Délibérations du Comité
sénatorial spécial sur le
Vieillissement
Fascicule 6 - Témoignages du 14 avril 2008
OTTAWA, le lundi 14 avril 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui à 12 h 34 pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne.
Le sénateur Wilbert J. Keon (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, notre rencontre d'aujourd'hui portera essentiellement sur le chapitre 3 de notre deuxième rapport provisoire intitulé Une population vieillissante : enjeux et options, déposé auprès du Sénat le 11 mars. Ce chapitre porte sur les travailleurs âgés, la retraite et la sécurité du revenu.
Nous avons des problèmes avec notre équipement vidéo, alors, si tous les autres témoins le permettent, nous allons maintenant entendre Kevin Milligan, professeur adjoint d'économie de la Colombie-Britannique.
Kevin Milligan, professeur adjoint d'économie, Université de la Colombie-Britannique : Je vous remercie de m'avoir invité à me prononcer aujourd'hui. Je crois qu'il s'agit d'un aspect important de la politique gouvernementale. Je ne pense pas que le système de pensions gouvernemental vive actuellement une crise. La situation n'est pas parfaite, mais les choses vont bien.
Je crois qu'il s'agit d'une bonne occasion pour réfléchir et prendre le temps de planifier afin d'élaborer une bonne politique, et peut-être à l'écart de la fièvre qui caractérise la politique courante. J'estime qu'il s'agit d'une occasion à saisir, et je crois que le rapport du Sénat est un pas dans la bonne direction.
On m'a demandé de formuler des commentaires à propos du chapitre 3 du rapport, et je vais vous les présenter de façon méthodique, un point à la fois. On mentionne d'abord les mesures incitatives prévues par les régimes de pensions de retraite publics et privés. Ces mesures constituent un frein à la participation au marché du travail. J'aimerais parler du fait que le rapport mentionne que les mesures incitatives prévues par le Régime de pensions du Canada ont une faible incidence. Selon certains de mes travaux, le Régime de pensions du Canada, et, de façon plus générale, le système de pensions gouvernemental canadien, comporte des mesures qui peuvent grandement dissuader certains groupes de personnes de travailler. Le problème vient plus particulièrement du rajustement actuariel du Régime de pensions du Canada. Il s'applique quand une personne reçoit le Supplément de revenu garanti en plus d'une pension du Régime de pensions du Canada. Les personnes qui reçoivent le SRG perdent 50 cents pour chaque dollar qu'elles reçoivent sous forme d'un autre revenu de pensions, y compris dans le cadre du Régime de pensions du Canada.
Si vous avez 61 ans et que vous retardez votre retraite, vous pourriez gagner 1 $ grâce au mécanisme de rajustement actuariel du Régime de pensions du Canada. Cependant, quand vous atteignez l'âge de 65 ans, vous perdrez 50 cents pour chaque dollar à cause de la disposition de récupération du SRG. Cela signifie que le rajustement actuariel dont vous profitez de 60 à 65 ans pour avoir retardé votre retraite est réduit de moitié par le SRG, pour les personnes qui le reçoivent à la retraite. J'ai effectué des simulations dans un document pour le C.D. Howe Institute, qui révèlent à quel point ce type de mesures incitatives peut avoir une grande incidence pour les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle sur le marché du travail. De plus, le dernier budget prévoit une exemption pour le Supplément de revenu garanti. Cela signifie qu'une personne peut avoir un revenu gagné de 3 500 $ avant de commencer à perdre le Supplément de revenu garanti à cause de la disposition de récupération.
Les auteurs du rapport appuient cette mesure, et je suis bien d'accord; c'est un bon début. Quand une personne atteignait l'âge de 65 ans et commençait à recevoir le SRG, si elle y avait droit, on ne l'incitait vraiment pas à travailler, ne serait-ce que quelques heures par semaine. Encore une fois, elle commençait à perdre son chèque du SRG à cause de la disposition de récupération.
Les témoignages recueillis dans le cadre de l'enquête nous ont appris que les aînés qui veulent travailler et choisissent de le faire préfèrent nettement travailler à temps partiel. Cependant, à cause du taux d'imposition élevé implicite qui était appliqué par l'entremise du SRG, très peu d'aînés le faisaient. La nouvelle exemption constitue un bon départ. Je crois que le seuil de 3 500 $ n'est pas assez élevé, mais on pourra réévaluer la situation au cours des années à venir.
Dans la recommandation 17, formulée au chapitre 3, on propose de « lancer une campagne de sensibilisation aux récents changements législatifs qui ont éliminé les obstacles à la retraite progressive. » De telles mesures ont été annoncées dans le budget de 2007. Un nouveau règlement permet à ces types de régimes de pension à prestations déterminées de verser un revenu de pension à des personnes qui pourront continuer d'accumuler d'autres prestations. Vous pouvez recevoir une pension tout en obtenant des crédits concernant une nouvelle pension.
Le comité semble préoccupé du fait que la population n'est pas vraiment au courant de cette nouvelle mesure. Cela me préoccupe peu, parce que je ne crois pas que la mesure touchera un très grand nombre de gens. Seulement 32,6 p. 100 des travailleurs Canadiens sont couverts par un régime de pension à prestations déterminées, et bon nombre d'entre eux sont couverts par un régime auquel les nouvelles règles de retraite progressive ne s'appliquent pas.
Selon une analyse effectuée par le bureau d'avocats McMillan Binch Mendelson, un nombre limité de promoteurs de régime offrent une pleine pension, non réduite, à l'âge de 55 ans. Il s'agit d'un détail important, parce que, pour qu'un régime soit admissible au nouveau modèle de retraite progressive, il doit offrir une pleine pension à l'âge de 55 ans. Selon le bureau d'avocats, c'est le cas d'un très petit nombre de régimes de pension à prestations déterminées, et seulement un tiers des Canadiens sont couverts par un régime à prestations déterminées.
Par ailleurs, la majorité des retraités est heureuse d'être à la retraite et préfère ne pas travailler davantage. Il y a bien sûr une sous-population de retraités qui souhaitent travailler davantage, et il est important de penser à des façons de les aider, mais je ne suis pas sûr qu'une campagne de relations publiques à grande échelle est appropriée, puisque la politique actuelle a une portée très étroite.
La politique en tant que telle n'est pas mauvaise; il s'agit même d'une première étape utile qui permet aux gens d'avoir plus de liberté pour choisir le moment et la façon qui leur convient pour prendre leur retraite. Elle offre plus de souplesse dans la planification de la retraite. Il s'agit d'objectifs louables, et nous verrons de quelle façon la politique sera appliquée, ce qui nous permettra, peut-être, d'envisager de l'élargir dans l'avenir.
Au sujet de la recommandation 18, qui concerne la modification du rajustement actuariel du Régime de pensions du Canada, j'estime qu'il sera difficile d'intégrer le rajustement actuariel au système actuel puisque la pratique actuelle consiste à utiliser le même rajustement, 0,5 p. 100 par mois, ou 6 p. 100 par année, pour les personnes qui prennent leur retraite avant ou après l'âge de 65 ans. Le même taux est appliqué, quels que soient l'âge et le sexe.
Nous savons, entre autres, que l'espérance de vie n'est pas la même selon le sexe et le groupe d'âge. Il est donc difficile d'établir un pourcentage en particulier. Vous n'obtiendrez jamais le pourcentage parfait, parce que chaque personne a une situation unique. Cela dit, le rajustement actuel est trop peu élevé pour les jeunes retraités.
Mentionnons qu'une mesure qui inciterait davantage à attendre avant de prendre sa retraite pourrait permettre d'économiser de l'argent. Quand vous versez des pensions plus élevées aux gens, vous vous inquiétez des répercussions financières sur le Régime de pensions du Canada. Je constate que le comité a pris bien soin de souligner la nature conjointe fédérale-provinciale du RPC, et le fait que tout changement doit être apporté en collaboration avec les provinces, et avec leur accord. De nombreuses personnes s'inquiètent du coût de ces changements et de la capacité de payer du gouvernement.
Une mesure qui inciterait plus fortement à attendre avant de prendre sa retraite pourrait, dans certains cas, étant donné que les mesures actuelles ne sont pas justes sur le plan actuariel, permettre d'économiser de l'argent. En effet, des pensions plus élevées versées à des personnes plus âgées coûtent plus cher quand les gens vivent longtemps. Cependant, si les gens attendent un certain temps avant de recevoir leur pension, on peut supposer qu'ils seront moins nombreux à survivre si longtemps. Un rajustement juste sur le plan actuariel vient contrebalancer ces coûts. Les coûts liés au fait de changer le rajustement actuariel sont moins élevés que ce que l'on pourrait penser au premier coup d'œil.
La recommandation 19, selon laquelle les bénéficiaires d'une pension du RPC devraient continuer de cotiser au régime, doit être examinée plus en détail. Actuellement, le montant que reçoit une personne en prestations du Régime de pensions du Canada au moment où elle fait sa demande est le montant qu'elle recevra pour le reste de sa vie. Si vous prenez votre retraite à 61 ans et que vous recevez une pension mensuelle de 800 $ du RPC, c'est le montant que vous recevrez jusqu'à la fin de votre vie, rajusté en fonction de l'inflation. Si on laisse les personnes obtenir davantage de droits à pension du RPC tout en cotisant au régime, il faudra régler un aspect pratique, c'est-à-dire qu'il faudra trouver une façon de rajuster la formule pour qu'elle tienne compte de l'accumulation continue des droits à pension. Je crois que cela aurait des répercussions particulièrement importantes sur le moment où les gens commenceraient à toucher leur pension.
J'ai réfléchi à cette recommandation, et je ne vois pas pourquoi quelqu'un ne déciderait pas de toucher sa pension du RPC à 60 ans. En d'autres termes, si vous êtes capable de continuer à accumuler des droits à pension et à cotiser au RPC après l'âge de 60 ans, pourquoi est-ce que tout le monde ne demanderait pas de toucher les prestations à 60 ans tout en continuant à accumuler des droits à pension, pour les personnes qui choisissent de continuer à travailler? C'est l'une de mes préoccupations concernant cette recommandation.
Passons maintenant à la recommandation 22, qui traite du problème des travailleurs âgés chômeurs, problème vraiment complexe. Je devrais souligner que le problème est encore plus grave dans les collectivités qui dépendent des ressources naturelles, comme une ville ordinaire qui compte une seule usine dont l'employeur décide de fermer les portes. La façon de traiter justement, efficacement et équitablement les travailleurs âgés qui se retrouvent soudainement au chômage constitue un important problème économique et social. C'était l'un des principaux sujets d'étude du Groupe d'experts sur les travailleurs âgés, l'an dernier. Le rapport a été présenté et devrait être diffusé sous peu. Le comité sénatorial devrait consulter ce rapport quand il sera diffusé afin de déterminer s'il contient des renseignements utiles à ce sujet.
Selon moi, l'expérience européenne avec ce type de régime spécial qui offre de l'assurance-emploi aux travailleurs âgés afin de créer un pont entre le chômage et la retraite doit servir d'avertissement. Parfois, ces programmes, en Europe, ont été lourdement utilisés parce que les employés et les employeurs trouvent des façons de les utiliser essentiellement comme un régime de retraite précoce. Si l'on devait concevoir un tel plan, il faudrait faire très attention pour ne pas qu'il devienne simplement un endroit où stationner les travailleurs âgés sur la liste de paie du gouvernement.
À la page 26, il est écrit que bon nombre d'aînés ont un revenu inférieur au seuil de faible revenu. Il est important de souligner qu'il s'agit d'une de nos grandes réussites en matière de politique et que, au cours des 30 dernières années, nous avons constaté un grand changement dans la pauvreté chez les aînés.
J'ai rédigé un document sur la façon dont les choses ont évolué au cours des 30 dernières années. J'ai, entre autres, constaté que, en 1973, environ 45 p. 100 des familles âgées avaient un revenu inférieur au seuil de faible revenu. En 2003, ce taux avait chuté à 10 p. 100. C'est peut-être 10 p. 100 de trop, mais il faut tout de même tenir compte de la trajectoire que la politique nous a permis de suivre à ce sujet, c'est-à-dire qu'elle a mené à une diminution importante du taux de pauvreté, selon le seuil de faible revenu.
M. Michael Veall, qui est ici aujourd'hui, a rédigé un document qui porte précisément sur les 10 p. 100 d'aînés dont le revenu est encore inférieur au seuil de faible revenu. Il abordera peut-être cette question. Son document pourra fournir de l'information à ce sujet.
Je vais formuler quelques remarques concernant la recommandation 24 : les crédits d'impôt pour les aînés, l'imposition des prestations de la SV et du SRG, et le lien avec les crédits d'impôt. D'abord, le Supplément de revenu garanti n'est pas imposable, mais les montants de la Sécurité de la vieillesse le sont. Il faut aussi souligner que, sous le régime fiscal actuel, le crédit en raison de l'âge a augmenté récemment de 1 000 $ pour atteindre 5 066 $. En 2008, les aînés de plus de 65 ans recevront le montant de base de 9 600 $, plus un crédit en raison de l'âge de 5 066 $, pour un total de 14 666 $. Le taux actuel de la SV et du SRG mis ensemble n'atteint que 13 612 $, ce qui signifie que la SV et le SRG sont inférieurs au crédit de base additionné au crédit en raison de l'âge. Je ne suis pas certain que le problème énoncé dans la recommandation 24 est aussi grave qu'on le prétend.
En ce qui concerne la recommandation 25, sur les prestations de survivant versées en vertu du Régime de pensions du Canada, il est intéressant de se demander à quel point les prestations de survivant devraient être rajustées après le décès d'un des conjoints. À un extrême, on pourrait envisager le versement de la pleine pension de survivant. À l'autre extrême, on pourrait envisager l'élimination complète de cette pension, ce qui laisserait le conjoint survivant avec sa seule pension.
À l'heure actuelle, la pension de survivant équivaut à 60 p. 100 de la pension du conjoint décédé, et le total des deux pensions ne doit pas dépasser un certain montant. L'une des façons de répondre à cette question, c'est de déterminer la mesure dans laquelle les dépenses de ménage changent à la suite du décès d'un des conjoints. Certaines dépenses, comme celles consacrées au logement, ne changent pas toujours. Si la personne vit dans un appartement ou dans une maison, elle doit payer l'impôt foncier et la facture d'eau, ce qui ne change pas. D'autres dépenses changent un peu. Avec une personne de moins dans la maison, les dépenses en nourriture diminuent.
Pour déterminer le ratio de dépenses, il faut tenir compte du taux approprié d'inclusion des prestations d'une personne décédée dans une pension de survivant, ce qui constitue un élément empirique. Dans la recommandation 25, on propose de continuer à verser 100 p. 100 des prestations de la personne décédée. Si le but est de couvrir les dépenses, je serais étonné de constater que 100 p. 100 est le taux approprié. Je pense qu'un taux de 60 p. 100 est probablement plus près du taux approprié.
L'idée derrière la recommandation 26 est bonne : varier le Supplément de revenu garanti en fonction de la taille de la collectivité. On y fait remarquer que le seuil de faible revenu varie en fonction de la taille de la ville. On pourrait peut- être faire la même chose avec le SRG : reconnaître les écarts entre le coût de la vie dans des régions différentes.
Les habitudes de dépenses des ménages âgés sont très différentes de celles des ménages plus jeunes, essentiellement parce que les aînés dépensent beaucoup moins pour le logement. Une certaine proportion d'aînés sont locataires, mais la plupart d'entre eux sont propriétaires de leur maison, bien souvent de façon franche et quitte, libre de toute hypothèque. Comme ils n'ont pas de versements hypothécaires mensuels à faire, une grande part du budget des ménages âgés est consacrée à la nourriture et au transport, plutôt qu'au logement.
Il est aussi intéressant d'examiner la répartition des coûts dans les grandes villes par rapport aux régions rurales. Dans les régions rurales, le logement coûte habituellement bien moins cher, mais des choses comme la nourriture et le transport coûtent plus cher. Vous devez prendre votre voiture pour le moindre déplacement, et votre nourriture doit être transportée par camion. En ville, le logement est souvent plus coûteux, mais vous avez accès plus facilement au transport en commun, et la nourriture peut coûter moins cher puisqu'il est plus facile de magasiner. C'est pourquoi, si on observe les dépenses engagées par les ménages âgés en régions rurales et en régions urbaines, on ne constate pas clairement que la situation des aînés des régions rurales est plus facile parce que leurs coûts sont moins élevés. Je ne suis pas certain que l'idée de varier le SRG en réduisant le montant versé aux aînés qui vivent en régions rurales permettrait de mieux couvrir les dépenses des ménages âgés.
Je ne suis pas un spécialiste de la politique, mais je pense que le fait d'envoyer des chèques de SRG de montants différents à des personnes dans diverses régions pourrait entraîner des problèmes politiques. Je les mentionne seulement pour dire qu'il s'agit d'un des problèmes que pourrait entraîner cette recommandation.
La recommandation 27 consiste à accroître le taux de remplacement du Régime de pensions du Canada de 25 à 50 p. 100. On y dit que cette augmentation se ferait au fil du temps, ce qui est bien, parce qu'il s'agirait d'un changement énorme. L'augmentation du taux de remplacement implicite du RPC et le montant maximum des gains annuels ouvrant droit à pension, le MGAP, qui est d'environ 41 000 $ — la recommandation propose qu'il passe à 60 000 $. Cette augmentation aurait deux répercussions distinctes. Elle aurait d'abord des répercussions sur les cotisations des personnes qui travaillent encore. Je vais payer le taux de cotisation au RPC, et mon employeur paiera le taux de cotisation au RPC, sur une plus grande part de ma rémunération, part qui pourra aller jusqu'à 60 000 $. Elle aura aussi des répercussions sur les versements, puisqu'une partie de la formule de calcul des prestations dépend aussi du MGAP. Il pourrait donc y avoir un certain écart entre le moment où de nouveaux revenus sont engrangés et le moment où de nouvelles dépenses sont effectuées. Évidemment, on consulterait le Bureau de l'actuaire en chef avant de procéder à ces changements, mais ceux-ci devraient tout de même faire l'objet d'une planification minutieuse. Il y a une question encore plus importante : est-ce intelligent?
On peut voir les choses de la façon suivante : vous prenez un groupe de personnes ayant un revenu moyen et vous leur dites qu'une plus grande part de leurs gains sera soumise au RPC, tant sur le plan fiscal qu'au chapitre des prestations dans l'avenir. L'une des réactions auxquelles on peut s'attendre, c'est que de nombreuses personnes couvertes par des régimes de pensions agréés pourraient, en collaboration avec les autres membres et avec le promoteur du régime, rajuster leur RPA à la baisse compte tenu de l'augmentation des prestations du RPC. De même, les personnes qui ne sont pas couvertes par un RPA pourraient réduire leurs cotisations à un REER en réaction à l'augmentation de la pension du RPC. Comme elles obtiennent une pension par l'entremise du RPC, elles ont moins besoin des pensions provenant d'autres sources. Il faut donc réfléchir plus soigneusement avant d'effectuer une bonification importante du RPC.
Enfin, je passe à la recommandation 31, qui consiste à harmoniser la SV, le SRG et les services qui peuvent en dépendre. Je constate qu'il y a eu un fort mouvement en faveur de l'harmonisation de la SV et du SRG dans les années 90. On parlait à l'époque de prestation aux aînés. Cette initiative ne s'est toutefois jamais concrétisée; elle a été abandonnée en 1998. Je crois que, avant d'envisager de revenir sur cette question, nous devrions examiner les leçons apprises de cet épisode — tant les aspects positifs que les aspects négatifs de la conception de la prestation aux aînés.
Kathleen Lahey, professeure de droit, Université Queen's : Je suis très heureuse d'avoir l'occasion de vous parler de ce rapport. Je crois qu'il s'agit d'une tâche très importante dont nous devons nous occuper dès maintenant.
J'avais préparé, au départ, un examen détaillé de chacune des recommandations, un peu comme l'a fait M. Milligan, mais il a abordé bon nombre des questions les plus importantes. De plus, quand je suis arrivée à la recommandation 28, mon point de vue sur le rapport, plus particulièrement sur le chapitre 3, a changé du tout au tout.
Je me suis rendu compte, quand j'ai examiné et consulté les commentaires qu'avait reçus le comité, que, même si le comité sait de toute évidence qu'une analyse comparative entre les sexes est essentielle dans le cadre d'un tel travail, il ne semble pas qu'une telle analyse à grande échelle ait été menée concernant les questions dont traite le rapport. Je vais donc utiliser le temps qu'il m'est accordé pour expliquer pourquoi il serait très utile, pour le comité, d'effectuer une analyse comparative entre les sexes concernant certaines des recommandations.
Le chapitre 3, et, il faut bien le dire, la majeure partie du rapport provisoire dans sa forme actuelle, est rédigé comme si tout le monde au Canada avait un revenu moyen. C'est ce revenu moyen qui est utilisé pour la plupart des analyses. On suppose aussi que les recommandations qui visent les aînés en général s'appliqueront à tous les Canadiens. Le problème, c'est que, quand on observe ces recommandations et ces enjeux d'un point de vue qui tient compte des différences entre les sexes, on constate que les femmes et les hommes vivent dans deux économies distinctes sur le plan du revenu. Cette situation a des répercussions énormes sur leur capacité d'économiser en général et, plus particulièrement, pour leur retraite.
Je vous ai remis un document, qui figure, je crois, dans votre dossier, et qui illustre la répartition du revenu en fonction de l'âge et du sexe pour 2004. J'ai fourni ce document parce que j'estime qu'il pourrait être utile, puisque nous parlons de seuils de faible revenu, d'examiner l'écart dramatique entre la répartition des revenus en fonction du sexe tout au long de la vie des personnes. Si vous examinez les courbes des deux revenus, ainsi que la répartition des revenus moyens d'une année sur l'autre, vous devez tenir compte de deux éléments importants.
Même pendant leurs années les mieux rémunérées, le revenu moyen des femmes ne dépasse jamais 70 p. 100 de celui des hommes. Quand elles arrivent à 50 ans, le revenu des femmes, qui dépasse rarement le niveau actuel de 30 000 $, diminue de façon importante. Par la suite, il ne change à peu près plus. La ligne qui représente le revenu à partir de 60 ans est à peu près ce que l'on peut obtenir de plus plat, quand on fait un graphique représentant des revenus réels.
Cette situation a deux grandes répercussions sur tous les enjeux mentionnés dans le chapitre 3 du rapport. D'abord, les femmes n'ont pas la même capacité d'épargne que les hommes pendant leur vie professionnelle. Elles ne sont donc pas capables d'investir autant dans des régimes de pension agréés. Cependant, les femmes sont plus nombreuses que les hommes à avoir recours aux régimes de pension agréés parce qu'elles y voient une occasion d'accumuler des droits à pension. Les femmes ont moins l'occasion de profiter des régimes enregistrés d'épargne-retraite. En 2007, le revenu de 40 p. 100 des femmes au Canada était si peu élevé que les déductions fiscales et les crédits d'impôt ne leur étaient d'aucune utilité. Elles se retrouvent dans une zone où il n'y a aucun avantage fiscal. Il s'agit d'une grande proportion des femmes. Pourquoi une personne qui a un tel revenu envisagerait-elle de cotiser à un régime enregistré d'épargne- retraite?
Ensuite, le nouveau compte d'épargne libre d'impôt n'est pas à la portée de bien des femmes, qui n'ont pas besoin de planifier des dépenses futures non imposables puisqu'elles font déjà face à une dette nette chaque année. Le partage des revenus prévus dans les régimes d'épargne libre d'impôt exerce aussi une très grande pression sur les femmes, puisqu'une femme qui épargne devient une moins bonne épouse — d'un point de vue de planification fiscale — qu'une femme qui n'a pas d'épargne. Le compte d'épargne libre d'impôt double la possibilité de cotisations annuelles d'une personne sur le plan des revenus qui peuvent être épargnés dans un compte d'épargne libre d'impôt. Comme elles ont un revenu moins élevé, des capacités d'épargne inférieures, une capacité de cotisation au Régime de pensions du Canada moins élevée — sur le plan des heures assurables, de la rémunération assurable et du montant disponible par l'entremise du régime de pension —, elles arrivent à l'âge de 50 ans avec un actif beaucoup moins important que celui des hommes. Une autre hypothèse qui semble au cœur de bien des analyses à ce sujet ressort clairement : les politiques économiques et sociales destinées aux aînés canadiens sont conçues comme si la plupart des gens vivaient en couple. Les célibataires ne font pas partie du portrait des politiques.
Par exemple, la règle de partage du revenu de pension entraîne aussi de la pression sur les femmes. Une femme qui reçoit son propre revenu de pension a moins de valeur, sur le plan de la planification fiscale, qu'une épouse ou une colocataire dont ce n'est pas le cas. On accorde beaucoup d'importance aux besoins en matière d'avantages fiscaux des hommes âgés, ce qui fait qu'on leur permet de fractionner leur revenu de pension et de profiter d'un allègement fiscal important. On suppose toutefois que tout le monde est en couple. On espère peut-être que tout le monde vivra en couple, et qu'un membre du couple aura un revenu élevé. Cependant, on ne tient pas compte des célibataires et des personnes qui vivent dans un autre type de ménage.
En ce qui concerne les améliorations qui pourraient être apportées au chapitre 3, je recommanderais qu'on y ajoute une partie de ces renseignements concrets sur la situation des femmes. Quand on examine les recommandations selon ce point de vue, certaines choses nous sautent aux yeux. D'abord, pour répondre aux besoins en matière de revenu des femmes ayant un faible revenu — qui seront toujours plus nombreuses que les hommes, quelle que soit la catégorie d'âge touchée par les dispositions sur la retraite —, chaque disposition devrait, dans la mesure du possible, prendre la forme d'une dépense directe ou d'un crédit d'impôt entièrement remboursable. Sinon, elles ne couvriront pas les personnes qui en ont le plus besoin.
Je suis d'accord avec M. Milligan, quand il dit que ce serait une très bonne idée d'augmenter le montant exonéré d'impôt qui peut être reçu dans le cadre du SRG. Il faut aussi élargir la catégorie des autres gains qui ne sont pas assujettis à la disposition de récupération du SRG. Par exemple, les femmes ou les contribuables à faible revenu qui ont réussi, même s'ils ont eu un faible revenu toute leur vie, à se constituer une pension ou à cotiser à un régime enregistré devraient aussi, selon moi, pouvoir retirer de ces régimes un montant assez important sans être visés par la disposition de récupération du SRG. Une personne qui a droit, en premier lieu, au SRG, doit aussi pouvoir toucher n'importe quel type de revenu. Il faudrait aussi apporter un changement en ce sens aux règles du Régime de pensions du Canada.
La deuxième chose qui, selon moi, pourrait être ajoutée ou incluse dans le chapitre 3, c'est une remise en question de la taille du crédit de TPS. La TPS demeure l'une des taxes les plus élevées à être assumée par les personnes de ce groupe d'âge. Tant que le taux marginal d'imposition le moins élevé que doivent payer les personnes demeurera aussi élevé — il sera maintenant réduit à 15 p. 100, mais il demeure élevé si l'on tient compte des autres taxes —, j'estime que le crédit de TPS demeurera largement insuffisant pour véritablement soulager les personnes qui ont, essentiellement, un revenu de subsistance. Le crédit de TPS actuel, de seulement 237 $, s'applique à la première tranche de 4 700 $ de dépenses en articles assujettis à la TPS. Même les personnes qui ont un faible revenu de subsistance doivent dépenser plus de 4 700 $. Il devrait y avoir une augmentation en fonction de l'âge, ou encore un type de supplément unique offert aux personnes qui ont un revenu total peu élevé afin de leur offrir un certain soulagement.
Francis Bowkett, directeur exécutif, Association nationale des retraités fédéraux : Bonjour à tous les membres du comité; je vous remercie de donner à l'ANRF l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui.
L'Association nationale des retraités fédéraux est le plus grand et le plus influent groupe de défense des intérêts des pensionnés fédéraux. Elle représente plus de 160 000 membres au pays : des retraités de la fonction publique, des Forces canadiennes et de la GRC, de même que des juges fédéraux à la retraite. L'ANRF préconise des changements positifs des politiques et l'amélioration de la qualité de vie de ses membres et des aînés en général.
Comme on nous l'a demandé, nos commentaires porteront, aujourd'hui, sur les options proposées par le comité dans le chapitre 3 de son deuxième rapport provisoire. Nos observations présentées par écrit comprennent des réactions à la plupart de ces options, mais mon témoignage portera sur notre réaction à l'option 27. Nous pensons, plus particulièrement, qu'il faut collaborer avec les gouvernements provinciaux afin d'accroître le taux de remplacement du revenu provenant du RPC, qui est actuellement fixé à 25 p. 100 du revenu, à au moins 50 p. 100, ou d'augmenter le montant maximum des gains ouvrant droit à pension pour qu'il dépasse le revenu moyen.
L'ANRF croit qu'une expansion verticale du RPC/RRQ est la façon idéale de traiter la question des aînés à faible revenu.
Depuis la mise en œuvre du RPC/RRQ en 1966, le pourcentage des personnes qui touchent le SRG a diminué pour passer d'environ 60 p. 100 à moins de 40 p. 100. L'expansion verticale du RPC/RRQ réduirait encore davantage le pourcentage des personnes qui touchent le SRG. Un tel changement apporté au RPC/RRQ n'aurait pas nécessairement une incidence concrète sur les tendances en matière d'emploi et sur la participation à la population active, mais assurerait clairement que les revenus de la retraite remplaceraient 50 p. 100 des revenus d'emploi moyens pour tous les Canadiens qui travaillent.
Même si l'ANRF estime que ce changement entraînerait une augmentation du taux de cotisation comparable à l'augmentation de 3,6 p. 100 qui a eu lieu en 1996, nous pensons qu'il faut toutefois se méfier de la réaction potentielle du secteur privé, qui pourrait considérer qu'il s'agit d'une option inabordable. Nous pensons aussi qu'une expansion verticale doit se faire de façon graduelle.
Au début de l'année, l'ANRF a donné à trois provinces de l'information sur cette question en particulier, et nous vous avons apporté des copies de l'exposé qui a été présenté.
En réalité, une augmentation du taux de cotisation au RPC/RRQ ne s'appliquerait complètement dans les faits qu'aux employeurs qui ne parrainent pas déjà pour leurs employés un régime à prestations déterminées ou un régime à cotisations déterminées. Ces employeurs devront probablement se baser sur les principes de la rémunération globale pour éponger les nouveaux coûts de pension que cette augmentation pourrait entraîner.
De plus, la pleine expansion verticale du RPC/RRQ pourrait en fait réduire des pensions à payer pour les employeurs qui parrainent déjà un régime à prestations déterminées coordonné avec le RPC/RRQ, pour les raisons suivantes : d'abord, les prestations de pension du RPC sont fondées sur les revenus d'emploi moyens durant la carrière plutôt que sur les salaires moyens finaux; ensuite, la période de cotisation au RPC/RRQ dépasse 35 ans, c'est-à-dire 47 ans pour la pension de retraite normale; troisièmement, l'âge normal de la retraite pour le RPC/RRQ est généralement plus élevé que pour les régimes privés à prestations déterminées puisqu'il est de 65 ans plutôt que de 60 ans ou moins.
L'ANRF recommande que le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement fasse une recommandation dans son rapport final pour collaborer avec les gouvernements provinciaux dans le but d'accroître le taux de remplacement du revenu provenant du RPC/RRQ de 25 p. 100 à au moins 50 p. 100. Nous recommandons, en outre, l'augmentation des gains maximums ouvrant droit à pension du RPC afin qu'ils dépassent le salaire moyen pour atteindre la limite s'appliquant au régime de pension enregistrés. En 2007, cette limite était de plus de 111 000 $. Il s'agit de notre principale recommandation.
Michael Veall, professeur et président, Département d'économie, Université McMaster : Merci de me donner l'occasion de témoigner. De façon générale, j'estime qu'il s'agit d'un bon rapport. On m'a demandé, comme à Kevin Milligan, de m'attarder au chapitre 3. Je crois que le chapitre 3 est un chapitre intéressant. Comme il ne recommande pas de changement rapide et important, il reconnaît la valeur de la stabilité dans les programmes de revenu de retraite, en plus de reconnaître que l'une des grandes réalisations du Canada a été de réduire de façon si massive le taux de pauvreté chez les aînés au cours des 35 dernières années que ce taux est maintenant inférieur à celui de tous les pays avec lesquels nous nous comparons habituellement, mis à part les Pays-Bas.
M. Milligan a dit que je devrais parler des raisons pour lesquelles notre taux n'est pas aussi bas qu'il pourrait l'être, c'est-à-dire aussi bas que celui des Pays-Bas. Quand on observe les données, on constate que la plupart des aînés qui vivent sous le seuil de faible revenu ne se trouvent pas très loin sous ce seuil, ce qui signifie que la pauvreté n'est pas aussi grande qu'on pourrait le penser. Il y a, essentiellement, trois groupes d'aînés qui connaissent une grande pauvreté. L'un de ces groupes est composé d'immigrants qui n'ont pas encore droit au Supplément de revenu garanti. Le second groupe est composé des aînés qui ont des enfants à charge, dans certains cas des enfants handicapés ou des petits- enfants dont ils s'occupent. Le troisième groupe est constitué des personnes qui ne touchent pas le SRG même si, selon les données, elles y ont droit. Nous ne comprenons pas pourquoi c'est ainsi; il s'agit d'une énigme empirique qui a d'importantes conséquences.
Je vais aussi répéter le commentaire technique qu'a fait M. Milligan sur la recommandation 24 concernant l'imposition. D'après ce que je comprends, le SRG n'est pas visé par l'impôt sur le revenu des particuliers, du moins pour les personnes qui reçoivent uniquement la SV ou le SRG; c'est pourquoi je ne comprends pas cette recommandation en particulier.
À bien des endroits, on lance des options qui rendraient le RPC plus coûteux sans déterminer comment ces coûts seraient couverts. Je pense à l'option 19, qui rendrait plus facile le versement de cotisations juste avant la retraite. Il s'agit d'une mesure valable pour les travailleurs, mais elle coûte très cher au régime parce que ces cotisations ont la même valeur dans la formule finale de calcul de la prestation même si elles n'ont pas passé autant de temps dans le régime, ce qui fait que le rendement du capital investi n'aurait pas le temps de s'accumuler.
L'option 37 élargit les dispositions d'exclusion, ou propose de les élargir. De toute évidence, cela entraînerait une augmentation des coûts du régime. À mon avis, surtout en ce qui concerne l'option 37, ce n'est pas une option tout à fait mauvaise, mais il faudrait tenir compte de ses coûts.
De nombreuses personnes ont parlé de l'option 27, concernant l'élargissement du régime, et il s'agit clairement, à mon avis, de l'option la plus importante. C'est évident, dans ce cas, que, pour payer les prestations plus élevées, il faudrait accroître la limite des cotisations. On pourrait alors être tenté de recommencer à payer des prestations plus élevées de façon prématurée, avant qu'elles ne reflètent les cotisations accrues de chaque personne; toutefois, si on résiste à cette tentation, il y aurait un avantage, que je veux souligner, comme d'autres l'ont fait plus tôt dans leurs commentaires, et c'est que les prestations accrues du RPC entraîneraient une réduction des prestations de la SRG. Cela atténuerait automatiquement les mesures dont les gens ont parlé, qui poussent à retarder le moment de demander le SRG, ce qui libérerait un peu d'argent. Cet argent pourrait être utilisé à diverses fins, entre autres pour atténuer les mesures qui poussent à retarder le moment de demander le SRG.
Au sujet de l'option 27, vous pourriez aussi, honorables sénateurs, envisager une réforme du RPC qui permettrait aux conjoints ayant une rémunération de cotiser pour leur conjoint sans revenu d'emploi. Un conjoint sans revenu d'emploi aurait donc droit à des prestations pleines et entières du RPC.
Bob Baldwin, associé principal, Informetrica Ltd. : Monsieur le président, et mesdames et messieurs les membres du comité, d'après ce que je comprends, on me demande de limiter mes déclarations préliminaires à cinq minutes, ce que je vais tenter de faire. Compte tenu de ce délai, je crois qu'il convient d'aborder les grands thèmes de plusieurs des principaux enjeux soulevés dans le chapitre 3 plutôt que de tenter de mettre l'accent sur des recommandations en particulier.
Je vais aborder brièvement la question du caractère suffisant des revenus, abordée dans le chapitre 3, et celle des mesures d'incitation à la retraite.
En ce qui concerne le caractère suffisant des revenus, je commencerai à répéter ce qui est dit dans le rapport du comité et ce que d'autres intervenants ont affirmé, c'est-à-dire que le niveau de vie des aînés canadiens s'est rapidement amélioré au cours de la fin du XXe siècle. Le véritable pouvoir d'achat dont jouissent les aînés canadiens a presque doublé au cours des 25 dernières années du XXe siècle. Le revenu des aînés canadiens par rapport à celui des jeunes Canadiens a beaucoup augmenté, et le taux de pauvreté a aussi beaucoup diminué.
Les sources de revenu qui ont permis ces changements étaient, d'abord, l'arrivée à maturité des régimes de pensions du Canada et du Québec, et des régimes de pensions en milieu de travail offerts au Canada. Nous avons de nombreuses raisons d'être fiers de ce que nous avons accompli jusqu'à maintenant, mais je crois qu'il faut se méfier de la complaisance.
Si nous envisageons l'avenir, nous constatons que le volet du système de revenu de retraite qui s'appuie sur les pensions en milieu de travail fait face à de nombreuses menaces. La chose la plus évidente à signaler, à ce sujet, c'est le fait que le pourcentage de Canadiens qui ont un emploi et qui sont couverts par un régime en milieu de travail a diminué d'environ 46 p. 100 à la fin des années 70 à environ 40 p. 100, aujourd'hui.
De plus, la forme que prennent les régimes de pensions en milieu de travail a beaucoup changé, ce qui fait que, maintenant, une bien plus grande part des membres des régimes de retraite en milieu de travail sont couverts par un régime à cotisations déterminées, et qu'un petit nombre d'entre eux sont couverts par un régime à prestations déterminées, ce qui signifie que, dans l'avenir, le revenu des aînés sera beaucoup plus vulnérable aux risques en matière d'investissement que le revenu actuel des aînés.
Je m'éloigne un peu du sujet, mais j'aimerais dire que, dans ce secteur, nous sommes gênés par des problèmes de données. Je ne vais pas passer en revue avec vous tous les problèmes qui existent à ce sujet, mais je soulignerai que les données les plus souvent utilisées reflètent probablement une diminution de la couverture beaucoup plus importante qu'elle ne l'est en réalité, mais mettent moins en lumière la transition d'un régime à prestations déterminées à un régime à cotisations déterminées. Il faut tenir compte de cet aspect quand on analyse ces chiffres.
Pour conclure mon commentaire sur la couverture, je mentionnerai que le problème de couverture est le plus grave pour les employés non syndiqués du secteur privé qui travaillent au sein de petites entreprises. J'ajouterais que, pour ces employés, autant les hommes que les femmes, le problème de couverture est très important.
Ce qu'il faut bien comprendre, à propos des améliorations qui ont eu lieu à la fin du XXe siècle, c'est qu'elles reflétaient non seulement la qualité du système de pension et le degré de couverture offert par le passé, mais aussi un ensemble très précis de circonstances économiques qui favorisaient des mécanismes de pension fondés sur l'épargne avant la retraite.
Trois événements ont été importants à ce sujet. D'abord, la faible inflation que nous avons connue à partir du début des années 90. Ensuite, il y a eu les taux élevés de rendement de l'actif financier à la fin des années 80 et pendant les années 90. Enfin, il y a eu la lente croissance des salaires, ce qui peut sembler étonnant. Vous vous demandez peut-être quelle est l'incidence de la lente croissance des salaires sur tout cela. Elle a une incidence sur le revenu relatif des gens âgés par rapport à celui des jeunes. Le point de comparaison n'augmentait pas très rapidement, et c'est l'une de raisons pour lesquelles le revenu des aînés semblait s'améliorer si rapidement. Je souhaiterais que, dans l'avenir, vous vous attardiez à ce qui se passe dans le secteur des régimes de pensions en milieu de travail.
Tout au long des années 1980 et 1990, les mécanismes de pension gouvernementaux se sont grandement améliorés en ce qui concerne les rapports financiers, mais nous n'avons jamais eu, autant que je le sache, un organisme gouvernemental chargé d'évaluer les perspectives actuelles et futures des aînés canadiens en matière de revenu. Il faudrait améliorer nos capacités à ce sujet tout en améliorant notre capacité d'évaluer les coûts et les dépenses dans l'avenir.
En ce qui concerne la question des facteurs qui incitent à prendre sa retraite, j'ai l'impression que les auteurs du rapport mettent l'accent presque exclusivement sur les mesures incitatives qui existent au sein du régime fiscal et de nos mécanismes de pension gouvernementaux. Je ne nie surtout pas l'intérêt de ces aspects, mais je suggère que vous teniez compte aussi de trois autres questions.
Compte tenu du contexte canadien, il est aussi important, voire plus important, d'examiner les mesures incitatives qui font partie des mécanismes de pension en milieu de travail que les mesures incitatives prévues dans nos programmes de pension gouvernementaux. Je n'en dirai pas plus pour l'instant; nous pourrons y revenir pendant la période de questions et de réponses, si vous le souhaitez.
Il faut aussi rappeler que, pour les personnes qui tentent de décider si elles doivent prendre leur retraite ou continuer à travailler, les mesures incitatives financières interagissent avec un certain nombre d'autres facteurs. Il faut tenir compte, par exemple, de la qualité de l'expérience que vivent ces personnes au travail et du fait que, compte tenu de la façon dont la vie professionnelle de ces personnes est organisée, il est raisonnable, pour elle, de continuer à travailler plutôt que de prendre leur retraite.
Je dirais, à ce sujet, qu'il s'agit d'une question qui ne peut être réglée simplement grâce aux mesures dont les gouvernements ont la maîtrise. Si vous voulez modifier la nature de la décision de rester au travail ou de prendre sa retraite, il faut que les gouvernements, les employeurs et les syndicats travaillent en étroite collaboration.
L'autre aspect dont je crois que vous devriez tenir compte concernant la décision de prendre sa retraite, c'est le fait que, pour certaines personnes, la retraite survient de façon accidentelle et n'a pas été planifiée. Des personnes se retrouvent au chômage à un âge avancé et ne retournent jamais sur le marché du travail. Des femmes quittent la population active pour s'occuper d'un parent et n'y retournent simplement jamais. Les mesures incitatives sont importantes, mais elles n'expliquent pas, à elles seules, pourquoi les gens cessent de travailler et prennent leur retraite.
La dernière chose que j'aimerais souligner à propos des mesures qui incitent à prendre sa retraite, c'est que vous mentionnez, vers la fin du chapitre 3 de votre rapport, qu'il est important de tenir compte du cycle de la vie. Il s'agit d'une remarque pertinente, et je crois qu'il faut particulièrement tenir compte de ce qui se passe au tout début de la vie adulte, quand des changements importants ont lieu. Nous savons que, en moyenne, les jeunes adultes quittent la maison familiale plus tard, se marient plus tard, ont des enfants plus tard et entreprennent leur carrière plus tard. Tous les retards dans le passage de la jeunesse à l'âge adulte auront des effets en aval et je crois qu'il sera beaucoup plus difficile, pour bon nombre de jeunes travailleurs actuels, de prendre leur retraite aussi tôt que leurs parents et grands- parents parce qu'ils traîneront encore des dettes contractées au début de leur vie adulte.
Je connais bien les données qui illustrent l'évolution de l'âge moyen auquel ces événements surviennent. Il est important de savoir si la situation des gens au début du cycle de vie est actuellement plus homogène ou moins homogène qu'auparavant. Si les jeunes vivent ces transitions de façon moins homogène qu'auparavant, cela signifie que l'âge chronologique aura probablement moins d'importance dans l'avenir comme critère pour prendre sa retraite, et que certaines mesures qui favorisent la poursuite de la participation au marché du travail pourraient devenir plus importantes. Ce sera la fin de mes commentaires pour l'instant.
Le vice-président : Le revenu familial garanti et le revenu personnel garanti semblent être des mécanismes assez simples, et les experts semblent croire qu'ils le sont, mais j'ai l'impression qu'on ne donne jamais suite à cette idée.
Revenons aux propos de Mme Lahey sur la situation des femmes. Par exemple, une femme âgée vivant seule peut tirer un peu d'argent de trois sources, mais elle n'arrive jamais à joindre les deux bouts. En effet, un manque à gagner d'environ 5 000 $ l'empêche de se hisser au-dessus du seuil de pauvreté.
Auriez-vous chacun une idée de la façon dont on pourrait modifier le régime dans son ensemble pour éliminer cet écart? Il me semble qu'une solution ne devrait pas être trop coûteuse.
Mme Lahey : Votre exemple est très pertinent, mais, selon moi, la solution réside dans une analyse systématique de tous les facteurs liés au sexe qui engendrent la situation financière de cette femme lorsqu'elle atteint un âge donné plutôt que dans l'application d'une autre mesure ponctuelle pour pallier cette situation particulière.
Les femmes vivent des difficultés financières parce qu'on surimpose un revenu relativement faible tout au long de leur vie. Sous le régime de l'actuelle Loi de l'impôt sur le revenu, dès que vous touchez un revenu de 9 601 $, vous êtes assujetti aux mêmes taux d'imposition fédéral et provincial — environ 21 p. 100 du revenu brut pour une personne qui habite en Ontario — que les personnes dont le revenu imposable se situe en deçà de 37 000 $. Il s'agit d'une fourchette énorme, et cela représente réellement une charge fiscale excessive pour les personnes à faible revenu.
Il y a plus de 100 instruments fiscaux applicables aux conjoints dans la Loi de l'impôt sur le revenu, et il existe diverses autres dispositions fiscales qui sont fondées sur le revenu familial. Par conséquent, si l'on se fie aux simulations que j'ai réalisées, le revenu des femmes est systématiquement réduit au cours de leur vie, car elles sont considérées comme un élément d'une famille économique au sein de laquelle elles ne peuvent jouir de leurs propres droits de cotisation, et cetera. Elles sont toujours traitées comme faisant partie d'une unité économique. En outre, nous n'avons tout simplement pas les statistiques dont nous aurions besoin.
À mon avis, le fait d'adopter de façon précipitée une mesure comme le revenu annuel garanti pour les personnes d'un certain âge et peut-être pour celles se trouvant dans une situation financière particulière revient tout simplement, encore une fois, à agir après coup sans tenir compte des facteurs à l'origine d'une telle situation. Cela étant dit, le SRG correspond à un revenu annuel garanti pour une personne d'un certain âge. Par conséquent, je recommanderais sans réserve que le SRG soit augmenté au moyen des mécanismes que j'ai mentionnés plus tôt.
Le vice-président : Sur quelle mesure devrions-nous nous appuyer pour augmenter le SRG jusqu'à un niveau qui permettrait à une personne de s'affranchir de la pauvreté?
Mme Lahey : Je ne saurais vous dire quelle mesure conviendrait le mieux. J'ai des réserves concernant toutes les mesures de faible revenu, mais je crois que le seuil de faible revenu après impôts serait la mesure la plus adéquate. À mon sens, elle serait la plus réaliste.
Toute personne appartenant à cette tranche d'âge n'est pratiquement pas imposée, et, par conséquent, je crois qu'elle devrait être exemptée de toute récupération concernant le SRG et préservée de tous les effets liés au piège de l'aide sociale qui entrent en jeu. Il serait tout à fait raisonnable qu'une personne touchant un revenu de 15 000 $ à 18 000 $ ne soit pas assujettie à l'impôt et qu'elle ait droit à un crédit pour TPS plus élevé.
M. Milligan : J'aimerais expliquer pourquoi, en pratique, il peut être un peu difficile d'instaurer un revenu minimal garanti, même si l'idée peut sembler en effet très séduisante.
Une mesure semblable peut parfois être source de dilemme parce que l'on veut que le montant garanti soit assez élevé pour soulager la pauvreté. Toutefois, pour que le gouvernement soit en mesure d'assumer cette dépense, les prestations versées doivent diminuer assez rapidement à mesure que le revenu augmente. Or, la diminution rapide des prestations, assortie à un taux de récupération de 40 ou de 50 p. 100, finirait par nuire au marché de l'emploi et aux mesures incitatives à l'épargne. D'un autre côté, si le taux de récupération n'est pas assez élevé, les prestations seraient alors substantielles et versées jusqu'à un seuil assez élevé sur l'échelle des revenus, de sorte que l'application de cette mesure serait très coûteuse. Il s'agit donc d'un dilemme.
Si l'on verse des prestations importantes aux gens, il faut prévoir un taux de récupération élevé pour avoir les moyens d'offrir un tel montant. Si on offre des prestations modestes, on peut se permettre d'appliquer un faible taux de récupération, mais, de cette façon, on ne soulage pas la pauvreté. Voilà pourquoi l'instauration d'une telle mesure occasionne un dilemme.
M. Baldwin : Je souhaite remercier M. Milligan; il a exprimé l'idée générale de façon bien plus éloquente que je ne l'aurais fait.
Pour ce qui est des mesures fiscales à l'intention des personnes à faible revenu, plus il y a possibilité de les regrouper en une seule et unique mesure, moins il y aura de répercussions sur les incitations. Si l'on commence à appliquer une mesure fiscale par-dessus une autre en vue d'aider les personnes à faible revenu, je crains qu'on finisse par créer des tranches de revenu imposable assujetties à des taux marginaux d'imposition très élevés. Par conséquent, je préconiserais de ne pas verser à la fois un crédit pour TPS et un SRG. À mon sens, plus on est en mesure d'intégrer ces instruments fiscaux, moins on affaiblit les mesures incitatives.
Le vice-président : Pour quelle solution opteriez-vous? Si l'on décide de ne pas regrouper ces mesures, comment pourrions-nous régler autrement la situation?
M. Baldwin : Comme l'a précisé Mme Lahey, nous disposons déjà des éléments clés d'un programme de revenu minimal pour les aînés canadiens, sous la forme de la SV et du SRG. Pour suivre le raisonnement de M. Milligan, quand vient le temps d'aider les personnes à faible revenu, la SV a évidemment l'avantage de ne pas présenter l'effet dissuasif associé à un taux de récupération de 50 p. 100. Chaque fois qu'on augmente la prestation de la SV de 1 $, on dépense probablement trois fois plus d'argent qu'on ne le ferait si on augmentait le maximum du SRG de 1 $. C'est le dilemme réel devant lequel on se trouve lorsqu'il faut déterminer comment gérer ces deux programmes pour lutter contre la pauvreté.
Bernard Dussault, agent principal de recherche et de communications, Association nationale des retraités fédéraux : Nous avons trois propositions en tête. Tout d'abord, le montant d'exemption de base pour tous les contribuables se situe actuellement entre 9 000$ et 10 000 $. Nos croyons que ce montant de base pourrait être augmenté au seuil de faible revenu. Tout revenu situé sous le seuil de la pauvreté, c'est-à-dire en deçà d'un montant d'environ 15 000 $, ne devrait pas être assujetti à l'impôt. De cette façon, il ne serait plus nécessaire de considérer les prestations du SRG comme non imposables. Ce type de prestation a valeur de revenu et devrait être assujetti à l'impôt comme toute autre forme de revenu.
Je ne considère pas qu'une partie du SRG est récupérée. Le soi-disant taux de récupération existe à des fins d'équité. Si l'on versait une prestation minimale à tous, ce ne serait pas juste pour les personnes dont le revenu se situe déjà au seuil de faible revenu. Nous devons continuer d'appliquer la règle des 50 p. 100, c'est-à-dire de combler 50 p. 100 de l'écart entre le faible revenu d'une personne et le seuil de pauvreté.
En second lieu, étant donné que le redressement de 50 p. 100 offert par le SRG empêche quiconque d'atteindre le seuil de la pauvreté, nous proposons l'augmentation du SFR, de sorte qu'on ne pourrait plus parler d'un SFR. Il pourrait passer à 20 000 $ ou à 25 000 $. Comme l'a mentionné quelqu'un, il n'y a aucun chiffre magique. Nous pourrions envisager de nouveau l'idée de la prestation pour aînés qui a été proposée en 1996. Les montants proposés n'étaient peut-être pas parfaits, rien ne l'est, mais, au moins, cette initiative tentait de corriger la situation.
Le sénateur Stratton : Ces questions sont primordiales pour quiconque se trouve sous le seuil de la pauvreté, mais, en général, ce sont les femmes qui sont le plus durement touchées par la pauvreté.
Nous allons tout droit vers une grave pénurie de travailleurs qualifiés, et, très bientôt, les choses iront de mal en pis. Les prochaines générations d'aînés seront beaucoup plus en santé que la nôtre. En effet, mes enfants et les vôtres seront sûrement en bonne santé lorsqu'ils atteindront 80 ou 90 ans, comparativement à notre génération, qui n'avait pas un mode de vie particulièrement sain.
Après m'être penché sur toutes les recommandations, je crois que nous devons inciter les aînés à continuer de travailler au moyen de mesures incitatives et d'avantages. L'un des témoins a mentionné que l'augmentation du revenu des aînés de 500 à 3 500 $ sans l'imposition d'une pénalité est vraiment un pas dans la bonne direction.
Ne croyez-vous pas que, si nous augmentions le seuil de pauvreté pour les aînés, nous devrions également penser à mettre en place des mesures incitatives pour les encourager à rester sur le marché du travail? En continuant de travailler, les aînés demeurent actifs sur le plan tant physique que mental, ce qui les garde en santé. C'est mon avis. Je crois qu'il est essentiel qu'on les encourage à rester sur le marché du travail, compte tenu de la grave pénurie de travailleurs qualifiés qui nous menace.
Comment croyez-vous que nous devrions encourager les aînés à continuer à travailler aussi longtemps que possible? Dans un sens, ce mode de vie leur permettrait de continuer d'habiter dans leur maison.
M. Dussault : Dans les années 1970, 1980 et 1990, lorsque les prévisions concernant le vieillissement de la population ont commencé à se multiplier, on a pu saisir toute l'ampleur de la menace. Je crois que le fait de poser la question, comme vous l'avez fait, permet en partie d'y répondre. La pénurie de travailleurs devrait nous aider à venir à bout de ce problème.
Nous ne sommes pas obligés de trouver des mesures pour inciter les aînés à travailler parce qu'une pénurie de travailleurs se fait sentir. Comme l'a précisé M. Baldwin, de plus en plus d'aînés retardent le moment de la retraite en raison du déplacement des grandes étapes de la vie. Bon nombre d'aînés ont des obligations que ceux des générations précédentes n'avaient pas.
À mon avis, la pénurie de main-d'œuvre représentera la solution naturelle pour inciter davantage les aînés à travailler. Nous n'avons pas besoin de mettre en place des mesures incitatives, elles sont déjà là. Il y a un manque de travailleurs. Tout devrait s'équilibrer automatiquement.
Le sénateur Stratton : Par exemple, une personne pourrait travailler à temps partiel comme commis dans un magasin, car les aînés ne veulent pas nécessairement travailler à temps plein. L'un des hommes avec qui j'ai déjà travaillé m'a dit que, lorsque qu'il prendrait sa retraite, il irait travailler à temps partiel chez Wal-Mart seulement pour demeurer actif.
Il faut inciter les aînés à agir de la sorte, surtout s'ils reçoivent des prestations de la SV. Nous voulons qu'ils demeurent au sein de la population active.
Monsieur Baldwin, vous affirmez que de telles mesures devraient résulter d'une collaboration. Pour cela, il faut la participation du secteur privé. Que peut faire le gouvernement pour encourager les aînés à rester au sein de la population active?
M. Baldwin : Premièrement, je ne m'inquiéterais pas outre mesure au sujet de la pénurie de main-d'œuvre, contrairement à la plupart des gens, parce que des réactions naturelles du marché ont tendance à corriger ce genre de situation, et certaines de ces réactions se traduiront par des répercussions positives.
J'ai été étonné par le fait qu'on accordait beaucoup d'attention au phénomène des personnes qui travaillent après 65 ans. En fait, des années 70 jusqu'au milieu des années 90, on essayait avant tout de trouver un moyen d'encourager les gens à travailler jusqu'à 65 ans, et non au-delà. C'est important de le souligner, parce que certaines des mesures incitatives énoncées dans le rapport qui suscitent beaucoup d'intérêt ne peuvent s'appliquer qu'aux personnes de 65 ans et plus.
Dans un même ordre d'idées, j'ai dit plus tôt que vous auriez peut-être avantage à trouver comment modifier l'expérience de travail de façon à la rendre attrayante aux yeux des gens.
Je crois que, pour ce faire, le gouvernement peut opter pour un certain nombre d'initiatives, et que, même s'il ne peut changer les politiques dans les milieux de travail du secteur privé, il peut toujours mener des campagnes de sensibilisation et des recherches. Il y a plusieurs années, les responsables du Programme du travail de Ressources humaines et Développement social Canada ont publié un répertoire très intéressant présentant les dispositions des conventions collectives qui sont utiles aux travailleurs âgés — utiles dans le sens où elles bonifient l'expérience de travail pour que les gens soient plus enclins à continuer de travailler. On peut mener diverses recherches à ce sujet.
Pour qu'il y ait une réelle collaboration, le gouvernement peut former des groupes de discussion visant à rassembler des gens du milieu des affaires et du milieu syndical pour qu'ils discutent des différentes façons de rendre l'environnement de travail attrayant pour les travailleurs aînés. Je sais que le Programme du travail a mis en place une initiative modeste en ce sens il y a quelques années, mais je ne crois pas qu'on y a donné suite.
Il faut bien se rendre compte que le gouvernement ne peut pas y parvenir en faisant cavalier seul. Si vous envisagez un effort conjoint, je crois que le gouvernement devra probablement mener la barque. Malheureusement, peu d'institutions au Canada se préoccupent de réunir régulièrement les gens d'affaires et les syndicats pour qu'ils discutent de ces questions.
M. Milligan : Comme vient juste de le mentionner M. Baldwin, des années 1970 aux années 1990, la tendance était à la retraite précoce, surtout chez les hommes. Or, depuis les années 1990, nous constatons une augmentation des travailleurs âgés au sein de la population active, particulièrement parmi ceux qui se trouvent dans la tranche des 1960 à 64 ans.
Tammy Schirle, de l'Université Wilfrid-Laurier, a montré que ce phénomène est directement lié au comportement de l'épouse sur le marché du travail. Comme les femmes appartenant aux dernières cohortes sont beaucoup plus actives sur le marché du travail, les hommes retardent le moment de la retraite pour cesser de travailler en même temps que leur épouse. Ce qui m'amène à dire que nous devrions envisager cette question sous un angle familial, car ces éléments entrent en ligne de compte.
J'ai fait quelques recherches sur le SRG et le RPC ainsi que sur les incitatifs au marché du travail associés à ces formes de prestations. Nous avons parlé de la rémunération exemptée d'impôt pour les travailleurs de plus de 65 ans, ce qui est une bonne chose. Toutefois, pour les aînés de 60 à 64 ans, les rajustements actuariels compris dans le Régime de pensions du Canada représentent l'incitatif en faveur du marché du travail le plus important. On pourrait avoir avantage à examiner ce mécanisme.
Enfin, j'aimerais me faire l'écho de M. Baldwin : je suis d'accord avec le sénateur Stratton quand il dit que la participation des aînés au marché du travail présente de nombreux avantages, mais il ne faut pas perdre de vue que ce n'est pas tout le monde qui a le choix. Environ 25 p. 100 des gens appartenant à ce groupe d'âge prennent leur retraite pour des raisons de santé, tandis que 10 p. 100 le font pour s'occuper d'un membre de leur famille. Ces personnes n'ont pas nécessairement le choix, et, par conséquent, on veut être certain de mettre au point un mécanisme équitable pour elles.
M. Veall : La principale lacune du SRG, c'est qu'il dissuade fortement les gens de travailler; nous devons donc supprimer le SRG. Pour ce faire, nous pourrions, par exemple, augmenter la prestation et la portée du Régime de pensions du Canada.
Mme Lahey : Le fractionnement du revenu de pension crée un obstacle important à la participation au marché du travail pour l'époux dont le revenu est inférieur, soit la personne qui ne reçoit pas la pension à fractionner. Quand on ajoute au fractionnement toutes les autres dispositions fiscales applicables aux conjoints, qui, indirectement, ont un effet dissuasif sur la participation au marché du travail pour le deuxième soutien, le fractionnement du revenu de pension devient un aspect très important à prendre en considération.
Il s'agit d'une incidence intéressante, car le fractionnement du revenu de pension n'est d'aucune utilité pour les couples à faible revenu, et il profite même très peu aux couples dont le revenu familial se situe aux alentours de 45 000 $. Ce n'est que lorsque les couples touchent un revenu de pension de 60 000 $ ou plus que les avantages fiscaux commencent à se faire sentir.
Certaines personnes seront donc très fortement dissuadées de rester sur le marché du travail dès que la planification fiscale leur permettra de constater tous les avantages du fractionnement. Cet instrument fiscal pourrait être ajouté à la liste des mesures qu'on pourrait envisager de modifier.
Le sénateur Cordy : Si je pense aux gens de ma génération, tous mes amis prennent leur retraite entre 55 et 61 ans. Nombre d'entre eux recommencent à travailler à contrat ou à temps partiel. Les amis de ma fille, qui sont à la fin de la vingtaine, commencent tout juste à intégrer le marché du travail à temps plein. Il sera intéressant d'essayer de prévoir et d'observer ce qu'il adviendra des membres de cette génération, c'est-à-dire à quel moment ils feront assez d'argent pour être capables de prendre leur retraite.
Madame Lahey, je crois que nous sommes tous très heureux de constater que le taux de pauvreté au Canada est en déclin. Lorsqu'on décortique ce taux de 10 p. 100, on remarque à coup sûr que les femmes forment une grande proportion des personnes pauvres. Monsieur Veall, vous avez également cité quelques exemples. Vous avez parlé des immigrants et des aînés qui ont des enfants à charge. Je serais curieuse de savoir si ces groupes de personnes se composent principalement de femmes.
Madame Lahey, vous avez donné quelques bons exemples d'incitations financières visant à aider les femmes à s'affranchir de la pauvreté. Vous avez dit, entre autres, qu'il faudrait que l'argent leur soit directement versé. Vous avez exposé votre idée assez brièvement, et je me demandais si vous pourriez la développer un peu. Selon moi, si cette mesure prend la forme d'un allègement fiscal ou d'un crédit d'impôt, elle ne sera d'aucune utilité pour les personnes à faible revenu parce que celles-ci ne font pas assez d'argent pour payer de l'impôt.
Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que serait la mesure fiscale la plus profitable pour les femmes à faible revenu afin que nous puissions en recommander l'application au gouvernement fédéral?
Mme Lahey : Les femmes ont relativement moins d'autonomie financière que les hommes. Les ressources financières dont disposent les femmes proviennent en grande partie de sources indirectes. En effet, elles possèdent des avoirs en vertu du droit relatif aux biens familiaux, qui prévoit un partage à parts égales. En outre, elles tirent un revenu grâce au partage des droits de cotisation du Régime de pension du Canada, et elles possèdent la part des droits qui leur revient. Elles reçoivent des prestations de survivant grâce aux régimes de pension offerts en milieu de travail. Elles peuvent cotiser à un REER de conjoint, et elles posséderont cet actif, mais elles le touchent indirectement, par l'intermédiaire de leur époux ou conjoint.
La femme ne retire aucun avantage du fractionnement du revenu de pension, à l'exception d'une certaine augmentation de la capacité financière du couple. Elle ne possède pas la part du revenu de pension qui lui est théoriquement versée. Elle ne reçoit pas le remboursement d'impôt qui lui revient. Elle est responsable du paiement de l'impôt sur ce revenu, mais elle n'obtient aucune participation au régime. En outre, pour ce qui est des comptes d'épargnes libres d'impôt, qui peuvent prendre la forme d'un compte conjoint, le traitement réservé à l'intérêt dérivé est tel que l'épouse ou la conjointe ne saurait dire qui en hérite. Elle peut en être titulaire sous la forme d'un intérêt viager en vertu du droit des biens familiaux.
Bon nombre de dispositions fiscales font que les femmes touchent un revenu en partie dérivé, et cette situation les empêche d'acquérir leurs propres actifs.
De plus en plus de pays membres de l'Union européenne, de pays membres de l'OCDE et de pays en développement séparent le couple sur le plan fiscal et considèrent tous les époux comme des particuliers, de sorte que chaque personne dispose de ses propres droits de cotisation et ne voit pas ses prestations réduites en raison de sa relation avec une autre personne. Il serait essentiel que nous leur emboîtions le pas. C'est une entreprise colossale qui exigera beaucoup de travail. Actuellement, au Canada, nous sommes à contre-courant. Ce serait donc la toute première chose à faire.
En attendant, quelles autres mesures précises pouvons-nous mettre en place? Je crois que nous pourrions appliquer les solutions assez simples et directes que j'ai mentionnées plus tôt, comme l'augmentation de l'exemption rattachée au SRG et l'application de cette exemption à tout type de revenu.
Actuellement, une grande proportion de femmes qui ont cotisé à des REER et à des RPA ne peuvent toucher à cet argent pour payer leurs modestes dépenses parce qu'elles perdront leur SRG. Même si l'on peut dire qu'un taux de récupération de 50 p. 100 est « équitable » comparativement au taux exorbitant auquel sont soumises toutes autres formes d'aide sociale, une telle disposition de récupération constitue une véritable entrave parce que le montant reçu d'un REER sera assujetti à l'impôt, et, par conséquent, le SRG sera soumis à un taux de récupération. Il s'agit d'une situation où l'on se retrouve perdant d'une manière ou d'une autre, mais il existe des solutions très simples.
Le sénateur Cordy : Je crois que nous avons tous entendu des histoires bien tristes de gens qui, par exemple, ont retiré 2 000 $ de leur REER pour acheter une nouvelle fournaise pour ensuite découvrir qu'ils devaient payer 1 000 $ d'impôt et qu'on récupérerait peut-être une partie de leur SRG.
Le fractionnement du revenu de pension a piqué mon intérêt. Lorsque vous en avez parlé, vous avez semblé dire que les familles qui bénéficieraient le plus de cet instrument fiscal seraient surtout celles où l'un des époux a touché un revenu substantiel — habituellement l'homme, pour ce qui est de la génération actuelle — et où l'autre époux, en l'occurrence, la femme, est resté à la maison. Êtes-vous au courant des statistiques à ce sujet? Quel est le revenu des couples auxquels profite le plus le fractionnement?
Pour revenir aux personnes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, ce groupe se compose dans une grande proportion de femmes seules qui ne tireront aucun profit d'une telle mesure.
Mme Lahey : Je n'ai pas réparti les revenus en déciles ou en quintiles; je n'ai tenu compte que des divisions au sein des fourchettes de revenu. Un couple dont le revenu familial se situe tout juste sous la barre des 32 000 $ jouira d'une économie d'impôt ou d'un remboursement d'impôt de 500 $ grâce au fractionnement du revenu de pension. Ce montant demeure plus ou moins le même jusqu'à ce que le revenu familial atteigne 40 000 $.
La prochaine hausse marquée survient lorsque le revenu familial atteint 62 000 $, auquel cas le couple reçoit un remboursement d'impôt de 1 900 $. L'économie d'impôt augmente à mesure que le revenu s'accroît. C'est l'effet à rebours classique. Cette initiative particulière coûte chaque année 0,6 milliard de dollars au gouvernement, mais rien ne va aux personnes qui en ont le plus besoin. Les Canadiens à faible revenu ne reçoivent absolument rien.
Si l'on fait quelques calculs rapides, un couple qui touche un revenu de pensions de 120 000 $ qu'il peut fractionner recevra un remboursement d'impôt de plus de 10 000 $. Ce montant serait suffisant pour qu'une personne seule constate une amélioration radicale de son mode de vie. Pourquoi ces 10 000 $ ne sont-ils pas versés aux personnes qui en ont le plus besoin?
Le sénateur Cordy : Monsieur Baldwin, vous avez dit que les gens ont tendance à délaisser le régime à prestations déterminées au profit d'un régime à cotisations déterminées. Vous avez précisé que ce phénomène se produit principalement dans les petites entreprises où les employés ne sont pas syndiqués. Il me semble que cette situation prend de l'ampleur. Peut-être vous ai-je mal compris, mais on dirait que cette tendance est en train de gagner les grandes entreprises.
M. Baldwin : La question des régimes de pension, de quelque forme qu'ils soient, touche surtout les petites entreprises dont les employés ne sont pas syndiqués. Toutefois, il y a toujours eu une forte corrélation entre la grandeur de l'entreprise et le type de régime de pension qu'on y met en place, c'est-à-dire la préférence pour un régime à prestations déterminées ou à cotisations déterminées. Traditionnellement, les grandes organisations se dotaient d'un régime à prestations déterminées, alors que les petites entreprises préféraient un régime à cotisations déterminées.
Vous avez raison d'avancer que, au cours des dernières années, on a pu observer que des gros employeurs issus des secteurs tant public que privé ont mis en place des régimes de pension à cotisations déterminées, et, pour compliquer davantage les choses, de plus en plus d'employeurs ont recours à des régimes hybrides qui présentent des éléments empruntés aux deux types de régime.
À mon avis, on peut quand même généraliser et affirmer que la tendance est actuellement au régime à prestations déterminées plutôt qu'au régime à cotisations déterminées, et qu'il est toujours vrai que les petits employeurs privilégient surtout le régime à cotisations déterminées.
Le sénateur Cordy : Certaines personnes nous ont dit que ce changement comporte des avantages parce qu'il permet aux personnes de continuer à travailler pour leur employeur et de ne pas être pénalisées pour leur retraite précoce. Toutefois, si on y regarde de plus près, on peut constater que nombre d'éléments sont indépendants de notre volonté. Lorsqu'il s'agit d'un régime à cotisations déterminées, le cotisant est tributaire du marché, qui fait l'objet de fluctuations.
Devrions-nous examiner plus attentivement cette question?
M. Baldwin : Il va sans dire que tout le débat entourant le régime à prestations déterminées, le régime à cotisations déterminées et leur incidence respective sur le marché du travail est important. Même si les régimes à prestations déterminées suscitent des préoccupations parce qu'ils découragent la participation au marché du travail, ils ont l'avantage de donner à leurs membres un très bon aperçu du revenu qu'ils toucheront à la retraite. Cela étant dit, on a sérieusement réfléchi à des politiques qui nous permettraient de composer avec la forte tendance à recourir à des régimes de pensions à cotisations déterminées. Par exemple, je crois que la responsabilité des promoteurs de ces régimes de fournir aux membres un éventail approprié de choix et un accès à des services de consultation — question qui, par exemple, fait l'objet de litiges aux États-Unis — n'a pas été assez longuement débattue dans notre pays.
Il y a aussi le problème des frais très élevés qu'imposent la plupart des institutions financières offrant des produits d'épargne-retraite personnelle. Une étude comparant les frais appliqués dans 18 pays révèle que le Canada est le pays où les institutions financières imposent les frais les plus élevés, et cette situation inquiétante mériterait probablement qu'on s'y attarde.
Encore une fois, pour faire allusion aux propos de Mme Lahey sur l'écart entre les sexes, je crois qu'il serait important que l'on examine la façon dont les régimes de pension à cotisations déterminées interprètent les absences du travail. Certaines recherches menées aux États-Unis donnent à penser qu'il y a des différences systémiques entre la façon dont les hommes et les femmes investissent, ce qui peut donner lieu à des résultats systématiquement différents selon le sexe. Il faut également se demander dans quelle mesure on doit insister sur la conversion des épargnes personnelles en rentes de retraite.
Il semble que nous n'ayons pas encore entièrement déterminé comment nous voudrions gérer le monde des pensions, au moment où les gens se tournent de plus en plus vers des régimes à cotisations déterminées.
Le sénateur Mercer : Je veux être certain de bien comprendre de quoi il retourne lorsque nous parlons des prestations déterminées et des cotisations déterminées, parce que je veux revenir sur une déclaration précédente selon laquelle la plupart des gens qui se retrouveront dans l'impasse sont ceux qui travaillent dans des petites entreprises non syndiquées. N'est-ce pas là la situation dans laquelle sont la majorité des Canadiens? Le Canada est le royaume de la petite entreprise, et, malheureusement, les PME ne sont pas toutes syndiquées, de sorte que les employés ne peuvent bénéficier de la protection d'une convention collective.
Comment pouvons-nous régler ce problème? Nous pouvons parler des programmes gouvernementaux autant que nous voulons, mais il ne faut pas perdre de vue qu'il existe des problèmes systémiques qui touchent tout un pan de la société, c'est-à-dire les personnes qui travaillent dans des petites entreprises et qui sont à la merci des employeurs. Ils ne bénéficient d'aucune protection réelle parce qu'ils manquent d'organisation, tout comme les employeurs, d'ailleurs. Je ne veux pas donner l'impression que je suis du côté des employés, quoique ce soit normalement sur celui-là que je penche. C'est un dossier important. Comment remédier à la situation pour les deux groupes, soit les employeurs et les employés?
M. Baldwin : Nous pourrions entre autres y remédier grâce au Régime de pensions du Canada, dont la portée supplémentaire pourrait être obligatoire ou facultative. Si je ne m'abuse, c'est la formule qu'envisagent les retraités. Dans ce type de régime, les petits employeurs qui voudraient élargir la portée de leur régime, mais qui n'auraient pu trouver l'instrument de placement privé qui les aurait aidés dans cette démarche, pourraient opter pour le Régime de pensions du Canada.
Par ailleurs, il se tient également des discussions sur la création de régimes de pension entièrement financés pour les employés du secteur public, comme le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario. On retrouve également des régimes semblables en Colombie-Britannique — dont les fonds sont administrés par la British Columbia Investment Management Corporation — et en Alberta.
On a pensé que ces organisations pourraient être autorisées à fournir des services d'épargne-retraite à des particuliers canadiens et à de petits employeurs qui voudraient profiter de leur savoir-faire en matière d'investissements pour offrir des produits d'épargne-retraite à leurs membres. On ne semble pas s'y être attardé en détail, mais c'est une avenue à explorer.
Le sénateur Mercer : Ces organisations n'entreraient-elles pas directement en concurrence avec les fournisseurs privés, qui sont de grandes entreprises et qui imposent des frais élevés?
M. Baldwin : C'est exact. Nous savons à quoi ressemblera le débat.
Vous serez peut-être intéressé de savoir que le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario a déclaré qu'en principe il aimerait avoir le droit d'investir l'argent de la pension au nom d'entreprises et de citoyens.
Le sénateur Mercer : Il faut reconnaître qu'il s'agit de fonds énormes. Le Régime de retraite des enseignantes et enseignants de l'Ontario est l'un des groupes les plus actifs au pays sur le plan de l'investissement. Il a un portefeuille énorme, probablement plus important que celui des entreprises avec lesquelles il entrerait en concurrence s'il décidait de le faire.
Le sénateur Cools : J'aimerais tous vous remercier d'être venus nous rencontrer aujourd'hui. J'aimerais aussi mentionner que je suis toujours impressionnée de constater tout le travail de préparation que font les témoins avant de se présenter devant les comités. Je veux que vous sachiez que je suis reconnaissante de tous ces efforts, comme le sont tous mes collègues.
J'ai écouté attentivement vos commentaires, et la question est si vaste, si profonde et si complexe, qu'elle est parfois difficile à saisir. La plupart des gens vivent leur vie sans faire de prévisions pour plus que quelques années, ce qui fait qu'une bonne partie de la vie est grandement incontrôlable et essentiellement incontrôlée. Le vieillissement semble être une chose qui rattrape rapidement les gens et, un jour — je sais que ça a l'air naïf —, une personne atteint un certain âge et se rend soudainement compte de choses qu'elle ne semblait pas remarquer cinq ou dix ans plus tôt. Par exemple, une personne de 40 ans ne voit jamais plus loin que quelques années plus tard et ne prévoit pas l'invalidité quand elle conçoit la maison de ses rêves. La chambre des maîtres rêvée se situe à l'étage plutôt qu'au rez-de-chaussée, tandis qu'une personne peut-être plus prévoyante y aurait peut-être pensé. Le problème, avec le vieillissement, c'est que les gens ne le vivent pas de la même façon. L'expérience humaine est remplie de hasards, et la vie évolue. Quelqu'un a mentionné, plus tôt, que la retraite survient bien souvent de façon accidentelle; des événements surviennent : une invalidité, des problèmes familiaux, une maladie, et cetera.
Pouvez-vous, tout en tenant compte du fait que nous ne pouvons maîtriser les vicissitudes de la vie, répondre à ma question sur le style de vie des personnes qui approchent de l'âge de la retraite?
On m'a dit, il y a quelques semaines, que le nombre de nouvelles maisons construites connaît une augmentation spectaculaire. Il y a une augmentation spectaculaire du nombre de maisons intergénérationnelles où on trouve un logement supplémentaire pour les parents ou les beaux-parents vieillissants. Je connais une personne qui hébergeait une vieille tante, que l'on aurait qualifiée, autrefois, de vieille fille.
Est-ce vrai qu'il y a une telle augmentation, et que les constructeurs commencent à répondre à ce besoin? S'il y a une augmentation, quelles seront ses répercussions sur la conception des nouvelles maisons, compte tenu du fait que les autres vieillissent et devront être adaptées? Quelles seront les répercussions sur la pauvreté et sur le bien-être émotif et psychologique des personnes qui habitent ces logements?
Une de mes amies, qui a mon âge, a enterré sa grand-mère de 94 ans il y a environ deux semaines. Elle a réussi à rendre cette femme splendide très heureuse tout au long de sa vieillesse simplement en anticipant la question du logement et en s'assurant qu'elle resterait près de la famille.
Ne devrions-nous pas commencer à étudier certains de ces aspects?
Mme Lahey : Je vais profiter de l'occasion pour aborder un aspect de cette question. Il est vrai que l'on s'attend de plus en plus à ce que les familles prennent soin des aînés. Les coûts de construction sont un des éléments de ces soins. Cependant, il y a un autre élément très important, et c'est que les femmes ont passé une bonne partie de leur vie active à attendre plus d'aide du gouvernement, par l'entremise du régime fiscal ou grâce à une diminution des dépenses directes, pour les aider à couvrir les frais de garde d'enfants.
Après avoir vécu une déception à ce sujet, les femmes découvrent que la société s'attend à ce qu'elles fournissent, en raison de leur sexe, de nombreux soins non rémunérés, ce qui augmente la charge de travail des autres membres de la famille. Il s'agit là d'un très bon exemple d'effets sexospécifiques.
Le crédit d'impôt pour fournisseurs de soins prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu est terriblement insuffisant pour compenser les répercussions financières de ce type de responsabilité. Cela fait ressortir l'importance d'agir rapidement pour éliminer le déséquilibre entre la quantité de travail non rémunéré que l'on s'attend à ce que les femmes effectuent au Canada et le fait que l'on s'attend à ce qu'elles le fassent malgré un revenu beaucoup moins élevé que les hommes tout au long de leur vie.
Il y a des femmes qui ont l'âge de la retraite et qui n'ont pas assez de ressources pour répondre à leurs propres besoins. Malgré tout, elles s'occupent d'enfants adultes qui sont incapables de s'occuper d'eux-mêmes, ou encore de leurs parents ou d'autres membres de leur famille. Les femmes qui vivent cette situation sont véritablement écrasées. On les appelle la « génération sandwich »; il s'agit de femmes qui tentent encore d'élever leurs enfants adolescents ou dans la vingtaine tout en s'occupant d'offrir des soins à des membres âgés de leur famille.
Le sénateur Cools : Je tentais de déterminer si le style de vie et les choix de vie des gens évaluaient à mesure que la situation démographique évolue. Je peux vous assurer que, dans les situations auxquelles je pensais, il n'y avait personne qui s'attendait à ce que les femmes offrent des soins à qui que ce soit. Je parlais plutôt de la modification de la façon dont les maisons sont construites de façon à ce que nous soyons prêts pour l'avenir.
Comme les changements sont imminents, on constate que, à un moment donné, l'être humain commence à s'adapter, à s'ajuster et à réagir à ces changements. Il commence à établir un modèle et des modalités. Êtes-vous capable de mesurer l'un ou l'autre de ces changements?
J'ai entendu des personnes parler de cette question d'une façon tout à fait nouvelle. J'ai discuté avec des personnes qui se font construire une maison à un âge assez avancé, et qui veulent avoir ce type de logements autonomes pour être en mesure d'accueillir leurs parents âgés. Assiste-t-on à un revirement de la situation?
Nous avons beaucoup discuté, aujourd'hui, de la possibilité de permettre aux gens âgés de continuer à travailler. Ce n'est pas ce que j'entendais au cours des dix dernières années; on parlait plutôt de « liberté 55 ». C'est tout ce qu'on entend depuis de nombreuses années.
Je me perçois comme une observatrice du comportement humain, et le comportement humain a tendance à s'adapter aux défis auxquels font face les collectivités. On a beaucoup insisté sur l'indépendance, mais je vois de nombreuses personnes âgées qui vivent seules et qui seraient beaucoup plus heureuses si elles vivaient près des membres de leur famille.
Quand j'étais travailleuse sociale, j'ai discuté avec de nombreux jeunes couples qui faisaient des choix de carrière. Je leur ai souvent conseillé de s'assurer, quand ils acceptaient un poste, de ne pas être obligés de déménager trop loin d'au moins un membre de leur famille. Ainsi, quand ils avaient des enfants, il y avait au moins un membre de leur famille à proximité qui pouvait les aider.
Si nous ne sommes pas capables de croire que les décisions et les comportements des êtres humains s'adapteront pour leur permettre de relever les défis qui se présentent, c'est que nous reconnaissons que la société est condamnée. Y a-t-il des preuves, si nous pouvons les mesurer, des difficultés que nous avons décrites relativement à cette politique? Des personnes perçoivent ces difficultés, y réagissent et prennent des mesures pour les surmonter tout en continuant à mener leur vie.
On m'a dit que l'une des mesures prises consistait à prévoir, plus qu'auparavant, l'ajout de ces logements aux nouvelles maisons. On me dit que, à une certaine époque, les planificateurs envisageaient de favoriser ces concepts puisqu'ils permettent d'utiliser de façon plus intensive chacun des terrains, tout en évitant la surpopulation.
M. Dussault : Cela semble être une bonne idée, mais je n'en ai pas entendu parler.
Le sénateur Cools : C'est peut-être impossible à mesurer.
M. Bowkett : Je ne suis pas au courant d'études ou de rapports sur ce sujet. Notre organisation compte environ 160 000 membres qui représentent les aînés de partout au pays. Ce genre de questions est porté à notre attention de façon anecdotique, quand nous discutons avec des membres et des bénévoles qui offrent du soutien au sein de nos organisations et qui interagissent avec des membres à l'échelle locale. Ces discussions portent sur des questions comme les soins à domicile de façon à permettre aux aînés de vieillir dans leur milieu et sur les aides techniques physiques qui permettent aux aînés de continuer à habiter dans leur maison.
Nous entendons de plus en plus souvent, dans le cadre de conversations, que les gens ont besoin d'aide. Je suppose que ce genre de chose pourrait se produire, mais je ne connais pas de données à ce sujet.
M. Baldwin : Ce n'est pas mon domaine. Je m'occupe habituellement des mécanismes internes des régimes de retraite. Il existe des comptes rendus de recherche sur l'interdépendance et sur ses répercussions sur le bien-être psychologique des gens. Les personnes qui font des études comparatives à l'échelle internationale sur la situation du revenu des aînés et leur bien-être économique ont découvert qu'il est courant, dans les pays de l'OCDE, que la génération des grands-parents vive avec les générations plus jeunes, au sein d'une même famille. Je le mentionne, parce qu'il s'agit d'une façon de vivre avec de très faibles revenus, ce que vous avez mentionné dans votre question. C'est une situation que l'on voit encore souvent en Italie, au Japon et en Corée.
Je constate aussi que, avec l'espérance de vie qui se prolonge, on trouvera de plus en plus de retraités dont l'un des parents est encore en vie. Il ne serait pas étonnant qu'il y ait une augmentation des personnes qui, comme votre amie, s'occupent d'un parent âgé tout en élevant un enfant de la jeune génération.
Je me suis déjà demandé quelle incidence aurait le vieillissement de la population sur le logement. Nous savons que l'aménagement de la banlieue à la suite de la Seconde Guerre mondiale visait à répondre aux besoins des familles ayant de nombreux enfants, et cela a eu pour effet de déplacer les gens à l'extérieur du noyau urbain. Je suppose que l'on pourrait utiliser les données du recensement pour déterminer la répartition selon l'âge de la population des villes, et l'évolution de la situation à mesure que la population vieillit. Je m'interroge davantage sur la conception générale des villes, plutôt que sur le fait, plus précis, que les parents et les enfants vivront peut-être ensemble.
Le sénateur Cools : Le comité pourrait peut-être envisager d'entendre, dans l'avenir, des témoins qui s'occupent de construction domiciliaire et qui pourraient nous en dire plus sur la conception contemporaine de maisons en établissant un lien avec certains des problèmes dont nous avons discuté aujourd'hui. Les familles sont plus nombreuses à choisir de placer la chambre des maîtres et la salle de lavage au rez-de-chaussée. Quand nous étions petits, la laveuse était dans le sous-sol, mais dans les nouvelles maisons contemporaines, il y a souvent une petite salle de lavage à l'étage principal. Nous n'en retirerions peut-être pas beaucoup de renseignements, mais il pourrait être intéressant d'en savoir plus sur l'évolution de la conception des maisons en raison du vieillissement de la population.
Le vice-président : On pourrait parler de « maison adaptée aux besoins des aînés ».
Je remercie tous les témoins d'avoir comparu devant le comité aujourd'hui. Nous vous sommes reconnaissants de nous donner des suggestions aussi concrètes.
M. Dussault : Je veux préciser une chose concernant l'expansion verticale proposée du RPC, que nous avons très envie de réaliser. Il y a quelqu'un qui a dit qu'il faudrait alors accroître les cotisations, et il se demandait à quoi serviraient ces cotisations. Je veux souligner que le Régime de pensions du Canada comprend une disposition très claire selon laquelle toute amélioration apportée au RPC doit être financée en fonction d'une pleine capitalisation. De cette façon, l'argent ne peut être utilisé pour autre chose que les améliorations prévues. Je pensais important de le souligner.
Le vice-président : Merci, monsieur Dussault.
Le comité poursuit ses travaux à huis clos.