Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 4 - Témoignages du 16 mai 2007
OTTAWA, mercredi 16 mai 2007
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 17 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bon après-midi et bienvenue. Notre premier témoin est Margaret Gillis, directrice de la Division du vieillissement et des aînés de la nouvelle Agence de santé publique du Canada qui fait un remarquable travail dans de nombreux domaines. Nous avons déjà entendu des représentants de l'agence, mais nous allons écouter avec intérêt ce que Mme Gillis a à nous dire plus précisément au sujet du vieillissement.
Margaret Gillis, directrice, Agence de santé publique du Canada — Division du vieillissement et des aînés : Je me réjouis d'être ici aujourd'hui au nom l'Agence de santé publique du Canada, l'ASPC, pour vous parler des déterminants sociaux de la santé en ce qui a trait aux aînés. Puisque, comme vous l'avez mentionné, vous avez déjà entendu des témoins de l'Agence, je n'en ajouterai pas plus sur sa mission, sa vision et son mandat. Je tiens à vous confirmer cependant qu'elle a pour vocation de trouver des solutions qui répondent aux besoins des aînés en matière de santé, d'améliorer les résultats de la santé des personnes âgées et de promouvoir un vieillissement sain.
Si notre méthode de travail accorde une importance aux déterminants sociaux et à la santé des populations, c'est parce que ces dimensions nous offrent la souplesse nécessaire pour examiner de près l'éventail complet de conditions et de facteurs individuels et collectifs ainsi que les effets que les uns ont sur les autres et leurs incidences sur l'état de santé. Les activités en promotion de la santé constituent un moyen efficace et important auquel peuvent recourir les gouvernements, les organisations non gouvernementales et l'Agence de santé publique du Canada afin d'influer sur les déterminants sociaux.
Les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la Santé et leurs homologues responsables des aînés sont favorables à la formulation de politiques qui touchent au vieillissement des populations et au vieillissement sain. Je vais vous donner quelques exemples. En 1994, tous les ministres de la Santé ont approuvé le document intitulé « Stratégies d'amélioration de la santé de la population : Investir dans la santé des Canadiens ». En 1998, les ministres responsables des aînés ont sanctionné le Cadre national sur le vieillissement et, en 2002, ils ont convenu d'un cadre de travail intitulé « Planification relativement au vieillissement de la population canadienne » pour servir de guide à tous les gouvernements au Canada en ce qui a trait à l'élaboration de politiques et de programmes touchant au vieillissement.
À l'heure où je vous parle, les représentants des diverses administrations du Canada travaillent à formuler des avis aux ministres responsables des aînés quant aux initiatives susceptibles d'alimenter la réflexion au sujet du vieillissement en santé ainsi qu'aux occasions de concrétiser les stratégies qui en découlent. Mme White, ma collègue de Nouvelle- Écosse, voudra peut-être aussi vous en parler.
Pour définir le contexte, permettez-moi de préciser que d'ici 2015, les aînés seront plus nombreux que les jeunes de moins de 15 ans au Canada; d'ici 2041, un quart de la population aura plus de 65 ans. Les personnes âgées représentent actuellement 13 p. 100 de la population canadienne — soit 4 millions de personnes — et 44 p. 100 des dépenses en matière de soins de santé leur sont consacrées.
Le groupe des personnes âgées de 65 ans et plus se caractérise par une profonde diversité au chapitre des expériences de vie, de la situation économique, de la condition physique et des ressources facilitant l'autonomie. Les Canadiens sont plus nombreux à vivre plus longtemps et à jouir d'une meilleure santé physique et mentale. Cependant, l'incidence accrue de maladies comme le diabète et la hausse de l'obésité pourraient ternir ce tableau.
Les principaux facteurs d'un mauvais état de santé sont la faiblesse du revenu — en particulier dans le cas de bon nombre de femmes âgées seules — un faible niveau de scolarité et d'alphabétisation et l'isolement sur le plan social. Le vieillissement sain n'est pas simplement une question de choix individuels ou de biologie. Les aînés ayant des niveaux de scolarité et de revenus faibles sont plus exposés à des problèmes de santé chronique et des limitations d'activités de plus longue durée. Parmi les autres aînés à risque, nous comptons ceux du quatrième âge, ceux résidant dans un établissement, les personnes âgées ayant elles-mêmes la charge de fournir des soins, les aînés vivant dans des collectivités rurales ou éloignées, ainsi que ceux issus de minorités ethnoculturelles.
Selon un récent document de discussion sanctionné par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux responsables des aînés, il existe de véritables problèmes au niveau du milieu, des institutions et de la société qui font obstacle à l'adoption de pratiques plus saines pour le mieux-être. Certains de ces problèmes ont leurs origines dans les injustices fondées sur le sexe, la culture, la compétence, le revenu, la provenance ou l'appartenance, l'âgisme et les conditions de vie. Toutes les Canadiennes et tous les Canadiens peuvent jouir d'une vie saine dans leur troisième âge, moyennant une volonté de nos dirigeants combinée à l'appui du public et à l'effort de chacun.
Des recherches de plus en plus nombreuses confirment la pertinence des investissements pour un vieillissement sain et pour une meilleure qualité de vie chez les aînés, même ceux du quatrième âge. Il a été démontré que seulement 33 p. 100 des aînés exercent leur capacité fonctionnelle maximale. Par conséquent, tout programme visant à prévenir les maladies et à promouvoir la santé ne peut que contribuer à améliorer la condition physique et la qualité de la vie tout en réduisant le recours aux services médicaux.
Les recherches révèlent également que les personnes âgées peuvent mener une vie plus longue et plus saine si elles s'exercent plus souvent à des activités physiques, assainissent leur régime alimentaire, prennent soin d'éviter les chutes, réduisent leur consommation d'alcool, évitent le tabac et maintiennent des contacts sociaux.
Nous savons que la promotion de la santé peut produire des gains importants chez les aînés dans le court et le moyen terme. Le maintien ou le rétablissement de l'autonomie physique réduira la dépendance à l'égard des soins pour maladies chroniques et conduira à ces gains en santé. Mais à l'heure actuelle, notre système se préoccupe du traitement plutôt que de la promotion de la santé et de la prévention des maladies.
Les questions relatives aux aînés et au vieillissement représentent des enjeux horizontaux et elles occupent une place fondamentale dans le programme du gouvernement fédéral. Notre agence travaille en étroite concertation avec des partenaires comme Ressources humaines et Développement social Canada, les provinces et les territoires, ainsi que les gouvernements étrangers et les organisations non gouvernementales. Notre travail est centré sur la promotion de la santé, la prévention des maladies chroniques telles que le diabète et les problèmes cardiovasculaires, la prévention des blessures et la préparation aux situations d'urgence.
À l'intérieur du portefeuille de la santé, nous nous intéressons aux questions liées aux soins primaires, aux soins à domicile et aux soins continus. Nous collaborons également avec l'Institut du vieillissement, qui est membre des Instituts de recherche en santé du Canada. Enfin, nous travaillons de concert avec les organisations des aînés, les chercheurs, les gérontologues et les universitaires. La mise en place de politiques efficaces exige en effet une telle collaboration intersectorielle.
Je vais maintenant vous dire un mot sur ce que nous faisons pour le compte des aînés. Notre travail est centré sur quatre piliers : le vieillissement sain, la prévention des chutes, les mesures d'urgence et les aînés, et enfin, la santé mentale. Je vous montrerai par des exemples comment nous répondons aux besoins des aînés, à la lumière des déterminants sociaux de la santé. Nous allons commencer par la prévention des chutes.
Les blessures causées par une chute peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la santé et l'autonomie des personnes âgées. Selon les estimations, ces blessures coûtent à l'économie canadienne 2,8 milliards de dollars par an. Dans le Rapport sur les chutes des aînés au Canada publié en 2005, notre agence estime qu'une réduction de 20 p.100 dans les chutes se traduirait par moins d'hospitalisations et moins d'aînés souffrant d'un handicap permanent et permettrait de réaliser des économies nationales de 138 millions de dollars par an.
Selon un rapport de la Colombie-Britannique, l'étude des déterminants sociaux de la santé révèle de façon constante que le revenu, l'éducation, le logement et les contacts sociaux jouent grandement sur la santé, le degré d'invalidité et la longévité. Un revenu faible, une scolarité limitée, un logement inadéquat, un manque de réseau de soutien et d'accès aux services de santé et sociaux expose davantage les personnes concernées à des problèmes de santé chroniques, lesquels représentent des risques pour les chutes.
Le rôle que les facteurs sociaux et économiques jouent à cet égard n'est pas bien compris et nécessite des recherches plus approfondies. Néanmoins, les incidents de chute peuvent découler d'une alphabétisation insuffisante (qui ne permet pas de tirer avantage de la documentation imprimée sur les stratégies de prévention) d'une faiblesse musculaire ou d'une mauvaise santé en raison d'un manque d'argent pour s'alimenter correctement.
Les aînés nous ont fait savoir l'importance qu'ils attachent à un accès aux services et programmes pouvant les aider à maintenir et à améliorer leur état de santé et à rester en contact avec la communauté et la famille. L'Agence de santé publique du Canada et l'Organisation mondiale de la santé collaborent à un projet mondial de villes-amies des aînés. Au total, 33 villes, réparties dans 23 pays, prennent part à cette initiative qui est financée partiellement par le Fonds de la santé des populations de l'Agence de santé publique. Au Canada, les villes participantes sont Saanich, en Colombie- Britannique; Portage la Prairie, au Manitoba; Halifax, en Nouvelle-Écosse; et Sherbrooke, au Québec. Dans ces villes, des groupes de réflexion ont pour tâche de repérer les ressources qui favorisent les aînés et les obstacles qu'ils peuvent rencontrer.
Dans une ville amie des aînés, les politiques, les services et les installations de l'environnement physique et social sont conçus pour appuyer et soutenir les aînés afin qu'ils puissent vieillir en restant actifs — c'est-à-dire vivre en sécurité, jouir d'une bonne santé et participer pleinement à la vie de la société. Ces villes prévoient par exemple des moyens de transport privés et publics qui sont adéquats et accessibles, des lieux et des programmes de rencontres et de loisirs de nature active, des rues et des édifices sécuritaires, ainsi que des mesures de soutien aux fournisseurs de soins. Comme vous le voyez, le projet est centré sur les déterminants sociaux de la santé et s'intéresse entre autres à des facteurs tels que les réseaux d'entraide, l'environnement physique et social et l'accès aux services de santé.
Un tiers de la population âgée canadienne vit dans les régions rurales. Les aînés vivant en zone rurale ou éloignée se disent préoccupés par le problème d'accès aux services de santé et par l'isolement sur le plan social. S'inspirant du projet mondial sur les villes-amies des personnes âgées, le groupe fédéral-provincial-territorial de travail sur le vieillissement sain et le mieux-être codirigé par moi-même à l'Agence de santé publique du Canada et la province du Manitoba, travaille à la mise en place d'un projet semblable dans les régions rurales et éloignées du Canada. Cette initiative parallèle vise à examiner, dans dix collectivités réparties dans huit provinces, les facteurs positifs pour les aînés là où la population est inférieure à 5 000 habitants. Les résultats seront présentés sous forme de guide pratique dont les collectivités rurales et éloignées de partout au Canada pourront se servir pour repérer les obstacles courants, engager le dialogue et poser les gestes qui font progresser le développement de collectivités-amies des aînés.
Les phénomènes qui se sont produits au Canada et ailleurs dans le monde ont mis en gros plan la vulnérabilité des aînés dans les situations de sinistre. En 2005, deux organisations de l'Agence de santé publique du Canada, en l'occurrence le Centre pour la promotion de la santé et le Centre de mesures et d'intervention d'urgence, ont amorcé un processus d'élaboration de politiques, de recherche, de sensibilisation et d'action pour répondre à la vulnérabilité des aînés dans les situations d'urgence et à la capacité confirmée de contribuer à la planification, aux mesures d'intervention et au rétablissement de leurs collectivités en cas de crise.
Nous avons conclu des partenariats importants avec l'Organisation mondiale de la santé, « Help the Aged », au Royaume-Uni, diverses administrations gouvernementales au niveau local, provincial, fédéral et international, les organismes de secours et les groupes d'aînés.
Dans notre travail sur les mesures d'urgence, nous nous intéressons à un certain nombre de facteurs, notamment le cadre physique et social, l'éducation, les pratiques individuelles en matière de santé et les aptitudes à faire face aux situations de crise. D'autres déterminants comme la culture, le revenu et le statut social nous préoccupent grandement aussi.
Pour terminer, la création de notre agence constitue une démarche importante dans l'amélioration de la santé des Canadiens et dans l'établissement de collectivités saines. Au cours des deux dernières années, nous avons scellé des partenariats solides au pays comme à l'étranger, dans le but d'apporter des solutions aux problèmes des aînés et aux questions du vieillissement. Nous examinons à cet effet les déterminants sociaux pour promouvoir la santé des populations. Le leadership de notre agence est reconnu ici au Canada comme ailleurs dans le monde. Il nous reste cependant beaucoup à faire encore.
Le président : Merci. J'aimerais que vous nous aidiez à préciser notre pensée. Nous devons rencontrer sir Michael Marmot dans quelques semaines et par la suite, certains d'entre nous se rendront à Vancouver pour participer à la rencontre mondiale de la santé.
J'ai essayé de définir un thème qui sera, je l'espère inclus dans notre rapport. Il s'agit d'un nouveau concept de prestation de soins de santé qui s'appuiera sur la santé de la population, la santé publique, la prévention, ainsi que la promotion de la santé. Je crois que le seul moyen d'y parvenir est de bâtir un réseau de ressources de services de santé et de services sociaux. Il me semble qu'un tel réseau fait actuellement défaut au Canada.
Les choses évoluent, mais nous avons investi beaucoup d'argent dans les grands hôpitaux et les centres de soins tertiaires. Pendant 35 ans de ma vie, je le confesse, j'ai saigné le système de santé pour obtenir tout l'argent que je pouvais pour l'Institut de cardiologie, sans me soucier suffisamment des ressources communautaires nécessaires pour atteindre les objectifs dont nous parlons maintenant.
Le sénateur Eggleton prendra ensuite la parole. Il est très intéressé par les villes et aussi par les collectivités rurales. Nous n'avons pas les ressources communautaires nécessaires, autrement dit les centres communautaires de services de santé et de services sociaux qui permettent de faire le lien entre la santé publique et la promotion de la santé, la prévention et la prestation des soins de santé.
Quels sont vos commentaires à ce sujet? Est-ce que votre nouvelle agence nous donne une lueur d'espoir? Vous semblez disposer de pas mal d'argent.
Mme Gillis : Certains d'entre nous en ont. Oui, il y a de l'espoir. C'est une question intéressante. C'est très complexe car de nombreux groupes et organismes divers sont concernés. Je crois que certaines démarches que nous avons entreprises, notamment le projet de villes-amies des aînés et l'initiative des collectivités rurales/éloignées-amies des aînés s'efforcent de définir, en consultant les aînés eux-mêmes, le type de situations auxquelles ils sont confrontés dans les villes et dans les collectivités rurales, sous l'angle des déterminants de la santé. De fait, les neuf questions posées aux personnes âgées sont toutes basées sur les déterminants de la santé. Cela nous permettra de constituer, au sein même de la collectivité, un guide que nous pourrons utiliser dans d'autres collectivités.
Nous disposons actuellement de suffisamment d'informations préliminaires pour affirmer qu'au Canada, l'accès aux services de santé est plus difficile dans les collectivités éloignées. Les jeunes s'installent souvent dans les villes, si bien que les personnes âgées vivant dans les petites localités rurales ne bénéficient plus du soutien de leur famille, comme c'était traditionnellement le cas. Je pense que nous devrons, avec les provinces qui sont nos partenaires, tenter de trouver une solution aux problèmes auxquels nous serons confrontés.
Pour répondre brièvement à votre question, je crois qu'on peut dire en effet qu'il reste beaucoup de travail à faire et je pense que nous avons entamé quelques projets en ce sens. Il sera intéressant de voir comment nous pourrons mettre en application les renseignements que nous aurons recueillis. Nous y avons déjà réfléchi.
Le président : Parlant de collecte d'informations, Glenda Yeates, de l'Institut canadien d'information sur la santé, l'ICIS, viendra nous rencontrer dès que ses troupes seront prêtes et que nous aurons déterminé le moment opportun. Quel lien officiel entretenez-vous actuellement avec l'ICIS?
Mme Gillis : Mes liens avec l'ICIS ne sont pas aussi étroits qu'avec l'Institut du vieillissement qui est membre des Instituts de recherche en santé du Canada, les IRSC. Nous travaillons beaucoup avec les IRSC. Nos liens avec les IRSC sont très étroits puisqu'ils travaillent sur certaines priorités que j'ai mentionnées, à savoir la santé mentale, la maladie d'Alzheimer. Nous collaborons avec eux dans le cadre du projet des villes-amies des aînés et des programmes de prévention des chutes. Nous nous efforçons de renforcer nos liens en matière de politique de recherche avec les IRSC.
Le sénateur Eggleton : Je note que 33 villes de 23 pays différents participent au projet de villes-amies des aînés, mais je constate qu'une seule ville canadienne participante compte parmi les dix grandes villes les plus peuplées. Il s'agit de Halifax qui se trouve même au bas de la liste des villes canadiennes les plus populeuses. Les villes qui représentent pratiquement la moitié de la population du pays ou même plus, ne participent pas à ce projet et pourtant, les risques et les dangers auxquels font face les personnes âgées dans les grandes villes méritent certainement beaucoup d'attention.
Comment détermine-t-on quelles sont les villes qui prennent part au projet et qui en assume les coûts? Est-ce l'Organisation mondiale de la santé ou le gouvernement du Canada?
Mme Gillis : Je vais d'abord répondre à votre première question concernant la taille des villes et les critères de choix. Nous avons demandé aux provinces de nous aider à choisir des villes. Elles se sont montrées intéressées et les villes choisies ont participé. Votre question est intéressante, étant donné que l'Organisation mondiale de la santé a posé la même question lorsque nous avons commencé à participer.
Il est question que des villes de plus grande importance prennent part à la prochaine phase. Les indicateurs positifs pour les aînés seront établis le 1er octobre 2007. À partir de là, nous pourrons commencer à étudier différentes façons de les mettre en œuvre. Je ne les nommerai pas, parce qu'elles viennent tout juste de déclarer leur intérêt, mais j'espère que quelques-unes des plus grandes villes canadiennes accepteront d'appliquer le guide pratique lorsque nous l'aurons publié.
Le sénateur Eggleton : Tout dépend donc essentiellement des provinces. L'Ontario n'a proposé aucune ville.
Mme Gillis : Non, mais la participation a été plus grande dans les régions rurales et éloignées. La plupart des provinces ont proposé des villes, mais le projet n'en était encore qu'à ses débuts.
Le sénateur Eggleton : J'espère que quelques grandes villes accepteront de participer.
Mme Gillis : Certaines villes étrangères sont assez grandes puisque, par exemple, Londres et Rio participent au projet.
Le sénateur Eggleton : Toronto, Montréal et Vancouver devraient elles aussi participer.
Le sénateur Pépin : Montréal est là.
Le sénateur Eggleton : C'est Sherbrooke.
Ma prochaine question, je la dois au fait que le sénateur Fairbairn m'a appris qu'il fallait toujours dresser l'oreille lorsqu'on entend le mot « alphabétisation ». Je crois que vous l'avez mentionné trois fois dans votre exposé. J'essaie de mieux comprendre les caractéristiques des personnes qui ont un problème d'alphabétisation, parce que cela nous aide à mettre sur pied des programmes pour leur venir en aide.
Je suppose que bon nombre des difficultés en matière d'alphabétisation chez les aînés sont liées à la langue. Le Canada a accueilli des gens d'un certain âge venant de différents pays qui, s'ils étaient encore en âge de travailler, ont trouvé du travail dans un secteur où ils pouvaient parler leur langue maternelle ou celle de leur pays d'origine. Nous connaissons tous par exemple le cas des ouvriers de la construction. D'autres sont des immigrants parrainés par leurs enfants ou petits-enfants qui n'ont pas une connaissance suffisante de l'anglais ou du français, sans doute parce qu'ils utilisent leur langue traditionnelle pour communiquer avec leur famille et leur communauté. Est-ce que ce sont là les problèmes d'alphabétisation les plus courants que l'on rencontre chez les aînés ou est-ce qu'il existe des personnes qui pouvaient être considérées comme alphabètes à une certaine époque mais qui ont perdu cette capacité à cause de la défaillance de leur mémoire ou qui n'ont pas suivi les progrès de la technologie après avoir quitté la main-d'œuvre active? J'essaie de mieux comprendre les caractéristiques des aînés qui ont des problèmes d'alphabétisation.
Mme Gillis : Je ne sais pas si le document donne tous ces détails. Je pourrais vérifier. Je suppose que le ministère des Ressources humaines et du Développement social Canada s'occupera de ce genre de détail, puisqu'il est en charge de l'alphabétisation, mais je peux vérifier et obtenir ces informations pour vous.
Le sénateur Eggleton : Le sénateur Fairbairn connaîtra peut-être la réponse. J'ai pensé vous poser la question, puisque vous en aviez parlé.
Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'un projet de villes-amies des aînés entrepris par l'agence au Manitoba, sur les localités rurales et éloignées du Canada. Je viens d'une région rurale de l'Île-du-Prince-Édouard. Ma province participe-t-elle à ce projet?
Mme Gillis : Je crois que votre province participe, mais je ne me souviens plus de la ville. Je peux le vérifier pour vous.
Le sénateur Callbeck : Quand ce projet a-t-il démarré? Depuis quand est-il en existence?
Mme Gillis : Nous avons lancé le projet il y a environ un an. Permettez-moi de préciser que je copréside avec le Manitoba le comité fédéral-provincial-territorial sur la santé. Voilà le lien avec le Manitoba. Plusieurs provinces participent à l'initiative des villes rurales/éloignées-amies des aînés. L'initiative aurait dû commencer il y a six mois, mais nous n'avons obtenu le financement que relativement récemment. Il faut en effet constituer une équipe de chercheurs chargés de rencontrer des personnes âgées. Cela nous a pris un peu de temps, car les recherches doivent être faites de manière statistique et rigoureuse. Le projet a bénéficié d'un financement provincial et fédéral.
Le sénateur Callbeck : Quand pensez-vous obtenir les résultats des projets?
Mme Gillis : Le guide concernant les localités rurales et éloignées devrait être prêt en novembre et le guide pour les villes en octobre.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que l'agence collabore étroitement avec les provinces. Quels sont les déterminants sur lesquels vous travaillez actuellement avec les provinces du Canada atlantique?
Mme Gillis : Je peux peut-être vous remettre la liste des questions concernant les déterminants que nous posons dans le cadre du projet des villes-amies des aînés.
Le sénateur Callbeck : Est-ce qu'il y a d'autres projets auxquels vous participez au Canada atlantique?
Mme Gillis : Les principaux sont les projets qui concernent les villes-amies des aînés. Nous collaborons également avec les provinces en matière de planification d'urgence. Ce projet est intéressant. En février, nous avons eu une rencontre qui nous a permis de réunir à Winnipeg nos partenaires nationaux et internationaux afin d'examiner une dizaine d'aspects depuis la perspective d'une personne âgée et de présenter des recommandations relativement aux mesures que les gouvernements et les collectivités devraient prendre pour assurer la sécurité des personnes âgées. C'est un autre projet de grande envergure.
Toutes les provinces participent aux projets relatifs au vieillissement actif qui se déroulent également à la table fédérale-provinciale-territoriale, avec la participation des ministres responsables des personnes âgées dans les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. La plus grande partie du travail avec les provinces se fait autour de la table FPT sur les personnes âgées.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que le projet relatif au vieillissement actif va réunir les ministres de toutes les provinces?
Mme Gillis : Oui, il y a une rencontre des ministres responsables des personnes âgées et l'agence participe à la discussion sur la santé.
Le sénateur Callbeck : Est-ce que vous prenez l'initiative dans ces différents dossiers?
Mme Gillis : Nous avons pris l'initiative dans le cas des villes-amies des aînés et de la planification d'urgence. L'initiative sur le vieillissement actif est en cours depuis longtemps. Le dossier de la santé mentale n'a pas été autant associé aux provinces. Il y a probablement du travail à faire dans le dossier de la santé mentale et de la maladie d'Alzheimer.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'une localité participe au projet à l'Île-du-Prince-Édouard. Comment cela se passe-t-il là-bas?
Mme Gillis : Nous avons engagé des chercheurs qui ont posé une série de questions définies par l'Organisation mondiale de la santé relativement à neuf déterminants de la santé, sur différents aspects allant du transport au logement. Les chercheurs réunissent des groupes d'aînés, leur posent des questions et inscrivent leurs réponses relatives aux déterminants de la santé dans ces deux projets. Cela consiste à demander aux personnes âgées de décrire leur vie sous l'angle des neuf déterminants de la santé.
Notre prochaine étape a consisté à définir des lignes directrices basées sur les déterminants de la santé que les villes ou collectivités doivent mettre en pratique pour permettre à leurs aînés de vieillir en santé et dans un environnement capable d'assurer leur bien-être. Les rencontres que nous avons actuellement avec les aînés ont pour but de définir ces lignes directrices.
Le sénateur Callbeck : Quel est le pourcentage de personnes âgées auprès desquelles vous espérez obtenir des informations?
Mme Gillis : Voulez-vous parler du pourcentage d'une province?
Le sénateur Callbeck : Non, j'aimerais savoir s'il y avait par exemple 5 000 personnes dans cette région de l'Île-du- Prince-Édouard.
Mme Gillis : Je ne me souviens pas exactement des chiffres. Je connais un peu mieux le projet dans les villes puisque j'ai participé plus activement aux discussions et j'ai assisté à certaines rencontres avec les aînés.
Les chercheurs procèdent de façon statistique et déterminent le pourcentage de personnes. Dans le projet des villes, par exemple, ils s'adressent à huit groupes différents dans lesquels ils s'assurent qu'il y a des hommes et des femmes, des personnes de revenus différents, d'horizons sociaux et ethniques différents, et cetera. Les chercheurs appliquent un certain nombre de critères pour choisir les participants.
Dans les collectivités plus petites, c'est plus difficile. D'après les communications que j'ai eues avec les provinces, je sais qu'elles ont dû assouplir certains des critères conçus pour les villes, en raison de la population moins dense des collectivités rurales.
Le sénateur Fairbairn : Nous avons tous notre propre vécu et je suis certaine que vous avez tous vos propres expériences avec les personnes que vous côtoyez dans le cadre de votre travail ou que vous tentez d'aider. Ayant moi- même pris soin de certains membres plus âgés de ma famille, j'ai été surprise et presque émerveillée par leur capacité à prendre leurs propres décisions. D'autre part, malgré toute la bonne volonté des personnes qui les entourent, elles sont fermement décidées à maintenir le contrôle sur ce qu'elles veulent faire.
Il y a beaucoup d'excellents foyers pour personnes âgées au Canada. Dans ma propre ville de Lethbridge, les aînés sont probablement les plus grands militants de la collectivité. Dans le cadre de votre travail, collaborez-vous étroitement avec des organisations comme l'INCA, l'Institut national canadien pour les aveugles, qui déploie dans les petites et grandes collectivités les efforts les plus extraordinaires qui abordent pratiquement tous les aspects de la santé et du vieillissement? L'INCA ne se contente plus de nos jours de fournir des livres parlés; il propose aux personnes âgées différentes façons de se déplacer dans la maison, afin que les personnes âgées puissent rester chez elles sans avoir quelqu'un qui les suive pour leur dire quoi faire.
Mme Gillis : Nous collaborons avec l'INCA de deux manières différentes. Nous travaillons toujours avec l'institut pour la préparation des brochures et des trousses d'information destinées aux aînés, mais selon le sujet, nous collaborons également avec différents autres groupes.
Nous disposons également d'une ligne téléphonique et d'un service informatique qui nous permettent d'aider les aînés à s'orienter dans leur collectivité. N'importe quel aîné du pays peut composer le numéro 1-800-O-Canada afin d'obtenir de l'aide, par exemple pour trouver de l'information sur les troubles de l'ouïe. Nous aidons également les aînés qui souhaitent demeurer chez eux à bénéficier du service de repas à domicile. C'est un programme que propose la Division du vieillissement et des aînés depuis de nombreuses années.
Le sénateur Fairbairn : Le terme « alphabétisation » est apparu dans la discussion. Le phénomène apparaît à tout âge, mais je pense que l'alphabétisation est particulièrement importante pour les aînés, étant donné que la lecture occupe une grande partie de leur vie — encore plus que la télévision dans une certaine mesure. Beaucoup de personnes n'ont pas cette capacité et tous les gestes de la vie quotidienne — qu'il s'agisse de cuisiner, de lire le journal ou de prendre des médicaments — peuvent s'avérer difficiles à exécuter. Parfois, la personne est trop entêtée pour avouer à quelqu'un qu'elle ne peut pas effectuer telle ou telle chose ou qu'elle ignore tel ou tel détail. Avez-vous souvent rencontré ce genre de problèmes?
Mme Gillis : Je pense que vous avez dû parler à ma mère.
Le sénateur Fairbairn : Non, à la mienne.
Mme Gillis : Est-ce que l'Agence de santé publique entend parler directement de ce genre de choses? Probablement moins, mais vous avez soulevé des questions intéressantes, notamment celle de la prise des médicaments. En effet, des médicaments mal pris peuvent avoir des conséquences énormes sur le plan des chutes et de l'incapacité.
Il y aurait beaucoup d'études à faire sur ces aspects qui peuvent avoir des conséquences négatives dans la vie quotidienne des aînés. Il est intéressant de noter que, dans le cas d'une personne qui vit seule, l'isolement social revêt une importance capitale. Comme nous l'avons vu un peu plus tôt dans le contexte des collectivités rurales et éloignées, les aînés qui ne bénéficient pas de la présence de leur famille ou d'un réseau de soutien peuvent être victimes d'une certaine marginalisation accompagnée d'une détérioration de leur santé. C'est pourquoi je pense que l'isolement social est un élément important dans tous les cas.
Le sénateur Nancy Ruth : Je m'intéresse toujours à la façon dont le gouvernement fédéral peut exercer une influence sur les municipalités et leurs codes du bâtiment qui s'appliquent aux trottoirs, aux cuisines, aux ouvertures de fenêtre, aux interrupteurs qui ne sont pas à la bonne hauteur, et cetera. J'ai l'impression que le gouvernement fédéral ne veut pas exercer de pressions de cette nature sur les villes et je pense que c'est une grave erreur.
Mme Gillis : Voilà un point intéressant. Ce sont probablement des aspects qui surgiront dans les études concernant les villes-amies des aînés, lorsque nous examinerons l'environnement bâti. Je pense que nos hivers réduisent considérablement la mobilité des personnes âgées.
Dans le Rapport sur les chutes des aînés au Canada, publié à la fin de l'année 2005, nous avons parlé des mesures que le gouvernement fédéral prend à ce chapitre et nous avons fait état de statistiques que nous qualifions pratiquement d'effroyables. Le rapport révèle que les hospitalisations en raison de chutes durent deux fois plus longtemps que pratiquement toutes les autres. Les chutes représentent une plaie pour les personnes âgées; à cause d'elles, elles perdent leur indépendance. Le traitement des blessures causées par les chutes coûte environ 1 milliard de dollars en coûts directs de santé. Je crois que les chutes représentent la deuxième cause la plus importante de blessures après les accidents d'automobile, dans l'ensemble de la population.
Nous savons que les chutes sont un problème grave pour les aînés canadiens. Les chutes sont également une cause d'isolement social, étant donné qu'une personne qui est tombée hésite souvent à sortir. Ceux d'entre vous qui ont des parents âgés qui ont été victimes de chutes savent que les aînés ont souvent peur de quitter la maison par la suite. Par conséquent, il faut non seulement réduire les chutes, mais également aider les gens à retrouver leur mobilité par la suite.
Nous avons fait paraître ce rapport. D'autre part, nous avons financé diverses études par l'intermédiaire du Fonds pour la santé de la population et nous connaissons bien les causes des chutes. À mon avis, l'étape la plus intéressante est la suivante, celle des mesures d'intervention que nous prenons, en collaboration avec les provinces — étant donné que certains de ces aspects relèvent des services sociaux et des responsabilités fédérales-provinciales-territoriales. Nous avons quelques idées à ce sujet.
Je ne sais pas dans quelle mesure nous pouvons influencer des choses comme les constructions de routes et d'autres décisions de ce type, mais j'espère que certaines de ces questions seront examinées dès le départ, étant donné que les provinces sont si intéressées par notre projet de villes-amies des aînés qui met notamment l'accent sur l'accessibilité.
Nous connaissons assez bien les systèmes qui donnent de bons résultats dans les interventions en matière de chutes. Par exemple, le ministère de la Santé de Colombie-Britannique a publié un tableau indiquant que l'intensification des programmes de prévention des chutes s'est traduite par une diminution des hospitalisations. Dans le domaine de la promotion de la santé, il est rare que l'on obtienne des statistiques qui démontrent ainsi l'efficacité de l'intervention.
Comme je le disais dans mon dernier commentaire, je pense qu'il reste beaucoup à faire dans ce domaine. Nous sommes tout à fait prêts à collaborer avec les provinces à ce sujet.
Permettez-moi d'ajouter que le rapport sur les chutes est un excellent document qui a incité l'Organisation mondiale de la santé à nous demander de collaborer à la réalisation d'un rapport sur les chutes dans le monde. Nous avons financé ce travail par l'intermédiaire du Fonds pour la santé de la population et les travaux sont actuellement en cours. Nous avons eu plusieurs rencontres au niveau national et international avec des experts afin d'étudier différentes façons d'aborder certaines de ces questions.
Le sénateur Nancy Ruth : Le rapport dont vous parlez est vraiment...
Mme Gillis : Ce sont des statistiques.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous l'avez fait parvenir à la province, et pas à la ville.
Mme Gillis : Tout le monde peut le consulter; c'est un document public.
Le sénateur Nancy Ruth : Vous ne travaillez pas véritablement avec eux; il n'y a pas de transfert de fonds.
Mme Gillis : Pas précisément, non; nous travaillons à différents autres projets, mais de manière moins poussée.
Le sénateur Cochrane : Quelles sont vos relations avec les provinces? Comment communiquez-vous avec elles? Comment évaluez-vous certains aspects de la situation? Par exemple, vous avez dit que seulement 33 p. 100 des aînés exercent leurs capacités fonctionnelles maximales. D'où vient ce chiffre? Quel est le rôle des provinces dans ce domaine?
Mme Gillis : Nous travaillons de plusieurs manières différentes avec les provinces. Comme je l'ai mentionné, il y a la rencontre fédéale-provinciale-territoriale des ministres responsables des aînés.
Le sénateur Cochrane : Quelle est sa fréquence?
Mme Gillis : Ces rencontres ont lieu plusieurs fois par année — une fois par an pour les ministres, mais les fonctionnaires se rencontrent plus souvent. Je dirais que je communique au moins une fois par mois par téléphone avec les provinces au sujet des travaux de la table de concertation FTP sur le vieillissement sain; nous communiquons assez bien ensemble.
L'agence a également des bureaux régionaux qui travaillent en étroite collaboration avec les différentes provinces; d'autre part, ils ont accès au Fonds pour la santé de la population afin d'aborder certains enjeux de population propres à leur province. Voilà les deux niveaux principaux de collaboration que nous avons avec les provinces.
Nous avons aussi beaucoup de rencontres bilatérales, parce que nous connaissons les spécialistes du domaine; nous travaillons depuis longtemps sur les enjeux du vieillissement et nous avons établi de nombreux contacts partout au pays.
Le sénateur Cochrane : Est-ce qu'une province en particulier se distingue dans un des domaines que vous avez abordés?
Mme Gillis : La Colombie-Britannique fait de l'excellent travail en matière de prévention des chutes. Cette province est probablement un chef de file en la matière, bien que quelques autres provinces travaillent également sur cette question.
Le sénateur Cochrane : Pouvez-vous me dire pourquoi la Colombie-Britannique a de si bons résultats?
Mme Gillis : Elle consacre beaucoup d'argent aux programmes destinés aux aînés.
Le sénateur Cochrane : La province?
Mme Gillis : Oui, la province. Je vais laisser Mme White parler de son expérience dans sa propre province qui a obtenu elle aussi d'excellents résultats. Nous nous sommes associés à la Nouvelle-Écosse dans pratiquement tous les projets dont je vous ai parlé aujourd'hui. Avec l'Ontario également. Nous avons travaillé en partenariat avec pratiquement toutes les provinces.
Le sénateur Cochrane : Vous avez dit que les aînés peuvent mener une vie plus longue. Vous avez dit qu'il est important de maintenir des contacts sociaux. Je connais le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. C'est un programme fabuleux qui organise le transport des aînés d'une collectivité à une autre; les aînés participent à des activités sociales, se font des amis, prennent part à des dîners, des soirées dansantes. Les résultats des programmes Nouveaux Horizons pour les aînés sont tout simplement incroyables. Avez-vous constaté des résultats?
Mme Gillis : Le programme Nouveaux Horizons pour les aînés relevait auparavant de Santé Canada; il est maintenant financé par RHDSC. Nous travaillons avec le ministère. Nous avons des liens étroits avec RHDSC. En fait, j'ai communiqué avec tous les intervenants du pays afin de leur parler des questions de santé, car ils reçoivent de nombreuses demandes de fonds pour intervenir sur des questions de santé comme les chutes. Nous avons constaté que certains de ces programmes seraient beaucoup plus efficaces grâce à un partage des connaissances.
Le sénateur Cochrane : C'est un bon programme pour partager des informations.
Mme Gillis : Tout à fait.
Le sénateur Cochrane : C'est ce qu'ils font quand ils se rencontrent.
Mme Gillis : De ce côté-là, c'est excellent.
[Français]
Le sénateur Pépin : Vous parlez des programmes de santé physique, mais lorsqu'on pense aux personnes âgées, on pense également à l'isolement. C'est un des problèmes qu'il est important de régler. Même si elles demeurent dans des résidences pour personnes âgées, on sait que très souvent, certaines personnes trouvent qu'elles n'ont pas assez de visiteurs ou qu'elles ne font pas assez d'activités. Avez-vous des statistiques à cet effet?
Mme Gillis : Pas beaucoup. Votre question a trait aux chutes ou est-ce une question générale?
Le sénateur Pépin : Avez-vous des statistiques sur l'isolement?
[Traduction]
Est-ce qu'il existe un programme particulier?
Mme Gillis : Non.
Le sénateur Pépin : Je crois que c'est un des grands problèmes.
[Français]
Mme Gillis : C'est un problème. C'est sous la juridiction provinciale. Il est difficile d'avoir un rôle pour le gouvernement fédéral. En même temps, je crois qu'il y aura des options avec de nouveaux programmes. Les agences sont très importantes dans les situations d'urgence. Après l'ouragan Katrina, les statistiques étaient terribles et c'est une des raisons pour lesquelles on a décidé de travailler sur les urgences pour les personnes âgées. On a trouvé des statistiques globales tragiques après avoir étudié le sujet.
[Traduction]
Le président : Malheureusement, madame Gillis, nous avons un peu dépassé le temps qui vous était réservé. Nous devons maintenant passer au prochain groupe de témoins. Merci beaucoup d'être venue.
Nous accueillons maintenant trois spécialistes. Nous allons demander à ces trois témoins de présenter leur exposé, et nous passerons ensuite aux questions. Le premier témoin est M. Mark Rosenberg, membre du bureau et du conseil d'administration de l'Association canadienne de gérontologie. Il est rédacteur en chef de la Revue canadienne du vieillissement, la revue officielle de l'association et le seul périodique interdisciplinaire du Canada sur le vieillissement. Il est par ailleurs coauteur de Vieillir au Canada : Les aspects démographique et géographique du vieillissement.
À part M. Rosenberg, nous accueillons Valerie White, directrice générale du Secrétariat aux aînés, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse. Le secrétariat est l'organisme du gouvernement provincial chargé des personnes âgées. En 2005, le secrétariat a publié Strategy for Positive Aging in Nova Scotia qui propose un cadre d'intervention gouvernementale et communautaire fondé sur les déterminants sociaux de la santé.
Nous avons enfin le Dr André Davignon, fondateur de l'Observatoire Vieillissement et société. Créé en 2003, cet organisme a pour but d'aider les aînés à bien vieillir en facilitant la réflexion et la prise de décisions individuelles et collectives concernant les défis que soulève le vieillissement de la population et ses effets sur la société.
Mark Rosenberg, professeur, Université Queen's, Association canadienne de gérontologie : Au nom de l'Association canadienne de gérontologie et à titre de membre du bureau et du conseil d'administration, et de rédacteur en chef de la Revue canadienne du vieillissement, c'est un honneur pour moi de présenter ce mémoire au Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
La santé des populations peut être vue dorénavant comme un cadre conceptuel complet permettant de comprendre la santé de la population canadienne ou de segments de la population canadienne. Pourquoi l'Association canadienne de gérontologie, ACG, la décrit-elle de cette façon? Premièrement, comme vous le savez, l'Agence de santé publique du Canada retrace l'origine de l'élaboration intellectuelle de l'approche axée sur la santé de la population au rapport phare de Mark Lalonde intitulé Nouvelle perspective de la santé des Canadiens. Depuis lors, une série de réunions et de rapports fondamentaux ont étoffé le cadre de travail de la santé de la population. Autrement dit, le cadre de travail sur la santé de la population a été élaboré et raffiné sur une période de 30 ans.
Deuxièmement, même si au début, l'approche axée sur la santé de la population au Canada mettait l'accent sur le développement de la petite enfance, elle a servi de cadre organisationnel important pour bon nombre des 96 projets financés entre 1991 et 1995 par l'entremise du Programme d'autonomie des aîné(e)s, du programme Alliance pour l'autonomie et du programme Nouveaux Horizons : partenaires des aînés.
Dans le document intitulé Pour une société qui vieillit en santé : Une approche axée sur la santé de la population, rapport préparé par Linda Macleod and Associates pour la Division du vieillissement et des aînés de Santé Canada, diverses questions relativement aux aînés du Canada ont été dégagées à l'aide d'une approche axée sur la santé de la population. Je ne vais pas passer toutes les questions en revue, étant donné que beaucoup d'entre elles déjà été soulevées et sont exposées dans notre mémoire.
Troisièmement, adoptons une approche raisonnée de la santé de la population et mentionnons les liens qui ont été établis entre la santé de la population comme approche pour dégager et analyser les questions et les facteurs clés sous- jacents, ainsi que les stratégies de promotion de la santé. Ces liens peuvent être constatés dans les publications de l'ACG comme Mauvais traitement auprès des personnes âgées : Stratégies de changement et Symposium — L'inégalité des soins, que nous avons parrainé et dans le cadre duquel nous avons produit ces rapports.
Nous souhaitons attirer l'attention du sous-comité sur trois points faibles importants du cadre de la santé de la population. Premièrement, le cadre est essentiellement statique. Il a permis d'effectuer une recherche valable pour dégager les déterminants sociaux de la santé à un certain point, en fonction de l'objet de la recherche. Nous ne connaissons pas beaucoup d'exemples de recherches qui se basent sur un cadre de la santé de la population dans un contexte dynamique ou longitudinal pour démontrer la façon dont les changements dans les déterminants de la santé et les soins de santé entraînent des changements dans l'état de santé et la nécessité de types de soins plus nombreux et différents.
Deuxièmement, le cadre de la santé de la population ne s'adapte pas facilement à la diversité croissante de la population canadienne en général et à la diversité croissante de la population des aînés au Canada. Dans les décennies à venir, une proportion croissante d'aînés canadiens proviendront des minorités visibles, des communautés de gais et de lesbiennes et, plus tard dans le siècle, des peuples autochtones du Canada.
Troisièmement, le cadre de la santé de la population ne tient pas facilement compte de la complexité des géographies locales. Les déterminants de la santé des aînés seront probablement différents dans les milieux ruraux du Canada, dans les milieux urbains du Canada et dans les régions du Canada où le coût de la vie augmente rapidement, par exemple à Vancouver, Calgary et Toronto, mais aussi dans des collectivités en pleine expansion comme Fort McMurray. Cela ne veut pas dire qu'aucune recherche ne traite ces deux dernières questions, mais plutôt que la plupart de la recherche a tendance à consister en des études de cas à petite échelle.
Comment traiter ces limites du cadre de la santé de la population? Premièrement, le gouvernement doit investir dans les outils nécessaires pour effectuer une recherche dynamique, longitudinale. Actuellement, les Instituts de recherche en santé du Canada élaborent, par l'entremise de l'Institut du vieillissement, l'Étude longitudinale canadienne sur le vieillissement, ELCV. D'autres fonds seront nécessaires pour lancer l'étude et un engagement à l'égard d'un financement à long terme sera indispensable pour maintenir l'étude pendant au moins 20 ans afin de fournir les données requises pour comprendre la façon dont les déterminants de la santé changent à l'intérieur du cadre de la santé de la population.
Deuxièmement, Statistique Canada soutient l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, ESCC, et les centres de données régionaux pour permettre d'accéder à distance aux études de Statistique Canada. Ces deux programmes doivent recevoir un soutien financier additionnel pour rendre l'ESCC encore plus inclusive, tenir compte de la diversité de la population canadienne et permettre aux chercheurs de profiter de la diversité et des géographies de petite échelle faisant partie de l'ESCC.
Troisièmement, il y a plus de 10 ans que Santé Canada a financé un grand programme de recherche comme le Programme d'autonomie des aîné(e)s. Pour progresser dans notre compréhension de la santé de la population dans un cadre dynamique et longitudinal et pour soutenir une nouvelle génération de recherche et de jeunes chercheurs qui veulent comprendre pourquoi les déterminants de la santé et les soins de santé changent tout comme les aînés du Canada changent eux-mêmes, nous avons besoin d'un programme subventionné de recherche spécialisée qui intégrera la santé de la population, la politique et les programmes.
J'ai privilégié ces sujets parce que l'Association canadienne de gérontologie est essentiellement un organisme multidisciplinaire réunissant des chercheurs, des praticiens et d'autres personnes qui s'intéressent aux aînés, mais dont le mandat est essentiellement axé sur la recherche. Nous voulions attirer votre attention sur les trois points clés sur lesquels nous devons nous concentrer si nous voulons que la recherche passe au stade suivant.
Je tiens à vous remercier pour votre intérêt et pour le temps que vous nous consacrez. J'ai apporté suffisamment d'exemplaires de la Revue canadienne du vieillissement pour chacun d'entre vous.
Valerie J. White, directrice exécutive, Secrétariat des aînés, ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse : Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invitée à témoigner. C'est avec grand plaisir que j'ai accepté d'être ici pour vous parler de la stratégie de la Nouvelle-Écosse intitulée « Strategy for Positive Aging » et pour vous aider de quelque façon que ce soit à accomplir cette tâche complexe et très importante que vous avez entreprise.
Mes remarques porteront sur les points suivants que l'on m'a demandé d'aborder : notre « Strategy for Positive Aging », exemple pratique de stratégie gouvernementale intersectorielle; la préparation de la stratégie; le contenu de la stratégie et notre processus de mise en œuvre. Et parce que ce sujet est directement lié à votre travail, je soulignerai la façon dont notre stratégie positionne les déterminants sociaux de la santé.
En premier lieu, notre stratégie révèle une approche intersectorielle. La structure unique du Secrétariat aux aînés en fait un partenaire idéal pour ce type de travail. Le secrétariat est régi par un comité de sept ministres présidé par le ministre délégué aux Affaires des personnes âgées. Cela signifie que la collaboration intergouvernementale est plus qu'une activité pour nous, c'est la façon dont nous fonctionnons. Même si le secrétariat deviendra sous peu le ministère des Aînés, le comité du Cabinet demeurera en place.
Parce qu'elle maintient cette approche faite de collaboration, la stratégie constitue un guide à long terme pouvant aider tous les secteurs à créer des collectivités attentives au bien-être des aînés et à les préparer à s'adapter à la population vieillissante de la Nouvelle-Écosse.
La stratégie publiée en décembre 2005 fut la première de son genre au Canada. La Colombie-Britannique a présenté à son tour un rapport semblable l'année dernière et Terre-Neuve-et-Labrador participe actuellement à la création de leur cadre de référence. Il va sans dire qu'en Nouvelle-Écosse, nous en apprenons davantage chaque jour. Il y a peu de régions auxquelles nous pouvons nous adresser pour obtenir des conseils.
La préparation de la stratégie a exigé un long processus de consultation et un comité consultatif composé de 22 membres a conduit le processus à bon terme. Un document de travail a été publié pour inviter le public à participer directement à la révision du cadre de référence. En tout, plus de 1 000 Néo-Écossais ont participé à 34 assemblées publiques et à 11 forums d'intervenants et ont également fait part de leurs observations par écrit. De plus, nous avons procédé à une révision complète de la documentation comprenant environ 400 rapports et livres décrivant les perspectives sur le plan provincial, national et international.
La principale section de la stratégie est le cadre de référence qui comporte des lignes directrices, une vision, neuf objectifs et 190 actions sociétales. La stratégie contient également un contexte et des antécédents pour faciliter la prise de décisions ainsi qu'une section qui souligne les initiatives novatrices amorcées dans d'autres régions. L'intention est de stimuler la pensée créative et de favoriser les nouvelles approches.
L'étape de la mise en œuvre est celle où le secrétariat, à titre d'organisme responsable, doit également démontrer sa créativité et trouver de nouvelles approches. Au cours de la dernière année, nos activités ont essentiellement porté sur la communication. Nous savions que si un vaste ensemble de secteurs voulaient y recourir pour leur propre planification, ils devaient d'abord savoir qu'elle existe. Cette approche nous a été très bénéfique. Plusieurs ONG ont élaboré leur plan stratégique à partir de la stratégie. C'est le cas par exemple de la Gerontology Association of Nova Scotia, de la South Shore District Health Authority et d'autres groupes.
La stratégie a également influencé et facilité le travail d'autres ministères tels que le ministère de la Santé dans sa stratégie de soins continus, le ministère de l'Éducation dans son étude démographique et dans une stratégie pour les fournisseurs de soins, toutes en cours d'élaboration et qui font figure de premières au Canada. Le secrétariat a également connu une hausse spectaculaire de demandes pour la participation de conférenciers et d'invitations à siéger à des comités regroupant différents intervenants. Ceci nous indique que beaucoup de gens veulent participer à la mise en œuvre de la stratégie. Le secrétariat a conçu un modèle pour suivre les progrès. Nous avons consulté une grande variété de sources afin de nous informer sur un grand nombre d'activités en cours dans la province.
Le secrétariat gère également l'élaboration du plan d'action « Positive Aging » du gouvernement provincial. Nous avons tenu notre première réunion du groupe de travail interministériel il y a deux semaines et espérons vous présenter une version provisoire d'ici le mois d'avril 2008. Le groupe procède actuellement à la mise à jour du modèle de suivi des progrès accomplis afin d'assurer qu'il décrit parfaitement le travail du gouvernement depuis le dévoilement de la stratégie. De plus, le groupe étudie les 190 actions sociétales afin de déterminer lesquelles relèvent du gouvernement provincial et celles dans lesquelles le gouvernement pourrait intervenir pour les faire avancer. Nous avons demandé par ailleurs au groupe de classer les actions du gouvernement selon un ordre de priorité tenant compte de l'économie de coûts, de la facilité de mise en œuvre, de la capacité d'accroître l'autonomie et le bien-être, de la capacité de diminuer la demande auprès du gouvernement et de la possibilité de collaboration.
Toutefois, avant de plonger dans le plan d'action, nous prévoyons faire participer le groupe à la planification du scénario. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse n'a recouru qu'une seule fois à cette mesure pour des sujets touchant l'énergie et l'économie. La formule s'est révélée bénéfique, car elle a permis aux participants de saisir à fond tous les facteurs qui influencent le changement et de se concentrer sur ce qu'ils ont le pouvoir d'accomplir. À ce moment, c'est- à-dire après que nous avons décidé de faire une planification de scénario portant sur la population vieillissante, nous avons appris que l'Écosse avait fait de même l'année dernière dans le cadre de l'élaboration d'un document de travail intitulé Growing Older and Wiser together.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous en apprenons davantage chaque jour. Jusqu'à maintenant, l'aspect non résolu de la mise en œuvre de la stratégie a été de créer un mécanisme pour faire participer les secteurs non gouvernementaux.
Nous avons appris récemment que l'Écosse avait créé un forum national sur le vieillissement dans le but de fournir des conseils et de l'aide à tous les secteurs qui participent à l'élaboration de la stratégie dans un document intitulé All Our Futures : Planning for a Scotland with an Ageing Population, qui a été dévoilé il y a deux mois. Nous étudions attentivement cette stratégie et, la semaine dernière, notre ministre responsable des personnes âgées a assisté à une conférence en Écosse et a rencontré les agents responsables pour discuter avec eux de leur approche.
Finalement, le secrétariat a ciblé plusieurs domaines pour lesquels nous sommes parfaitement habilités à élaborer les initiatives qui sauront faire avancer bon nombre d'actions.
Avant de conclure, j'aimerais aborder la façon dont la stratégie positionne les déterminants sociaux de la santé. Parce que les déterminants font partie intégrante de l'ensemble de la stratégie, nous avons décidé d'en faire un thème très important. Toutefois, nous avons été déçus de constater que la Nouvelle-Écosse n'en a pas de définition convenue. Quant aux autres définitions, dont celles qu'utilise Santé Canada, elles ne contiennent pas les éléments importants sur lesquels porte la stratégie. Nous avons donc poussé notre recherche et trouvé une description rédigée par l'Organisation mondiale de la santé. Cette description convient très bien à notre stratégie. Nous avons aussi été impressionnés par le fait qu'elle traite de transport, le point dont il a été le plus question dans le processus de consultation. Nous avons aimé le fait qu'elle décrive très bien la notion de revenu en ne traitant pas les classes sociales sur le plan de la pauvreté ou de la richesse.
Pour conclure, j'aimerais faire remarquer que la Nouvelle-Écosse détient la place non enviable de deuxième province en importance ayant la population la plus âgée au Canada et celle dont le taux de maladies chroniques est le plus élevé au pays. Pour ces raisons, notre province est en position idéale pour stimuler des innovations et essayer de nouvelles approches. Nous espérons que la Stratégie pour le vieillissement positif aidera à y arriver. Nous vous invitons également à travailler conjointement avec nous pour faire avancer notre vision d'une société inclusive composée de collectivités attentives au bien-être des aînés et sensibles à la valeur de leur contribution.
J'espère qu'au cours de la discussion, j'aurai l'occasion de parler des mesures que nous avons déjà mises en place et de certaines initiatives auxquelles nous travaillerons au cours de l'année à venir.
Le président : Merci beaucoup, madame White. Ce qui a d'extraordinaire au Canada, c'est que nous avons des grandes et des petites provinces et des grandes et des petites villes et que les modèles qui ne peuvent pas être mis en place dans certaines grandes provinces peuvent l'être dans les petites. La Nouvelle-Écosse en est le parfait exemple.
[Français]
Dr André Davignon, fondateur, Observatoire Vieillissement et Société (OVS) : Monsieur le président, je vous remercie au nom de l'Observatoire Vieillissement et Société de comparaître devant votre prestigieux comité dont le mandat d'étudier les déterminants sociaux est exactement le mandat que l'Observatoire vieillissement et société s'est fixé. Nous sommes une organisation à but non lucratif avec une charte fédérale, donc totalement indépendante de tout. Nous pouvons parler librement.
Deuxièmement, je peux encore parler librement parce que je suis le plus vieux ici. J'ai vécu le statut d'une personne âgée à sa retraite, j'ai tout connu.
[Traduction]
Permettez-moi de vous présenter quelques anecdotes qui vont vous faire réfléchir. Un jour que je me déplaçais dans mon nouvel hôpital, un hôpital pour les personnes âgées, une infirmière m'arrête dans le couloir et me demande si je cherchais mon lit. Je lui réponds que non. « Alors, vous voulez vous rendre aux admissions? » Non. « Vous cherchez peut-être alors le lit de votre femme? » Non. « Mais dans ce cas-là, que faites-vous ici? » Je lui ai répondu que je faisais de la recherche à l'hôpital et que je me dirigeais vers mon bureau.
Quelques mois plus tard, je prenais l'ascenseur, suivi par une technicienne. J'appuie sur le bouton du quatrième étage, elle fait de même et lorsque les portes s'ouvrent, elle s'adresse à moi et me dit : « Nous sommes arrivés au quatrième étage. Faites attention, c'est tout droit devant vous. »
Mais voici une histoire encore bien pire. J'ai un ami de 73 ans qui avait décidé d'installer des bardeaux sur son toit. Il est tombé et s'est brisé un os du cou. Le cou a commencé à enfler, gênant de plus en plus sa respiration. Sa femme a composé le 9-1-1 et il a été transporté à l'urgence d'un grand hôpital. Là-bas, on l'a intubé et le jeune interne, consultant son dossier a demandé à l'anesthésiste : « Il a 73 ans; pourquoi ne le laisse-t-on pas mourir? » Ce que je vous raconte là est tout à fait authentique.
Toutes ces attitudes sont des manifestations de ce que j'appelle l'âgisme. Je cherchais un dénominateur commun et c'est l'âgisme. J'ai été victime d'âgisme et je ne suis pas le seul. C'est une plainte que reçoit couramment l'Observatoire qui est notre poste d'observation de la société.
[Français]
Quels sont les déterminants sociaux de la santé? Ce sont des déterminants psychologiques sûrement. Quelqu'un qui est en bonne santé sociale sera heureux de vivre, de rester là, de faire des exercices et de prendre ses médicaments. S'il n'est pas déprimé, sa résistance immunitaire sera plus élevée, il vivra donc plus longtemps et sera plus heureux. Il est donc fondamental que les gens soient heureux.
Malheureusement, notre société tend à dévaloriser la personne âgée. Il est absolument nécessaire que tous les gouvernements, à tous les niveaux, s'attaquent aux stéréotypes sociaux dont la personne âgée est victime. Entretenu par les médias, un homme de 70 ans a un accident et tout de suite on peut lire dans les journaux si on doit permettre aux gens des 70 ans de conduire.
Voici quelques stéréotypes sociaux. On coûte cher. On va ruiner les programmes fédéraux, le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial aussi. Je l'ai lu. Nos pensions vont faire faillite. On ruine la société. On ne sert à rien. On consomme 44 p. 100 des médicaments même si on est que 12 p. 100 de la population. On est plus ou moins apte au travail. On apprend moins. On est incapable d'apprendre les nouvelles techniques. On est un danger public sur la route. Les personnes âgées ne sont pas une nouvelle minorité visible. De nos jours, on a tendance à désigner les personnes âgées comme autrefois on désignait le racisme, l'âgisme, le féminisme. J'ai le sentiment, en tant que personne âgée, qu'on nous montre trop du doigt et je n'aime pas cela.
Comment combattre ces stéréotypes? J'ai quelques points à vous donner. Il faut donner ou redonner aux personnes âgées un sentiment d'appartenance sociale, leur démontrer qu'elles ne sont pas inutiles. Quelqu'un qui se sent socialement inutile meurt, c'est certain. Il faut d'abord leur demander leur opinion. Très peu on mentionné de demander l'opinion des personnes âgées. Il faut absolument les consulter. C'est le cri du cœur qui nous vient de partout « consultez-nous et demandez-nous ce qu'on veut. » Les décideurs décident et ceux qui appliquent, appliquent et la personne âgée subit.
Il faut valoriser leur apport social. Les personnes âgées ont un apport social fantastique. Pensons aux arts, le patrimoine culturel, le travail. Prenons le bénévolat, il y en a pour des milliards de dollars en travail bénévole donné par les personnes âgées.
Doit-on envisager des crédits d'impôt ou quelques autres formules pour encourager le bénévolat? Les personnes âgées ont un rôle fantastique dans la finance. Les personnes les plus riches du Canada sont les personnes âgées. Ils ont quand même un certain apport. Je pense à M. Desmarais entre autres. Il faut les valoriser dans leur apport social et les sécuriser.
Les personnes âgées, devant cet âgisme, doivent être sécurisées en favorisant le maintien au travail. Comme notre examen de l'enseignement l'a démontré, les personnes âgées sont capables d'apprendre. Les programmes doivent être conçus pour apprendre aux personnes âgées les techniques qui vont leur permettre de se maintenir dans le milieu du travail. Il faut les aider à combattre l'isolement. L'isolement social est le grand problème des personnes âgées.
Nous n'avons pas beaucoup parlé des relations intergénérationnelles. Cet aspect est très important.
Les problèmes de santé leur posent également plusieurs inquiétudes. On doit leur donner un accès facile aux médicaments, aux assurances contre les catastrophes. Il est épouvantable d'apprendre qu'une personne ne soit pas couverte par les programmes sociaux fédéraux lorsque survient une catastrophe de santé. Il n'y a pas de place dans les hôpitaux. L'hospitalisation privée coûte une fortune, parfois 5 000 $ à 10 000 $ par mois. Ces coûts peuvent ruiner une famille. Il faudrait des programmes fédéraux ou provinciaux pour assurer ces gens.
Parlons de l'assistance juridique. Les personnes âgées sont victimes de toutes sortes de conspirations légales d'exploiteurs. Une association importante vient de se joindre à l'OVS. Il s'agit du National Institute of Law, Policy and Aging. Cet organisme aura pour but de donner des conseils légaux gratuits aux personnes âgées. Évidemment, tout ceci demande une évaluation et de la recherche.
Au printemps dernier, un rapport régional fut préparé par l'Atelier régional des aînés du Québec sur la recherche des IRSC. Vous en avez sans doute reçu un exemplaire. On demande de valoriser la recherche à caractère social, non pas aux dépens d'autres recherches, mais en les encourageant. C'est ce qui va favoriser la santé psychologique des personnes âgées.
Pour maintenir les personnes âgées en bonne santé sociale, il faut les écouter, les valoriser, les utiliser et les sécuriser.
Le sénateur Pépin : Docteur Davignon, c'est avec plaisir que nous vous accueillons.
Vous nous avez souligné les points les plus importants pour maintenir la santé sociale des personnes âgées, soit de les écouter, les valoriser, les utiliser et de les sécuriser. Quelles sont les principales difficultés qui empêchent d'atteindre ces objectifs?
Dr Davignon : Il faut tout d'abord consulter les personnes âgées. Le Québec possède une structure extraordinaire qui n'existe pas, à ma connaissance, ailleurs au Canada.
Les 5 000 ou 6 000 associations de personnes âgées au Québec sont regroupées en tables de concertation régionale. Il en existe 17, soit une association par région administrative. Elles sont regroupées en une conférence des tables de concertation, dont l'OVS est partenaire privilégié. Le président et l'exécutif de cette conférence s'adressent directement au ministre au nom de 1,1 million de personnes.
Le but est d'écouter. N'importe quel message que les personnes âgées désirent faire entendre va directement au gouvernement.
Laissez-moi vous citer un extrait du discours de Jean Charest prononcé le 9 mai dernier :
Avec le vieillissement de la population, nous voyons apparaître un nouveau phénomène. Un nombre grandissant d'aînés actifs et en bonne santé qui veulent continuer à travailler, à leur rythme.
Je veux valoriser leur apport. Ils sont expérience et sagesse. Pour eux, nous allons faciliter la retraite progressive. Des discussions sont déjà en cours avec le gouvernement fédéral pour aménager la réglementation fiscale.
Vous avez là une voie de solution.
Qui a inspiré M. Charest? Je ne veux pas dire que c'est moi, mais cela vient en partie de l'OVS. Je ne sais pas comment répondre plus en détail à vos questions.
Le sénateur Pépin : Peut-être que le modèle québécois pourrait être utilisé dans les autres provinces?
Dr Davignon : Absolument.
Le sénateur Pépin : Vous nous dites qu'ils sont en consultation régulièrement.
Dr Davignon : Le gouvernement fédéral devrait favoriser la structuration des associations de personnes âgées en groupements. Ainsi, ils parleraient d'une seule voix, une par province.
Vous savez combien ce projet a coûté au Québec? Madame Marois a dit aux milliers d'associations de se regrouper en tables de concertation et leur a versé 15 000 $ par année, par région administrative. Le montant aujourd'hui s'élève à 20 000 $ par année, par région administrative. Le système fonctionne très bien.
Le sénateur Pépin : Vous nous avez parlé des choses les plus importantes. Mais revenons à l'isolement.
La personne qui réside chez elle ou en institution va se sentir isolée. Pourriez-vous nous donner les facteurs les plus importants touchant la santé mentale de nos aînés, qui pourraient être corrigés? Il faut les consulter.
Dr Davignon : Moins de 5 p. 100 de la population subit l'isolement en institution.
Le sénateur Pépin : Les personnes âgées vivant en appartement sont souvent isolées.
Dr Davignon : Le problème principal, c'est l'isolement chez soi. Ce phénomène prend au Québec toutes sortes de formes.
On parle souvent aujourd'hui de l'importance des relations intergénérationnelles. Les petits-enfants vont voir leurs grands-parents. On veut encourager les relations familiales et valoriser le rôle des aidants naturels.
J'ai dû subir une opération. On m'a dit de me rendre à l'hôpital. Le chirurgien m'a donné le congé une journée plus tard et m'a dit que j'aurais besoin d'aide à la maison. Cela ne m'a pas causé de problème, car ma belle-sœur est venue. Tout seul, je n'en aurais pas été capable. Ma belle-sœur a les moyens financiers. Toutefois, il arrive que ce ne soit pas le cas. Il faut supporter les aidants naturels en leur donnant une compensation pour le temps perdu, des crédits d'impôt ou une aide financière quelconque pour leur permettre d'offrir cette aide.
Le sénateur Pépin : Hier, nous avons reçu un document indiquant que désormais 500 $ de réductions d'impôts seront offerts aux aidants et aux bénévoles qui s'occupent des personnes âgées ou des gens malades.
Dr Davignon : J'en conviens, mais cette provision ne s'applique pas aux parents. L'épouse bien sûr a cette responsabilité de prendre soin de soin conjoint. Les parents et peut-être même les cousins devraient être inclus. Mais il faudrait définir ce qu'est un aidant naturel, et j'espère que le règlement va le faire.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Docteur Davignon, merci d'être venu. Je suis très heureuse que vous soyez tous là. J'ai souvent entendu parler de l'attitude du personnel médical à l'égard des personnes âgées.
Dr Davignon : Pardon?
Le sénateur Cochrane : L'attitude du personnel médical à l'égard des personnes âgées.
Dr Davignon : Oui, nous étions médecins.
Le sénateur Cochrane : J'ai déjà entendu une anecdote semblable à celle de votre ami de 73 ans qui rapportait l'attitude du personnel médical à son égard. J'ai souvent entendu des histoires pareilles et parfois je me demande si c'est vrai ou faux.
Dr Davignon : C'est tout à fait vrai.
Le sénateur Cochrane : Comment faire évoluer les mentalités? Avez-vous des idées à proposer?
Dr Davignon : Je propose une éducation médicale, un esprit médical.
Je vais vous raconter une autre anecdote. Une de mes amies, une charmante femme de 80 ans qui habite Outremont était au volant de sa voiture lorsqu'elle a senti des palpitations. Elle a décidé de se rendre à l'hôpital immédiatement. Le jeune interne qui a commencé à l'examiner lui a demandé : « Madame, souhaitez-vous que l'on vous réanime si vous faites un arrêt cardiaque? » « Mais qu'est-ce que vous voulez dire? » lui a-t-elle demandé. Il lui a répondu : « Notre établissement a pour principe de ne pas réanimer les patients de plus de 80 ans. Normalement, on ne le mentionne pas aux patients, mais comme vous avez l'air tout à fait lucide, je crois que j'essaierais de vous réanimer s'il se passe quelque chose. »
Il y a quatre ans environ, le journal de l'Association médicale canadienne a fait paraître un article à ce sujet. Saviez- vous qu'à Cartierville, on ne réanime pas les patients de plus de 75 ans et que dans un autre hôpital de Montréal, l'âge n'entre même pas en considération? Les gens disent à la blague : « Allez là-bas, on vous aidera ». Évidemment, c'est de l'humour noir, mais cela existe. Il faut changer les mentalités.
Le sénateur Cochrane : C'est terrible.
Dr Davignon : Nous ne sommes pas déclassés; je n'ai pas l'impression que les aînés sont déclassés.
Le sénateur Cochrane : Madame White, faites-vous appel à des aînés pour l'élaboration de vos stratégies? Je suis sûre que bon nombre de mes amis sénateurs savent que je tiens absolument à ce que les gens participent au processus de décision, que le sujet abordé soit l'autisme, les personnes âgées ou d'autres sujets. Dites-moi si vous faites participer les aînés à votre stratégie.
Mme White : Leur participation ne se limite pas à notre stratégie; ils conseillent le secrétariat. On compte en Nouvelle-Écosse neuf organismes provinciaux de personnes âgées qui sont également en lien avec des organismes nationaux analogues. Nous les réunissons une fois par mois pour aborder une très large gamme de sujets. Ils prennent part à l'élaboration des politiques et conseillent le ministre de la Santé dans deux domaines précis, l'assurance- médicaments et les soins de longue durée. Il y a deux représentants de chaque organisme et lorsque nous nous rencontrons, nous prenons en charge les frais de déplacement.
Parmi les 22 membres du comité de planification de la stratégie, je dirais que la majorité sont des gens qui ont l'âge de la retraite et nous accueillons également d'autres personnes qui ont des compétences professionnelles.
Je suis convaincue, comme vous, que l'on manque une occasion si l'on n'invite pas les aînés à participer à l'élaboration des politiques.
Le sénateur Cochrane : Je suis contente de vous l'entendre dire.
Le président : En passant, docteur Davignon, le prochain sénateur à vous poser des questions est également médecin; il s'agit du sénateur Nancy Ruth.
Le sénateur Nancy Ruth : Il y a un nouveau ministère fédéral des Aînés et un nouveau ministre a été nommé. Vous avez dit que sept ministres supervisent votre travail. Quelqu'un d'entre vous a-t-il des liens avec le nouveau ministère et, dans l'affirmative, est-ce que les représentants du nouveau ministère ont pris contact avec vous? Que se passe-t-il?
Mme White : Je crois que l'annonce de la création de ce ministère est relativement récente. Peut-être que Mme Gillis sera mieux à même de vous en parler.
Nous collaborons étroitement avec le gouvernement fédéral sur plusieurs plans, dans le cadre de la concertation fédérale-provinciale-territoriale en matière de développement de la santé, ainsi qu'avec l'Agence de santé publique du Canada. Par conséquent, il serait intéressant de voir ce qu'apportera la création de ce nouveau ministère. Nous devons absolument travailler en étroite collaboration et nous souhaitons ardemment le faire.
Le sénateur Nancy Ruth : Est-ce que vous suggérez des dossiers au ministre fédéral?
Mme White : Absolument. Au niveau fédéral-provincial-territorial, nous faisons la promotion de plusieurs dossiers. Cela nous ramène également à une question antérieure concernant les obstacles que rencontrent les aînés qui souhaitent continuer à travailler. La réforme des pensions est au sommet de la liste. Sans réforme des pensions, comment offrir des incitatifs aux gens qui souhaitent travailler après avoir atteint l'âge de la retraite? C'est une question importante à l'ordre du jour fédéral-provincial-territorial.
Nous travaillons également sur un certain nombre d'autres dossiers : la prévention des chutes; les stratégies de prévention des mauvais traitements aux aînés; et la promotion d'une vie saine et active mettant l'accent sur la prévention. Ce sont là des initiatives conjointes qui nous amènent à travailler en étroite collaboration avec le gouvernement fédéral et tous les ministres délégués aux affaires des aînés.
Le sénateur Nancy Ruth : Le ministre ou le nouveau ministère se sont-ils manifestés?
M. Rosenberg : Je crois que la présidente de l'Association canadienne de gérontologie, Sandra Hirst, doit siéger au nouveau groupe d'experts, mais pour le moment, ils sont en train de planifier leurs activités.
Le point positif, quant à nous, est que nous serons invités à la table de concertation et que nous aurons ainsi l'occasion de promouvoir la recherche sur la population vieillissante du Canada.
Mme Gillis : Le sénateur Marjory LeBreton est désormais secrétaire d'État responsable des aînés. Le ministère qui l'assiste dans ses fonctions est RHDSC, dirigé par le ministre Solberg, le ministre des Ressources humaines et du Développement social. Tout cela est rendu possible grâce à la création annoncée le mois dernier du nouveau Conseil national des aînés présidé par M. Soulière. M. Soulière dirige également le Congrès des organismes nationaux d'aînés.
La réunion inaugurale du conseil et de ses huit premiers membres aura lieu les 24 et 25 mai. Le conseil collaborera quotidiennement avec le sénateur LeBreton et se penchera sur divers dossiers concernant les personnes âgées dans tout l'éventail du gouvernement fédéral et présentera des recommandations aux ministres. Le conseil rendra compte directement au ministre de la Santé et au ministre des Ressources humaines et du Développement social, mais toutes les activités quotidiennes relèvent du sénateur LeBreton qui est responsable des aînés. Voilà comment cela se présente.
Le sénateur Nancy Ruth : Que fera-t-elle de ces rapports?
Mme Gillis : Elle travaillera avec les comités et présentera les rapports aux ministres avec ses recommandations.
Le sénateur Fairbairn : Je pense que ce groupe de témoins est très encourageant et que le sujet est, lui aussi, encourageant.
J'ai toujours travaillé, ici, dans la région, mais grâce à des amis, j'ai passé beaucoup de temps en Nouvelle-Écosse, surtout au Cap-Breton. Il me semble qu'il y a toujours beaucoup d'aînés au Cap-Breton et qu'ils sont constamment en activité. Ils marchent tout le temps; ils vont danser dans les ceilidhs; ils sortent en mer avec leurs bateaux — on se sent à bout de souffle quand on essaie de les suivre, surtout si l'on est loin derrière.
Il y a beaucoup de différences, mais d'une certaine façon, beaucoup de similitudes aussi avec ma propre région de Lethbridge. Plus que dans tout autre secteur de la société, il y a un esprit, une détermination et un goût réel d'apprendre. Dans ma région, les personnes âgées accaparent les ordinateurs qui sont mis à leur disposition par les organismes d'aînés. Les personnes âgées apprennent et sont capables d'effectuer des tâches que les jeunes ne sauraient même pas faire, tout simplement parce qu'elles disposent du temps.
Les personnes âgées sont parfois victimes de stéréotypes négatifs à l'égard de ce groupe d'excellents citoyens et il circule des idées bizarres sur ce qu'elles peuvent ou ne devraient pas faire, ainsi que nous l'a indiqué le Dr Davignon. Cependant, c'est parmi les personnes âgées que l'on recrute les meilleurs bénévoles du pays. Il suffit de leur ouvrir la porte et de leur donner une chance.
C'est un plaisir d'accueillir un groupe de témoins comme celui d'aujourd'hui, car, au sein de notre société, il y a encore trop de gens qui ont des préjugés à l'égard des aînés. Ils pensent qu'il suffit de mettre les aînés devant une télévision et de leur rendre visite une fois par semaine. Cela ne correspond pas à la réalité et il n'y a aucune raison que les personnes vivent de cette manière. C'est très encourageant de vous entendre tous parler des personnes âgées.
Les membres des divers autres groupes auxquels vous participez ont-ils une attitude dynamique à l'égard des aînés, par opposition à une attitude de compassion qui nous incite à leur caresser la tête ou à leur lire un livre? Les différents groupes avec lesquels vous collaborez dans les diverses régions du pays sont-ils convaincus que les aînés sont probablement en meilleure forme que nous et qu'il faudrait les inclure dans nos activités plutôt que de les reléguer dans un coin? Les aînés ont un rôle à jouer partout et je me demande si vous observez une attitude ouverte à leur égard ou si au contraire les gens ont tendance à s'inquiéter à leur sujet et pratiquement les mettre de côté. Est-ce que quelqu'un pourrait répondre à ces questions?
Mme White : Je travaille dans ce domaine depuis 28 ans et j'ai constaté d'énormes changements au niveau de l'image du vieillissement et des attitudes à l'égard des personnes retraitées. Dans notre province — et je sais que c'est la même chose ailleurs au pays — les bénévoles sont la cheville ouvrière nos collectivités et les aînés continuent à faire du bénévolat jusqu'à un âge avancé. Cependant, je pense que nous devons également multiplier les possibilités de participation.
Par exemple, les aînés disent vouloir faire de l'exercice, être plus actifs, mais dans notre collectivité, il est impossible de marcher au bord de la route en toute sécurité, à cause de la circulation des camions de transport de bois. Beaucoup d'aînés n'ont pas les moyens de transport qui leur permettraient de se déplacer pour participer aux affaires de la collectivité. Les personnes qui sont amenées à travailler avec les aînés ont une attitude vraiment positive, mais nous pouvons faire beaucoup mieux pour appuyer les personnes qui travaillent avec les aînés afin de créer plus de possibilités de participation et d'activités.
Dr Davignon : Est-il possible d'amener les aînés à travailler avec d'autres aînés? Il est toujours question de jeunes et de moins jeunes qui travaillent avec les aînés, mais les aînés doivent également travailler avec leurs semblables.
M. Rosenberg : Les membres de notre organisation, chercheurs et praticiens, considèrent comme leurs partenaires les aînés avec qui ils travaillent. Beaucoup de nos projets font appel à des aînés à titre de partenaires actifs. Au début des années 1990, la recherche en matière de programmes était financée et encourageait ce type de partenariat. À mon avis, ce serait un réel progrès de pouvoir rétablir ce type d'initiatives au cours des années à venir.
La population des aînés étant destinée à croître au cours des décennies à venir, il est incompréhensible que l'on réduise les budgets du secteur qui nécessite le plus de recherches, à savoir celui du troisième âge. Si nous voulons qu'une nouvelle génération de chercheurs travaille avec les aînés afin de tenter de répondre aux questions que j'ai soulevées depuis une heure, nous devons investir dans une nouvelle génération de chercheurs qui puisse s'associer avec les aînés à titre de partenaires, afin de résoudre ces problèmes.
Dr Davignon : J'espère que vous voulez parler de collaborer avec les aînés plutôt que de les utiliser. Chaque semaine, quand je vais à mon hôpital, je rencontre une jeune fille qui fait une thèse sur la déficience intellectuelle chez les personnes âgées. Elle m'a demandé si j'accepterais d'être un de ses sujets de recherche. Comme elle est mignonne, j'ai dit oui, mais je ne dirais pas que c'est une collaboration; je suis un simple cobaye.
Elle ne me demande pas ce que je pense de son projet. J'ai 200 publications; je dispose de centaines de milliers de dollars de fonds de recherche, mais elle ne m'en parle jamais. Vous voyez ce que je veux dire.
Mme White : Je suis pour l'augmentation de la recherche et pour la recherche continue, mais j'aimerais par ailleurs reprendre un commentaire que vous avez fait un peu plus tôt au sujet du développement social. D'après moi, c'est un domaine qui est négligé depuis longtemps — il faudrait plus de fonds pour le développement social au niveau communautaire. Les municipalités et les collectivités sont prêtes à s'engager dans ce domaine, mais souvent, elles ne disposent pas des fonds nécessaires ou de partenaires capables de prendre l'initiative ou de leur fournir des outils ou des capitaux de démarrage. Les besoins sont énormes dans ce domaine et c'est une dimension que nous avons intégrée à notre budget, conformément à notre stratégie.
Le sénateur Fairbairn : Voilà qui est très encourageant. Mes collègues ne partageront peut-être pas mon avis, mais nous sommes des personnes âgées et la caricature du Sénat — telle qu'illustrée dans les dessins humoristiques — est une assemblée qui réunit des vieillards occupés à fumer le cigare ou siroter un verre de porto ou encore des personnes qu'une infirmière aide à sortir de la chambre. Dans l'opinion générale, nous passons pour des gens très vieux, alors que ce n'est pas le cas, nous ne sommes vieux ni par les années ni dans notre tête.
C'est très bien que nous fassions cette étude. Avec tous nos collègues sénateurs, nous sillonnons les villes et nous travaillons avec notre personnel autant que nos amis de la Chambre des communes. C'est tout un honneur pour nous lorsque nous sommes amenés à collaborer avec des aînés qui veulent rayonner dans leur collectivité et qui sont prêts à s'engager dans pratiquement toutes sortes d'activités. Nous avons été très stimulés par les témoignages que vous nous avez présentés aujourd'hui.
[Français]
Nous savons que les femmes âgées sont plus pauvres, ont des accidents plus souvent et des problèmes chroniques un peu plus important que les hommes.
Quels sont les déterminants de la santé qui concernent plus précisément les femmes âgées comparativement à d'autres groupes?
De plus, quelles seraient les limites d'une perspective axée sur la santé publique concernant les femmes âgées?
[Traduction]
Mme White : C'est une question qui me préoccupe depuis de nombreuses années, surtout les femmes de 55 à 65 ans qui sont restées au foyer. S'il leur est arrivé de travailler à l'extérieur du foyer, cette expérience de travail est limitée. Leur situation est encore plus délicate si elles ont divorcé.
J'ai vu des femmes compter les jours, les semaines et les mois, attendant désespérément d'avoir 65 ans pour pouvoir toucher la pension de sécurité de la vieillesse. Dans la plupart des cas, elles disposent d'un revenu très modeste, ce qui a une incidence sur de nombreux déterminants de la santé — l'éducation, la nutrition, l'activité sociale. Elles ont mené une vie pauvre et, en vieillissant, leur santé se dégrade de plus en plus et elles sont doublement pénalisées par le fait d'être des femmes et de disposer d'un revenu modeste et elles n'ont pas les moyens d'améliorer leur sort.
Il est impératif de se pencher sur la situation des femmes et c'est peut-être dans ce domaine qu'il faudrait concentrer les recherches afin d'élaborer des programmes visant à accroître leur revenu pour leur permettre de s'engager dans la collectivité et de transformer leur vie par le travail ou le bénévolat afin qu'elles puissent avoir un mode de vie plus enrichissant et un meilleur avenir. C'est compliqué, mais le revenu, l'éducation et la nutrition sont des dimensions qui exercent un rôle énorme.
[Français]
Dr Davignon : Absolument, le dénominateur commun c'est l'argent. C'est la génération des femmes sacrifiées et elles n'ont pas d'argent. Il y a un hôpital que je ne nommerai pas dans une province canadienne où on avait remarqué que les derniers jours du mois, les femmes se faisaient hospitaliser à l'urgence parce qu'elles n'avaient pas d'argent pour acheter les médicaments. On leur donnait les médicaments. Autrement, elles n'avaient pas de médicaments et rechutaient, par exemple, en coma diabétique. Il faut les aider financièrement, c'est absolument important.
Le sénateur Pépin : Avez-vous d'autres déterminants spécifiques?
[Traduction]
M. Rosenberg : Je ne pense pas que je puisse ajouter grand-chose à ce qui a été dit. Tous ces facteurs sont importants. L'autre facteur clé est que nous ne comprenons pas vraiment très bien les transitions d'une situation à une autre. Par exemple, nous connaissons les problèmes des femmes disposant d'un faible revenu. Nous connaissons les problèmes des femmes seules et isolées, mais nous connaissons mal le phénomène de transition entre la situation d'une femme à faible revenu à celle d'une femme au revenu faible, vivant seule et isolée.
C'est pourquoi les recherches de la prochaine génération devront s'intéresser à ces transitions et à la dynamique des différents phénomènes. Cette dynamique sera d'autant plus compliquée que la diversité des femmes âgées sera plus grande. On comptera parmi les femmes âgées plus de femmes des minorités visibles, plus de femmes autochtones et plus de femmes lesbiennes. Il faudra tenir compte de tous ces facteurs. Il est très important de mettre l'accent sur ces transitions complexes.
Le sénateur Callbeck : Docteur Davignon, vous avez fondé l'Observatoire Vieillissement et société. Vous nous avez donné une liste de toutes les conférences que vous avez données et de toutes les activités que vous avez présentées. Cela représente énormément de travail. Comment votre travail est-il financé?
Dr Davignon : Je l'ignore. Chaque jour est un combat. J'ai écrit à 25 organismes du gouvernement fédéral et je me suis égaré. J'ai obtenu 5 000 $ de l'IRC. Ensuite, je suis allé voir le préposé aux finances. Quand je suis arrivé dans son bureau, je lui ai dit : « Aidez-moi. Je ne vais pas vous vendre plus d'assurance. Vous n'allez pas vendre plus d'assurance. » Je suis allé chez Pfizer et ils m'ont demandé combien de pilules de Viagra je voulais. Je leur ai dit qu'ils faisaient erreur et que je ne venais pas les rencontrer pour cela. Un mois plus tard, j'ai reçu un appel de chez ce fabricant pour me dire : « Nous allons vous aider par l'intermédiaire de notre programme d'action humanitaire. Vous n'aurez pas mentionné notre nom. » Ils m'ont accordé une subvention.
La plupart du travail est exécuté par des bénévoles. J'ai un chauffeur privé, un homme à la retraite qui fait du bénévolat pour moi. Il est jeune; il a dix ans de moins que moi. Il s'est proposé de me conduire ici. C'est un bénévole.
J'aimerais attirer votre attention sur le texte qui figure dans notre brochure :
Vieillir en beauté, c'est vieillir avec son cœur,
Sans remord, sans regrets, sans regarder l'heure,
Aller de l'avant, arrêter d'avoir peur,
Car à chaque âge se rattache un bonheur.
C'est un homme de 85 ans qui a écrit ce texte. Vous voyez qu'on n'est pas nécessairement gâteux à 85 ans.
Le sénateur Fairbairn : C'est excellent.
Le sénateur Callbeck : Madame White, vous avez parlé d'initiatives auxquelles vous travaillerez au cours de l'année à venir. Vous pourriez peut-être nous en parler.
Mme White : Je serai brève. Mme Gillis a mentionné que nous travaillons à l'initiative des villes-amies des aînés et à celle des collectivités rurales et éloignées. La deuxième initiative servira de stimulus et produira un guide qui servira d'outil aux autres collectivités rurales de notre province ou du monde qui souhaiteront examiner leur situation et entamer le processus. C'est la même chose pour le projet des villes.
Nous allons accueillir une assemblée sur le thème de l'économie des cheveux gris. On y abordera les problèmes de la main-d'œuvre et les diverses façons d'encourager les aînés à demeurer dans la main-d'œuvre active s'ils le souhaitent et nous examinerons également la position économique de nos gouvernements. La « Silver Economy » est un mouvement qui se développement actuellement en Europe. La conférence de deux jours que nous organiserons ici réunira des représentants du secteur privé et de tous les ordres de gouvernement ainsi que du secteur bénévole et du secteur universitaire afin d'examiner le potentiel économique et social de notre population de personnes âgées.
C'est un phénomène intéressant et je vous invite à consulter Google au sujet de la « Silver Economy ». En Allemagne, il est possible de cibler une région du pays et, à l'aide d'une approche scientifique, de déterminer de combien de travailleurs supplémentaires on pourrait disposer en proposant des milieux de travail et des emplois plus conviviaux, des possibilités de recyclage et des occasions de travail pour les gens qui le souhaitent. C'est une initiative qui nous paraît très intéressante.
Nous allons nous pencher, avec nos collègues fédéraux, provinciaux et territoriaux, sur la réforme des pensions. Sans une réforme, il serait difficile d'aller de l'avant avec l'autre initiative.
Deux de nos commissions de la santé communautaire pilotent actuellement une approche sans précédent du bénévolat qui vise à encourager les personnes âgées à venir en aide à leurs semblables et à accorder des crédits pour le travail bénévole.
Nous collaborons également avec l'industrie de la construction résidentielle et d'autres intervenants clés afin de repérer et d'éliminer les obstacles et de proposer des incitatifs afin d'accroître le parc de logements pour les aînés. Certains promoteurs sont prêts à investir, mais ils attendent la modification des règlements de zonage. La Nouvelle- Écosse envisage d'imiter l'Ontario et la Colombie-Britannique et de modifier sa loi sur les droits de la personne afin de permettre la création de logements pour aînés. Pour le moment, c'est illégal.
Notre lieutenant gouverneur voulait créer une distinction pour les aînés et souhaitait également mettre en place une initiative avec les aînés. Nous lui avons proposé de créer un prix intergénérationnel. Cette année, nous avons travaillé à ce projet. En octobre, trois prix seront décernés : un prix à un jeune qui a imaginé et mis sur pied un projet utile aux personnes âgées et un autre pour des aînés qui se sont livrés à des activités au profit d'autres personnes âgées.
Je me suis adressée au club Rotary dont je suis membre afin d'obtenir des fonds. Le club financera un programme en particulier.
Nous mettons en place notre stratégie de lutte contre le mauvais traitement des aînés et nous constituons des réseaux dans toute la province pour lutter contre les mauvais traitements, ainsi que d'autres réseaux sur la prévention des chutes dans les régions.
Voilà quelques éléments de notre stratégie sur lesquels nous travaillons déjà. Il y en aura beaucoup d'autres.
Le sénateur Callbeck : Vous avez un vaste programme.
Mme White : En effet.
Le sénateur Callbeck : J'ai d'autres questions, mais je pense que je vais devoir les laisser de côté, faute de temps.
Monsieur Rosenberg, vous avez dit qu'il était important d'approfondir les recherches et que vous souhaitiez que l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes soit plus inclusive. Quels sont les éléments que vous souhaiteriez voir l'enquête couvrir?
M. Rosenberg : Je pourrais ajouter qu'il s'agit d'une recherche individuelle, mais le problème de l'enquête — et malheureusement de toutes les enquêtes de Statistique Canada — c'est que l'échantillon des aînés est relativement faible pour être représentatif de l'ensemble de la population. Notre association et nos membres qui effectuent des recherches sur les personnes âgées ont besoin en fait d'un échantillonnage superposé de la population des aînés. En effet, l'échantillonnage superposé nous permettra de saisir la diversité de la population des aînés en vue d'effectuer des recherches et d'aboutir à des conclusions reflétant la réalité de l'ensemble des personnes âgées. Voilà ce dont nous avons réellement besoin.
Le président : Je voulais poser à M. Rosenberg et Mme White une question concernant l'évaluation des résultats de votre recherche, puisque vous disposez d'un cadre structurel, mais ce sera pour une autre fois.
Docteur Davignon, ce fut un plaisir de vous rencontrer. Nous avons énormément aimé votre témoignage. Merci à tous nos témoins.
La séance est levée.