Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants
Fascicule 5 - Témoignages du 2 mai 2007
OTTAWA, le mercredi 2 mai 2007
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 8, pour étudier les services et les avantages sociaux offerts aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres des missions de maintien de la paix et à leur famille en reconnaissance des services rendus au Canada.
Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. Je m'appelle Joseph Day, et je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick. Je préside le Sous- comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Avant de commencer, je vais vous présenter brièvement les membres du comité. Mon vice-président, le sénateur Atkins, représente l'Ontario durant la partie normale de l'année et le Nouveau-Brunswick durant l'été.
À ma gauche se trouve le sénateur Kenny, qui représente l'Ontario. Il préside notre comité d'attache, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.
Le sénateur Downe se joindra peut-être à nous en temps opportun, et je ne vais pas interrompre le déroulement de la séance à ce moment-là pour le présenter. Il représente la province de l'Île-du-Prince-Édouard.
Honorables sénateurs, je suis heureux d'accueillir aujourd'hui en votre nom des représentants du Musée canadien de la guerre.
Comme les honorables sénateurs le savent, nous avons tenu des audiences sur le débat public au sujet de l'un des panneaux explicatifs. Je ne veux pas donner à ce débat une définition de niveau plus élevé que nécessaire. Certains le décriraient comme une controverse et une divergence d'interprétation en ce qui concerne le texte du panneau sur le Bomber Command.
Je pense que, pour les gens qui regardent la présente réunion à la télévision, nous allons montrer le texte du panneau à l'écran, pendant les exposés, alors les téléspectateurs pourront voir le titre « Une controverse qui persiste ». Je veux qu'il soit clair que le comité ne s'engage d'aucune manière dans un exercice de réécriture de l'histoire. C'est ce qu'ont aussi dit clairement les témoins que nous avons accueillis précédemment et qui représentaient différentes organisations militaires.
Par ailleurs, nous reconnaissons l'excellent travail que font les gens du Musée canadien de la guerre, leur professionnalisme et le service extraordinaire qui est offert à la population canadienne grâce au travail effectué au musée en général.
Nous recevons cet après-midi Victor Rabinovitch, président et directeur général du Musée canadien des civilisations, qui est l'organisme d'attache du Musée canadien de la guerre, Joe Geurts, directeur général du Musée canadien de la guerre et Dean Oliver, directeur de la Recherche et des expositions du même musée.
Nous recevrons aussi Jack Granatstein, qui est ici à titre personnel, mais qui connaît le Musée canadien de la guerre pour avoir participé à ses activités et pour y avoir énormément contribué et qui entretient des liens étroits avec les anciens combattants et avec le milieu de l'histoire au Canada.
Honorables sénateurs, je vais maintenant passer le microphone à M. Geurts, qui, je crois, va commencer par nous présenter un exposé. D'autres personnes voudront peut-être ensuite dire quelque chose, puis nous passerons à la période de questions des sénateurs, si cela vous convient.
J. (Joe) Geurts, directeur général, Musée canadien de la guerre : Merci beaucoup, honorables sénateurs. Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour discuter de la question avec les membres du sous-comité et essayer de répondre à vos questions.
Je suis directeur général du Musée canadien de la guerre depuis 2000. Pour vous mettre en contexte, c'était peu après l'annonce de la construction d'un nouveau Musée canadien de la guerre, ici, à Ottawa. De 2000 à 2005, j'ai géré l'équipe qui a conçu, planifié et construit le nouveau musée de la guerre. Je veux commencer mon exposé en décrivant brièvement le Musée canadien de la guerre.
Le Musée canadien de la guerre est affilié au Musée canadien des civilisations, créé par la Loi sur les musées de 1990. C'est un musée à part du Musée canadien des civilisations, même si les deux musées sont gérés par la même personne morale, la Société du Musée canadien des civilisations.
Le Musée canadien de la guerre a son propre directeur, sa propre équipe de haute direction et son propre personnel. Il partage certaines ressources avec le Musée canadien des civilisations, comme les ressources financières et humaines, mais, pour ce qui est des principales fonctions muséales comme la recherche, la gestion des collections et les programmes publics, le Musée canadien de la guerre trace sa propre voie.
Le contenu de ses expositions et programmes est le fruit de la recherche et de l'expertise des professionnels du Musée de la guerre. Ce n'est pas le Musée canadien des civilisations qui dicte ce contenu.
Vous nous avez invités ici aujourd'hui en réaction à des préoccupations soulevées par la Légion royale canadienne, par l'Association de la Force aérienne du Canada et par d'autres en ce qui concerne le texte d'un panneau intitulé « Une controverse qui persiste », panneau qui fait partie de l'exposition sur la guerre aérienne de la galerie 3 du Musée canadien de la guerre.
Mon personnel et moi, à titre de directeur du Musée canadien de la guerre, pensons depuis le début que la trame historique présentée dans le cadre de l'exposition sur la guerre aérienne est fidèle à la réalité historique, en contexte, et livre de façon efficace des messages importants à nos visiteurs. Nous pensons aussi que le panneau en question, intitulé « Une controverse qui persiste », est incontestable quant à sa composition et à son contexte historique général. M. Oliver va le résumer en faisant quelques observations : le débat critique et historique entourant la campagne et ses effets se poursuit, et le panneau témoigne de ce fait.
S'ils lisent le texte dans le contexte de la trame historique générale, les visiteurs du Musée canadien de la guerre apprennent des choses sur l'importante contribution du Canada à la campagne contre l'Allemagne et son potentiel guerrier. En effet, le panneau signale l'efficacité de cette campagne au bout du compte, et des textes, photographies et panneaux adjacents parlent du fait que la campagne a drainé des ressources allemandes sur les autres fronts.
L'espace décrit aussi de façon poignante les épaisses lignes de défense que les soldats des forces aériennes canadiennes et alliées ont dû traverser pour atteindre leurs objectifs, ainsi que les pertes tragiques subies. Il est important de comprendre que la nature de cet espace et de tous les autres espaces du musée découle en partie de la manière dont le nouveau musée a été conçu, et que ce long processus a continuellement profité des consultations publiques.
Honorables sénateurs, les points de vue et les opinions des Canadiens, et, de fait, leurs attentes face à ce nouveau Musée de la guerre, ont été un facteur essentiel à la création du musée. Il y a plus de dix ans, le débat entourant la proposition de création d'une galerie sur l'Holocauste au Musée de la guerre a eu pour effet que les Canadiens ont dit haut et fort qu'il était nécessaire de construire un nouvel édifice.
Le Musée canadien de la guerre a réagi en sollicitant la participation à son comité consultatif sur le Musée de la guerre de représentants de groupes comme la Légion royale canadienne, le Conseil national des associations d'anciens combattants, le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens combattants du Canada, ainsi que des personnalités éminentes des milieux militaire et universitaire. De plus, on a consulté des représentants de ces groupes et d'autres groupes de Canadiens tout au long de la conception et de la construction du nouveau Musée de la guerre.
Je vais maintenant souligner certains aspects importants du processus consultatif. Premièrement, le personnel du musée a élaboré ce que nous appelons un scénario d'exposition — un cadre définissant le contexte, le contenu et les conséquences de l'histoire militaire du Canada. Ce scénario, qui a pris la forme de thèmes, d'objets et de textes explicatifs, a servi de guide pour la conception et l'élaboration des espaces physiques du musée, des expositions permanentes et temporaires, des panneaux et des autres éléments des expositions. Nous avons présenté officiellement et officieusement l'ébauche du scénario d'exposition à des groupes d'étudiants, d'universitaires et de soldats en service et à la retraite dans les collectivités de l'ensemble du pays. Leurs suggestions nous ont aidés à peaufiner le scénario de l'exposition présentée au musée et à livrer le message que nous souhaitions livrer aux visiteurs.
Ensuite, le plan architectural du nouveau musée a évolué dans le cadre d'importantes consultations publiques avec des gens de partout au Canada, à l'occasion de réunions communautaires et par courriel. De nombreux anciens combattants ont été consultés ou ont participé à ces consultations aussi. En étroite collaboration avec la Commission de la capitale nationale, les architectes se sont fondés sur les résultats du processus de consultation pour concevoir l'édifice et faire en sorte qu'il s'intègre bien à l'ensemble de monuments d'importance nationale d'Ottawa, ainsi que pour donner une orientation à l'aménagement futur des plaines LeBreton, un ancien secteur industriel.
Nous continuons de discuter de nombreux enjeux avec les anciens combattants, notamment par l'intermédiaire de notre programme Témoins de l'histoire, dans le cadre duquel les anciens combattants rencontrent des visiteurs et leur racontent leur histoire personnelle, ainsi que de notre programme d'histoire orale, dans le cadre duquel ces histoires sont recueillies à l'intention des générations futures, du concours d'affiches de la Légion royale canadienne, d'événements commémoratifs comme la Semaine du souvenir et de beaucoup d'autres initiatives.
En réalité, comme je l'ai souligné dans la lettre que je vous ai adressée le 25 avril, nous correspondons et parlons avec des anciens combattants et avec d'autres gens depuis plus d'un an au sujet du bombardement stratégique. M. Oliver et moi avons rencontré les représentants nommés du milieu des anciens combattants : Don Elliott, président du comité Mayday et Bob Dale, à Toronto, le dimanche 25 juin 2006. La réunion faisait suite à une offre faite par écrit à M. Elliott, le 7 avril 2006 par la personne qui assurait alors la présidence de notre conseil d'administration.
À l'issue d'une longue réunion qui s'est déroulée dans la bonne entente et une analyse complète des enjeux historiques entourant la campagne telle qu'elle est présentée au musée, le musée a effectué une dizaine de modifications à son exposition sur la guerre aérienne, modifications que nous avons communiquées aux membres du comité Mayday et à d'autres personnes.
Depuis juin 2006, j'ai moi-même communiqué avec M. Elliott à de nombreuses reprises, ainsi qu'avec un certain nombre d'autres représentants d'organisations d'anciens combattants du pays. Nous avons discuté ou communiqué par écrit avec les anciens combattants pendant toute la période. Nous avons aussi accueilli de nombreux anciens combattants de la force aérienne et d'autres personnes, et nous leur avons fait visiter les galeries, notamment M. Elliott, le général Carr, le général Daley et d'autres personnes, et nous avons fait des déclarations publiques et accordé des entrevues, comme il se doit pour un musée public. Nous avons dit ces choses directement aux anciens combattants de la force aérienne qui nous ont demandé de leur expliquer notre position aux personnes, ainsi qu'aux délégués d'associations ou d'autres organismes. Nous n'avons jamais été réticents à discuter de quoi que ce soit avec les anciens combattants ou avec d'autres Canadiens à ce sujet ou à n'importe quel autre sujet.
La réunion du 5 octobre dont le général Daley a parlé devant le comité il y a plusieurs semaines était une invitation à rencontrer les représentants des associations de soldats de la force aérienne pour discuter encore une fois du panneau. J'ai dit au général Daley au téléphone que nous avions étudié avec soin toutes les propositions et tous les commentaires que nous avions reçus au sujet du Bomber Command et que nous avions apporté plusieurs modifications à l'exposition sur la guerre aérienne à la suite de la réunion à Toronto. J'ai informé le général Daley du fait que, puisque nous avions bien réfléchi à la question pendant plusieurs jours et que nous ne croyons pas que de nouvelles modifications étaient justifiées, je pensais qu'une autre réunion ne serait pas utile. Nous nous sommes donc mis d'accord sur le fait qu'il n'y en aurait pas d'autre.
Mis à part les travaux de planification qui ont précédé la construction d'un musée et que j'ai décrits plus tôt, le Musée canadien de la guerre ne discute jamais davantage avec les anciens combattants qu'il l'a fait dans ce dossier. Nous nous sommes engagés pleinement dans le dialogue avec les anciens combattants parce que leurs réactions sont importantes à nos yeux. Cependant, nous avons atteint le point où nous avions dit tout ce qu'il y avait à dire et fait les modifications et les ajouts appropriés. Nous pensons toujours que l'exposition sur la guerre aérienne est respectueuse de la contribution et des sacrifices faits par les anciens combattants, mais nous ne pouvons apporter d'autres modifications sans réviser les faits historiques qui font l'objet du panneau intitulé « Une controverse qui persiste ».
Le panneau continuant de susciter des inquiétudes chez certains anciens combattants, la question a été abordée en novembre 2006 à l'occasion d'une réunion du Comité du musée canadien de la guerre, qui est un sous-comité du conseil d'administration de la Société du musée canadien des civilisations, et qui compte des représentants de différents groupes d'anciens combattants. M. Rabinovitch va vous donner des détails sur l'issue de cette réunion et sur les mesures qu'il a prises pour prendre une décision finale au sujet du panneau.
Les visiteurs du Musée canadien de la guerre comprennent la façon dont le musée aborde l'histoire et la façon savante mais sensible dont ses expositions puisent dans les souvenirs personnels et dans l'expérience humaine de la guerre pour expliquer à tous les Canadiens le passé militaire du pays. Le musée s'appuie fermement sur les connaissances et le professionnalisme de son personnel, et il a tissé des liens affectifs profonds avec ses visiteurs.
La preuve du respect du musée pour les anciens combattants et pour l'histoire qu'ils ont vécue est claire, et plus d'un million de visiteurs ont pu le constater depuis l'ouverture du musée, en mai 2005. Les milliers de fiches de commentaires que les visiteurs ont remplies au musée jusqu'à maintenant en témoignent aussi.
Le débat de longue haleine sur la campagne de bombardement stratégique et ses effets se poursuit. Le panneau du musée en fait état. La trame historique de l'exposition sur la guerre aérienne aide les visiteurs à comprendre la contribution essentielle du Canada à cette campagne contre l'Allemagne et son potentiel guerrier.
Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
Le président : Merci, monsieur Geurts. M. Rabinovitch est le suivant.
Victor Rabinovitch, président et directeur général du Musée canadien des civilisations : Je veux vous remercier moi aussi de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui. Mes collègues et moi sommes très heureux de nous trouver en votre compagnie. Je suis content d'avoir l'occasion de parler avec vous non seulement d'un panneau au Musée canadien de la guerre, mais aussi de la question plus générale du rôle et du mandat de ce musée.
M. Geurts vous a décrit le problème du texte du panneau qui fait partie de l'exposition sur la guerre aérienne. C'est un problème que nous essayons de régler depuis un certain temps. Nous avons rencontré et écouté beaucoup de gens et beaucoup de groupes. Nous avons reçu des lettres et des courriels et y avons répondu. Certains des auteurs de ces lettres et courriels nous demandaient d'envisager des modifications; d'autres nous demandaient de ne pas modifier le panneau en quoi que ce soit. Nous avons révisé le texte du panneau et toute l'exposition sur la guerre aérienne. Nous avons ajouté des renseignements et apporté des modifications au contenu. Tout au long du processus, nous nous sommes appliqués à trouver l'équilibre entre notre obligation fondamentale de présenter des renseignements correspondant à l'état actuel des connaissances sur le débat entourant le bombardement stratégique et de présenter des faits exacts, d'être équitables et de faire preuve d'un respect profond.
Depuis l'ouverture, en 2005, du Musée canadien de la guerre, aucun autre dossier n'a été aussi soigneusement réexaminé et reconsidéré par la direction et le personnel du musée que celui qui nous occupe aujourd'hui, c'est-à-dire celui du texte du panneau intitulé « Une controverse qui persiste ». Nous nous demandons : avons-nous bien dit les choses? Est-ce que le texte reflète l'état des connaissances sur la question? Est-ce que la manière dont le sujet est présenté correspond au mandat du musée national public d'histoire militaire? À toutes ces questions que nous nous sommes posées, nous répondons sincèrement oui, à nous-mêmes et à la population.
En novembre 2006, comme M. Geurts l'a mentionné, le comité du Musée canadien de la guerre, qui, comme vous le savez, est un comité du conseil d'administration de la Société du Musée canadien des civilisations, s'est penché sur la question. Le général Paul Manson, qui était alors président de ce comité, a fait état devant le conseil d'administration de ce que les organisations d'anciens combattants membres du comité avaient exprimé leurs préoccupations au sujet de la manière dont, selon elles, le panneau décrit les efforts du Bomber Command. Le général Manson a aussi dit aux membres du conseil d'administration que la réunion du comité s'était terminée sans qu'on ait conclu une entente.
Le conseil d'administration m'a ensuite demandé, puisque je suis le président-directeur général de la Société, de prendre une décision finale au sujet du panneau. Les membres du conseil d'administration ont fait cela parce qu'ils ont compris que leur rôle n'était pas de déterminer le contenu des expositions ni de superviser la direction et le personnel du Musée canadien de la guerre. La responsabilité du contenu appartient entièrement aux employés professionnels du musée. J'ai accédé à la demande du conseil d'administration en ce qui concerne l'examen de l'exposition.
Pour effectuer cet examen, en plus de m'appuyer sur l'expertise du personnel du Musée de la guerre, j'ai demandé des conseils à quatre historiens professionnels dont la réputation est établie au pays. Nous avons demandé à chacun de ces historiens de visiter le Musée canadien de la guerre, d'évaluer l'exposition et de me faire part de leurs observations par écrit.
J'ai consulté les historiens suivants : M. David Bercuson, directeur du Centre for Military and Strategic Studies de l'Université de Calgary, M. Serge Bernier, qui occupe le poste de directeur — Histoire et patrimoine au ministère de la Défense nationale, ici, à Ottawa — je lui avais parlé et m'étais adressé à lui à titre d'historien —, Mme Margaret MacMillan, doyenne du Trinity College de l'Université de Toronto et M. Desmond Morton, professeur émérite Hiram Mills à l'Université McGill. Ce sont tous des gens très réputés.
Nous avons demandé aux historiens de répondre à deux séries de questions en tenant compte des directives de rédaction des textes explicatifs, qui sont les directives de rédaction professionnelle qu'utilise le Musée canadien de la guerre.
La première série, c'était : est-ce que la section du Musée canadien de la guerre sur la campagne de bombardement aérien stratégique présente de façon équilibrée cet aspect du rôle du Canada dans la Seconde Guerre mondiale? Est-ce qu'elle explique la place qu'a occupée le bombardement stratégique dans la campagne militaire européenne en général?
La deuxième série, c'était : l'un des panneaux explicatifs de l'installation actuelle du Musée de la guerre, intitulé « Une controverse qui persiste », a été critiqué par certaines personnes. Est-ce que ce panneau présente de façon appropriée les connaissances actuelles sur certaines des répercussions de cette campagne de bombardement qui a eu lieu pendant la guerre?
Les réponses qu'ils ont données à la première question ont montré qu'ils étaient tous du même avis. Ils ont tous dit que l'exposition présente un résumé juste des buts et des objectifs du bombardement stratégique, des rôles joués par le Canada et des pertes subies par les soldats des forces aériennes canadiennes et alliées. Les historiens ont décrit l'exposition comme étant équilibrée et exacte en ce qui a trait à l'explication du rôle du bombardement stratégique allié dans la conduite de la campagne européenne en général.
En ce qui concerne la deuxième question au sujet du panneau intitulé « Une controverse qui persiste », deux historiens ont dit que le panneau explique bien les débats entourant la moralité, l'efficacité et les coûts de la campagne de bombardement. Ils ont aussi relevé, avec approbation, que le panneau prête voix à différentes personnes ayant participé à la guerre en citant leurs paroles.
L'un des quatre historiens était aussi d'accord pour dire que la controverse persiste au sujet du bombardement, et il a dit que personne ne devait s'offenser de la simple présentation de la question de la moralité dans le texte « Une controverse qui persiste ». Il s'agit bien, selon lui, d'une controverse qui dure, mais il a aussi dit que le panneau et les photos de la guerre n'étaient pas présentés de façon suffisamment neutre, et il m'a proposé plusieurs modifications.
Le quatrième historien a exprimé des réserves au sujet du choix de photographies et du ton d'après lui éditorial du texte du panneau. Il a remis en question la nécessité même du panneau.
Les conseils que m'ont donnés ces quatre historiens m'ont aidé à tirer deux conclusions. Premièrement, rien ne justifie la révision de toute l'exposition sur la guerre aérienne. Dans l'ensemble, la preuve présente des faits exacts, et son contenu portant sur l'un des aspects de la Seconde Guerre mondiale est équilibré. Deuxièmement, le panneau intitulé « Une controverse qui persiste » présente de façon appropriée les arguments essentiels du débat sur le bombardement stratégique qui a cours depuis 60 ans et plus.
Les conseils des historiens indépendants que j'ai consultés témoignent de la gamme d'opinions que les experts expriment aujourd'hui lorsqu'ils doivent analyser la question du bombardement stratégique. Il s'agit de questions délicates, et je veux insister dessus : la moralité et l'efficacité ne sont pas des questions secondaires, et tout exposé historique sérieux ne peut les aborder de façon superficielle. Les historiens m'ont aussi rendu service en nous rappelant à tous que cette controverse a commencé avant la fin de la guerre. Le débat se poursuit. Il ne s'agit pas d'une chose inventée dans le cadre d'un révisionnisme historique récent. Il y a, hors de tout doute, une controverse qui dure. Les historiens d'aujourd'hui continuent d'analyser ces questions dans le cadre de leurs travaux, à la lumière de nouveaux renseignements qui sont le fruit des recherches.
En tenant compte de tous ces conseils, j'ai conclu que l'exposition sur la guerre aérienne, y compris le panneau explicatif en question, présente de façon exacte et juste les renseignements les plus à jour dont disposent les historiens aujourd'hui. Elle le fait par l'intermédiaire de ses résumés, explications détaillées, photographies, films et objets. Par- dessus tout, à mon sens, l'ensemble de l'exposition témoigne d'un respect profond envers les gens concernés. Elle raconte l'histoire d'hommes qui ont perdu la vie ou la liberté pendant plusieurs années ou encore la santé, dans certains cas, pour toujours, parce qu'ils étaient membres de la force aérienne qui a effectué le bombardement.
Bien sûr, les travaux de recherche et la rédaction de textes sur ce sujet controversé se poursuivent, et de nouveaux documents vont voir le jour. Ainsi, nous serons peut-être appelés à modifier nos explications et nos textes à un moment donné, dans le cadre de la gestion normale de l'exposition.
Cela m'amène au point qui est peut-être le plus saillant des observations dont je vous fais part aujourd'hui. Comme président d'une société muséale nationale, dans ce dossier, je ne peux compter sur le fait d'obtenir un avis unanime sur toutes les questions, que ce soit l'avis d'historiens indépendants ou d'autres savants. Il est de mon devoir, conformément à la directive du conseil d'administration, de faire en sorte que l'exposition soit le fruit d'un point de vue éclairé, d'un jugement raisonné et de la réflexion critique. Il est essentiel d'aborder le savoir et de le communiquer de façon professionnelle en ce qui concerne le sujet de la guerre aérienne et, je le crois sincèrement, tous les thèmes dont traitent les musées.
Nous, les responsables des musées publics, recueillons des renseignements sur l'histoire de notre société. Nous créons et diffusons les connaissances qui viennent de la recherche, des collections et du travail sur le terrain, et nous le faisons de façon indépendante, en nous assurant de la fiabilité de notre travail professionnel. Ces principes ont contribué au fait que nos institutions publiques, qu'il s'agisse d'un musée, d'un diffuseur public, d'universités ou d'autres établissements d'enseignement, sont en mesure de protéger, de créer et d'inspirer.
Le rôle précis des musées et leur rôle dans le contexte des politiques culturelles du Canada sont définis dans la Loi sur les musées du Canada, qui a été adoptée en 1990. Je vais citer l'un des paragraphes de cette loi. Le paragraphe dit que le rôle des musées est :
[...] d'accroître, dans l'ensemble du Canada et à l'étranger, l'intérêt, le respect et la compréhension critique de même que la connaissance et le degré d'appréciation par tous à l'égard des réalisations culturelles et des comportements de l'humanité, par la constitution, l'entretien et le développement aux fins de la recherche et pour la postérité, d'une collection d'objets à valeur historique ou culturelle principalement axée sur le Canada ainsi que par la présentation de ces réalisations et comportements, et des enseignements et de la compréhension qu'ils génèrent.
Les gouvernements qui se sont succédé ont confié aux musées et aux services d'archives nationaux la tâche unique de préserver les documents relatifs à l'histoire de notre société. En représentant l'ensemble du pays, à l'échelle nationale et internationale, en engageant les Canadiens à comprendre l'histoire et la culture de notre société, ainsi qu'en étant des centres où est déposé un savoir authentique, cohérent et qui fait autorité, d'autres institutions culturelles ont des rôles aussi délicats et sont aussi engagées à diffuser des histoires, des récits et des renseignements propres au Canada, même lorsque ceux-ci sont l'objet de controverses.
Ce rôle de confiance que lui confie la population, le Musée canadien de la guerre y accorde la plus grande importance. Au cœur du plan stratégique du musée se trouve sa mission de promotion de la compréhension de l'histoire militaire du Canada dans ses dimensions personnelle, nationale et internationale. Derrière la mission se trouve la vision, et la vision du Musée de la guerre est d'être un centre d'excellence en histoire militaire canadienne et un musée public d'une valeur unique aux yeux des Canadiens.
En faisant cela, le Musée de la guerre cherche à innover et à jouer un rôle de chef de file à l'échelle internationale dans le traitement professionnel de sujets difficiles liés à la guerre et au conflit. Je veux mettre l'accent sur ces mots : les sujets difficiles liés à la guerre et au conflit.
Même si le Musée de la guerre n'existe que depuis peu de temps, il y a de nombreux exemples de notre manière de nous acquitter de cette tâche. « Les armes de diffusion massive : la propagande de guerre » était le titre de l'exposition d'ouverture du Musée de la guerre. L'exposition actuelle, intitulée « Afghanistan : chroniques d'une guerre », continue d'attirer l'attention et de susciter l'intérêt de beaucoup de gens au Canada et à l'étranger. Je me suis rendu récemment au Royaume-Uni, et d'importants représentants diplomatiques du Canada m'ont demandé si nous pouvions envoyer l'exposition sur l'Afghanistan à Londres.
Dans le cadre de notre programmation publique novatrice, il y a eu des pièces de théâtre, et je vais en citer deux. Naomi's Road traite de la question du déplacement forcé des Canadiens d'origine japonaise durant la Seconde Guerre mondiale et de la saisie de leur propriété par la suite, et « Essuie tes larmes et tiens-toi debout! » ou « Wipe your Tears and Stand up Straight », porte sur le génocide rwandais. Comme vous pouvez le constater, nous abordons des sujets difficiles liés à la guerre et au conflit.
Pour conclure, j'attire votre attention sur le succès remarquable du Musée de la guerre, succès que vous, monsieur le président, et d'autres avez signalé à l'occasion des réunions du sous-comité. Le Musée de la guerre est un succès populaire, d'engagement affectif et d'intégrité intellectuelle. Nous avons un respect profond pour les souvenirs des gens qui ont servi lors des conflits armés de l'histoire militaire du Canada. Jetez un coup d'œil n'importe où à l'intérieur du musée, dans le salon d'honneur de la Légion royale canadienne, dans la salle du Souvenir, dans la salle de la Régénération, ainsi que dans la salle de l'exposition sur la guerre aérienne elle-même, et tout ce que vous verrez, ce sont des signes de respect pour les personnes concernées.
Le musée continue de jouer un rôle important dans la résurgence de l'histoire militaire comme élément fondamental de la conscience et de l'identité canadiennes — non pas comme une réflexion inférieure, en marge de la conscience, mais comme un élément fondamental. Notre succès est attribuable à notre engagement à analyser et à raconter l'histoire actuelle, dans le respect des normes professionnelles les plus élevées et dans le contexte d'un engagement à offrir une tribune pour permettre les discussions et les débats sur les questions complexes que soulève notre histoire militaire.
Monsieur le président, merci beaucoup de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui.
Le président : Merci, monsieur Rabinovitch. Vous avez présenté un exposé éclairant. Nous allons passer à M. Oliver.
Dean Oliver, directeur, Recherche et expositions, Musée canadien de la guerre : Honorables sénateurs, merci de m'offrir l'occasion de discuter avec vous cet après-midi de ce sujet important. À titre de directeur de la recherche et des expositions au Musée de la guerre, je vais limiter mes observations aux trois sujets qui ont le plus directement rapport avec mes responsabilités professionnelles. Voici ces trois sujets : premièrement, le contenu de l'exposition sur la guerre aérienne lui-même et, surtout, la partie qui a trait à la campagne de bombardement stratégique; deuxièmement le texte du panneau intitulé « Une controverse qui persiste », et un peu les textes et les photos qui entourent le panneau; troisièmement, les modifications déjà apportées à l'exposition sur la guerre aérienne en réaction à la discussion qui a eu lieu entre les responsables du musée et un groupe d'anciens combattants dirigé par Don Elliott, à Toronto.
Premièrement, je veux parler du contenu de la galerie. L'exposition sur la guerre aérienne se trouve dans la galerie consacrée à la Seconde Guerre mondiale, l'une des six expositions permanentes du musée. Comme toute autre exposition permanente, celle-ci porte sur une longue période, aborde de nombreux sujets et raconte plusieurs histoires, mais elle se réduit essentiellement à quelques messages simples. Le premier des messages que livre la galerie sur la Seconde Guerre mondiale, c'est un message qui concerne la chute du système international dans les années 1930 en raison des exigences de dictatures agressives — l'Allemagne, l'Italie et le Japon — et la manière dont ces exigences ont mené directement à la guerre mondiale.
Le deuxième message, qui est de loin celui qui occupe le plus d'espace dans la galerie sur la Seconde Guerre mondiale — comme il se doit —, concerne la manière dont le Canada, qui se trouvait plus ou moins, à l'époque, dans une situation de faiblesse, a été en mesure d'apporter une contribution importante à l'effort de guerre.
Le troisième message concerne le fait que les alliés se sont battus à juste titre, puisqu'il n'y avait pas d'autres solutions raisonnables que de vaincre, comme encore aujourd'hui.
Ces trois messages simples — que c'est l'Axe qui avait déclenché la guerre, que le Canada a joué un rôle très important dans la réaction à l'agression et qu'il fallait gagner la guerre — ont été les éléments essentiels à partir desquels nous avons bâti la galerie sur la Seconde Guerre mondiale et les thèmes centraux autour desquels nous avons organisé tous les autres éléments.
À la fin, la galerie devait communiquer plusieurs centaines de messages et points de vue historiques, en plus de centaines d'objets, de sons et d'effets de lumière, de panneaux explicatifs, de postes interactifs et d'autres éléments et techniques.
Il y avait aussi l'engagement à s'assurer que la trame narrative, dans l'exposition sur la guerre aérienne et ailleurs dans le musée, reflétait l'expérience personnelle des gens qui ont vécu l'époque en question, qu'elle était fidèle à la réalité, et — dans les limites compréhensibles qu'imposent l'espace, le temps et, comme toujours, l'argent —, qu'elle était complète. Cependant, du point de vue de l'espace comme du point de vue intellectuel, nous avons structuré la galerie en fonction des trois idées suivantes : qui a déclenché la guerre, ce que nous avons fait pour y mettre fin et pourquoi les efforts que nous avons déployés en ce sens ne pourront jamais être oubliés.
La meilleure façon d'illustrer ces idées, c'est de décrire brièvement la galerie dans l'ensemble. Comme de nombreux sénateurs s'en souviendront sans doute pour avoir déjà visité la galerie, au moins une fois dans le cadre d'une visite guidée que mes collègues et moi leur avons fait faire, on entre dans la galerie 3 en passant à côté de la voiture d'Hitler, d'une carte montrant les actes d'agression de l'Axe dans les années 1930 et des photographies de flammes et de victimes de la guerre, prises en Pologne en 1939 et à Londres en 1940, avec des textes d'accompagnement. On passe ensuite sous un écran où est projeté un vidéo portant sur les conquêtes de l'Axe et citant le commentaire du premier ministre Mackenzie King sur « les forces du mal » déchaînées et à l'œuvre dans le monde. L'ambiance et le ton ne laissent planer aucun doute quant à la responsabilité.
Après cette introduction, la partie la plus importante de la galerie raconte l'évolution de la réaction du Canada à la guerre, en décrivant en ordre plus ou moins chronologique comment, après des débuts modestes, nous avons mis en place un plan de formation de masse de soldats de la force aérienne, comment nous nous sommes battus, au sein de la force alliée, pour libérer l'océan Atlantique des sous-marins allemands, comment nous avons transformé l'industrie et l'agriculture, dans un effort de guerre total, pour soutenir les troupes des différents fronts et comment nous avons combattu l'ennemi, d'abord dans les airs, puis sur terre, dans un élan vers la victoire.
Comme les histoires de Hong Kong et de Dieppe le montrent, ce ne sont pas tous nos efforts qui ont été couronnés de succès. Comme le montre notre façon de traiter les Canadiens d'origine japonaise, ce ne sont pas tous nos gestes qui ont été irréprochables non plus. Néanmoins, dans l'ensemble, il s'agit d'une histoire d'engagement et de sacrifice, de courage et de réussite, même dans le contexte d'une guerre sanglante et d'horreurs sans nom.
La galerie se termine, après la partie sur les victoires en Europe du Nord-Ouest et sur les océans Pacifique et Indien, en rappelant aux visiteurs contre quels ennemis nous nous sommes battus. Les visiteurs quittent la galerie en voyant des preuves de l'Holocauste sur leur gauche et de la brutalité des militaristes japonais sur leur droite. Droit devant eux se trouvent des écrans sur lesquels sont projetés des témoignages vidéos de Canadiens, dans lesquels les anciens combattants et leurs proches expliquent pourquoi ils se sont battus, ce qu'ils ont trouvé quand ils sont rentrés au pays et ce qu'ils ont ressenti.
Voilà donc le contexte essentiel dans lequel s'inscrit la galerie sur la guerre aérienne, entre le désastre de Dieppe, d'une part, et les contre-attaques sanglantes mais couronnées de succès en Italie, en Sicile et en Europe du Nord-Ouest, d'autre part, pendant la période au cours de laquelle c'était surtout la force aérienne qui était chargée de frapper l'Europe occupée par l'Axe.
Il ne s'agit pas seulement de l'histoire du Bomber Command ou du bombardement stratégique, mais il est clair que le bombardement stratégique en est l'élément principal, et c'est pourquoi celui-ci occupe une place de choix dans le secteur de la guerre aérienne.
Comme l'indique le texte, l'Aviation royale du Canada a subi près des trois quarts de ses pertes au cours de cette mission. La section sur la guerre aérienne fait état à plusieurs reprises de la taille et de la nature de l'effort déployé par le Canada. Elle parle du contexte stratégique des opérations aériennes et précise la nature des lignes de défense ennemies auxquelles se sont butés les Canadiens. La section comporte des statistiques sur les pertes humaines, de gros objets comme un canon antiaérien allemand de 88 millimètres et de petits objets comme le télégramme d'avis de décès adressé aux parents d'un soldat canadien tué au cours de batailles aériennes au-dessus de l'Europe.
La section sur la guerre aérienne met en lumière l'expérience personnelle des soldats qui ont combattu l'ennemi. L'un des murs est consacré à ce qu'ont vécu les soldats de la force aérienne du Canada, expérience qui est communiquée par différents moyens, depuis des œuvres d'art jusqu'à une combinaison de vol, et il porte notamment sur les importantes ressources que l'Allemagne a dû utiliser pour parer les attaques aériennes ou pour se rétablir à la suite de ces attaques.
Plusieurs histoires personnelles mettent en valeur cet espace, qui accueille de grands écrans vidéos aux deux bouts et un avion Spitfire accroché au plafond — qui représente un autre aspect de la guerre aérienne livrée par le Canada —, ainsi que des textes narratifs au sujet de pilotes de chasse, de femmes membres de la force aérienne et de contributions d'autres personnes au bout complètement. C'est aussi là que se trouve, bien entendu, le panneau « Une controverse qui persiste », qui a beaucoup attiré l'attention. Il est essentiel que nous comprenions ce que cet espace comporte par ailleurs.
Tous les gens qui ont examiné ou évalué cet espace dans l'ensemble, y compris plusieurs personnes ayant témoigné devant le sous-comité il y a deux semaines et les quatre historiens invités par M. Rabinovitch à examiner les différents aspects de l'exposition sur la guerre aérienne, sont d'accord pour dire que le contexte est défini de façon juste et professionnelle. Néanmoins, pour une raison ou pour une autre, les critiques formulées au sujet du panneau ne tiennent aucunement compte de ce qui l'entoure.
Il s'agit non pas d'une question secondaire par rapport à celle qui nous occupe aujourd'hui, mais d'un aspect essentiel de la façon dont les musées bâtissent les expositions et de la façon, bien entendu, dont les visiteurs les comprennent. Le contexte de la section sur le Bomber Command et sur la guerre aérienne est celui des histoires qui la précèdent et la suivent dans l'exposition, tout comme l'histoire générale de la guerre aérienne offre le contexte nécessaire au panneau intitulé « Une controverse qui persiste ».
Deuxièmement, quelle est l'importance du contenu du panneau en soi? Le panneau intitulé « Une controverse qui persiste » qui est au cœur du débat que nous tenons actuellement avec les anciens combattants de la force aérienne est au moins aussi important pour ce qu'il ne dit pas que pour ce qu'il dit. Comme dans le contexte dont j'ai déjà parlé, il est essentiel que le contenu du panneau soit compris des honorables sénateurs et de tous les Canadiens qui s'intéressent aux audiences du comité, particulièrement des anciens combattants du Bomber Command. Aucun des panneaux explicatifs, aucune des légendes de photographies, ni aucun autre élément d'exposition ne dit ni ne donne à croire que le personnel de la force aérienne alliée a commis quelque acte criminel ou délit que ce soit pendant la guerre aérienne. L'exposition n'a jamais comporté de phrases laissant supposer des choses du genre.
Je sais que je ne pourrai jamais comprendre pleinement les souvenirs et les sentiments des anciens combattants de la guerre aérienne parce que je n'ai pas vécu ce qu'ils ont vécu. Cependant, je suis en mesure de comprendre les émotions fortes qu'engendrent notre exposition et tout autre aspect de notre histoire militaire.
La guerre, de par sa nature, est à l'origine de passions suffisamment fortes pour que les êtres humains soient prêts à tuer pour les défendre. Présenter ce qui s'est passé de façon appropriée et fidèle à la réalité est un privilège immense qu'on nous a donné, mais dont l'exercice est toujours complexe. Comme responsables d'un établissement consacré à l'étude des conflits humains organisés, nous comprenons donc que tout enjeu relevant de notre domaine de compétence professionnelle peut engendrer ce genre de passion.
Le travail en question a ceci de merveilleux qu'il faut — même pour les questions les plus contestées et les plus amèrement débattues — s'assurer que le matériel présenté, en lui-même ou en combinaison avec les autres éléments, représente une façon équitable, exacte et respectueuse de communiquer les faits et les idées indispensables à la compréhension de l'exposition.
Dans un tel cas, être en désaccord avec la façon dont le musée caractérise plus de 60 ans de débats intenses entourant la question est une chose. Par contre, en venir à utiliser l'expression « crimes de guerre », c'est verser dans l'hyperbole, quoi qu'il en soit des bonnes intentions manifestées.
Comme les responsables du musée l'ont noté dans leur missive à l'intention des honorables sénateurs la semaine dernière, accuser le musée de s'attaquer à la réputation des anciens combattants en diffusant intentionnellement une fausseté, comme a pu le laisser entendre l'auteur d'un exposé ici même il y a deux semaines, équivaut à remettre en question fondamentalement le professionnalisme, l'éthique et l'intention du musée et de tous les membres de son personnel.
Le musée n'accuse pas non plus les équipages des forces aériennes d'immoralité. De fait, la section sur la guerre aérienne regorge de récits personnels où les héros de la guerre aérienne ont droit à tout sauf un tel traitement. Aucun affront gratuit de cette nature ne peut être repéré dans quelque autre salle du bâtiment, loin s'en faut.
Il faut plutôt voir que les questions essentielles abordées sur le panneau sont simples. La question la plus élémentaire parmi les trois, c'est de savoir que la campagne de bombardement stratégique demeure « amèrement contestée », ou « vivement débattue » comme certains correspondants ont proposé de le dire.
Ce qui est dit au musée, soit que la campagne de bombardement stratégique est une controverse qui persiste, demeure valable en dehors de tout doute raisonnable, comme le général Daley lui-même et d'autres observateurs ont pu le faire remarquer. Nombreux sont les points en litige, de la moralité de la campagne elle-même et du nombre de décès qu'elle aurait causés parmi les civils aux débats suscités au sujet de son efficacité en dernière analyse pendant la guerre elle-même et par la suite, en passant par la nature et la conduite des combats.
Ceux qui ont donné à entendre que seuls les historiens discutent de cette question ont en partie raison, et le terme a été employé dans un texte publié par le musée sur son site web à propos du débat qui a eu lieu après la guerre, mais ils ont également tort en grande partie. Le débat sur la moralité des bombardements et leur valeur éventuelle a été tenu avant même le déclenchement de la guerre par les autorités militaires des divers services, par les politiciens qui ont financé leurs efforts, par les nombreux écrivains, philosophes et dirigeants d'églises et par d'autres personnes qui ont pu observer en premier les effets de la puissance aérienne sur les civils pendant la guerre d'Espagne et, plus tard, les campagnes menées par les pays membres de l'Axe et les Alliés dans une bonne part du reste de l'Europe.
Ces gens-là n'étaient pas en premier lieu historiens. Ils ont vécu à l'époque. Si la plupart ont continué d'appuyer vivement l'effort des alliés pendant la guerre elle-même, bon nombre ont brisé les rangs par la suite. Dans l'après- guerre, les premières critiques du bombardement stratégique naissent de la plume de commandants et d'anciens militaires qui y étaient.
Pendant la guerre elle-même, comme le font ressortir la plupart des récits qui ont quelque rigueur, l'effort de bombardement stratégique suscitait un malaise notable. Au Canada, en janvier 1943, des sondeurs ont demandé aux gens s'ils appuyaient l'idée de bombarder la population civile d'Allemagne. Fait qui n'a rien d'étonnant, 57 p. 100 des répondants étaient d'accord, mais 38 p. 100 ont exprimé leur désapprobation. Autrement dit, au plus fort de la guerre, près de deux Canadiens sur cinq s'opposaient au bombardement de civils dans le camp ennemi.
Nourrir de tels sentiments en temps de guerre n'était pas du tout l'apanage des Canadiens. L'automne suivant, soit en octobre 1943, Arthur Harris, qui était à la tête de la campagne de bombardement, s'inquiétait de ce que les civils du côté des alliés puissent avoir le cœur fragile — il a parlé en particulier des Américains... selon lui, le gouvernement britannique mettait la pédale douce sur la nature de l'effort déployé, c'est-à-dire qu'il centrait sa propagande sur les raids pratiqués contre les usines tout en dissimulant la vérité, soit que les raids prenaient pour cible les villes et les civils qui y habitaient.
La longue citation qui suit est tirée d'une lettre adressée par M. Harris au sous-secrétaire d'État responsable des forces aériennes. C'est un document capital pour qui souhaite comprendre la mission du Bomber Command suivant l'avis de l'homme qui en était le commandant. « En occultant cette fin, dit-il au sujet de l'objectif véritable du Bomber Command, nous privons simplement l'opération de la majeure partie de sa raison d'être. » Il met en garde contre le risque que cela nuise au moral des équipages des bombardiers, qui « vont finir par croire (et ils le croient) que les autorités ont honte du bombardement de zones. » Il invite vivement les autorités du gouvernement à adopter de ce fait trois orientations. Premièrement, écrit-il, il faudrait...
... affirmer publiquement et sans ambiguïté aucune le but véritable de la campagne. Il s'agit de détruire des villes allemandes, de tuer des ouvriers allemands et de perturber la vie civilisée dans toute l'Allemagne.
Deuxième citation :
... il faut insister sur le fait que la destruction des maisons, des services publics, des transports et des vies; la création d'un problème de réfugiés d'une ampleur sans précédent; et l'effondrement des volontés à la maison ainsi qu'au front, du fait de la crainte qu'inspirent les bombardements intensifs qui vont en s'accroissant, sont acceptés et admis comme étant le but même de notre politique de bombardement. Ce ne sont pas les effets corollaires d'un effort visant à frapper des usines.
Troisième citation :
... Il fait faire voir clairement que la destruction des usines ne représente qu'un élément du plan, et nullement le plus important. Le nombre de maisons dévastées est infiniment plus important.
Le premier point essentiel du panneau consiste à dire qu'il y a encore un débat qui entoure la campagne en question; le deuxième porte sur le résultat final de l'effort militaire du Bomber Command. Là aussi, même si les statistiques des nombreuses sources secondaires varient, ce qui est attribuable en partie au fait que les dossiers allemands du temps de la guerre ne sont pas complets, les données de base concernant les effets de la campagne sur les êtres humains ne sauraient être mises en doute. L'histoire officielle du Canada en ce qui concerne la guerre aérienne, dans laquelle nous avons largement puisé, fait voir des statistiques semblables.
L'idée que la production militaire allemande n'ait pas diminué sensiblement avant les derniers mois de la guerre est peut-être plus contestable, mais, encore là, le texte du musée représente une somme exacte et raisonnable des meilleurs travaux qui aient été effectués à ce sujet.
Suivant les indices que l'on décide d'adopter, des éléments capitaux de la production militaire ne sont pas entrés en marche avant janvier 1944, sinon même à l'hiver de 1944-1945. Les historiens ne s'entendent pas pour dire pourquoi c'est le cas, et parfois de façon véhémente — c'est l'ingéniosité et l'effort économique plus grands de la part des Allemands, d'une part, ou l'inefficacité du Bomber Command, d'autre part —, mais la plupart sont tout au moins d'accord pour dire que c'était bien le cas, et c'est tout ce que le texte du musée souligne en fin de compte. De plus, il est mentionné dans le texte du musée que la production militaire a diminué sensiblement du fait des efforts du Bomber Command durant les derniers mois de la guerre.
Ces conclusions ne sont guère unanimes dans les travaux sur le sujet, qui totalisent maintenant plus de 600 livres et mémoires, sans compter des centaines d'articles, de thèses et de pièces de théâtre. Tout de même, ce sont là les conclusions mûrement réfléchies du personnel d'historiens du musée, conclusions qui témoignent des meilleurs travaux que nous ayons examinés, y compris, fait notable, les histoires officielles du Canada et du Royaume-Uni. Là où il est question d'histoire, les désaccords raisonnables, la révision de quelques termes et la présentation d'un point de vue divergent demeurent toujours possibles. Par contre, il vient un moment où il s'agit non plus de différences de degré, mais plutôt d'un changement fondamental. Si les responsables du musée n'ont pas modifié le texte particulier du panneau intitulé « Une controverse qui persiste », c'est que, en tout ou en partie, les modifications qui nous ont été proposées nous auraient contraints de nous éloigner fondamentalement de ce qui nous paraissait être les aspects essentiels de l'histoire.
À la fin, nous voyons que cette opération militaire suscite une controverse à la fois importante et durable. L'effet recherché n'a été atteint que durant les derniers mois de la guerre. Comme le laisse voir clairement le reste de l'espace consacré à la guerre aérienne et la galerie entière portant sur la Seconde Guerre mondiale, cette controverse ne diminue d'aucune façon le courage et l'esprit de sacrifice dont ont fait preuve les Canadiens qui ont conduit cette campagne.
Enfin, à propos des modifications déjà apportées, il importe de savoir que le musée, comme suite à sa réunion avec le groupe de M. Elliott l'été dernier, a ajouté plusieurs éléments à l'espace en question, en réaction aux observations du comité Mayday.
Premièrement, le musée a ajouté du texte à deux des panneaux pour expliquer le terme « bombardement stratégique » et ses origines militaires, et pour mieux situer dans leur contexte historique les attaques aériennes sur les civils en temps de guerre.
Deuxièmement, le musée a ajouté du texte sur deux éléments supplémentaires jugés préoccupants par les anciens combattants : les effets positifs des attaques aériennes des alliés du point de vue du personnel militaire et des civils chez les alliés, puis l'idée que la guerre aérienne constituait un « deuxième front ».
Troisièmement, le musée a simplifié le texte d'un des deux grands panneaux qui se trouvent au départ de l'espace consacré à la guerre aérienne en y éliminant les éléments déjà abordés sur le panneau « Une controverse qui persiste ».
Quatrièmement, le musée a étoffé deux légendes et ajouté une photographie près du présentoir « Une controverse qui persiste » pour mieux faire voir en quoi les attaques du Bomber Command ont servi à détourner les ressources allemandes d'autres efforts.
Cinquièmement, en réaction à l'idée selon laquelle le panneau textuel ne représentait que le verdict d'historiens n'ayant pas vécu la guerre aérienne et, de ce fait, n'étant pas à même de la comprendre, le musée a ajouté tout juste à côté du panneau trois citations de personnes ayant vécu à l'époque. L'une d'entre elles, Arthur Harris, propose une interprétation cohérente et raisonnable des grands effets de la campagne. C'est le point de vue du commandant responsable de la campagne. Notons que nous n'avons pas retenu l'une quelconque des pensées plus sanguinaires et plus tristement notoires que Harris a couchées sur papier.
Ce dialogue s'est révélé à la fois important et fructueux du point de vue du musée, comme ont pu l'être les dialogues tenus avec plusieurs autres personnes et groupes depuis l'ouverture du musée il y a deux ans. Cela a donné le plus grand nombre d'ajouts que nous ayons faits à une exposition permanente, ajouts qui ont servi à renforcer l'ensemble; nous en sommes — et nous en demeurons — profondément reconnaissants. Cela a permis aussi de traiter de questions importantes dont nous avaient fait part certains anciens combattants. Nous suivions... nous suivions attentivement ce dialogue, et nous avons apporté des modifications en conséquence.
En conclusion, je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui m'a été offerte de m'adresser à vous.
Le président : Merci, monsieur Oliver. J'apprécie les informations contextuelles que vous nous avez données. Nous allons maintenant accueillir M. Granatstein.
Jack Granatstein, historien, à titre personnel : Honorables sénateurs, je ne peux feindre le détachement à propos du Musée canadien de la guerre. J'y ai exercé les fonctions de directeur et de président-directeur général de 1998 à 2000. J'ai été président du comité consultatif du musée de la guerre pendant cinq ans. J'ai été membre du comité du musée de la guerre du conseil d'administration pendant trois ans, puis, en décembre 2006, j'ai été nommé administrateur à la Société du Musée canadien des civilisations. Je suis aujourd'hui président du conseil d'administration, comité du musée de la guerre.
De même, j'ai travaillé pendant sept ans à la collecte de fonds en prévision de la construction du nouveau musée de la guerre. J'ai engagé les principaux historiens qui ont conçu les expositions et le récit. J'ai travaillé avec les Anciens combattants de l'armée, de la marine et des forces aériennes du Canada à mousser les appuis en faveur d'un nouveau musée de la guerre — et j'ai collaboré étroitement avec le général Paul Manson à la campagne Passons le flambeau. Ensemble, nous avons créé le meilleur musée d'histoire militaire dans le monde, cela ne fait aucun doute, et le meilleur musée d'histoire du Canada, encore une fois, cela ne fait aucun doute.
Cependant, je suis également historien, spécialiste de l'histoire militaire du Canada. J'enquête et j'écris sur le sujet depuis plus de 40 ans. Je comparais aujourd'hui à titre d'historien — de façon indépendante, à titre personnel.
Je ne saurais dire à quel point cela m'attriste de m'opposer à de vieux amis et collègues, mais cela ne change en rien l'attitude que j'ai envers les personnes auxquelles je dois, auxquelles nous devons tous notre profonde gratitude, car ils ont servi leur pays en temps de guerre. Ils ont tiré le monde des griffes de Hitler. Cela vaut particulièrement pour les anciens combattants du Bomber Command. Ils ont fait preuve d'un grand courage en attaquant l'Allemagne. Ils ont essuyé des pertes terribles : presque 10 000 sont morts. Pas un seul aviateur militaire, parmi ceux qui vivent aujourd'hui, n'a contribué à l'élaboration de la politique de bombardement. Presque aucun ne l'a fait dans l'histoire. Leur travail consistait à faire des sorties et à larguer des bombes — et, avec les moyens techniques à leur disposition, ils ont essayé d'atteindre leurs cibles de la manière la plus précise possible, mais, en vérité, tout le monde savait, depuis le maréchal de l'air Sir Arthur Harris jusqu'au sergent de section Bloggs dans la tourelle de son Lancaster, que cette forme de précision est rarement envisageable.
Le bombardement était-il efficace? Cela a obligé les Allemands à déplacer des aéronefs et des milliers de canons antiaériens pour se défendre, mais la production militaire allemande, soutenue pour une grande partie par le travail forcé, a continué de s'accroître jusqu'aux derniers stades de la guerre. Cette production aurait-elle été plus importante n'eût été du bombardement? Certainement. Néanmoins, l'efficacité du bombardement continue d'être débattue. Pour ma part, je suis d'avis que le bombardement a été efficace, que ça a été une arme déterminante qui a fait prendre conscience aux Allemands de la réalité de la guerre, mais, d'année en année, le débat se poursuit.
Le bombardement était-il moralement défendable? Des historiens, des philosophes et des romanciers expriment leur avis à ce sujet depuis plus de 50 ans, et ce n'est pas fini. Juste l'an dernier, trois ou quatre livres ont été publiés sur le sujet en langue anglaise, sans compter les autres langues. Sans aucun doute, c'est un des sujets les plus vivement débattus en ce qui concerne la Seconde Guerre mondiale.
Il ne suffit pas de dire que ce sont les Allemands qui ont déclenché les hostilités et qu'ils ont récolté ce qu'ils avaient semé. Les Alliés devaient frapper les nazis pour que l'Union soviétique demeure en guerre et pour montrer aux leurs qu'ils pouvaient toucher l'ennemi sur son territoire. Or, seuls les bombardements permettaient de le faire directement jusqu'à la fin de 1944. Du point de vue réaliste, à mes yeux, la question morale était franchement secondaire, par rapport à la nécessité de remporter la guerre. Voilà quelle était la toute première tâche. Sans aucun doute, il y a une controverse qui persiste à propos de la moralité des bombardements. Cela a commencé pendant la guerre elle-même, au Parlement britannique, et certains membres des équipages de la RCAF, dans les lettres qu'ils envoyaient à la maison — j'en ai publié quelques-unes — disent se soucier des actes qu'ils sont ainsi appelés à poser. Rien ne permet de croire que la controverse va disparaître.
Si j'avais rédigé le court terme du panneau en question, la formulation aurait probablement été différente. Si quelqu'un d'autre avait écrit, la formulation aurait probablement été différente. Cependant, cela ne fait aucun doute dans mon esprit que, quel qu'en soit l'auteur, les questions que représentent l'efficacité et la moralité auraient figuré dans le texte. Ce sont des sujets qui sont vivement débattus; il faut donc les inclure. Nous ne pouvons changer les choses en feignant de ne pas les voir. Nous ne pouvons mettre fin aux controverses historiques en faisant semblant qu'elles n'existent pas. Sinon, les gens et les institutions finissent par avoir l'air incultes, voire insignifiants.
Cela n'enlève rien au courage des anciens combattants membres de l'Aviation royale du Canada, qui ont accompli leur devoir jour après jour, que de dire qu'il y a une controverse entourant l'efficacité et la moralité des bombardements. Nous devons tout ce que nous avons aux anciens combattants, mais cela ne sert pas bien l'histoire ni encore la vérité de faire semblant qu'il n'y a pas de controverse là où il y en a une.
Un bon musée, à plus forte raison un grand musée comme le Musée canadien de la guerre, est au service de la vérité historique. Sinon, ce n'est qu'un entrepôt pour médailles et artéfacts, un instrument pour la vantardise nationale. Un bon musée a une fin pédagogique. Il instruit le visiteur, il cultive et, idéalement, stimule en lui la volonté de se poser des questions et d'en apprendre davantage une fois rendu à la maison. Certaines des grandes questions encourant la Seconde Guerre mondiale tournent autour du bombardement, cela ne fait aucun doute.
Il faut prendre en considération un dernier facteur. Parfois, les musées font des erreurs de fait et sont à même de les corriger. Par contre, lorsque presque tous les observateurs s'entendent pour dire que les faits tels que présentés sont exacts, modifier le texte pour satisfaire aux exigences des mécontents ouvre la voie à d'autres revendications pareilles. La liste est longue de groupes et de personnes qui veulent que le Musée canadien de la guerre présente leur cause dans une optique plus favorable, sinon différente. Rajuster les faits pour plaire à un seul groupe représenterait un terrible précédent. Comment ferait alors le Musée de la guerre pour résister aux autres?
Permettez-moi de conclure en citant les premières lignes d'un article paru dans le numéro de mai/juin de Legion Magazine, magazine publié par la Légion royale canadienne. Signé Adam Day, l'article s'intitule « Des historiens révisent l'exposition sur le Bomber Command ». Le premier paragraphe se lit comme suit : « Plus d'un demi-siècle après que les Alliés ont lancé la campagne de bombardement stratégique contre les cibles industrielles, militaires et civiles allemandes, la moralité et l'efficacité de la tactique étaient encore vivement débattues. »
Mesdames et messiers les sénateurs, c'est ce que dit précisément le panneau du musée de la guerre « Une controverse qui persiste ».
Le président : Merci, monsieur Granatstein. Je suis heureux du fait que vous ayez mentionné cela : il y a plusieurs aviateurs en service qui ont envoyé des lettres à la maison, et vous avez publié certaines d'entre elles où il et est question de la moralité et non pas de l'efficacité des bombardements, dans ce cas particulier.
M. Granatstein : Oui.
Le président : Y a-t-il déjà eu chez les membres de l'équipage un refus à grande échelle de faire des sorties et d'obéir aux ordres, pour des raisons de conscience?
M. Granatstein : Au meilleur de ma connaissance, non. Il y a eu des cas où des membres de l'équipage ont refusé de faire une sortie, mais cela faisait habituellement intervenir une question de ce que les forces aériennes qualifiaient sens moral déficient, plutôt que de moralité. Je n'ai jamais entendu parler d'un cas d'un membre de l'équipage qui aurait refusé de sortir parce qu'il n'était pas d'accord avec la politique officielle.
Le président : Ils ne refusaient pas d'obéir aux ordres avec lesquels ils n'étaient pas d'accord pour des raisons morales?
M. Granatstein : C'est cela.
Le président : Je dois rappeler aux sénateurs et aux témoins qu'il ne reste que 20 minutes à ce segment. Vos observations ont été utiles. Si jamais nous n'avons pas le temps de poser toutes les questions que nous voulons, nous allons peut-être devoir correspondre pour achever l'entretien, si cela vous paraît acceptable.
Le sénateur Atkins : Je ne peux m'empêcher de dire, d'abord, que le Musée canadien de la guerre est un établissement remarquable. Quiconque y a mis la main mérite des éloges. C'est important : les Canadiens de partout au pays peuvent être fiers de ce que nous avons créé ici.
Cela dit, il y a une autre chose qui me paraît remarquable : la seule controverse que je vois a trait au texte d'un panneau. Vous avez peut-être connu d'autres difficultés, mais rien qui n'ait donné lieu à une polarisation comme dans ce cas-ci. À mon avis, c'est dommage.
Avez-vous une marge de manœuvre?
M. Rabinovitch : Nous sommes ici pour écouter et nous serons heureux d'entendre toute proposition. Cependant, fondamentalement, nous devons composer avec les faits tels qu'ils sont.
M. Granatstein l'a fait valoir en particulier, mais d'autres aussi, vous l'avez bien entendu : les faits sont là avec le texte du panneau. Comme d'autres, nous écoutons attentivement et respectueusement les idées, les propositions et les paroles du comité sénatorial.
Le sénateur Atkins : Il me semble que nous n'avons pratiquement rien entendu de critique à propos du texte. Nous avons entendu une critique portant sur la façon dont il est présenté, pour ce qui est du titre et de la photographie.
M. Oliver : Quelle photographie voulez-vous dire en particulier?
Le sénateur Atkins : Les civils qui sont dépeints dans une des photos en question.
M. Oliver : À titre de précision, disons qu'il n'y a, de fait, qu'une seule photographie de civils allemands morts. Je crois que c'est une photo d'Allemands morts à Hambourg. La légende dit que ce sont des photographies comme celle-là qui ont alimenté en partie le débat de l'après-guerre sur la controverse des bombardements stratégiques.
Il y a deux autres photographies. Une d'entre elles fait voir la destruction d'une ville allemande, alors que l'autre montre que, pour une bonne part, la destruction des villes allemandes était le fait de bombardements imprécis de la part des Alliés, particulièrement durant les premières années de la guerre.
Ensemble, les trois photographies complètent le texte du panneau : l'une d'entre elles illustre que la technologie est à l'origine de beaucoup de dommages collatéraux, de pertes et de décès non intentionnels; la deuxième, que les pertes étaient énormes d'une manière ou d'une autre; et la troisième, que les images des Allemands morts, dont bon nombre avaient une valeur certaine lorsque les forces alliées pouvaient en obtenir — souvent, ils ne le pouvaient pas — ont commencé à alimenter, particulièrement après la guerre, un débat sur la moralité de la campagne. Puis, le texte du panneau dit que ça nous mène au débat qui a encore cours aujourd'hui.
La source de cette photo est l'Imperial War Museum, qui nous l'a prêtée pour l'exposition.
Le sénateur Atkins : Après avoir entendu les autres groupes de témoins, j'ai l'impression que c'est la photographie qui est jugée la plus offensante, car elle soulève la question morale. Mon impression, avec tout ce que j'ai entendu, c'est que personne ne conteste l'histoire relatée, l'évaluation que vos historiens font de la situation.
D'après tout ce que j'ai entendu, d'après les exposés qui nous ont été présentés, il n'y a pas ici d'accusations de révisionnisme historique.
Encore une fois, je vous parlerai du titre « Une controverse qui persiste ». Y a-t-il une autre façon de l'utiliser dans le texte?
M. Oliver : Je vais réagir à vos deux observations dans l'ordre. Nous avons reçu des observations qui remettent en question pratiquement tous les aspects de l'histoire relatée sur le panneau. Il s'agit parfois de points particuliers, à savoir par exemple si le nombre de morts évoqués, soit 600 000 Allemands, est exact. Comment savons-nous qu'il y a eu 5,5 millions de sans-abri, plutôt que trois millions ou 10 millions?
De même, nous avons reçu de nombreuses observations sur le sujet du révisionnisme. Je le dis pour avoir examiné pratiquement toutes les lettres que nous avons reçues, à mon audience aujourd'hui, pour essayer de catégoriser les observations. Aux yeux des auteurs des lettres, pour une bonne part, le débat ne touche pas la période de la guerre ni même la période ayant suivi immédiatement la guerre : c'est presque de la fiction venue à l'esprit d'historiens de salon.
Deuxièmement, nous ne pouvons concevoir un titre qui serait plus clair et plus exact. Le titre se fait l'écho des paroles employées pour décrire la situation par pratiquement tous les historiens de renom que je connaisse et s'apparente au titre choisi par le Sénat au moment où il a été appelé, il y a plusieurs années, à examiner une question semblable — la discussion sur le bombardement stratégique en tant que débat qui perdure.
Nous pouvons bien disséquer tel ou tel élément dans le texte, mais le titre, d'après ce que j'en sais, ne saurait être plus exact.
Le sénateur Atkins : L'impression que j'ai, c'est qu'il n'y a pas de marge de manœuvre. Je voudrais que le groupe dise que, dans la mesure où les arguments présentés sont solides, il aurait l'esprit ouvert...
M. Rabinovitch : Je veux insister sur le fait qu'il s'agit non seulement de lire les lettres ou les messages transmis par courriel, mais aussi de savoir que les opinions exprimées divergent. Nous recevons beaucoup de correspondance et d'observations de vive voix — les gens disent : ne changez strictement rien. Laissez le panneau tel quel
Si le comité sénatorial décide de formuler des propositions, nous allons les envisager très attentivement.
Le sénateur Atkins : Merci de vos observations.
Le sénateur Kenny : Bienvenue à nos travaux, messieurs. Je crois que personne ici ne remet en question le jugement des responsables du musée. Ce n'est pas la raison de notre rencontre.
De même, à mon avis, il ne convient pas que le comité s'avise de proposer au musée ou au groupe de témoins ici réunis ce qu'il faudrait écrire sur quelque présentoir ni quelles sont les photos qui devraient figurer dans l'exposition. Ce n'est pas notre mandat.
Tout de même, je demeure troublé. Je veux revenir à deux observations qui ont été faites. L'une d'entre elles est de vous, monsieur Rabinovitch. Vous avez dit : « Nous, les responsables des musées publics, recueillons des renseignements sur l'histoire de notre société. Nous créons et diffusons les connaissances qui viennent de la recherche, des collections et du travail sur le terrain... de façon indépendante, en nous assurant de la fiabilité de notre travail professionnel. Ces principes ont contribué au fait que nos institutions publiques, qu'il s'agisse d'un musée, d'un diffuseur public, d'universités ou d'autres établissements d'enseignement, sont en mesure de protéger, de créer et d'inspirer. »
En tant que comité, nous avons rencontré un groupe de personnes qui ont un lien intime avec l'exposition en question et qui se sentent exaspérées, offensées, embarrassées et humiliées.
Je prends votre observation et je la compare à celle de M. Geurts, qui a dit : « Nous pensons toujours que l'exposition sur la guerre aérienne est respectueuse de la contribution et des sacrifices faits par les anciens combattants, mais nous ne pouvons apporter d'autres modifications sans réviser les faits historiques qui font l'objet du panneau. »
Il me semble que les gens qui sont appelés à créer, préparer, tenir à jour les expositions peuvent probablement imaginer douze façons distinctes de dire la vérité. Il n'y a pas de mots magiques. Il n'y a pas de descriptions parfaites, contrairement à ce qui est sous-entendu dans l'exposé de M. Geurts : « Nous ne pouvons apporter d'autres modifications sans réviser les faits historiques qui font l'objet du panneau. »
Je n'y crois pas. Je crois que vous possédez les compétences et les habiletés nécessaires pour refléter la vérité historique en employant toutes sortes de mots différents, de toutes sortes de façons différentes. Pour être franc, le musée a l'obligation de voir s'il peut imaginer d'autres façons de faire qui ne heurtent pas profondément un groupe de personnes qui est important à nos yeux. Je ne crois pas que ce soit contraire à votre intégrité, qui est importante et vitale. Je ne crois pas que cela aille à l'encontre de la vérité, qui est vitale. Je crois qu'il existe des façons différentes de décrire les choses et que certaines d'entre elles entraînent moins de douleur que d'autres. Je crois que c'est là le défi que doit relever le musée.
Je ne crois pas que le musée souhaite maintenir le statu quo. Je n'arrive pas à croire qu'il souhaite que ce groupe de personnes, qui sont des héros quelle que soit la définition du terme, soient profondément blessées par une chose qui est censée non pas les offenser, mais plutôt décrire une situation d'une manière qui soit admise dans l'ensemble.
La question a été soulevée : si nous abdiquons — l'idée même d'abdiquer me trouble — et que nous rajustons les choses parce que les gens se plaignent ou que des groupes s'adressent à nous, n'y aura-t-il plus de fin à cela? La question est fausse. Vous avez déjà fait des rajustements. Les historiens font constamment des rajustements. L'histoire peut être décrite de plusieurs façons différentes. Ma réponse à moi, c'est que, si les autres groupes s'adressent à vous et soulignent leurs préoccupations, vous jugez chaque cas selon ses mérites. Pourquoi ne pas le faire? Voilà une approche qui me semble raisonnable.
Je vous invite à réagir, monsieur Rabinovitch, et vous aussi, monsieur Geurts. Je suis sûr que M. Granatstein va réagir, je vais donc m'arrêter là. Je n'arrive pas à croire que vous n'avez qu'une seule façon de décrire cette situation.
M. Rabinovitch : Le sénateur Kenny ne fait pas que poser une question profondément importante. Il pose la question en faisant ressortir le sérieux que nous accordons tous à la question et à nos relations avec les groupes de personnes et les groupes d'anciens combattants, mais aussi avec la population générale, les Canadiens. Le musée est conçu pour tous les Canadiens et les non-Canadiens qui choisissent de le visiter ou d'engager un dialogue avec nous.
Je soupçonne que, au bout du compte, chacun d'entre nous voudra intervenir et réagir à l'ensemble complexe des observations que vous avez formulées. Les observations touchent à un commentaire particulier de M. Granatstein concernant la question dans son ensemble : comment dépeindre les faits historiques et composer avec la controverse? Il y a des questions et des observations formulées à propos des modifications apportées à ce jour : Je sais que M. Oliver aimerait en parler. M. Geurts est lié intimement à la question, du point de vue des relations. Je suis sûr que nous allons tous vouloir traiter de certaines questions, par exemple ma réaction à vos questions et mes observations sur ce que le conseil d'administration m'a demandé de faire. Nous prenons très au sérieux la relation que nous avons avec ces groupes de personnes. Dans le cas particulier des anciens combattants, des gens qui ont tant donné, et parfois même jusqu'à leur vie, pour que nous ayons un Parlement comme celui-ci, pour que nous puissions avoir une conversation comme celle-ci...
Peut-on formuler des choses différemment? Si chacun d'entre nous était appelé à rédiger le texte d'un panneau quelconque sur un aspect quelconque de cette histoire, nous trouverions tous une façon un peu différente de formuler le texte. Cela ne fait aucun doute. Au musée, les rares fois où j'ai à mettre la main à un texte — cela est rare car ce sont d'autres personnes qui s'occupent de ces choses —, je peux bien ramasser un stylo et changer un mot ici et là; ça c'est déjà vu.
Ce qui est davantage en cause, c'est la substance de ce qui est dit sur un panneau particulier d'une exposition qui est beaucoup plus vaste dans son ensemble. Cette question revêt une profonde importance. M. Oliver y a déjà fait allusion. Certaines personnes aimeraient mieux que nous ne parlions pas de la moralité et de l'efficacité de bombardements... que nous ne soulevions pas, dans un musée, certaines des questions difficiles qui s'inscrivent dans l'examen et la compréhension des questions historiques. Je crois que c'est là la difficulté la plus grande. Nous répondons à toutes les personnes qui communiquent avec nous. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour être clairs et dire que cette controverse, qui a été déclenchée il y a longtemps, est un élément essentiel pour comprendre comment nous jugeons notre passé et, dans le contexte, peut-être, comment nous façonnons notre avenir.
Je vous répondrais donc que, oui, monsieur, les mots peuvent être rajustés, mais seulement si, en dernière analyse, nous faisons la lumière sur les questions fondamentales.
Peut-être que mon collègue, M. Geurts, aurait quelque chose à ajouter à cela.
M. Geurts : Pour répondre, comme M. Rabinovitch l'a dit, je souhaite traiter de plusieurs des points qu'a soulevés le sénateur.
Sommes-nous heureux de cette situation particulière et du fait de déplaire à un groupe d'anciens combattants? À l'évidence, non. Ce n'est pas une situation que nous prisons. Par contre, je vous rappellerais que nous avons bien rencontré ce groupe de personnes. Nous avons eu une longue conversation. M. Oliver et moi, avec Don Elliott, nous avons répondu aux questions qu'ils soulevaient à propos de l'histoire et des éléments qui étaient manquants ou qui pourraient être rajustés à l'exposition. Puis, nous sommes passés à une autre série de discussions. En particulier, il y avait l'exposé de M. Oliver sur la question des crimes de guerre et des criminels de guerre. C'est une autre dimension de la question qui a fait surface plus tard. Nous nous sommes appliqués honnêtement à prendre un certain recul et à déterminer ce qui se trouve dans l'exposition, pour savoir si nous y avons même laissé supposer ce genre de choses. Si nous avions trouvé un des éléments en question, nous l'aurions changé. Fondamentalement, nous n'arrivons à rien trouver de cela. Nous n'avons donc pas réagi à ce genre de réflexions.
Nous regardons sans cesse ces expositions. Il peut arriver une chose qui nous motive à faire un changement, mais, encore une fois, nous faisons vraiment tout ce travail en respectant pleinement les anciens combattants qui ont servi leur pays en Europe.
M. Oliver : En fin de compte, sénateur, vous avez tout à fait raison : il n'y a pas de formule magique pour la rédaction d'un texte. Nous adoptons la meilleure interprétation possible des meilleurs travaux sur lesquels nous mettons la main, et nous composons le mieux possible avec les questions compliquées. Nous le savons à la rédaction : ça y est, dès que c'est terminé, quelqu'un viendra critiquer le texte, faire une plainte, vouloir ajouter ou soustraire un élément. Nous restons ouverts à chacun des récits à la Tom Clancy qui se trouve dans le bâtiment, mais nous essayons, en les rajustant et en réagissant aux préoccupations raisonnables qui sont formulées, de nous assurer que cela ne change en rien le récit fondamental que nous révèlent les travaux savants qui sont le point de départ de notre travail de rédaction. Chacune des observations qui arrivent au musée, pratiquement chacune d'entre elles, atterrit sur mon bureau. Je fais visiter cette partie de l'exposition à tout le monde. Je lis le texte du panneau et celui des panneaux autour, et je me pose une question simple : y a-t-il là quelque chose que je peux changer, en réaction à la critique formulée, sans modifier la signification fondamentale du texte du panneau, qui ne traite pas de la controverse qui persiste, de la moralité et de la valeur de la campagne, du moment où cela est devenu efficace et des dommages que cela a entraînés? Jusqu'à maintenant, la réponse, chaque fois, et il y a eu 150 fois environ, la réponse a été : non. Ce n'est pas dire que les 150 ou les 1 500 prochaines fois, je ne ferai pas de même; je le ferai. Nous le faisons pour tous les visiteurs, les membres du Bomber Command, ceux qui ont combattu en Birmanie, n'importe qui, mais la réponse à votre question, c'est que c'est toujours une cible mouvante. Il faut toujours protéger l'histoire fondamentale qui est le socle des expositions.
Le président : Messieurs, selon une règle permanente que nous avons, les comités ne peuvent siéger au moment où le Sénat lui-même siège; or, le Sénat siège dans une minute. Nous ne voulons pas déroger aux règles ni créer « une controverse qui persiste » avec nos dirigeants.
Nous admettons tout à fait qu'il n'y avait nullement intention d'offenser quiconque. Nous tenons aussi à ce que vous sachiez que chaque personne qui nous a parlé jusqu'à maintenant comprend qu'il y a une controverse qui persiste, mais que la controverse qui persiste se situe à l'échelle des universitaires ou des commandants, ou à l'échelle de pays à pays, alors que d'autres nous ont dit que le panneau donne à entendre que la « controverse qui persiste » au sujet de la moralité et de l'utilité de la compagne se situe à l'échelle des équipages.
Le sénateur Kenny : Monsieur le président, s'ils peuvent rédiger différents textes de panneaux, pourquoi est-ce que nous ne leur demandons pas de le faire?
Le président : Monsieur Geurts, pouvez-vous prendre en considération les points soulevés et ceux auxquels vous avez répondu vous-même dans votre lettre du 25 avril, aux témoignages qui ont été présentés, et pouvez-vous avoir à l'esprit certains des points que j'essaie de soulever, pour que le texte ne donne plus à entendre que la question de la moralité est celle des aviateurs eux-mêmes? La controverse se situe à un échelon plus élevé. Si vous pouviez faire de telles modifications, je crois que ce serait utile.
Il y a eu des bombardements stratégiques des deux côtés, mais le texte du panneau ne traite que du bombardement stratégique pratiqué en Allemagne, bien que l'on trouve, avant, des éléments sur le bombardement de Londres et de Coventry. Le panneau de sortie, celui dont se souviennent les visiteurs, celui qui se trouve à côté de la photographie de tous ces Allemands morts, voilà le panneau dont se souviennent les visiteurs et c'est à ce sujet que la question a été portée à notre attention.
Pourriez-vous nous transmettre par écrit toute proposition — nous ne sommes pas là pour faire votre travail... nous aimerions que vous saisissiez la question comme nous commençons à la saisir nous-mêmes. Si vous pouviez nous aider à nous sortir de ce problème, suivant la proposition du sénateur Kenny, peut-être en déplaçant le panneau pour qu'il se trouve à l'arrière ou autrement, ce serait apprécié.
M. Rabinovitch : Merci de formuler ces observations plutôt que de vous engager dans un échange sur la rédaction. Je suis sûr que le sous-comité ne voudrait pas s'engager là-dedans.
Le président : Tout à fait, ce n'est pas là notre rôle.
M. Rabinovitch : Nous écoutons attentivement ce que vous dites et nous prenons cela au sérieux.
Le président : Merci d'être là.
La séance est levée.