge militaire en chef si le requérant est assujetti au Code de discipline militaire ou occupe le rang d'officier ou de sous-officier de la Première réserve au moment de la demande. Dans tous les autres cas, la demande doit être adressée à un tribunal en vertu du Code criminel.

Est-ce que le Code de discipline militaire remplace ou complète le Code criminel?

Bgén Watkin : Ni l'un ni l'autre, sénateur. Il s'agit d'un système de justice criminelle reconnu par la Constitution pour assurer la discipline au sein des Forces canadiennes. Le Code de discipline militaire compte pour une grande partie de la Loi sur la défense nationale. On y retrouve des infractions qui sont particulières à la vie militaire comme les voies de fait contre les supérieurs, les absences sans permission et les désertions. Il englobe également les dispositions des lois criminelles fédérales ainsi que celles du Code criminel.

Si vous deviez vous présenter en cour martiale, vous y verriez un système juridique qui est très semblable à celui de la justice pénale avec des juges nommés par le gouverneur en conseil et des avocats, tant pour la poursuite que pour la défense, qui sont membres de leur barreau respectif. Il arrive également de temps à autre que des avocats de la défense venant du civil plaident devant nos cours martiales.

Le sénateur Zimmer : Le film Des hommes d'honneur avec Jack Nicholson est un bon exemple pour décrire cette situation.

Bgén Watkin : Cela donne un bon aperçu, effectivement.

Le sénateur Zimmer : Ceux qui sont poursuivis en vertu du Code de discipline militaire jouissent-ils de tous les droits et de toutes les garanties juridiques accordés à ceux qui sont poursuivis en vertu du Code criminel?

Bgén Watkin : L'inculpé jouit de tous les droits que confère aux citoyens canadiens la Charte canadienne des droits et libertés. Les règles de la preuve sont celles du droit pénal au Canada et l'inculpé est défendu soit par des avocats militaires relevant du barreau d'une province canadienne, soit par un avocat de son choix relevant d'un barreau civil.

Le sénateur Milne : Monsieur le ministre, je crois vous avoir entendu dire que si une personne se rend coupable d'une infraction en vertu de ce code, il est possible que son infraction ne soit pas désignée si cela peut nuire à nos relations internationales.

Faut-il en conclure que si un soldat viole une femme en Afghanistan, il se peut que son infraction ne soit pas désignée parce que cela pourrait mettre en péril nos relations avec ce pays?

M. O'Connor : Si une infraction est commise, l'inculpé doit subir un procès. S'il est reconnu coupable d'une infraction sexuelle qui justifie une inscription au Registre national des délinquants sexuels, alors le jugement du tribunal exige une telle inscription.

Ce projet de loi comporte des dispositions qui permettent au chef d'état-major de la Défense dans certaines circonstances plutôt rares — ce ne serait pas le cas pour l'exemple que vous venez de donner — de décider de reporter pendant une certaine période l'enregistrement de l'individu. Le tribunal a ordonné que cette personne soit inscrite au registre, alors elle doit l'être. Il peut toutefois être possible de reporter temporairement cette inscription, si l'individu participe à une opération militaire. Lorsqu'une personne est inscrite, le registre indique l'endroit où elle se trouve. Si l'individu se déplace, son nouvel emplacement doit être porté au registre. En théorie, si cette personne fait partie d'une unité opérationnelle que nous déplaçons pour des motifs militaires justifiables, il est possible que nous ne souhaitions pas que cette unité puisse ainsi être suivie à la trace. Il suffirait alors simplement de consulter le registre des délinquants sexuels pour connaître l'emplacement de cette unité. Nous parlons ici bien sûr de cas très rares.

Je vais laisser le brigadier général vous répondre, mais il est probablement question ici de situations plutôt mineures. Je ne peux pas voir laquelle de ces dispositions pourraient exiger l'intervention du ministre. Je ne peux pas m'imaginer que, dans l'exemple que vous venez de citer, l'individu trouvé coupable de viol puisse demeurer dans son unité et éviter de se retrouver derrière les barreaux.

Bgén Watkin : Je vais répondre en partie aux interrogations soulevées par le sénateur Jaffer concernant l'aspect des opérations internationales. Vous donnez l'exemple d'une agression sexuelle en Afghanistan.

Notre système de justice militaire se distingue notamment par le fait que sa compétence s'exerce à l'échelle planétaire. Les médias ont fait grand état au cours des dernières années de ces participants à certaines missions à l'étranger qui ont commis des crimes à l'encontre des femmes et abusé de leur autorité, sans toutefois être assujettis à la compétence de leurs tribunaux nationaux. Ce n'est pas un problème avec les Forces canadiennes parce que notre système de justice militaire adjoint le droit pénal canadien aux infractions particulières au monde militaire et exerce sa compétence partout dans le monde. Nous avons une cour martiale mobile et un système de justice militaire capable de réagir partout sur la planète, ce qu'il a d'ailleurs déjà fait dans le passé.

Dans le scénario que vous avez proposé, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes enquêterait probablement sur l'affaire. On déterminerait ainsi quelles accusations pourraient être portées et on soumettrait le tout au Directeur des poursuites militaires qui déciderait s'il convient d'aller de l'avant. Si des accusations étaient effectivement portées, la cause pourrait être entendue soit en Afghanistan ou ici au Canada, tout dépendant des circonstances et de la disponibilité des témoins, notamment.

Il est important de faire la distinction entre les incidences de la présente loi et le fonctionnement du système de justice pénale à proprement parler. Cette loi n'est pas une mesure punitive; elle ne vise pas à imposer quelque sentence que ce soit aux contrevenants. Ces mesures relèvent plutôt de notre système de justice militaire et du Code de discipline militaire. De la même façon, nous avons le système civil et le système de justice pénale en vertu desquels des individus peuvent comparaître devant un tribunal. Si un verdict de culpabilité est rendu, la sentence appropriée est prononcée.

Ce projet de loi a une application beaucoup plus étroite. Il vise à compiler des données sur les personnes qui sont trouvées coupables ou criminellement responsables, de telle sorte qu'on puisse les retracer facilement lorsque des enquêtes sont menées. Quand un policier fait enquête, il peut alors communiquer avec l'individu pour voir s'il doit le rayer ou non de la liste des suspects. Je crois qu'il s'agit là d'une distinction importante parce que le registre ne sert pas à des fins d'emploi pour déterminer si un individu peut intégrer les Forces canadiennes ou continuer d'en faire partie. Ce n'est pas une mesure servant à déterminer si une personne peut ou doit participer à certaines opérations. Le seul but recherché est d'alimenter une base de données servant aux enquêtes sur les infractions de nature sexuelle.

Le sénateur Milne : Je ne sais pas à lequel d'entre vous je devrais adresser ma prochaine question, mais il me semble que ce projet de loi va créer un mécanisme en vertu duquel les individus reconnus coupables d'une infraction désignée devant la cour martiale pourraient être forcés de s'enregistrer dans une base de données nationale sur les délinquants sexuels. Je veux bien m'assurer que l'individu en question n'a alors pas le choix; est-ce bien cela?

M. O'Connor : Il n'a pas le choix, mais on pourrait le dire en des termes plus courtois.

Le sénateur Milne : Je ne m'intéresse pas vraiment aux termes courtois. Je veux simplement savoir s'il a le choix ou non.

Bgén Watkin : Non, il n'a pas le choix.

Le sénateur Milne : S'il y avait un choix et si l'individu décidait simplement de ne pas s'inscrire, alors le système perdrait toute son utilité.

M. O'Connor : Lorsqu'un tribunal en arrive à la conclusion que le nom d'un individu doit être inscrit à ce registre, personne au ministère de la Défense nationale ne peut aller à l'encontre de cette décision de la cour.

Le sénateur Milne : C'est très bien. Nous avons déjà examiné ce projet de loi. En parcourant cette nouvelle version, je constate que les changements sont assez importants, plus que ce que vous avez indiqué, par rapport à la version précédente.

Cela ne se limite donc pas à une simple mesure administrative. Le projet de loi confère de nouveaux pouvoirs discrétionnaires au chef d'état-major de la Défense et ajoute des infractions au Code criminel, par exemple celle de fournir sciemment des renseignements faux ou trompeurs.

Dans la séquence habituelle des événements, un projet de loi comportant de tels ajouts au Code criminel doit passer par la Chambre avant d'aboutir au Sénat.

Pourquoi ce projet de loi a-t-il été introduit au Sénat? Est-ce parce qu'il a déjà posé des problèmes à notre comité?

M. O'Connor : Non. Je ne suis pas leader du gouvernement en Chambre. Je suppose que c'est attribuable au grand nombre de mesures législatives actuellement soumises au Parlement. Il semblerait être de bonne guerre que le Sénat amorce l'étude de certains projets de loi pendant que la Chambre fait la même chose de son côté. Une foule de projets de loi sont actuellement à l'étude par le Parlement.

Le sénateur Milne : La plupart de ces projets de loi nous seront soumis.

M. O'Connor : Je sais. Peut-être pourrez-vous nous en renvoyer quelques-uns. Je pense qu'on essaie simplement de mieux répartir la charge de travail; c'est tout.

Le sénateur Joyal : Monsieur le ministre, lorsque vous étiez critique en matière de défense l'an dernier, il n'y a donc pas de cela très longtemps, vous avez déclaré ce qui suit : « Les délinquants reconnus coupables de n'importe quelle infraction sexuelle, sauf les plus mineures, devraient automatiquement être expulsés des forces. Les militaires qui sont reconnus coupables de telles infractions seront foutus à la porte, peu importe que nous soyons en temps de guerre ou de paix. »

C'est ce que vous avez déclaré après avoir passé 32 ans dans les Forces canadiennes. Vous connaissez donc très bien l'armée. Vous avez même obtenu le grade le plus élevé, celui de brigadier général. Je vous cite à nouveau : « Personne n'est à ce point indispensable. Les forces armées sont conçues de manière à ce que chacun de leurs membres puisse être remplacé dans chaque opération. »

Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis maintenant que vous êtes à la tête du ministère après 32 années dans les Forces canadiennes?

M. O'Connor : Je n'ai pas vraiment changé d'avis. Lorsque vous me parlez d'infractions sexuelles, je pense à des choses comme le viol et la pornographie infantile, notamment. On m'a expliqué que le ministère de la Défense nationale peut intenter des poursuites contre quiconque s'est rendu coupable d'une infraction pouvant être reliée de près ou de loin à la sexualité. Comme je l'ai indiqué, nous pourrions avoir un cas d'attouchements qui donnerait lieu à des poursuites. Si la personne est trouvée coupable, son nom se retrouvera sur le registre des délinquants sexuels.

Bien que je ne sois pas avocat, je ne placerais pas un tel cas d'attouchements au même niveau que le viol d'une personne. Je pense qu'en cas d'infractions sexuelles graves, le coupable ne devrait pas pouvoir demeurer au sein des Forces canadiennes. Personne n'est à ce point indispensable; le coupable devrait partir. Cependant, il peut y avoir des arrangements possibles en cas d'infractions beaucoup moins sérieuses, notamment lorsqu'elles sont attribuables à des facultés affaiblies par l'alcool. J'en suis arrivé à la conclusion que si les tribunaux et les instances militaires examinent le cas de l'individu et déterminent qu'il est peu probable qu'il récidive, il peut continuer à faire partie des forces. Cependant, quiconque est trouvé coupable d'une infraction grave devrait, à mon point de vue, être mis à la porte.

Le sénateur Joyal : Dans ce contexte, êtes-vous prêt à changer le règlement s'appliquant à l'armée de telle sorte que le ministère puisse définir à partir de quel moment une infraction devient grave? En conséquence, est-ce qu'une personne dont le comportement dépasserait les limites de ce que vous considérez être une infraction mineure serait automatiquement retirée du service?

M. O'Connor : C'est une simple question d'administration interne, sénateur. Il n'est pas nécessaire de modifier les lois pour ce faire. Ce sont les politiques administratives internes du ministère qui entrent en jeu.

Si nous effectuions une vérification relativement aux 20 personnes reconnues coupables d'infractions sexuelles justifiant leur inscription au registre, je suis à peu près persuadé que nous constaterions que tous ceux et celles qui ont commis une infraction grave ont soit quitté l'armé soit été incarcérés.

Je pourrais effectivement vérifier auprès des instances administratives internes de mon ministère pour m'assurer que les choses se passent ainsi. Comme je l'ai souligné, c'est en discutant avec les avocats de notre ministère que j'ai pu mieux comprendre tout ce que pouvait inclure le concept d'infraction sexuelle.

Le sénateur Joyal : J'en conclus que les avocats peuvent nous apprendre certaines choses. Par ailleurs, toutes les études menées sur la situation des femmes qui sont victimes d'infractions sexuelles ou de harcèlement en arrivent à la conclusion qu'il y a ingérence des officiers supérieurs dans l'enquête de la police militaire sur les agressions sexuelles, des tentatives des supérieurs de garder les accusations d'agressions sexuelles à l'abri des tribunaux civils, des cas de transfert en catimini des contrevenants de la base où l'agression a eu lieu, et des pressions exercées sur les victimes pour s'assurer de leur silence.

Ce sont là des conclusions très probantes. Si un traitement spécial est accordé à une personne trouvée coupable d'une infraction sexuelle, je m'attendrais à ce qu'on prenne certaines « mesures administratives » pour lutter contre ce genre d'attitude sexiste au sein de l'armée. Une telle attitude ne crée pas un climat propice au recrutement de femmes, ce qui est pourtant l'un des objectifs de nos forces armées. Je fais ici référence à la campagne de recrutement dont ma collègue, le sénateur Jaffer, vient de parler.

Il me semble que si on veut convaincre des jeunes, que ce soit des femmes ou des hommes, de se joindre à l'armée, il faut leur offrir un environnement sûr. Il faut pour ce faire prendre des mesures draconiennes afin de lutter contre le harcèlement sexuel et les attitudes sexistes des hommes à l'égard des femmes dans l'armée, étant donné que celles-ci y évoluent au sein d'un monde d'hommes.

M. O'Connor : Sénateur, je ne sais pas à quel rapport vous faites référence.

Le sénateur Joyal : Il s'agit d'un article rédigé par Marcia Kovitz qui est publié dans un ouvrage intitulé Canadian Woman Studies : Women in Conflict Zones. L'article a pour titre : « The Enemy Within : Female Soldiers in the Canadian Armed Forces. » Je peux vous en fournir un exemplaire.

M. O'Connor : J'accepte volontiers.

Nos forces militaires n'ont aucune tolérance à l'égard du harcèlement sexuel dans un sens ou dans l'autre. Il n'y a pas de système parfait et il arrive, de temps à autre, qu'une personne s'en tire après avoir posé un geste inapproprié. Je suis cependant convaincu que, dans la grande majorité des cas, une personne dont les agissements sont considérés inappropriés du point de vue sexuel se verra inculpée et trouvée coupable. Il n'y a pas de favoritisme.

Nous encourageons les femmes à joindre les rangs des Forces canadiennes. Nous voulons que nos Forces armées soient aussi représentatives que possible de la société canadienne. Je pense que nous avons réalisé de grands progrès à ce chapitre. La Défense nationale a multiplié les efforts pour inciter les femmes à s'enrôler. Nous avons permis aux femmes de grimper dans la chaîne de commandement. Il y a maintenant trois ou quatre femmes qui ont le grade de général et il y en aura probablement encore davantage à l'avenir. On retrouve des femmes à tous les échelons. Elles peuvent disposer de tous les pouvoirs qui sont accessibles aux autres militaires. Il n'y aucune tentative délibérée pour priver les femmes de leurs droits ou obtenir quelque résultat de ce genre.

Je suis tout à fait disposé à prendre connaissance de ce rapport, mais je ne sais pas s'il est conforme à la réalité de 2006.

Le sénateur Joyal : Je me préoccupe également du fait que les victimes d'infractions sexuelles au sein de l'armée ne sont pas indemnisées, alors que les agents de police qui sont agressés dans le cadre de leur travail peuvent demander une telle indemnisation. Je ne comprends pas pourquoi les femmes militaires qui sont victimes d'infractions sexuelles ne pourraient pas avoir droit à une indemnisation suffisante et aux mesures de soutien nécessaires, comme c'est le cas pour les membres des forces policières.

M. O'Connor : Je suppose que vous parlez de l'indemnisation offerte aux victimes à l'échelon provincial.

Le sénateur Joyal : La difficulté vient du fait que les femmes au sein de l'armée canadienne relèvent en quelque sorte des provinces; certaines provinces ont des régimes d'indemnisation, d'autres non. Le problème c'est que ces femmes travaillent pour le gouvernement du Canada, pour le peuple canadien; elles ne sont pas à l'emploi du gouvernement provincial. Je n'arrive pas à comprendre que les Forces armées canadiennes ne puissent pas, en 2006, mettre sur pied un programme d'indemnisation pour les gens qui sont à leur service.

Bgén Watkin : Il n'existe pas au sein des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale de régime consacré spécifiquement à l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Cette indemnisation doit donc provenir des régimes provinciaux, selon ce qu'offrent à cet égard les différentes provinces.

Dans une lettre adressée au comité sénatorial le 3 novembre 2005, on expliquait le mode de fonctionnement du système de justice militaire en matière de police et de traitement des victimes. Il y a également une lettre datée du 22 novembre 2005 qui traitait précisément de l'indemnisation des victimes d'actes criminels. Parmi les options possibles, on note les poursuites judiciaires et la création d'un régime de pension qui permettrait de présenter des demandes d'indemnisation. C'est ce qui est en place actuellement.

Cette question déborde toutefois complètement du cadre du projet de loi actuellement à l'étude.

Le sénateur Joyal : Je comprends très bien cela, mais vous nous demandez de créer un régime spécial pour tenir compte des conditions particulières dans lesquelles les Forces armées canadiennes s'acquittent de leur mandat et nous sommes tout à fait conscients de ce besoin. Vous nous demandez d'accorder au chef d'état-major de la Défense le pouvoir de reporter l'inscription au registre pour les motifs énoncés à l'article 227.16, premier paragraphe, puis deuxième paragraphe, et ainsi de suite.

En toute équité, je crois que si nous devons créer un régime spécial à votre intention, il nous faut bien comprendre la situation dans laquelle se retrouvent les victimes de ces infractions. Le but visé n'est pas de s'opposer à vos demandes relativement à ce projet de loi — je suis tout à fait d'accord avec le principe visé — mais on veut seulement trouver une solution équilibrée pour les victimes qui le plus souvent sont des femmes.

Les femmes sont en quelque sorte désavantagées lorsqu'elles sont dans l'armée parce qu'elles sont moins nombreuses et que, par le passé, elles ont fait l'objet de discrimination. Elles font plus souvent l'objet de harcèlement de la part de leurs homologues masculins et elles en sont plus souvent les victimes. On peut le constater dans la liste des vingt cas d'infractions qu'a mentionnés le ministre.

L'essentiel, c'est de faire en sorte que le système, en reconnaissant l'existence du contexte particulier au sein duquel l'armée exécute ses opérations internationales et les opérations liées à la sécurité et à la défense, peut compenser et s'occuper des victimes parce qu'elles font de leur mieux, selon leur formation, pour exécuter la tâche qui leur a été confiée.

Bgén Watkin : Il importe selon moi de situer en contexte ce que projette de faire la loi à l'étude. Par exemple, elle prévoit le pouvoir d'établir des centres spéciaux d'inscription, qui incluraient les opérations internationales ou les opérations menées au Canada même, la capacité de s'enregistrer qui, par exemple, ne s'appliquerait pas à un citoyen canadien à l'étranger, sous le régime civil. En d'autres mots, un centre spécial d'inscription pourrait être établi sur le théâtre des opérations pour que le membre des Forces canadiennes qui se trouve à l'étranger puisse continuer de communiquer les renseignements exigés. Sous le régime civil, le citoyen donnerait avis qu'il quitte le pays dans les 15 jours et fournirait la date de son retour. Nous avons prévu les mêmes dispositions parce que les lois du Canada continuent de s'appliquer à nous quand nous sommes à l'étranger, de sorte que cette capacité d'obtenir les données s'ajouterait à ce qui existe déjà. Nous fournirions donc des données, en fait, même si le membre des forces se trouvait à l'extérieur du Canada.

En principe, le CEMD peut exercer son pouvoir de discrétion de deux façons différentes. La loi l'autorise à suspendre provisoirement les échéances. Il pourrait le faire entre autres pour des membres des Forces canadiennes qui sont jugés coupables d'infraction à caractère sexuel et qui souhaitent exercer leurs droits devant les tribunaux du Canada. Les échéances les concernant seraient prolongées pour leur permettre de le faire à leur retour au pays ou à la fin d'une opération menée dans une région isolée du Canada où il n'y a pas d'accès aux tribunaux.

La deuxième partie de la suspension provisoire consisterait à retarder l'inscription au registre, mais uniquement dans des cas isolés. Il importe de situer en contexte ces cas isolés et les conditions dans lesquelles l'enregistrement serait retardé. Le système judiciaire s'est déjà prononcé à leur sujet, les a déjà condamnés et a déjà prononcé la sentence.

Je m'explique : la deuxième partie concerne la sécurité nationale, les relations internationales et les opérations désignées. On vise simplement ainsi à inviter la diffusion de certaines informations. Cela n'a rien à voir avec le fait qu'un militaire est enregistré comme délinquant sexuel. On craint plutôt que certaines informations soient de nature telle qu'elles pourraient nuire à la sécurité des opérations et compromettre la sécurité de soldats canadiens si le lieu de déploiement d'un groupe était connu.

Dans ce contexte, le CEMD s'acquitte de deux obligations, soit celle de servir son pays et celle de communiquer de l'information sous le régime prévu.

Le sénateur Rivest : Il n'est pas seulement question d'indemniser; les victimes ont besoin d'aide. L'armée a-t-elle en place un programme pour aider les victimes de transgresseurs sexuels, comme il en existe dans le régime civil?

M. O'Connor : Je n'ai pas de détail, mais le ministère de la Défense a son propre système médical et il prend soin de ses soldats, que les blessures soient physiques ou psychologiques. Nous voyons à leur bien-être global. Nous avons quelque cinq cliniques de psychologie réparties au pays pour prendre en charge les personnes qui seraient soit victimes d'une agression sexuelle ou qui seraient atteintes du syndrome de stress post-traumatique.

Bien que je n'aie pas les détails avec moi, nous avons en place un réseau très complet pour soigner les personnes qui ont des troubles psychologiques.

Le sénateur Rivest : Existe-t-il un programme?

M. O'Connor : Il y en a un.

Le sénateur Rivest : Est-il réservé aux membres des Forces armées ou inclut-il toutes les victimes?

M. O'Connor : Non, il est réservé aux membres des Forces canadiennes.

Le sénateur Rivest : Et qu'arrive-il aux victimes?

M. O'Connor : Si nous supposons au départ que nous sommes au Canada, la victime aurait accès aux programmes provinciaux.

Le sénateur Joyal a parlé d'aider les victimes. Je ne suis pas juriste, de sorte que je vais essayer de vous répondre en me fiant à mon gros bon sens. Je ne connais pas tous les détails d'ordre technique; toutefois, la victime devrait obtenir une aide provinciale si possible.

Au sein de mon propre ministère, il est arrivé, rarement mais cela s'est vu, que certains n'aient pas eu accès à une aide provinciale pour diverses raisons. Il faudrait peut-être prévoir quelque chose pour ce genre de cas rare. Donc, dans un contexte tout à fait distinct de la loi à l'étude, j'examinerai la situation.

Le sénateur Andreychuk : Monsieur le ministre, le comité avait de nombreuses préoccupations quand il a été saisi du projet de loi, mais l'une de celles qui a retenu mon attention a été la question des infractions à caractère sexuel. Je tenais à avoir l'assurance qu'un Canadien demeure un Canadien et une infraction, une infraction. Que les infractions soient commises dans un contexte militaire ou dans la rue au Canada, nous affirmons que c'est un acte intolérable. Nous souhaitons que les normes qui s'appliquent soient les mêmes, que soient abolies les différences dans les chefs d'accusation.

Nous comprenons tous, je crois, que le théâtre d'opérations militaires est différent. Une preuve convaincante en a été faite. Nous allons examiner le projet de loi de près pour vérifier qu'on a tenu compte de nos préoccupations.

Le registre est un système d'alarme pour faire en sorte que la situation ne se reproduise pas. Ce que je crains, c'est que s'il existe des dispositions d'exonération de responsabilité ou si les Forces canadiennes peuvent taire de l'information en raison de l'intérêt national ou du théâtre d'engagement, il nous faudra attendre pour savoir si vous avez atteint un juste équilibre à cet égard.

Même si c'est le cas, quand vous êtes en pleine opération sur le terrain, qu'elle sera votre priorité : la réussite d'une opération ou la défense de quelqu'un qui pourrait être victime d'agression sexuelle? Offrira-t-on la formation et mettra- t-on en place les protocoles voulus pour bien signaler que la question est grave? Il faut réfléchir avec soin à ces questions dans l'intérêt des éventuelles victimes.

M. O'Connor : Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous prenons au sérieux toutes les infractions à caractère sexuel. Nous entamons des poursuites dès qu'elles sont connues. Certains cas — le sénateur Joyal en a mentionné qui étaient tirés d'une étude — étaient théoriquement inconnus. Cependant, s'ils sont connus, nous entamons des poursuites. Nous laissons la justice suivre son cours. Des jugements sont rendus et, si quelqu'un est jugé coupable d'une infraction à caractère sexuel qui mérite d'être signalée au registre, les tribunaux l'obligeront à s'inscrire au registre.

Le projet de loi à l'étude envisage la possibilité qu'il pourrait y avoir une période, essentiellement courte, durant laquelle le nom de la personne ne figure pas au registre. Autre problème, il peut arriver qu'une personne dont le nom figure au registre et qui est déclarée coupable d'infractions à caractère sexuel de moindre gravité puisse être maintenue dans les forces armées. Les Forces canadiennes ne veulent pas que les unités soient suivies par le registre. C'est pourquoi on a envisagé de pareils scénarios.

Une fois que les tribunaux, qu'ils soient militaires ou civils, décident qu'une personne doit figurer au registre des délinquants sexuels, c'est ce qui arrivera. La suspension n'est que provisoire et de très courte durée. On ne peut pas contourner la décision d'un tribunal.

Le sénateur Andreychuk : Y aura-t-il des protocoles et des manuels pour l'interprétation de la loi? Manifestement, au début, quand le projet de loi aura été adopté, il en sera question. Toutefois, cinq ans plus tard, il faudrait que cette préoccupation soit tout aussi centrale. On ne peut le faire, au sein d'un régime, qu'en mettant en place des protocoles, des manuels ou des lignes directrices.

M. O'Connor : Je vais demander au brigadier général de répondre à la question.

Dans nos dossiers actuels, nous avons recensé 20 cas en cinq années et demie, ce qui donne une moyenne de trois cas et demi par année. Il est aussi question, en théorie, d'un CEMD qui prendrait de pareilles décisions. Il le ferait probablement très rarement. Sur les 20 cas de délinquance sexuelle — soit dit en passant, la plupart de ces personnes ne sont plus dans les forces —, il sera très rare que quiconque utilise ce pouvoir. Nous demandons qu'il soit prévu dans le projet de loi à l'étude pour ne pas nuire aux opérations. Ce sera un événement d'une très grande rareté.

Bgén Watkin : La question, en termes de politique, concerne la façon dont ces cas seront traités, et le projet de loi confère à cet égard certaines responsabilités au prévôt. L'enregistrement se fera, c'est sûr. Le projet de loi dispose également que le commandant ou le chef d'état-major de la Défense y aura accès aux fins d'administration du registre. Manifestement, il faudra prévoir une certaine forme de politique concernant la véritable façon dont le registre est administré au sein des Forces canadiennes.

J'ai déjà mentionné la disposition établissant un centre spécial d'inscription, par exemple, à l'étranger ou ailleurs selon les besoins et, évidemment, il faudra l'encadrer.

Pour ce qui est du pouvoir discrétionnaire qui pourrait être appliqué à des cas individuels, comme le ministre l'a mentionné, on prévoit que ce pouvoir sera si rarement exercé qu'il faudrait pouvoir l'examiner en termes du cadre stratégique requis pour en traiter. De toute évidence, on pourrait recourir à des conseillers et à des conseils juridiques pour décider de la façon dont le pouvoir discrétionnaire pourrait être exercé.

C'est ainsi que je conçois l'application concrète du système.

Le sénateur Andreychuk : Il faudrait le faire en tenant compte du fait que la préoccupation ne concerne pas uniquement le registre des délinquants sexuels. On souhaite qu'il y ait traitement équitable. Aucun comportement déplacé, que ce soit sur le plan juridique ou autrement, ne devrait être toléré. Je crois qu'on crée ainsi une culture qui est inacceptable.

Je n'évalue pas la situation en fonction du nombre de mises en accusation. Je l'évalue plutôt en fonction du sentiment d'aise, anecdotique ou autre, dont on entend parler dans les forces : à quel point les personnes se sentent-elles à l'aise de s'exprimer ouvertement si la situation se présente? Vivent-elles dans la crainte ou une certaine intimidation? C'était là un problème des années 1990 plus qui semble avoir perdu de son acuité, et il faut peut-être en refaire l'examen.

Le sénateur Nolin : J'aimerais avoir des précisions sur ces cas exceptionnels où le CEMD peut exercer son pouvoir discrétionnaire.

Tout d'abord, monsieur le ministre, dans votre déclaration liminaire, vous avez mentionné une nouvelle caractéristique du projet de loi, soit que le CEMD vous signalerait les cas où de pareilles exceptions seront invoquées. Ai-je bien compris?

M. O'Connor : Oui.

Le sénateur Nolin : Cela signifie que vous seriez, en tant que ministre, informé dès que le CEMD décide de recourir à ces exceptions?

M. O'Connor : En fait, de mon point de vue, il ne pourrait pas prendre la décision avant d'en aviser le ministre.

Le sénateur Nolin : Vous venez tout juste d'ajouter un autre élément important. Quand vous avez parlé d'une courte période, est-il vrai qu'il est question de jours, non pas de mois ou d'années? Est-il question de périodes particulières de suspension? Le brigadier général peut peut-être répondre à cette question.

Bgén Watkin : Pour vous donner un exemple, supposons qu'il y a un incendie de forêt en Colombie-Britannique et qu'un grand nombre de troupes sont déployées dans un secteur isolé pour combattre l'incendie pendant deux mois. Au cours de ces deux mois, un membre des forces est inscrit au registre des délinquants sexuels et doit communiquer des renseignements sur ses allées et venues dans les 12 mois, entre le onzième mois et la fin de l'année. Cette personne n'est peut-être pas en mesure de communiquer les renseignements. L'opération pourrait prendre fin un mois après la période durant laquelle elle devait le faire. Par conséquent, le chef d'état-major de la Défense pourrait décréter une suspension temporaire jusqu'au treizième mois, moment auquel la personne pourrait faire sa déclaration.

La durée de la période est fonction de la nature de l'opération. Certaines opérations durent six mois, mais certaines sont beaucoup plus courtes. La suspension dépend des faits.

Le sénateur Nolin : Je parlais de jours parce que le nouvel article 227.15 proposé mentionne une période de 45 jours. C'est pourquoi j'ai soulevé le point. Comment calculons-nous les 45 jours?

Bgén Watkin : Ce serait en termes de prolongation des périodes jusqu'à ce que la personne revienne de l'opération. La personne a 45 jours pour exercer ses droits. Ainsi, si elle souhaite interjeter appel mais qu'elle fait partie d'une opération éloignée, à son retour, la période pourrait avoir pris fin. La personne serait ainsi incapable d'interjeter appel ou de demander une ordonnance de suspension, et cette période lui permettrait de le faire. C'est à ce moment-là que débuterait le compte à rebours.

Le président : Monsieur le ministre, vous avez épuisé le temps qui vous était alloué.

M. O'Connor : J'aimerais simplement dire quelques mots, en guise de conclusion, avant de partir. Quand j'étais dans l'opposition, le projet de loi me causait des difficultés, et je vous en ai expliqué une.

Nous parlons de situations hypothétiques futures, d'un CEMD et d'un ministre théoriques. Le CEMD aurait le pouvoir de suspendre l'enregistrement. Je crois qu'il avait un autre droit. C'est pourquoi je tenais à une certaine reddition de comptes, à ce que le CEMD soit obligé d'aviser le ministre. Le ministre n'a pas accès au registre, soit dit en passant. Il ignore qu'il s'agit du caporal Tremblay et qu'il a fait ceci ou cela.

Le président : Comme il se doit.

M. O'Connor : Il faudrait que le CEMD dise au ministre : « J'ai une personne qui a été reconnue coupable de telle et telle chose ». Il serait ensuite obligé d'expliquer pourquoi il entend prendre telle décision. Le CEMD doit défendre ses décisions auprès de l'autorité politique. C'est là une mesure qui s'impose pour exercer un certain contrôle.

À nouveau, de pareilles situations sont très rares, selon moi, mais même alors, parce que nous jouons avec le système de justice, je tiens à faire en sorte que l'autorité politique entre en jeu.

Le président : Monsieur le ministre, au nom du comité, je tiens à vous remercier vivement d'avoir répondu à notre invitation et de nous avoir consacré du temps. Je sais que vous avez d'autres engagements, mais votre présence ici signifie beaucoup pour nous et nous permet de mieux comprendre cette importante mesure législative. Je crois également savoir que le brigadier-général Watkin peut demeurer des nôtres. J'ai une longue liste de sénateurs qui souhaitent l'interroger.

Monsieur le ministre, à nouveau, nous vous sommes très reconnaissants.

M. O'Connor : Je vous remercie beaucoup, honorables sénateurs.

Le sénateur Baker : J'aimerais souhaiter la bienvenue au juge. Il a dit que c'était la première fois qu'il comparaissait devant le comité; cependant, ce n'est pas la première fois qu'il vient témoigner dans le cadre d'audiences publiques. Certains de ces comités n'avaient pas la grande sagesse si caractéristique de notre comité. À ma droite, se trouve un ex- juge, et le président est un ex-professeur de droit. Vous vous trouvez de l'autre côté. Vous avez fait partie du groupe d'experts de l'enquête en Somalie, n'est-ce pas?

Bgén Watkin : J'étais le conseiller juridique de ce groupe.

Le sénateur Baker : Le nom Joyal vous est donc familier, celui du juge de la Cour fédérale qui a rendu la décision dans cette enquête. Vous êtes de ce camp-là.

Ma question est légèrement technique. Elle concerne ce qui semble être de nombreuses décisions de vos juges concernant des empiètements sur la Constitution de certains articles de la loi. Je remarque, par exemple, qu'au cours de la dernière année, votre cour d'appel a déclaré, dans une affaire d'agression sexuelle, que la disposition concernant le mode d'instruction était peut-être inconstitutionnelle. Vous souvenez-vous de cette affaire au sujet du mode d'instruction décidé par le procureur? C'était une décision unanime rendue par votre cour d'appel que personne n'a vu venir.

Ils ont commencé par reprendre l'instruction du chef d'accusation, ce qui ne se voit pas habituellement; il s'agissait d'une accusation d'agression sexuelle. Pour votre bénéfice, je précise qu'il s'agissait de l'affaire R. c. Nystrom, et elle a été entendue au cours de la dernière année. Le juge s'est ensuite lancé dans une critique, la présentant comme voici, au paragraphe 64 : « Bien qu'il ne soit pas nécessaire de discuter de la constitutionnalité de l'article 165.14 de la loi, je suis incapable d'ignorer la vive préoccupation suscitée par cette disposition, particulièrement compte tenu du contexte expansionniste récent du système de justice pénale militaire ».

Il a ensuite souligné l'article dans lequel votre procureur décide du mode d'instruction, alors que dans les cours civiles, il en va tout autrement puisque c'est l'accusé qui décide. Il s'est ensuite lancé, avec l'assentiment des autres juges, dans l'analyse d'une violation de la Charte des droits et des libertés.

Comme si ce n'était pas suffisant, il y a quelques mois, une autre affaire, notamment R. v. Parsons, dans laquelle un de vos juges, le juge Lamont — êtes-vous au courant de l'affaire?

Bgén Watkin : Je suis au courant.

Le sénateur Baker : J'ai bien pensé que vous le seriez, parce qu'il a invalidé quatre de vos règlements d'application de la Loi sur la défense nationale comme étant contraires à la Chartre, c'est-à-dire inconstitutionnels. Toutes les poursuites en sont affectées. Si votre cour est saisie d'une affaire et qu'il y a contestation de sa constitutionnalité, voilà qui met fin à l'accusation; alors peut-être vaudrait-il mieux régler la question de la constitutionnalité.

J'ignore si ma question est honnête, mais avez-vous suggéré au ministre de peut-être prolonger le mandat de vos juges, les rémunérer davantage et leur offrir un meilleur programme de retraite?

Le sénateur Nolin : Nous avons déjà eu cette discussion dans le passé, rappelez-vous.

Le sénateur Baker : Ce jugement ne date que de quelques mois. Beaucoup d'entre nous lisent la jurisprudence, et nous voyons toutes ces décisions. Je ne vous envie pas votre position, parce que les problèmes constitutionnels qu'avait prévus le juge en chef Lamer il y a deux ans, quand il a examiné votre loi, se manifestent partout. Avant 1998, je crois, vous ne pouviez pas poursuivre pour agression sexuelle. Dans la grande réforme de votre système de justice que nous avons effectuée quand j'étais membre du gouvernement en 1998 et qui a mené à tous ces problèmes, aucune des suggestions de changement faites par le juge Lamer n'a été retenue. Les problèmes font maintenant surface dans toutes ces décisions rendues par vos juges, décrites avec raison par la défense comme étant contraires à la Charte.

Avez-vous des observations d'ordre général à faire à ce sujet? Soit dit en passant, il est toujours question de la même chose, soit de la durée du mandat. Le gouvernement souhaite que le nôtre soit de huit ans. Le vôtre est de cinq ans. Tous les cinq ans, votre juge perd son emploi et doit présenter à nouveau une demande à un groupe de trois personnes, dont deux sont nommées par le ministre.

Avez-vous quoi que ce soit à dire ou pouvez-vous nous dire quoi que ce soit au sujet de ces questions?

Bgén Watkin : Je vais certes essayer de répondre au plus grand nombre de questions possible et je ferai de mon mieux.

Ce que vous avez décrit en termes d'argument constitutionnel présenté à la cour et les décisions des cours comme telles, que ce soit en première instance ou à la cour d'appel de la Cour martiale — et les cours sont composées de juges de la Cour fédérale ou de cours supérieures des provinces — illustre à quel point notre système est évolutif. C'est un excellent moyen d'illustrer que la Charte s'applique aux décisions rendues par le système de justice militaire. Tout comme le système de justice civil, le nôtre devrait pouvoir être contesté. C'est un autre exemple illustrant à quel point nos officiers, des officiers en uniforme, lorsqu'ils sont chargés de voir aux droits de l'accusé qu'ils ont été mandatés pour défendre, le font rigoureusement. Je vois cela comme un très bel exemple du système de justice militaire canadien. Pour ce qui est des décisions de la cour, elles sont analysées et font l'objet de réactions tout comme celles du système de justice civil, où chaque jour, leur constitutionnalité est contestée. Certaines de ces contestations affectent la structure du système alors que d'autres sont des droits invoqués en vertu de la Charte canadienne des droits et des libertés. J'y vois là un élément positif.

Je ne peux pas me prononcer sur les juges eux-mêmes, et je ne le voudrais pas non plus, parce qu'ils sont indépendants, ce qui constitue un autre exemple de l'aspect constitutionnel. Les questions que vous avez soulevées visent surtout leur indépendance. Bien sûr, elle a déjà été contestée. À la Cour suprême du Canada, il y a eu l'affaire Généreux c. La Reine en 1992. En conséquence, le système a changé par modification de la Loi sur la défense nationale, et le Parlement est actuellement saisi du projet de loi C-7, qui contient des propositions de dispositions sur la durée du mandat des juges. C'est un autre exemple du dynamisme du système et de ses réactions.

Concernant des révisions aux cinq ans, comme le juge en chef Lamer l'avait effectivement recommandé, je répète que l'obligation juridique de réexaminer le système judiciaire militaire va contribuer à ce qu'il reste au diapason avec les normes en évolution de la société et le système de justice pénale.

Le sénateur Baker : J'ai acquis une grande expérience des lois à la Chambre des communes en tant que député ordinaire et je me rappelle d'un arrêt de la Cour suprême du Canada, en 1980, que vos juges utilisent encore aujourd'hui, celui de l'affaire R. c. MacKay, si je ne me trompe pas; est-ce exact?

Bgén Watkin : C'est juste, monsieur le sénateur.

Le sénateur Baker : Selon cet arrêt, qui demeure tout à fait pertinent, dans votre système de justice, par exemple, on n'a toujours pas de choix relativement à l'enquête préliminaire. Le principe d'autrefois acquit ne s'applique pas. C'est ce qu'on trouve dans le jugement MacKay. Peut-être le juge pourrait-il vérifier si une personne accusée devant une cour martiale, comme le juge Dixon l'a souligné en 1980 et comme on l'a répété dans l'affaire Parsons en janvier dernier, pourrait aussi faire l'objet de poursuites devant un tribunal civil pour la même infraction, alors que l'inverse est impossible, pour que la décision soit renversée.

Les différences sont si grandes entre les systèmes. Est-ce inévitable lorsque les accusations se fondent sur le Code criminel? Il est très inhabituel pour nous, monsieur le juge, de voir autant de contestations en vertu de la Charte qu'il y en a dans les jugements récents de vos tribunaux.

Est-ce seulement que le système est dysfonctionnel, que ce que nous vous demandons de faire n'est pas possible? C'est de notre faute à nous, les politiciens. C'est nous qui avons élargi le rôle de vos tribunaux. Est-ce seulement qu'il n'est pas possible de juger d'un système complètement différent en fonction des mêmes normes d'examen découlant de la Charte?

Bgén Watkin : Je dois clarifier une chose. Mon titre est juge-avocat général, mais en réalité, je ne suis pas juge. Je tenais à le préciser pour tous les juges ou anciens juges à la table.

Le sénateur Baker : Vous n'avez donc pas de mandat de cinq ans.

Bgén Watkin : Je suis nommé pour quatre ans.

Le sénateur Baker : Qui s'occupe du renouvellement de votre mandat? Est-ce le gouverneur en conseil?

Bgén Watkin : J'ai été nommé par le gouverneur en conseil, donc il y a certainement une disposition sur le renouvellement de mon mandat dans la loi, mais il me reste trois ans et demi.

Concernant la procédure elle-même, il y a l'autrefois acquit et l'autrefois convict.

Le sénateur Baker : Je fais référence au jugement MacKay prononcé par le juge en chef Dixon.

Bgén Watkin : Bien entendu, cette décision a été rendue en 1980, et nous sommes maintenant en 2006. J'oublie la date exacte. En fait, je dirais exactement le contraire. Comme on l'a établi dans des modifications à la loi à la fin des années 1990 et par le maintien des dispositions prescrivant une révision tous les cinq ans, il était clair qu'il fallait que le système de justice militaire nous permette de régler les problèmes de discipline au sein des Forces canadiennes, non seulement au Canada mais aussi à l'extérieur du pays, en fonction du type d'opération auquel nous participons.

Concernant la robustesse du système judiciaire, il est normal qu'il fasse l'objet de contestations en vertu de la Charte, comme je l'ai déjà dit. Lorsque je revêts mon uniforme, j'assume mes obligations de service envers le pays tout en conservant mon droit de citoyen ordinaire d'être protégé par la Charte.

Le sénateur Baker : Qu'arrive-t-il après que l'un de vos juges en prend la décision? Cela correspond au paragraphe 131 de la décision Parsons 2006, 3029, Carswell National :

Il y aura donc une déclaration selon laquelle les ORFC 101.15(2), 101.15(3) et 101.17(2) ne sont pas conformes à l'alinéa 11d) et par conséquent, n'ont pas force de loi.

Au paragraphe 138 de son jugement, le juge dit ce qui suit :

L'intimé demande à la cour de suspendre toute déclaration d'invalidité qu'elle prendra si cette déclaration a pour résultat de faire perdre le pouvoir aux juges militaires de présider aux cours martiales.

Un peu plus loin, au paragraphe 141, le juge ajoute :

À mon avis, la suspension des déclarations que j'ai faites dans ce cas-ci n'est pas justifiée.

Lorsqu'il y a des jugements comme celui-ci qui annulent des articles de règlement, quelles mesures prenez-vous? Évidemment, il ne pourrait pas y avoir d'autres poursuites par application de ces dispositions. Stare decisis : on ne peut pas faire la même chose qu'une autre personne à la même instance judiciaire.

Bgén Watkin : J'hésite un peu à vous répondre, parce que cette affaire est peut-être en appel.

Le sénateur Baker : Ce sera le 31 janvier.

Bgén Watkin : J'aimerais le confirmer avant de vous répondre. Je n'en suis pas certain, sénateur.

Le sénateur Baker : Les questions que je vous pose portent sur des affaires concernant directement l'objet du projet de loi qu'étudie notre comité. Je déteste corriger un juge. Cela ne m'était jamais arrivé avant. J'ai déjà corrigé un professeur, mais jamais un juge.

Il y a une décision de la Cour d'appel qui n'a pas été portée en appel, celle de Nystrom, par laquelle les législateurs se sont fait dire que l'article 165.14 de la loi, qui porte sur le choix du mode d'instruction, est inconstitutionnel. Que faites-vous dans ce cas précis? Le ministère de la Justice s'est-il donné pour mot d'ordre d'en prendre simplement bonne note ou d'en prendre note et peut-être, par le cabinet du ministre, de trouver une solution à ce problème?

Bgén Watkin : Bien sûr, j'en prends note, parce que je suis le chef du système de justice militaire. Mon titre est juge- avocat général. En fait, la fonction que j'exerce ressemble beaucoup à celle d'un procureur général. Évidemment, il faudra revoir la décision Nystrom, déterminer si ce sont les faits qui ont été soumis au tribunal ou si cette position du juge était une remarque incidente.

Le sénateur Baker : À la Cour d'appel.

Bgén Watkin : À la Cour d'appel, oui. Nous devrons ensuite nous demander quelles sont les options. Je pourrais certainement revenir comparaître devant ce comité ou présenter au directeur des poursuites militaires une politique sur la façon de déterminer le mode d'instruction, si cela peut aider le comité.

Le président : Il nous reste 11 minutes.

Le sénateur Jaffer : Je ne voulais pas poser la question au ministre parce qu'elle est un peu technique. Je suis inquiète. Le ministre a dit que nous ne voulions pas nous enregistrer parce que nous ne voulions pas qu'on puisse déterminer où les personnes ou les opérations sont rendues. D'après ce que je comprends de l'enregistrement, les seules personnes qui y ont accès sont les membres de la GRC, donc je suis un peu perplexe quant à cette poursuite. Pouvez- vous nous expliquer tout cela?

Bgén Watkin : La base de données est administrée par la GRC, mais d'après ce que je comprends, on estime qu'il y a 60 000 policiers qui vont y avoir accès. En fait, la grande majorité des infractions faisant l'objet d'enquêtes à l'échelle provinciale vont y être. Je vais vous donner un exemple. Supposons qu'il y a un déploiement de soldats dans le cadre d'une opération à l'étranger. On ne veut pas déclarer combien de temps durera l'opération ni la date de retour. Ces renseignements ne seront pas fournis : la durée et la date de retour des opérations à l'étranger.

Au Canada, supposons qu'il y a une conférence mondiale et que nous devons assurer une protection rapprochée. On ne veut pas déclarer la durée de l'opération, la date de retour ni l'adresse, le lieu d'intervention, parce qu'évidemment, cela donnerait de l'information opérationnelle sur l'endroit où se trouve l'unité. Ces renseignements ne seraient pas fournis. C'est de portée assez limitée.

Dans le contexte d'opérations, ce sont des renseignements qui pourraient être utilisés par des personnes qui autrement, n'auraient pas le droit d'y avoir accès. Ce serait hors du contrôle du ministère à ce moment-là, évidemment, et je parle de l'emplacement des unités militaires.

Le sénateur Jaffer : Je ne veux pas donner l'impression que tout le monde a accès à ces renseignements. Seuls quelques privilégiés y ont accès, 60 000 personnes, mais ce sont des personnes en position d'autorité. L'accès à cette information n'est pas ouvert à tous.

Bgén Watkin : De plus, ces personnes doivent avoir une raison pour accéder à ces renseignements et elle doit être liée à une infraction sexuelle. Il ne suffit pas d'être policier pour avoir le droit d'accéder à ces renseignements.

Le sénateur Jaffer : Ce qui m'inquiète, c'est la protection. Je ne suis pas très à l'aise avec cette réponse.

J'ai beaucoup de misère à accepter les réponses qui nous ont été données sur le nombre de personnes accusées. Nous savons tous que tous les cas ne sont pas déclarés.

Avant d'être en politique, je travaillais avec le général de Chastelain, et je sais qu'il est encore plus difficile dans l'armée qu'ailleurs, si l'on veut une carrière dans l'armée, de déclarer ces cas. Je ne suis pas en train de faire une déclaration politique. C'est simplement la vie dans l'armée.

Je suis très inquiète. Je vous en parle parce que j'aimerais savoir quel type d'environnement vous créez au sein des Forces canadiennes pour qu'on puisse déclarer ces infractions. Selon l'expérience que j'ai acquise lorsque je faisais partie du groupe sur la violence faite aux femmes, les femmes dans l'armée qui déclarent un tel crime voient leur carrière terminée.

J'aimerais savoir quel type d'environnement vous créez pour que ces personnes puissent déclarer ces cas et continuer d'avancer dans l'armée. Lorsque je parle de l'armée, je pense aux Forces canadiennes.

Bgén Watkin : Vous pourriez peut-être inviter des responsables de l'administration des questions de harcèlement et des questions connexes à comparaître devant vous.

Pour vous répondre, il est clair qu'il y a eu des problèmes d'abus, et non seulement d'abus sexuels, mais d'abus et de harcèlement dans les forces armées dans les années 1990. Nous avons pris des mesures importantes pour y remédier. Le système de justice militaire se fonde sur des lois criminelles, parce qu'il expose les contrevenants à des sanctions d'emprisonnement ou de détention, entre autres. Cependant, le harcèlement lui-même est beaucoup plus vaste.

Notre objectif est d'éliminer le harcèlement, particulièrement le harcèlement sexuel, du milieu de travail, et cela non seulement en raison de la nature du harcèlement sexuel. Nous sommes dans une organisation hiérarchique. La nature de l'organisation elle-même fait donc augmenter le risque d'abus de pouvoir.

Au ministère, il y a un modèle de règlement des problèmes de harcèlement axé sur la nature du problème. Nous avons des conseillers sur le harcèlement dans les unités, et les femmes ou les hommes peuvent les consulter. Statistiquement, ce sont surtout les femmes qui sont victimes de harcèlement sexuel. La création du bureau de l'ombudsman et d'autres bureaux semblables, qui permettent de signaler un problème dans la chaîne de commandement, est un élément de la solution à ce problème.

Parfois, le problème de harcèlement se règle à un niveau inférieur, lorsque les deux parties s'entendent. Parfois, il faut le régler à un niveau plus officiel. Nous avons des politiques sur le personnel portant sur les affaires de harcèlement sexuel qui n'atteignent pas le niveau criminel. Comme je l'ai déjà dit, nous nous occupons des problèmes d'agression sexuelle parce que nous avons conscience de vivre dans un environnement social différent de celui de nos concitoyens et qu'il y a un risque d'abus de pouvoir.

Le SNE fait enquête, puis la chaîne de commandement prend des mesures. Ce n'est pas parfait. Nous pourrions améliorer tous nos systèmes. Cependant, lorsque je regarde mon service, qui existe depuis plus de 24 ans, mais où je suis avocat depuis 24 ans, je vois qu'on y déploie vraiment des efforts importants pour régler ce problème et mettre en place des politiques et des procédures pour gérer ce type de problème.

Le sénateur Jaffer : Cela me dérange que vous parliez d'environnement social. Nous vivons tous dans des environnements sociaux. Nous travaillons dans des environnements sociaux. Je préférerais que nous trouvions une autre façon de voir, parce que nous vivons tous dans des environnements sociaux. C'est difficile.

Il y a deux choses qui me préoccupent aujourd'hui. La première, c'est que n'importe qui qui travaille à ce dossier sait que même s'il n'y a que quelques poursuites, il y a beaucoup d'autres cas non déclarés — pas seulement dans l'armée, partout. Le fait qu'il n'y ait pas beaucoup de cas déclarés ne signifie pas qu'il n'y en a pas d'autres. La deuxième, c'est que nous vivons tous dans des environnements sociaux, j'ai donc de la difficulté avec ces deux concepts.

Bgén Watkin : Lorsque nous disons qu'il y a quelques cas, nous parlons de ceux où des accusations ont été portées devant des cours martiales et non des cas de harcèlement sexuel ou de harcèlement en général. Concernant le concept d'environnemental social, je suis tout à fait d'accord avec vous, mais le service militaire a ses caractéristiques uniques.

Le sénateur Milne : Je m'interroge sur cette nouvelle affaire de consultation et de divulgation non autorisées. C'est une nouvelle infraction. Je pense que ce projet de loi va permettre de porter des accusations en cas de consultation ou de divulgation non autorisée d'informations contenues dans la base de données nationale sur les délinquants sexuels.

Les membres des forces armées auront-ils recours aux services de l'ombudsman s'ils estiment qu'il y a eu consultation ou divulgation non autorisée? Qu'arrivera-t-il des anciens membres des forces armées? Seront-ils simplement mis à l'écart? Auront-ils des recours en cas de divulgation non autorisée?

Bgén Watkin : Je ne crois pas que ce soit une nouvelle infraction. Il reviendrait peut-être au ministère de la Justice, plutôt à qu'à moi, de se pencher sur la question du statut de cette infraction.

Au sujet de la possibilité de porter plainte pour divulgation non autorisée, il y a diverses options. On peut se plaindre dans sa chaîne de commandement; on peut se plaindre directement à la police militaire; on peut porter plainte à l'ombudsman.

Nous avons beaucoup d'options pour une infraction normale dans les Forces canadiennes. Notre règlement nous oblige à prendre des mesures lorsqu'une personne porte plainte; celle-ci peut mener à une enquête, qui peut elle-même mener à des accusations s'il y a violation de cet article.

Le sénateur Milne : Si des accusations sont portées contre une personne, qu'elle est inscrite au registre, mais qu'elle ne fait plus partie des Forces armées, quel recours a-t-elle si elle croit qu'il y a eu consultation ou divulgation non autorisée? Cette personne a-t-elle des recours dans votre système ou se trouve-t-elle totalement laissée au système civil?

Bgén Watkin : Si c'est une personne assujettie au Code de discipline militaire qui est responsable de la divulgation non autorisée, la personne peut porter plainte à la police militaire ou au système, ce qui pourrait aboutir à une enquête. La personne peut aussi se plaindre aux autorités civiles, et les autorités civiles peuvent demander à la police militaire de mener enquête ou mener enquête en collaboration avec la GRC, par exemple, parce que la personne ne faisait plus partie des Forces canadiennes.

Tout dépend de la façon dont la police enquête sur les accusations. Cependant, en temps normal, il y aurait certainement des mécanismes pour permettre aux personnes d'exprimer leurs problèmes et de porter plainte.

[Français]

Le sénateur Nolin : J'aimerais m'assurer que les gens qui nous écoutent ne demeurent pas sous l'impression qu'un militaire ou un civil ayant déjà été trouvé coupable ou ayant été acquitté d'une infraction puisse être poursuivi et trouvé coupable à nouveau dans une juridiction autre que la juridiction militaire. Le sénateur Baker a laissé planer ce doute et il est très important de préciser ce point : Comme il y a deux systèmes de justice — un pour les civils et un pour les militaires —, une même personne ne peux être poursuivie et être trouvée coupable deux fois pour les mêmes faits.

[Traduction]

Le sénateur Nolin : Je veux seulement vous entendre dire que ce n'est pas parce qu'il y a deux systèmes pénaux au Canada, parce qu'une personne peut être accusée ou acquittée pour les mêmes faits, les mêmes événements, deux fois.

Bgén Watkin : On peut plaider l'autrefois acquit devant n'importe quel tribunal. On peut certainement le plaider deux fois, en effet.

Le sénateur Nolin : Merci beaucoup.

Le sénateur Baker : Dans l'affaire MacKay, on a fait grand cas du fait que si l'on est accusé devant un tribunal civil, on ne peut pas être accusé de nouveau devant un tribunal militaire. Cependant, si l'on est accusé devant un tribunal militaire, on peut ensuite faire l'objet d'accusations devant un tribunal civil pour la même infraction, sous réserve que le jugement prononcé par le tribunal militaire soit pris en compte. Cela vous dit-il quelque chose?

Bgén Watkin : Je crains que je vais devoir retourner lire le jugement MacKay.

Le sénateur Baker : Je me demande si vous pouvez demander à vos avocats de nous envoyer une lettre, d'en envoyer une au président du comité, pour nous expliquer quand cette disposition a été modifiée.

Bgén Watkin : Je vais le faire et vous expliquer également la situation pour l'autrefois acquit.

Le sénateur Baker : Dans ce cas particulier.

Le président : Merci infiniment, monsieur le brigadier-général.

Mesdames et messieurs les sénateurs, cela vient clore cette séance d'examen sur le projet de loi S-3. Le comité va suspendre ses travaux jusqu'à demain matin, puis reprendra son examen sur ce projet de loi.

La séance est levée.


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