Délibérations du comité sénatorial permanent sur
le
Vieillissement
Fascicule 4 - Témoignages du 11 février 2008
OTTAWA, le lundi 11 février 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 12 h 36, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les incidences du vieillissement sur la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bonjour. D'autres sénateurs vont se joindre à nous. C'est assez difficile de se déplacer aujourd'hui, un peu partout au pays; il y a des vols en retard, et ainsi de suite. Nous ne voulons cependant pas retenir les témoins plus longtemps.
Nous recevons cet après-midi Garnett Picot, directeur général de l'analyse socioéconomique et commerciale à Statistique Canada, qui va présenter le premier exposé. Nous recevons également René Morissette, directeur adjoint à la recherche, Division de l'analyse des entreprises et du marché du travail, et Ted Wannell, directeur adjoint, Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail, tous deux de Statistique Canada également. Nous accueillons aussi John Myles, qui est titulaire d'une chaire de recherche et professeur de sociologie à l'Université de Toronto.
Bienvenue à tous. Nous avons formé le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne. Nous souhaitons aujourd'hui aborder la question de la retraite et du revenu, et nous allons commencer par écouter l'exposé de M. Picot là-dessus.
Garnett Picot, directeur général, Analyse socioéconomique et commerciale, Statistique Canada : M. Morissette et moi allons faire l'exposé ensemble. Nous allons commencer par parler du niveau de richesse et de revenu des retraités et des préretraités. Ensuite, nous allons brièvement examiner la mesure dans laquelle le niveau de richesse et le taux de remplacement sont maintenus lorsque les gens atteignent l'âge de 75 ans, les différences entre la situation des gens qui ont des revenus élevés au départ et celles des gens qui ont des revenus faibles, ainsi que la situation des dernières cohortes de retraités par rapport aux précédentes. René Morissette va ensuite parler de l'évolution du niveau de richesse des Canadiens âgés au cours des 15 à 20 dernières années.
Par taux de remplacement, nous entendons le revenu familial d'une personne âgée de 75 ans, par exemple, par rapport à son revenu familial à 55 ans. Si le revenu de cette personne est exactement le même à 75 ans qu'il l'était à 55 ans, le taux de remplacement est de 1. Si le revenu est de 15 p. 100 inférieur, le taux de remplacement passe à 0,85. Nous utilisons le concept de revenu familial parce que nous nous intéressons au bien-être des retraités.
Pour des motifs liés aux données, nous avons exclu les personnes dont le revenu était inférieur à 10 000 $ à l'âge de 55 ans. Notre analyse ne porte pas sur les personnes très pauvres. Les personnes ayant un revenu très faible sont exclues. Ce que nous avons voulu faire dans le cadre de l'étude, c'est d'examiner le niveau de revenu et le taux de remplacement du revenu des gens dont l'activité sur le marché du travail était significative à l'âge de 55 ans, c'est-à-dire qu'ils gagnaient plus de 10 000 $ par année.
La raison pour laquelle nous avons voulu effectuer cette étude malgré tout, c'est que nous savons que le régime de pensions a été passablement efficace pour réduire et prévenir la pauvreté, de façon générale, mais que nous ne savons pas grand-chose du maintien du revenu et du train de vie après la retraite, et c'est donc là-dessus que nous nous sommes concentrés.
La figure de la page 4 montre l'évolution du niveau de revenu entre 55 et 75 ans — dans le bas de la figure —, et la courbe rouge représente le niveau de revenu des gens âgés de 55 ans en 1983. Ce sont ces gens qui forment notre cohorte. Vous voyez que le niveau de revenu demeure stable jusqu'à 60 ou 61 ans dans le quintile supérieur. Ce groupe est constitué des 20 p. 100 des gens les plus riches. Si nous examinons leur situation après 70 ans, vous voyez que leur revenu diminue d'environ 15 p. 100. Les gens dont le revenu est le plus élevé au moment de prendre leur retraite — ceux qui sont représentés par la courbe rouge — voient leur revenu diminuer d'environ 15 p. 100 après 70 ans.
Chez les gens dont le revenu est moyen — ils sont représentés par la ligne noire au centre —, le revenu diminue d'environ 10 p. 100, et chez ceux qui forment le quintile inférieur, c'est-à-dire les 20 p. 100 les plus pauvres de notre échantillon, le revenu familial n'évolue pas entre 55 et 75 ans.
Le revenu de ces gens ne change pas parce que les prestations de la Sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada, ainsi que le Supplément de revenu garanti remplacent leur revenu. À la page 5, vous pouvez voir les sources de revenu des gens âgés de 65 ans et de 75 ans : les gens qui avaient les revenus les plus élevés à 55 ans et ceux qui avaient les revenus les plus faibles. Quant à ceux qui appartiennent au quintile inférieur, comme on pouvait s'y attendre, lorsqu'ils ont 75 ans, 60 p. 100 de leurs revenus proviennent de la SV, du SRG et du RPC. C'est de ces sources qu'ils tirent leurs revenus.
Les gens qui composent le quintile supérieur tirent quant à eux 40 p. 100 de leur revenu de régimes de pensions privés. Les investissements et les gains en capital jouent également un rôle important. Près des deux tiers du revenu de ces gens proviennent de ces deux sources. Vous voyez que les sources de revenu varient en fonction du niveau de revenu.
À la page 6, vous voyez les taux de remplacement dont j'ai parlé tout à l'heure. Le taux de remplacement du quintile inférieur est représenté par la courbe bleue, en haut. Si vous jetez un coup d'œil sur la période pendant laquelle les gens en question ont 70 ans et plus, c'est-à-dire la partie de la courbe qui est à droite, — encore une fois, il s'agit de gens qui avaient 55 ans en 1983 — le taux de remplacement à 55 ans est par définition de 1, et, quand ces gens ont atteint 70 ans, il est toujours de un.
Comme les prestations de SV et du RPC, ainsi que le SRG remplacent les revenus d'emploi qu'ils n'ont plus, les gens de ce groupe continuent d'avoir un taux de remplacement du revenu d'environ un point. Pour ce qui est du revenu médian, le taux de remplacement est d'environ 0,8. S'il s'agissait de décrire la population à l'aide d'un seul chiffre, il faudrait probablement utiliser le taux de remplacement correspondant au revenu médian, qui est d'environ 0,8. Chez les gens qui appartiennent au quintile supérieur, le taux de remplacement varie de 0,75 à 0,8.
Ces taux de remplacement sont passablement élevés. Cette situation n'est pas la même pour tous. Environ 20 p. 100 de la population ont un taux de remplacement inférieur à 0,6, ce qui veut dire qu'il y a des gens qui ont un taux de remplacement beaucoup plus faible. Si l'on jette un coup d'œil sur la situation des gens ayant un revenu moyen et qu'on choisit une population ayant grosso modo le même revenu à 55 ans, on constate que certains membres de cette population ont un taux de remplacement élevé, alors que d'autres ont un taux faible. Qu'est-ce qui explique l'écart? Nous avons conclu que, pour les premières années de la retraite, c'est surtout les gains, réalisés soit par ces gens eux- mêmes soit par un membre de leur famille. Lorsque les gens atteignent 70 ans, l'écart s'explique plutôt par les prestations de régimes de pensions privés, les investissements et les gains en capital.
Enfin, qu'en est-il des taux de remplacement des dernières cohortes? Nous sommes à la page 8. Les cohortes que vous voyez à gauche représentent différentes cohortes. Celles du bas, la bleue, représente les gens qui avaient 55 ans en 1983; celles du haut, la rouge, les gens qui avaient 55 ans en 1998. Vous voyez que le niveau de revenu des gens qui ont pris leur retraite récemment est plus élevé. Les membres des dernières cohortes ont en moyenne des revenus supérieurs à ceux des cohortes précédentes au moment de prendre leur retraite pour deux raisons : leurs gains et leurs revenus provenant de régimes de pensions privés sont supérieurs.
Comme le taux de remplacement est le résultat de la comparaison entre le revenu à deux moments différents, disons à 70 ans et à 55 ans, et comme les gains des membres des dernières cohortes étaient plus élevés tant lorsqu'ils avaient 55 ans que lorsqu'ils étaient plus vieux, les taux de remplacement sont demeurés à peu près stables. Ils n'ont pas beaucoup changé au cours des dernières années.
Je m'arrête ici, et M. Morissette va nous parler du niveau de richesse de ces populations.
René Morissette, directeur adjoint à la recherche, Division de l'analyse des entreprises et du marché du travail, Statistique Canada : À la page 8, vous voyez dans la figure de gauche le niveau de richesse médian des Canadiens en fonction du groupe d'âge, les chiffres excluant les régimes de pensions agréés, les RPA, ainsi que la valeur des régimes de pensions. Le niveau de richesse médian augmente de façon significative parmi les familles dont le chef a 55 ans ou plus, mais pas autant chez les familles dont les membres sont plus jeunes. Je parle de la courbe à gauche. Pour des motifs liés aux données, les chiffres concernant l'année 1984 excluent la valeur des régimes de pensions.
Dans la figure de droite, maintenant, vous pouvez voir une estimation incluant la valeur des régimes de pensions, et nous avons des données là-dessus pour la période de 1999-2005. Les gens âgés de 55 à 64 ans et de 65 ans et plus ont connu une augmentation significative de leur niveau de richesse au cours des dernières années.
À la page suivante, si nous jetons un coup d'œil sur la situation des retraités de 65 ans et plus, nous constatons que cette augmentation du niveau de richesse n'a pas été uniforme dans l'ensemble des segments de la courbe de distribution des richesses. Plus précisément, le niveau de richesse médian a fortement augmenté chez les membres du quintile supérieur. Il a également augmenté chez les gens ayant un revenu moyen, mais il a stagné, depuis 20 ans, environ, chez les gens appartenant au quintile inférieur. La croissance a non pas été uniforme, mais elle a plutôt varié en fonction du niveau de richesse. Nous avons également observé cette tendance chez les gens arrivés près de la retraite, c'est-à-dire âgés de 55 à 64 ans.
À la page 10, la figure montre la mesure dans laquelle cette augmentation du niveau de richesse s'explique par les augmentations récentes du prix des biens immobiliers. Chez les gens âgés de 65 ans et plus, une bonne partie de l'augmentation du niveau de richesse des quintiles moyens et supérieurs est attribuable à l'augmentation de la valeur de leurs biens immobiliers. L'estimation du niveau de richesse incluant la valeur des biens immobiliers et mobiliers est représentée par les bandes bleues. Lorsqu'on exclut les biens mobiliers et immobiliers, ce que représentent les bandes jaunes, on constate qu'une bonne partie de l'augmentation du niveau de richesse des quintiles moyens et supérieurs est attribuable à l'augmentation de la valeur des biens immobiliers, c'est-à-dire à l'augmentation des prix des biens immobiliers.
Jusqu'à maintenant, nous n'avons parlé que du niveau de richesse des retraités ou des personnes qui arrivent à la retraite. À la page 11, vous pouvez voir une figure qui porte sur les cohortes plus jeunes. Plus précisément, il s'agit de la participation des jeunes hommes à des régimes de pensions au cours des 20 dernières années. La figure montre que le taux de participation des dernières cohortes a chuté par rapport à celui des précédentes, c'est-à-dire celles du milieu des années 1980.
La courbe bleue, par exemple, représente la participation à des régimes de pensions de la cohorte dont les membres avaient entre 25 et 29 ans en 1986, c'est-à-dire des gens qui ont commencé à travailler entre 25 et 29 ans et dont 23 p. 100 ont cotisé à un régime de pensions. Le taux de participation a augmenté avec le temps. Les courbes rouges représentent le taux de participation correspondant pour la cohorte de 1996, qui, au lieu d'être de 23 p. 100, est autour de 17 p. 100, ce qui représente une diminution de cinq ou six points de pourcentage. Dix ans plus tard, la cohorte de 1996 n'a pas tout à fait rattrapé celle de la précédente, de 1986. Nous constatons que les données révèlent une tendance à la baisse du taux de participation des jeunes hommes à un régime de pensions.
Pour résumer, à la page 12, vous voyez que, chez les gens qui ont été actifs sur le marché du travail, comme M. Picot l'a mentionné, le taux de remplacement du revenu familial varie en fonction du niveau de revenu. Le taux de remplacement médian se situe entre 0,75 et 0,80. Le taux de remplacement du quintile inférieur est près de un, grâce surtout aux régimes de pensions publics. Celui du quintile supérieur est moins élevé. Environ 20 p. 100 des familles ont un taux de remplacement inférieur à 0,60.
Le quart des familles du quintile moyen a un taux de remplacement inférieur à 0,6. Ce qui distingue ces familles de celles dont le taux de remplacement est plus élevé, c'est l'importance de leurs gains pendant les premières années de la retraite — elles réalisent relativement beaucoup de gains — et touchent les prestations de régimes de pensions privés par la suite; en d'autres termes, elles touchent des prestations relativement élevées.
Les cohortes de gens ayant pris leur retraite récemment ont un niveau de revenu plus élevé que les membres des cohortes précédentes. Ils sont se bien débrouillés et ont un taux de remplacement semblable, mais, chez les dernières cohortes, nous remarquons que le taux de participation à des régimes de pensions privés a diminué.
Pour conclure, les retraités s'en tirent généralement bien depuis 15 ou 20 ans. Leur niveau de revenus et de richesse ont augmenté par rapport aux cohortes précédentes. Chez les groupes composés de gens plus jeunes, nous avons constaté que le niveau de richesse stagne et que la participation au régime de pensions diminue. Il y a peut-être lieu de s'en préoccuper.
La présidente : Merci beaucoup. J'ai oublié de présenter Maxime Fougère, qui est directeur adjoint, Prévisions et recherche sur le marché du travail. Bienvenue.
Ted Wannell, directeur adjoint, Division de l'analyse des enquêtes auprès des ménages et sur le travail, Statistique Canada : Si nous prenons le deuxième document, qui porte sur les régimes de pensions publics et le travail, l'idée derrière l'étude, c'est que si nous imaginons un monde dans lequel il n'y aurait ni régimes de pensions publics ni régimes de pensions des employeurs, alors les gens épargneraient pendant toute leur vie en vue de leur retraite. En vieillissant, ils décideraient s'ils veulent prendre leur retraite et s'ils ont les ressources nécessaires pour le faire et consacrer davantage de temps à leurs loisirs. Nous les verrions alors passer du travail à la retraite sur une période de plusieurs années, doucement.
Nous savons que, en réalité, les épargnes et l'argent de la plupart des gens leur sont inaccessibles, puisqu'ils sont investis dans des régimes de pensions publics et des employeurs, qui ont tendance à être structurés de façon que les gens passent du travail à la retraite à des moments précis ou à des âges précis.
Je veux parler surtout du Régime de pensions du Canada. Comme vous le savez, en 1987, on a modifié le RPC au chapitre de l'âge d'admissibilité, qui était avant fixe, à 65 ans, pour donner davantage de choix aux gens, et ils peuvent maintenant prendre leur retraite à n'importe quel âge, entre 60 et 70 ans. À 60 ans, il y a une pénalité de 30 p. 100 par rapport à 65 ans, et à 70 ans, il y a au contraire une prime de 30 p. 100.
À la page suivante, vous pouvez voir des données tirées de ce que nous appelons une banque de données administratives longitudinales. Celles-ci sont fondées sur des déclarations de revenus. Il s'agit d'un échantillon de 20 p. 100 des dossiers d'impôt. Il s'agit de suivre l'évolution de la situation de gens appartenant à la même famille, de façon à pouvoir situer l'évolution de leur situation dans le contexte familial.
Dans le cadre de l'étude, j'ai examiné la situation de certains groupes sur une période de trois ans, à différents moments. Nous avons sélectionné des gens âgés de 59 à 69 ans qui touchaient un salaire pendant la première année de cette période. Ces gens ont eu la possibilité de commencer à toucher des prestations du RPC au cours de la deuxième année. Nous avons ensuite pu vérifier s'ils ont continué de travailler pendant la troisième année de la période, en déterminant s'ils touchaient encore un salaire cette année-là.
Si vous jetez un coup d'œil sur la première figure, je veux parler de l'âge auquel les gens commencent à toucher des prestations du RPC, maintenant qu'ils ont le choix. Les données les plus récentes datent de 2003, parce que le fichier qui était à ma disposition au moment de l'étude contenait des données jusqu'à 2004, mais nous examinons l'année de transition.
La courbe du bas représente la proportion des gens touchant des prestations du Régime de pensions du Canada en fonction de l'âge. Vous voyez qu'environ 38 p. 100 des gens touchent des prestations aussitôt qu'ils y sont admissibles, soit à 60 ans. La probabilité annuelle ou taux de réception des prestations diminue pour le début de la soixantaine, et nous voyons un pic important à 65 ans, âge auquel presque 80 p. 100 des gens qui n'ont pas encore touché de prestations décident de s'en prévaloir. Le taux diminue de nouveau par la suite.
La deuxième courbe, celle du haut, représente le taux d'accès aux prestations cumulatif : c'est le pourcentage des membres de la cohorte qui ont décidé de commencer à toucher des prestations à tel ou tel âge.
Vous voyez que plus de 95 p. 100 des membres de la cohorte touchent des prestations à 66 ans. L'autre chose intéressante, c'est que les deux tiers des gens touchent déjà des prestations du RPC à l'âge de 64 ans. Même s'il y a un pic important à l'âge de 65 ans, à la page suivante, vous pouvez voir que, en chiffres absolus, les gens sont deux fois plus nombreux à commencer à toucher des prestations à 60 ans qu'à 65 ans. C'est à cet âge que le plus grand nombre de personnes commencent à toucher des prestations.
Jetons un bref coup d'œil, à la diapo suivante, sur la tendance au cours des huit dernières années. De façon générale, vous pouvez voir que la proportion de gens qui commencent à toucher des prestations à 60 ans augmente. Cette augmentation est plus prononcée chez les femmes que chez les hommes. En huit ans seulement, la proportion de femmes touchant des prestations dès 60 ans est passée de 31 à près de 38 p. 100. Elle augmentera rapidement chez les femmes, et moins rapidement chez les hommes.
Ce qui est intéressant, avec la banque de données administratives longitudinales, c'est que nous pouvons voir ce qui s'est passé avant et qui a pu pousser les gens à commencer à toucher des prestations du RPC plus tôt. Le facteur le plus important, c'est le fait que les gens touchent des prestations dans le cadre d'un régime de pensions privé avant l'âge de 60 ans. Ce facteur fait varier de beaucoup le taux d'accès aux prestations du RPC.
Si vous jetez un coup d'œil sur les deux courbes qui se trouvent dans le haut de la figure, vous pouvez constater que 80 p. 100 des gens qui touchaient des prestations dans le cadre d'un régime privé à 59 ans, mais pas de rémunération, ont commencé à toucher des prestations dans le cadre du RPC dès 60 ans.
Chez ceux qui touchaient à la fois des prestations dans le cadre d'un régime privé et une rémunération, la proportion correspondante était d'environ 60 p. 100. Elle est beaucoup moins élevée chez les gens qui travaillent encore à 59 ans, qu'ils soient admissibles à un régime de pensions de l'employeur ou non.
Il y a une anomalie intéressante dans ces données. Les gens qui travaillent encore à 59 ans et qui touchent en même temps des prestations dans le cadre du régime de pensions de leur employeur sont moins nombreux que les autres à toucher des prestations du RPC à 60 ans. Je pense qu'il peut y avoir un effet découlant du choix des membres de l'échantillon, c'est-à-dire que les gens qui ont travaillé pendant longtemps et on droit à des prestations élevées dans le cadre d'un régime privé sont déjà à la retraite, et que ceux qui continuent de travailler sont moins susceptibles de commencer à toucher leurs prestations du RPC à l'âge de 60 ans que ceux qui n'ont pas accès au régime de pensions de l'employeur.
Si nous jetons un coup d'œil sur la troisième année pour chacune des cohortes, ainsi que sur la situation des gens qui continuent de travailler après avoir commencé à toucher des prestations dans le cadre du RPC, et que nous comparons ces gens avec ceux qui n'ont pas commencé à toucher des prestations du RPC, nous savons, grâce à l'enquête sur la population active et d'autres sources d'information sur le marché du travail, que le taux d'accès aux prestations des groupes composés de gens plus âgés ainsi que la taille de ces groupes augmentent.
Vous voyez que la proportion de gens qui occupent un emploi rémunéré augmente chez les gens qui n'ont pas commencé à toucher des prestations du RPC au cours de la deuxième année, et qui sont représentés par la courbe du haut. Il s'agit de gens dans la soixantaine qui travaillent sans toucher de prestations du RPC. La proportion est beaucoup moins élevée chez les gens qui ont commencé à toucher des prestations du RPC, mais elle augmente plus rapidement. Il y a deux tendances contraires : les gens commencent à toucher des prestations du RPC de plus en plus tôt, mais ils sont de plus en plus nombreux à continuer de travailler tout en touchant des prestations.
Ce sont les gens qui occupent un emploi qui ne leur donne pas accès à un régime de pensions privé qui sont le plus nombreux à toucher des prestations du RPC tout en travaillant. L'un des facteurs en cause, c'est la nécessité de travailler. Les gens qui n'ont pas accès à des prestations dans le cadre d'un régime privé sont plus susceptibles de continuer à travailler.
Pour cette figure, nous avons exclu les gens qui ne touchaient que des prestations dans le cadre d'un régime privé à l'âge de 59 ans, parce que les chiffres auraient diminué, et la figure montrerait une évolution moins grande. Même chez les membres de ce groupe, la proportion de gens qui travaillent après avoir commencé à recevoir des prestations a presque doublé. Ainsi, ils ne travaillaient pas du tout à 59 ans; ils recevaient des prestations dans le cadre d'un régime privé. Plus tôt au cours de la période, en 1995, 5 p. 100 de ces gens travaillaient à l'âge de 61 ans, et cette proportion est maintenant de 10 p. 100. Même chez les membres de ce groupe, nous constatons une augmentation marquée du nombre de personnes qui travaillent après avoir commencé à recevoir des prestations.
La figure suivante montre le niveau de rémunération des gens qui travaillent tout en recevant des prestations du RPC. Il est intéressant de constater que ce sont les gens qui gagnent plus de 20 000 $, c'est-à-dire les gens dont on dit qu'ils occupent un véritable emploi, par opposition à un emploi occasionnel, qui ont connu l'augmentation du niveau de rémunération la plus élevée. Il n'y a pas d'augmentation chez les travailleurs occasionnels.
J'ai fait une étude auparavant sur les gens qui commençaient à toucher des prestations dans le cadre d'un régime privé dans la cinquantaine. Pour la même période, il y a eu une augmentation du nombre de personnes qui travaillaient au sein de ce groupe, mais surtout chez les gens qui avaient un salaire de moins de 5 000 $ par année. Il y a une différence entre les deux groupes. Chez les gens dans la cinquantaine, la tendance est au travail occasionnel. Chez les gens de la soixantaine, il semble que la tendance soit aux emplois plus stables.
Les deux dernières diapos jettent un coup d'œil rapide du côté des gens âgés de 65 à 69 ans. Ce qui est intéressant, c'est l'effet du SRG. M. Shillington va vous parler de l'incitation à ne pas travailler.
Je voulais examiner la proportion de gens âgés de 65 à 69 ans qui travaillent parmi ceux qui touchent le SRG, par opposition à ceux qui touchent des prestations du RPC ou de la SV. Chez les femmes comme chez les hommes, vous pouvez voir que la proportion de gens qui travaillent est beaucoup plus faible chez les gens qui touchent le SRG que chez les autres, peut-être à cause des taux élevés de récupération fiscale. Les gens de ce groupe qui touchent le SRG en même temps que les prestations de la SV et du RPC sont environ trois fois moins nombreux à travailler que ceux qui ne touchent que les prestations du RPC et de la SV.
Nous pouvons affirmer que, si les gens reçoivent le SRG, ils ont probablement travaillé par périodes intermittentes ou eu des problèmes par rapport à leur travail avant de prendre leur retraite, sans quoi ils ne seraient pas admissibles au SRG.
Vous pouvez voir sur l'avant-dernière diapo qu'environ 50 p. 100 de moins de bénéficiaires du SRG travaillaient à l'âge de 64 ans que les gens du même âge touchant des prestations du RPC et de la SV, mais ne touchant pas le SRG.
Nous pouvons faire un calcul rapide et dire que, des gens qui travaillent à 64 ans, il y en a encore 50 p. 100 de moins qui travailleraient et qui reçoivent le SRG, comparativement aux gens qui touchent des prestations dans le cadre du RPC et de la SV.
À la dernière diapo, qui résume le tout, vous pouvez voir que les gens ont tendance à commencer à toucher les prestations à 60 ans, surtout les femmes. Le taux d'accès aux prestations à 60 ans est le plus élevé chez les gens qui touchent déjà des prestations dans le cadre d'un régime privé, et le plus faible chez ceux qui occupent un poste qui leur donne accès à un régime privé. Il s'agit probablement d'un effet lié au choix de l'échantillon.
Pour ce qui est de la proportion de gens qui travaillent après avoir commencé à toucher des prestations du RPC, la tendance principale est l'augmentation du nombre de personnes qui travaillent dans la catégorie des gens qui gagnent plus de 20 000 $ par année. C'est au sein de ce groupe que l'augmentation est la plus rapide. Le nombre de personnes qui touchent des prestations du RPC augmente rapidement chez les gens qui ont pris leur retraite, mais qui n'ont pas accès à un régime privé. Des données indiquent que cette augmentation pourrait découler des besoins financiers.
Les bénéficiaires du SRG sont moins susceptibles de travailler que les autres, même compte tenu de leur expérience de travail récente.
Maxime Fougère, directeur adjoint, Prévisions et recherche sur le marché du travail, Ressources humaines et Développement social Canada : La majeure partie de l'exposé que je vais présenter est fondée sur la version préliminaire d'un article sur les incitatifs à la retraite anticipée dans le cadre des régimes de pensions du Canada que j'ai présenté en octobre dernier à l'Institut John Deutsche.
Comme vous le savez, le vieillissement de la population risque d'entraîner d'importants problèmes sur le marché du travail au Canada. Une des options que plusieurs organismes — notamment l'Institut C.D. Howe — recommandent consiste à encourager les travailleurs âgés à demeurer plus longtemps au sein de la population active. On reconnaît généralement que les incitatifs à la retraite anticipée du régime public canadien sont faibles par rapport à ceux d'autres pays de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques, l'OCDE. Certaines personnes proposent de réduire les incitatifs à la retraite anticipée.
Il existe également des données selon lesquelles les régimes de pensions privés offrent également des incitatifs à la retraite anticipée, même avant l'âge de 60 ans. Le travail effectué il y a quelques années au ministère des Finances nous a également permis d'obtenir des données qui le montrent.
L'objectif principal du régime canadien de revenu de retraite consiste à assurer un niveau de revenu et de vie raisonnable à toutes les personnes âgées. Un autre but est d'empêcher une diminution du niveau de vie au moment de la retraite. Enfin, il faut considérer l'effet du régime sur la décision de prendre sa retraite, et donc sur les questions de la participation à la vie active, les travailleurs âgés et même la contribution à la capacité de production.
En octobre dernier, nous avons présenté un article sur les incitatifs à la retraite anticipée dans les régimes publics et privés du Canada dans le cadre d'une conférence organisée par l'Institut John Deutsche. Notre principal objectif était de quantifier les effets des incitatifs à la retraite anticipée des régimes publics et privés du Canada sur la participation à la vie active, la capacité de production — dans le modèle, nous la mesurons à partir du PIB réel par habitant — ainsi que le bien-être économique. Nous avons également examiné des scénarios de réduction des incitatifs à la retraite anticipée dans le régime de pensions public du Canada.
Pour effectuer cette analyse, nous avons utilisé un modèle économique axé sur le cycle de vie, qui tient compte de la structure de l'économie canadienne dans le contexte du vieillissement de la population.
Quels sont, selon notre analyse, les incitatifs à la retraite anticipée qu'offre le régime de revenu de retraite du Canada? Pour vous donner quelques éléments de théorie, je dirais que la documentation à ce sujet a ramené les incitatifs des régimes de pensions déterminés à deux effets, l'un d'entre eux étant l'effet de la richesse. L'accumulation de richesse nous incite à travailler moins et à consacrer plus de temps à nos loisirs, ce qui nous amène à prendre notre retraite, surtout lorsque nous vieillissons et commençons à apprécier davantage notre temps de loisirs que notre temps de travail.
Cet effet touche toutes sortes d'actifs financiers : les prestations déterminées, les cotisations déterminées, les REER, et cetera. C'est un effet normal.
L'autre effet touche les régimes de prestations de pensions déterminées. Il s'agit de l'effet d'accumulation ou de substitution.
Il tient à la différence entre le revenu de retraite obtenu en prenant sa retraite à un moment donné dans l'avenir et ce revenu dans le cas d'une retraite immédiate. Il y a un incitatif à prendre sa retraite immédiatement si le fait de continuer à travailler n'a pas pour effet d'accroître le revenu de retraite. Cet effet existe au sein de la plupart des régimes de prestations déterminées après un certain nombre d'années de travail, en fonction du régime de prestations et des règles de ce régime.
Dans ce contexte, nous avons évalué les incitatifs à la retraite anticipée à l'aide d'une méthode dont il a amplement été question dans les ouvrages sur l'économie : nous les avons évalués comme s'il s'agissait d'un taux d'imposition implicite sur le travail ou sur les loisirs. C'est quelque chose qu'on voit souvent dans la documentation. Nous avons fait cette évaluation pour les régimes publics et les régimes privés. Par la suite, nous avons utilisé les résultats pour simuler l'effet à long terme sur l'économie et sur le marché du travail dans notre modèle fondé sur le cycle de vie.
Parmi nos principales conclusions sur les régimes publics, il y a celle selon laquelle, avant l'âge de 60 ans, le régime de pensions public crée une nette incitation à travailler, puisque plus une personne travaille, plus ses prestations du RPC seront élevées, ce qui fait que l'effet est positif.
Nous avons constaté l'existence d'incitatifs à la retraite anticipée surtout pour les gens âgés de 60 à 64 ans. Les ouvrages sur le sujet laissent entendre que l'un des éléments est l'interaction entre le RPC et le SRG. Un autre élément, c'est la réduction du SRG ou la récupération d'une partie des prestations. De plus, l'ajustement actuariel du Régime de pensions du Canada semble trop faible pour compenser la perte d'une année de revenu de retraite. Quoique nous ne l'ayons pas évalué dans le cadre de notre modèle, il y a un autre effet à considérer, et c'est le critère de cessation d'emploi, qui agit également comme un obstacle à la participation au marché du travail.
Après 65 ans, il y a encore des incitatifs à la retraite, découlant surtout du SRG, et ils sont surtout importants pour les personnes à faible revenu. De plus, la récupération de la SV pour les travailleurs à revenu élevé constitue un incitatif à la retraite.
En intégrant ces effets à notre modèle, et en supprimant les incitatifs à la retraite anticipée, nous sommes en mesure d'envisager les répercussions sur le plan économique au chapitre de l'augmentation de l'offre de main-d'œuvre, de l'incident sur l'économie et ainsi de suite. Nous avons constaté un léger effet positif sur la main-d'œuvre ou sur le taux d'activité de l'ensemble des travailleurs, et, bien sûr, un léger effet positif sur le PIB réel par habitant. Comme les gens travaillent davantage, ils contribuent également davantage à la production et à une faible augmentation du bien-être économique. C'est quelque chose de l'ordre de moins de 1 p. 100 du PIB. Ce n'est pas un chiffre négligeable, mais c'est peu élevé. Ce serait surtout les travailleurs à faible revenu et à revenu moyen qui seraient davantage actifs sur le marché du travail. Il n'y a aucun incitatif pour les personnes qui touchent un revenu élevé.
Pour ce qui est des régimes de pension privés, les résultats sont différents. Comme vous le savez, il n'y a pas qu'un seul régime privé de prestations de pension déterminées. Il y en a des milliers. Nous devions trouver le moyen d'établir un modèle représentatif de ces régimes. À l'aide de données fournies par Statistique Canada, nous avons créé le portrait type d'un régime privé à prestations déterminées. L'analyse des données agrégées nous a permis de conclure qu'il y a des incitatifs à la retraite anticipée dès l'âge de 55 ans, et que ceux-ci augmentent avec l'âge et le niveau de revenu. En comparant les chiffres avec ceux qui concernent les régimes de pensions publics, nous avons constaté que les incitatifs sont de plusieurs fois supérieurs dans le cas des régimes de pensions privés.
Au chapitre des répercussions économiques de la suppression de ces incitatifs à la retraite anticipée, nous avons constaté un important effet positif sur la main-d'œuvre, ainsi que sur le PIB par habitant et le bien-être. Pour vous donner un ordre de grandeur, l'effet sur le PIB réel par habitant serait environ sept fois plus important que celui découlant de la suppression des incitatifs à la retraite anticipée dans les régimes de pensions publics. L'augmentation du taux d'activité sur le marché du travail est attribuable aux travailleurs de tous les niveaux de revenu, et non plus seulement à ceux qui ont un revenu faible ou moyen. Comme les gens qui touchent un revenu plus élevé cotisent davantage à des régimes privés de prestations déterminées, ils sont davantage influencés par la suppression des incitatifs à la retraite anticipée.
Pour conclure, nous avons estimé dans l'article en question que le coût de la retraite anticipée découlant des régimes de pension publics serait relativement faible, et pourrait être de moins de 1 p. 100 du PIB. Il y a davantage d'incitatifs à la retraite anticipée dans les régimes privés de prestations de pensions déterminées, et ils pourraient être jusqu'à sept fois plus importants.
Notre analyse des régimes de pensions privés est fondée sur la structure actuelle des régimes à prestations déterminées. Il est possible que les employeurs adaptent leur régime lorsque le contexte le justifiera. Des travaux effectués au Conference Board du Canada laissent croire que les employeurs utilisent les régimes à prestations déterminées comme outil de gestion de la main-d'œuvre, et qu'ils pourraient les utiliser comme moyen de maintenir en poste les travailleurs âgés, au besoin. La situation décrite est la situation actuelle, mais celle-ci pourrait changer. Je suis d'avis que les régimes à prestations déterminées vont changer davantage dans l'avenir, et que ces incitatifs vont être réduits si les employeurs sentent que leur main-d'œuvre effectue une pression sur eux.
Nous avons également examiné certaines politiques hypothétiques qui rendraient le régime de pensions public à peu près neutre sur le plan des incitatifs à la retraite. Encore une fois, comme dans les autres cas, nous avons conclu qu'il y aurait de petits gains, variant en fonction des scénarios.
La présidente : Merci beaucoup. Tous les exposés ont été extrêmement intéressants.
Permettez-moi de commencer par parler de la page 9 du mémoire de MM. Morissette, Picot et Myles. Ce qui m'inquiète, c'est le fait que le quintile inférieur n'ait pas progressé plus que ça. À quoi attribuez-vous cette stagnation? Je présume que c'est en partie parce qu'il n'y a pas eu d'augmentation significative des prestations de la sécurité de la vieillesse ni du supplément de revenu garanti. Mon hypothèse n'est peut-être pas bonne, et vous avez peut-être d'autres façons d'expliquer pourquoi le segment inférieur est si stagnant.
M. Morissette : Nous ne nous sommes pas penchés précisément sur cet élément, mais il est possible que le principal facteur d'augmentation du revenu des retraités ait été le fait qu'ils ont davantage participé à des régimes de pensions agréés ou RPA. Je pense que les gens qui forment le quintile inférieur sont peut-être des employés qui, au cours de leur carrière, n'ont pas pu participer à des régimes de pensions ni profiter de l'accroissement de la participation à ces régimes dans les années 1960 et 1970. Voilà une explication possible. Je ne sais pas si M. Myles pourrait ajouter quelque chose.
John Myles, Chaire de recherche du Canada et professeur de sociologie, Université de Toronto, à titre personnel : Je n'ai pas la figure devant moi, mais je pense que c'est probablement attribuable à l'évolution des tendances tant au chapitre des gains qu'à celui de l'accumulation de la richesse au Canada au cours des 30 dernières années, puisque les gens ayant les salaires les plus faibles ont vu leur rémunération stagner, la majeure partie de la croissance ayant touché les gens qui gagnaient le plus. Cette figure reflète en grande partie d'autres grandes tendances à long terme au Canada au chapitre des salaires et de l'accumulation de richesse par les particuliers, plutôt qu'un phénomène en rapport avec le SRG et la SV.
La présidente : Vous mentionnez dans votre analyse que le niveau de richesse a augmenté en grande partie en raison de l'augmentation de la valeur des biens immobiliers. Il existe un mythe extraordinaire au Canada, et qui a existé partout dans le monde jusqu'à ce qu'arrivent les prêts hypothécaires de seconde catégorie aux États-Unis, selon lequel le marché immobilier est toujours à la hausse. En tant qu'historienne, je sais que ce marché est demeuré stable au Royaume-Uni pendant 150 ans. La hausse qui a suivi a été spectaculaire, mais 150 ans, c'était la durée de trois vies. Quelles sont les répercussions sur les Canadiens du fait que tout cet argent est dans l'immobilier? Je présume que certains d'entre vous vivez à Ottawa. La fin de semaine dernière, il y avait dans les journaux un tableau présentant des chiffres assez déboussolants qui montraient à quel point les taxes sont élevées, surtout dans les secteurs de la ville où le prix des maisons a le plus augmenté. La question se pose de savoir si, dans une certaine mesure, cela fait en sorte que les gens doivent vendre leur maison devenue trop chère pour eux parce qu'ils n'ont plus les moyens de l'entretenir.
M. Morissette : C'est une bonne question. Pour mettre les choses en contexte, une bonne partie de l'augmentation du niveau de richesse est attribuable à l'immobilier, mais il y a aussi une bonne partie de cette augmentation qui vient de deux autres sources : les RER et les actifs financiers, c'est-à-dire les actions et les obligations.
Maintenant, pour ce qui est du pouvoir d'achat ou du niveau de vie — c'est peut-être l'objet de votre question —, cela dépend de ce que les gens font lorsqu'ils vieillissent. Vendent-ils leur maison, ou choisissent-ils un logement plus modeste, et à quel prix réussissent-ils à vendre leur maison? Il est difficile de prévoir comment ces choses vont évoluer.
La présidente : L'un des sujets que nous abordons, c'est l'idée selon laquelle les personnes âgées continuent de vivre au même endroit, ce qui signifie qu'elles continuent d'habiter la même maison et ne sont pas obligées de s'installer ailleurs. C'est la raison pour laquelle je m'engageais sur cette voie, si je puis dire.
Le sénateur Mercer : Je me rends compte maintenant que j'aurais dû être plus attentif lorsque j'ai suivi des cours de statistique. Vous avez commencé par dire que les personnes qui gagnaient moins de 10 000 $ par année étaient exclues de votre analyse. Bien entendu, le comité étudie la question de la pauvreté, et nous pouvons présumer que l'étude vise en grande partie ces gens.
Pourquoi les avoir exclus et qu'est-ce qui vous a incités à prendre cette décision? Vos raisons vous donneront peut- être une idée des questions que nous voulons poser.
M. Picot : Nous avons exclu ces gens parce que l'ensemble de données que nous avons utilisées ne contenaient pas suffisamment de données sur cette population. Nous avons utilisé les données des déclarations d'impôt, et, pour le début de la période visée par l'étude, c'est-à-dire avant 1992, les gens qui gagnaient moins de 10 000 $ par année ne déclaraient pas beaucoup de revenus, ce qui fait que nous ne disposions pas de données exactes sur le revenu des gens gagnant moins de 10 000 $ par année. Nous ne les avons pas exclus par choix; nous avons été forcés de le faire.
Il y a beaucoup d'enjeux importants, mais nous sommes fondés à penser que le problème le plus important, chez les retraités, c'est la faiblesse du revenu ou la pauvreté, ainsi que la mesure dans laquelle les régimes de pensions publics et privés la préviennent. L'autre enjeu, c'est ce qu'il advient du reste de la population. Dans quelle mesure le niveau de revenu des gens se maintient-il? Nous entendons dire que les baby-boomers ne sont pas prêts pour la retraite, que les taux de remplacement vont être faibles, et cetera. Nous nous sommes penchés sur ce second enjeu, et non sur le premier, parce que l'étude n'est pas une analyse de la pauvreté. Il s'agit d'une analyse du second enjeu, c'est-à-dire la mesure dans laquelle le niveau de revenu des gens qui vieillissent se maintient, surtout celui des gens qui ont un revenu moyen ou élevé. Notre conclusion générale, c'est que les chiffres indiquent que les nouveaux retraités s'en tirent assez bien.
Le sénateur Mercer : À la page 5 de votre mémoire, il y a une figure qui montre que 40 p. 100 des gens au maximum touchent des revenus provenant de régimes de pensions privés. Il s'agit du quintile supérieur, et le tableau indique que la proportion est de 15 p. 100 dans le quintile inférieur.
Ce chiffre me préoccupe beaucoup. Plus loin, à la page 12, vous dites que la participation à des régimes de pensions privés diminue chez les jeunes travailleurs. Vous dites que la situation ne s'améliore pas, mais qu'elle semble empirer. Le gouvernement peut aider les gens dans une certaine mesure grâce à la prestation du RPC et de la sécurité de la vieillesse, et cetera. Cependant, chez les gens qui ne complètent pas ces sources de revenus en participant à des régimes de pensions privés, est-ce que le problème va beaucoup empirer lorsque cette population va prendre sa retraite, c'est-à- dire que ses revenus vont chuter et que la population va devoir les soutenir?
M. Picot : C'est possible.
Encore une fois, nous jugeons que les chiffres sont assez positifs chez les jeunes qui ont pris leur retraite récemment ou qui vont la prendre bientôt. Je vais diviser ce groupe en deux : les gens qui vont prendre leur retraite au cours des 10 à 15 prochaines années et ceux qui vont la prendre plus tard.
Au cours des 10 à 15 prochaines années, je pense qu'un certain nombre de choses positives vont se produire. La demande de main-d'œuvre va probablement augmenter. Beaucoup de gens arrivent à la retraite. Nous sommes préoccupés par les pénuries de main-d'œuvre, ce qui fait que les gens qui ont pris leur retraite ou une retraite anticipée vont avoir de plus en plus de possibilités d'emplois. Cette génération de retraités sera peut-être l'une des premières à être en demande, parce que le taux de chômage est bas. Dans les années 1970, 1980 et 1990, l'offre de main-d'œuvre était excédentaire. Les taux de chômage étaient relativement élevés. Nous allons maintenant vivre une période où ça va probablement être le contraire. Dans un avenir proche, les retraités vont avoir beaucoup de possibilités d'emplois.
Le degré de scolarité évolue de façon spectaculaire. J'ai oublié les chiffres exacts, mais, en 1990, environ 25 ou 30 p. 100 des gens de 55 à 64 ans avaient poursuivi des études postsecondaires et possédaient un grade, un certificat ou un diplôme. Aujourd'hui, c'est quelque chose comme 54 p. 100. La proportion a augmenté de façon spectaculaire. La population est beaucoup plus instruite. Les gens ont tendance à vouloir travailler plus longtemps. Ils vont avoir la possibilité de le faire. Au cours des dernières années, les salaires des couches de la population les plus âgées ont augmenté, par rapport à ceux des jeunes, qui ont chuté. Les perspectives semblent bonnes pour les gens qui vont prendre leur retraite d'ici 10 ou 15 ans.
Au-delà de cette période, si nous jetons un coup d'œil sur la situation des gens qui ont actuellement moins de 40 ans, nous relevons les problèmes dont vous avez parlé, c'est-à-dire que les salaires pour cette population, par rapport aux précédentes, ont diminué, comme la participation à des régimes de pensions. Les prévisions à plus long terme laissent entrevoir des problèmes supplémentaires pour ces générations, problèmes qui n'existent pas à l'heure actuelle et que nous ne verrons pas dans un avenir proche.
Le sénateur Mercer : Les pénuries de main-d'œuvre sont en train de devenir un problème. Le taux de chômage est bas, et comme j'ai vécu la majeure partie de ma vie à Halifax, j'ai cru que jamais je ne verrais un jour des affiches d'offres d'emplois partout dans la ville.
L'une des solutions qui s'offrent à nous pour régler le problème des pénuries de main-d'œuvre, c'est l'immigration. Avez-vous analysé la situation des nouveaux Canadiens qui se joignent à la population active? Participent-ils davantage que les autres aux régimes de pensions privés? Participent-ils à la population active et au programme du RPC à un âge plus avancé que les autres citoyens canadiens? Mon fils a commencé à travailler à 20 ans, ce qui veut dire qu'il a commencé à cotiser à cet âge, mais est-ce que les nouveaux Canadiens arrivent plus tard dans leur vie et cotisent moins au régime? Cotisent-ils davantage ou moins à des régimes de pensions privés?
M. Picot : Les membres du comité savent probablement déjà ce que je vais dire. De façon générale, les immigrants ne s'en tirent pas très bien, sur le plan économique, depuis 15 ou 20 ans, et leur situation se détériore.
En règle générale, pour ce qui est des salaires, leur situation est pire que celle de leurs prédécesseurs, c'est-à-dire les immigrants arrivés dans les années 1970. Les salaires des immigrants sont aujourd'hui plus bas.
De plus en plus d'immigrants s'installent au pays quand ils sont dans la quarantaine, ce qui veut dire qu'ils n'ont pas beaucoup de temps pour accumuler des biens ou de l'argent ou pour contribuer à des régimes de pensions, et ainsi de suite. Encore aujourd'hui, la plupart des immigrants sont jeunes, mais il y en a de plus en plus qui sont dans la quarantaine. Les deux faits combinés auront peut-être pour effet que les immigrants seront touchés par des problèmes lorsqu'ils prendront leur retraite au cours des prochaines années, notamment au chapitre du maintien du revenu ou d'un niveau de revenu adéquat.
C'est une réponse générale.
M. Morissette : Comme les salaires des immigrants récemment arrivés au pays sont moins bons, et comme nous savons que, de façon générale, les bons emplois s'assortissent de bonnes possibilités de participation à des régimes de pensions, je pense que nous allons peut-être voir chez les immigrants la même diminution de la participation aux régimes de pensions privés que nous avons constatée chez les jeunes travailleurs, les jeunes hommes. Je pense que c'est quelque chose que nous allons voir aussi chez les immigrants de fraîche date. Nous avons effectué une étude là-dessus il y a quelques années, mais j'ai oublié les chiffres.
L'un des problèmes liés à la participation à des régimes de pensions sur lesquels nous nous sommes penchés a trait à la mesure dans laquelle les immigrants nouveaux savent qu'ils participent à un régime de pensions, c'est-à-dire que nous avons demandé à un certain nombre de personnes si leur poste leur permettait de participer ou non. Nous avons ensuite demandé à leur employeur s'ils offraient un quelconque régime de pensions. Ce que nous avons découvert, c'est que les immigrants de fraîche date étaient beaucoup moins nombreux que les Canadiens nés au pays à savoir s'ils avaient accès à un régime de pensions, c'est-à-dire qu'une forte proportion d'immigrants récents ont dit avoir accès à un quelconque régime de pensions agréé ou régime enregistré d'épargne collectif alors que, selon leur employeur, ils n'avaient accès à aucun régime du genre. Il y a peut-être un problème d'information chez les nouveaux immigrants. Ils pensent peut-être participer à un régime de pensions privé — peut-être pensent-ils que le RPC en est un —, ce qui rend le problème difficile à régler.
Nous n'avons pas été en mesure de déterminer si ce manque d'information avait des répercussions sur les habitudes d'épargne, c'est-à-dire si le fait de penser qu'ils avaient accès à un quelconque régime de pensions les a poussés à épargner moins qu'ils ne l'auraient fait autrement. Pour résumer et pour en revenir à la question de départ, je pense — nous pourrions vérifier — que les nouveaux immigrants n'ont pas davantage participé à des régimes de pensions que les Canadiens nés ici qui sont entrés sur le marché du travail au cours des dernières années.
Le sénateur Mercer : Monsieur Wannell, dans votre exposé, vous avez parlé du fait que les personnes handicapées et celles ayant reçu l'intégralité de leurs prestations dans le cadre de leur RPA en une seule année étaient exclues de l'étude. Je crois comprendre pour ce qui est du paiement intégral en une seule année, mais je ne comprends pas pourquoi les personnes handicapées sont exclues. Il vaut probablement la peine d'étudier la situation de ce groupe.
M. Wannell : Ce serait assurément très intéressant du point de vue des politiques sociales, mais pour ce qui est de l'étude des tendances relatives au travail après le début des prestations de retraite, les personnes qui ont un handicap reconnu font en général face à certaines limites pour ce qu'il s'agit de chercher un emploi.
Le sénateur Mercer : A-t-on effectué des études sur les nouveaux principes ou sur le nouveau débat relatif au fractionnement du revenu? Ce qui arrive aujourd'hui, c'est que, dans un couple, il peut y avoir une personne qui veut prendre sa retraite ou qui doit le faire, alors que l'autre souhaite ou doit continuer à travailler. Cependant, comme le revenu familial va diminuer à partir de ce point-là, la personne qui travaille souhaiterait peut-être toucher des prestations du RPC pour faire augmenter le revenu familial, mais ne peut le faire parce qu'elle continue de travailler. A-t-on effectué des études pour déterminer quelle serait l'incidence de cette situation sur le fonds et sur les revenus si les règles étaient modifiées, c'est-à-dire si des gens qui travaillent après 60 ans pouvaient recevoir des prestations du RPC à titre de supplément du revenu familial? La plupart des gens envisagent les choses du point de vue du revenu familial plutôt que de leur revenu personnel.
M. Wannell : Nous n'avons rien de précis sur ce sujet. M. Fougère a parlé du fait que les règles poussent les gens à arrêter de travailler. Pour toucher des prestations du RPC, les gens doivent cesser de travailler pendant un mois, et ils peuvent ensuite recommencer. Il ne leur est pas interdit de travailler et de toucher des prestations; ils ne doivent pas travailler pendant un mois, c'est tout. L'idée, c'est qu'il s'agit d'un véritable obstacle au travail, et nous constatons que, pour de plus en plus de gens, ce n'est pas un obstacle important.
Le sénateur Keon : J'ai toujours trouvé la question des pensions intéressante. Premièrement, j'ai été administrateur, et les pensions posent un problème énorme aux gens qui atteignent l'âge de 55 ans, à peu près, parce que, lorsqu'ils calculent leurs revenus et ainsi de suite, ils s'aperçoivent qu'ils n'ont pas vraiment intérêt à continuer de travailler, ce qui fait que nous perdons énormément de gens qualifiés qui auraient pu travailler pendant encore cinq ou dix ans.
Deuxièmement, j'ai l'impression — corrigez-moi si je me trompe — que les pensions sont extrêmement discriminatoires. Elles sont discriminatoires à l'égard des gens qui gagnent peu d'argent. Aujourd'hui, les pensions sont indexées, et la personne qui touche une pension de 25 000 $ ne verra pas cette pension augmenter beaucoup pendant le reste de sa vie, tandis qu'une personne qui touche une pension de 75 000 $ va voir la sienne augmenter passablement. Je me suis toujours demandé pourquoi on n'a pas adopté une meilleure méthode d'indexation des pensions, pourquoi on n'a jamais tenu compte de la variable équité dans l'équation. Est-ce que je me trompe?
M. Myles : On parle du point que vous soulevez depuis longtemps. L'exemple classique, c'est celui des États-Unis, où, dans le passé, les Noirs vivaient beaucoup moins longtemps que les Blancs, ce qui fait qu'ils ne touchaient jamais autant de revenus de pensions que les Blancs en moyenne, en plus de gagner moins, mais même par rapport à leurs cotisations.
Je suppose que l'argument contraire est celui selon lequel la plupart des régimes de pensions nationaux sont dotés d'importants éléments de redistribution empruntant une forme ou une autre, surtout ici, au Canada, au sein des parties financées à même les recettes générales, comme la SV et le SRG. Même les pensions liées aux gains ont souvent une composante de redistribution. Ce que vous dites est encore plus important à la lumière des problèmes relatifs aux pensions, auxquels nous faisons face au XXIe siècle. Nous avons été témoins d'une augmentation très importante de l'espérance de vie au cours des 25 dernières années, et celle-ci continue d'augmenter. Cependant, l'espérance de vie croît bien plus rapidement dans le cas des gens éduqués touchant un revenu élevé, ce qui fait que l'écart attribuable à l'espérance de vie s'est en quelque sorte accru.
Lorsque j'enseigne, je dis parfois, en ce qui concerne l'accroissement de l'écart attribuable à l'espérance de vie, que, tout d'abord, les gens riches ont profité davantage du système d'éducation lorsqu'ils étaient jeunes que les autres. Les gens qui ont un degré de scolarité élevé ont par définition profité davantage du système d'éducation publique lorsqu'ils étaient jeunes que les autres, et ils vont être encore favorisés lorsqu'ils prendront leur retraite, parce qu'ils vont vivre plus vieux que leurs prédécesseurs.
Dans les observations que j'ai formulées et qui allaient dans le même sens que celles de M. Fougère... c'est à cet égard que, je pense, on se questionne au sujet du fait que les gens travaillent plus longtemps et de la modification des lois — pour des motifs liés non seulement à l'équité, mais également à l'efficacité et à la productivité. Auparavant, on s'occupait surtout de la SV, du RPC et du SRG, qui sont les gros programmes importants pour les travailleurs à faible revenu, et, au cours des dernières années, on a commencé à penser davantage aux répercussions, sur le plan de l'équité, de nos régimes de pensions privés. Ces régimes comprennent les RPA et les REER, qui ne sont pas entièrement privés, bien entendu, puisqu'ils font l'objet d'énormes subventions à caractère fiscal provenant du trésor public.
Le sénateur Keon : À mon avis, le système est injuste. Vous êtes les spécialistes. Dites-nous comment il faut faire pour le rendre équitable.
La présidente : Pour aborder un autre aspect de cette question, nous savons que les études actuarielles sont toutes fondées sur l'espérance de vie moyenne des Canadiens, mais on nous a clairement expliqué que les Autochtones, par exemple, ne vivent pas aussi vieux que les autres Canadiens, et que les gens qui souffrent de maladies chroniques ne vivent pas aussi longtemps que les autres non plus.
Est-ce que la structure des régimes de pensions devrait tenir compte de ces faits, s'il est vrai que ces gens ont une espérance de vie non pas de 81 ans, dans le cas d'une femme, mais de 71 ans en raison de maladies chroniques?
M. Fougère : Je ne suis pas sûr de pouvoir répondre à votre question.
La seule chose que je peux dire, c'est que, après l'âge de 55 ans, beaucoup de gens quittent le marché du travail. Je pense que c'est davantage un effet des régimes privés que du régime de pensions public, d'après nos conclusions.
Ce que je pense, c'est que, si nous voulons faire des efforts pour encourager ces gens à demeurer sur le marché du travail plus longtemps, nous devons nous concentrer davantage sur l'effet d'incitation de ces régimes, surtout en ce qui concerne les régimes à prestations déterminées. Les régimes à cotisations déterminées ne sont pas à l'origine d'incitatifs à la retraite anticipée comme les REER. Les régimes à prestations déterminées ont assurément un effet sur le niveau de richesse, mais c'est le cas de tous les autres actifs financiers.
C'est le seul commentaire que je ferais. Malheureusement, je n'ai rien à dire en ce qui concerne la discrimination.
M. Myles : Personne ici n'est spécialiste des questions d'équité. Vous êtes probablement mieux placé pour répondre à cette question. C'est une question importante sur le plan politique. Nous en parlons à Statistique Canada, mais ce n'est pas l'un de nos sujets de publication.
M. Picot : Je ne suis pas sûr de savoir ce que vous voulez dire par « équité », mais l'une des mesures que les gens utilisent souvent, c'est l'inégalité du revenu, c'est-à-dire l'importance de l'écart entre les revenus des riches et ceux des pauvres.
Nous savons que l'inégalité diminue à la retraite. Si vous vous rappelez les figures que je vous ai présentées, j'ai montré que le niveau de revenu des gens du quintile inférieur demeurait constant, tandis que celui des gens du quintile supérieur diminue d'environ 15 p. 100. Cela signifie que l'écart entre les riches et les pauvres devient moins important entre 55 et 75 ans.
Dans cette perspective, si vous jugez que l'écart est une mesure raisonnable de l'équité — il y a là matière à débat, c'est certain —, l'écart est réduit.
Une autre chose qui vient à l'esprit, en tout cas à moi, qui vois la question de façon simplifiée, c'est que nos objectifs sont, premièrement, de faire en sorte que des gens ne deviennent pas pauvres à la retraite, et, deuxièmement, que le reste de la population puisse maintenir un niveau de vie raisonnable.
Nous constatons que les taux de pauvreté ont beaucoup diminué, sauf pour ce qui est des exceptions dont vous allez entendre parler M. Shillington dans quelques minutes, j'en suis convaincu. Les taux sont assez bas, de façon générale, sauf chez les femmes célibataires, notamment. Nous avons fait beaucoup de progrès à cet égard, et nous constatons aussi que les taux de remplacement du revenu sont, de façon générale, positifs.
Si vous mettez tout cela ensemble, je ne sais pas ce que vous pouvez tirer comme conclusion au sujet de l'équité, mais c'est l'une des façons d'envisager la question.
Le sénateur Keon : Êtes-vous convaincu, par exemple, que les suppléments de la pension de la sécurité de la vieillesse, avec le RPC, sont suffisants, ou pensez-vous qu'il devrait y avoir quelque chose d'autre?
À mon avis, idéalement, il devrait y avoir un revenu familial minimum au pays, plutôt qu'un salaire minimum. Le fait que les gens vieillissent et reçoivent une pension ne signifie pas qu'ils n'ont pas besoin d'un revenu minimum. Avez- vous une idée de la façon dont nous pourrions pontifier à partir de vos idées?
M. Picot : Je n'y ai pas suffisamment réfléchi pour dire quoi que ce soit. Je ne sais pas si quelqu'un d'autre y a suffisamment réfléchi.
M. Myles : Je sais que M. Shillington va en parler tout à l'heure, d'après ce qu'il nous a dit avant la séance; il parlera des dispositions d'indexation de la SV et du SRG.
Les taux de pauvreté chez les personnes âgées ont diminué constamment au cours des dernières années, et ils ont énormément diminué, ce qui fait que, pour ce qui est de réduire ces taux, nous sommes parmi les meilleurs pays avec la Suède. Cela est attribuable en partie au fait que nous mesurons la pauvreté par rapport à la situation du reste de la population. Nous la mesurons habituellement en fonction de quelque chose qui se rapproche du revenu familial médian. Nous savons que le revenu familial médian n'a pas augmenté depuis 30 ans au Canada, pas plus que le salaire médian. Il y a eu certaines augmentations chez les gens riches, mais nous mesurons la pauvreté par rapport à la médiane.
Au cours de cette période, le revenu des personnes âgées du Canada a augmenté surtout en raison du RPC, et, plus récemment, en raison de l'évolution des régimes de pension privés. Cependant, si nous vivons une période au cours de laquelle le salaire médian et le revenu familial médian du reste de la population augmentent — et nous espérons que ça se produise; 30 ans de stagnation du revenu familial médian n'est pas un grand accomplissement —, nous allons probablement voir l'écart entre les personnes âgées et le reste de la population s'élargir de nouveau.
Le sénateur Cordy : Je m'excuse d'être en retard, mais les vols en partance de Halifax ont été retardés à cause de toute la neige qui est tombée chez nous hier.
Ce que vous avez dit au sujet de la réduction de la pauvreté chez les personnes âgées m'intéresse, et je pense que c'est une chose positive. Cependant, si nous regardons attentivement les chiffres — monsieur Picot, vous avez parlé des femmes célibataires —, les chiffres concernant les femmes célibataires sont élevés. Parmi ces femmes, il y en a qui n'ont jamais été mariées. Il y en a qui sont veuves et d'autres qui n'ont peut-être jamais travaillé ou ont travaillé par intermittence pour toutes sortes de raisons, lorsqu'elles s'occupaient soit de leurs enfants, soit de leurs parents. Ce sont plus souvent les femmes qui restent à la maison.
Pouvons-nous faire quoi que ce soit, par rapport au régime de pensions, pour nous assurer que les femmes ne vivent pas dans la pauvreté lorsqu'elles atteignent 65 ans, 75 ans ou peu importe l'âge?
M. Picot : Vous demandez à quelqu'un qui travaille à Statistique Canada de formuler un commentaire sur les politiques, mais ce n'est habituellement pas ce que nous faisons. Je vais laisser passer cette question, mais je veux bien dire une chose ou deux. M. Myles voudra peut-être répondre à la question; c'est pour ça que nous lui avons demandé de nous accompagner.
Si l'on envisage l'avenir, il y a deux ou trois choses à garder en tête, pour parler du côté positif de cette question. Je sais que c'est quelque chose de sérieux et qu'il y a là-dedans de nombreux problèmes.
Le comportement des femmes sur le marché du travail ressemble beaucoup à celui des hommes, récemment. Si nous jetons un coup d'œil sur les salaires en fonction de l'âge, ou encore sur la façon dont le salaire évolue avec l'âge, auparavant, les femmes gagnaient un peu plus dans la vingtaine, sans augmentation par la suite, tandis que le salaire des hommes augmentait avec l'âge.
Aujourd'hui, le salaire évolue avec l'âge à peu près de la même façon chez les femmes que chez les hommes. Les tendances sont semblables au chapitre de l'emploi. Je pense que nous allons être témoins d'un changement important, à un moment donné, pour ce qui est des pensions des femmes, dans la mesure où les pensions sont déterminées par l'emploi.
Un autre aspect important, c'est le degré de scolarité. Celui-ci a augmenté de façon spectaculaire au cours des 10 ou 15 dernières années chez les femmes. Chez les cohortes les plus jeunes, à tout le moins, nous allons assister à un changement important là aussi, lorsqu'elles vont prendre leur retraite. Le fait que le degré de scolarité des femmes est plus élevé tend à faire en sorte que leur salaire est plus élevé et que leurs possibilités d'emploi sont plus importantes, tant avant la retraite que pendant celle-ci.
Ce sont deux ou trois choses positives qui, à mon avis, sont en train de se produire. Pour ce qui est de l'avenir immédiat et de l'effet de certaines modifications précises des politiques, je suis désolé, je n'ai pas grand-chose à dire là- dessus.
M. Myles : M. Picot a raison. La question, c'est de savoir si vous parlez du présent ou de l'avenir. Les prochaines cohortes de femmes âgées vont probablement avoir un profil différent des cohortes actuelles. Les femmes qui ne se sont jamais mariées s'en tirent probablement aussi bien que les hommes lorsqu'elles vieillissent. C'est le genre de chiffre dont je me souviens. La plupart d'entre elles ont travaillé pendant la majeure partie de leur vie. La population vulnérable, c'est celle des veuves, et, de plus en plus, celles des femmes séparées et divorcées.
Nous venons de terminer une première étude sur le remplacement du revenu. Il y a des choses à faire automatiquement. Peut-être M. Shillington parlera-t-il plus tard du SRG et de ce genre de choses.
Les facteurs qui déterminent le revenu sont complexes. Est-ce que les problèmes découlent du fait que nous n'avons pas mis en place les bons mécanismes de répartition des biens au moment du divorce ou de la séparation? Il faut que je dise aussi que le taux de pauvreté est élevé chez les hommes âgés et célibataires. En gros, il n'y a pas de pauvreté chez les hommes et les femmes qui appartiennent à une famille économique. M. Picot et moi avons jeté un coup d'œil sur les chiffres aujourd'hui : c'est quelque chose comme 1 p. 100.
Pratiquement toutes les personnes âgées qui sont pauvres sont des hommes et des femmes célibataires, le taux de pauvreté étant considérablement plus élevé chez les femmes que chez les hommes.
Vous avez mis le doigt sur un problème. Je n'ai pas suivi les recherches effectuées récemment là-dessus, mais je pense que les données dont nous disposons nous offrent la possibilité d'examiner cette situation.
Je veux signaler également que, pour ce qui est de la pauvreté et du bien-être, le vrai problème de pauvreté chez les personnes âgées touche les plus âgées d'entre elles. Les hommes et les femmes qui atteignent l'âge de 80 ans sont ceux chez qui le taux de pauvreté est le plus élevé.
Il y a une question liée au revenu — si vous voulez parler du bien-être et de la pauvreté chez les personnes âgées — et c'est les soins qui leur sont offerts. Les chiffres sur le revenu n'indiquent rien au sujet de l'accès des personnes âgées à des soins au Canada. Pour bon nombre de personnes âgées, c'est ce qui consomme la plus grande partie de leur revenu. Jusqu'à maintenant, le Canada n'a pas fait du bon travail à cet égard.
Vous avez posé tout à l'heure une question sur les biens immobiliers. L'une des choses dont nous nous sommes aperçus, lorsque le marché de l'immobilier s'est effondré aux États-Unis, c'est que tous les plans des femmes âgées qui pensaient vendre leur maison pour avoir accès à des soins sont tombés à l'eau.
Le sénateur Cordy : Pourquoi les personnes les plus âgées sont-elles les plus pauvres? Qu'est-ce qui change entre 75 et 80 ans et qui les rend plus pauvres?
M. Myles : L'un des facteurs, c'est que les personnes âgées ont tendance à utiliser à ce moment-là des actifs dont ils disposent. M. Picot a présenté des données qui montrent pourquoi le taux de remplacement du revenu est plus faible chez les riches. Ceux-ci ont tendance à puiser davantage dans leurs ressources en vieillissant, et ils sont confrontés à des problèmes relatifs à l'indexation et à ce genre de choses. La perte du conjoint et le divorce font en sorte que la pauvreté est davantage concentrée chez les femmes. Si les femmes apprenaient à épouser des hommes plus jeunes qu'elles, ce problème n'existerait plus.
Le sénateur Cordy : Il devrait y avoir une loi à cet égard.
M. Myles : Oui.
Le sénateur Cordy : Le sénateur Mercer a parlé des immigrants qui entrent sur le marché du travail du Canada à l'âge de 40 ans, disons, ou assurément plus tard qu'à 20 ans.
J'ai commencé à enseigner lorsque j'avais 20 ans. Mes filles et leurs amies, qui sont dans la vingtaine avancée ou au début de la trentaine, sont nombreuses à avoir passé 10 ans à travailler à contrat. Elles ont des diplômes universitaires — certaines ont des prêts étudiants —, mais elles ne commencent pas leur carrière ou ne trouvent pas un emploi à temps plein avant 28 ou 29 ans.
Avez-vous fait des prévisions quant à la situation de ces gens? Vont-ils travailler pendant plus longtemps? J'imagine que nous ne savons pas.
M. Picot : Nous n'avons pas fait de prévisions. Nous en avons discuté. En fait, nous en avons discuté ce matin. En théorie, un modèle de simulation nous permettrait, à Statistique Canada, de faire une projection à partir du salaire de gens actuellement dans la vingtaine ou dans la trentaine, de calculer ce qu'ils vont gagner pendant leur vie et de déterminer comment leur salaire va évoluer, par rapport aux cohortes précédentes. Nous n'avons pas fait ces prévisions, mais, en théorie, nous pourrions le faire. Nous avons parlé de le faire.
Vous semblez bien connaître toutes les questions que nous avons abordées. Je pense que les gens qui ont actuellement moins de 40 ans sont confrontés à certains problèmes. L'un de ces problèmes, c'est le fait de commencer à travailler plus tard au cours de leur vie. Les jeunes ont toujours occupé plusieurs emplois au début de leur vie active. C'est ainsi que les choses se passent sur le marché du travail. Ils changent d'emploi jusqu'à ce qu'ils trouvent la bonne entreprise pour eux. Le résultat, c'est l'augmentation de la productivité, ce qui est une bonne chose. Celle-ci a augmenté, comparativement aux périodes précédentes.
Les gens qui appartiennent à la génération dont nous parlions et qui commencent à travailler plus tard gagnent moins que leurs prédécesseurs, ils participent moins à des régimes de pensions et accumulent moins de richesse, semble- t-il. Si je devais me préoccuper d'une seule génération, pour ce qui est des politiques relatives aux pensions, c'est celle-ci que je choisirais.
M. Fougère : Nous n'avons pas fait de prévisions par rapport à l'immigration, mais nous avons effectué une analyse des répercussions économiques qu'aurait une sélection plus rigoureuse des immigrants. La seule chose que je veux vous dire concerne l'une des hypothèses importantes en ce qui concerne les coûts d'intégration par rapport au fait que les avantages économiques soient significatifs ou non. Les coûts d'intégration sont un déterminant important. Si nous présumons, pour les besoins de l'analyse, qu'il n'y a pas de coûts d'intégration — c'est-à-dire que les immigrants s'adaptent comme le reste des Canadiens —, nos résultats laissent croire que nous réalisons un gain net au chapitre des répercussions économiques à long terme.
Cependant, si nous prenons les observations actuelles et tenons compte des coûts d'intégration, nous obtenons un résultat qui n'est pas positif. Je pense que la question des coûts d'intégration des immigrants est un élément important. Même si les immigrants qui arrivent au Canada ont un bon degré de scolarité, ils peuvent avoir besoin de beaucoup de temps pour trouver un emploi, ou encore retourner à l'école. Ces années qu'ils passent à l'école ou à chercher un emploi ne sont pas des années de travail. C'est un coût important sur le plan économique.
La présidente : Merci à tous. Vos témoignages ont été excellents et très éclairants. Nous sommes heureux que vous soyez venus ici aujourd'hui.
Nous allons maintenant entendre les témoignages de Derek Hum, professeur d'économie à l'Université du Manitoba, et de Richard Shillington, conseiller délégué principal chez Informetrica Limited. Alice West, présidente de Women Elders in Action, et Elsie Dean, attachée de recherche au sein de la même organisation, participent également à la séance par vidéoconférence.
Bienvenue à tous et à toutes. Nous allons commencer par M. Hum.
Derek Hum, professeur d'économie, Université du Manitoba, à titre personnel : Je suis heureux d'être ici. J'ai entendu la fin de l'exposé précédent, alors je vais faire une brève introduction et sauter la section qui énonce le fait que la population est une structure vieillissante, en partie en raison du faible taux de natalité, qui engendre une croissante lente et faible de la main-d'œuvre.
Le Canada a toujours été une terre d'accueil pour les immigrants, et le pays compte aujourd'hui sur eux pour assurer la croissance de la population. Sans l'immigration, le taux d'accroissement de la population serait nul, et c'est l'accroissement de la population qui donne lieu à la croissance de la main-d'œuvre et de la productivité.
L'une des questions que je vais aborder, c'est celle des régimes de pensions publics. Au Canada, ils sont fondés sur une formule de cotisation à répartition. Le rapport important ici, c'est celui du nombre de personnes admissibles aux prestations divisé par le nombre de travailleurs qui paient des impôts et financent ainsi les régimes. Le succès dépend de la productivité économique, de la croissance de la main-d'œuvre et, dans notre situation, il dépend également de l'importance de l'immigration et du rendement des immigrants. Les pressions qui s'exercent sur les régimes de pensions publics varient en fonction du rapport entre le nombre de personnes admissibles aux prestations et le nombre de travailleurs. Cela signifie qu'il y a des pressions pour le maintien du niveau des prestations et des cotisations, ainsi que pour offrir aux travailleurs différentes options de retraite et le choix du moment de leur retraite.
Comme le RPC est axé sur l'historique de travail et la rémunération cumulative des cotisants, le programme s'applique également à tous les travailleurs. En gros, le problème auquel sont confrontés les immigrants est le suivant : est-ce que le salaire des immigrants converge rapidement vers celui de leurs concitoyens canadiens et atteint le même niveau? Le cas échéant, les perspectives de retraite des immigrants sont semblables à celles des autres Canadiens. Cela ne signifie donc pas qu'il n'y a pas de problème, mais bien qu'il est à peu près le même pour tous.
En ce qui concerne les immigrants, dans leur jargon, les économistes nomment deux aspects de la convergence comme suit : l'effet d'entrée et l'effet d'assimilation.
L'effet d'entrée tient au fait que les immigrants sont désavantagés, sur le plan économique, lorsqu'ils s'installent au Canada, en raison non seulement de la langue ou des compétences, mais également, dans certains cas, parce qu'ils doivent s'adapter au marché du travail et à la façon d'effectuer une recherche d'emploi. Parfois, on ne reconnaît pas leurs titres de compétence, ce que nous appelons un capital humain, et ils sont également confrontés à des problèmes quant à ce que nous appelons le réseau social. Dans bien des cas, pour que le candidat décroche un emploi, il faut qu'il connaisse quelqu'un qui sait que ses compétences correspondent aux exigences de l'employeur éventuel, et il faut parfois du temps pour nouer ce genre de lien.
Dans le passé, on voyait les immigrants comme des gens motivés à travailler et ainsi de suite. Avec le temps, une bonne partie des inconvénients disparaissent. Ils sont surmontés. En étant davantage motivés que leurs concitoyens nés au Canada, les immigrants finissent souvent par avoir un meilleur salaire. Ce mythe a été l'un des plus tenaces, au Canada, peut-être en raison de la période faste qu'ont été les années 1960.
Il y a deux figures dans le document que je vous ai remis. Tout bon économiste se doit de présenter un ou deux diagrammes, mais je ne vais pas parler de ces deux figures pour l'instant.
Ce qui devrait nous préoccuper, c'est l'expérience récente des immigrants. Au cours des deux ou trois dernières décennies, les salaires des immigrants n'ont pas convergé aussi rapidement vers ceux de leurs concitoyens que par le passé. D'après certaines estimations, notamment celles de MM. Picot et Morissette, l'écart s'est accru, c'est-à-dire le manque à gagner des immigrants lorsqu'ils entrent sur le marché du travail, et d'après le travail de Hum et Simpson, mon propre travail, les immigrants n'arrivent jamais à rattraper leurs concitoyens. C'est une idée différente du mythe qui s'est répandu après les années 1960.
Les cohortes antérieures ont connu des effets d'entrée limités, une assimilation et une convergence rapides, et ils ont même surpassé leurs concitoyens nés ici au chapitre du rendement économique. Les cohortes actuelles subissent des effets négatifs de plus en plus importants. Ils s'assimilent lentement, et ils sont nombreux à ne jamais voir leur situation converger vers celle de leurs concitoyens nés ici. Nous pourrions reparler des causes de ce phénomène plus tard. Aujourd'hui, la question qui se pose pour les membres du comité, c'est la suivante : les immigrants parviendront-ils à obtenir un salaire approchant celui des travailleurs nés au pays? Si c'est le cas, leurs perspectives de retraite seront les mêmes que celles de ces derniers. Sinon, leurs pensions seront moins élevées, ils seront plus pauvres, et leur niveau de bien-être sera moins élevé — ce sont les conséquences dont vous avez entendu parler les témoins précédents. Je veux donc parler des effets de cet écart entre les gens nés ailleurs et les gens nés au pays au chapitre des pensions. Voici une façon de poser le problème : quelles est la somme correspondant à l'écart devant lequel est placée une cohorte d'immigrants qui va travailler pendant 25 ans?
M. Picot a dit ne pas avoir examiné la question des profils de rémunération cumulative. C'est à cet égard que je pense pouvoir apporter une contribution. J'ai évalué les profils de rémunération cumulative des gens nés ici et des immigrants. Je ne vais pas me lancer dans une analyse technique d'économétrie, mais il est évident que, si les régimes de pensions publics sont axés sur la rémunération cumulative, pour déterminer ce que sera leur revenu lorsqu'ils prendront leur retraite, les gens doivent calculer ce qu'ils ont gagné pendant leur vie. Ainsi, il serait inutile d'envisager les gains réalisés sur une courte période ou sur un ou deux ans.
J'ai tout simplement choisi des immigrants ou des cohortes d'immigrants, et, compte tenu de l'effet d'entrée négatif et du taux d'assimilation, j'ai évalué leur profil de rémunération cumulative pour toute leur vie active, jusqu'au moment de la retraite. Ensuite, j'ai pris un échantillon comparable de gens nés ici et j'ai fait les mêmes calculs. Lorsque je dis comparable, je veux dire que si, par exemple, l'immigrant est un homme marié ayant fait des études postsecondaires, je choisis un homme né ici et ayant aussi fait des études postsecondaires, ainsi de suite, parce qu'il ne serait pas juste de comparer, disons, un médecin immigrant avec un charpentier né ici. C'est donc ainsi que j'envisage les choses. Ensuite, j'ai fait des calculs à partir de ces profils, et le reste, ce sont des calculs économiques, qui ont permis d'obtenir ce que nous appelons la valeur actualisée nette de la rémunération cumulative des membres de mon échantillon. Ce calcul permet d'obtenir la somme qui leur est accessible au moment de la retraite. J'ai ensuite calculé le rapport entre cette somme chez les immigrants et la somme correspondante chez les gens nés ici, de façon à obtenir une proportion et que nous n'ayons pas à nous soucier du montant en dollars, de l'inflation et de l'évolution des chiffres.
Après tout ça, je ne veux pas que vous pensiez que ce calcul est un tour de magie, mais il faut passablement de calculs détaillés pour obtenir un chiffre significatif. Je ne veux pas vous parler de toutes les équations et de tous les calculs. Je résume mes calculs dans le tableau 1, en présentant deux taux d'escompte — j'ai choisi 5 et 10 p. 100 —, ce qui revient grosso modo à un taux d'intérêt. Les autres chiffres représentent les immigrants qui sont arrivés entre 1976 et 1980, entre 1981 et 1985, et entre 1986 et 1990, et ainsi de suite, parce que la situation économique au moment où ils arrivent au pays détermine comment ils vont s'en sortir, et toutes ces choses.
Ce qui en ressort — et je ne vais pas qualifier les chiffres en disant qu'ils sont gros ou petits —, c'est un chiffre de l'ordre de 20 ou 30 p. 100, qui augmente avec le temps; voilà donc une façon d'envisager la question. L'écart entre les gains, à la page 19, est de l'ordre de 20 p. 100 chez les immigrants qui ont autour de 69 ans, et d'environ 10 p. 100 lorsqu'ils ont 60 ans, ce qui montre un manque à gagner pour les immigrants, par rapport aux Canadiens.
Les chiffres de ce tableau ne signifient pas que les Canadiens ne sont pas également désavantagés. Ils constituent simplement une indication de la situation des immigrants par rapport à celle des Canadiens nés ici. J'ai choisi l'âge de 69 ans comme point de repère, parce que c'est le moment où les gens doivent commencer à toucher leurs pensions. À l'université où je travaille, il n'y a pas d'âge de retraite obligatoire, mais, à 69 ans, nous devons réduire notre charge de travail. C'est une convention. C'est le nouvel âge de Bismarck. L'écart est de 20 p. 100. C'est le résultat que j'obtiens.
Je sais que j'ai présenté de façon très générale des calculs subtils, mais la conclusion, c'est que les immigrants continuent de s'en sortir moins bien que les gens nés ici au chapitre des revenus. L'écart entre les revenus de pensions des gens nés ailleurs et des gens nés ici va probablement s'accroître. La dernière conclusion est pour les chercheurs : plusieurs ensembles de données, pour tout le recensement ainsi que, dans le détail, les fichiers de déclaration d'impôts et l'Enquête sur la dynamique du travail et du revenu ou EDTR, présentent des chiffres semblables, ce qui nous assure dans une certaine mesure que je n'ai pas tiré ces chiffres de nulle part.
Richard Shillington, conseiller délégué principal, Informetrica Limited : Merci de m'avoir invité à parler des programmes de sécurité du revenu pour les personnes âgées. Je profite de l'occasion pour vous présenter un long mémoire sur ces questions. Je veux commencer par mettre l'accent sur l'importance de la Sécurité de la vieillesse, du Supplément de revenu garanti et du Régime de pensions du Canada, pour la sécurité du revenu des Canadiens.
Je vais parler de la moitié des Canadiens qui n'ont pas accès à un régime de retraite professionnel avant de prendre leur retraite, et dont une bonne partie ont un revenu faible. Le fait qu'on décide de dire qu'ils sont pauvres dépend de l'indicateur de la pauvreté qu'on utilise. Je ne pense pas que le fait qu'on dise qu'ils sont pauvres ou non change quoi que ce soit à leur niveau de vie ou à leur revenu.
Environ la moitié des familles canadiennes prennent leur retraite sans prestations d'un régime de pensions d'employeur. Environ le quart des familles canadiennes prennent leur retraite sans prestations d'un régime de pensions d'employeurs ou d'un régime enregistré d'épargne-retraite ou REER. Les économies moyennes au titre des REER pour les ménages qui prennent leur retraite sans prestation d'un régime de retraite professionnel se situent entre 30 000 et 40 000 $. Je vais montrer que ces économies de 30 000 $ ou de 40 000 $ ne leur rendent pas beaucoup de service.
Dans le cas des personnes âgées qui vivent seules et qui n'ont pas de pensions — je veux dire par là pas de prestations dans le cadre d'un régime professionnel — le revenu médian était en 2002 de 15 000 $; 82 p. 100 d'entre eux ont un revenu inférieur à 20 000 $. Comme ce qui suit dans mon mémoire le montre, la façon dont le SRG est conçu fait qu'il est difficile pour ces personnes âgées à faible revenu d'améliorer leur situation financière. Je vais parler un peu de la récupération fiscale du SRG.
Environ 38 p. 100 des personnes âgées touchent des prestations du SRG. La majorité des personnes âgées qui prennent leur retraite sans prestations d'un régime professionnel sont admissibles au SRG. Les prestations du SRG sont réduites de 50 cents par dollar de revenu. À ce titre, le revenu comprend les prélèvements dans les REER, les revenus d'investissement et toute rémunération reçue. En plus de réduire les prestations du SRG, ces sources de revenus sont visées par l'impôt sur le revenu. Par conséquent, le taux d'imposition réel pour les personnes qui reçoivent des prestations du SRG est souvent de 50 ou 75 p. 100, si l'on inclut l'impôt sur le revenu.
À titre d'exemple, si une personne âgée qui touche des prestations du SRG prélève 1 000 $ dans ses REER, ses prestations du SRG seront réduites de 500 $ l'année suivante. De plus, elle doit payer l'impôt sur le revenu pour le montant retiré de ses REER, disons 200 $. Elle n'obtient donc que 300 $. Si elle vit dans un logement social, ce qui est le cas de beaucoup de personnes âgées à faible revenu, son loyer va augmenter de 300 $ à cause du montant retiré des REER. Cela supprime tout avantage qu'il y aurait à prélever de l'argent dans son REER.
En outre, selon la situation, le prélèvement dans les REER peut avoir d'autres incidences. Dans bon nombre de provinces, la personne paiera plus cher ses médicaments d'ordonnance parce que la franchise est fonction du revenu. Elle paiera également plus cher les soins obtenus à domicile dans certaines provinces. Par ailleurs, dans certaines municipalités, le coût des services de repas à domicile peut changer en raison de ce prélèvement dans les REER.
Les prestataires du SRG qui vivent dans des logements sociaux peuvent facilement être assujettis à un taux d'imposition réel de 100 p. 100. Ils n'ont pas le droit de profiter d'un avantage quelconque découlant d'un salaire supplémentaire ou d'un prélèvement de REER.
C'est surtout le gouvernement qui profite des revenus d'emploi et des retraits de REER.
La structure du SRG engendre un cercle vicieux de la pauvreté, puisqu'il est très difficile pour les aînés à faible revenu d'améliorer leur situation financière en utilisant leurs économies au titre des REER ou en occupant un emploi à temps partiel.
Je vais faire quelques observations au sujet de l'administration de la SV, du SRG et du RPC. On m'a dit que le comité se penchait sur la pauvreté et les personnes âgées, alors ce sont ces questions que j'ai examinées.
Un moyen simple d'améliorer la situation financière des personnes âgées à faible revenu consiste à s'assurer qu'elles touchent les prestations auxquelles elles ont droit. Il faut admettre que la majorité reçoivent bel et bien leurs prestations de la SV, du SRG et du RPC, et que le système fonctionne bien pour tout le monde sauf une petite proportion des gens. J'ai commencé à m'occuper de ces questions il y a six ans environ lorsque j'ai pris connaissance du fait que, à l'époque, environ 300 000 personnes âgées ne touchaient pas le SRG alors qu'elles y avaient droit. Il y a eu un peu de publicité, et des personnes âgées confrontées à toutes sortes de problèmes relatifs à la SV, au SRG et au RPC ont communiqué directement avec moi pour expliquer leur situation, ce qui a donné forme aux observations dont je vais vous faire part.
Je vais parler de la SV, du SRG et du RPC, et je vais aborder brièvement les questions de la participation, des paiements rétroactifs, des intérêts sur les paiements rétroactifs et de la détermination des erreurs administratives.
Des milliers de personnes âgées ne touchent pas les prestations de la SV, le SRG, les prestations de retraite du RPC, les prestations de survivant, d'invalidité et de décès auxquelles elles ont droit. Des milliers de personnes âgées ratent l'occasion de toucher ces prestations de retraite.
Le nombre de personnes qui ne reçoivent pas leurs prestations de retraite du Régime des rentes du Québec est pratiquement nul, puisque les administrateurs de ce régime communiquent directement avec les gens, par téléphone si besoin est, pour les inscrire s'ils savent qu'ils sont admissibles aux prestations de la RRQ. Dans bien des cas, les personnes âgées qui n'obtiennent pas les prestations du SRG auxquelles elles ont droit n'obtiennent pas non plus des prestations provinciales de santé liées à l'admissibilité au SRG ou aux soins infirmiers à domicile.
À Terre-Neuve-et-Labrador, les bénéficiaires du SRG peuvent participer à un régime d'assurance-médicaments, mais pas les personnes âgées qui ne reçoivent pas le SRG. Les gens qui ne touchent pas le SRG alors qu'ils y ont droit ne reçoivent pas non plus les médicaments d'ordonnance auxquels ils auraient eu droit gratuitement.
La règle générale qui est en en vigueur à Ottawa, c'est que lorsqu'un paiement rétroactif est effectué — lorsqu'une personne âgée découvre 15 ou 20 ans plus tard qu'elle avait droit à ces prestations —, il s'agit d'un paiement rétroactif de 11 mois. C'est vrai même du RPC, qui est pourtant financé à même les cotisations des citoyens.
Lorsque des paiements rétroactifs sont effectués, les intérêts ne sont pas inclus. Les intérêts ne sont même pas comptés lorsque le paiement rétroactif découle d'une erreur commise par le gouvernement. Comme le RPC est un régime contributif, les dispositions relatives aux paiements rétroactifs devraient tenir compte de la responsabilité du fiduciaire.
Même si nous admettons que le ministère n'a aucune obligation d'informer les citoyens de leur admissibilité à des prestations, même si le ministère n'a aucunement l'obligation d'informer les personnes âgées au sujet du RPC lorsqu'elles sont au guichet et présentent une demande de prestations de la Sécurité de la vieillesse, cela n'a aucune incidence sur leur admissibilité aux prestations financées par leurs cotisations au RPC au moment où elles découvrent qu'elles n'ont pas reçu ces prestations.
Pour résumer, j'ai parlé brièvement d'un certain nombre de choses : la récupération du SRG, ou de son effet, que j'appelle le cercle vicieux de la pauvreté, la participation à la SV, au SRG et au RPC et la portée des paiements rétroactifs et les intérêts sur ces paiements rétroactifs.
La présidente : Merci. L'information que vous nous avez transmise nous donne vraiment matière à réflexion. Permettez-moi maintenant de donner la parole aux représentants de Women Elders in Action. Il semble que Jan Westlund se trouve également ici. Comme elle ne parlera pas, elle ne sera pas filmée. Bienvenue, madame Westlund.
Nous allons commencer par Mme West, la présidente du groupe.
Alice West, présidente, Women Elders in Action (par vidéoconférence) : Merci beaucoup, sénateur Carstairs. Nous avons beaucoup parlé, au sein de notre groupe, qui est composé de femmes âgées, de la pauvreté, des raisons pour lesquelles les femmes âgées, en particulier, ont des problèmes de logement, de transport et avec toutes les autres choses qui découlent de la pauvreté.
Nous avons été incitées à envisager la situation des femmes âgées dont le revenu est inférieur au seuil de faible revenu, parce que tant de femmes faisaient partie de ce groupe. En discutant avec ces femmes, nous avons découvert qu'il existe beaucoup de mythes à leur égard. L'un d'entre eux, c'est que les femmes travaillent autant que les membres des autres groupes de la population aujourd'hui. Nous avons constaté que 58 p. 100 des femmes de plus de 15 ans et 68 p. 100 des hommes travaillaient en 2004. Les femmes occupent un emploi rémunéré pendant 75 p. 100 seulement de la période au cours de laquelle elles pourraient le faire, contre 94 p. 100 chez les hommes. Les femmes sont presque deux fois plus susceptibles que les hommes de s'occuper des enfants et des membres de leur famille qui vieillissent.
Un autre mythe, c'est que les femmes sont plus instruites aujourd'hui, ce qui leur permet de décrocher des emplois professionnels bien payés. Des gens qui ont des certificats, diplômes ou baccalauréats occupent 38 p. 100 des emplois mal payés et sans débouchés. Les femmes occupent les deux tiers de ces emplois. Pas moins de 40 p. 100 des emplois qu'occupent les femmes sont des emplois qu'on juge atypiques, contractuels, à temps partiel ou temporaires, qui s'assortissent de peu d'avantages sociaux ou d'aucun avantage.
Ensuite, nous entendons dire que les femmes qui travaillent cotisent au Régime de pensions du Canada, qui leur assure un revenu de retraite confortable, et c'est un peu un mensonge. La pension moyenne que les femmes recevaient en octobre 2005 était de 334 $. Ce chiffre correspond à 63 p. 100 de la pension touchée par les hommes en moyenne, soit 527 $. Les femmes travaillent moins, et, souvent, gagnent moins, et, comme les prestations du RPC sont fondées sur les gains, leur pension est modeste.
Un autre mensonge, c'est que les femmes gagnent d'excellents salaires aujourd'hui. Ce n'est pas vrai. Voici ce qu'on peut lire à la page 133 du rapport intitulé Femmes au Canada : rapport statistique fondé sur le sexe, publié par Statistique Canada en 2006 :
En 2003, le revenu annuel moyen de toutes les sources avant impôt des femmes de 16 ans et plus, incluant le revenu d'emploi, les paiements de transfert du gouvernement, le revenu de placement et les autres revenus monétaires étaient de 24 400 $. C'est seulement 62 p. 100 du revenu des hommes, qui étaient de 39 300 $ en moyenne cette année-là.
Les femmes qui travaillent à temps plein gagnent en moyenne seulement 71 cents par dollar que gagnent les hommes. En Colombie-Britannique, nous avons constaté que la moitié des femmes âgées ont un revenu inférieur à 15 000 $ par année. Les femmes membres des professions libérales ont également un retard sur les hommes au chapitre des salaires. Prenons par exemple les postes d'enseignement à temps plein : les enseignantes gagnent en moyenne 47 500 $, alors que leurs collègues du sexe masculin gagnent en moyenne 63 300 $.
Il y a encore un autre mensonge, et c'est que les femmes qui travaillent participent à un régime de pensions de l'employeur qui leur permet d'augmenter leur revenu de retraite. En 2001, plus de 60 p. 100 des femmes qui travaillaient n'avaient pas accès à une pension de l'employeur. Le nombre d'entreprises qui offraient une pension de l'employeur était moins élevé en 2006, et nous constatons maintenant qu'on délaisse les régimes à prestations déterminées pour adopter des régimes à cotisations déterminées, ce qui est à l'origine d'un autre grand mythe.
On dit souvent aux femmes que les prestations de pension de leur mari vont être plus que suffisantes pour les deux si elles n'en ont pas, mais, la plupart du temps, les femmes vivent plus longtemps que leur mari, et, lorsque leur mari décède, le dernier taux de prestations du survivant est de 60 p. 100. Les spécialistes de la question des pensions affirment que les femmes ont besoin de recevoir les mêmes prestations qu'auparavant moins 10 ou 15 p. 100 pour maintenir le même niveau de vie qu'auparavant.
Dans bien des cas, les prestations dans le cadre d'une pension de l'employeur ne sont pas indexées. Comme le coût de la vie augmente, cela engendre une autre difficulté. À cause de cela, le survivant peut perdre de 2 à 3 p. 100 de plus par année du montant des prestations.
En cas de divorce, le partage des pensions, notamment des pensions de l'employeur, n'est pas obligatoire. Il faut le demander.
Beaucoup de gens proposent les REER comme solution, mais nous constatons qu'il n'est pas facile de cotiser à un REER. Trois familles sur dix n'ont ni pension dans le cadre d'un régime privé, ni pension de leur employeur ni REER. Elles ont donc de la difficulté à trouver l'argent nécessaire pour faire ces cotisations. En 2005, moins du tiers des gens qui pouvaient le faire ont cotisé à l'un ou l'autre de ces régimes. Cette année-là, les cotisants n'ont versé que 7 p. 100 du montant maximal des cotisations.
Un autre mythe, c'est que la pension offerte par le gouvernement aux personnes qui atteignent l'âge de 65 ans est suffisante. La pension de la sécurité de la vieillesse qui est versée aux gens de 65 ans et plus était d'environ 492 $ par mois au début de 2007. Si on rajoute le SRG versé aux gens qui n'ont pas d'autres ressources de revenu, le montant passe à environ 1 113 $. En comptant le montant moyen des prestations du RPC que les femmes reçoivent ou les sommes du même ordre provenant d'autres sources, on obtient un revenu total d'environ 1 260 $ par mois ou 15 120 $ par année.
Beaucoup d'immigrants qui n'ont pas vécu au Canada pendant au moins 40 ans entre 18 et 65 ans ne sont pas admissibles à la pleine pension de la sécurité de la vieillesse.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Elsie Dean, qui a des solutions à proposer pour sortir les femmes de ces situations difficiles.
Elsie Dean, attachée de recherche, Women Elders in Action (par vidéoconférence) : Merci d'avoir invité notre organisation, et de m'avoir invitée à comparaître.
Vous avez entendu Mme West vous parler des mythes concernant les femmes et leur revenu, et nous avons des propositions de solution visant à réduire la pauvreté dont nous avons constaté l'existence, surtout chez les femmes seules.
L'une de nos recommandations, c'est d'augmenter le SRG, de façon que le total de la pension de la sécurité de la vieillesse et du SRG soit à un niveau correspondant au moins au seuil de faible revenu avant imposition. Nous aimerions aussi voir augmenter le plafond de revenu pour les contributions maximales au Régime de pensions du Canada. Nous pensons qu'il serait possible de le faire passer de 40 500 $ à au moins 60 000 $. Cette augmentation accroîtrait le fonds du RPC, et le régime pourrait être modifié de façon à remplacer 50 p. 100 du revenu des travailleurs à faible revenu, qui, bien entendu, sont en grande partie des femmes. Le maximum actuel de 25 p. 100 du salaire moyen fait que les gens les moins bien payés continuent de vivre dans l'extrême pauvreté, comme vous l'avez entendu dire.
Nous sommes contre la privatisation des régimes de pensions publics. On en entend beaucoup parler. Nous savons que les régimes ont été privatisés dans certains pays et que c'est déjà un échec. Il serait désastreux de demander aux femmes et travailleurs à faible revenu de constituer un fonds d'épargne pour leur retraite seulement à partir de leur propre revenu.
En ce qui concerne la valeur des soins offerts par des bénévoles, le chiffre était d'environ cinq milliards de dollars en 1996. Il a augmenté depuis, et il va probablement continuer de le faire. Nous sommes d'avis qu'il faut reconnaître les soins offerts par des bénévoles et que le RPC pourrait prévoir une période d'exclusion prolongée pour les bénévoles qui offrent des soins aux personnes handicapées et aux personnes âgées, puisqu'il semble y avoir une tendance à la hausse dans ce domaine.
Nous pourrions également nous assurer que le revenu inférieur au seuil de la pauvreté n'est pas imposé. Cette mesure ferait en sorte que les gens dont le revenu est faible aient un peu plus d'argent dans leurs poches.
En décembre 2007, nous avons revu nos recommandations concernant la conversion des déductions fiscales en crédits pour RPA et REER. D'après ce que nous avons lu dans le document intitulé Sécurité financière pour les femmes âgées au Canada en 2007, il faudrait réduire les cotisations maximales à un REER et réinvestir les recettes fiscales ainsi récupérées pour augmenter les prestations de la SV et du SRG offertes aux gens dont le revenu est faible. Nous appuyons cette recommandation.
Nous avons des questions au sujet du fractionnement du revenu. Cette mesure ne vient pas en aide aux personnes seules, et elle n'aidera pas les femmes seules dont le revenu est faible. Nous croyons qu'il faut se pencher sur cette mesure pour déterminer si elle est équitable et déterminer quel avantage on peut offrir aux gens seuls dont le revenu est faible pour remplacer le fractionnement du revenu.
Nous sommes d'avis qu'il faut indexer pleinement les pensions gouvernementales. Nous sommes préoccupées par le fait que, il y a quelques années, le gouvernement fédéral n'a pas pleinement indexé les pensions en fonction du coût de la vie, et que l'argent n'a jamais été distribué. Nous croyons que le gouvernement fédéral devrait évaluer les sommes qu'il a épargnées et envisager des façons d'utiliser cet argent pour accroître le revenu des personnes dont le revenu est faible.
Bon nombre de politiques complémentaires pourraient être adoptées pour accroître le revenu des gens dont le revenu est faible ou leur rendre la vie plus intéressante. L'une de ces politiques, bien sûr, a trait au fait que le logement est devenu un véritable problème aujourd'hui. Nous constatons que les gens consacrent 70, 80 et même, dans certains cas 90 p. 100 de leur revenu au logement. Nous recommandons fortement aux gouvernements provinciaux et fédéral de recommencer à investir dans le logement abordable de qualité.
À Vancouver, le loyer d'un appartement à une chambre à coucher dépasse largement 1 000 $ par mois. On comprend que les gens dont le revenu est faible n'ont plus d'argent pour se nourrir après avoir payé leur loyer. C'est quelque chose d'important. Le fait que les prix augmentent dans le domaine de l'immobilier n'aide pas les gens dont le revenu est faible, parce que leur loyer augmente aussi. Il semble y avoir consensus sur le fait que les gens peuvent vendre leur maison, mais ce point de vue ne concorde pas avec l'idée de vieillir là où on a vécu, ce qui est le désir de la plupart des personnes âgées.
Voilà quelques-unes de nos recommandations. Il y en a de nombreuses autres dans le document que nous vous avons fait parvenir et qui s'intitule Pensions in Canada : Policy Reform Because Women Matter. Nous espérons que vous allez lire ces recommandations et en tenir compte. Merci.
Le sénateur Mercer : Merci à tous d'être venus ici aujourd'hui. Ce que vous avez dit donne vraiment à réfléchir. Monsieur Shillington, vous nous avez effrayés, mais je pense que vous avez également confirmé beaucoup de choses que nous savions déjà. Le dernier groupe, Women Elders in Action, s'est présenté armé de 12 recommandations.
Si vous aviez une seule recommandation à nous faire — je vois que ce que je dis ne vous plaît pas — dites-nous quelles sont vos deux ou trois recommandations les plus importantes, si nous devions résumer.
M. Shillington : La tâche est difficile. Mon opinion est en partie biaisée par les histoires que j'entends. Si j'avais à formuler une seule recommandation — et elle se trouve dans mon mémoire —, ce serait que le calcul du supplément de revenu garanti ne tienne pas compte — je propose un chiffre — de la première tranche de 4 000 $ de revenu. Je devrais probablement dire 5 000 $, pour pouvoir avoir 4 000 $ après marchandage.
Ma recommandation, c'est qu'on ne tienne pas compte de la première tranche de 4 000 $ ou 5 000 $ de revenu pour le calcul du SRG, peu importe la source de revenu. La raison pour laquelle je choisis cette recommandation, c'est qu'elle permettrait à beaucoup de personnes âgées d'obtenir de l'argent. Beaucoup de gens touchent un revenu d'une source ou d'une autre.
Ce qui est encore plus important, c'est que l'application de cette recommandation leur permettrait d'améliorer leur situation. En ce moment, il y a une certaine proportion de personnes âgées qui touchent le SRG et qui trouvent une façon de gagner de l'argent, sans savoir que, six mois plus tard, elles vont perdre pratiquement tout ce qu'elles ont gagné.
Parmi les études de cas que je présente à la fin de mon mémoire, il y a l'histoire de Frank, qui a fait le calcul et qui a déterminé qu'il avait perdu tout son argent. Si vous visitez mon site web, vous trouverez dans la section intitulée « Retirement Planning for the « Rest of Us » », des conseils quant à la façon de déterminer si vous toucherez le SRG lorsque vous prendrez votre retraite. Vous pouvez ainsi vérifier si c'est une bonne idée de cotiser à un REER ou encore si c'est le pire investissement possible dans votre cas parce que le tout va être récupéré. Je ne veux pas donner ce conseil aux Canadiens. Je ne veux pas que les Canadiens me demandent s'ils doivent se débarrasser de leurs REER. J'aimerais dire à tout le monde de profiter de l'avantage fiscal qu'offrent les REER, et j'aimerais leur dire qu'ils seront traités équitablement lorsqu'ils prendront leur retraite et retireront de l'argent de leurs REER. Nous pourrions adopter un système qui permettrait aux gens de retirer un peu d'argent chaque année, disons 3 000 ou 4 000 $ — ce qui est probablement beaucoup d'argent pour eux, mais qui ne sera probablement pas beaucoup d'argent pour nous lorsque nous prendrons notre retraite —, pour que les gens sachent que, tant qu'ils ne retirent que 3 000 ou 4 000 $ par année, ils peuvent garder leur argent. La même chose s'appliquerait à la rémunération : si les gens gagnent 4 000 ou 5 000 $ par année, qu'ils gardent cet argent.
Si j'avais à choisir une recommandation, ce serait celle-là, d'abord et avant tout parce qu'elle ferait augmenter le revenu des personnes âgées. Elle leur permettrait également d'avoir plus de liberté.
Le sénateur Mercer : Nos amis de Vancouver ont formulé 12 recommandations. Vous ne les avez pas classées par ordre de priorité. Si vous aviez à le faire, pouvez-vous nous dire lesquelles seraient prioritaires; pouvez-vous nous indiquer une, deux ou trois priorités?
Mme Dean : C'est difficile, parce que chacune des recommandations, si elle était appliquée, ne ferait augmenter qu'un peu le revenu des gens dont le revenu est faible. Nous aimerions qu'elles soient toutes envisagées avec sérieux.
Pour avoir écouté les débats et pour avoir lu au sujet de la privatisation des régimes de pensions, je dois dire que c'est l'une de nos préoccupations importantes. Nous savons que si cela devait se produire, il serait difficile pour les personnes dont le revenu est faible d'épargner. C'est un problème qui existe déjà.
L'autre recommandation, c'est d'accroître le SRG et de ne pas imposer tout revenu inférieur au seuil du faible revenu avant impôt. Cela aiderait.
Le sénateur Mercer : Monsieur Hum, avez-vous quelque chose à dire au sujet des deux ou trois recommandations les plus importantes?
M. Hum : Je vais faire ma petite contribution. J'ai fait beaucoup de travail dans ce domaine, même si ce n'est pas de cela qu'on m'a demandé de parler aujourd'hui. Je dois dire aux membres du comité que, dans une vie antérieure, j'étais directeur du volet recherche d'un programme de revenu annuel garanti. Sous un autre nom, le SRG est essentiellement un revenu annuel garanti pour les personnes de plus de 65 ans. En gros, si votre revenu de toutes sources est inférieur à un montant donné, le SRG a pour effet de le ramener à ce montant. Aucun autre groupe d'âge ne profite d'un revenu annuel garanti.
Dans ce vocabulaire, et d'après mes six ou sept années d'expérience d'exécution de ce programme, ce dont M. Shillington a parlé, c'est d'intégration fiscale et d'un impôt punitif. Dès que nous avons offert aux gens un revenu annuel garanti, ils nous ont répondu qu'ils n'en voulaient pas parce que le montant est petit et que cela cause des pertes au chapitre du logement, de l'accès aux soins dentaires, aux soins de la vue et à la formation. J'ai connu ce problème.
Dans ce contexte, ma priorité — et c'est une priorité qui n'est pas radicale —, c'est de faire deux choses : se concentrer sur la majoration du SRG. Si l'on a suffisamment d'argent, le rendre non imposable. Sinon, du moins — comme le suggère M. Shillington —, majorer le montant de l'exemption.
Dans ce qu'ont dit les représentants des femmes âgées et M. Shillington — je sais que M. Shillington le sait, mais il n'a pas insisté là-dessus — tous les problèmes d'intégration fiscale sont impossibles à régler à l'aide d'une recommandation faite au comité, parce que le RPC et le SRG relèvent du gouvernement fédéral — y compris au Québec —, mais tous les autres programmes de maintien du revenu et du bien-être, comme l'assurance-maladie, les soins dentaires et le logement, relèvent des gouvernements provinciaux.
À notre insu — je vais être généreux —, nous avons souvent des objectifs contradictoires. Les programmes qui visent à aider les mêmes groupes de gens visent des objectifs contradictoires.
Je ne pense pas que nous soyons en mesure de régler le problème des relations fédérales-provinciales aujourd'hui. Ainsi, dans ce contexte, nous devons présumer que les provinces vont faire ce qu'elles entendent faire de leurs programmes. Si elles décident de fixer le seuil pour les médicaments à tel ou tel niveau, je ne pense pas que le RPC, la SV ou le SRG vont servir à grand-chose.
Je ne fais pas l'autruche; tout ce que je dis, c'est qu'il faut laisser les provinces s'en occuper. Le problème continue d'exister, et c'est la raison pour laquelle je suis prêt à vivre avec le fait que les provinces exercent leur pouvoir pendant que le gouvernement fédéral se concentre sur l'augmentation du revenu. J'envisagerais probablement — je suis tellement optimiste — qu'on obtienne une coordination à l'échelle provinciale ou un code de conduite pour l'exemption du SRG, de la même façon que les pensions versées aux gens sont à l'abri des procédures judiciaires et ainsi de suite.
Ça me fait pas mal de choses à démêler aujourd'hui, moi qui réfléchis lentement. L'intégration des programmes pose problème, mais l'impôt punitif de 100 p. 100 demeure. La situation s'est améliorée dans certaines provinces. En ce qui concerne les prestataires de l'aide sociale, bon nombre de provinces ont décidé de ne pas exclure ces gens des programmes en question parce qu'ils touchent des prestations de l'aide sociale. Je ne vois pas en quoi il serait difficile de faire la même chose pour ce qui est du SRG.
Le sénateur Mercer : Monsieur Hum, en ce qui a trait à la participation des immigrants, si l'on semble d'accord pour dire que les immigrants ne vont pas s'en tirer aussi bien à la retraite que les Canadiens nés ici, avez-vous effectué à une analyse de la situation de leurs enfants?
M. Hum : Oui, nous l'avons fait. Leur situation est différente.
Le sénateur Mercer : Est-elle meilleure?
M. Hum : C'est autre chose. Avant de répondre, je veux dire que j'espère que ce que j'ai dit au sujet du fait que les immigrants ne rattrapent pas leurs concitoyens nés ici ne sera pas interprété comme une histoire tout à fait malheureuse. Ce n'est pas comme ça que j'ai présenté les choses.
J'ai publié récemment une étude qui englobait la deuxième génération, parce que c'est de celle-ci que je me préoccupais davantage. À de nombreux égards, je n'interprète pas toutes mes conclusions au sujet de l'incapacité de la première génération de rattraper les gens nés ici de façon négative, parce que beaucoup d'immigrants n'ont pas cette attente ou ne jouent pas ce rôle. À de nombreux égards, ils s'installent ici et se sacrifient pour que leurs enfants aient de meilleures perspectives d'avenir. Si nous échouons à la seconde génération, alors je pense que la société doit rendre des comptes. Je suis moins radical lorsqu'il s'agit de défendre la première génération.
Quelle est la situation? Chaque économiste a de bonnes et de mauvaises nouvelles à annoncer. Ce qu'on dit généralement, c'est que les membres de la seconde génération s'en tirent mieux que leurs parents, ceux de la première génération. Une personne optimiste qui envisagerait les choses à long terme dirait que le problème se règle de lui-même à la génération suivante. Cependant, le portrait change lorsque nous envisageons les sous-groupes de la population en question. La situation des enfants qui ont deux parents immigrants n'est pas la même que celle des enfants qui en ont un seul, c'est-à-dire qui sont nés du mariage d'un immigrant et d'une personne née ici. Leurs perspectives sont différentes du point de vue de la réussite professionnelle et du revenu. Ce qui complique encore davantage les choses, c'est que les choses sont différentes selon qu'un immigrant se marie avec une femme née ici ou qu'une immigrante se marie avec un homme né ici, ce qui veut dire qu'il y a un écart entre les sexes sur le plan de la réussite professionnelle.
Je vais mettre tout cela de côté pour envisager les choses du point de vue de l'économiste. Pourquoi la deuxième génération s'en tire-t-elle mieux que la première? D'après les résultats de mes recherches, le rendement dépend du degré de scolarité. Ce n'est donc pas parce que les membres de la seconde génération sont plus brillants ou plus chanceux, parce qu'ils gagnent plus souvent à la loterie ou parce qu'ils travaillent davantage qu'ils s'en tirent mieux. C'est l'éducation qui fait la différence. J'ai fait le calcul du nombre d'années d'études supplémentaires qu'un homme ou une femme de la deuxième génération ayant un ou deux parents immigrants obtient, et cetera, et c'est ce qui mène à un meilleur rendement. Si l'aphorisme économique selon lequel le salaire augmente de pair avec le degré de scolarité est vrai, ce qui est le cas à mon avis, alors on peut le citer pour expliquer le succès de la seconde génération.
Le sénateur Keon : Monsieur Hum, comme le sénateur Mercer l'a mentionné, les représentantes de Women Elders in Action ont avec compétence proposé 12 recommandations. Je pense au mode de paiement pour les soins de santé aux États-Unis, par rapport au Canada, et au fait que 30 p. 100 environ de l'argent dépensé aux États-Unis est gaspillé parce qu'il y a plusieurs payeurs. Nous économisons environ 30 p. 100 au départ en ayant un seul payeur. Il me semble que toutes ces recommandations ressemblent à un rêve de bureaucrate. Pouvez-vous imaginer le nombre de nouveaux édifices dont nous allons avoir besoin au pré Tunney si nous adoptons tous ces systèmes? Pourquoi ne pouvons-nous pas simplement insister le plus possible pour qu'il y ait un revenu familial garanti et un revenu personnel garanti, et oublier toutes les autres recommandations?
M. Hum : Je suis passé par là.
Le sénateur Keon : Je sais, c'est la raison pour laquelle c'est à vous que je pose cette question en premier.
M. Hum : Vous allez m'accorder trois minutes, n'est-ce pas?
Quelques-uns d'entre vous au moins êtes aussi vieux que moi et donc assez vieux pour vous souvenir de la conférence constitutionnelle de 1972, qui a été un échec parce que nous n'avons pas réussi à parvenir à une entente au chapitre des politiques sociales et du maintien du revenu, ce qui a mené à la réforme des programmes sociaux de Marc Lalonde, puis à l'expérience du revenu annuel garanti, et c'est à ce moment-là que nous avons tenté cette approche. Nous avons dit : « Pourquoi pas — dans le jargon — adopter la solution la plus simple, la solution spectaculaire? Nous pourrions supprimer l'assurance-chômage, l'aide sociale et tous ces autres programmes, et garantir à tout le monde un revenu annuel minimum, conçu pour fonctionner avec le régime fiscal. Le programme serait simple. Il n'y aurait plus personne au pré Tunney. On me garderait là-bas comme chercheur, bien sûr, mais nous serions débarrassés de tous ces problèmes. »
C'était une idée en avance sur son temps, et c'est une idée que j'appuie toujours, avec quelques rajustements. Je vais vous donner quelques éléments biographiques sur moi. Ce qui semble simple sur papier devient extrêmement complexe en pratique, parce que la situation des gens varie tellement que nous devons commencer à procéder à des rajustements. Nous avons fait des rajustements pour ce qui est des différentes intégrations du programme. Nous avons fait des rajustements concernant les étudiants et les stagiaires spécialisés en chirurgie cardiaque, qui vont gagner beaucoup d'argent mais qui, pendant une certaine période, avaient un revenu inférieur au seuil prévu et touchaient des prestations du revenu annuel garanti, jusqu'à ce que le ministre dise non. Nous avons dû établir la distinction entre la pauvreté temporaire et la pauvreté à long terme. Il a fallu définir les relations entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. Nous avons dû régler le cas des gens dont le revenu oscillait autour du seuil prévu. Nous avons dû régler le cas des gens qui, disons, changeaient de conjoints en fonction de la façon dont nous répartissions les avoirs. « Il m'a quittée, mais il a pris tous les avoirs de retraite », et ainsi de suite.
Le sénateur Stratton : Ce n'est plus comme ça.
M. Hum : Comme je l'ai dit, c'était une époque différente. Nous avons dû définir toutes sortes de dépenses d'urgence, par exemple pour des funérailles et d'autres tragédies, dépenses dont le montant peut être fixé au même niveau pour tous, peu importe l'âge, l'étape de la vie ou la situation. Je me suis fait baptiser, et c'est là que j'ai commencé à changer d'idée. Pour certains grands groupes, qui sont à peu près homogènes, nous pouvons faire fonctionner cette approche. Chez d'autres groupes, la complexité de la situation sur les plans matrimonial, financier, familial et de l'étape de la vie exige quelque chose de plus précis. Je suis en faveur du revenu annuel garanti, mais je ne suis peut-être plus aussi combatif et acharné que je l'étais, comme l'a dit Shakespeare, dans mes années de jeunesse.
M. Shillington : Grosso modo, pour les personnes âgées, il y a un revenu annuel garanti. J'ai l'impression que les coûts liés à l'administration de la SV, du SRG et du Régime de pensions du Canada sont particulièrement faibles par rapport aux avantages qui en découlent. Le défi énorme — je pense qu'il est peut-être insurmontable —, c'est d'élaborer un programme de revenu annuel garanti pour les jeunes qui vont un jour travailler. Il y a un revenu annuel garanti pour les personnes âgées, c'est la Sécurité de la vieillesse. Nous pourrions débattre de la pertinence du lien entre le nombre d'années passées au Canada et le montant des prestations. Le supplément de revenu garanti complète le revenu des personnes âgées dont le revenu est faible et le Régime de pensions du Canada. Chacune de ces mesures peut être améliorée, mais les bases sont déjà jetées.
Le sénateur Keon : Pourquoi nous tuons-nous à les analyser aujourd'hui, dans ce cas?
M. Shillington : Il y a la question du montant des prestations, et, si on m'y pousse un tout petit peu, je peux devenir cynique, parce que ça fait tellement longtemps que je travaille dans cette ville. Il faut se rappeler que la vaste majorité des gens qui élaborent ces politiques n'ont pas besoin des programmes en question. Je présume que personne ici n'est susceptible d'avoir besoin du supplément de revenu garanti au moment de la retraite, pour ceux qui ne l'ont pas encore prise.
Ce qui me frappe, c'est que, par rapport à la façon dont le programme est conçu, la raison pour laquelle le taux de récupération du supplément de revenu garanti est si élevé — le seul autre programme dont le taux de récupération soit plus élevé, c'est l'aide sociale —, c'est que nous croyons devoir accorder des prestations seulement aux gens qui en ont vraiment besoin, et non à ceux qui n'en ont pas besoin. C'est ce qui motive les règles du supplément de revenu garanti. Pour chaque dollar que nous consacrons au supplément de revenu garanti, nous dépensons 4 ou 5 $ pour accroître le revenu de retraite de gens qui ne sont pas pauvres. Nous n'utilisons pas le critère du besoin. Le revenu de retraite moyen des gens qui touchent une pension est de 20 000 $. Chez les couples qui touchent deux pensions, il est de 40 000 $. Une part importante de cet argent vient du traitement fiscal. On me chasserait de la ville si je disais que nous devrions accorder des suppléments liés aux REER — appelons-les comme ça — seulement aux gens qui en ont besoin.
Il ne serait absolument pas naturel de poser la question suivante : pourquoi utiliser l'argent des contribuables pour subventionner le revenu de gens qui ont un revenu élevé? Ils n'ont pas besoin qu'on le fasse. Ce que je veux dire, c'est que le traitement fiscal lié aux pensions et aux REER n'est pas fondé sur les besoins. C'est une façon de récompenser les gens qui économisent.
Cela dit, pourquoi changeons-nous totalement d'attitude lorsque nous envisageons les suppléments que nous accordons par exemple à une personne dont le revenu annuel est de 12 000 $? Il n'y a aucun problème à nos yeux lorsqu'il s'agit de dépenser les deniers publics pour faire passer le revenu de retraite d'une personne qui participe à un régime de retraite de l'employeur de 80 000 $ à 100 000 $.
Lorsqu'il s'agit cependant de faire passer le revenu de retraite d'une personne de 14 000 $ à 15 000 $, nous affirmons qu'il faut faire attention et s'assurer que cette personne en a véritablement besoin. J'affirme que cela est un fait, c'est ce qui se cache derrière le raisonnement qui fait que nous dépensons autant d'argent à subventionner le revenu de retraite de gens dont le revenu n'est pas faible en même temps que nous nous préoccupons du fait que nous versons de l'argent à des personnes âgées dont le revenu est faible et à des gens qui en ont vraiment besoin.
Le sénateur Keon : Les trois représentantes de Women Elders in Action peuvent-elles me dire si elles sont satisfaites des programmes qui leur sont offerts? Pourquoi sont-elles là si elles sont sûres qu'il y a des programmes pour elles? M. Shillington a dit que les programmes sont en place; peut-être ne fonctionnent-ils pas, mais ils existent.
Mme Dean : Les programmes, c'est-à-dire le SRG et la pension de la sécurité de la vieillesse, ne sont pas adéquats. Les prestations offertes aux personnes âgées n'augmentent pas en fonction du coût de la vie, et nous devons faire quelque chose à cet égard.
D'après ce qu'on nous a dit, les gens qui doivent compter sur ces prestations arrivent de plus en plus difficilement à joindre les deux bouts aujourd'hui, puisque les coûts qu'ils doivent assumer augmentent.
L'un des sujets qui nous préoccupent, et nous en entendons beaucoup parler, c'est la hausse de l'âge d'admissibilité aux pensions, qui serait évidemment catastrophique pour les personnes âgées, et surtout pour les femmes qui jouent le rôle de soignantes principales d'une autre personne. Elles consacrent beaucoup de leur temps à cette tâche, alors nous espérons qu'on ne va pas hausser l'âge d'admissibilité aux pensions.
La présidente : Je veux assurer aux femmes que le comité ne s'est nullement intéressé à la question de la hausse de l'âge minimal qu'il faut atteindre pour toucher une pension.
Avant de donner la parole au sénateur Stratton, je veux dire que, ce n'est pas dans mes habitudes de féliciter le gouvernement actuel, mais je pense que la mesure qu'il a prise et qui consiste à utiliser le régime fiscal pour déterminer qui devrait toucher le Supplément de revenu garanti est un bon pas en avant, même si la mesure ne permet pas d'aider tous les gens qui sont dans le besoin, puisqu'elle ne vise que les gens qui paient des impôts.
Le sénateur Stratton : Vous m'enlevez les mots de la bouche. Il y a deux ou trois choses parmi celles qui ont été dites que j'ai aimées. L'une de ces idées, c'est de permettre aux gens qui touchent une pension de retirer des REER sans être pénalisés. Je pense que nous devons prendre des mesures pour inciter les gens à retirer leurs REER. C'est quelque chose qu'il faut envisager avec sérieux, à mon avis. Deux d'entre vous avez fait cette recommandation, ce que j'ai trouvé intéressant.
L'autre proposition, c'est d'augmenter le SRG. Pour moi, nous ne devrions pas imposer les gens qui vivent dans la pauvreté. Cette idée m'a toujours consterné. Je pense qu'on pourrait s'attendre à ce que notre société augmente graduellement le seuil sous lequel les gens n'ont pas à payer d'impôt. J'espère que nous pourrons progresser résolument dans cette direction, parce que c'est à mon avis la meilleure façon d'aider les gens qui vivent dans la pauvreté. Ils ne devraient pas payer d'impôts.
En ce qui concerne le logement, nous avons créé des programmes de subventions du logement ou de construction de logements dans les années 1970. J'ai pris part au processus. Nous avons créé une énorme bureaucratie, en réalité, pour administrer ce programme. Si c'était à refaire aujourd'hui, je préférerais que ce soit par l'intermédiaire d'une prime ou d'une autre méthode qui consisterait à accorder de l'aide aux gens qui n'ont pas les moyens de se loger par l'intermédiaire du régime fiscal ou de subventions, plutôt que de construire des maisons pour eux. À mon sens, cette approche n'est pas la bonne.
J'aimerais entendre ce qu'ont à dire les témoins sur ces trois choses : le retrait d'une certaine somme des REER sans imposition, la hausse graduelle du niveau de revenu qui n'est pas imposé et une approche autre, en matière de logement, que de laisser le gouvernement s'en occuper.
Mme Dean : En ce qui concerne toute l'idée du logement et ce que les femmes et les gens dont le revenu est faible vivent en Colombie-Britannique, les loyers augmentent vraiment beaucoup. Le gouvernement provincial subventionne les loyers, et la subvention ne dépasse pas 700 $ par mois. Évidemment, les loyers dépassent largement 700 $ par mois.
Il est donc difficile d'avoir une emprise sur le marché de l'immobilier, qui est volatile en ce moment. Les immeubles sont vendus avant d'être bâtis. On construit peu de logements locatifs, surtout à Vancouver. Partout dans la province, les loyers ont augmenté. Nous sommes d'avis que le gouvernement devrait réévaluer le SRG et ce dont, à son avis, les gens ont besoin pour vivre dans les petites villes, parce que nous pensons que la somme en question n'est pas suffisante. Le seuil du faible revenu est devenu beaucoup trop faible, compte tenu du marché.
Ce serait une très bonne chose que les gouvernements offrent des logements, parce que les gouvernements sont en mesure de déterminer les loyers et s'assurer que les gens ne consacrent pas plus du tiers de leur revenu au loyer. Fixer les loyers serait une autre forme de subvention. Ça a été fait dans le passé, et ça fonctionnait. Je ne sais pas comment on en est arrivé à créer une bureaucratie, mais je suis convaincue que cela peut être évité.
M. Hum : Je vais laisser mon collègue répondre à la question sur les REER. Je ne veux pas aborder la question du tout, parce que je vais m'emporter et parler trop longtemps.
Quant à la deuxième question, je vais y répondre brièvement. C'est une question de terminologie. La plupart des gens connaissent l'impôt positif : quiconque gagne plus d'un million de dollars par année paie cet impôt. Les économistes, lorsqu'ils étudient les programmes sociaux, parlent du taux de réduction des prestations, c'est-à-dire du fait que le bénéficiaire perd 1 $ de prestation, ou 50 cents, peu importe pour chaque dollar gagné. Nous utilisons le terme de jargon « taux de réduction des prestations », mais lorsque nous n'y réfléchissons pas trop, nous utilisons encore « taux d'imposition réel », parce que c'est ce que c'est.
Même si le gouvernement majore le SRG et cesse de l'imposer, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas d'impôt réel, parce que le gouvernement provincial pénaliserait le bénéficiaire en réduisant ses avantages aux chapitres de l'assurance- maladie, des soins de la vue et du logement. De ce point de vue, celui de l'économiste, c'est un impôt.
J'ai également travaillé sur la question du logement. Elle soulève l'une des questions fondamentales du domaine des politiques sociales. Pour aider un groupe, peu importe lequel, on lui donne de l'argent — parce que notre économie est une économie de marché —, ce qui fait que les membres du groupe peuvent exercer leur choix et acheter ce qu'ils veulent sur le marché. En d'autres termes, vous me donnez de l'argent, et, avec cet argent, j'achète une cravate; si vous n'aimez pas la cravate, ça ne fait rien, parce que moi, je l'aime. Vaut-il mieux que vous me donniez une cravate parce que vous pensez que j'en ai besoin? C'est ce qu'on appelle l'aide « en nature ».
Nous pensons des deux façons, au Canada. Pour ce qui est des soins de santé, nous offrons de l'aide en nature.
Lorsqu'une personne se fait frapper par une voiture, on ne lui demande pas si elle veut aller à l'hôpital ou si elle veut de l'argent. On ne lui offre pas ce choix.
Pour ce qui est du logement, cependant, en fonction des provinces, c'est quelque chose d'intermédiaire. Dans certaines provinces, par exemple au Manitoba, on refile la facture aux gens. Dans d'autres, que je ne vais pas nommer, on préfère les aider par l'intermédiaire de crédits fiscaux, et c'est la personne qui a besoin d'une maison qui en fait l'acquisition.
Un problème qui se pose — je ne dis pas que je suis d'accord —, c'est que certaines études montrent que, lorsque les gouvernements donnent de l'argent aux gens au nom de l'habilitation, si le marché ne réagit pas par une augmentation de l'offre — ce qui veut dire que l'offre de logements est stable —, cette démarche a pour effet de faire augmenter les loyers. Les économistes ont montré que l'argent revient aux propriétaires sans qu'il ne se construise une seule unité de logement de plus pour la population visée par la mesure. Des études réalisées aux États-Unis l'ont montré, et c'est ce qui fait que certaines administrations ont décidé de ne pas emprunter cette voie.
Je déteste tenir des propos aussi déprimants, mais la vie est compliquée quand on s'occupe de politiques publiques. Il est difficile de déterminer ce qui est possible et ce qui ne l'est pas. Pour répondre au sénateur Keon, je ne suis plus l'analyste des politiques publiques adepte des solutions spectaculaires et des panacées que j'étais dans ma jeunesse. Je vieillis.
M. Shillington : Lorsque vous avez parlé des retraits des REER, s'agissait-il de sommes exemptes d'impôt ou de la récupération fiscale du SRG?
Le sénateur Stratton : À mon sens, la récupération fiscale est un impôt. C'est la même chose.
M. Shillington : J'ai déjà dit ce que je pense. À mon avis, on devrait pouvoir retirer une certaine somme de ses REER sans que cela change quoi que ce soit au SRG. C'est une question complexe. Je pourrais facilement formuler 12 recommandations concernant chacun des programmes en question, les problèmes. Il y a un crédit de 2 000 $ relativement aux pensions. La première tranche de 2 000 $ du revenu de pension n'est pas imposable. Elle fait cependant l'objet d'une récupération fiscale. La première tranche de 2 000 $ des prélèvements dans un fonds de revenu de retraite ou FRR n'est pas imposable pour les gens âgés de 65 ans et plus, mais elle l'est pour les gens qui ont moins de 65 ans. Il n'y a par contre aucune disposition du genre en ce qui concerne les REER.
J'organise régulièrement des ateliers pour aider les gens à planifier leur retraite. Peu de gens savent que, dès qu'ils atteignent l'âge de 65 ans, ils peuvent profiter d'un avantage fiscal s'ils font des prélèvements dans un FRR plutôt que dans un REER. Nous avons bâti une route où il y a vraiment beaucoup de nids-de-poule. Pourquoi ne pas les boucher? Pourquoi ne pas décider que, pour les gens qui ont 65 ans et plus, la première tranche de 2 000 $ de prélèvements dans les REER ne sera pas imposée non plus? Pourquoi prévoir des exemptions d'impôt aux fins fiscales, mais procéder ensuite à une récupération seulement chez les gens pauvres? Je ne comprends pas le raisonnement que sous-tend cette approche.
En ce qui concerne les crédits d'impôt, j'ai fait une conférence l'an dernier dans une circonscription du nord de l'Ontario pour un ami. Il a invité beaucoup de personnes âgées, et j'ai présenté deux exposés ce jour-là. L'un des sujets que j'ai abordés, c'est l'augmentation des prestations de la SV et du SRG. Je suis d'accord pour dire qu'il faut être compatissant, mais n'oubliez pas que ces programmes sont en gros un jeu à somme nulle. Les hommes et les femmes de 30 ans qui gagnent 20 000 $ par année paient davantage d'impôt pour que les personnes âgées qui ont le même revenu en paient moins. C'est essentiellement ça, le raisonnement. L'argent doit venir de quelque part. Les personnes âgées que j'ai rencontrées demandaient une augmentation des prestations de la SV et du SRG. J'étais d'accord avec elles, mais je leur ai demandé de garder à l'esprit le fait qu'il y a beaucoup de jeunes qui n'ont pas de bons revenus. Il y a 150 000 Canadiens qui ont entre 55 et 64 ans et qui vivent de l'aide sociale. En Ontario, une personne seule qui vit de l'aide sociale reçoit 6 000 $ par année.
Quelles sont nos priorités? Nous voulons améliorer la situation financière des personnes âgées, mais l'argent dont nous avons besoin pour le faire doit venir des poches des autres. Il y a beaucoup de gens qui voient leur revenu augmenter lorsqu'ils atteignent l'âge de 65 ans. Ce sont des gens qui vivent de l'aide sociale, qui ont des prestations d'invalidité ou des prestations dans le cadre d'un autre programme. Leur revenu augmente lorsqu'ils atteignent l'âge de 65 ans, alors devons-nous prendre l'argent dans les poches des gens qui ont moins de 65 ans? C'est une question d'équilibre.
C'est la même chose pour votre proposition relative à l'impôt. Ce sont des questions complexes. Nous devons comprendre qu'il faut prendre l'argent quelque part, et que c'est souvent dans les poches de gens qui n'en ont pas beaucoup. J'aimerais avoir les chiffres devant moi. Une personne seule de moins de 65 ans paie de l'impôt à partir du moment où elle gagne 9 000 $ par année. Faut-il prendre l'argent dans les poches de ces gens pour faire diminuer l'impôt des gens dont le revenu est plus élevé? Il y a beaucoup de problèmes.
Les prestations de la SV et de SRG sont les mêmes peu importe le lieu de résidence. Que les bénéficiaires habitent au centre-ville d'Ottawa, de Toronto ou de Vancouver ne change rien, les sommes sont les mêmes, mais elles ne permettent pas de maintenir le même niveau de vie partout. Cela pose peut-être problème, mais peut-être que non.
En ce qui concerne le logement, je ne sais pas suffisamment de choses sur cette question, mais beaucoup de personnes âgées ont une maison au moment de la retraite, et elles n'ont aucun moyen efficace de faire de ce bien une source de revenu. Elles peuvent hypothéquer la maison ou obtenir une marge de crédit en donnant la maison en garantie, ou encore elles peuvent obtenir un prêt hypothécaire inversé. Les frais d'administration et les taux d'intérêt varient beaucoup. S'il y avait un moyen efficace pour les gens de transformer leur capital immobilier en source de revenu, cela pourrait être utile dans certains cas. Environ le tiers des gens qui prennent leur retraite ont une maison.
Il y a des gens qui pensent que les REER sont une excellente solution de rechange pour les gens qui n'ont pas de régime de pension. C'est vrai que pour les gens qui gagnent beaucoup d'argent et qui n'ont pas accès à un régime de pension, c'est une excellente option. Quatre-vingt pour cent des REER appartiennent à des gens qui ont accès à un régime de pension. La vaste majorité des sommes versées dans des REER ne servent pas à prévenir la pauvreté. Elles servent à compléter le revenu de gens qui s'en tirent déjà bien.
Pour les gens qui ont accès à un régime de pension, les REER sont une très bonne chose. Ils leur permettent d'arrondir leur revenu, et nous subventionnons cela à même le régime fiscal. Pour les gens qui n'ont pas accès à un régime de pension, ils bénéficient pour la plupart du SRG, et les REER sont le pire outil d'épargne pour la retraite qui s'offre à eux.
Le sénateur Stratton : Lorsque je parle de ne pas imposer les gens qui gagnent peu d'argent, je parle de tout le monde, et non seulement des jeunes ou des vieux. Je ne parle pas seulement des personnes âgées; je parle de tout le monde.
En ce qui concerne le logement, au Manitoba, les loyers sont déterminés par la province. C'est encore comme ça. Devinez quoi? On ne construit pas d'édifices à logements multiples à cause de cela, ce qui fait qu'il y a un problème d'accessibilité. Le taux d'inoccupation est extrêmement faible au Manitoba, et, par conséquent, les gens qui cherchent à louer un appartement ont peu de choix.
Je ne crois pas que ce soit une bonne idée pour les gouvernements d'adopter cette approche, parce que, d'après mon expérience au Manitoba, elle ne fonctionne pas.
La présidente : Je crois qu'il y a certains Manitobains qui seraient en désaccord là-dessus.
Le sénateur Cools : Je remercie les deux témoins de s'être joints à nous pour nous faire profiter de leurs compétences professionnelles particulières.
L'idée que le SRG a créé — je pense que c'est M. Shillington qui a utilisé le terme — un cercle vicieux de la pauvreté m'intéresse.
Comme votre spécialité, c'est l'analyse des chiffres, je me demande si l'un d'entre vous, M. Shillington ou M. Hum, a déjà comparé ce qu'il en coûte au gouvernement de récupérer cet argent et la somme d'argent récupérée.
Monsieur Shillington, vous êtes d'avis que le chiffre devrait être de 4 000 $, d'après l'idée que le SRG devrait être structuré comme la prestation fiscale pour enfants. Vous affirmez, et c'est ce que vous nous recommandez, qu'il devrait y avoir une tranche de 4 000 $ du revenu annuel qui soit exclue du calcul de la récupération du SRG.
Je pense au personnel, à la paperasse et au nombre d'heures de travail que la récupération d'une somme d'argent remarquablement petite exige. Avez-vous déjà effectué cette analyse, évalué le nombre de personnes? Nous savons tous que les bureaucraties sont énormes, et que, dans certains cas, les sommes d'argent récupérées sont remarquablement petites. Quelqu'un a-t-il effectué une analyse qui appuierait une recommandation du genre?
M. Hum : J'ai fait deux études connexes, mais qui ne portent pas précisément sur ce programme.
Dans une vie antérieure, lorsqu'une chose comme l'allocation familiale existait, et avant l'introduction de ce qu'on appelle maintenant la prestation fiscale pour enfants, c'était fondé sur l'allocation familiale. La prestation fiscale pour enfants est essentiellement calculée en fonction du revenu, tandis que l'allocation familiale était accordée automatiquement. Si vous vous fiiez à Postes Canada, tout ce que la prestation de cette allocation coûtait, c'était le prix du timbre, comparativement aux coûts liés au calcul de cette prestation par la bureaucratie du régime fiscal. Mes employés ont calculé à l'époque la différence entre les deux options, l'allocation familiale et la prestation fiscale pour enfants, et le rapport était de 35 pour 1. En d'autres termes, il en coûtait 35 $ de plus pour accorder l'aide dans le cadre de ce système que de poster les chèques — selon le prix du timbre. Je proposerais, si j'en avais l'occasion, que nous adoptions l'approche de l'allocation familiale pour la prestation du SRG.
Combien le programme en question coûtait-il? Je n'ai pas fait le calcul pour un seul programme. Je suis un chercheur universitaire, et je ne sais pas qui est la prochaine personne qui va m'appeler, alors je l'ai fait pour tous les programmes sociaux au Canada. Si nous prenions tout l'argent que nous consacrons à l'ensemble des programmes sociaux — et c'est un exercice —, et que nous le distribuions en entier par l'intermédiaire de ce que j'appelle un crédit d'impôt remboursable modifié, c'est-à-dire l'expression qu'on utilise actuellement pour parler du RAG, sans évaluer le revenu des bénéficiaires au préalable, à quel point pourrions-nous réduire la pauvreté? J'ai calculé le chiffre. Je n'ai pas les chiffres devant moi, mais je dois dire que bon nombre de ces programmes sont mis en place, et que, s'ils s'assortissent d'un objectif important de lutte contre la pauvreté, beaucoup de gens affirment que cet objectif n'est pas leur seul objectif ou encore leur objectif principal. Il faut être raisonnablement prudent ici. Pour ce qui est de la SV et du RPC, je fais une tentative de réponse improvisée à l'énigme posée par M. Shillington quant à la raison pour laquelle le gouvernement aime bien ces taux d'imposition élevés, parce que la situation est différente lorsque je témoigne devant des gens au sujet de questions relatives au ministère des Finances. En gros, ils ne veulent pas les mêmes choses.
Dans une étude que j'ai menée pour célébrer la commission Carter — je ne sais pas si quelqu'un d'entre vous s'en souvient... Vous devez bien avoir le même âge que moi, sénateur Carstairs.
La présidente : Oui, effectivement.
M. Hum : Il y avait la recommandation, qui est en quelque sorte davantage une coutume qu'une loi en finance, selon laquelle le taux marginal d'imposition ne devrait jamais excéder 50 p. 100. Le raisonnement, c'est qu'il est invraisemblable que quiconque au Canada travaille pour toucher moins de la moitié de son salaire brut. Ce n'est pas enchâssé dans la constitution, mais c'était ça la règle.
J'avais beaucoup de difficulté à expliquer pourquoi le gouvernement préfère parfois un taux inférieur à 50 p. 100, et parfois un taux supérieur à 50 p. 100. Ma seule explication, c'est : est-ce que je suis au pré Tunney ou au ministère des Finances, parce que, lorsqu'il s'agit des impôts des citoyens, le gouvernement essaie de les maintenir bas, puisqu'il ne veut pas créer une distorsion ou un facteur dissuasif quant à l'épargne, l'entreprenariat et l'effort de travail. Lorsque le gouvernement donne de l'argent aux citoyens, même s'il appelle cela un taux d'imposition des prestations, il veut mettre une limite à sa générosité, et le moyen d'y parvenir, c'est de fixer un taux de récupération fiscal élevé relativement aux autres sources de revenu, pour lesquelles il n'a aucune idée de ce qu'il perçoit, en raison de considérations relatives à la protection des renseignements personnels.
Le point de vue du gouvernement n'est pas le même selon qu'il donne ou qu'il prend. Pour ce qui est des programmes en question, je pense que la seule exception, c'est celle que le comité examine, le SRG. Le spectre, le fantôme, la peur et le bonhomme sept heures sont disparus : on ne pense plus que les personnes âgées vont prendre leur retraite massivement, ce qui va faire chuter la productivité du pays. Je pense donc que nous avons une certaine marge de manœuvre à cet égard, mais ce que vous souhaiterez peut-être recommander ne va peut-être pas passer auprès du reste du groupe démographique. C'est une explication incomplète.
Le sénateur Cools : Aimeriez-vous ajouter quelque chose, monsieur Shillington? J'ai entendu les confessions de beaucoup de gens du gouvernement qui m'ont dit qu'il en coûte parfois 100 000 $ pour récupérer 1 000 $. Ce n'est pas souvent que nous recevons des gens qui ont réfléchi à la question ou qui peuvent être en mesure de mettre un chiffre là- dessus. Ce chiffre m'intéresse.
M. Shillington : J'aimerais avoir une meilleure idée de ce qu'il en coûte vraiment pour administrer le SRG. Le projet de loi C-36 va rendre le processus de demande de prestations du SRG beaucoup plus simple. La disposition qui va avoir cet effet était la seule bonne chose dans le projet de loi C-36. Il y avait aussi des choses négatives, mais je n'ai pas le temps d'en parler.
Le processus de demande de prestations du SRG va être plus simple, et j'imagine qu'il n'est pas très coûteux d'administrer le SRG une fois le régime fiscal en place, puisque celui-ci permet de recueillir l'information nécessaire pour établir le montant des prestations. Aujourd'hui, il ne s'agit plus que de deux ou trois lignes de code dans un programme informatique. Si l'on devait adopter ma proposition d'exclusion, on n'aurait qu'à modifier trois ou quatre lignes de code, vraiment, pour accorder des prestations d'un montant différent.
Si l'autre solution, c'est d'envoyer un chèque du SRG sans aucune récupération fiscale, alors le SRG va coûter la même chose que la SV, dont le montant est à peu près le même pour tout le monde, sauf pour les gens dont le revenu est élevé. En gros, la SV coûte 25 milliards de dollars, et le SRG, 6 milliards de dollars. Transformer le SRG en prestation universelle sans récupération fiscale ferait passer son coût à 20 milliards de dollars. Je suis sûr qu'il en coûte moins pour l'administrer, si c'est la solution que vous envisagez.
Le sénateur Cordy : Je vous remercie tous les quatre d'être ici cet après-midi, parce que vous avez très bien préparé vos exposés et parce que vous nous avez fait part de recommandations extraordinaires.
Monsieur Shillington, j'ai lu certaines des histoires qui se trouvent dans le document que vous nous avez remis aujourd'hui, et je me demande comment on procède pour faire des lois fondées sur le bon sens. Le sénateur Callbeck a parlé d'une enquête sur le nombre de personnes qui ne touchent pas leur pension du RPC, mais vous nous dites que, au Québec, le nombre de personnes admissibles aux prestations de la RRQ et qui ne les touchent pas est pratiquement nul. Vous nous avez raconté que les gens discutent avec d'autres au ministère. Vous avez donné de l'information au sénateur Callbeck qui pose des questions à une personne du ministère. Le ministère a tous les chiffres devant lui en ce qui concerne le Régime de pensions du Canada et la SV, mais il n'informe pas les gens du fait qu'ils sont admissibles à des prestations. Certaines des histoires qui figurent dans votre document sont tristes, ce sont les histoires de gens qui auraient eu besoin du RPC et de la SV. Que faire? Devons-nous faire une loi pour que les gens qui reçoivent les appels soient forcés de diffuser l'information? Est-ce vraiment nécessaire?
M. Shillington : C'est vous qui êtes parlementaire, pas moi. Le ministère vous rend des comptes, et il m'en rend seulement par votre entremise. Les gens du ministère sont chanceux de ne pas avoir à me rendre de comptes à moi.
Si vous avez lu le mémoire, vous savez que, en réponse à une question posée le mois dernier, quelqu'un a expliqué que lorsqu'une personne téléphone pour présenter une demande de pension de la Sécurité de la vieillesse, l'agent ne dit rien au sujet du Régime de pensions du Canada, et c'est la politique convenue de ne rien dire à ce sujet. Lorsque j'ai témoigné il y a deux ou trois mois, j'ai raconté longuement l'histoire d'Ernestine, qui a présenté une demande dans le cadre du Régime de pensions du Canada à 91 ans, une demande de prestations de la Sécurité de la vieillesse et une demande de prestations du survivant du RPC parce que son mari était décédé, ce qui veut dire que le ministère a eu plusieurs occasions de l'informer. Elle a reçu des prestations de la SV. Les agents savaient qu'elle était admissible au RPC. Elle ne s'en est pas aperçue avant d'avoir 91 ans. On lui a accordé 11 mois de paiements rétroactifs, un point c'est tout. Elle a perdu 50 000 $ sans compter les intérêts, et qui sait combien en comptant les intérêts.
Si je pouvais faire les lois, je prévoirais des mesures d'incitation financières. Le gouvernement devrait payer rétroactivement toutes les prestations plus les intérêts, dans le cas où l'on savait qu'une personne était admissible à ces prestations, plus une pénalité à même le fonds. Je ne comprends pas du tout le motif.
J'ai vu la même chose dans l'affaire du SRG. À l'époque, 300 000 personnes âgées étaient admissibles au SRG, et on connaissait leur identité. La raison donnée au départ pour justifier qu'on ne leur a rien dit, c'est que cela allait à l'encontre de la protection des renseignements personnels.
La présidente : Merci à tous de votre participation. Vous pouvez être sûrs que certaines de vos recommandations concrètes et positives vont figurer dans notre rapport, dont nous espérons déposer la version provisoire vers la fin mars et la version finale, vers le mois de septembre.
La séance est levée.