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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 2 - Témoignages du 6 décembre 2006


OTTAWA, le mercredi 6 décembre 2006

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 10, pour l'étude sur les services et les avantages sociaux offerts aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres des missions de maintien de la paix et à leur famille en reconnaissance des services rendus au Canada.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour à tous et à nos invités. Bienvenue au Sous-comité des anciens combattants. Le Sénat a demandé à notre comité d'examiner les services et les avantages sociaux offerts aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres des missions de maintien de la paix et à leur famille. Nous nous penchons sur l'éventail de services et de programmes offerts aux soldats et à leur famille à partir de la fin de leurs services en Afghanistan, jusqu'au moment où ils deviennent des anciens combattants.

Notre témoin aujourd'hui est le brigadier général retraité Joe Sharpe, qui remplace le colonel retraité Don Ethell, président du Comité consultatif sur le soutien social aux victimes de stress opérationnel, comité pour lequel il existe, fort heureusement, un sigle. Je vais laisser faire les présentations.

Pour ma part, je vais présenter les membres du sous-comité. Je m'appelle Michael Meighen, et je suis un sénateur de l'Ontario. Je préside le sous-comité.

À ma droite se trouve le sénateur Norman Atkins, de l'Ontario, qui est arrivé au Sénat en 1986, avec une expérience de plus de 27 ans en communications. Il est l'ancien président de Camp Associates Advertising Limited et il a joué le rôle de conseiller auprès de l'ancien premier ministre de l'Ontario, M. William Davis, ainsi qu'auprès de l'ancien chef de l'opposition, l'honorable Robert Stanfield. Il fait aussi partie du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Le sénateur Joseph Day, qui se trouve à ma gauche, vient du Nouveau-Brunswick. Il préside le Comité sénatorial permanent des finances nationales et il est membre des barreaux du Nouveau-Brunswick, de l'Ontario et du Québec ainsi que de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada. Il a aussi été président et directeur général de la New Brunswick Forest Products Association — une carrière variée et distinguée, sénateur Day.

Le sénateur Day : J'ai aussi été président de l'association des anciens du Club des collèges militaires royaux du Canada, le CMR.

Le président : Le sénateur Percy Downe n'est pas membre de notre sous-comité, mais il y participe régulièrement. Il vient de l'Île-du-Prince-Édouard, et il a été nommé sénateur en 2003. Le sénateur Downe est actuellement membre du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international et du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Je vois que le sénateur Kenny s'est joint à nous. Il préside notre comité principal, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Il vient lui aussi de l'Ontario. Le sénateur Kenny est membre du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, ainsi que du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Nous ne disposons que d'une heure et quart environ, alors, sans plus tarder, je vais passer le microphone au brigadier général Sharpe.

Brigadier général (retraité) Joe Sharpe, membre du Comité de soutien social aux victimes de stress opérationnel, à titre personnel : Merci de l'occasion offerte de témoigner et de parler d'une organisation qui, d'après mon expérience personnelle d'observateur, a sauvé des vies, ce qu'on ne peut pas dire de beaucoup d'organisations à l'heure actuelle. Il s'agit d'une organisation qui connaît un succès retentissant, et nous sommes heureux d'avoir l'occasion d'en parler.

La deuxième chose que je voulais dire avant de commencer concerne notre président, le colonel retraité Don Ethell, qu'un problème de santé grave empêche d'être ici. Je peux vous assurer qu'il faut que ce soit un problème grave, sans quoi il serait certainement ici, et il me charge de vous transmettre toutes ses excuses. Ce que je dirai ne pourra que vous donner une vague idée de ce que le Colonel Ethell aurait pu dire s'il avait été ici, mais je vais essayer de vous communiquer les idées dont il aurait parlé.

Le président : Brigadier général Sharpe, pouvez-vous dire au Colonel Ethell que nous regrettons son absence et lui transmettre nos souhaits de prompt rétablissement?

Bgén Sharpe : Je vais le faire, et je sais qu'il sera très heureux d'entendre ce message.

Je vais maintenant présenter les membres de l'équipe. Nous sommes un peu plus nombreux que vous; c'est un bon signe. Le Colonel Ethell a constitué une équipe possédant la majeure partie de l'expertise dont nous avons besoin pour répondre à vos questions. À ma droite se trouve le major Marianne LeBeau, du ministère de la Défense, cogestionnaire du Comité de soutien aux victimes de stress opérationnel. À ma gauche se trouve Kathy Darte, cogestionnaire et représentante d'Anciens combattants Canada. Mme Darte et le major LeBeau gèrent ensemble le comité, et, sincèrement, il s'agit d'un excellent exemple de collaboration interministérielle pour une prestation de services hors pair à la population.

À côté de Mme Darte se trouve le Dr Don Richardson, qui travaille à contrat pour Anciens Combattants Canada. Le Dr Richardson est psychiatre, et il est réputé pour son travail au sujet du genre de problème de santé dont nous parlons aujourd'hui, et il dirige bon nombre d'autres activités dans le domaine. Il est ici pour que nous profitions de son expertise, mais il dispense aussi des soins auprès du SSVSO — le sigle que nous allons utiliser — et il est un intervenant important.

À droite se trouve le lieutenant-colonel retraité Jim Jamieson, qui était directeur des services aux familles des militaires, je crois, avant de quitter les Forces. Il agit à titre de conseiller auprès du SSVSO, et il est là à la fois pour effectuer le suivi de l'état de santé des participants et pour diriger certaines des activités d'enseignement et de formation de base auxquelles participent les coordonnateurs du soutien par les pairs lorsqu'ils se joignent au SSVSO.

Deux autres membres du SSVSO se trouvent derrière nous. L'adjudant-chef retraité Dave McArdle est l'un de nos coordonnateurs du soutien par les pairs, et il vit à Halifax. Il s'occupe de la majeure partie de l'est du Canada. À ses côtés se trouve Jennifer Inglis, d'Anciens Combattants Canada, directrice du district de Calgary.

Voilà donc notre équipe. Je peux peut-être jouer le rôle de chef d'orchestre et vous aiguiller vers la personne qui saura répondre à vos questions.

Vous avez reçu les diapositives que le Colonel Ethell a préparées, et je ne vais pas passer beaucoup de temps à en parler. Évidemment, si vous avez des questions à ce sujet, je vous invite à les poser. Je vais souligner quelques éléments et passer assez rapidement aux nouvelles activités et aux nouveaux défis à relever pour atteindre l'objectif.

Je suis convaincu que la plupart d'entre vous connaissez déjà l'expression « traumatisme lié au stress opérationnel », TSO, et je ne vais donc pas passer beaucoup de temps là-dessus. Cependant, pour vous rafraîchir la mémoire, il ne s'agit pas d'un terme de médecine diagnostique. C'est un terme qu'on utilise peu dans le milieu médical, mais qu'on utilise de plus en plus au sein du groupe qui s'occupe de nos anciens combattants, et surtout ceux qui reviennent de l'étranger après avoir vécu ce genre de traumatisme.

La raison pour laquelle nous utilisons le terme TSO, c'est qu'il nous permet de mettre l'accent sur le fait qu'il s'agit d'un traumatisme, ce qui est très important aux yeux des soldats. L'un des défis que nous devons relever, dans le cadre de nos activités, c'est de faire en sorte que les gens cherchent à obtenir de l'aide, parce que, ce qui est important, c'est qu'ils obtiennent de l'aide rapidement de façon que nous puissions les aider à recouvrer la santé et, dans les faits, à les maintenir en poste dans l'armée plus longtemps.

L'idée est donc de faire en sorte que le terme ne rebute pas les soldats, de façon qu'ils soient à l'aise de demander de l'aide. Nous allons parler de la culture dans quelques minutes.

Le terme est maintenant d'usage courant chez les cliniciens, qui l'utilisent pour parler pratiquement de tout stress lié aux opérations ou traumatismes psychiques. L'expression est générale et ne désigne pas seulement le syndrome de stress post-traumatique, le SSPT. Elle englobe tous les problèmes de santé mentale qui découlent du déploiement. Les armées des États-Unis, de l'Australie et de quelques autres pays ont adopté le terme en conséquence directe du succès du programme au Canada. Il s'agit de l'une des choses que nous avons exportées, grâce en grande partie au groupe qui m'entoure.

La trousse contient aussi des renseignements sur le contexte du Comité consultatif sur le soutien aux victimes de TSO. On a constitué le groupe il y a quelques années dans le but de réunir les gens qui s'intéressent au sujet, de conseiller les gens qui dirigent le SSVSO, et surtout les deux cogestionnaires qui sont ici, et pour relayer les messages de ce comité consultatif vers le haut de la chaîne de commandement.

Immédiatement après cette réunion, je vais remplacer le Colonel Ethell et rencontrer le chef du personnel militaire et le sous-ministre adjoint d'Anciens combattants Canada, AAC, M. Brian Ferguson. Nous allons les mettre au courant de certaines des questions présentées au comité au cours du dernier trimestre, ou à peu près. Il ne s'agit que d'un comité consultatif. Il ne dispose d'aucun pouvoir exécutif, mais, dans les faits, il transmet une quantité importante de renseignements vers le haut et vers le bas de la chaîne de commandement.

Comme vous le savez, le SSVSO a vu le jour au printemps 2001. Sa création est en grande partie le fruit des conseils du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, le CPDNAC. Par ailleurs, la Commission d'enquête sur la Croatie, à laquelle j'ai participé, ainsi que le rapport de l'Ombudsman du MDN et des FC avaient fait état de certains problèmes. Le tout s'est produit à peu près au même moment, et cela a contribué à lancer le SSVSO.

Cependant, le vrai héros, c'est le lieutenant-colonel Stéphane Grenier, le fondateur et le cogestionnaire militaire qui a témoigné devant le comité. C'est un officier extraordinaire, et il a consacré beaucoup d'énergie au projet. Il est passé à autre chose cet été. Major LeBeau l'a remplacé, et elle fait un excellent travail, quoiqu'il est difficile de nous faire oublier le lieutenant-colonel Grenier. Nous lui devons tous un vote de remerciements.

Le SSVSO a une double mission. D'abord, il doit élaborer les programmes de soutien social à l'intention des membres, des anciens combattants et de leur famille affectés par le stress opérationnel. Ensuite, ce qui est encore plus important, il doit fournir l'enseignement et la formation qui donnera éventuellement lieu à une modification de la culture au sein du ministère de la Défense nationale et au sein des Forces canadiennes en particulier — mais aussi à Anciens combattants Canada — en ce qui concerne les blessures psychiques. Il est impératif de modifier cette culture.

La clé de l'efficacité du soutien par les pairs, le cœur du programme du SSVSO, c'est de choisir au départ les bonnes personnes. Par exemple, l'adjudant-chef retraité Dave McArdle, que je vous ai présenté plus tôt, est un coordonnateur du soutien par les pairs modèle. Il travaille à Halifax, et on le respecte beaucoup — au sein de l'armée, et, maintenant, à l'extérieur de ce cercle aussi — pour le travail qu'il fait au quotidien.

Lorsqu'on l'a choisi, il a suivi, comme tous les autres coordonnateurs du soutien par les pairs, une formation longue et intensive. Les coordonnateurs suivent une formation continue tout au long de leur cycle de participation au programme. Le programme d'enseignement continu est très bien accueilli.

Au bout du compte, l'essentiel est de gagner la confiance des membres et des anciens combattants qui demandent de l'aide. C'est la principale tâche des coordonnateurs du soutien par les pairs : créer le lien, le niveau de confiance qui permet aux pairs qui demandent de l'aide de faire les choses à leur propre rythme dans un milieu exempt de menaces et de jugement. Il est essentiel que les travailleurs qui s'occupent du soutien par les pairs comprennent le rôle qu'ils ont à jouer, et c'est le cas. Ils savent reconnaître le moment où il faut cesser d'intervenir, et ils doivent être prêts à recommander le pair dont ils s'occupent à un professionnel lorsque cela devient nécessaire.

Le danger, pour les coordonnateurs du soutien par les pairs, est l'épuisement professionnel, le stress lié à la compassion — le traumatisme transmis par personne interposée, comme dirait le Dr Richardson, même si personne d'entre nous ne sait très bien ce qu'il veut dire — la dépression et la maladie physique. Ce sont tous des dangers liés à la tâche du coordonnateur du soutien par les pairs. Bon nombre des coordonnateurs se sont acquittés de tâches dangereuses avant de se joindre à nous. Leur nouvelle tâche est très exigeante, et on ne cesse de le leur rappeler au cours de la formation.

À titre d'observateur du processus depuis le début, ce que je trouve extraordinaire — et, en réalité, ce qui témoigne de la qualité des gens choisis, du professionnalisme qui les caractérise et du niveau de soin qu'ils fournissent —, c'est le fait que nous n'avons que très peu de problèmes d'épuisement professionnel ou de dépression au sein de l'équipe de coordonnateurs du soutien par les pairs. Ils ont fait énormément de travail. Je suis moi-même au courant du fait qu'ils ont sauvé plusieurs vies à leur travail; c'est un travail très difficile, et ils le font très bien.

Le président : Combien y a-t-il de coordonnateurs à l'échelle du pays?

Major Marianne LeBeau, gestionnaire de projet, Soutien social aux victimes de stress opérationnel, ministère de la Défense : Il y en a 23 pour les anciens combattants, les militaires actifs et les familles — six d'entre eux s'occupent spécifiquement des familles.

Le président : Selon vous, est-ce suffisant?

Maj LeBeau : Nous cherchons à doter de nouveaux postes cette année.

Bgén Sharpe : Nous faisons constamment face à des problèmes de ressources. Le Canada est un pays vaste et exigeant sur ce plan. Bon nombre des jeunes qui reviennent d'Afghanistan à l'heure actuelle, comme vous le savez, messieurs, sont des réservistes. Ils ne vivent pas nécessairement là où se trouvent les principales bases. Je pense que vous avez une carte parmi les documents qui se trouvent devant vous. Sinon, nous pouvons vous communiquer les renseignements concernant l'endroit où se trouvent les coordonnateurs du soutien aux familles des pairs. Ils se trouvent souvent là où la concentration de troupes est la plus importante, près des bases principales — pas dans tous les cas, mais presque.

Un jeune réserviste du nord de la Saskatchewan, par exemple, se trouve très loin du réseau de soutien par les pairs. Les ressources posent problème, surtout en ce qui a trait aux membres de la réserve et à leur famille.

Il y a de nouvelles initiatives dans le cadre du SSVSO dont il serait intéressant de parler, et nous serons heureux de répondre à vos questions à ce sujet au cours de la période de questions. Je m'aperçois que mes dix minutes passent rapidement, alors je vais accélérer. Il y a une nouvelle initiative de soutien par les pairs en cas de deuil, qui offrira un soutien par les pairs aux familles immédiates, les parents proches des militaires morts en mission. On vient tout juste de lancer cette initiative qui suscite l'enthousiaste; nous pourrons en parler au cours de la période de questions.

Le succès du programme intéresse beaucoup de gens dans le monde. Encore une fois, Mme Darte et le major LeBeau peuvent parler de cela en détail. Mme Darte, en particulier, a participé à certaines de ces initiatives.

L'exercice de décompression dans un tiers lieu qui s'est déroulé récemment à Chypre est une autre des nouvelles initiatives. Vous avez entendu parler de la période de décompression dans un tiers lieu et de sa valeur à l'égard de la santé tant physique que mentale de nos soldats, à l'étape du redéploiement. Les membres du SSVSO ont participé pleinement au dernier exercice, et l'adjudant-chef McArdle, qui est l'un d'eux, s'est rendu à Chypre et il a vécu avec les soldats et a échangé quotidiennement avec eux. Il a des choses intéressantes à dire là-dessus.

Le président : Combien de temps dure cet exercice?

Bgén Sharpe : Je crois qu'il dure cinq jours.

Adjudant-chef (retraité) Dave McArdle, coordonnateur du soutien par les pairs, Soutien social aux victimes de stress opérational, Défense nationale : Pour chacun des soldats qui revient de mission, l'exercice dure cinq jours.

Bgén Sharpe : Je pense que l'activité s'étend sur sept ou huit jours.

Le président : Je pense que l'adjudant-chef McArdle devrait s'avancer. Je vois qu'il va être une ressource utile, peut- être au coin, à côté du sénateur Downe. Je vais soustraire le temps que je prends pour poser des questions du temps qui vous est alloué.

Bgén Sharpe : Si vous avez des questions là-dessus, je vous invite à les poser directement à l'adjudant-chef McArdle et à Mme Inglis, de façon à obtenir le point de vue de la directrice de district.

La dernière chose dont je veux parler, c'est de ce que le major LeBeau a appelé les « principaux facteurs déterminants du succès et certains des défis à relever ». Je crois qu'il s'agit des trois ou quatre dernières diapos.

Il y a plusieurs facteurs déterminants importants pour le succès d'un programme du genre de celui dont il est question ici. Le premier facteur, qui est peut-être le plus important, est la nécessité de faire participer les pairs dès le début de l'élaboration des politiques et des programmes. L'organisation l'a fait. Les gens qui en font partie ont fait un travail extraordinaire, et les choses ont extrêmement bien fonctionné. Cependant, le programme ne serait pas une réussite sans la pleine participation des pairs à l'élaboration des politiques.

Dans le cadre du programme, on n'a pas élaboré les politiques exactement de la même manière qu'on le fait habituellement au sein de l'un ou l'autre des ministères concernés. Cependant, le programme est un excellent modèle, il a très bien fonctionné. Il s'agit aussi d'un excellent exemple de partenariats interministériels, un élément essentiel à la réussite. Je ne peux pas insister trop là-dessus. Lorsque j'ai pris part à cette activité, la relation n'était pas celle qu'on connaît à l'heure actuelle. Il y a toujours place à l'amélioration, mais le programme fonctionne très bien.

Le fait, pour les coordonnateurs du soutien par les pairs, de prendre soin d'eux-mêmes et de fixer des limites réalistes est un autre facteur important. Comme je l'ai mentionné au début, le recrutement, la sélection et la formation des coordonnateurs du soutien par les pairs — qui sont le principal domaine d'activité de M. Jamieson — sont très importants. Il s'agit de facteurs déterminants pour le succès du programme. Ils sont comme une soupape pour le noyau du personnel chargé du soutien par les pairs. Les activités de recrutement, de formation et de maintien en poste de bénévoles auxquelles ils participent et qui ont pour objectif d'amener ces bénévoles à travailler avec eux est un autre facteur important.

Au chapitre des défis, je ne pourrais pas dire sincèrement qu'il n'y a plus d'obstacles structurels à l'activité en question. Certains cliniciens ont encore des réserves quant à l'intervention de non-professionnels dans le domaine. Ils préfèrent garder les interventions dans le milieu de la santé mentale. Cependant, j'ai observé certains processus de transition, et les choses se sont passées de façon extraordinaire. D'autres ont constaté que le fait d'avoir un coordonnateur du soutien par les pairs travaillant avec eux dans leurs bureaux de district, comme Jennifer l'a fait, a de la valeur, et ils n'ont que des louanges à faire à leur égard. Une fois qu'ils rencontrent des gens comme l'adjudant-chef McArdle, ils sont tout à fait conquis. Personnellement, je ne comprends pas, mais il semble que cela fonctionne, malgré son passé aristocrate. Ce sont les gens qui travaillent sur le terrain qui relèvent les défis.

J'ai parlé brièvement un peu plus tôt de la taille du territoire. Il s'agit d'un grand défi. Le Canada est un très grand pays, et les gens qui souffrent du genre de traumatisme dont nous parlons aujourd'hui sont éparpillés à l'est, à l'ouest, au nord et au sud. C'est un défi énorme que doivent relever les 17 coordonnateurs de soutien par les pairs et les six coordonnateurs du soutien aux familles des pairs. Ils abattent énormément de travail, surtout en ce qui concerne les réservistes, dont l'adjudant-chef McArdle parlera plus tard.

Donner de l'ampleur au réseau de bénévoles dont j'ai parlé plus tôt est un autre défi que ces bénévoles doivent relever au quotidien. Une fois réalisé l'investissement nécessaire pour trouver et former des bénévoles et leur offrir l'occasion d'acquérir de l'expérience, le problème consiste à les maintenir en poste.

Le dernier défi de la liste, et certainement pas le moindre, c'est la culture au sein des Forces canadiennes en ce qui a trait aux questions de santé mentale. Cette culture a beaucoup évolué au cours des six dernières années, environ. J'ai constaté cette évolution entre l'époque de la commission d'enquête sur la Croatie, que j'ai eu le privilège de présider, époque où les questions de santé mentale étaient taboues, et aujourd'hui. Les choses ont vraiment beaucoup changé. Je ne saurais comment décrire les différences, mais c'est le jour et la nuit. Cela dit, il y a encore beaucoup de choses à faire. Il y a encore des problèmes culturels graves au sein des Forces canadiennes en ce qui concerne la reconnaissance des traumatismes psychiques au même titre que les blessures physiques. À AAC, la manière dont on voit la santé mentale a beaucoup changé. La situation dans laquelle se trouvent nos jeunes soldats aujourd'hui lorsqu'ils reviennent de mission est très différente de ce qu'elle était à l'époque où l'adjudant-chef McArdle est revenu lui-même de mission, il y a quelques années.

L'enseignement et la formation sont les principaux éléments qui permettent de modifier la culture. Une de mes préoccupations, à titre d'observateur, c'est que les investissements à long terme dans des domaines comme l'enseignement et la formation sont souvent ceux qu'on néglige, si je puis dire, à court terme. Lorsque surviennent de nombreuses crises autour de nous, nous avons tendance à oublier les investissements à long terme. Nous ne parviendrons jamais à modifier la culture organisationnelle au ministère de la Défense nationale sans investir davantage d'abord et avant tout dans l'enseignement et la formation. Incidemment, il s'agit de l'une des principales responsabilités dans le cadre du programme de SSVSO.

Pour continuer de tirer parti des gains que nous avons réalisés au cours des quelques dernières années, il est nécessaire de déployer de grands efforts, ce qui pose des défis constants. Là-dessus, sénateurs, je conclus mes commentaires préliminaires, qui, selon l'heure des marins, ont duré environ dix minutes de trop. Je serai heureux de faire face à toutes vos questions, que je peux adresser à la bonne personne ou que les sénateurs peuvent poser directement aux membres du SSVSO.

Le président : Merci, brigadier général Sharpe. Je peux vous assurer que les questions ne manqueront pas. Ces messieurs ne sont pas réticents du tout, même s'ils prennent un peu de temps pour mettre leurs noms sur la liste, alors je vais commencer.

Pouvez-vous préciser deux choses? Premièrement, quelles sont votre source de financement et l'importance de vos ressources financières? Je présume qu'il faut de l'argent pour voyager, former des gens, et cetera. D'où vient cet argent, et de combien d'argent s'agit-il? Deuxièmement, comment évaluez-vous le succès du programme? De façon anecdotique ou d'autres façons?

Bgén Sharpe : Ce sont de bonnes questions. Je vais relayer la première question à Mme Darte et au major LeBeau parce qu'elles sont devenues très habiles à obtenir de l'argent de toute source, surtout Mme Darte. La deuxième question est de loin la plus embêtante, et nous nous débattons avec celle-ci de l'extérieur comme de l'intérieur. Je vais demander au major LeBeau de répondre à la première question.

Maj LeBeau : Le programme de SSVSO relève du Directeur-Soutien aux blessés et administration, DSBA, sous l'égide du chef du personnel militaire. Le programme fait partie des activités courantes.

Le président : Est-ce qu'il fait partie du volet du MDN que sont les Forces canadiennes?

Maj LeBeau : Oui. Nous passons par le processus normal de planification des activités, nous présentons des demandes de financement, et notre budget est renouvelé annuellement. Chaque année depuis la création du programme, on a consacré des ressources supplémentaires au SSVSO. Pour l'année en cours, nous travaillons à obtenir davantage de fonds du chef du personnel militaire de façon à pouvoir doter de nouveaux postes. En ce qui concerne AAC, je vais demander à Mme Darte de répondre à la question.

Kathy Darte, agente de projets spéciaux, Direction de la recherche et de l'information, Anciens combattants Canada : SSVSO est un programme de partenariat, ce qui fait que les deux ministères y contribuent sur le plan financier. Les gens qui travaillent sur le terrain, comme l'adjudant-chef McArdle, sont des employés du ministère de la Défense nationale. L'un des postes budgétaires importants du SSVSO concerne les salaires et les coûts d'exploitation liés aux employés. Si on examine le budget dans l'ensemble, on constate que, parce que ces personnes sont des employés du MDN, ce ministère investit davantage d'argent dans le programme que AAC. En plus de contribuer financièrement au SSVSO, AAC contribue d'autres manières qui ont des répercussions sur le plan financier. L'ensemble de la formation offerte aux coordonnateurs est dirigée ou fournie par Anciens combattants Canada, à notre seul hôpital psychiatrique de Sainte-Anne. Nous offrons par ailleurs un espace de travail à ces gens dans la mesure du possible. En fait, des 17 coordonnateurs qui travaillent auprès des membres des FC et des anciens combattants, 15 travaillent dans des bureaux d'AAC. C'est donc une autre contribution d'AAC. L'un des coordonnateurs du soutien aux familles travaille dans nos cliniques pour traumatismes liés au stress opérationnel. Anciens combattants fournit de l'argent et d'autres types de ressources. Le fait que je sois cogestionnaire du programme est une autre contribution d'Anciens combattants Canada au programme de SSVSO.

Bgén Sharpe : Mais Mme Darte pense que son salaire n'est pas suffisamment élevé. Cela dit, le MDN finance le programme à hauteur d'environ 1,8 million de dollars.

Mme Darte : AAC fournit 0,5 million de dollars au budget du SSVSO.

Bgén Sharpe : Je veux souligner le fait que le chef du personnel militaire a posé la même question, parce que le processus de planification des activités est axé sur l'évaluation du succès. C'est un défi. Monsieur Jamieson, voulez- vous ajouter quelque chose?

Lieutenant-colonel (retraité) Jim Jamieson, conseiller médical, Soutien social aux victimes de stress opérationnel, Défense nationale : Tout d'abord, du côté du milieu universitaire, après la présente réunion, à 14 h 30, nous allons participer à une réunion avec les représentants des programmes de santé mentale des Forces canadiennes. Nous sommes en train de mettre sur pied un projet de recherche visant à mesurer la contribution du programme de SSVSO au rétablissement. Nous allons essayer de réaliser un projet d'appariement de gens qui reçoivent des soins en santé mentale dans nos cliniques ou qui font appel à des ressources civiles, ainsi que de l'aide dans le cadre du programme de SSVSO, pour tenter de mesurer la contribution du programme.

Nous avons aussi réalisé des progrès au chapitre de l'évaluation des effets découlant du fait d'être coordonnateur de la santé mentale des gens qui participent au programme. Mme Darte et le Dr Richardson veulent peut-être en parler. Sans trop en dire à ce sujet, c'est en général très positif si la gestion est appropriée.

À titre d'observation, je dirai qu'environ 2 500 pairs se sont adressés à nous pour obtenir de l'aide au cours des quatre dernières années. En soi, c'est un signe de succès. Nous sommes trop populaires, et nos pairs sont toujours au bord de l'épuisement professionnel. Comme le brigadier général Sharpe l'a mentionné, nous avons recueilli de nombreux témoignages, l'un de ceux-ci étant celui de Shawn Hearn, que nous vous avons communiqué. Si vous avez lu l'article, vous êtes en mesure de comprendre à quel point le programme a été couronné de succès. M. Hearn a joué un rôle fondamental dans la création d'un réseau de télésanté mentale à Terre-Neuve-et-Labrador, là où nos anciens combattants sont si nombreux à être isolés qu'on ne peut les joindre directement par l'intermédiaire des professionnels de la santé mentale.

Je travaille dans ce domaine, et, comme le brigadier général l'a dit, chaque fois qu'un pair se joint à l'équipe de santé mentale, la même question de savoir comment nous avons pu vivre sans le programme revient. Il y a de nombreuses façons informelles d'évaluer le succès. J'espère que, et je crois que c'est réaliste, dans deux ans, le projet de recherche que nous sommes déterminés à réaliser et qui consiste à apparier les gens qui reçoivent l'aide du programme de SSVSO et les gens qui reçoivent de l'aide en santé mentale aura fait encore davantage la preuve de son succès. Quelqu'un d'autre veut-il dire quelque chose à ce sujet?

Bgén Sharpe : Sur l'avant-dernière diapo figure une déclaration faite au comité du sénateur Kirby. Je crois qu'il s'agit d'une reconnaissance importante du succès du programme en question.

Par ailleurs, la dernière observation que je veux faire, c'est qu'un agent de la GRC de Halifax a dit qu'il ne serait plus en vie aujourd'hui sans le SSVSO. À l'inverse, certains de ses amis seraient toujours vivants aujourd'hui s'ils avaient pu accéder au SSVSO. Je pense qu'il s'agit d'une preuve importante du succès du programme, même si elle est anecdotique. À titre d'observateur extérieur, je sais que l'organisation a permis de sauver des vies.

Le sénateur Atkins : Je tiens d'abord à vous féliciter de votre travail. Je pense que ce que vous faites est extraordinaire. Je suis convaincu que votre programme est sous-financé. Je crois qu'il appartient au comité d'essayer de vous aider à obtenir davantage de ressources, parce que je suis sûr que le nombre de cas augmente et que la demande à laquelle vous faites face est en train de devenir très importante.

Docteur Richardson, pouvez-vous me dire à quel moment vous libérez les militaires qui ont des problèmes? Y a-t-il un point où vous êtes capable de déterminer si une personne est toujours qualifiée pour les Forces ou si elle devrait être réformée?

Bgén Sharpe : Je vais peut-être essayer de répondre d'abord moi-même à la question. Le Dr Richardson, même s'il est extrêmement compétent et qualifié, ne s'occupe pas de la libération des militaires au sein du ministère de la Défense nationale. Cependant, il souhaitera peut-être dire quelque chose au sujet du commentaire que vous avez fait sur l'augmentation du nombre de cas, puisqu'il examine cela de près et a peut-être quelque chose à ajouter là-dessus.

En ce qui concerne le moment où nous libérons les gens, c'est une chose que le major LeBeau peut expliquer de son point de vue, ou encore M. Jamieson.

Lcol Jamieson : Mon patron, le brigadier général Jaeger, est venu témoigner devant vous plus tôt ce mois-ci. C'est une question d'ordre médical; les membres du SSVSO n'y participent pas directement. De façon générale, cependant, je crois que vous savez que le principe d'universalité du service s'applique à tous les membres des Forces canadiennes. Ils doivent répondre à certaines normes relatives à leur capacité d'être employés et déployés — les facteurs géographique et professionnel dont vous avez peut-être entendu parler. Notre but, lorsqu'un soldat souffre, c'est qu'il retourne au travail le plus rapidement possible. C'est le but principal.

Nous disposons de mécanismes pour aider les soldats que nous appelons les catégories médicales temporaires, et les soldats reçoivent, pendant une période donnée, le traitement dont ils ont besoin pour retourner au travail. S'il devient évident, à un moment donné, qu'un soldat ne sera pas en mesure de retourner au travail, il faut envisager la procédure de libération. Je ne sais pas si je réponds à votre question, mais je vous donne les éléments de base.

Il ne s'agit pas toujours forcément d'un problème de santé mentale. Un exemple éloquent est celui du major Stéphane Grenier, qui a lancé le programme. Il a été gravement atteint, comme il vous le dirait lui-même, du syndrome de stress post-traumatique. Non seulement il s'en est remis, mais il a aussi obtenu une promotion depuis. Il a fait un travail extraordinaire, qui lui a valu un certificat pour service méritoire. Il y a de l'espoir lorsque nous pouvons nous occuper rapidement des gens et les remettre sur la bonne voie.

Dr Don Richardson, conseiller médical, Anciens combattants Canada : En pratique clinique, qu'une personne soit un militaire actif ou qu'elle ait été libérée ne change rien au fait que, lorsqu'elle demande un traitement, on s'attend à ce qu'elle se rétablisse et puisse reprendre ses activités normales, que ce soit dans l'armée ou dans le civil. C'est à cela que nous nous attendons au départ.

La documentation du domaine nous enseigne que, lorsque les gens cherchent à obtenir rapidement un traitement, pour la plupart des problèmes de santé, que ce soit le diabète, le cancer ou un trouble psychique, les chances de rétablissement et de rétablissement permanent sont meilleures. L'avantage de programmes comme celui qui nous occupe aujourd'hui est qu'ils encouragent les gens à obtenir rapidement un traitement.

Le sénateur Atkins : Est-ce que vous dites que les gens obtiennent le même traitement ou le traitement dont ils ont besoin, qu'ils soient actifs ou libérés?

Dr Richardson : Lorsqu'une personne cherche à obtenir un traitement, je m'attends à ce que le traitement soit le même qu'elle soit un militaire actif ou non. Je m'attends à ce que le professionnel qui s'en occupe, le clinicien, la traite de la même façon qu'une autre. Est-ce que cela vous aide?

Le sénateur : Oui.

Maj LeBeau : En ce qui concerne le SSVSO, qu'il s'agisse de militaires actifs ou d'anciens combattants ne fait absolument aucune différence. Ce sont des clients du SSVSO. Nous leur offrons donc les mêmes services.

Le sénateur Atkins : Pouvez-vous nous donner une idée du nombre de soldats qui reviennent de mission, que ce soit en Afghanistan ou ailleurs?

Bgén Sharpe : Est-ce que vous pensez aux gens qui reviennent de mission et qui ont subi un quelconque traumatisme psychique?

Le sénateur Atkins : Oui.

Bgén Sharpe : Au Canada, on n'a pas encore réalisé d'études poussées sur le sujet, même si Recherche et développement pour la défense Canada commence à travailler là-dessus à Toronto. Récemment, le Dr Richardson nous a communiqué des renseignements tirés d'importantes études américaines réalisées auprès de soldats revenus d'Irak, d'Afghanistan ou ayant pris part à d'autres déploiements ailleurs que dans ces deux régions. Certains chiffres sont intéressants, et je peux peut-être lui demander de nous en parler.

Dr Richardson : La question est controversée lorsqu'il s'agit de déterminer précisément si nous avons affaire à des chiffres ou à des taux. Nous ne disposons pas de chiffres précis sur les taux s'appliquant aux soldats canadiens en ce qui concerne les déploiements. L'autre chose, c'est que le niveau de stress et la possibilité que les événements se produisent ne sont pas les mêmes si nos soldats sont déployés au début d'un conflit, comme en Bosnie, ou plutôt vers la fin. Les taux varient en fonction de la durée du déploiement.

Nous avons relevé dans les études sur les soldats américains déployés en Irak et en Afghanistan et sur leur état au retour de mission, que environ 19 p. 100 de ceux qui ont été déployés en Irak en sont revenus avec un problème de santé mentale. Le chiffre est d'environ 11 p. 100 pour les soldats déployés en Afghanistan. Il s'agit d'études publiées.

Nous ne disposons pas de renseignements récents sur les soldats américains qui sont encore en Irak. C'était 19 p. 100 pour le premier déploiement, et, donc, au fur et à mesure que les conditions changent, le taux peut augmenter ou diminuer. Nous pouvons obtenir des estimations, mais il sera toujours difficile d'obtenir des chiffres précis.

Nous savons, d'après les recherches effectuées dans le cadre de certaines études, que plus une personne est exposée à des conditions semblables à une situation de combat, plus elle est susceptible d'être victime de troubles psychiques, de dépression, du SSPT et autres choses du genre.

Bgén Sharpe : C'est un point important. Je suis heureux que vous ayez posé la question, parce que je crois que certaines gens pensent que le nombre de victimes de troubles mentaux diminue en situation de combat réel, parce que les soldats sont autorisés à riposter et ainsi de suite. Les études dont parle le Dr Richardson semblent montrer que ce n'est pas le cas; en fait, c'est le contraire qui est vrai. Nous ne devrions pas nous attendre à une diminution du nombre de victimes de troubles psychiques parmi nos soldats qui reviennent d'Afghanistan, comparativement, par exemple, à certaines des opérations de maintien de la paix auxquelles nous avons pris part dans le passé.

Pour ce qui est de chiffres solides sur le Canada, Mme Darte a devant elle des chiffres au sujet des membres des FC qui sont toujours actifs et des anciens combattants libérés relativement aux pairs du programme de SSVSO — en d'autres termes, les soldats et les anciens combattants qui s'adressent aux responsables du programme de SSVSO pour obtenir de l'aide.

Mme Darte : Dans le cadre du programme de SSVSO, qui comporte 17 coordonnateurs du soutien par les pairs pour l'ensemble du pays, 123 anciens combattants ayant pris part à la mission en Afghanistan ont accédé aux services du programme. Si vous examinez les chiffres que nous avons recueillis dans le cadre du programme, les anciens combattants revenus d'Afghanistan qui accèdent au programme viennent de régions comme la région d'Edmonton. Il y a un coordonnateur du soutien par les pairs à Edmonton. Il s'occupe de plusieurs anciens combattants revenus d'Afghanistan. Petawawa est une autre de ces régions. Nous savons que ces deux endroits sont ceux où il y a des bases qui envoient des troupes en Afghanistan.

Nous avons six coordonnateurs du soutien aux familles des pairs qui travaillent auprès des familles de membres des FC ou d'anciens combattants. Au total, 92 familles se sont adressées aux responsables du programme de SSVSO parce qu'un époux ou un parent ayant servi en Afghanistan est aux prises avec des problèmes de santé mentale.

Le sénateur Atkins : Lorsque le sénateur Kenny et moi nous sommes rendus à Petawawa, nous avons rencontré les femmes de militaires qui étaient sur le point de partir à l'étranger. Nous avons senti à quel point le niveau de stress était élevé chez les proches des soldats.

Pouvez-vous nous dire comment vous abordez ce problème?

Bgén Sharpe : Je vais laisser le major LeBeau répondre.

Maj LeBeau : Le programme de SSVSO vient à la fin du processus. Il offre un soutien par les pairs aux gens qui souffrent de traumatismes liés au stress opérationnel ou qui y font face.

La situation que vous évoquez a lieu avant le déploiement, en fait. Il y a des familles qui ont recours à nos services à ce moment, mais ils s'adressent généralement plutôt aux centres de ressources militaires. Ce n'est pas en soi du ressort du SSVSO.

Lcol Jamieson : Il y a trois ans, nous avons effectué une importante analyse des besoins des familles du pays. C'est Anne Préfontaine, une coordonnatrice du soutien aux familles des pairs qui a dirigé l'analyse. L'analyse est courte, mais riche de renseignements.

J'y ai participé. Nous avons interrogé environ 96 personnes. Il y avait 67 conjointes et un conjoint. Les autres personnes interrogées étaient des professionnels de la santé mentale qui travaillaient auprès de ces familles.

Les gens qui vivent avec un membre des FC ou un ancien combattant qui souffre d'un problème de santé mentale comme le SSPT font face à quatre problèmes. Ils ont l'impression de ne pas obtenir suffisamment d'information. En trois ans, nous avons fait beaucoup de choses pour améliorer la qualité de l'information dont disposent les centres de ressources pour les familles des militaires et le programme de SSVSO. Les gens nous disaient que le soldat qui revenait de mission n'était plus le même. « Je ne comprenais pas ce qui se passait. Je croyais qu'il ne m'aimait plus ou qu'il n'aimait plus les enfants. Je pensais que c'était de ma faute. Je ne voulais parler à personne. Si seulement quelqu'un avait pu me dire que cela n'avait rien à voir avec moi. »

C'est une chose que nous pouvons combattre.

Le deuxième problème, c'est l'usure de compassion. Les membres des familles des soldats avaient l'impression qu'on les laissait s'occuper de celui-ci tout seuls. Ils se sont sentis abandonnés par les Forces canadiennes. Ils devaient maintenant s'occuper du soldat revenu de mission.

Une jeune femme de Trenton est venue nous voir pour nous raconter ce qu'elle vivait. Elle est arrivée en retard, parce qu'elle a eu de la difficulté à trouver quelqu'un pour garder ses deux jeunes enfants.

Quelqu'un lui a demandé : « Votre mari ne peut pas les garder? » Elle a répondu : « Non, je ne peux pas les laisser seuls. » « Vous n'avez pas confiance en votre mari? » Elle a répondu : « Ce n'est pas ça. J'ai peur qu'il se suicide. » Il a déjà essayé six fois. C'était un jeune infirmier.

Ce qui me fait peur, c'est que c'était la vie quotidienne de cette jeune femme. L'usure de compassion est un facteur important.

Troisièmement, les gens se sentent isolés. Leur propre famille leur dit : « Quittez-le. C'est un alcoolique. Il ne vaut rien. Il est violent. »

Ils n'obtiennent pas de soutien de la part de leur famille.

Nous leur avons remis les résultats d'un sondage montrant que 90 p. 100 d'entre eux souffraient peut-être de dépression clinique. Je cite le chiffre par cœur, mais je crois qu'il est exact.

Il s'agit de gens qui sont venus nous parler spontanément. Ce n'est pas représentatif de l'ensemble de la population.

Ils étaient frustrés de ne pas avoir accès eux-mêmes à des soins en santé mentale.

Voilà les préoccupations dont les familles nous ont fait part. Il est possible de consulter l'étude. Charles Figley a écrit des choses en ce sens. Il y a beaucoup de travail à faire.

Le président : Pouvons-nous obtenir un exemplaire du rapport?

Lcol Jamieson : Bien sûr.

Maj LeBeau : Il est dans notre site Web.

Le sénateur Day : Mes questions découlent de votre exposé. Je vous remercie d'avoir présenté un exposé très informatif.

Nous parlons des soldats de retour d'Afghanistan. La personne qui souhaite s'inscrire à votre programme doit-elle avoir participé à une opération? Sinon, peut-elle s'adresser à un centre de ressources militaires?

Pouvez-vous parler de votre relation avec les centres de ressources militaires? Les services sont-ils compartimentés, et la personne doit-elle déterminer lequel est approprié pour elle? Y a-t-il une continuité entre les deux?

Bgén Sharpe : Je vais demander au major LeBeau et à Mme Darte de répondre à la question.

Je ne travaille pas pour le programme de SSVSO ni pour le ministère de la Défense nationale. D'après ce que j'ai pu observer, on n'a jamais refusé à quiconque l'accès au programme de SSVSO ni à des agents de la GRC, ni à des agents de police municipale ni à d'autres gens ayant le genre de problème en question. L'organisation aide à temps plein quelques centaines de pairs de la GRC.

Le sénateur Day : Est-ce que les agents de la GRC en question ont servi en Irak ou en Afghanistan? S'agit-il de gens qui ont servi dans le Nord de l'Alberta et qui ont vécu un traumatisme terrible?

Bgén Sharpe : Ce sont des gens d'un peu partout. Si vous me permettez de répondre en vous parlant de cas précis, des huit agents de la GRC qui ont témoigné devant la Commission d'enquête sur la Croatie, quatre membres ayant été déployés ont été traités pour le syndrome de stress post-traumatique. Un certain nombre d'agents de la GRC vivent l'isolement, davantage encore que les membres des FC. Peut-être pas autant, cependant, que les membres de la réserve qui retournent chez eux. C'est variable.

Il n'y a pas de critères liés à la cause du stress opérationnel qui poussent une personne à participer au programme. C'est la réponse simpliste du navigateur. Il y a une réponse plus complexe. Je vais demander à Mme Darte de nous en faire part.

Mme Darte : Le mandat du programme de SSVSO précise qui est admissible. Le programme est offert aux membres des FC, aux anciens combattants et aux familles des deux groupes. Ce que disent les gens du SSVSO, c'est que si une personne a porté l'uniforme, elle a droit à ce service.

Comme le brigadier général Sharpe l'a mentionné, notre définition inclut tous les gens qui sont aux prises avec un traumatisme lié au stress opérationnel qui a pour origine la participation à une opération. Nous ne définissons pas les « opérations » comme des opérations à l'étranger.

Nous définissons les « opérations » de manière générale. Il peut s'agir d'une opération au Canada. Il y a eu la tragédie de Swissair et les tempêtes de verglas.

Le programme est conçu pour les militaires ayant subi un traumatisme lié au stress, comme le syndrome de post- traumatique, la dépression et d'autres troubles d'anxiété. Ce sont ces gens qui s'adressent à nous.

Comme le brigadier général Sharpe l'a mentionné, dans le cadre du programme de SSVSO, nous acceptons tous les gens qui s'adressent à nous. Les coordonnateurs comme l'adjudant-chef McArdle s'assoit avec eux et écoute ce qu'ils ont à raconter. Il se peut que nous soyons en mesure de les aider, mais il se peut aussi que ce soit impossible; cependant, parce que nous connaissons les services qui existent, et parce que nous devons collaborer avec les autres services des provinces, avec les services des collectivités où les clients habitent, pour aider ces gens à communiquer avec les gens qui pourront les aider.

Plusieurs agents de la GRC ont eu recours aux services offerts dans le cadre de notre programme. Jusqu'à maintenant, environ 50 agents l'ont fait. Je ne dispose pas des chiffres exacts, mais la majorité des agents de la GRC qui se sont adressés à nous pour obtenir des services ont un lien avec l'armée ou avec Anciens combattants; ce sont parfois des clients d'Anciens combattants. Il y a ce lien.

Adjuc McArdle : Nous accueillons tout le monde et n'excluons personne. Certains de nos membres et de nos pairs ont servi au Vietnam et sont revenus au Canada après 35 ans, ou encore ils vivent au Canada depuis l'offensive du Têt. Ce sont nos pairs, et ils participent probablement à leur propre régime d'AC aux États-Unis et sont des citoyens canadiens ou américains qui sont installés ici. Il s'agit d'agents de la Gendarmerie royale du Canada, d'agents de police, et cetera.

Les groupes de soutien par les pairs et les gens eux-mêmes déterminent si c'est de ça qu'ils ont besoin et si c'est ça qu'ils veulent. Si c'est quelque chose dont ils n'ont pas besoin, alors nous évaluons le succès lorsque que nous permettons la réinsertion sociale d'une personne ou qu'elle passe à autre chose et n'a plus besoin du programme. C'est ainsi que nous évaluons le succès.

Le sénateur Day : De quelle façon collaborez-vous avez le centre de ressources militaires, le CRFM, pour déterminer si c'est vous ou le CRFM qui êtes en mesure de répondre aux besoins d'un client?

Adjuc McArdle : Nous travaillons en étroite collaboration avec toutes les autres organisations, et, évidemment, les centres de ressources militaires sont essentiels. Ils s'occupent surtout des familles. Comme on l'a déjà mentionné, lorsqu'un membre de la famille d'un soldat nous appelle, nous écoutons ce qu'il a à dire, nous évaluons les besoins et nous lui donnons le bon numéro de téléphone pour qu'il puisse parler avec les personnes de telle ou telle organisation qui pourrait fournir l'aide dont il a besoin. Si la personne qui appelle est un pair, quelqu'un qui a servi dans l'armée, c'est évident que je m'en occupe personnellement. Si c'est un membre de la famille, j'essaie de le mettre en contact avec notre coordonnatrice du soutien aux familles des pairs, Mme Inglis, dans les Maritimes, de façon qu'elle puisse aider cette personne.

Les CRFM et toutes les autres organisations possèdent notre documentation. Nous organisons des séances d'information avec eux; nous ne trouvons pas nécessairement au même endroit. Je travaille dans les bureaux d'Anciens combattants, mais nous organisons nos réunions dans leur édifice. Nous sommes en lien étroit avec les CRFM de toutes les bases du Canada.

Le sénateur Day : Les membres du comité ont eu l'occasion d'effectuer une visite dans les bases avec un membre des centres de ressources familiales, et nous avons pu constater l'excellent travail qui se fait là-bas. Si je voulais obtenir des renseignements sur vous et sur votre organisation, si j'étais membre des Forces armées ou qu'un membre de ma famille l'était, et que cette personne s'adressait à un centre de ressources pour les familles des militaires, est-ce que le centre pourrait aiguiller cette personne vers vous?

Adjuc McArdle : Oui. Tous nos coordonnateurs du soutien aux familles des pairs entretiennent des liens avec les CRFM ainsi qu'avec les autres coordonnateurs. Ils possèdent nos renseignements, nos cartes et nos dépliants. Ils savent comment nous joindre et ils peuvent communiquer les renseignements nécessaires pour nous joindre aux gens dont ils s'occupent.

Le sénateur Day : Vous avez parlé du centre de ressources pour les familles des militaires et des rapports que vous entretenez avec celui-ci. Pouvez-vous maintenant parler de la manière dont vous vous inscrivez dans le cadre de la Charte des anciens combattants et des initiatives qui en relèvent? Est-ce que votre programme est l'une de ces initiatives, ou est-il indépendant?

Bgén Sharpe : Nous pourrions demander à Mme Inglis de parler de cela, ainsi qu'à Mme Darte ou à l'adjudant-chef McArdle.

Adjuc McArdle : Je travaille sur place. J'ai eu le privilège de travailler dans deux bureaux d'Anciens combattants, en Ontario et en Nouvelle-Écosse. Cette collaboration avec Anciens combattants est essentielle, parce que ce sont les résultats qui comptent. Nous voulons aider nos pairs. Je suis sincère lorsque je dis que la collaboration entre Anciens combattants Canada et moi-même, dans les deux bureaux, a été extraordinaire.

Le sénateur Day : J'aime entendre des commentaires positifs, mais s'il y a des problèmes, s'il y a des obstacles que nous pouvons supprimer à votre avis, nous aimerions en entendre parler aussi. Notre objectif est le même : nous occuper des anciens combattants, des militaires et de leur famille, pour nous assurer qu'on prend bien soin d'eux.

Bgén Sharpe : Il s'agit véritablement d'un excellent exemple de collaboration interministérielle. Je crois, encore une fois d'après ce que j'ai pu observer pendant six ans environ, qu'on a fait tomber des obstacles. Le succès a été extraordinaire.

Mme Inglis peut peut-être ajouter quelques mots. Le programme fonctionne tellement bien sur le terrain. Nous avons eu l'occasion d'effectuer une visite à Calgary. Les choses vont si bien là-bas qu'il faut le souligner.

Jennifer Inglis, directrice de district, Anciens Combattants Canada : À Calgary, nous n'avons une coordonnatrice du soutien par les pairs sur place que depuis février. Elle a déjà presque 150 clients, et elle m'a dit que plus de 80 p. 100 d'entre eux lui ont été recommandés par le personnel d'Anciens combattants Canada. En soi, il s'agit d'une preuve de la collaboration entre les deux ministères.

En outre, elle vit là-bas, et nous nous efforçons de lui fournir tout ce dont elle a besoin pour travailler. La collaboration entre les conseillers régionaux, nos gestionnaires des cas et la coordonnatrice est très importante. Les clients nous disent que sa présence les aide à apporter les changements nécessaires dans leur vie.

Le sénateur Day : J'ai parlé à plusieurs personnes d'Anciens combattants Canada dans diverses régions du pays, et ils sont en pleine transition pour essayer de s'adapter à la Charte des anciens combattants, alors je présume qu'on leur explique le SSVSO en même temps, ou qu'on leur a déjà dit de quoi il retourne. Sont-ils au courant de cet autre service offert?

Mme Inglis : On nous en parle souvent. De plus, Mme Darte fait circuler l'information.

Le sénateur Day : Je m'intéresse à votre mandat, et vous avez parlé du changement de culture organisationnel, et votre mandat est très important à cet égard. Le module de formation prédéploiement est un autre aspect intéressant qui est inscrit dans le cadre de la discussion que nous avions plus tôt. Vous voudrez peut-être inclure cet élément dans une réponse à la question de quelqu'un d'autre.

Ma dernière question porte sur la manière dont on transmet les éléments culturels aux hommes et femmes des Forces armées. Il est très important que les structures en question soient mises en place, mais je me demande si l'on reconnaît l'existence de ce changement culturel.

J'aimerais savoir si vous avez des chiffres sur le nombre de clients qui sont aiguillés par des collègues ou un membre de leur famille et sur ceux qui se présentent d'eux-mêmes. Avez-vous analysé cela?

Mme Darte : Lorsqu'une personne s'adresse à un coordonnateur comme Dave McArdle, il note sur la fiche d'admission, comme nous l'appelons, le fait que la personne se présente d'elle-même ou qu'elle soit aiguillée par Anciens combattants Canada, le CRFM ou une autre source, qui peut être une clinique pour traumatisme lié au stress opérationnel ou une clinique de santé mentale. Nous avons ces chiffres, mais je ne les ai pas avec moi aujourd'hui.

Le sénateur Day : Ce serait peut-être une chose intéressante à analyser pour voir si les membres des Forces armées qui reviennent de mission sont prêts à admettre qu'ils ont besoin d'aide ou si ce sont les membres de la famille qui demandent de l'aide. Il y a 92 familles sur votre liste. Vous avez parlé du stress transmis par personne interposée. Il est évident que les familles des militaires vivent des choses difficiles; le soldat qui revient de mission n'est plus la même personne. Il va dire « Je vais bien, il suffit que je prenne le temps de me remettre et que je lutte moi-même », mais la famille de cette personne peut venir vous voir et vous dire « Nous n'en pouvons plus. »

Ce serait un signe que votre objectif de modification de la culture commence à devenir réalité.

Mme Darte : Si vous me permettez, sénateur, les 92 familles dont vous parlez sont les familles d'anciens combattants revenus d'Afghanistan. Il y a plus de 400 familles sur notre liste. Nous avons six coordonnateurs en Colombie- Britannique, en Alberta, à Winnipeg, à Petawawa, dans la région de l'Atlantique et à Montréal. Ces six coordonnateurs s'occupent de plus de 400 familles.

Lorsque nous recueillons des données statistiques, nous utilisons la famille comme unité, mais il arrive fréquemment que l'aide que nous fournissons ne se limite pas aux soldats revenus de mission, mais qu'elle s'étend aussi aux membres de sa famille.

Bon nombre de membres de la famille de soldats sont aux prises avec le stress lié au fait que la personne qu'ils aiment se trouve à l'étranger ou qu'elle est victime d'un traumatisme lié au stress opérationnel. Nous travaillons aussi auprès des enfants. Dans le cadre du programme, nous avons découvert que le traumatisme lié au stress opérationnel affecte non seulement les soldats, mais aussi l'ensemble de leur unité familiale.

Le sénateur Day : Les 400 familles en question représentent combien de personnes?

Mme Darte : Je n'ai pas ce chiffre devant moi, mais je pourrais vous le communiquer plus tard.

Le sénateur Day : Ce serait quelque chose d'utile à savoir. Dans cinq ans, ce chiffre aura peut-être triplé. Il serait intéressant de connaître le chiffre actuel.

Adjuc McArdle : Les gens entendent souvent parler de notre service par un pair. Cela peut être le cas d'une personne qui en amène une autre à une réunion ou dans le bureau. Il est essentiel que les soldats de l'infanterie, de la marine et de l'armée de l'air en amènent d'autres à participer au programme. Il arrive souvent que des membres des familles des soldats nous téléphonent parce qu'ils ne savent pas à qui s'adresser pour obtenir de l'aide. Nous les dirigeons alors vers l'organisation appropriée.

La participation au programme est confidentielle et libre, alors nous devons nous assurer de respecter ces règles. Nous encourageons et nous incitons les gens à s'inscrire au programme, mais, au bout du compte, ce sont les gens qui prennent la décision de le faire.

Le sénateur Kenny : J'ai lu que Stéphane Grenier avait dit qu'il vivait beaucoup de situations de conflits au travail avec les gens qui l'entouraient. Il a dit que, comme il était officier, il avait l'impression de devoir minimiser les répercussions qu'avait son travail sur lui-même.

Le sénateur Day a parlé des modules de formation. Le phénomène semble être généralisé. Cela touche beaucoup de gens, et il semble que c'est associé à l'image qu'ont d'eux-mêmes les gens qui portent l'uniforme. Ils semblent avoir l'impression que, en vertu du fait qu'ils portent l'uniforme, ils doivent être différents des autres êtres humains.

Comment pouvons-nous former les gens en vue de la période stressante qui les attend? Même l'entraînement de base est stressant. On devrait leur remettre une liste de vérification.

J'étais chez mon médecin l'autre jour, et j'ai vu une liste de neuf indicateurs de la dépression clinique. J'en ai coché huit. La dernière question était « Avez-vous des idées suicidaires? » Rendu à cette question, j'en avais.

Il semble manquer quelque chose dès le départ. Vous intervenez après que le problème survient. Que manque-t-il au tout début?

Bgén Sharpe : L'enseignement et la formation. On a réalisé des progrès importants au cours des six ou sept dernières années en vue d'intégrer cet aspect fondamental de l'enseignement au tout début de la formation. Nous commençons à parler de conscience de soi pendant l'entraînement de base, puis nous en parlons encore dans les cours avancés de leadership. Les officiers supérieurs apprennent à régler le problème à l'échelle de l'unité, à faire en sorte que les gens demandent de l'aide et ainsi de suite.

C'est la voie qu'il faut emprunter. Les responsables du SSVSO travaillent fort pour essayer d'offrir une partie de l'enseignement et de la formation. Les établissements de formation des FC ont intégré ce volet à leurs normes et spécifications professionnelles. Cela va finir par contribuer à faire évoluer les choses.

Dans les FC, il y a encore des gens qui n'ont pas entendu parler du stress post-traumatique lorsqu'ils étaient subalternes et par la suite, et cela constitue une partie du problème pour nous. Ces gens se sentent encore menacés par ce concept, mais les choses changent. Il faut beaucoup de temps avant que l'enseignement donne des résultats. Il est nécessaire de protéger les ressources consacrées à cette fin.

Le sénateur Kenny : Partout où je vais, j'entends les gens comparer les unités à des familles. Des gens disent : « Mon régiment, c'est ma famille. » Tout le monde passe par-là, dans une certaine mesure. Pas seulement les militaires, mais c'est plus fort et plus évident chez eux.

Si tout le monde passe par là et que personne ne veut que son voisin le sache, pourquoi les familles — les unités — ne le reconnaissent-elles pas davantage et ne font rien de plus pour s'occuper de cela, vu que tout un chacun passe par là et réagit différemment selon sa personnalité?

Bgén Sharpe : J'ai commencé à examiner cette question il y a six ou sept ans. Depuis, les familles régimentaires se sont améliorées. Cependant, s'il y a six enfants autour d'une table et qu'il n'y a pas suffisamment de nourriture pour quatre, il est difficile d'être sensible aux besoins du sixième. La cadence opérationnelle fait que c'est parfois la situation qui a cours, sur le plan des ressources.

Maj LeBeau : Il y a, dans le cadre du programme de SSVSO, ce que nous appelons le Bureau des conférenciers, récemment mis sur pied, et dont le mandat est de fournir un enseignement et une formation et, au bout du compte, de modifier la culture organisationnelle.

L'été dernier, nous avons travaillé dur, en collaboration avec l'Académie canadienne de la défense, le nouveau centre de formation des Forces canadiennes. Nous avons convenu avec l'Académie qu'elle nous aiderait sur le plan financier, ainsi qu'en nous prêtant du personnel pour l'élaboration de nouvelles trousses qui nous permettront d'offrir des éléments de formation sur les traumatismes liés au stress opérationnel à tous les niveaux de la formation en leadership, parce que la culture est un enjeu, qui, au bout du compte, a beaucoup trait à la chaîne de commandement. Ce n'est pas un enjeu qui ne concerne qu'une section des FC.

À partir du 1er avril 2007, après un processus de mise en œuvre graduelle, nous espérons pouvoir offrir des éléments de formation sur les traumatismes liés au stress opérationnel dans le cadre de tous les cours du niveau caporal-chef des Forces canadiennes. Ensuite, nous offrirons l'information à des niveaux plus élevés de la chaîne de commandement, soit aux sergents et aux adjudants. Nous avons déjà commencé à offrir de la formation de façon officieuse, mais rendu là, la formation sera davantage systématique.

Le deuxième volet concerne la formation prédéploiement. Certains de nos coordonnateurs du soutien par les pairs ont offert des séances d'information prédéploiement aux troupes. L'Académie canadienne de la défense envisage d'élaborer une trousse standard ainsi qu'une formation par les pairs, de façon que les soldats déployés puissent mieux s'entraider lorsqu'ils sont sur le terrain. Il s'agit de projets en cours qui témoignent du fait que les gens reconnaissent qu'il s'agit d'un besoin.

En ce qui concerne l'enjeu culturel, il faut beaucoup de temps pour modifier la culture. La société canadienne stigmatise, en général, les problèmes de santé mentale. Les Forces canadiennes sont un microcosme de la société, et la situation est donc la même dans nos rangs. En fait, elle est deux fois plus intense, parce que, à titre de soldats, nous avons un mandat très spécial. On est en train de régler le problème. On voit des signes de réussite. J'utiliserais un exemple. Les coordonnateurs du soutien par les pairs nous disent que les choses commencent à bouger. Les gens demandent de l'aide plus tôt. Ils entendent parler du programme, reconnaissent plus tôt le fait qu'ils ont besoin d'aide et ils commencent à chercher et à demander de l'aide plus rapidement qu'ils le faisaient dans les années 90. Il s'agit à mon avis d'un signe très positif, et j'espère que les choses vont continuer d'évoluer dans cette direction.

Mme Inglis : Récemment, des soldats revenaient de mission en Afghanistan, et il y en a encore qui en reviennent à l'heure actuelle. À titre d'exemple concernant le fait que les gens demandent de l'aide plus tôt, quatre anciens combattants ont communiqué avec le bureau de leur région dans les trois semaines suivant leur retour d'Afghanistan, et ils ont dit qu'ils avaient l'impression de présenter certains symptômes et ils ont cherché à savoir où ils pouvaient obtenir de l'aide. Nous les avons dirigés vers le programme de SSVSO et nous nous en sommes occupés nous-mêmes, évidemment, pour les aider à obtenir des indemnités d'invalidité.

Le sénateur Downe : Pouvez-vous nous expliquer la nature du soutien que vous offrez aux membres de la famille immédiate des soldats tués en Afghanistan?

Bgén Sharpe : Il s'agit de l'un des nouveaux programmes.

Maj LeBeau : C'est l'initiative de soutien par les pairs en cas de deuil. Je le dis au présent. L'initiative ne fait que commencer. C'est le lieutenant-colonel Grenier qui l'a lancée avant de partir. Je vais laisser Mme Darte parler de l'analyse des besoins.

Nous avons fourni un petit groupe de neuf bénévoles, et ces bénévoles sont des gens qui ont connu le deuil. Sept d'entre eux sont des femmes veuves, les deux autres, des pères. Ils sont prêts à offrir un soutien en tant que pairs. Dans le cadre du programme de SSVSO, ce sont les pairs qui sont importants, alors il s'agit de pair des militaires ou d'anciens combattants, des pairs qui sont aussi des membres de la famille de soldats et les pairs qui sont dans la même situation qu'une autre personne. La formation a eu lieu l'automne dernier, et nous avons procédé à l'aiguillage de façon proactive, dans le cadre des éléments actuels, par l'intermédiaire de nos officiers désignés. Les Forces canadiennes nomment toujours l'officier désigné pour la famille, et c'est par l'intermédiaire de cet officier qu'on offre les services. Si la famille est intéressée, elle peut communiquer avec nous et nous nous occupons de l'aiguillage et de mettre les gens en contact avec l'officier désigné. Avant ce matin, 16 familles ont demandé qu'on leur fournisse cette aide.

Le sénateur Downe : Lorsque vous parlez de familles, je suppose que c'est plus souvent qu'autrement la conjointe. Ça peut être aussi les parents et les frères et sœurs.

Maj LeBeau : Jusqu'à maintenant, c'est un mélange de parents et de conjoints. Mme Darte peut parler des besoins, parce qu'elle était là au printemps dernier lorsqu'on a effectué l'analyse des besoins.

Mme Darte : Au cours des dernières années, des gens ayant perdu un être cher sont venus nous voir et nous ont dit : « Je pense que nous avons besoin des services offerts dans le cadre du programme de SSVSO, parce que nous avons perdu un être cher, mais aussi parce que nous sommes aux prises avec notre propre stress opérationnel, qui occasionne des souffrances, à cause de ce qui est arrivé à cette personne, si je puis dire. »

Nous avons réfléchi à cela, puis nous avons constitué un groupe de concertation composé d'un certain nombre de personnes, surtout des conjointes, mais aussi deux parents. Nous avons passé une journée à parler avec eux. En gros, ce qu'ils nous ont dit, c'est que, même si la famille, les amis, les collègues, et cetera, peuvent beaucoup aider, et que tout le monde essaie de faire quelque chose dans ce genre de situations, l'aide la plus précieuse qu'ils ont reçue est venue d'une personne qui avait vécu une expérience très semblable. Ils ont eu l'impression que cette personne comprenait très bien ce qu'ils vivaient et savait exactement dans quelle situation ils se trouvaient.

Nous avons réfléchi à cela, et nous avons fait des démarches auprès de nos ministères. Nous étions témoins de choses qui se produisaient en Afghanistan, et le besoin était très clair. Les gens qui offrent le soutien en cas de deuil dans le cadre de notre programme ne font pas partie du personnel salarié, ce sont des bénévoles, mais ils souhaitaient aussi pouvoir disposer d'une espèce de structure, puisqu'ils offraient leur soutien de toute façon. Ils ont pensé que, grâce à cette association avec nous, nous pourrions leur fournir la structure, la formation officielle et l'orientation dont ils auraient besoin, alors c'est ce que nous avons fait. Nous leur avons fourni une formation officielle. Ils ont reçu le même genre de formation que les coordonnateurs du soutien par les pairs, en plus d'un volet spécifique concernant la perte et le deuil.

Ils n'ont reçu cette formation qu'à la mi-septembre. Comme ma collègue le major LeBeau l'a mentionné, depuis, ces neuf bénévoles fournissant leur soutien à titre de pairs ont aidé 16 familles. Cela prouve qu'il y avait bel et bien un besoin.

Je veux mettre l'accent sur le fait qu'il s'agit de bénévoles et sur le fait que le défi que nous devons relever, en tant que gestionnaires du programme, à l'heure actuelle, c'est de maintenir la capacité de réaliser l'initiative, parce qu'il s'agit d'un volet bénévole du programme.

Le sénateur Downe : Est-ce que tous les soins médicaux sont offerts au Canada, ou faut-il qu'on envoie des gens à l'extérieur du pays pour les traitements?

Dr Richardson : C'est une bonne question. Je ne sais pas. Je ne peux parler que des soins que je prodigue, évidemment, au Canada.

Lcol Jamieson : Les soins offerts à qui?

Le sénateur Downe : À toute personne victime de stress opérationnel et ayant besoin de soins précis et prolongés. Est-ce que cela se passe toujours au Canada?

Lcol Jamieson : Presque toujours. Il y a de très rares exceptions où on offre des soins en établissement à l'extérieur du Canada pour des problèmes de santé mentale complexes. Je ne peux pas vous fournir de chiffre exact, mais je suis convaincu que plus de 95 p. 100 des soins sont prodigués au Canada.

Par exemple, seulement au cours de la dernière année et demi, nous avons mis sur pied des cliniques autorisées qui traitent spécifiquement le syndrome de stress post-traumatique et les abus d'alcool ou d'autres drogues, parce que ces deux choses viennent souvent ensemble, au sein de notre population militaire et d'anciens combattants. C'est là où le SSVSO et le monde médical se rejoignent, parce que nos coordonnateurs du soutien par les pairs nous disent que les cas les plus problématiques auxquels ils ont fait face étaient pratiquement des gens de la rue. Je parle de certains cas d'officiers supérieurs qui sont devenus itinérants à cause d'une dépendance et du syndrome de stress post-traumatique, et on essaie de s'occuper d'un des problèmes, mais ces gens ont besoin qu'on s'occupe des deux problèmes avec lesquels ils sont aux prises. Les responsables du programme de SSVSO ont parlé de ce problème au Service de santé des forces canadiennes et à Anciens combattants Canada, et nous avons cherché des fournisseurs qui pourraient offrir ce service.

Je ne sais pas si je réponds à votre question.

Le sénateur Downe : Oui. Je voulais m'assurer que les soins, s'ils ne sont pas disponibles au Canada, sont offerts dans les rares cas où on en a vraiment besoin, et vous me dites que vous les offrez?

Lcol Jamieson : Oui, monsieur, du côté médical.

Le président : Major LeBeau, j'aimerais avoir une précision. Vous avez dit qu'on effectue beaucoup d'activités de formation à l'heure actuelle auprès des gens qui n'ont pas le grade de major ou de chef ou d'un autre grade. Sommes- nous sûrs du fait que, en Afghanistan, à l'heure actuelle, si une personne présente des symptômes de stress et qu'elle en fait état, ou encore que le supérieur immédiat de cette personne remarque le problème, il est possible de s'occuper de cette personne là-bas?

Maj LeBeau : En Afghanistan, il y a une infirmière spécialisée en santé mentale, un travailleur social et un psychiatre sur le terrain. Ces gens sont là-bas.

Le président : Savez-vous s'ils sont débordés ou si la plupart de ces symptômes apparaissent une fois que les soldats rentrent de mission?

Maj LeBeau : Les symptômes, comme vous l'avez dit, peuvent surgir là-bas, mais il arrive aussi qu'ils n'apparaissent qu'une fois la personne rentrée chez elle. Un soutien en santé mentale est offert sur le terrain.

Le président : Merci beaucoup à tous de votre précieuse contribution. Nous avons appris beaucoup de choses, et ce que nous avons entendu nous encourage. Comme le sénateur Day l'a dit, s'il y a des problèmes, nous aimerions que vous nous en parliez, de cette façon, nous pourrons peut-être contribuer à faire progresser le travail de qualité que vous faites.

La séance est levée.


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