Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 2 - Témoignages du 21 mars 2007
OTTAWA, le mercredi 21 mars 2007
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : J'aimerais d'abord remercier tous les représentants du ministère et de l'Agence de santé publique du Canada qui ont témoigné aujourd'hui pour nous aider et nous conseiller dans notre travail sur la santé des populations à ce stade préliminaire de nos audiences, qui s'échelonneront sur environ deux ans.
Nous avons le privilège d'avoir avec nous aujourd'hui la Dre Sylvie Stachenko, qui a énormément d'expérience dans le domaine. Veuillez commencer votre exposé, docteure Stachenko.
Dre Sylvie Stachenko, administratrice en chef adjointe de la santé publique, Direction générale de la promotion de la santé et de la prévention des maladies chroniques, Agence de santé publique du Canada : Je tiens tout d'abord à vous remercier de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je suis accompagnée de collègues parce qu'ils sont deux piliers à l'agence en matière de déterminants sociaux et de déterminants de la santé.
À ma droite, j'ai M. Jim Ball, qui s'engage à fond auprès de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l'OMS et participe activement aux travaux d'étude des modèles de mesures intersectoriels en collaboration avec d'autres pays.
Mon autre collègue, Mme Maura Ricketts, coordonnera les travaux entourant le premier rapport sur la santé publique qui sera présenté au Parlement par l'administrateur en chef de la santé publique. Le rapport sera déposé en septembre 2008. Il portera sur la réduction des inégalités en matière de santé et les déterminants sociaux.
Évidemment, beaucoup de travail est accompli à l'agence. J'ai pensé qu'il vous serait utile de rencontrer M. Ball et Mme Ricketts, si jamais vous souhaitez pouvoir communiquer avec eux dans le futur.
Mon exposé est assez long, mais je vais l'écourter. Pour vous donner un aperçu de ce que je souhaite faire, je vais articuler mes observations autour de quatre thèmes principaux. Le premier porte sur ce que nous savons. Je ne m'y attarderai pas trop puisque d'autres experts vous en ont probablement déjà parlé. Les trois autres thèmes se rapporteront à ce que nous apprenons, à ce que nous avons réalisé au Canada et ailleurs, de même qu'aux orientations futures.
Pour ce qui est de ce que nous savons, essentiellement nous possédons des connaissances assez bonnes et solides dans certains secteurs. En gros, nous savons que la preuve la plus probante que nous pouvons établir est en associant le revenu, l'éducation, le statut et l'emploi à la santé — et c'est dans un grand nombre d'indicateurs de la santé. C'est à ce niveau que nous possédons un ensemble de connaissances assez vaste.
En ce qui concerne les approches stratégiques, nous examinons ce que nous savons relativement aux types d'approches et aux modèles émergents pour s'attaquer aux principaux déterminants. Je dirais qu'un ensemble de connaissances est en train de se créer. Il commence à être étayé, ce qui est important.
Le troisième thème, le plus difficile, consiste à trouver comment mesurer les effets qu'ont les diverses politiques sectorielles sur la santé. C'est grosso modo ce que je voulais vous donner comme aperçu. Essentiellement, le « quoi » est facile à définir, alors que le « comment » est plus difficile.
Nous le savons depuis longtemps, mais cette diapositive illustre la situation selon laquelle, dans l'ensemble, la santé est largement déterminée par des facteurs externes au système et au domaine des soins de santé. Le rapport Lalonde a été le premier au Canada à établir que le domaine de la santé était plus vaste que simplement le domaine des soins de santé. Un certain nombre de pays sont alignés sur l'axe horizontal, et vous pouvez voir les dépenses par habitant qu'ils ont engagées sur la ligne. Vous remarquerez que les pays qui dépensent beaucoup n'ont pas nécessairement une plus longue espérance de vie. Cette diapositive le met en lumière.
Quels facteurs qui ne se limitent pas aux soins de santé influent sur la santé, à notre connaissance? Cette diapositive est tirée d'une recherche faite au Canada par l'Institut canadien des recherches avancées et bien connue dans le monde. La liste d'un certain nombre de déterminants a été dressée. Pour identifier ces déterminants, les chercheurs ont consulté un nombre important de documents de recherche et ils en ont relevé 10, mais nous avons récemment ajouté la mondialisation. Je crois que vous avez déjà entendu parler de Ron Labonte. Les tendances et influences mondiales sont maintenant liées à ces autres déterminants. Cependant, c'est essentiellement la liste des déterminants. Pour les classer, nous voyons toujours émerger des points communs. Nous avons reçu un grand nombre de rapports de l'OMS qui traitent aussi de la liste des déterminants. L'Europe disposait de faits bien établis. On retrouve essentiellement toujours les mêmes déterminants.
Vous m'avez interrogé sur l'importance relative des déterminants de la santé. Il m'est très difficile de répondre, car pratiquement tous ces déterminants agissent les uns sur les autres. Le contexte tel qu'il existe dans différents pays est également extrêmement important au chapitre de l'importance relative. On peut donner une idée générale de l'importance relative en disant que le revenu, l'éducation, l'emploi et le statut social ont une influence considérable sur la santé des populations. De plus, le développement de la petite enfance est également essentiel, mais pas seulement pour les différentes évolutions dans la vie d'un enfant. Il revêt également une grande importance pour ce que j'appelle les effets intergénérationnels — la prochaine génération. C'est très important pour ce déterminant.
Je suis persuadée que vous avez vu souvent cette diapositive. Elle met simplement en évidence ce dont je viens juste de faire état, que tous ces déterminants sont reliés. Le schéma que vous voyez ici a été utilisé par la Commission sur les déterminants sociaux de la santé de l'OMS. Elle étudie les couches et les zones d'influence, en commençant par l'extérieur, qui sont les conditions socioéconomiques, culturelles et environnementales générales évidemment liées aux conditions de vie et de travail par l'entremise des réseaux sociaux et communautaires ayant une incidence sur le mode de vie des particuliers. Bref, elles sont pratiquement toutes reliées. Il y a encore une ou deux décennies, nous pensions que la majorité de nos problèmes de santé étaient dus aux premières couches. Par conséquent, la solution à ce problème se caractérise par des méthodes individuelles. Plus vous définissez votre problème et vos domaines, plus la solution, comme vous pouvez le constater, sera complexe et mettra en jeu d'autres secteurs. C'est le défi à relever, tant au chapitre des orientations que, encore plus maintenant, sur le plan de l'évaluation. Comment évalue-t-on ces approches complexes?
La prochaine diapositive illustre un phénomène dont vous avez certainement déjà entendu parler — qui est tiré de l'ouvrage de Michael Marmot — selon lequel l'état de santé s'améliore progressivement chaque fois que l'un des éléments suivants s'améliore : le revenu et le statut social, l'éducation et l'emploi. Il faut non seulement garder à l'esprit que si nous nous attaquons aux déterminants sociaux, nous influerons sur la vie des moins nantis de la société; mais de façon générale, nous influerons l'ensemble de la population des suites de ce gradient. Par conséquent, nous aurons aussi une incidence dans la vie des mieux nantis. C'est un effet à multiples niveaux, et il est important d'en être conscient.
La prochaine diapositive est un exemple qui vient juste d'être publié. C'est un rapport récent sur le diabète produit par le Conseil canadien de la santé. À gauche, nous avons le taux de diabète au sein de la population ayant le revenu le plus faible et, à droite, le taux de diabète au sein de la population ayant le revenu le plus élevé. Encore une fois, nous remarquons un exemple de gradient. Nous voyons que le premier taux est le triple du second. Cette diapositive montre des écarts très marqués dans les résultats de santé.
Quels sont les sous-groupes vulnérables précis qui sont touchés de manière disproportionnelle par la maladie? Cette diapositive montre le travail entrepris par un groupe de travail FPT sur les inégalités en matière de santé, qui a été formé pour la Conférence des sous-ministres en 2005. Ce groupe a établi les mesures à prendre pour cerner trois sous- groupes. Il y a d'abord les personnes issues de groupes ayant un statut socioéconomique inférieur. Nous savons qu'un faible statut socioéconomique est associé à une espérance de vie réduite, à un taux de mortalité infantile supérieur et à une incidence de maladies chroniques plus élevée. Le deuxième groupe vise les particuliers d'origine autochtone. Nous savons que les Autochtones ont un taux de décès plus élevé, dû surtout aux maladies chroniques. Le troisième groupe concerne le sexe, qui est évidemment relié à d'autres déterminants. Bien que les femmes vivent plus longtemps, elles sont en mauvaise santé plus longtemps.
Enfin, le lieu géographique joue aussi un rôle, car les personnes vivant dans des collectivités éloignées ont la moins bonne espérance de vie sans incapacité et l'espérance de vie la plus faible au pays. C'est juste une classification qui a été établie et présentée à la Conférence des sous-ministres. C'est le fruit d'une quantité respectable de recherches.
Qu'apprenons-nous? Nous parlons maintenant d'un aspect — l'incidence du développement économique et des politiques sociales sur la santé. Cependant, parce que nous voulons réfléchir aux messages dans les secteurs sociaux, nous devons considérer la santé comme étant un élément clé du développement économique d'un pays. Nous devons en apprendre plus sur cette équation si nous voulons que d'autres secteurs participent. Comment la santé devient-elle un atout pour une société et un élément clé dans l'économie?
Dans cette optique, beaucoup de travail effectué sur cette équation par l'OCDE, l'OMS, la Banque mondiale et, plus récemment, l'Union européenne, découle du fait qu'un état de santé amélioré mène naturellement à une augmentation de la productivité, de l'offre de travailleurs, du niveau d'instruction et du développement du capital humain. Nous disposons de nouvelles données concernant la santé et l'économie, autres que les données habituelles sur la santé et la richesse. C'est fort important alors que nous examinons les messages, je voulais donc le mentionner au comité aujourd'hui.
Quelles leçons tirons-nous des autres pays et au Canada concernant la façon de s'attaquer aux déterminants sociaux? Je signale qu'un grand nombre d'efforts et de projets intéressants sont menés en Europe, à l'échelle de l'Union européenne et à l'échelle nationale. L'Union européenne, en vertu de l'article 152 du Traité d'Amsterdam, est légalement tenue de tenir compte de la santé dans toutes ses politiques. Les changements ne surviennent pas du jour au lendemain, mais ils commencent par un fondement législatif qui examine des façons d'intégrer les questions relatives à la santé aux décisions en matière de politique sociale. Ils ont mis sur pied un projet d'observation et s'emploient à trouver des moyens d'atteindre cet objectif.
Pendant sa présidence de l'Union européenne, la Finlande a rédigé un important rapport intitulé « Health in all Policies » publié en 2006, si je me souviens bien. Ce rapport constitue un fondement solide pour étudier les expériences en vue de déterminer les faits connus et non connus et les aider à avancer. Ce document est important pour mettre en évidence de nombreuses expériences européennes qui pourraient nous façonner et nous aider à progresser.
Le Royaume-Uni est en avance sur les plans conceptuel et analytique de la pauvreté et de la santé puisqu'il a publié le rapport Black, le rapport Whitehall et le rapport Acheson. Fait intéressant, le Royaume-Uni est passé à l'acte; en 2003, une analyse des programmes pangouvernementaux et un examen des dépenses ont été effectués pour évaluer les contributions versées en vue de réduire les inégalités en matière de santé. Dans le cadre de cet examen, des objectifs ont été établis pour réduire les inégalités en matière de santé, à la fois pour accroître l'espérance de vie et réduire la mortalité infantile. Autre fait intéressant, tous les secteurs devaient conclure des ententes de services publics sur la façon dont ils comptaient participer à la réalisation de l'atteinte de ces deux objectifs. Encore une fois, ils ont mis sur pied des mécanismes pour obtenir la contribution, entièrement administrés par le Trésor public, ce qui est une méthode très efficace. Ils sont passés du développement conceptuel analytique à un effort pangouvernemental administré par le Trésor public qui demande aux ministères comment ils contribuent à la réalisation de ces objectifs pangouvernementaux.
Tout le monde parle de la Suède qui a montré l'exemple en adoptant une démarche pangouvernementale. La Suède a fixé 11 objectifs de société en matière de santé publique qui ont été approuvés à l'unanimité. Pour établir ces objectifs, ils ont rassemblé sept partis politiques et ont rencontré des experts du secteur du travail, des syndicats, du milieu universitaire et du secteur de la santé. Ces objectifs représentent un consensus social. Cela a donné lieu aux objectifs en matière de santé publique et à l'institut de santé publique en Suède. Le mandat de cet institut est de surveiller les progrès réalisés en vue d'atteindre ces objectifs. De plus, il offre un soutien technique dans la mise en œuvre de ces objectifs.
Ce sont quelques-unes des expériences à l'extérieur du Canada, mais nous en avons aussi eu de très intéressantes au pays. Les lois québécoises en matière de santé publique établissent ce que le Québec peut faire en matière de projets pangouvernementaux. La loi donne au ministre de la Santé et des Services sociaux le pouvoir d'exiger une évaluation des répercussions sur la santé de toute politique gouvernementale qui pourrait avoir une incidence considérable sur la santé de la population. L'Institut national de santé publique du Québec offre le soutien technique dans ce genre de travail. Il commence par élaborer des outils pour mener des évaluations des répercussions sur la santé et nous en avons besoin si nous voulons connaître ces répercussions. L'INSPQ est le centre collaborateur de l'Agence de santé publique en matière de politique publique, qui examine les questions de gouvernance, les mécanismes et les outils. Nous nous appuyons sur ces centres d'excellence canadiens pour aider d'autres provinces et d'autres régions du pays à tirer des leçons de cette expérience.
Qu'avons-nous appris? Nous avons pu cerner quelques points communs en matière d'apprentissage. Le premier est qu'il faut une forte direction de la part du gouvernement. Le second point, qui est extrêmement important, est qu'il faut des agences responsables et, en Finlande, au Royaume-Uni, en Suède et au Québec, ces agences sont des instituts de santé publique nationaux ou provinciaux qui offrent du leadership technique et du soutien dans un grand nombre d'évaluations des répercussions sur la santé et dans l'établissement de modèles économiques et des fondements des approches.
C'est une chose. Les textes législatifs peuvent aussi être très utiles pour avancer. Enfin, l'élaboration de cadres stratégiques comme des objectifs est important si nous voulons mesurer les progrès. Par ailleurs, les pays commencent à prendre certaines orientations.
Qu'avons-nous réalisé au Canada? La Commission sur les déterminants sociaux de la santé de l'OMS nous informe qu'avant de fonder efficacement nos décisions politiques sur les déterminants sociaux, il y a des conditions préalables, soit de mettre en place certains types de soutiens sociaux et une sorte d'orientation sociale. Le Canada dispose d'une base solide sur laquelle s'appuyer pour progresser.
Ce qui est remarquable au Canada est la façon dont les politiques pourraient influer sur les principaux déterminants. C'est un fait que les taux de pauvreté chez les aînés ont diminué. Si l'on se compare à d'autres pays, le Canada se porte bien. Les aînés sont les moins défavorisés des démunis. C'est attribuable à des politiques bien précises.
Que faisons-nous dans le secteur de la santé? Puisque nous parlons de déterminants qui ne relèvent pas de notre compétence, qu'avons-nous appris au Canada concernant les mesures adoptées par le secteur de la santé? Si vous examinez certaines étapes marquantes, en matière de développement conceptuel et analytique, nous sommes les premiers au monde, mais pas au chapitre des mesures concrètes et des approches holistiques, bien que nous commencions à nous y mettre. Nos principales réalisations sont aux points de vue conceptuel et analytique des déterminants.
Je ne vais pas vous énumérer toutes les étapes marquantes, car je manque de temps, mais je veux parler de quelques- uns des atouts que nous apporte ce développement.
Le Canada possède l'infrastructure du savoir la plus solide pour aller de l'avant dans le dossier des déterminants. Nous avons l'Initiative sur la santé de la population canadienne dont le mandat est en fait d'appliquer les connaissances sur les déterminants de la santé. Nous avons un institut central dont l'orientation principale est de faire la synthèse des renseignements sur les déterminants de la santé ou de les communiquer. Nous sommes dotés de grands instituts de recherche. Les Instituts de recherche en santé du Canada, l'Institut de la santé des femmes et des hommes et l'Institute for Aboriginal Health financent beaucoup de recherches en vue de comprendre les approches efficaces pour s'attaquer aux déterminants et d'en apprendre plus sur le sujet. En fait, nous appuyons depuis de nombreuses années beaucoup de centres d'excellence, qui sont des réseaux de connaissances ou des réseaux de réseaux de connaissances, pour ainsi dire.
J'aimerais souligner les centres d'excellence pour enfants parce qu'ils constituent un atout très important pour la synthèse des renseignements. Nous avons un carrefour du savoir sur le développement de la petite enfance à Montréal — le Centre d'excellence pour le développement des jeunes enfants — qui est lié au travail réalisé avec M. Clyde Hertzman sur les déterminants sociaux de la santé. Vous commencez à saisir l'essentiel de mon message.
Nous avons déjà des réseaux de connaissances concrets en place qui traitent de certains thèmes très importants. Encore là, nous devons miser sur ces atouts. Nous avons aussi des centres de collaboration. Lorsque nous avons établi l'Agence de santé publique du Canada, nous avons aussi fondé six plates-formes d'acquisition des connaissances, dont la moitié se rapporte au programme sur les déterminants. Nous avons la politique publique sur la santé, soit celle au Québec que j'ai mentionnée plus tôt, le Centre national de collaboration sur les déterminants de la santé, à l'Université St. Francis Xavier en Nouvelle-Écosse, et l'Institute for Aboriginal Health, situé en Colombie-Britannique. Ce sont les ressources existantes et le travail qui est actuellement effectué.
Quels sont quelques-uns des défis? Nous sommes confrontés à d'énormes défis pour ce qui est de coordonner cette multitude de données probantes et de les colliger pour dresser une vue d'ensemble à partir de ces éléments. C'est ce qui manque. En ce qui concerne les connaissances, nous avons des banques de données en abondance. Il y a des banques de données intéressantes qui proviennent peut-être d'autres ministères, tels que le ministère des Transports. Nous disposons de banques de données sur le secteur de la santé. Nous devons mettre au point des systèmes d'information plus intégrés qui peuvent brosser le tableau de ces déterminants et des résultats de santé, mais nous devrons renforcer les capacités pour y parvenir. Le problème n'est pas qu'ils n'existent pas. Comme je l'ai dit, le Canada est dans une position très favorable puisqu'il a tous ces instituts. Il s'agit maintenant de les regrouper.
Au Canada, la majorité des mesures intersectorielles ont été prises à l'échelle communautaire. C'est d'ailleurs dans les collectivités que nous avons mis à l'essai ces approches. Nous avons financé un certain nombre de programmes, dont la plupart étaient destinés aux enfants — le Programme d'action communautaire pour les enfants, le Programme de nutrition prénatale, le Programme d'aide préscolaire aux Autochtones. Ce sont des exemples de mesures adoptées à l'échelle communautaire qui s'attaquent aux déterminants et qui ciblent principalement les familles et les enfants vulnérables.
Depuis les 10 ou 15 dernières années, nous menons quelques expériences en laboratoire afin de découvrir comment mettre ces mesures en œuvre. Ces efforts ont été évalués. Nous avons également un Fonds pour la santé de la population qui a été établi au milieu des années 1990 lorsque nous parlions d'approches axées sur la santé de la population. Ces fonds visaient à soutenir les efforts et les interventions en vue d'évaluer les approches axées sur la santé de la population. Au cours des 15 dernières années, nous avons déployé d'énormes efforts au pays, mais à l'échelle communautaire, et donc l'évaluation s'est faite davantage dans les collectivités.
Il reste encore à déterminer comment évaluer ces interventions complexes. On n'obtient pas des résultats de santé solides du jour au lendemain. Il arrive souvent qu'ils influent sur d'autres aspects et n'entraînent peut-être pas d'effets immédiats sur la santé. Ce pourrait être sur l'intégration des enfants à l'école, par exemple. Le défi à relever pour mener l'évaluation, dans le cas de ces interventions complexes, est qu'il faut du temps pour obtenir un résultat tangible. Nous avons des résultats intermédiaires que nous devons repérer. Pour évaluer ces efforts, vous devez cibler progressivement ce que vous retirerez de ce processus et les résultats que vous obtiendrez avant d'atteindre les résultats tangibles.
En dehors des collectivités, le Canada et les provinces avancent au chapitre des approches pangouvernementales et nous constatons des progrès préliminaires. Vous avez peut-être déjà entendu parler de l'effort pangouvernemental centralisé axé sur la santé, qui s'appelle ActNow BC. L'objectif de l'initiative est que l'état de santé des habitants de la Colombie-Britannique soit le meilleur au monde d'ici 2010, ce qui est un projet assez ambitieux. Un effort pangouvernemental est dirigé par le premier ministre à cet égard. Le Québec a lancé une initiative pangouvernementale sur l'obésité l'automne dernier. Il y a de plus en plus d'approches pangouvernementales au pays.
Cela pose de nombreux défis. À mon avis, le principal problème est que nous commençons à pouvoir mesurer les répercussions des investissements dans le secteur social sur la santé. Nous devons mettre au point des structures de gestion favorisant le travail horizontal, la reddition de comptes et les protocoles. Pour ce faire, nous devons miser sur la collaboration et le partenariat, ce qui demande temps et ressources. Il faut investir dans des structures de collaboration.
La prochaine diapositive montre que les pays franchissent des étapes différentes pour mettre en œuvre une approche plus holistique comme celles du Royaume-Uni et de la Suède dont on nous a parlé. Je crois qu'au Canada — et Mme Monique Bégin vous l'a peut-être déjà dit — nous avons mené un grand nombre d'initiatives isolées pour lesquelles nous avons adopté une approche axée sur les déterminants à l'échelle communautaire. C'est ce qu'elle appelle un pays de projets pilotes. Nous progressons vers une mesure qui est plus gouvernementale et plus conjointe. Cette évolution survient dans les provinces et, il y a, à mon avis, pour nous quelques nouvelles possibilités de nous diriger dans cette voie.
Pour cerner les lacunes et les leçons que nous avons tirées tant au Canada qu'à l'échelle internationale, nous devons canaliser nos efforts vers l'évaluation, l'établissement et la communication des répercussions des politiques gouvernementales relatives à la santé et aux inégalités en matière de santé. C'est tout un secteur qui reste encore à mettre au point et à renforcer au pays.
Nous devons examiner les mécanismes existants pour mettre en place des mesures conjointes. Comme je l'ai mentionné, nous avons besoin de systèmes d'information plus intégrés qui comprennent des sources de données relatives aux déterminants.
Au Canada, nous sommes évidemment à un tournant très important. Tout d'abord, il existe une commission internationale qui terminera son mandat en 2009. Elle vise principalement à susciter l'intérêt porté à cette question, plus particulièrement en étudiant les déterminants et les orientations politiques que peuvent examiner les pays. C'est un travail important.
Nous organiserons la prochaine réunion de la Commission ici au Canada en juin. L'événement permettra évidemment de sensibiliser le public au sujet. Nous tiendrons aussi une conférence d'envergure à Vancouver sur la promotion de la santé. L'événement attirera l'attention sur l'ensemble du programme des déterminants.
Je veux mettre en évidence trois principaux secteurs dans lesquels nous nous engageons auprès de la Commission. D'abord, nous collaborons de près avec la Suède, le Royaume-Uni, l'OCDE, la Banque mondiale et l'OMS à l'analyse économique des investissements en amont. Cela viendra renforcer l'argument.
M. Ball participe beaucoup à l'examen mondial des mesures intersectoriels, en déterminant les modèles qui existent partout dans le monde, tant dans les pays développés et que ceux en développement. Le Canada dirige cet effort. Ça fait partie de l'engagement pris par notre pays auprès de la Commission sur les déterminants sociaux de la santé de l'OMS.
Nous collaborons avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie à l'élaboration d'un recueil des approches stratégiques pour s'attaquer aux déterminants de la santé des populations autochtones.
Dans cet énorme effort mondial, le Canada est un chef de file et témoigne beaucoup d'intérêt pour faire avancer certains aspects du travail de la Commission et en bénéficier.
Cette diapositive présente un autre événement qui revêt une importance particulière pour nous. Je l'ai mentionné d'entrée de jeu. Le rapport sur la santé publique au Parlement portera sur les disparités en matière de santé et les déterminants sociaux. Il sera bien entendu présenté au Parlement. Nous avons constaté en examinant de nombreux pays et nos provinces que ces rapports sur la santé publique pourraient sensibiliser la population. Il est important que nous puissions communiquer ces renseignements. En ce qui concerne le rapport sur la santé publique, certains pays d'Europe débattent de certains de ces principaux thèmes concernant la population. Nous avons l'occasion de sensibiliser le public à ce problème.
Dans le cas d'autres pays qui éprouvent des difficultés — j'ai parlé à des collègues en Amérique du Sud pas plus tard que la semaine dernière — dans leur tentative de s'attaquer à ce programme, si nous revenons au rôle du secteur de la santé, comment le secteur de la santé exerce-t-il son leadership? Concrètement, qu'est-ce que ça signifie? Nous constatons que de nombreux pays sont si préoccupés par la prestation des services à l'échelle nationale, qu'ils n'ont plus les moyens de traiter et collaborer avec d'autres secteurs et d'agir en coordonnateurs pour faire intervenir d'autres secteurs dans le dossier des déterminants.
Au Canada, en raison du système fédéral, il y a un vide au palier fédéral qui peut être comblé en rassemblant tous les intervenants principaux au sein du gouvernement et à l'extérieur de celui-ci. Cependant, je crois que le rôle de coordonnateur de la santé publique est un élément clé pour progresser à cet égard. Vous avez besoin d'un défenseur, mais ce défenseur ne doit pas composer avec toutes les autres questions entourant la prestation. Ce point m'a paru intéressant.
Le Costa Rica semble être le pays qui a le mieux réussi. Ils ont décidé que tout ce qui touchait la prestation de services relevait du palier régional, comme le Canada, mais ils ont pris cette compétence pour l'intégrer aux politiques générales ayant une incidence sur la santé. Il est intéressant de voir comment les pays dirigent le secteur de la santé.
Je résume le reste de mon exposé. Nous affirmons que bien que nous ayons une économie relativement solide, des inégalités en matière de santé existent et pourraient empirer si nous ne faisons rien. S'attaquer aux déterminants de la santé profite à tout le monde. Nous savons que nous pouvons tirer des avantages au moyen de leviers politiques. Nous avons des modèles à partir desquels nous pouvons apprendre et des assises sur lesquelles nous appuyer. Quand nous avons des connaissances, nous savons où sont les lacunes et ce qu'il faut faire pour les combler.
Je crois qu'il y a possibilité pour le Canada d'assumer un rôle important de chef de file dans ce programme. Ce n'est pas comme s'il y avait un modèle absolu à suivre. Nous pavons la voie, nous avons les fondements, nous apprenons des autres et il est temps d'agir maintenant. Merci.
Le président : Merci. Votre exposé était très long. Cependant, je savais qu'il le serait. Nous voulions que vous nous donniez un aperçu parce que, d'après moi, vous connaissez le sujet mieux que quiconque.
Nous vous sommes très reconnaissants d'être venue au début de notre étude pour nous informer des possibilités qui s'offrent à nous et nous suggérer quelle direction nous pourrions commencer par prendre. Nous avons nos propres idées à cet égard, mais nous aurons besoin de votre aide.
Il est également important que nous agissions en harmonie avec l'Agence de santé publique du Canada et parce que c'est opportun maintenant, avec l'OMS. J'espère que notre rapport sera publié avant le sien prévu pour 2009. Nous nous en remettrons à vous en cours de route. Madame Stachenko, je voulais vous interroger sur votre liste des déterminants, sur laquelle le système de soins de santé ne figure pas. Permettez-moi de m'expliquer.
On nous a suggéré d'examiner la liste attentivement mais aussi les points positifs et négatifs du système de soins de santé sur les déterminants de la santé. La deuxième cause de décès au Canada est le système de soins de santé ou les accidents qui surviennent à l'intérieur de celui-ci. Seulement les maladies cardiaques sont une cause de décès plus importante encore. Vous en conviendrez, car c'est dans votre documentation. Est-ce exact?
Dre Stachenko : Oui, absolument. J'avais pensé à souligner qu'en plus des soins de santé, nous devons examiner ces autres déterminants. Les soins de santé sont bel et bien un déterminant clé. Comme vous le savez, la Commission de l'OMS a reconnu le système des soins de santé comme étant un déterminant.
Le président : Nous allons poursuivre avec les questions.
Le sénateur Cochrane : Je suis étonnée du travail qui a été accompli. Je suis heureuse de vous entendre dire que nous n'avons rien à envier aux autres pays et avons trouvé des solutions en collaboration avec l'OMS. Nous pouvons seulement nous améliorer de cette façon et c'est merveilleux.
On a laissé entendre que l'un des avantages de la promotion de la santé et des efforts en santé publique est qu'en améliorant la santé, les demandes dans le système des soins de santé seront réduites. De ce fait, nous économiserions de l'argent et notre système de soins de santé serait encore plus viable à long terme. Je comprends que vous êtes d'accord avec cela. Pouvez-vous quantifier les économies potentielles que la promotion de la santé nous permettraient de réaliser?
Dre Stachenko : L'expression « promotion de la santé » englobe quantité de choses.
Le sénateur Cochrane : Oui.
Dre Stachenko : Le dernier rapport d'investissements sur les maladies chroniques évalue les économies en termes d'investissements dans la prévention de ces maladies. Ces économies inclueront les coûts liés aux soins de santé et le manque à gagner national, des sommes considérables. Je ne me souviens pas exactement des chiffres mais c'est le genre de terminologie que nous devons utiliser pour décrire tout ce programme — la viabilité du système de soins de santé pas seulement au sein de la population et de notre population vieillissante, mais aussi en tenant compte de l'augmentation de nos facteurs de risque sous-jacents. Le système de soins de santé fera faillite si nous ne prenons pas des mesures bien à l'avance. Nous avons des chiffres, bien que je ne les ai pas avec moi, pour certains secteurs de prévention, pour les économies des coûts liés aux soins de santé et les prévisions des pertes du revenu national. Nous avons aussi des chiffres comparatifs avec d'autres pays.
Le sénateur Cochrane : Que pensez-vous de l'assertion contraire voulant que le fait que les gens vivent plus longtemps, ce que nous constatons, et en meilleure santé reportera les coûts inévitables liés à la vieillesse et que nous ne pourrons finalement pas faire des économies.
Dre Stachenko : Nous voulons que les gens vivent en meilleure santé et si nous pouvons réduire la morbidité, je veux dire que les gens vivront plus sainement, et bien cela engendrera des coûts. Il est vrai que les deux dernières années d'une vie coûtent le plus cher pour le système de soins de santé. Nous essayons de maintenir les gens en bonne santé jusqu'à leur dernier jour.
Le sénateur Cochrane : Ce n'est pas toujours le cas.
Dre Stachenko : Nous parlons de ce qui est évitable. Aujourd'hui, nous ne pensons qu'aux personnes âgées, mais des gens sont amputés et ont des dialyses rénales à cause du diabète. Les coûts de ces soins sont énormes. Il est vraiment possible de réduire ces coûts liés aux soins de santé. Les amputations et les dialyses rénales ne sont pas nécessaires, on peut les éviter, et pourtant leur nombre augmente non seulement chez les personnes âgées, mais aussi chez les plus jeunes.
Le sénateur Eggleton : Merci pour cet exposé détaillé. Les liens horizontaux des programmes et des services au niveau du gouvernement fédéral sont l'une des frustrations que je ressens depuis des années. Notre système fédéral fonctionne silencieusement, comme d'autres paliers de gouvernement. Si nous devons établir de manière compréhensive ces déterminants sociaux de la santé, il faudra tenir compte de ces liens horizontaux. Votre site web dit que « dans une telle approche, l'articulation des objectifs nécessite de délimiter clairement les stratégies à mettre en œuvre et de définir précisément les responsabilités de chaque partie ». Travaillez-vous à l'élaboration de ces stratégies en incluant des résultats mesurables? Comment allez-vous intéresser d'autres ministères? Est-ce que l'Agence de santé publique du Canada ou Santé Canada fixent des objectifs à d'autres ministères tels que Développement des ressources humaines Canada et Environnement Canada? De quelle façon cela se fera-t-il?
Dre Stachenko : J'ai essayé d'en parler. Certains qualifieraient cela d'impérialisme dans le domaine de la santé, mais ce n'est pas ce dont il s'agit. Nous parlons plutôt d'un changement de terminologie. Il ne s'agit pas seulement de chercher la façon dont ils peuvent nous aider, mais aussi de déterminer la façon dont tout ce débat visant à avoir un pays sain pourrait aider leurs programmes respectifs.
Il faut qu'il y ait une valorisation des deux côtés et, pour l'instant, on ne sait trop comment y arriver. Nous devons fixer des objectifs comme l'a fait la Suède où tous les gouvernements et ministères sont concernés et collaborent pour atteindre les objectifs et où il y a un système de surveillance accepté et un consensus social. Il y a en Suède une sorte de gouvernement central. Ou alors le système pourrait ressembler à celui instauré au Royaume-Uni, qui est financé, et où les ministères signalent au gouvernement la façon dont ils participent et reçoivent des fonds par la suite.
Je considère la santé comme faisant partie d'un système administratif et les arguments et le soutien techniques en termes d'études d'impact sur la santé. Ce n'est pas quelque chose qu'ils feront; nous devons les encourager à le faire. Nous devons offrir quelque chose. Les politiques relatives aux transports sont élaborées pour d'autres raisons que la santé. Nous devons trouver le moyen d'uniformiser les politiques afin que tout le monde sorte gagnant au niveau de la participation. Beaucoup de travail technique doit être fait et cela soulève beaucoup de discussions. J'ai parlé des leçons tirées — la nécessité d'un gouvernement axé, d'objectifs et de soutien technique pour qu'en fin de compte cela s'appuie sur des preuves.
Le sénateur Eggleton : Votre site web fait aussi référence à un fonds de santé de la population. Où en est-il?
Dre Stachenko : C'est un mécanisme de financement au sein de l'Agence de santé publique comportant quelques conditions. Il s'agit d'interventions impliquant la population ciblée et quelques secteurs et adoptant une approche globale. Ce mécanisme vise à favoriser des mesures relatives aux déterminants. C'est surtout pour appuyer un effort assez grand de la collectivité à cet égard.
Le sénateur Eggleton : Ce fonds a-t-il soulevé l'intérêt de la collectivité?
Dre Stachenko : Oui. Il est très connu. Encore une fois, le problème est que les efforts sont plutôt isolés. Je suis assez d'accord avec Monique Bégin pour dire que nous avons beaucoup appris, mais il est temps maintenant de colliger cet apprentissage et l'institutionnaliser dans la pratique. La demande relative à ce fonds est énorme.
Le sénateur Callbeck : Je vous remercie d'être venue aujourd'hui. Vous nous avez fourni beaucoup de renseignements. Quand l'Agence de santé publique Canada a-t-elle été fondée?
Dre Stachenko : Cela fera deux ans et demi en septembre.
Le sénateur Callbeck : C'était sous la direction de M. Bennett?
Dre Stachenko : C'est exact, M. Bennett était ministre de la Santé publique à l'époque.
Le sénateur Callbeck : Le rapport que vous avez mentionné et qui sera présenté au Parlement est le premier rapport de l'agence?
Dre Stachenko : Ce sera le premier rapport sous la direction de M. David Butler-Jones qui est le premier administrateur en chef de la santé publique au Canada.
Le sénateur Callbeck : C'est le premier rapport de l'Agence de santé publique Canada présenté au public. De quoi traitera-t-il?
Maura Ricketts, directrice générale par intérim, Bureau de la pratique en santé publique, Pratique en santé publique et opérations régionales, Agence de santé publique du Canada : Le projet de loi C-42, notre loi habilitante, stipule que l'administrateur en chef de la santé publique présente un rapport annuel sur l'état de la santé publique. C'est écrit textuellement.
C'est une tâche très complexe durant cette première année de préparation du rapport, puisque l'on nous a donné trois ans pour nous établir. Le Dr Butler-Jones a choisi le sujet des disparités en matière de santé durant toute une vie. Nous commençons par l'enfant, nous passons au jeune adulte, puis la personne vieillit et devient une personne âgée et décède éventuellement; nous suivons cela pour étudier les effets sur les diverses disparités en matière de santé? De quelle façon pouvons-nous intervenir efficacement? Quel rôle peut jouer la santé publique dans ce domaine, et cetera? Voilà le sujet du premier rapport.
Nous ne sommes pas obligés de faire exactement la même chose chaque année. Nous prévoyons qu'une composante de base sera soulevée de nouveau à l'avenir, mais nous pourrons changer de sujet en réponse à tout un éventail d'autres pressions ou de besoins. Cela va prendre beaucoup de temps la première fois, mais nous développerons le thème du deuxième rapport durant cet été et nous commencerons à les publier annuellement après un travail qui demandera environ deux ans de préparation.
Le sénateur Callbeck : Ces rapports nous permettront-ils de mesurer les progrès accomplis dans certains domaines entre la publication de deux rapports?
Mme Ricketts : Nous pouvons utiliser ces rapports pour voir ces mesures, mais, sans entrer dans les détails de la partie ennuyeuse, bien que ce soit le genre de choses dont j'aime parler, il n'est pas très facile d'avoir un bon indicateur de la santé de la population. L'un des efforts essentiels déployés par l'agence pour déterminer le genre d'indicateurs que nous pourrions signaler dans le rapport qui, il est important de le dire, ne changera pas rapidement se situe au niveau de la collaboration de l'agence avec d'autres organisations comme Statistique Canada. On pourra peut-être voir des gens perdre du poids assez rapidement, mais pourra-t-on voir l'incidence sur les taux de diabète? L'incidence se manifeste beaucoup plus tard, par exemple chez les adolescentes qui fument, le cancer du poumon se déclare plusieurs années après.
Je dois avouer qu'en ce qui concerne ce rapport, nous construisons la maison tout en y habitant et nous tirons les leçons des expériences de nos divers partenaires pour trouver le meilleur moyen d'y arriver. C'est certainement quelque chose que nous envisageons.
Au risque de me répéter, nous nous sommes inspirés du rapport de l'administrateur en chef de la santé publique du Royaume-Uni qui a déclaré : « Il y a des problèmes. C'est exactement ce à quoi ressemble la situation aujourd'hui, je reviendrai l'an prochain vous dire ce que nous avons fait ». Il est à noter que l'administrateur en chef de la santé publique du Royaume-Uni contrôle le système de santé, alors que notre système fédéral ne prévoit pas un tel contrôle.
Le sénateur Callbeck : Un grand nombre de ces initiatives émanent des gouvernements provinciaux. Vous avez mentionné la Colombie-Britannique. Ce rapport mentionnera-t-il ces initiatives provinciales?
Mme Ricketts : Bien sûr. Il y a quelques semaines, nous avons présenté ce rapport au Conseil du réseau de santé publique du Canada composé de SMA et d'administrateurs en chef de la santé publique de Santé Canada. Nous les avons rencontrés parce que nos meilleurs exemples sont issus d'initiatives provinciales.
Le président : Nous avons maintenant même un magnifique exemple de la santé de la population. Nous faisions d'énormes dépenses en radiation et en chirurgie pour traiter le cancer du col de l'utérus chez les femmes et les complications étaient terribles. Nous avons aujourd'hui un vaccin qui le guérit. Je pense que c'est l'état d'esprit qu'il faut avoir relativement à la santé de la population.
Dre Stachenko : Tout à fait.
Le président : Des économies énormes ont été faites et les femmes n'auront plus à souffrir autant.
Le sénateur Fairbairn : Ce que vous venez de dire est très intéressant. Nous venons juste de terminer une autre étude, dont nous parlerons demain, qui traite de l'alphabétisation. J'ai remarqué qu'il était question dans votre documentation de l'éducation, l'apprentissage et le développement de la petite enfance. Nous disons souvent que l'alphabétisation est à la base de tout. L'éducation et la faculté d'apprentissage sont aussi à la base de tout dans votre travail.
Il est sûr que dans le chemin très intéressant et ardu que vous suivez d'excellents fonctionnaires de Statistique Canada ont participé à ce projet particulier, mais avez-vous soulevé cette question avec des organisations ou des groupes nationaux ou même avec des programmes locaux? Je veux dire des gens qui travaillent sur le terrain et qui y sont exposés quotidiennement. Avez-vous reçu des conseils ou de la documentation utiles sur le rôle de l'alphabétisation dans le domaine plus large de la santé?
Dre Stachenko : Oui, l'alphabétisation en matière de santé est certainement un élément très important.
Sur le plan pratique, nous avons beaucoup œuvré dans ce domaine dans nos régions par le biais de certains programmes communautaires et je sais que cela a donné des résultats. Quant à un effort national systématisé, je ne suis pas sûre. Nous avons certainement beaucoup de travail à faire à la base. Les outils et les méthodes existent. Nous voulons, dans le cadre de nos programmes de financement, apprendre à faire cela. C'est un élément essentiel de nos programmes pour les enfants. Il y a, dans ce contexte, de nombreux outils, de ressources et d'approches qui nous permettent d'apprendre.
Jim Ball, directeur, Division du développement et des partenariats, Direction des politiques stratégiques, Direction générale des politiques stratégiques, des communications et des services généraux, Agence de santé publique du Canada : Je pense que votre question est importante et pertinente par rapport au lien reliant l'éducation et la santé et, bien sûr, l'alphabétisation est une composante du domaine plus large de l'éducation. Dans ce contexte, nous avons ce que nous appelons l'alphabétisation en matière de santé.
En plus des investissements communautaires, nous avons récemment créé le Centre national de collaboration des déterminants de la santé dont a parlé Dre Stachenko. L'étude des liens entre la santé et l'apprentissage, la santé et l'éducation en général ainsi que l'alphabétisation en matière de santé constitue une grande partie du travail de ce centre. Nous voulons trouver le meilleur moyen d'aider les Canadiens à mieux connaître la santé, et ainsi prendre en charge leur propre santé, non seulement par des comportements individuels mais en essayant d'influencer les conditions dans lesquelles ils vivent et travaillent après avoir acquis ces connaissances.
Le sénateur Fairbairn : C'est quelque chose de particulièrement pertinent pour les personnes âgées et il est très important qu'ils se maintiennent le mieux possible en bonne santé quand ils n'arrivent plus à lire et à communiquer autant. Cet effort est critique.
Le président : Je ne voudrais pas léser nos autres témoins, aussi si vous me le permettez, nous allons donner la parole à un autre témoin.
Michael Wolfson, statisticien en chef adjoint, Analyse et développement, Statistique Canada : Je comprends bien que le comité a des délais à respecter.
Je vous remercie de me donner l'occasion de vous renseigner dans le cadre du travail important qui est le vôtre. Je limiterai mes remarques à quelques exemples prouvant l'importance des déterminants sociaux de la santé et l'importance du développement d'un mode de vie sain de la population et ce, dans le cadre du type de renseignements en matière de santé dont a besoin le Canada.
À titre d'information, mon travail à Statistique Canada comporte des responsabilités au niveau de notre programme de statistiques sur la santé. Je consacre aussi beaucoup de temps à la recherche sur la santé de la population. J'ai quatre diapositives, il me faudra un peu de temps pour en parler. J'essaierai de ne pas dépasser 10 minutes.
Permettez-moi de commencer par l'élément le plus probant au Canada indiquant que les déterminants sociaux de la santé sont réels et importants. Nous avons assisté à un changement majeur il y a 15 ans quand j'ai commencé la recherche qui a abouti à ce graphique. À cette époque, le lien de cause à effet entre le revenu et la santé suscitait énormément de scepticisme. Aujourd'hui ce lien est tout à fait accepté.
Il y a quelques semaines, Mme Bégin, en soulevant le même point devant le comité, a mentionné le rapport Black et le rapport Whitehall, tous deux publiés au Royaume-Uni. Pour cette analyse canadienne, nous avons utilisé les données les plus objectives possible.
L'axe horizontal du graphique montre les revenus tels que mesurés par Revenu Canada, alors que l'axe vertical indique les taux de mortalité relevés dans les actes de décès. Ils sont reliés fortuitement dans cette analyse et dans les données utilisées pour calculer les prestations du régime de pensions du Canada ou du régime des rentes du Québec.
En fait, et plus discrètement, l'axe horizontal indique les revenus moyens sur presque deux décennies avant l'âge de 65 ans et l'axe vertical indique les taux de mortalité entre 65 et 70 ans.
Autrement dit, à la base de ce graphique, il y a des données longitudinales pour chaque tranche de plus d'un demi- million d'hommes. Les résultats sont donc fiables et montrent plus qu'une simple association statistique. Ils font valoir fermement qu'il y a un lien de cause à effet allant du revenu à la santé et pas l'inverse.
De plus, le graphique montre que cette influence n'est pas un seuil. Ce n'est pas une simple représentation de la pauvreté ou des revenus faibles, c'est un gradient, comme l'a déjà dit la Dre Stachenko. Chaque échelon vers le haut de l'échelle des revenus offre une chance, dans ce cas, de survie après 65 ans. Cela signifie que les déterminants socioéconomiques ne sont pas seulement un facteur au bas de l'échelle socioéconomique — je suppose que vous avez plusieurs fois entendu cette expression — mais qu'ils touchent aussi les classes inférieures et supérieures, en fait tout le monde.
Il y a autre chose concernant les proportions de ce gradient. Vous remarquerez que les paliers ne sont pas tous de la même taille. Ils peuvent être de 20 p. 100 au milieu, mais de 2, 3, 5 ou 10 p. 100 aux extrémités.
Si les hommes se trouvant dans la tranche de revenus la plus basse, qui sont 80 p. 100, arrivaient, d'une quelconque façon, à avoir le même taux de survie que les 5 p. 100 qui sont dans la tranche supérieure, leur espérance de vie augmenterait d'environ un an. Cela reviendrait à peu près au même que d'éliminer, comme par magie, le cancer comme cause de décès dans cette cohorte.
La diapositive précédente faisait uniquement état de données concernant les hommes, ceux d'âge moyen, et ceux plus âgés, et traitait seulement de la mortalité. Depuis toujours, la mesure la plus couramment utilisée pour déterminer la santé globale de la population est l'espérance de vie, laquelle est essentiellement un indice sommaire des taux de mortalité selon l'âge.
Depuis quelque temps — pour reprendre ce qui avait été dit lors de la Commission Rochon, au Québec, il y a quelques années —, la politique en matière de santé, à juste titre, ne vise pas seulement à ajouter des années à la vie, mais aussi de la vie aux années. Cela signifie que nous avons besoin de mesures qui combinent durée de vie et vie en bonne santé. On a répondu à cette question tout à l'heure en parlant de compression de la morbidité, expression qui fait référence au nombre d'années de vie en bonne santé.
C'est pourquoi Statistique Canada a élaboré des mesures d'espérance de vie ajustée selon l'état de santé, ou EVAES, en collaboration avec d'autres organismes comme l'OMS.
Les systèmes d'information qui peuvent mesurer l'EVAES nous fournissent les données de base concernant la santé de la population. Pour répondre à l'une des questions du comité au sujet du type d'infrastructures dont nous avons besoin, je dirais que ces mesures devraient être une composante essentielle des mécanismes qu'utilise le gouvernement pour la création, la surveillance et l'évaluation des politiques.
Quant à ces histogrammes, celui de gauche fait état de l'espérance de vie et de l'EVAES pour les femmes et les hommes; les deux premières colonnes indiquent ces données à la naissance, et les deux autres, à l'âge de 65 ans. Les parties en rouge représentent la population censée survivre jusqu'à 65 ans. Le haut de la colonne indique l'espérance de vie, et la portion ombrée fait état de l'espérance de vie ajustée selon l'état de santé.
Dans l'histogramme de droite, on trouve deux groupes de trois colonnes — un groupe pour les hommes, et un autre pour les femmes — qui font état des données par groupe de revenu, en l'occurrence, par tercile de revenu. Les accolades en rouge indiquent la différence entre le tercile inférieur et le tercile supérieur du spectre de revenu, d'abord pour les hommes, et ensuite pour les femmes.
Encore une fois, pour mettre ces disparités en contexte, l'écart entre les terciles inférieur et supérieur est encore plus grand que cela, en raison des maladies cardiaques et du cancer du poumon combinés.
L'une des difficultés fondamentales, pour bien comprendre et agir sur les déterminants sociaux de la santé, c'est qu'il s'agit d'une chose tellement essentielle qu'en général, nous n'en avons même pas connaissance. C'est le genre de termes ou de concepts que nous utilisons quand nous parlons de la santé. Ces conversations sont dominées par un paradigme biomédical ou clinique.
Quand j'ai commencé à travailler dans le domaine de la santé, à Statistique Canada, on tenait pour acquis que toutes nos données devaient être définies et mesurées en fonction des maladies et des facteurs de risque.
Par exemple, la dernière trouvaille en ce qui concerne la cause majeure ou le précurseur du diabète, est ce qu'on appelle le syndrome X. Il en existe plusieurs définitions, mais toutes présupposent une combinaison des mesures de cholestérol, de pression artérielle, de glycémie et d'adiposité. Puisqu'on étiquette et qu'on décrit ainsi les causes du diabète, faut-il s'étonner que, pour prévenir cette maladie, on privilégie les interventions pharmaceutiques pour abaisser le taux de cholestérol ou l'hypertension, par exemple, ou encore les conseils des médecins de famille, qui recommanderont à leurs patients d'améliorer leur régime alimentaire et de faire de l'exercice? Quoi qu'il en soit, si nous avions eu, ces 30 ou 40 dernières années, un système statistique décrivant le diabète comme un paramètre ultime, en recourant à des mesures du statut socioéconomique et de la sédentarité, plutôt qu'à des repères cliniques comprenant le syndrome X, nous aurions pu conclure, au moyen du même genre d'études épidémiologiques, que le diabète est attribuable à un syndrome alliant statut socioéconomique faible et mode de vie sédentaire. À la place, avec ces types d'étiquettes accolées aux causes du diabète, nous avons opté pour une série d'interventions très différentes. Au lieu de nous centrer sur les produits pharmaceutiques et les conseils thérapeutiques, nous aurions pu songer davantage à l'équilibre entre les efforts et les récompenses en milieu de travail, à diverses mesures incitatives et réglementaires visant l'industrie alimentaire, et aurions pu déterminer si nos modes de transport urbain sont obésogènes et réfléchir à diverses priorités en matière d'éducation des enfants pour leur inculquer l'habitude de faire de l'activité physique au quotidien, tout au long de leur vie.
Je vais conclure en vous présentant un autre graphique et en répondant à la question du sénateur Keon, à savoir si le système de soins de santé constitue un déterminant de la santé. C'est un graphique assez compliqué, alors il me faudra un peu de temps pour l'expliquer. Chaque point du graphique représente une région sociosanitaire du Canada — en fait, une grande région qui compte plus de 100 000 habitants. Deux caractéristiques de base ont été extraites du dossier médical de tous les résidants de chacune de ces régions sociosanitaires admis à l'hôpital pour une crise cardiaque. Les patients ont-ils été traités au moyen d'un pontage coronarien ou par angioplastie, ou, autrement dit, ont-ils été revascularisés dans les 30 jours, et sont-ils décédés pendant cette période? L'axe horizontal fait état du pourcentage de malades traités dans chacune de ces régions, tandis que l'axe vertical indique le pourcentage de patients décédés. Soit dit en passant, ces données sont normalisées selon l'âge et le sexe. Les points rouges représentent la situation en 1995- 1996, et ceux en bleu, la situation huit ans plus tard.
Il y a clairement eu une augmentation radicale de la proportion de personnes qui sont allées à l'hôpital pour une crise cardiaque et qui ont été traitées; elle a même triplé, passant de 14,5 à 39,5 p. 100. Nous pourrions donc nous attendre à une amélioration comparable du côté des résultats. Or, si nous constatons une amélioration du taux de survie, par rapport à l'accroissement du nombre de traitements, la réduction de la mortalité est quant à elle très faible. En effet, le taux de mortalité dans les 30 jours a baissé d'environ 1,5 p. 100, passant de 11,5 à 9,7 p. 100. Qui plus est, la répartition de ces points indique une très grande variation d'une région sociosanitaire à l'autre. En 2003-2004, un certain nombre de régions sociosanitaires avaient des taux de mortalité dans les 30 jours qui tournaient autour de 8 p. 100, comme on peut le voir avec le groupe de points juste au-dessus de la ligne de 10 p. 100, bien que les taux de traitement variaient pour atteindre parfois plus du triple, soit un peu moins de 20 à plus de 60 p. 100.
À mes yeux, cela révèle un problème fondamental dans notre façon de gérer le système de soins de santé. On voit beaucoup de fumée, mais impossible de savoir où se trouve le feu exactement. La diapositive ne nous montre pas tout. De toute évidence, le traitement des crises cardiaques est loin de se limiter à la revascularisation, mais nous ne recueillons pas systématiquement les données pour être en mesure de comprendre pourquoi certaines régions semblent faire bien mieux que d'autres — en un mot, pour savoir ce qui fonctionne en matière de prévention de la mortalité attribuable aux crises cardiaques. Certaines des choses que nous ignorons ont à voir avec la médecine clinique, comme la vitesse à laquelle les médicaments anticoagulants sont administrés après la crise cardiaque et à quelle fréquence les béta-bloquants sont prescrits au moment du renvoi du patient, mais d'autres pièces manquantes du casse-tête concernent le mode de vie et les facteurs de risque. Par exemple, les patients victimes de crises cardiaques d'une région donnée sont-ils davantage fumeurs ou obèses? Y a-t-il des différences significatives dans ce que certains appellent la signature clinique, c'est-à-dire les modèles de direction et les pratiques d'un groupe de médecins d'une région sociosanitaire par rapport à une autre?
Mais pour moi, au fond, cette diapositive montre combien il est important de réunir ce qui a toujours été et continue d'être deux solitudes — la médecine clinique, d'une part, et les déterminants de santé dans une perspective plus vaste, d'autre part. Dans le cadre de vos travaux, je vous recommanderais de tenir compte de ces deux éléments, tant pour ce qui est de la façon de penser que du prérequis pour mener une action concrète, et cela concerne notre système d'information sur la santé. Les questions essentielles soulevées ici, tant du côté de la médecine clinique que des déterminants sociaux, consistent à voir ce qui fonctionne, à nous assurer de disposer des données de base pour suivre et comprendre nos pratiques actuelles, et pour faire des choix délicats à l'égard des nouvelles interventions, qu'elles soient cliniques ou orientées vers les déterminants sociaux, en décidant si elles méritent qu'on y investisse.
Je serai heureux de répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup. Nous sommes de vieux amis. J'ignore depuis combien d'années — probablement plus que nous ne voudrions l'admettre.
Nous allons passer à l'exposé de M. Glouberman, après quoi, nous vous poserons des questions à tous les deux.
Sholom Glouberman, scientifique associé, Kunnin-Lunenfield Applied Research Centre : J'ai cru comprendre que vous vouliez que je jette rapidement les bases d'une discussion, et c'est ce que je vais faire. Il m'a fallu beaucoup de temps pour me préparer, car il est plus facile de tout dire en quatre heures qu'en dix minutes.
J'ai fait ce tableau parce qu'il me semble que vous en êtes au point où la difficulté que vous avez est que nous avons mis à l'épreuve plusieurs grandes idées concernant la santé et les politiques en matière de santé, et j'ai cru bon de vous exposer l'opinion sur les politiques de santé que se font les intervenants en matière de santé publique, pour vous donner un aperçu de leur teneur, de certaines de leurs conséquences et de quelques-uns de leurs résultats, y compris ceux qui étaient inattendus.
La première grande théorie en matière de santé publique vient d'un groupe d'hygiénistes appelé : « the sanitarians », qui pensait que la saleté était à l'origine des maladies et la cause des épidémies, un fléau à l'époque. On a défendu ce principe du XVIIe au XIXe siècles. Au début du XIXe, on s'est dit qu'il fallait faire quelque chose pour y remédier, et un certain Edwin Chadwick, en Angleterre, qui était, je crois, le Michael Marmot de son époque, a commencé à réfléchir à l'élaboration d'une loi sur la santé publique. Cela lui aura pris 50 ans. Il avait eu cette idée avec un certain Jeremy Bentham, qui avait une influence considérable sur les politiques publiques en Angleterre; et ils ont travaillé ensemble sur ce projet. Le but était d'assainir l'air, l'eau et les égouts. Ce fut l'entreprise la plus vaste menée au XIXe siècle en matière de santé publique; et elle a abouti à la fin du siècle.
Ils avaient promis que s'ils arrivaient à améliorer l'environnement physique par ces moyens, les gens seraient en meilleure santé, donc moins souvent malades, et auraient moins besoin de recourir à des soins médicaux. C'est la promesse qu'on avait faite à l'époque. À la fin du XIXe siècle, elle s'est réalisée; la santé des gens s'était améliorée, mais la demande de soins médicaux n'avait pas diminué. Les gens étaient en meilleure santé; on avait observé une forte hausse de la longévité et une baisse considérable de la mortalité. Cela constituait certainement le premier rempart face aux grandes épidémies.
Ce mouvement a pris de l'ampleur à la fin du XIXe siècle, avec l'apparition de la médecine scientifique. À cette époque, on s'était rendu compte qu'on pouvait venir à bout de certaines maladies comme la variole. On avait commencé à comprendre le fonctionnement des maladies et à savoir comment les soigner ou les prévenir. La seconde grande idée est apparue à la fin du XIXe siècle, en Angleterre, suite à la Guerre des Boers, qui a duré de 1899 à 1903. Pendant cette guerre, les médecins qui suivaient les soldats de retour du front avaient découverts que les maladies dont étaient atteints ces patients étaient curables. La médecine devenait plus scientifique et il y avait davantage de maladies qu'on pouvait traiter, mais les gens n'avaient pas les moyens de consulter un médecin. C'est alors qu'est née l'idée, vers 1899, d'avoir un système de soins de santé accessible à tous. Les gens ont commencé à défendre cette notion d'universalité. Mais il aura fallu 50 ans pour l'appliquer au Royaume-Uni. Au Canada, l'idée est venue après la Première Guerre mondiale, et il aura fallu aussi attendre environ 50 ans avant qu'on passe de la théorie à la pratique, en mettant sur pied un régime de soins de santé au financement universel.
Je pense que c'était là la seconde grande idée en matière de santé publique : offrir des soins de santé à tout le monde. Elle n'a toujours pas porté fruit aux États-Unis. Pourtant, les professionnels de la santé publique américains réclament des soins de santé financés à même les fonds publics et accessibles à tous. Mais ils en sont encore loin.
Lorsqu'on a commencé à défendre cette idée, on promettait que grâce à l'accès universel aux médecins et aux hôpitaux, ainsi qu'aux progrès de la médecine, la population serait en meilleure santé. On anticipait une diminution de la demande de soins.
Bien sûr, nous savons tous que ce n'est pas tout à fait ce qui s'est produit. Certes, dans les faits, il y a eu une hausse de la longévité et la population est en meilleure santé grâce aux différentes mesures prises, mais les pressions sur le système de santé ont augmenté en raison de ces interventions.
Dans les années 1960, a commencé à circuler une troisième idée lancée par un certain Thomas McEwan, qui était une sorte d'épidémiologiste, mais davantage un penseur en matière de santé et de soins médicaux. Son travail est assez impressionnant, car il a découvert que dans le domaine de la santé, les déterminants ne s'arrêtaient pas à un environnement sain et aux soins. Il a fait valoir l'importance de la recherche, des déterminants sociaux et du mode de vie. Les gens pouvaient agir sur leur propre santé en choisissant de bonnes habitudes de vie.
M. McEwan a eu une influence considérable sur Hubert Laframboise. J'ignore si vous le connaissez; c'est l'auteur du rapport Lalonde. D'un point de vue historique, ce rapport aura été probablement le document ayant eu la plus grande influence en matière de soins de santé jamais publié au Canada. À l'échelle mondiale, il a eu l'effet d'un séisme. Si vous caressez l'ambition de faire de grandes choses, vous souhaiterez certainement que vos travaux aient autant d'impact sur le monde.
Le rapport Lalonde énonçait 52 recommandations. Il est intéressant de noter que celles-ci étaient des recommandations de politiques, et que beaucoup ont véritablement été mises en œuvre. Des initiatives comme ParticipACTION, le Guide alimentaire canadien et le port obligatoire de la ceinture de sécurité figuraient toutes dans le rapport Lalonde.
Ce qui est vraiment intéressant avec ce rapport, c'est que même si toutes les recommandations ont été appliquées, il y a eu des conséquences très singulières, et des choses fascinantes se sont produites au chapitre de la santé publique depuis. Par exemple, nous mangeons davantage de viande blanche que de viande rouge. Nous avons fait une étude à ce sujet. Dans les années 1970, le lait était homogénéisé ou écrémé; il n'y avait rien d'autre. On mangeait très peu de légumes verts et de fruits comparativement à maintenant. Aujourd'hui, nous consommons davantage de légumes verts, de fruits, de viande blanche, nous buvons du lait pauvre en matières grasses, nous mangeons des aliments à teneur réduite en gras, mais cela étant, nous avons quand même une épidémie d'obésité. C'est assez intéressant. Qu'est-ce qui explique cela?
Au cours d'un certain laps de temps, beaucoup de choses peuvent changer. Ce qui arrive, c'est que les politiques qui sont adéquates à un certain moment donné doivent s'insérer dans un environnement complexe. Les deux témoins qui m'ont précédé vous l'ont dit; nous reconnaissons de plus en plus l'ampleur de la complexité de l'environnement. Nous sommes de plus en plus conscients que nos interventions peuvent produire des résultats inattendus, ce qui est vrai pour un grand nombre d'initiatives que nous avons examinées. Nous devons surveiller ce que nous faisons plus attentivement, et à un niveau plus local.
La deuxième grande idée qui est née après l'établissement d'un système de soins de santé universel était celle des iniquités en matière de santé. Bien sûr, le rapport Black a été publié en 1980, et beaucoup de travail a été accompli pour corriger ces inégalités.
Comme l'ont dit les représentants de l'Agence de la santé publique du Canada, il apparaît très nettement que ces déterminants de la santé — bien que nous adhérions maintenant à plusieurs d'entre eux — n'ont fait que prendre de l'ampleur et sont passés de quatre, dans le rapport Lalonde, à 10 ou 13, à Santé Canada, voire 28 dans certains cas. Quand on regarde les indicateurs, on se rend compte que certains sont arrivés à en dénombrer plus de 5 000.
Par conséquent, pour savoir ce qu'est un déterminant, comment il interagit avec d'autres déterminants et les politiques, on n'a pas besoin de faire davantage de recherches. Il faut plutôt essayer d'avoir une compréhension plus fondamentale de la nature de ces interactions. Nous commençons d'ailleurs à travailler là-dessus.
De plus en plus, on reconnaît la complexité de la santé et de l'environnement social ainsi que du nombre considérable de liens qui existent entre eux. Il ne s'agit pas seulement d'être sensibilisé aux questions de santé; il faut aussi avoir une bonne éducation en général. Par exemple, une formation adaptée dès la maternelle ne peut qu'être bénéfique aux enfants. Ces déterminants ne sont pas nécessairement liés à la santé, mais ce sont des déterminants sociaux que l'on retrouve partout, dans tous les ministères.
Il faut se demander comment donner une meilleure vue d'ensemble de la santé et du type d'interventions pertinentes en santé et arriver à mieux comprendre l'influence de différents facteurs. Réfléchir et apprendre sur le sujet exigeront temps et efforts. En outre, je pense qu'il faut ouvrir l'esprit des gens.
La raison pour laquelle je dis cela, c'est qu'au cours des trois dernières années, nous avons mis sur pied un programme à l'Université McGill — le International Masters for Health Leadership. Nous avons réuni des professionnels de la santé de partout dans le monde. C'est très intéressant de voir à quel point les gens travaillent en vase clos et combien il est difficile pour eux d'avoir une perspective d'ensemble, de voir au-delà de leur discipline, de leurs besoins immédiats, des besoins de leur clientèle et des orientations de leurs recherches. Alors, le fait de les amener à examiner la question dans son intégralité leur permettra de comprendre toute sa complexité.
De plus, je pense qu'il existe des mesures pour réagir face à cette complexité. Pour intervenir dans des environnements complexes, il ne suffit pas d'adopter des politiques universelles; il faut plutôt voir en quoi les efforts de certains individus et petits groupes pourraient profiter à toute une société.
Beaucoup de politiques créent des obstacles au lieu de les faire disparaître. Il faut donc réduire ces obstacles. Nous essayons de le faire dans certains secteurs, mais nous éprouvons de grandes difficultés.
Ces dernières années, on a déployé beaucoup d'efforts pour venir à bout des barrières qui empêchent les Autochtones au Canada d'organiser et de comprendre leur propre système de santé. Mais c'est loin d'être facile. Cela prendra beaucoup de temps pour arriver à comprendre tous les tenants et les aboutissants et à mettre sur pied un système viable.
Cela se passe aussi dans d'autres pays, comme au Royaume-Uni. Un médecin spécialiste en santé publique d'Écosse peut cibler des groupes en particulier et travailler avec eux afin d'arriver à cerner et à comprendre les problèmes. Il y a un certain nombre d'exemples, et je pense que cela vaut la peine de les considérer.
Par ailleurs, je pense qu'il est très important de s'interroger sur les gens qui s'adressent à vous afin de savoir d'où ils viennent, ce qu'ils cherchent, et que les politiques qui doivent être créées en tiennent compte si on veut qu'elles portent fruit. Il ne s'agit pas de valider ou d'améliorer la mesure des conséquences, mais plutôt de mieux comprendre le genre de politiques que nous devons mettre en œuvre.
Le président : Malheureusement, il ne nous reste que cinq minutes. Nous devons nous garder du temps à la fin pour régler une question d'ordre administratif, et nous devrons libérer la salle pour 18 heures.
J'aimerais revenir à vous, monsieur Wolfson, et sur votre graphique, dont je suis l'évolution depuis de nombreuses années. Parvenez-vous à mieux analyser ces disparités? Avez-vous le logiciel pour le faire? Est-ce le mieux que vous puissiez faire pour l'instant?
M. Wolfson : La difficulté ne tient pas tant aux logiciels qu'aux données sous-jacentes nous permettant de rassembler plus de renseignements, et cela va des béta-bloquants et des médicaments thrombolytiques — que vous connaissez certainement — aux facteurs déterminants sociaux en amont.
Nous pouvons le faire en établissant des liens avec l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, par exemple, mais nous risquons d'avoir de plus petits échantillons.
À mon avis, si l'on veut s'attaquer sérieusement aux déterminants sociaux qui compromettent la santé de la population, on doit envisager des systèmes d'information qui permettent une compréhension et une analyse continues. Pour l'instant, nous avons une capacité limitée, mais nous faisons de notre mieux.
Le président : Inforoute Santé du Canada vient de recevoir un bon coup de main. Même si j'aurais espéré plus, il s'agit d'une aide importante. Avez-vous parlé à Richard Alvarez au sujet de l'adéquation des programmes?
M. Wolfson : Cela ne se limite pas aux discussions que les représentants de Statistique Canada et moi avons eues avec Inforoute Santé du Canada. Il y a aussi un petit groupe de gens, notamment de l'ICIS, ainsi que des directeurs provinciaux de l'information qui sont concernés. Comme vous le savez, Inforoute s'est concentrée sur les soins aux malades — et la notion d'« usage secondaire » ou d'« utilisation du système des soins de santé ». Comment pouvons- nous nous assurer que cet investissement dans les nouveaux systèmes d'information essentiels sert non seulement pour les soins aux patients, mais aussi à mieux comprendre ce que signifie un graphique comme celui-ci? C'est délicat à cause de la protection des renseignements personnels et aussi, pour être franc, parce que je ne suis pas certain que les cliniciens soient enthousiastes à l'idée que les gens analysent leurs pratiques statistiquement. Il est crucial qu'on crée ce dossier médical électronique en adoptant une perspective d'ensemble qui nous permettra de dégager des renseignements pertinents sur les déterminants sociaux.
Le président : Envisagez-vous la possibilité d'obtenir des résultats concrets en collaboration avec l'ICIS et l'Agence de santé publique du Canada?
M. Wolfson : Certainement, nous en parlons. À mon niveau, il y a consensus, mais je ne suis pas certain de ce qu'en pense la sphère publique en général. Par exemple, j'ignore si les politiciens accordent de l'importance à ce genre de questions.
Le sénateur Eggleton : Monsieur Glouberman, si je comprends bien, vous avez écrit que le fait d'améliorer la santé des gens permettait de réduire la pression sur les services de santé.
M. Glouberman : Je n'ai jamais écrit cela.
Le sénateur Eggleton : D'accord, vous le réfutez.
M. Glouberman : Absolument. L'idée de la compression de la morbidité n'est pas réaliste. On repousse plutôt la morbidité. Je pense aussi que nous assistons à une forte épidémie de maladies chroniques, et que celles-ci sont très différentes du type de pathologies qui se prêtent bien à l'analyse. Les crises cardiaques sont très différentes des maladies cardiovasculaires qui peuvent se développer lentement. Elles sont la manifestation la plus prononcée de la maladie. Il faut comprendre l'évolution de la maladie cardiaque sur une longue période pour arriver à ralentir sa progression par divers moyens. Je crois que quelqu'un a dit qu'avec une bonne gestion des affections chroniques, nous pourrions éviter les pires complications, et c'est tout à fait vrai. Mais pour cela, il faut également beaucoup de rétroaction des patients, et c'est ce que nous commençons à comprendre. C'est intéressant de voir comment une maladie est comprise. Les maladies qu'on croyait aiguës autrefois sont maintenant considérées chroniques, comme le cancer.
M. Wolfson : Quant à l'indicateur dont je vous ai parlé concernant l'espérance de vie ajustée sur la santé, il nous permet, entre autres, de comprendre s'il y a une compression ou un report de la morbidité. Nous nous efforçons de rassembler les meilleures séries de données. Chose certaine, on repousse la morbidité. Toutefois, l'écart entre l'espérance de vie ajustée sur la santé et l'espérance de vie tout court — qui représente la période, au cours d'une vie, pendant laquelle on peut être malade et coûter cher au système de santé — est susceptible de se réduire, bien que nous n'ayons pas de données officielles. Cela ne fera que reporter les coûts et non les éliminer car nous allons tous mourir un jour ou l'autre.
Le sénateur Eggleton : Selon vous, on vivra plus longtemps, avec une meilleure qualité de vie.
M. Glouberman : C'est ce qu'on souhaite, et on pourrait éviter les pires complications. Ce serait cela la compression de la morbidité. Ce n'est pas le genre de situation où vous vivez pleinement et en bonne santé, puis vous mourez du jour au lendemain. C'était ce qu'on croyait dans les années 1970, mais maintenant, ce n'est plus le cas.
Le président : Des données révèlent qu'une personne qui s'éteint à l'âge de 100 ans ne coûte pas plus cher au système pendant les deux dernières années de sa vie qu'une personne de 50 ans.
M. Glouberman : C'est vrai.
Le président : Retarder la morbidité ne coûte pas plus cher.
M. Glouberman : Effectivement. On fait des interventions héroïques pour arriver à prolonger la vie d'une personne âgée de 50 ans sur le point de mourir, mais le coût pour une personne de 70 ou de 90 ans ne serait pas si différent.
Le sénateur Cook : J'aimerais maintenant que nous nous penchions sur la population jeune, précisément sur l'avenir des jeunes de l'âge de mes petits-enfants. Aujourd'hui, la vie semble si compliquée, alors que de mon temps, elle était si simple. Jusqu'où irons-nous avec toutes ces contraintes et qui peut s'arroger le droit de dire ce qui est bon ou mauvais? Où est le libre choix là-dedans?
M. Glouberman : En effet, il devrait y avoir beaucoup plus de liberté de choix. J'ai assisté à une conférence sur l'obésité juvénile. Étant donné que de nombreuses personnes, en particulier dans le milieu de la recherche, s'enlisent dans une vieille mentalité réductrice en essayant de ramener les choses à une série de formulations toutes faites, cela pose problème. Le surpoids est directement lié aux mauvaises habitudes alimentaires et à la sédentarité, mais aussi aux familles et au rapport qu'elles entretiennent avec la nourriture, ce qui est très difficile à mesurer. Pour arriver à comprendre comment les gens en arrivent là, il ne suffit pas de trouver une série de variables; il faut examiner la question dans son ensemble. Les gens font des choix, et il nous faut comprendre ces choix pour élaborer nos politiques en conséquence.
Le sénateur Cook : Comme les politiques sur la malbouffe et les gras trans.
M. Glouberman : Oui.
Le sénateur Cook : Avant que les établissements de restauration rapide ne se retrouvent sur la sellette, c'était l'endroit idéal où amener les enfants lorsqu'on n'avait pas envie de cuisiner, par exemple le vendredi soir. Nous devons maintenant réapprendre à nos enfants les bonnes habitudes alimentaires. Comment un gouvernement ou une société peuvent-ils empêcher les gens de garder leurs mauvaises habitudes, s'ils sont prêts à en assumer les conséquences? Nous sommes victimes du marché.
M. Glouberman : Tout à fait. N'empêche que nous pouvons offrir d'autres possibilités. Si on permet aux gens de faire des choix éclairés et de s'organiser, on contribue à améliorer la santé. Par exemple, j'ai siégé à une commission gouvernementale sur le VIH/sida à laquelle participait également un Autochtone homosexuel. Il a affirmé avoir commencé à fumer à l'âge de 14 ans car il savait qu'il n'atteindrait pas l'âge de 30 ans. Il était conscient que c'était mauvais pour sa santé, mais comme il savait qu'il n'allait pas franchir le cap de la trentaine, il ne voyait pas pourquoi il devait s'en priver étant donné que cela lui procurait du plaisir. C'est le choix qu'il a fait dans les circonstances. Si nous arrivions à créer un environnement dans lequel il saurait qu'il ne mourrait pas à 30 ans, il réviserait son choix.
Le président : J'aimerais remercier tous nos témoins pour leur participation ce soir.
Sénateurs, je crois que vous avez tous reçu une copie de ce budget, auquel on a apporté un changement. J'avais demandé 70 000 $ pour les services professionnels au départ, mais je demande maintenant 105 000 $ — parce que M. Chodos, qui était mon bras droit, doit nous quitter pour aller travailler au sein de la Commission de la santé mentale. Il ne sera pas facile de le remplacer. Il était avec nous depuis six ans et nous était devenu indispensable. Howard, nous te félicitons.
Revenons au budget, honorables sénateurs. À défaut de pouvoir le remplacer, nous devrons débourser un peu plus pour retenir les services de quelques experts. De plus, une partie du budget servira à payer le voyage de six sénateurs à Vancouver, qui est un impératif. Le budget doit être présenté demain au comité des affaires sociales, présidé par le sénateur Eggleton, pour approbation, après quoi il sera envoyé au comité de régie interne. Êtes-vous d'accord, sénateurs?
Des voix : Oui.
La séance est levée.