Délibérations du Comité
sénatorial spécial sur le
Vieillissement
Fascicule 8 - Témoignages du 12 mai 2008 - séance du matin
HALIFAX, NOUVELLE-ÉCOSSE, le lundi 12 mai 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour examiner les incidences du vieillissement de la société canadienne et en faire rapport.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Translation]
La présidente : Bienvenue à la réunion du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Le comité examine les incidences du vieillissement de la société canadienne. Les problèmes complexes liés au vieillissement préoccupent les gouvernements depuis de nombreuses années. Ils prennent toutefois de l'ampleur à mesure que le nombre d'aînés augmente, ce qui est attribuable à une espérance de vie plus longue et au vieillissement de la génération du baby-boom. Les programmes et services publics offerts aux aînés sont essentiels à leur bien-être, et il est de notre devoir en tant que gouvernements de veiller à ce qu'on réponde efficacement aux besoins actuels.
Nous sommes aujourd'hui à Halifax, plus exactement à Dartmouth, pour entendre le témoignage de parties intéressées sur les incidences du vieillissement de la société et, plus précisément, pour connaître leurs points de vue sur notre deuxième rapport provisoire, que nous avons déposé au Sénat le 11 mars dernier. Le rapport se concentre sur le vieillissement actif; les travailleurs âgés, la retraite et la sécurité du revenu; le vieillissement en santé; le vieillissement à l'endroit de son choix; et la distribution régionale des frais de santé liés au vieillissement.
C'est la deuxième ville que nous visitons dans le cadre de notre tournée pancanadienne, et nous avons bien hâte d'entendre les témoignages d'aujourd'hui. Nous avons été un peu retardés, car nous étions à Camp Hill ce matin. Nous voulions voir par nous-mêmes les programmes destinés aux anciens combattants qui y sont offerts.
Nous entendrons ce matin trois témoins, et trois groupes d'experts comparaîtront devant nous. Dans le premier groupe, nous accueillons Pamela Fancey, du Centre sur le vieillissement de la Nouvelle-Écosse, Deborah Dostal, du Spencer House Seniors' Centre, et Sandra Murphy, de Community Links. Bienvenue à toutes les trois.
Pamela Fancey, directrice adjointe/attachée de recherche, Université Mount Saint Vincent, Centre sur le vieillissement de la Nouvelle-Écosse : Je vous remercie de me donner l'occasion ce matin de vous livrer quelques réflexions sur le rapport provisoire. Le Centre sur le vieillissement de la Nouvelle-Écosse de l'Université Mount Saint Vincent existe depuis 15 ans et se concentre sur la recherche, l'éducation et la consultation publique.
Si le temps le permet, j'aimerais vous parler ce matin de quatre sujets dont il est question dans le rapport provisoire : le bénévolat, l'apprentissage continu, le vieillissement en santé — je n'aborderai que quelques thèmes seulement dans ce chapitre particulier — et les aidants naturels.
Je vais commencer par le bénévolat. Au chapitre 2, « Vieillissement actif et âgisme », votre rapport dit que l'une des raisons pour lesquelles les Canadiens âgés sont moins susceptibles de faire du bénévolat, c'est qu'ils offrent du soutien non structuré à d'autres personnes. Il s'agit d'un facteur important qui ne peut faire autrement qu'augmenter dans les années à venir, à cause de deux tendances.
Une première tendance que nous constatons de nos jours, c'est que les parents plus âgés doivent venir en aide aux ménages plus jeunes constitués de deux personnes qui travaillent et au nombre croissant de ménages à chef de famille unique. Les personnes âgées comblent une énorme lacune, étant donné la politique sociale minimale en matière de garde d'enfants au pays. Il est suggéré que le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement en fasse état dans son rapport et qu'il inclue des options de collaboration avec d'autres paliers de gouvernement pour accroître la sensibilisation à la situation et au rôle joué par les aînés, compte tenu de la politique minimale en matière de garde d'enfants du pays.
L'autre tendance est le soutien non structuré offert à d'autres aînés, qu'ils soient parents ou non. Une bonne partie du travail du centre en matière de prestation de soins montre le rôle important que les aînés jouent au chapitre du soutien par les pairs dans leurs collectivités, surtout en milieu rural. De plus, nous avons récemment terminé un document de travail pour l'Agence de la santé publique du Canada sur le rôle des conjoints âgés fournisseurs de soins, auxquels on s'intéresse de plus en plus. Les options énumérées dans le rapport sont limitées et ne répondent pas bien à la situation de ces conjoints, qui sont de plus en plus nombreux et qui ont des besoins particuliers, à notre avis.
Des options comme fournir des services de soins de relève financés par l'État aux aînés fournisseurs de soins pour qu'ils continuent à faire du bénévolat, par exemple, cadreraient bien dans cette section particulière et pourraient faire l'objet d'un renvoi à la section 5.2 sur les aidants naturels. Comme il est mentionné dans le rapport, il est important que les aînés continuent d'être actifs en participant aux activités normales pour vieillir en santé, et ce mécanisme y contribuerait.
À la page 12, la première option que vous avez énumérée consiste à instaurer des crédits d'impôt pour inciter les gens à faire du bénévolat. Cette option devrait être étendue pour notamment reconnaître le temps qu'ils consacrent et couvrir les dépenses directes liées au bénévolat. Le coût du bénévolat continue d'augmenter, surtout à cause du prix de l'essence et d'autres frais de transport. Des aînés peuvent hésiter à demander si une compensation est offerte, et certaines organisations n'ont peut-être pas l'infrastructure pour couvrir ces types de dépenses.
L'apprentissage continu est un concept important puisque nous entendons de plus en plus parler de son rôle pour nous garder alertes sur le plan intellectuel et nous donner l'occasion d'échanger avec d'autres. Ce secteur croît et continue de croître. Je ne connais pas la portée de la septième option qui figure à la page 14, mais je voulais porter à votre attention qu'il existe déjà un réseau national de fournisseurs de services d'apprentissage continu. Il s'appelle Catalyst et il regroupe une cinquantaine d'organisations différentes responsables des efforts en matière d'apprentissage continu à la grandeur du pays. Par conséquent, plutôt que de répéter inutilement les efforts, vous voudrez peut-être chercher à connaître la portée du travail de cette organisation et sa capacité de promouvoir et d'élaborer davantage des initiatives en matière d'apprentissage continu partout au pays.
En ce qui a trait aux options que vous avez relevées dans cette section, je dirais qu'il est aussi possible d'aider des centres universitaires sur le vieillissement comme le nôtre et d'autres fournisseurs de services d'éducation à élaborer de nouveaux programmes destinés aux aînés et à commercialiser ceux qui existent déjà. En raison de la baisse des inscriptions à l'université plus particulièrement, il est grandement possible de miser sur les ressources et la capacité des centres comme les nôtres. Nous entendons aussi beaucoup de choses sur le nombre de professeurs qui prendront leur retraite dans l'avenir. Ces derniers sont une grande ressource et peuvent donner des cours théoriques ou pratiques, ou des cours d'intérêt général aux apprenants adultes.
Pour ce qui est de la discussion sur l'isolement social et la reconnaissance du travail récent réalisé pour bâtir des collectivités adaptées aux besoins des aînés, je suggérerais également d'adapter le programme Nouveaux Horizons pour les aînés et de l'utiliser pour promouvoir la notion de collectivités adaptées aux besoins des aînés.
Le programme Nouveaux Horizons pour les aînés est très connu, a une bonne réputation et requiert généralement la participation des aînés à la conception et à la mise en œuvre de ses projets. Y a-t-il meilleure façon de mettre en pratique les guides et les listes de contrôle des collectivités adaptées aux besoins des aînés que de faire participer les aînés avec d'autres secteurs afin de changer les choses dans leurs collectivités?
Pour terminer, j'aimerais commenter la section 2.2 du chapitre 2 sur l'âgisme. L'âgisme est sans contredit l'un des principaux obstacles au vieillissement actif dans notre société. La manière dont nous percevons les aînés et les messages que nous entendons à leur égard contribuent peu à lutter contre l'âgisme. À mes yeux, le problème de l'âgisme est plus vaste que la description qu'on en fait au chapitre 2 et, en réalité, on en retrouve des principes dans tout le rapport.
Au chapitre 3, il est dit que nous favorisons l'âgisme par l'entremise de nos politiques publiques existantes concernant la participation de la population active et des pratiques relatives à la sécurité du revenu. Au chapitre 4, l'âgisme devrait être intégré à une discussion sur les mauvais traitements et la négligence, mais on n'en parle pas dans cette section. Il reste également que l'âgisme pourrait être incorporé au débat sur la santé mentale, car l'âgisme et les maladies mentales ont une incidence très négative sur les aînés.
Je suggère qu'on aborde le sujet de l'âgisme dans un chapitre de votre document qui sera plus étoffé plutôt que de le confiner dans une petite sous-section, pour en traiter plus longuement afin de couvrir plusieurs facettes et d'élaborer aussi plus d'options qui contribueront à faire échec à ce problème de taille.
« Vieillir en santé » est toujours un titre tellement général et impossible à gérer en raison de la nature interdisciplinaire et multidimensionnelle du vieillissement, ce qui est manifeste dans votre rapport. Il y a un groupe éclectique de thèmes sous ce titre au chapitre 4. Il parle de tout, depuis la prévention des chutes, la nutrition et la santé bucco-dentaire, jusqu'aux soins palliatifs et aux soins directs dispensés aux anciens combattants et aux Premières nations, vos populations cibles — c'est tout un méli-mélo, pourrait-on dire.
Ce qui me préoccupe le plus à propos de cette section, c'est la façon d'envisager la question des mauvais traitements et de la négligence et le poids accordé aux facteurs conjoncturels par opposition aux cadres plus généraux pour comprendre les mauvais traitements et la négligence comme le capitalisme et, ici aussi, l'âgisme — essentiellement des questions de pouvoir et de contrôle dans notre société.
Il ne fait aucun doute que les fournisseurs de soins et le personnel dans les établissements de soins de santé se heurtent à des difficultés de taille dans le cadre de leurs fonctions en raison du contexte changeant, comme des demandes de soins accrues et une baisse des soutiens. Nous devrions de toute évidence soutenir ces fournisseurs de soins pour une foule de raisons, y compris pour la valeur de leur travail pour la société.
Comme vous le savez probablement, Ressources humaines et Développement social Canada, RHDSC, organise une table ronde d'experts le mois prochain, et le mémoire qu'on a chargé notre centre de rédiger, de même que les autres rapports, n'accepterait pas forcément le cadre actuel des mauvais traitements et de la négligence dans ce contexte micro-conjoncturel. Là encore, un chapitre distinct sur l'âgisme couvrirait le sujet plus en profondeur, comme je l'ai dit tout à l'heure.
En outre, l'option 41 appuie des projets de renforcement des capacités pour la formation en gériatrie et en gérontologie. Cette option est importante étant donné que vous reconnaissez le besoin croissant de professionnels de la santé en médecine, en travail social et en soins infirmiers. Comme vous le mentionnez dans le rapport, nous devons également soutenir les entrepreneurs en herbe et offrir de la formation dans un plus vaste éventail de professions, y compris pour les éducateurs et les conseillers auprès des familles, les coordonnateurs de programmes, les chercheurs et les analystes des politiques. À l'Université Mount Saint Vincent, nous offrons un programme de gérontologie au premier et au deuxième cycles, mais nous éprouvons des difficultés avec les inscriptions. Le défi, c'est de faire savoir aux gens qu'il s'agit d'un domaine important et que ces programmes d'éducation sont utiles, que ce qui compte, ce ne sont pas que les professions en santé appliquée. Des options pour aider à promouvoir les programmes professionnels non liés à la santé pourraient inclure de la formation pour promouvoir la gérontologie à plus grande échelle et des fonds spéciaux pour aider les étudiants à l'aide de bourses d'études ou d'une aide financière pour attirer leur attention sur ces possibilités d'éducation.
On traite longuement du logement ici, et notre centre a fait beaucoup de travail à cet égard au Canada atlantique. J'ai des rapports avec moi, si ça vous intéresse. Je ne vais pas les passer en revue. Je vais me concentrer plutôt sur la section 5.2 et sur les options de soutien aux aidants naturels, plus précisément.
Je suis en faveur des options que renferme le rapport puisque la majorité d'entre elles proviennent de projets auxquels nous avons participé directement. Je crois que Mme Janice Keefe a comparu devant le Sénat l'été dernier. Toutefois, je ne sais pas trop dans quelle mesure il serait possible de réaliser l'option 63, qui porte sur un point d'accès central aux services destinés aux aidants naturels partout au pays, puisque peu de ressources de soutien direct existent pour ces derniers. Ce qui existe serait à l'échelle locale, si bien que ce serait difficile à concrétiser et à tenir à jour. Je ne suis pas convaincue que ce genre d'option soit gérable à l'échelle nationale.
Autrement, les recommandations visent en grande partie les fournisseurs de soins qui travaillent, principalement les jeunes adultes. Elles ne reconnaissent pas la préoccupation croissante selon laquelle les aînés prennent soin d'autres aînés, que nous voyons beaucoup plus de conjoints fournisseurs de soins et que nous devons penser à ces autres types d'arrangements de prestation des soins. Nous avons récemment achevé un document de travail sur le sujet pour l'Agence de santé publique du Canada, qui sépare ce groupe des autres fournisseurs de soins.
Enfin, pour élaborer les programmes et les services nécessaires pour appuyer les fournisseurs de soins de même que pour leur offrir des services, une évaluation du fournisseur de soins est nécessaire. Des professionnels de la santé doivent discuter avec les fournisseurs de soins — inclure les bénéficiaires — de leurs expériences, de leurs aspirations et de leurs attentes, et les aider à façonner un plan de soins spécialement conçu pour eux. Comme vous venez de reconnaître que les aînés forment un groupe diversifié, il en va de même des fournisseurs de soins, et il n'existe pas de panacée. On a besoin d'une liste d'options pour venir en aide aux fournisseurs de soins. L'évaluation est importante pour permettre de dresser cette liste et avoir accès à cette évaluation au début du processus peut servir de stratégie efficace de promotion de la santé.
Le présent rapport pourrait faire valoir la nécessité de favoriser l'évaluation du fournisseur de soins. Une option à cet effet renforcerait cette section.
La présidente : Merci beaucoup. Je n'ai pas présenté les sénateurs avant de commencer parce qu'il manquait un membre, mais elle est maintenant arrivée. Nous avons le sénateur Cools, de l'Ontario, qui est originaire de Toronto, mais qui vit maintenant à Ottawa; les sénateur Cordy et Mercer, de la Nouvelle-Écosse; pour ma part, je viens du Manitoba, mais je suis née et j'ai grandi à Halifax, et j'ai certes un attachement à cette ville.
Notre prochain témoin est Mme Dostal.
Deborah Dostal, directrice générale, Spencer House Seniors' Centre : Je vous remercie de me donner l'occasion de vous parler. Je fais partie du Conseil des aînés, mais mon travail à temps plein est d'assurer la direction du Spencer House Seniors' Centre, un centre qui vient en aide aux aînés qui vivent dans la collectivité. Je travaille avec les aînés depuis maintenant 15 ans. J'aimerais vous entretenir de deux questions qui me tiennent beaucoup à cœur.
La première est le bénévolat. Le Spencer House compte énormément sur les bénévoles. En réalité, sans eux, je ne crois pas que nous pourrions offrir les programmes et les services que nous offrons à l'heure actuelle. Nous utilisons les services de 125 bénévoles par année environ, et au moins la moitié d'entre eux sont eux-mêmes des aînés. Il y en a deux de 90 ans. Des aînés m'ont dit qu'il est très important pour eux non seulement de rendre service à la collectivité, mais aussi de sentir qu'ils sont utiles et qu'on a besoin d'eux. Toutefois, comme on l'a mentionné tout à l'heure, certains bénévoles, surtout des aînés, doivent payer pour faire du bénévolat. Au moins deux de nos aînés ne peuvent pas se rendre au Spencer House autrement qu'en voiture. Ils ne peuvent pas utiliser le transport en commun pour diverses raisons et subissent le contrecoup de la hausse du prix de l'essence. J'ai trouvé intéressant que vous ayez soulevé les incitatifs fiscaux comme moyen d'encourager les gens à faire du bénévolat. Je ne suis pas certaine comment cela fonctionnerait, mais il devrait y avoir du soutien financier en place pour les aînés aussi.
Je pense que le bénévolat devrait être la priorité de la collectivité à l'heure actuelle. Beaucoup de recherches ont été faites sur le bénévolat. Nous avons reçu de l'information sur la sélection, les procédures, la gestion, et cetera, mais ce qu'il faut vraiment, c'est accroître le bénévolat dans la collectivité, à mon avis. Par exemple, peu de temps après l'Année internationale des bénévoles des Nations Unies en 2001, un centre de ressources bénévoles a dû fermer ses portes à cause du manque de financement. Je crois que c'est arrivé très souvent parce qu'il n'y a pas de point d'accès central où les gens peuvent aller pour être jumelés à des postes de bénévolat. On pourrait peut-être établir une base de données ou un autre mécanisme qui faciliterait le jumelage des gens à des occasions de bénévolat dans la collectivité.
Notre organisme est financé par Centraide, qui organise ce qu'on appelle une « Journée d'entraide », au cours de laquelle une entreprise met ses travailleurs au service d'un organisme bénévole pour une journée. Je crois qu'il devrait y en avoir beaucoup plus, ou qu'il pourrait y avoir des incitatifs fiscaux ou d'autres mesures pour amener les employeurs à permettre à leurs employés de consacrer plus de temps au travail bénévole dans la collectivité.
Deuxièmement, je veux parler du vieillissement à l'endroit de son choix. Notre organisme vise essentiellement à aider les aînés à garder leur autonomie dans la collectivité. Nous offrons des programmes de loisirs et des programmes de soutien à domicile. Le Spencer House Seniors' Centre est un lieu sûr où les aînés peuvent venir et où ils peuvent rencontrer leurs pairs. On fait peu de cas des ressources qui sont disponibles dans les collectivités pour venir en aide aux aînés en dehors de leurs installations de soins en établissement. Il devrait y avoir une plus grande reconnaissance et un plus grand nombre d'organisations communautaires qui viennent en aide aux aînés. Mme Murphy peut en témoigner puisqu'elle travaille elle aussi pour une organisation communautaire.
Parmi les services que nous offrons, ceux qui me tiennent le plus à cœur, ceux dont on a peu parlé, ce sont les programmes de repas. Ces programmes sont essentiels pour contribuer au maintien de l'autonomie des aînés dans la collectivité. Il a été question de nutrition, et des renseignements à cet égard sont certainement importants, mais je trouve que les aînés souvent ne veulent pas cuisiner; ils ne le feront juste pas. Des études que j'ai lues ont montré que la malnutrition est l'une des causes principales de l'hospitalisation ou de l'admission en établissement de soins de longue durée des aînés; ils ne se nourrissent pas adéquatement, ce qui engendre une foule d'autres troubles de santé. À mon sens, un programme de repas est crucial, mais il n'y a pas que cela. Le Spencer House offre un programme de repas sur place et les aînés peuvent venir prendre un repas chaud. C'est une activité sociale. C'est un réel plaisir pour eux et ils mangent un repas équilibré.
Bien entendu, nos programmes de popote roulante sont extrêmement importants. J'ignore comment ils fonctionnent ailleurs au pays, mais en Nouvelle-Écosse, ils sont assurés par des bénévoles, plus particulièrement dans les collectivités rurales. Par conséquent, si des bénévoles ne sont pas disponibles, il n'y a pas de programme, et c'est un sérieux problème. À mon sens, il est essentiel que des programmes soient offerts en permanence à la grandeur de la province et du pays pour offrir des repas aux aînés qui en ont besoin.
La présidente : Merci beaucoup. Ces réunions ne cessent de m'étonner. Nous entendons des témoignages depuis deux ans; nous venons à Halifax et on nous fait part de nouvelles idées dont nous n'avions jamais entendu parler auparavant.
Madame Murphy, présentez-nous vos nouvelles idées, s'il vous plaît.
Sandra Murphy, directrice générale, Community Links : Eh bien, c'est tout un défi. Community Links est une organisation provinciale qui regroupe plus de 180 associations d'aînés, d'organismes au service des aînés et de membres à titre individuel. Une grande partie de notre travail est effectuée dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse; nous nous sommes concentrés au fil des ans sur les problèmes ruraux touchant les aînés, même si nous menons aussi des projets dans les régions urbaines de la Nouvelle-Écosse.
L'une de nos principales initiatives est « Preventing Falls Together », et nous comptons 13 coalitions dans la province qui travaillent à la promotion de la santé en matière de prévention des chutes. Nous estimons avoir assez bien réussi à prévenir les chutes chez les aînés qui, comme vous le savez, constituent l'une des principales causes d'hospitalisation, d'admission dans les centres d'hébergement ou de décès.
Nous déployons aussi beaucoup d'efforts pour encourager les aînés à collaborer à l'établissement d'une politique de santé publique et à avoir leur mot à dire pour ce qui est des politiques publiques qui auront une incidence sur leurs vies. En Nouvelle-Écosse plus particulièrement, nous avons la Strategy for Positive Aging, qui est un document merveilleux. Si elle était mise en oeuvre dans son intégralité, la Nouvelle-Écosse serait alors le meilleur endroit au monde où un aîné puisse vivre. Nous tenons beaucoup à ce que la stratégie soit appliquée et que les aînés participent à sa mise en œuvre et à l'examen de ce document stratégique.
Les problèmes liés au bénévolat et aux aînés nous préoccupent. Pour revenir aux propos de Mme Dostal, nous coparrainons aussi le Forum des bénévoles de la Nouvelle-Écosse, qui est aussi un site où les organisations peuvent s'inscrire si elles ont besoin de bénévoles et où les bénévoles peuvent voir les occasions de bénévolat. Le site est plutôt récent, mais nous n'avons pas encore fait autant de publicité que nous l'aurions pu.
Étant donné que je n'ai appris la tenue de cette audience que tard vendredi après-midi et que j'étais en dehors de la ville ce week-end, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour me préparer pour ce matin. Le conseil de Community Links, qui regroupe des aînés de partout dans la province, a consacré beaucoup de temps lors d'une réunion à passer en revue votre premier rapport provisoire pour formuler une réponse. Malheureusement, nous n'avons pas eu le temps d'examiner votre deuxième rapport intérimaire, mais j'ai cru bon de venir aujourd'hui pour mettre en évidence quelques-uns des problèmes que nous avons abordés dans le premier mémoire que nous vous avons soumis.
Dans notre mémoire, nous avons traité de chacun des sujets couverts dans votre premier rapport, mais je ne le ferai pas ce matin. En établissant les questions prioritaires qui préoccupaient, d'après eux, le plus les aînés, les membres du conseil ont déterminé que la sécurité financière était indispensable. Ils voulaient aussi faire savoir que la sécurité financière des aînés ne devrait pas être différente de celle de tous les Canadiens. Un revenu annuel garanti pour tous les Canadiens serait peut-être la façon de répondre aux besoins des aînés, mais on aurait moins l'impression que les aînés sont peut-être mieux nantis que d'autres Canadiens qui sont pauvres. Nous sommes très préoccupés par l'écart de revenu qui s'accentue entre les très bien nantis et les plus démunis au Canada. Les femmes seules qui n'ont pas encore tout à fait l'âge de toucher des prestations de Sécurité de la vieillesse font partie des personnes très pauvres au Canada qui ne sont pas forcément desservies par les structures existantes d'aide au revenu. Plusieurs membres de notre conseil travaillent dans la collectivité et tentent de régler les difficultés qu'éprouvent ces femmes presque quotidiennement. C'est donc un sujet d'inquiétude pour nous.
De façon générale, nous constatons qu'un certain nombre d'aînés vivent bien, mais nous sommes très inquiets pour les aînés à faible revenu, et vous pouvez voir qu'il y en a au pays et que l'écart se creuse. Les aînés sont aussi préoccupés par la pauvreté parmi d'autres groupes d'âge au pays, et nous croyons que nous devrions nous attaquer aux problèmes de pauvreté pour tous les Canadiens, et pas seulement pour les aînés.
Notre conseil a aussi déterminé que la prestation de soins pour les aînés constituait un autre secteur prioritaire. Je crois que Mme Fancey a très bien exposé le problème, et le Centre sur le vieillissement de la Nouvelle-Écosse a fait du travail remarquable en matière de prestation de soins pour les aînés. Notre conseil est d'avis que les fournisseurs de soins sont surchargés de travail et mal soutenus au pays. Comme Mme Fancey l'a dit, il y a non seulement les fournisseurs de soins, qui ont peut-être cessé de travailler pour prendre soin d'un parent âgé, mais aussi beaucoup d'aînés qui dispensent des soins à d'autres aînés, à des membres de leur famille ou à des amis dans leur collectivité. Ils ne reçoivent pas l'aide qu'ils devraient recevoir.
À notre avis, un gouvernement du Canada précédent a fait du bon travail en matière de prestation de soins. Nous avons maintenant perdu du terrain. Nous semblions être en passe de mettre en œuvre une stratégie nationale pour la prestation de soins, et le fait que les choses n'aient pas avancé a constitué un véritable revers.
Les organisations non gouvernementales ont un rôle essentiel à jouer pour soutenir les fournisseurs de soins, et elles ont besoin d'aide pour s'acquitter de cette tâche. J'ai assisté à un déjeuner à l'intention des fournisseurs de soins organisé par Caregivers Nova Scotia vendredi dernier, où l'on a honoré cinq merveilleux fournisseurs de soins de la collectivité. Le travail accompli par Caregivers Nova Scotia doit être soutenu davantage qu'il l'est actuellement. Nous avons besoin de groupes de soutien aux fournisseurs de soins partout dans la province mais, pour ce faire, il faut du financement pour l'infrastructure, qui n'est pas toujours disponible. Nous devons faire plus pour soutenir les fournisseurs de soins, et nous devons instaurer, pour les aînés également, plus de programmes de jour pour adultes.
Community Links est extrêmement préoccupé par la question du transport et intervient à cet égard. Nous nous soucions particulièrement des aînés dans les régions rurales qui n'ont pas de moyen de transport. L'absence de moyen de transport réduit leurs options pour vieillir à l'endroit de leur choix. Community Links collabore étroitement avec la Nova Scotia Community-Based Transportation Association, qui s'emploie à offrir des options en matière de transport non seulement aux aînés, mais aussi aux personnes défavorisées et aux handicapés à la grandeur de la province. Nous travaillons aussi avec les groupes de pression environnementaux à cet égard. Le problème du transport ne touche pas que les aînés : c'est un problème lié à la pauvreté et à l'environnement, et nous croyons que les paliers municipal, provincial et fédéral doivent faire plus pour soutenir les options de transport qui sont nécessaires.
À une certaine époque, le gouvernement fédéral avait un programme régulier pour financer des fourgonnettes qui étaient utilisées par des associations communautaires de transport. Tout récemment, le gouvernement a injecté plus de fonds pour l'infrastructure afin de pallier les problèmes liés au transport, mais le fédéral doit offrir du soutien permanent aux collectivités canadiennes pour le transport.
Nous avions aussi certaines inquiétudes quant aux questions de diversité et aux besoins des aînés des communautés d'immigrants, auxquels on ne s'intéresse pas actuellement. Je pense que ce problème prendra de l'ampleur au Canada. La Nouvelle-Écosse est rarement perçue comme étant la province où il y a la plus forte concentration d'immigrants. Nous travaillons fort pour en faire venir plus et, si nous réussissons, nous devons prendre conscience que les besoins des aînés immigrants sont peut-être différents. Les immigrants aînés sont souvent entièrement dépendants de leurs enfants car ils ne sont pas admissibles aux mécanismes de soutien du Canada, ce qui contribue souvent à leur isolement et engendre éventuellement des problèmes que n'éprouvent pas d'autres aînés canadiens. Comme nous devenons une société plus diversifiée, nous devons vraiment nous attaquer à ce problème quand nous envisageons l'avenir des aînés au pays.
Puisque j'ai été à une certaine époque coordonnatrice d'un centre de ressources bénévoles à Terre-Neuve, le bénévolat est une question qui me tient beaucoup à cœur. Je crois fermement que plus d'efforts doivent être déployés pour aider les aînés à faire du bénévolat et ceux qui en font déjà. Dans les régions rurales de la Nouvelle-Écosse, nous constatons un réel épuisement chez les aînés, qui portent le fardeau dans leurs collectivités depuis tant d'années, ce qu'ils ne peuvent tout simplement plus faire. On semble croire que la prochaine génération d'aînés ou les baby-boomers ne s'engageront pas de la même manière que leurs prédécesseurs l'ont fait.
L'idée des crédits d'impôt existe depuis de nombreuses années. J'en entends parler comme d'une solution pour encourager les gens à faire du bénévolat depuis les années 1970. Je crois que l'idée présente certains avantages, mais nous devons aussi prendre conscience que les crédits d'impôt ne profitent pas aux personnes à faible revenu. Pour les aînés, c'est certainement vrai que les crédits d'impôt favorisent davantage les Canadiens aisés que les démunis. De plus, les crédits d'impôt pourraient être un cauchemar à appliquer pour les organisations, juste à essayer de tenir le compte des heures des gens, et ils pourraient causer plus de problèmes qu'ils n'en valent la peine. Je crois que donner aux organisations la capacité de couvrir les menues dépenses encouragerait plus les aînés à faible revenu à faire du bénévolat que les crédits d'impôt.
La présidente : Merci. Avant de céder la parole à d'autres sénateurs, j'aimerais continuer sur le sujet des crédits d'impôt. Madame Murphy, vous avez clairement exposé le dilemme devant lequel notre comité se trouve. Nous avons entendu des témoignages éloquents sur la nécessité d'offrir des crédits d'impôt mais, plus récemment, on a fait valoir que plus l'organisation est petite, plus il lui sera difficile de garder un œil sur ces choses. C'est bon pour Camp Hill, par exemple, qui compte 400 bénévoles et plusieurs coordonnateurs rémunérés à plein temps. C'est facile pour ces organisations, mais ça l'est beaucoup moins pour celles de plus petite taille. On a aussi fait valoir que les crédits d'impôt profitent à ceux qui ont un revenu imposable, mais non pas à ceux qui ne paient pas d'impôt.
Quand nous étions à Welland, un homme dans l'auditoire est venu me voir au moment où j'allais partir et m'a dit : « Savez-vous qu'à Birmingham, en Angleterre, le transport est gratuit pour les personnes de plus de 65 ans? » Il croyait que ce pourrait être un moyen d'encourager les gens à faire du bénévolat et à être plus actifs. Toutefois, vous avez indiqué dans votre témoignage, madame Dostal, que certaines personnes ne peuvent pas utiliser le transport en commun. Le Canada est différent de Birmingham, en Angleterre. À Ottawa, nous avons reçu 436 centimètres de neige cet hiver, je crois. Il n'y a pas un aîné qui pourrait se frayer un chemin dans les bancs de neige pour se rendre aux arrêts d'autobus, qui sont souvent les derniers endroits déneigés. Aidez-nous, s'il vous plaît, et donnez-nous des idées sur ce que vous croyez que nous devrions faire.
Mme Fancey : Je conviens que les crédits d'impôt ne devraient pas être la seule option, même si je crois qu'ils sont utiles. Ils sont plus faciles à gérer à plus grande échelle. Il en va de même pour les initiatives de compensation financière pour les fournisseurs de soins. Nous avons fait énormément de travail pour envisager des crédits d'impôt pour les fournisseurs de soins et avons trouvé le même genre d'arguments que vous concernant le bénévolat.
Quant à d'autres options, serait-il possible de fournir du financement aux organisations à l'échelle locale pour qu'elles aient la capacité de gérer et d'offrir des services de transport particuliers aux clients qui en ont besoin, le cas échéant? Il est encore difficile d'avoir suffisamment de modes de transport accessibles partout dans la province, surtout dans les collectivités rurales. Nous avons des groupes qui travaillent là-dessus, mais nous sommes loin d'avoir surmonté cet obstacle. Je ne déborde pas d'idées géniales pour ce problème particulier.
Mme Dostal : Je suis également un peu dans une impasse. Je me demande s'il serait possible de fournir des fonds aux organisations pour leur permettre de couvrir les frais des bénévoles. Ce serait assez facile de surveiller ces dépenses; les entreprises et le gouvernement tiennent le compte du kilométrage en permanence, entre autres, mais nous n'avons tout simplement pas les fonds pour le faire. Le financement constitue toujours un problème pour les collectivités.
Mme Murphy : De meilleurs systèmes de transport en commun sont certainement indispensables. Community Links et la Nova Scotia Community-Based Transportation Association envisagent de mettre en place un ensemble, allant du transport actif, c'est-à-dire se rendre du point A au point B à pied, jusqu'au programme Dial-A-Ride Nova Scotia, où vous pouvez appeler un service de transport et quelqu'un viendra vous chercher chez vous et vous ramènera. Certains de ces systèmes sont limités quant aux services qu'ils peuvent offrir; ils peuvent aider les gens à se rendre à leurs rendez- vous chez le médecin ou aller à l'épicerie, par exemple, mais ne sont pas disponibles pour accompagner les gens à des activités récréatives. D'autres ne sont pas limités car ils ont réussi à obtenir plus de ressources, si bien qu'ils iront chercher les gens peu importe la raison.
Il nous faudrait également des systèmes de transport adapté pour faire le lien avec le transport public, pour permettre au gens de se rendre aux points de service du transport en commun. Le besoin est particulièrement marqué dans les régions rurales, quand les gens ne vivent pas sur l'itinéraire de transport, mais c'est vrai aussi dans les régions urbaines.
Je ne sais pas ce que nous pouvons faire contre l'hiver canadien. Nous pourrions peut-être simplement l'abolir. Nous pourrions aussi prendre une corde et nous laisser glisser un peu plus vers le sud. Nous n'arriverons probablement jamais à permettre aux personnes qui ont des problèmes de mobilité de sortir dans toutes les conditions météorologiques au Canada. Il faut simplement mettre en place des systèmes pour que la plupart du temps, elles puissent se rendre là où elles veulent. Il faut offrir des services de transport plus durables et stables.
Pour aider les bénévoles, nous croyons vraiment qu'il serait très utile pour beaucoup d'organismes de leur assurer un financement de base sur lequel ils peuvent compter d'une année à l'autre. Même si ce n'était pas beaucoup, s'ils pouvaient compter sur du financement de base et qu'ils n'avaient plus besoin de consacrer tout leur temps et leurs efforts à lever des fonds pour l'année suivante, ils pourraient essayer de mettre des fonds à la disposition de leurs bénévoles. Il n'y a pas de solution simple, j'en ai bien peur.
La présidente : Nous ne pensons pas, non, mais je vous remercie.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie tous d'être ici. Comme le sénateur Carstairs l'a déjà souligné, nous aurions dû venir ici en premier lieu aujourd'hui parce que nous aurions entendu toutes ces bonnes idées nouvelles plus vite. Je vais laisser le sénateur Cordy vous interroger sur le programme de Mount Saint Vincent, mais je suis impressionné qu'il y ait un programme là-bas.
Au sujet du centre de ressources pour les bénévoles qui a été fermé faute de fonds, j'aimerais que vous nous rafraîchissiez la mémoire. Qui le finançait? Quand le financement a-t-il arrêté? Combien de temps a-t-il fallu après la fin du financement pour que le centre de ressources doive fermer ses portes?
Mme Murphy : Il a fermé en décembre 2001.
Mme Dostal : Je pense que le financement venait de la province, n'est-ce pas?
Mme Murphy : Je pense qu'il venait de la province.
Le sénateur Mercer : Venait-il de l'ancien gouvernement? Le gouvernement actuel de la Nouvelle-Écosse est là depuis un bout de temps sous diverses formes, c'était soit à la fin du règne du premier ministre Hamm ou pendant celui du premier ministre MacDonald. Était-ce avant le premier ministre Hamm?
Mme Murphy : En 2001? Oui, c'était le premier ministre John Hamm qui était là.
Le sénateur Mercer : Il aurait été là en 2000. Je suis curieux de comprendre pourquoi, dans le contexte politique global, au sein du même gouvernement, un programme qui fonctionnait a pour ainsi dire disparu.
J'aimerais en savoir plus sur le document intitulé Strategy for Positive Aging. J'aimerais que nous en ayons un exemplaire pour y jeter un coup d'œil.
Mme Murphy nous a dit que les gouvernements précédents avaient fait des progrès, mais qu'ils avaient reculé aussi. J'aimerais me repérer comme il faut pour ne pas rater une occasion d'agir. Quand les choses ont progressé, était-ce quand on a créé le poste de secrétaire d'État aux aînés et aux bénévoles? Est-ce la période dont vous parlez?
Mme Murphy : Dans le dernier gouvernement, il y avait un ministre responable des aînés qui a fait beaucoup de choses et qui a rassemblé les principaux intervenants du pays pour réfléchir aux soins. Ils voulaient élaborer une stratégie nationale sur les soins, et le milieu des soins espérait beaucoup qu'elle règle certains des problèmes qui accablaient les fournisseurs de soins depuis des années.
Le sénateur Mercer : C'était le ministre Ianno, si je ne me trompe pas.
Mme Murphy : À l'époque de Ken Dryden, oui.
Le sénateur Mercer : Il était ministre de second rang, n'est-ce pas?
Mme Murphy : Oui.
Le sénateur Mercer : J'ai l'impression que nous étions sur la bonne voie. Nous n'avions pas de réponse, mais nous étions sur la bonne voie.
Mme Murphy : Nous étions sur la bonne voie. Cependant, les gouvernements changent; on recule de quelques pas, puis on espère avancer de nouveau, mais je pense que cela a été un vrai coup dur, surtout pour les personnes qui travaillent dans le milieu des soins. Une des membres de notre conseil s'est beaucoup investie dans le processus et elle a été très découragée qu'après autant de travail, la question semble de nouveau tomber dans l'oubli. Cela ne signifie pas qu'elle ne reviendra pas à l'ordre du jour, mais c'est frustrant.
Le sénateur Mercer : Non, ce n'est pas ce que cela veut dire. Le gouvernement travaille de façon bien lente. Comme Lénine le disait, pour deux pas en avant, on fait un pas en arrière.
Mme Murphy : Oui.
Le sénateur Mercer : Maintenant, il faut faire deux autres pas en avant.
Partout où nous nous rendons, nous entendons parler du problème de transport, et le sénateur Carstairs a donné l'exemple de Birmingham, en Angleterre. À Welland, vendredi, on nous a parlé du transport en commun.
Que diriez-vous si nous recommandions que tous les bénéficiaires du SRG reçoivent un laissez-passer de transport en commun gratuit dans toutes les municipalités pour pouvoir se rendre où qu'ils veulent quand ils le veulent par autobus? Bien sûr, nous reconnaissons que dans la plupart des régions rurales, il n'y a pas de transport en commun, sauf dans la vallée de l'Annapolis, en Nouvelle-Écosse.
Mme Murphy : Oui, le Kings Transit.
Le sénateur Mercer : Le Kings Transit passe par Digby, ce qui fait exception à la règle. Pensez-vous que ce pourrait être positif ailleurs? Ce service contribuerait-il à lever la barrière du transport pour les aînés?
Mme Murphy : Cela aiderait les aînés dans les régions urbaines, mais comme vous l'avez dit, cela ne règlerait pas le problème pour les aînés en région rurale. La ville de Halifax envisage d'offrir des services gratuits au centre-ville pour tous; ce service est déjà offert l'été et vise surtout les touristes. On envisage d'augmenter le nombre de parcours, et je pense que le phénomène risque de devenir plus fréquent dans les régions métropolitaines. À Portland, en Oregon, par exemple, le transport en commun est gratuit dans tout le centre-ville. Cela ne règle pas nos problèmes de bancs de neige, mais il vaudrait la peine d'envisager la chose.
Le sénateur Mercer : Oui, je pense que nous devrons vivre avec les bancs de neige où que nous soyons. Mon fils étudie à l'Université Saint Mary's, et son inscription lui donne droit à un laissez-passer gratuit. Ce système semble bien fonctionner pour l'université et les étudiants. Pourquoi ne fonctionnerait-il pas aussi bien pour les personnes âgées? D'après moi, il serait logique de faire le saut. Il faut admettre que les habitants des villes ont un avantage sur les habitants des campagnes, ce qui pourrait nous pousser à créer un crédit d'impôt pour le transport qui ciblerait les Canadiens des régions rurales plutôt que les personnes qui ont accès au transport en commun.
Le sénateur Cordy : Je vous remercie tous d'être là, frais et dispos si tôt un lundi matin. Ma première question porte sur le revenu annuel garanti qu'au moins l'une de vous a mentionné. Madame Murphy, vous avez également mentionné que selon votre conseil, il faut lutter contre la pauvreté dans toutes les tranches d'âge, et je suis d'accord avec vous. Une personne pauvre à 40 ans et à 50 ans risque fort d'être pauvre à 60, 70 et 80 ans.
Certaines personnes ont proposé l'adoption d'un revenu annuel garanti, et vous y avez fait allusion ce matin. Je siège à un autre comité qui étudie la situation dans les villes, et nous nous penchons tout particulièrement sur la pauvreté. Nous avons parlé du revenu annuel garanti. Je pense que le sénateur conservateur Hugh Segal a préparé une motion visant à remplacer tous nos autres programmes de réseau social par un revenu annuel garanti. Cependant, à cet autre comité, l'Organisation nationale anti-pauvreté a dit craindre beaucoup qu'un revenu annuel garanti remplace tous les autres programmes parce qu'il n'y aurait pas d'assurance-emploi pour les personnes en congé de maladie ni de congés parentaux, et la mère ou le père pourrait ne pas avoir droit aux prestations de revenu annuel garanti parce que la famille a un revenu supérieur au seuil établi.
À quel point avez-vous envisagé la possibilité d'un revenu annuel garanti? À première vue, c'est très tentant, mais votre conseil a-t-il creusé la question pour étudier toutes les incidences qu'il aurait sur les autres programmes sociaux?
Mme Murphy : Non, nous ne l'avons pas fait. Je pense que la principale préoccupation du conseil, c'est de régler le problème de la pauvreté. Nous n'avons pas encore fait assez de recherches ni assez réfléchi pour déterminer si le revenu annuel garanti serait la meilleure solution. Quand nous avons discuté de votre premier rapport, le revenu annuel garanti est apparu comme une possibilité, mais de toute évidence, il y a toutes sortes d'incidences auxquelles nous n'avons pas réfléchi en profondeur.
Le véritable enjeu est la pauvreté. Comme vous l'avez dit, les personnes qui sont pauvres à 20 ans sont souvent susceptibles de l'être encore quand elles seront vieilles. Il faut aussi vraiment nous attaquer au problème de la disparité entre les riches et les pauvres au Canada. L'écart ne s'amenuise pas, il se creuse. Nous n'avons même pas encore réglé le problème de la pauvreté chez les enfants, même si nous avions dit que nous le ferions avant l'an 2000. Nous sommes un pays riche. Il doit y avoir moyen d'éliminer la pauvreté à tous les âges.
Le sénateur Cordy : Madame Fancey, votre centre a-t-il vraiment étudié le revenu annuel garanti ou se penche-t-il simplement sur la pauvreté en général chez les personnes âgées?
Mme Fancey : Nous n'avons pas beaucoup étudié la question, donc je ne me sens pas à l'aise de prendre position.
Le sénateur Cordy : Madame Murphy, j'ai entendu parler de votre programme « Preventing Falls Together ». J'ai vu vos publicités, et je pense que c'est un programme assez fructueux. Ma question ne porte pas sur ce programme, vraiment, mais sur les programmes destinés aux aînés en général. Comment faire pour informer les aînés des programmes qui leur sont offerts? Je suis en train de préparer un discours pour le Sénat sur le nombre de personnes âgées qui ne sont pas au courant qu'elles sont admissibles au Régime de pensions du Canada et au Supplément de revenu garanti connexe. Comment faire pour que les aînés soient au courant des programmes qui leur sont offerts? Par exemple, je pensais que tout le monde connaissait le RPC, mais voilà qu'on entend parler de gens qui ne sont pas au courant que quand leur conjoint décède, ils ont droit à ses prestations. À Welland, la semaine dernière, nous avons entendu parler d'un groupe communautaire qui parle aux aînés individuellement des programmes, ce qui semble être une façon de faire. Au Québec, il y a une théorie selon laquelle presque personne ne reçoit pas son RPC. Autrement dit, tout le monde en bénéficie, parce qu'au Québec, il y a une disposition de rétroactivité de cinq ans, donc si une personne n'a pas reçu de prestations et qu'elle y avait droit, elle peut remonter jusqu'à cinq ans en arrière. Dans toutes les autres provinces, si une personne a droit au RPC mais qu'elle ne reçoit pas de prestations, la rétroactivité n'est que de 11 mois. Si le gouvernement doit reculer de cinq ans, c'est peut-être un incitatif à faire en sorte que les gens sachent à quoi ils ont droit. Je sais que votre programme fonctionne, mais comment faites-vous pour qu'il fonctionne?
Mme Murphy : Nous avons décidé de mettre l'accent sur la santé de la population. Nous faisons de petites choses dans la collectivité, nous travaillons avec les groupes qui interviennent auprès des aînés et essayons de leur faire changer leurs façons de faire; nous ne travaillons pas directement avec les aînés. Notre programme se déploie au sein des organisations qui travaillent avec les aînés. Les membres de notre coalition sont les Infirmières de l'Ordre de Victoria du Canada, les programmes de sécurité des aînés et les conseils communautaires de santé. Nous leur demandons de changer leurs façons de faire et de faire passer le message par leurs propres programmes sur la prévention des chutes ainsi que d'apporter les modifications nécessaires à leurs installations et aux mécanismes de sécurité intégrés à leurs propres programmes. C'est notre stratégie. Nous ne nous concentrons pas tant sur l'information que sur le besoin de changer la société petit à petit. Nous essayons de pousser les municipalités à éclairer davantage les endroits où les personnes âgées risquent de trébucher ou à installer des trottoirs, par exemple. Nous essayons de convaincre les personnes qui se rendent chez les personnes âgées de toute façon de les aider à prévenir les chutes pour qu'elles apportent les changements nécessaires.
Je pense que Mme Dostal fait partie de la coalition, ici à Halifax.
Mme Dostal : Non.
Mme Murphy : Je pensais que vous en faisiez partie. Nous incitons les centres commerciaux à aménager des espaces de stationnement pour les personnes âgées. C'est le genre de choses que nous faisons dans le cadre de notre programme pour prévenir les chutes.
Le fait que les aînés ne sont pas au courant des programmes auxquels ils ont droit a été mentionné à notre réunion du conseil. Je pense qu'on peut travailler avec les groupes qui interviennent auprès des personnes âgées afin que ces groupes puissent informer les aînés individuellement de ce à quoi ils ont droit. Il doit toutefois y avoir une certaine infrastructure. Mme Dostal ne peut pas tout faire de son centre. Il pourrait y avoir des groupes de personnes âgées dans la communauté qui seraient prêts à faire leur part, mais ils ont peut-être besoin d'un peu plus d'infrastructure et d'aide pour pouvoir transmettre l'information aux aînés avec qui ils travaillent.
Nous cherchons aussi des moyens de renseigner les personnes âgées isolées. Elles ne participent pas à nos programmes. Nous n'avons aucun moyen de les inciter à participer aux programmes, et ce sont probablement les personnes qui ne reçoivent pas le message.
Je travaille dans la communauté depuis 30 ans et je me demande toujours comment faire pour atteindre les personnes âgées isolées. Nous n'avons toujours pas de réponse quant à la façon de transmettre l'information aux aînés qui ne sont pas liés à nos groupes communautaires, à nos églises ou à d'autres organismes.
Nous devrions utiliser davantage les églises, parce que beaucoup de personnes âgées les fréquentent. Nous devrions pousser les églises à en faire plus pour informer les personnes âgées. Certaines font leur part, mais l'information est toujours difficile à faire passer. Les gens ne sont à l'écoute que quand le message leur semble important.
La présidente : Chers collègues, le temps dont nous disposons tire à sa fin. Madame Cools, avez-vous une brève question à poser?
Le sénateur Cools : Je vais réserver mes questions pour plus tard. Je ne vais faire qu'une brève déclaration. Premièrement, je vous remercie toutes les trois d'être autant au service de votre communauté et d'avoir fait l'effort de venir comparaître devant nous aujourd'hui.
Comme nous sommes à Halifax, j'aimerais souligner qu'il y a trois sénateurs ici qui sont natifs de Halifax. Bien sûr, la Nouvelle-Écosse est bien représentée au Sénat du Canada. Je tiens à remercier ces sénateurs de leurs bons services et à garantir aux témoins qui s'apprêtent à retourner à leur routine que les personnes qui siègent aux chambres du Parlement ont leurs intérêts à cœur et qu'elles les défendent.
Je vais m'arrêter ici pour tout de suite. J'aimerais aborder la violence faite aux aînés, entre autres, mais nous en aurons amplement le temps. J'estime important que nous respections notre horaire.
La présidente : Merci, sénateur Cools, et merci, Mmes Fancey, Dostal et Murphy. Vos observations sont très utiles pour nos délibérations.
Nous accueillons maintenant le Dr David Martell, du Centre médical de Lunenburg, ainsi que le Dr Chris MacKnight et le Dr Ken Rockwood, de l'Université Dalhousie. Nous avons déjà entendu parler du Dr Rockwood aujourd'hui puisque nous sommes passés par Camp Hill, où il est déjà impopulaire.
Dr David Martell, Centre médical de Lunenburg, à titre personnel : Bonjour. Je vais dire, en guise de préambule, qu'il sera difficile de m'en tenir à cinq minutes, donc n'hésitez pas à me couper la parole.
Soit dit entre parenthèses, on a mentionné le Kings Transit. C'est l'un des mandats qui m'a été confié pour que je vienne ici. Le Kings Transit se rend jusqu'à Weymouth. Il en coûte 3 $ pour un trajet qui peut s'étendre sur une centaine de milles. Nous essayons de nous inspirer du Kings Transit dans la région de South Shore. C'est une grande réussite.
Qu'est-ce que je peux bien savoir du vieillissement? Je dois le dire d'entrée de jeu : j'ai 36 ans. Je suis un médecin de famille qui exerce la médecine dans la merveilleuse petite ville de Lunenburg. Je suis content de voir le Dr MacKnight ici, donc je ne suis pas le seul visage jeune. J'ai un enfant de quatre ans. Mes parents sont dans la jeune soixantaine. Les deux ont eu des maladies qui ont menacé leur vie au cours des dix dernières années, et je vois déjà venir le jour où l'un de leurs six enfants devra en prendre soin, peut-être moi. Cela me porte à réfléchir à la situation à laquelle mon propre enfant sera confronté quand je serai vieux.
Dans l'exercice de ma profession, je m'intéresse aux dépendances. Je suis le directeur médical du service de toxicomanie du Fishermen's Memorial Hospital de Lunenburg. Les médecins y exercent leur profession chacun de leur côté, mais ils envisagent la possibilité de collaborer dans la prestation des soins. Je m'intéresse particulièrement à la réforme des soins primaires, et nous avons déposé auprès du ministère de la Santé une proposition visant à développer un modèle de centre de santé communautaire à cette fin.
Depuis trois ans déjà, je m'intéresse aux dossiers électroniques des patients et à l'efficacité du bureau. Je suis membre du Lunenburg County Community Health Board depuis deux ans. Durant mes heures libres, je fais du bénévolat. Je dirige une œuvre de bienfaisance internationale.
J'aimerais vous relater brièvement certains faits au sujet du vieillissement que j'ai observés au sein de ma propre famille. En 1984, mon grand-père, âgé de 65 ans et à la retraite depuis deux semaines, qui était loin d'être en santé, est décédé subitement. Il a été chanceux en ce sens qu'il est mort subitement, alors qu'on ne s'y attendait pas. Il n'a pas imposé un trop lourd fardeau au système de santé. Quand il est mort, ma grand-mère est venue habiter avec nous. Mes parents étaient tous deux des enseignants, mais ma mère a cessé d'enseigner pendant dix ans pour demeurer à la maison et prendre soin des six enfants. À l'époque, c'était la norme, mais cela ne se fait plus beaucoup. On continue de s'occuper de sa famille, mais à distance, à l'extérieur, plutôt qu'à la maison, comme j'ai pu moi-même le constater.
Ma grand-mère a vécu 70 années. Elle aussi est morte subitement d'un arrêt cardiaque et n'a jamais représenté un fardeau pour le système de santé. Si elle n'avait pas habité avec nous, j'ignore s'il en aurait été de même. D'un point de vue culturel, je crois que la situation a beaucoup changé.
De l'autre côté de la famille, tout s'est déroulé de manière très différente. Ma grand-mère a commencé à faire de l'Alzheimer au début des années 1980 et pendant une bonne partie des dix années qui ont suivi, elle a dû lutter contre la détérioration causée par la maladie. Mon grand-père refusait de la placer, mais il a bien dû le faire, à cause de la lourdeur des soins à prodiguer. Lui-même vit maintenant dans un centre d'hébergement de longue durée, et il n'est pas facile à soigner. Il a besoin de plus d'attention que ce que peut lui donner le personnel du centre d'hébergement.
Le reste de mon expérience me vient de l'exercice de ma profession, de sorte qu'il est un peu délicat d'en parler. J'ai moi-même vécu un incident engageant l'enlèvement international d'une patiente démente dont il a été beaucoup question dans la province.
Le travail que fait votre comité m'épate. En fait, j'ignorais tout de votre existence jusqu'à tout récemment, et c'est ce dont j'aimerais vous parler dans les 30 secondes qu'il me reste. J'aimerais que les travaux de votre comité soient bien connus. C'est important. C'est probablement plus important que toute autre chose au Canada actuellement. Et quel que soit le titre du rapport que vous publierez, je souhaite qu'il soit aussi accrocheur que celui du rapport Romanow ou du rapport Kirby et qu'il retienne autant l'attention. Je crois que cela contribuerait beaucoup à la situation.
Une partie de votre mandat est de sensibiliser davantage la population aux enjeux et de les faire connaître. Je ne suis pas sûr que nous soyons tout à fait inconscients de ce qui se passe au Canada du point de vue du vieillissement, mais le phénomène couvre tout. Il est d'une ampleur écrasante. Nous ne consacrons pas beaucoup de temps à y réfléchir.
J'ignore qui d'autre est venu témoigner devant votre comité. Si je devais inviter des personnes à une tribune comme la vôtre, je me tournerais vers des chercheurs universitaires, des philosophes, des éthiciens, des personnes qui sont beaucoup plus intelligentes que moi et qui ont beaucoup réfléchi aux problèmes auxquels nous faisons face, alors que je ne puis parler que de ma propre expérience.
Je vais conclure ma déclaration en vous citant une donnée statistique que j'ai constamment à l'esprit. En tant que médecin de famille, je me consacre essentiellement à traiter la maladie, c'est-à-dire à une vieillesse qui se déroule mal. On m'a dit que 97 p. 100 de tout l'argent injecté dans les soins de santé vont à traiter des maladies, à réparer ce qui ne va pas bien. Seulement 3 p. 100 de cet argent sont consacrés à de la prévention et à la promotion de la santé. À mon avis, c'est l'inverse qu'il faudrait faire. Il faudrait mettre l'accent avant tout sur la santé.
La présidente : Je vous remercie. J'espère que le fait d'apprendre que nous avons entendu des chercheurs universitaires, des philosophes et des éthiciens vous rassure.
Dr Ken Rockwood, professeur de gériatrie, Université Dalhousie, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. Actuellement, je fais de la médecine générale dans un hôpital universitaire de soins tertiaires. Les 16 patients de ma liste de consultation, ce matin, allaient de cinquantenaires à des nonagénaires, l'âge médian étant de 79 ans. Mais je me perds en détails. Je crois qu'il serait beaucoup plus utile que j'utilise le temps alloué à vous brosser un tableau général du vieillissement de la population et des exigences que cela impose au système de santé.
J'ai lu certains témoignages que vous avez déjà entendus, de même que le premier et le deuxième rapports intérimaires que vous avez publiés. Manifestement, vous avez entendu des points de vue très variés à cet égard. L'un concernait le « tsunami gris » — soit que le ciel est en train de nous tomber sur la tête et que nous nous dirigeons tout droit vers l'impasse, de sorte qu'il faut privatiser le plus rapidement possible, comme si cela devait être d'une utilité quelconque. À l'autre extrême, on affirme qu'il ne faut pas s'inquiéter, que tout ira bien, qu'il ne s'agit que de 1 p. 100 et que la technologie va tout régler. Or, ni l'un ni l'autre de ces points de vue ne tient compte de la dure réalité, qui se situe quelque part entre les deux.
En règle générale, je serais plutôt d'accord avec le second point de vue. À mon avis, tôt ou tard, il faudra bien que le régime public s'attaque à cette question. Cependant, exception faite de certains doux murmures au sujet du besoin d'accroître les soins palliatifs, le second groupe ne fournit pas un portrait réel de ce qui se passe actuellement dans le domaine de la santé.
Il est tout simplement faux de dire qu'il n'y a pas à s'inquiéter du vieillissement. Même au cours des 20 années d'exercice de ma profession, le visage du système de santé a changé. Vous n'avez qu'à vous rendre dans une salle d'urgence pour constater que les personnes qui s'y trouvent sont en majorité vieilles.
Mais ce n'est pas là ce qui exerce des contraintes sur le système. Il s'agit plutôt du fait que ces vieilles personnes sont fragiles et que le système n'est pas conçu pour les prendre en charge. En règle générale, nous nous sommes trompés au départ. Nous avons conçu un système en supposant que les personnes n'auront qu'un problème à la fois.
À titre d'exemple, je vais utiliser le cas de la chirurgie cardiaque, mais vous pouvez transposer ce que je dis à toute spécialité. On va vous dire quelque chose du genre : « Le besoin de chirurgies cardiaques augmente avec l'âge. La population vieillit. Par conséquent, il est urgent de commencer dès maintenant à former plus de cardiochirurgiens .» Cela semble logique, mais voilà que les spécialistes des poumons et ceux des reins ou de la thyroïde font la même affirmation en ce qui concerne leur spécialité. Et si vous examinez la question dans cette optique, il n'y aura pas en fait suffisamment de personnes âgées pour créer toute cette demande, puisque 60 p. 100 d'entre elles auront des cardiopathies, 80 p. 100 de l'arthrite et 40 p. 100 des problèmes de reins, de sorte que le total représente plus de 100 p. 100 de la population. Or, nous ne parlons que de trois spécialités. Ce ne sera vrai que si les personnes âgées ont plusieurs de ces maladies à la fois, ce qui est le cas. Quand elles ont ainsi plusieurs maladies, elles sont fragiles. Quand elles sont fragiles, nul ne veut s'en occuper — ou du moins notre système de santé, tel qu'il est conçu actuellement, n'en veut pas. Voilà où réside l'énorme lacune, sur fond d'adeptes de la privatisation d'une part et de ceux du maintien à tout prix du régime public d'autre part qui s'affrontent au sujet d'une réalité qui n'en semble pas une à quiconque travaille dans le domaine de la santé.
Ceux qui travaillent dans le domaine de la santé sont extrêmement frustrés actuellement. Beaucoup de travailleurs de première ligne sont très frustrés. Malheureusement, au moins 80 p. 100 du temps, ils passent leur frustration en blâmant les personnes âgées, du simple fait qu'elles existent. Si vous voulez voir les prestataires de soins actifs sortir de leurs gonds, interrogez-les au sujet du nombre de lits qui sont « bloqués », le terme officiel. Ils vous répondront qu'un lit sur quatre est bloqué ou un lit sur trois ou encore un sur six. Ils en parlent comme si c'était la faute du patient ou ils réclament plus de lits de soins de longue durée.
Le système est conçu pour faire une chose à la fois, et nous n'avons pas réussi à répondre aux besoins de personnes qui souffrent de plusieurs maladies à la fois. Voilà où se pose le problème. Le système ne s'améliorera pas si nous ne l'adaptons pas pour répondre aux besoins des patients réels.
L'approche d'une chose à la fois a fort bien permis de comprendre comment fonctionne la maladie et en gros comment la traiter, mais elle a échoué dans la capacité de traiter de véritables patients qui ont de réels problèmes de santé. Ce que j'essaie de faire comprendre, c'est que le système de santé doit s'adapter à la fragilité. Sont fragiles les personnes qui ont de multiples problèmes d'ordres médical et social en interaction. Il existe un lien étroit entre ce problème et l'âge, mais il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Il existe des quinquagénaires diabétiques qui, selon l'opinion générale, seraient fragiles. Cependant, le plus souvent, ce sont les personnes âgées qui seront plus vraisemblablement fragiles. Le plus souvent, plus la personne est âgée, plus elle sera vraisemblablement fragile. Lorsqu'elle l'est, elle n'a pas besoin du même genre de soins que celui que nous offrons, qui consiste à traiter un problème à la fois.
Dans n'importe quelle salle d'urgence actuellement, vous trouverez quelqu'un qui tente de se faire soigner. Qui va prendre en charge le patient? A-t-il des troubles rénaux? Peut-être que le néphrologue peut le prendre. A-t-il une cardiopathie; alors ce sera peut-être le cardiologue.
Il faut offrir des soins plus complets. Sur ce plan, je n'ai pas beaucoup en commun avec le groupe qui dit qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, que tout ira bien, que la solution à l'escalade des coûts du système de santé se trouve dans la technologie. Souvent, l'accent que nous mettons sur la technologie dans la plupart des soins de santé est inapproprié. Il serait approprié si les patients n'avaient qu'un seul problème de santé. Or, nous n'avons pas bien cerné l'état des personnes atteintes de plusieurs maladies et la façon de catégoriser le risque.
À mon avis, c'est le concept même qui pose problème actuellement, l'organisation des soins de santé, tout comme le système est problématique pour la prestation des soins. La question à se poser est de savoir comment faire une réforme des soins de santé. Au fil des ans, j'en suis venu à la conclusion que la principale source de problème est le manque de reddition de comptes.
Il est évident que certaines personnes sont extrêmement mal servies par le système de santé. Pourtant, quand on tente de régler le problème, d'améliorer leur situation, beaucoup de personnes invoquent toutes sortes de raisons pour expliquer pourquoi on ne peut rien faire pour elles. Cependant, il n'y a pas de reddition de comptes à l'égard des problèmes de ces personnes. Nous sommes disposés à les laisser passer à travers les mailles du filet. Nous sommes disposés à dire qu'une personne est trop malade pour tel programme, mais pas assez pour tel autre programme. Nul n'assume la responsabilité à l'égard de ces patients.
Si nous souhaitons vraiment améliorer le sort des personnes qui sont fragiles, il faut modifier la reddition de comptes. Si nous le faisons, nous observerons un changement dans ce que nous pouvons faire pour elles. Actuellement, nous invoquons le manque de fonds pour ne pas prendre des mesures en vue de régler le problème. Ainsi, nous ne pouvons pas nous payer des infirmières praticiennes. Nous ne pouvons pas nous payer des médecins qui s'occupent des besoins complexes des personnes âgées. Nous ne pouvons pas nous payer des visites à domicile. Nous ne pouvons pas nous payer des conférences d'équipes. Par contre, nous sommes assez riches pour avoir l'équipement de résonnance magnétique, pour faire des pontages. Nous pouvons nous payer tout cela, mais nous ne pouvons pas payer le reste. Manifestement, nous avons de l'argent, mais il faudra réorganiser le système de façon à rendre compte de l'amélioration des résultats grâce à la présence d'infirmières praticiennes, de visites à domicile et de gériatres, notamment.
Il est temps de dresser un portrait global de la situation sans oublier de l'ancrer dans l'expérience quotidienne des personnes âgées qui ont besoin de soins de santé et qui découvrent que le système sur lequel elles comptaient n'est pas là pour les aider et pour répondre à leurs besoins.
Pendant des années, nous avons tenté de diverses façons de convaincre plus de jeunes médecins de s'orienter vers la gériatrie. Quand ils sont encore très jeunes, je leur dis que, s'ils souhaitent sauver le monde, c'est en gériatrie qu'il faut aller. Ensuite, je m'explique. Si l'on réfléchit à tous les problèmes du système de santé au Canada actuellement, à mon avis, la fragilité est celui qui minera le plus probablement la prestation publique de soins médicaux, parce que tous sont frustrés et qu'ignorant quoi faire, ils prônent la privatisation. Pareille solution a des effets pervers pour plusieurs raisons dont on pourrait discuter, mais si l'on y pense bien, l'assurance santé est l'une des grandes valeurs qui cimente l'unité canadienne. Par conséquent, si nous n'obtenons pas de bons résultats à cet égard, quel espoir reste-t-il pour le pays? Étant donné toute la richesse du Canada et l'abondance de ses ressources, si nous ne pouvons pas garder le pays uni, quel espoir y a-t-il pour le reste du monde? Donc, je dis aux jeunes que, s'ils souhaitent sauver le monde, qu'ils exercent la gériatrie au Canada.
Dr Chris MacKnight, professeur agrégé, Département de médecine, Université Dalhousie, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invité à venir témoigner aujourd'hui. Il est bon de voir que vous invitez des médecins. Souvent, les bureaucrates n'aiment pas parler à des médecins parce qu'ils croient que la seule chose qui nous intéresse, c'est l'argent, ce qui n'est pas toujours le cas.
Je tiens, tout d'abord, à m'excuser pour deux choses. D'une part, vous aurez peut-être parfois l'impression que je suis en colère, un sentiment attribuable au fait que beaucoup de personnes souffrent inutilement parce que la décision a été prise de faire une chose à la fois et de ne pas répondre à leurs besoins. D'autre part, c'est que vous avez tout à fait raison de dire que nous avons besoin d'avoir une vue d'ensemble, mais que j'ai plutôt un humble aperçu de ce qui se passe, puisque je travaille sur le terrain constamment.
Vous avez entendu pas mal de témoins, comme l'a mentionné Dr Martell. Des personnes brillantes comme Marcus Hollander, François Béland et Jeanne Desveaux vous ont fait des déclarations très sensées. Je ne suis pas tout à fait sûr que d'autres déclarations le soient autant. Croyez-vous vraiment que la prochaine génération d'aînés sera plus en santé, comme un porte-parole de Santé Canada l'affirmait, alors que nous sommes aux prises avec une véritable épidémie d'obésité et de diabète? De mon temps, c'était l'asthme. Rien ne laisse croire que la morbidité est en train de baisser — on est en train de l'évaluer —, mais beaucoup de faits laissent croire qu'en réalité, elle augmente.
Croyez-vous vraiment que la prochaine génération d'aînés aura un plus grand revenu discrétionnaire à consacrer à des soins de santé privés? Les gens vont-ils vraiment épargner plus? Prendront-ils des décisions plus sages au sujet de leurs dépenses, la nature humaine va-t-elle changer? Ceux qui prodiguent les soins de santé dans le privé ne majoreront- ils pas leurs prix en fonction du pouvoir d'achat? Le Dr Evans vous a affirmé que les changements qui surviennent dans le vieillissement de la population auront très peu d'impact sur les soins de santé et sur leurs coûts. Et c'est probablement vrai si on les examine en fonction d'une variation annuelle du pourcentage. C'est l'économiste de l'Université du Nouveau-Brunswick, cependant, qui, je crois, a parlé de l'impact massif que cela aura sur une province comme le Nouveau-Brunswick et d'autres dont la population compte une plus grande proportion d'adultes âgés.
La métaphore utilisée par le Dr Evans, celle du zombie, vous a plu, mais le système de santé continue de tituber et de faire des embardées et, si l'on utilise une métaphore différente, celle du prisme, d'un côté, on voit un seul rayon de lumière très simple à examiner. Par contre, à l'autre bout, il y a toutes sortes de rayons de couleur qui représentent les personnes âgées fragiles et celles qui sont démentes, les patients dont parle Ken qui ne correspondent à aucun de ces compartiments et qui sont beaucoup plus difficiles à prendre en charge. Ce n'est pas seulement une question de vieillir, mais bien de vieillir et de devenir des cas plus lourds à traiter.
Je vais vous raconter une petite histoire — j'espère ne pas dévoiler trop de renseignements confidentiels — au sujet d'un cas que j'essaie de régler depuis une semaine environ. J'en discutais encore ce matin. Je vois cela régulièrement. Il est question ici d'un patient qui vit seul, à la maison. Il est atteint de démence sévère. Il ne peut s'habiller, se nourrir ou faire sa toilette seul. Les membres de sa famille essaient de s'en occuper, sauf qu'ils travaillent. Les services de soins à domicile refusent de l'aider parce qu'il a un comportement physique et verbal agressif. Il parle fort et vite, et frappe du poing sur la table quand il discute. Il n'a fait de mal à personne, mais les responsables des soins à domicile ne veulent pas aller chez lui, car ils ont peur. Les travailleurs sociaux du service de protection aux adultes ne veulent pas le placer dans un foyer de soins infirmiers parce que la famille détient une procuration et peut faire des arrangements pour qu'on s'occupe de lui. Il n'est pas un adulte qui a besoin d'être protégé. Le service de soins continus ne veut pas non plus le placer dans un foyer parce qu'il est trop agressif. Aucun centre dans la province n'est équipé pour gérer les troubles de comportement d'un patient, sauf peut-être l'hôpital pour anciens combattants que vous avez visité ce matin. Il s'agit là d'un programme fédéral qui compte sur diverses ressources. Enfin, aucun établissement de soins actifs ne dispose de personnel pour gérer les troubles de comportement d'une personne atteinte de démence.
La seule option qui reste pour cet homme, c'est la salle d'urgence, où il sera attaché à un lit et mis sous forte sédation. Il va passer le reste de ses jours dans un hôpital. Tout cela est bien triste.
Tout le monde sait qu'il y a des gens qui se trouvent dans cette situation. Tout le monde sait qu'il y a de nombreuses personnes comme lui qui entrent dans le système. Les seules qui ne savent rien, ce sont les familles qui se tournent vers le régime de soins de santé pour obtenir de l'assistance et qui constatent qu'aucune aide n'existe. C'est parce que les décideurs, au fil des ans, ont choisi de ne pas s'attaquer à ce problème et d'acheter, plutôt, des appareils d'IRM.
La présidente : Merci. Je trouve que vous n'êtes pas assez fâché, monsieur MacKnight.
Le sénateur Cools : J'aimerais remercier les trois témoins pour les exposés réfléchis qu'ils nous ont présentés. Vous avez bien décrit l'ampleur du sujet sur lequel se penche le comité. Je vous en remercie.
Les questions que vous avez posées sont importantes. Je voudrais m'adresser d'abord au Dr MacKnight et parler du cas précis qu'il a mentionné. En fait, il y a des douzaines de cas comme celui-là. J'ai travaillé pendant longtemps dans le secteur des services sociaux. Le problème, c'est que les cas difficiles sont souvent laissés de côté, qu'il s'agisse de jeunes qui ont besoin de travail, qui se livrent à des actes de délinquance juvénile ou qui ont besoin d'encadrement. Souvent, les gens ne veulent tout simplement pas s'occuper des dossiers complexes, dossiers qui finissent par s'aggraver sur 20 ans. Je ne crois pas que le comité ait examiné de près ces facteurs, les différences qui existent, car il y a de nombreuses formes de démence qui ne correspondent pas nécessairement à l'Alzheimer. Savez-vous combien de personnes en Nouvelle-Écosse sont confrontées à ce problème?
Je suis un peu plus vieille que vous trois. Quand j'étais jeune, les médecins faisaient des visites à domicile, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Par exemple, je pesais 15 livres à la naissance. Ma mère a accouché à la maison avec l'assistance du médecin local. Il était en contact avec d'autres médecins, de sorte que lorsqu'il y avait des complications, il pouvait solliciter l'aide d'un de ses collègues. Ils arrivaient à 3 heures du matin, en pyjamas, pour aider les patients.
Pouvez-vous me dire combien de personnes se trouvent dans les circonstances que vous avez décrites? Autrement dit, s'agit-il d'un cas isolé, ou est-ce un problème symptomatique?
M. MacKnight : Nous savons que 8 p. 100 des personnes âgées de 65 ans et plus sont atteintes de démence. Cela représente entre 14 000 et 15 000 personnes en Nouvelle-Écosse. À titre de comparaison. il y a peut-être 100 nouveaux cas de lymphome qui sont recensés chaque année dans la province. La démence constitue un sérieux problème quand on la compare à d'autres types de maladies.
Je ne saurais vous dire combien de personnes se retrouvent dans cette situation, mais il doit y en avoir des douzaines, au moins, en Nouvelle-Écosse. Au cours des dernières semaines, je me suis occupé de trois ou quatre personnes qui se trouvaient dans des circonstances identiques.
La maladie d'Azheimer est de loin la cause la plus fréquente de démence. Il y a d'autres causes plus rares. Il n'est pas très important d'établir une distinction claire entre elles, car les traitements thérapeutiques ne varient pas beaucoup, selon le diagnostic. Nous cherchons surtout à venir en aide à la famille, à lui donner des outils, à la mettre en contact avec des fournisseurs de soins spécialisés. L'approche est la même pour chaque maladie, quoi qu'elle doit être adaptée aux besoins de la personne. Le régime de soins de santé a du mal à individualiser les services qu'il offre. Par exemple, dans un monde idéal, la personne à la maison bénéficierait de l'aide de fournisseurs de soins de santé qualifiés pendant quelques heures par jour. Un infirmier praticien montrerait à la famille comment s'occuper de la personne; il apporterait un soutien aux fournisseurs de soins de santé. Ces services n'existent pas, mais nous devrions pouvoir les offrir.
Dr Rockwood : J'aimerais revenir aux principes que j'ai décrits. Ce n'est pas que nous ne savons pas ce que nous devons faire. Comme l'a mentionné le Dr MacKnight, il y a des programmes de soins spécialisés pour venir en aide à cette personne. Il y a des études qui montrent comment ces services seraient structurés. Il a également dit que ce problème est courant. Je suis certain qu'il y a des douzaines de personnes qui, à un moment donné, se trouvent confrontées à un problème de cette nature. Elles ne reçoivent pas l'attention ou les ressources auxquelles ont droit les patients atteints d'autres maladies. C'est là une de nos principales doléances. Il est très choquant de voir qu'il y a des gens qui ont des besoins énormes, mais personne pour les défendre.
Ce n'est pas que nous ne savons pas ce que nous devons faire. La difficulté tient au fait que les services dont ils ont besoin ne nécessitent pas d'efforts technologiques intenses. Ils coûtent toutefois chers en termes de ressources humaines. Concernant l'innovation, nous avons eu tendance, dans le domaine de la santé, à investir davantage dans la technologie et les médicaments. Nous devons changer d'approche et trouver un moyen de prioriser leurs besoins. Voilà pourquoi nous avons mis l'accent sur la responsabilisation. Si quelqu'un prenait la responsabilité de s'occuper sérieusement de ce patient, il serait possible de régler le problème.
Quand j'ai commencé à pratiquer en Nouvelle-Écosse en 1991, la responsabilité des coûts entraînés par une personne était clairement établie. Les coûts étaient assumés par les services sociaux, au palier municipal. Ces derniers avaient tout intérêt à fournir des soins à cette personne, sinon, ils étaient pénalisés. Je ne sais pas si, dans les faits, les choses se passaient comme cela, mais si la personne finissait par se retrouver dans un hôpital de soins actifs, les frais pour chaque jour d'hospitalisation étaient imputés au budget des services sociaux.
Ce n'est peut-être pas la meilleure façon de procéder, mais nous devons reconnaître que les patients entraînent des coûts et que quelqu'un doit en assumer la responsabilité, ce que nous ne faisons pas à l'heure actuelle. Nous pourrions faire subir un examen IRM à cette personne en un clin d'œil. Cela ne changerait rien à la situation de la personne, mais coûterait cher, mais nous pourrions le faire parce que nous sommes équipés pour faire ce genre de test, mais pas pour lui fournir des soins. Voilà comment il faut conceptualiser le problème. Il n'est pas insolvable. Toutefois, nous ne nous organisons pas de manière à ce qu'il puisse être réglé de manière efficace.
Le sénateur Cools : Savez-vous comment nous pouvons encourager, appuyer la responsabilisation? Les médecins me font souvent part des mêmes préoccupations que vous soulevez aujourd'hui. Je suis certaine qu'il en est de même pour les autres sénateurs. Quand vous vous présentez à l'hôpital pour subir une radiographie ou un autre test, les employés s'empressent de vous dire qu'ils sont confrontés à de gros problèmes, qu'il y a de nombreuses années de cela, la gestion des soins de santé était assurée par les médecins et les infirmières et infirmiers. Les choses ont beaucoup changé depuis. Je me demande si vous avez des suggestions concrètes à faire pour nous aider à régler le problème. C'est là où le bât blesse.
Dr Rockwood : Je dirais trois choses en réponse à cette question. D'abord, de manière générale, les médecins ne sont pas des adeptes du principe de responsabilité, car ils ont tendance à privilégier le professionnalisme, pour de bonnes ou de mauvaises raisons. Je pense que nous sommes allés trop loin en termes de l'autonomie des patients, un concept qui, dans de nombreux cas, ne veut rien dire puisqu'il permet aux gens de se dégager de toute responsabilité alors qu'ils pourraient raisonnablement invoquer l'argument du professionnalisme. Aucun bioéthicien ne serait d'accord avec cela, mais je tenais à le mentionner.
Ensuite, il est difficile pour un gériatre de demander que l'on mette davantage l'accent sur la responsabilisation parce que les quelques normes qui existent à l'heure actuelle ne servent pas les intérêts de nos patients étant donné qu'elles sont fondées sur l'approche « un problème à la fois ». C'est la durée du séjour qui semble être plus importante.
J'aimerais bien que l'on mette en place un régime de responsabilisation fondé sur les coûts qui tiendrait compte des besoins de la population et qui préciserait que les coûts de la démence au sein de la collectivité devraient raisonnablement s'élever à X, et que les normes que l'on devrait raisonnablement atteindre correspondraient à Y. Je m'attendrais à ce qu'il y ait une sorte de mécanisme de contrôle pour voir si nous dépensons X dollars pour atteindre Y normes. Il faudrait que les normes soient axées sur les besoins de la population visée. Ce ne serait pas nécessairement une chose facile à faire, mais il faudrait être prêt à investir. Il ne faudrait pas se lancer dans une telle initiative sans être bien préparé. Il faudrait réaliser des études, mener des essais. Nous devons entreprendre une réforme systématique et fondamentale et délaisser le système actuel qui traite un problème à la fois.
Enfin, concernant la nature de la responsabilisation, dans le domaine de la gériatrie, il y a beaucoup de choses que nous considérons comme sacrées. La situation serait sans doute différente si un régime de responsabilisation rigoureux était mis en place. Prenons l'exemple des services de soins à domicile. Les agences publiques d'aide à domicile sont coincées, car leurs employés ne peuvent balayer le plancher sans certificat, et ils ne peuvent donner un médicament s'ils ne sont pas des infirmiers ou des infirmières. Il faut un diplôme en nutrition pour faire bouillir de l'eau. Ils ont trop professionnalisé le service, imposé un trop grand nombre de normes. Le Dr MacKnight est au courant de la situation.
Je ne sais pas si dans votre région vous avez accès aux services offerts par le groupe Newfoundland Ladies. Ce sont des femmes de Terre-Neuve qui viennent travailler ici pour des périodes de deux semaines. Elles font tout, et leur plus grand atout, à ce que je sache, c'est que ce sont des femmes d'âge moyen qui ont élevé de grandes familles et qui peuvent accomplir n'importe quelle tâche qu'on leur confie.
Je sais que les spécialistes des soins à domicile vont paniquer, mais je suis prêt à parier que la solution au problème, en ce qui concerne la population, va venir de groupes comme celui-là, et non de groupes interprofessionnels multiagréés, qui comptent sur l'aide de nombreuses équipes d'intervenants.
Dr Martell : J'aime bien cette idée. Dieu merci que nous avons le groupe Newfoundland Ladies. Elles viennent d'une autre époque, mais elles offrent des services précieux. Leur intervention a permis de venir en aide à plusieurs de mes patients dont le cas était sans solution. Leur situation était similaire à celle de votre patient, docteur MacKnight.
Le sénateur Mercer : Il y a quelqu'un, en quelque part, qui essaie de trouver un moyen de professionnaliser ce groupe de femmes de Terre-Neuve pour qu'elles soient obligées d'avoir un certificat pour faire ce qu'elles font.
Docteur MacKnight, vous avez dit que vous ressentiez une certaine colère. Ce n'est pas l'impression que vous donnez, mais je pense que, collectivement, vous ressentez tous beaucoup de colère et de frustration. Vous voulez faire du bon travail, mais le système n'aide pas du tout.
J'ai une question à vous poser. Docteur Rockwood, comme l'a mentionné le sénateur Carstairs, lors de notre passage à Camp Hill, ce matin, quelqu'un a parlé de vous en termes élogieux. Vous proposez des recommandations formulées par les patients, ce qui est merveilleux.
Vous avez dit que le système doit s'adapter aux besoins du patient. Vous avez également indiqué que si nous voulons sauver le monde, nous devons investir davantage dans la gériatrie au Canada. Quelles mesures devrions-nous prendre dans un premier et deuxième temps?
Dr Rockwood : Pour ce qui est du système, celles que j'ai déjà mentionnées. Je ne veux pas donner l'impression d'être trop partisan, mais nous n'avons tout simplement pas suffisamment de spécialistes en gériatrie à l'heure actuelle. Nous ne formons pas assez de gens dans ce domaine. Nous mettons en place des barrières qui défient la logique. Il faut garantir des places de formation en gériatrie et prévoir des possibilités raisonnables d'embauche.
Nous comptons à l'heure actuelle trois personnes qui suivent une formation en gériatrie. Nous représentons probablement l'un des plus grands groupes au pays de ce point de vue-là. Nous avons actuellement deux spécialistes en gériatrie et nous nous demandons si nous allons arriver à leur trouver une place dans les programmes bizarres que le Département de médecine a mis en place. Nous avons deux personnes qui sont formées, et nous n'arrivons pas à les placer. Nous devons nous prendre en main, à l'échelle nationale, et trouver à tout le moins une solution à ce problème. Ne tournons pas le dos aux personnes qui sont venues ici, qui ont suivi ou qui veulent suivre une formation. Ce devrait être la chose la plus facile à faire au monde. Voilà pour la première mesure.
La deuxième mesure est la suivante : il est évident qu'il n'y aura jamais suffisamment de gériatres pour fournir tous les soins qui devraient être offerts. Nous devons définir le rôle qu'ils doivent jouer. Les gériatres devraient, vraisemblablement, servir de catalyseurs au sein du système, mettre en place des services exemplaires, des programmes qui permettent aux gens de suivre une formation et ensuite de mettre en pratique les connaissances qu'ils ont acquises.
Permettez-moi de vous donner un exemple qui est à la fois poignant et un peu frustrant. Nous avons mis sur pied, dans cette province, un système de soins de rétablissement qui a été reproduit dans de nombreux pays du monde. Lorsque la province a décidé d'offrir un programme à l'extérieur d'Halifax, elle n'a pas cru bon de nous consulter. Elle n'a établi aucune norme, aucun cadre de responsabilité, aucun service de soins courants. Je trouve bizarre de répondre à des demandes qui viennent d'Australie et d'Irlande, alors que je ne peux obtenir la collaboration de décideurs qui se trouvent à 100 milles de distance.
Par conséquent, une fois que nous aurons recruté plus de personnes, nous devrons définir le rôle catalyseur qu'elles doivent jouer. Si je dis cela, c'est parce que nous nous attendons à ce que nos spécialistes fournissent des soins directs. Nous n'avons pas un système efficace qui leur permet de travailler à l'intérieur de celui-ci. C'est une question à laquelle nous devons nous attaquer si nous voulons être en mesure de fournir des soins à une population vieillissante.
Encore une fois, une fois que nous aurons modifié le régime de responsabilisation, ces mesures deviendront rentables et raisonnables du jour au lendemain. Encore une fois, nous devons cesser de dire que nous ne pouvons nous permettre d'entreprendre une telle réforme. Nous trouvons constamment le moyen de financer des programmes extrêmement compliqués. Nous devons nous organiser pour que cette réforme devienne réalité.
Dr Martell : Pour faire écho aux réflexions du Dr Rockwood au sujet des soins de rétablissement, j'ajoute qu'à Lunenburg, il y a environ trois ans, nous avons perdu l'un des piliers de notre communauté, un médecin de famille appelé Art Patterson, à qui nous devons notamment la construction d'une unité de soins de rétablissement au sein de la communauté. Lunenburg est une petite ville d'environ 2 300 habitants. Le Centre de soins de rétablissement a été construit et il est fonctionnel, et je pense que c'est un modèle qu'on peut reproduire. Il a remporté un vif succès, mais dessert seulement une petite population définie. Il ne s'agit pas des aînés à la santé déclinante atteints de multiples comorbidités, mais de ceux aux prises avec un problème de santé qui s'améliorera, après quoi ils seront en mesure de retourner chez eux. On a consacré beaucoup de réflexion à la construction, à l'aménagement et à la dotation en personnel de ce centre. Il ne fonctionne pas à la perfection et il est en évolution, mais il s'agit là d'une de nos réussites.
Par ailleurs, il y a maintenant trois ans, notre district s'est réuni avec tous les intervenants afin de mettre au point un plan sur le vieillissement. J'espérais pouvoir distribuer ce plan à votre comité, mais j'ai eu un préavis très court. Cette initiative a été menée par le district. Elle ne venait pas de la base, de personnes de la communauté, ni même du conseil de santé communautaire. C'est notre district qui a lancé l'initiative. Elle s'intitulait Aging Matters et était très complète; elle comportait des plans de mise en œuvre, et ainsi de suite. Une équipe d'aide aux aînés est née de ce comité. Il s'agit d'un groupe qui travaillait en collaboration et qui réunissait des particuliers, deux infirmières praticiennes, des infirmières et des thérapeutes de toutes sortes, qui se rendaient dans la communauté pour trouver les gens dont la santé se détériorait de diverses manières — les personnes qui passaient entre les mailles du filet, des cas comme ceux que le Dr MacKnight a évoqués.
Au début, cette équipe constituait un fantastique filet de sécurité. En tant que médecin de famille, chaque fois que je tombais sur un cas pour lequel je n'arrivais pas à trouver de solution, je m'en remettais à ces gens pour prendre le temps et la peine de réparer les dommages, et ils le faisaient très bien. Ils effectuaient un travail d'évaluation fantastique. Ils se rendaient dans la communauté, décelaient ce qui clochait et trouvaient des solutions. Ensuite, ils faisaient des recommandations réalistes, qui devaient produire des résultats.
Toutefois, le problème, avec cette équipe qui s'est dans une large mesure dissoute depuis, c'est qu'il ne s'agissait pas d'une équipe de maintien. Il n'y avait rien derrière eux. Il n'y avait pas de fournisseurs de soins pour continuer à vous donner un traitement chez vous, si besoin était, pour vous permettre de regagner des forces afin d'éviter que vous ne fassiez une chute, ni pour gérer votre médication afin que vous ne vous retrouviez pas à l'hôpital à cause d'erreurs de médication. Néanmoins, j'aime insister sur les réussites, et en voilà un exemple.
L'autre idée qui m'est venue à l'esprit lors de l'exposé du Dr Rockwood est celle de l'efficacité. Je pense que notre système de soins de santé manque d'efficacité et de responsabilisation. Nous avons, croyez-le ou non, suffisamment de médecins de famille sur la côte Sud. Je ne peux me prononcer au sujet des médecins intérimaires ou des équivalents temps plein, mais nous cherchons d'autres médecins. Ce sont d'autres fournisseurs de soins de santé qui nous manquent.
Qui plus est, nous n'avons pas une prestation des soins réfléchie. Nos médecins de famille interviennent tous les jours en situation de crise. Ils ne font pas nécessairement beaucoup de prévention. Dans une large mesure, ils ne travaillent pas au sein d'équipes de collaboration. L'un des moyens les plus simples de remédier à cette situation, je crois, est de déterminer leur paye en fonction de leurs résultats. Cela fait partie de la vision que nous avons avec notre propre pratique collaborative. Selon moi, ces mesures sont réalisables.
Dr MacKnight : En ce qui concerne l'équipe de soins de santé communautaires mentionnée par le Dr Martell, je viens de recevoir de cette équipe deux recommandations concernant des cas urgents. Cependant, ils ont été acheminés en novembre; ils ont atterri d'une quelconque manière sur mon bureau six mois plus tard, et les patients concernés n'ont pas encore été vus.
J'ignore ce qui s'est produit durant ces six mois, mais il est évident qu'un accès à des services spécialisés en gériatrie faisait défaut à cette équipe. Cela nous ramène aux commentaires du Dr Rockwood quant au fait que nous n'avons pas, et n'aurons pas suffisamment de spécialistes en médecine gériatrique, et devrons former des gens à travailler sur le plan local. Ils ne devront pas nécessairement être médecins. Je ne tiens pas mordicus à ce que des médecins s'en chargent. Les infirmières praticiennes pourraient remplir ce rôle. Les ergothérapeutes ou les travailleurs sociaux qui ont un intérêt envers la formation pourraient faire une bonne partie de ce travail.
Il n'est pas nécessairement compliqué de former ces gens, ni de trouver des personnes que cela intéresse. Il est simplement difficile de trouver la volonté de créer un poste pour eux.
Le sénateur Mercer : Docteur Rockwood, vous avez utilisé le terme « responsabilisation ». J'essaie de déterminer comment intégrer au système un tel processus de responsabilisation. Où commence-t-il? Qui doit le diriger? Doit-on le gérer selon une approche descendante, ou plutôt à partir du milieu ou de la base? Les ministres de la Santé fédéral ou provinciaux doivent-ils dire : « Voici comment nous introduirons la reddition de comptes dans le système »?
Dr Rockwood : Je suis totalement pour que les choses aient le plus large soutien possible, mais sans le concours des échelons supérieurs, cela ne fonctionnera pas. Cela doit venir du haut. C'est un rôle qui revient aux dirigeants visionnaires. Il n'y a pas de doute que cela indisposera certaines personnes qui se verront désavantagées en vertu du nouvel arrangement.
En 25 mots tout au plus, je dirais qu'ultimement, nous voulons que notre système de santé atteigne trois résultats : qu'il prévienne les décès prématurés; qu'il allège les souffrances; et qu'il maximise la capacité. Pour le moment, nous n'avons pas de mécanisme de reddition de comptes efficace pour aucun de ces aspects.
Par exemple, lorsqu'un patient subit une chirurgie de la hanche, on mesure seulement les résultats selon la période au bout de laquelle il sortira de l'hôpital, soit cinq ou huit jours plus tard, ou peu importe la durée de séjour reliée à cette opération à l'échelle nationale. C'est véritablement la seule responsabilisation qu'il y a. On n'a pas à rendre de comptes quant au fait que les patients peuvent marcher après l'opération.
C'est ainsi que j'imagine les mesures de reddition de comptes. Nous préciserions les raisons pour lesquelles nous faisons certaines choses, puis nous obligerions les gens à atteindre les résultats en fonction de la population. Quelle portion des patients qui ont subi une opération donnée ont pu marcher par la suite, si l'usage des jambes était le résultat visé? À l'heure actuelle, tout cela repose fortement sur le processus. Tant que l'opération à la hanche est faite, tout va bien. Il est clair qu'on assure une certaine surveillance pour ce qui est du nombre de décès et des taux de morbidité. Si les patients ont des infections particulièrement mauvaises après leur opération, ou si le taux de mortalité est trop élevé en ce qui les concerne, quelque part dans le système, on le détectera. Néanmoins, il s'agit largement d'une variable distale, comparativement à l'état plus courant dans lequel les gens se retrouvent, où ils sont capables d'exprimer clairement des préférences à l'avance.
Dans ma pratique, si j'ai l'intention de prescrire un médicament à un patient, je tente de déterminer quels objectifs il servira à atteindre. Par la suite, lorsque nous effectuerons un suivi, nous verrons à quel point les patients ont atteint leurs objectifs grâce aux médicaments. En fait, nous suivons à cette fin une procédure très formelle, comme nous le faisons avec l'unité de soins de rétablissement, qui est un endroit où les gens vont pour une réadaptation après un événement aigu à l'hôpital.
À l'unité, nous avons un processus formel par lequel nous établissons des objectifs de résultats pour les patients, et nous tentons de rattacher leur autorisation de sortie à ces objectifs, de sorte que leur congé coïncidera avec le moment où les résultats seront atteints. Nous n'affirmons pas qu'une personne qui a une fracture de la hanche devrait obtenir son congé sept jours après l'opération, car nous savons qu'il y a deux populations. Ceux qui n'ont pas besoin de monter des escaliers pourront probablement rentrer chez eux au bout de cinq jours, et sept jours représenteraient deux jours de trop pour eux. Les gens qui auront à monter des escaliers devront probablement bénéficier de dix jours de rétablissement, de sorte qu'avec sept jours, il leur en manquerait trois. Nous tentons d'individualiser les résultats des soins en fonction des besoins du patient, mais notre façon de faire à cet égard est assez particulière, car elle est systématique. Selon moi, c'est à cela qu'un mécanisme de reddition de comptes devrait ressembler.
Le sénateur Mercer : Il me semble, en tant que vétéran qui a subi six ou sept opérations au genou, que nous traitons les patients à la porte d'entrée de l'hôpital pour ensuite les renvoyer chez eux. À l'exception des domaines comme la physiothérapie, les soins de santé semblent être un simulacre qu'on refile à d'autres.
Le sénateur Cordy : Vous avez tous les trois apporté un point de vue différent par rapport aux témoignages que nous avons entendus jusqu'ici, et nous vous en sommes reconnaissants.
Lorsqu'il est question de reddition de comptes, il me semble que ce que vous dites, c'est que nous devrions tenir compte du patient, et non du système. Or, si c'est du patient que nous tenons compte, nous devrons franchir les limites des domaines de compétence au sein du gouvernement. Nous avons eu quelques affaires très médiatisées en Nouvelle- Écosse : celle à laquelle vous avez fait allusion relativement à l'enlèvement allégué, et le cas de cette femme vivant une existence très paisible qui s'était soudainement retrouvée dans le système judiciaire en n'ayant pas d'endroit où vivre, notamment. Je sais qu'il y a des centaines d'autres cas qui font peu de bruit et qui ne se rendent pas jusqu'aux journaux. Docteur MacKnight, vous avez cité plusieurs cas en exemple ce matin. Ces cas changent-ils les choses? Abat- on davantage de cloisons? Voit-on des organismes gouvernementaux comme le ministère des Services communautaires collaborer avec les soins de santé? Le système de justice collabore-t-il avec les services communautaires et le réseau des soins de santé? Si nous tentons de répondre aux besoins de notre population, soit, en l'occurrence, les aînés, nous devrons franchir des limites de compétence et faire ce qui convient pour la personne concernée.
Dr Martell : Puisque je me suis occupé de ce dossier particulier, je vais tenter de répondre à cette question. La réponse la plus courte que je puis vous donner, à partir de ce cas précis, c'est qu'il y a eu un compte rendu. Il y a une initiative de la province, et elle est prise au sérieux. J'ai partagé la responsabilité de ce dossier avec un gériatre, le Dr Carver, et un comité provincial m'a demandé de passer en revue des lois qu'on envisage de mettre en œuvre selon des directives personnelles. Toutefois, à mon avis, il s'agit de mesures réactives, et non proactives. Elles voient le jour à cause d'une lacune dans le système et, à ce que je sache, ce n'est pas nécessairement la meilleure façon de mettre au point des politiques.
Dr Rockwood : J'anticipe le tollé qui s'élèverait de la part de personnes qui tentent de régler les problèmes chez les aînés, du point de vue de ces derniers. Là n'est pas mon expérience. Parfois, il n'est pas nécessaire de franchir les limites de compétence pour comprendre en quoi consiste le problème. L'exemple que j'ai souvent utilisé, c'est que si quelqu'un, en ce moment, devait avoir un arrêt cardiaque, une procédure bien conçue est en place quant aux actions qui s'imposent. De manière semblable, s'il devait y avoir un accident ici, à l'extérieur, un protocole de traumatologie avancé indique ce qu'il faut faire, et il va même jusqu'à déterminer qui doit se trouver où au chevet du patient, et pour accomplir quelle tâche. Tout le monde sait quoi faire, et un cas en Oregon est plutôt semblable à un autre en Ontario.
Si une personne âgée se présente et commence à s'attaquer à son fournisseur de soins de santé, c'est la catastrophe. Personne ne sait ce qu'il faut faire. On court dans tous les sens. Il n'y a pas de protocole à cet égard. Je serais davantage optimiste si nous avions des outils avancés comme un soutien à la vie gériatrique ou un protocole d'intervention en cas de problème comportemental, qui nous permettraient de savoir quoi faire et ne feraient pas constamment défaut lorsqu'il s'agit de traiter les cas ponctuels.
Une partie de la frustration que le Dr MacKnight et moi partageons lorsque nous tentons d'aider à la prise en charge de ces patients vient du fait que les choses qu'on apprend pour un patient X pourraient n'être d'aucune utilité pour le patient Y, puisque le patient X habitait dans un zone postale donnée, que c'était un jeudi et que ce jour-là, il se trouve qu'il y avait quelqu'un de disponible, et cetera. Il n'y a vraiment pas d'approche systématique quant aux problèmes qui se produisent de manière prévisible, et c'est très frustrant. Même au sein du système, nous avons du mal à nous y retrouver. Encore une fois, cela est dû au fait qu'il n'y a pas de récompenses particulières si l'on fait bien le travail, et pas davantage de sanctions dans le cas contraire.
Dr MacKnight : J'imagine que cela tient en quelque sorte du syndrome « pas dans ma cour ». Le milieu des soins pour malades chroniques dit que celui des soins actifs s'en occupera, et vice versa, alors ce sont les membres de la famille, qui n'ont ni le temps, ni la formation, ni les ressources nécessaires à cette fin, qui finiront par essayer de s'en charger.
Le sénateur Cordy : J'aimerais maintenant parler des médecins de famille. Docteur Martell, vous en êtes un. La réalité, c'est qu'un médecin de famille est la personne qui se trouve en première ligne. Vous et vos collègues êtes ceux à qui les aînés sont le plus susceptibles de s'adresser, à moins qu'ils soient déjà dans le système de soins de santé et aient un spécialiste qui puisse s'occuper d'eux.
Aujourd'hui, on nous a dit que lorsqu'un aîné entre dans le système, bien souvent, il n'y a pas qu'un seul problème en cause. On devra examiner l'état de santé de cet aîné de manière globale, alors cela prendra plus de temps. La plupart des médecins de famille sont rémunérés par patient. Êtes-vous payés davantage si c'est une personne âgée qui vient vous consulter? J'ai siégé au Groupe de travail libéral sur les aînés, il y a quelques années, et je me souviens d'une dame de Victoria qui nous avait dit que le médecin pouvait accorder une consultation de 15 minutes, alors qu'à son âge, avait-elle déclaré, il lui fallait 15 minutes pour enlever ses vêtements. Pourriez-vous nous éclairer sur votre mode de rémunération en tant que médecin de famille?
Dr Martell : J'ai des patients qui mettent 15 minutes à entrer dans la salle d'examen avec l'aide de leur famille, et ces gens vivent chez eux.
Je ne suis pas motivé par l'argent. Je suis forcé d'être un homme d'affaires en raison de l'arrangement en vigueur dans la profession, le seul qui s'offrait à moi lorsque j'ai commencé à pratiquer. J'ai mentionné, au début de mes remarques, qu'on nous avait proposé de devenir une pratique collaborative, un centre de santé communautaire, et ce serait pour moi un emploi de rêve, car j'aurais la liberté de faire d'autres choses.
Vous venez de déclarer : « Docteur Martell, vous êtes un médecin de famille et les personnes âgées s'adressent à vous lorsqu'elles ont un problème .» Ceux qui me consultent viennent à moi. Mais ceux dont la santé se détériore véritablement ne peuvent venir me voir. Je dois aller jusqu'à eux, trouver une manière d'accéder à eux. J'ignore jusqu'à quel point les éléments de ma pratique ne vont pas bien, faute de les voir. Mes disponibilités sont structurées de manière à me permette de faire des affaires. Je suis le propriétaire d'une petite entreprise. Je dois en être conscient; et il y a des composantes de ma pratique qui ne sont aucunement financées.
On me demande constamment d'assister à des conférences de cas pour discuter des cas difficiles. J'en ai un à l'hôpital, en ce moment, qui va très mal — un patient agressif qui se trouve dans un lieu inadéquat pour soigner ce genre de patients — et le personnel est indigné. La majorité du personnel dirait qu'idéalement, on devrait lui administrer des sédatifs pour que les employés n'aient pas à se charger des problèmes.
Je n'ai absolument aucun remboursement pour cela. On me demande de prendre une heure de ma journée pour assister à cette séance, et c'est une nécessité. Je le fais parce qu'il le faut, mais c'est de l'argent perdu.
L'actuel accord-cadre sur lequel on s'apprête à voter dans la province règle une partie de ces problèmes, tant au moyen de fonds pour éventualités pour les soins complexes qu'avec des modèles de pratique coopérative. Cela me semble original, si cela doit fonctionner, mais cette mesure sera seulement appliquée ici, dans la province. Tout le monde n'est pas intéressé à le faire, mais je crois que ce sera d'une grande utilité.
Le sénateur Cordy : Vous n'êtes pas rémunéré pour ce matin. Est-ce une chose que nous devrions faire? Vous avez parlé d'assister à des réunions, de traiter avec les familles, de vous préparer pour des rencontres, et cetera. Devrions- nous changer notre manière de rémunérer les médecins de famille?
Dr Martell : C'est une question difficile et je ne sais pas si je suis représentatif des médecins de famille. Je suis motivé par le travail que je peux accomplir et non par les dollars que cela me rapporte, mais j'ignore si je suis un médecin de famille type.
La présidente : Il n'est pas question de motivation, mais du fait que nous avons établi des barèmes de paie qui reflètent la sorte de médecine technologique que nous pratiquons. Par exemple, je sais que la grande majorité des médecins en soins palliatifs, œuvraient en oncologie ou en médecine interne. Ils sont moins payés pour fournir des services de soins palliatifs que s'ils exerçaient la médecine interne ou s'ils œuvraient en oncologie, et je vous dirais que c'est parce que la médecine interne et l'oncologie utilisent des systèmes de technologie de pointe alors que les soins palliatifs utilisent une technologie rudimentaire en matière de création de système. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, pas pour donner l'impression que vous personnellement réclamez plus d'argent, mais si nous demandons une véritable reddition de comptes, en disant que celle-ci réside chez le patient, est-ce que nous n'adoptons pas une attitude passéiste?
Dr Martell : Oui, mais comment procède-t-on de la bonne façon? Dans notre district, nous avons un médecin à plein temps qui dispense des soins palliatifs. C'était un médecin de famille mais qui en était arrivé à un point de sa carrière où sa tâche l'épuisait et il s'est donc concentré à sa passion qui était de prendre soin des malades en fin de vie, pour des motifs personnels. Le Dr David Abriel est un grand mentor dans notre district. J'ignore s'il savait qu'il allait vivre aussi longtemps. Il n'est pas très vieux mais le travail qu'il fait ne serait pas facilement accompli, à mon avis, par quelqu'un d'autre.
En fait, c'est aussi un de mes intérêts. J'ai songé également à retourner à la pratique de la médecine des soins palliatifs et le salaire que j'en retirerais serait celui qu'on obtient, mais de mon point de vue, la valeur de ce genre de travail est la valeur d'une expérience de vie.
J'ai pris quelques notes pendant que le Dr Rockwood parlait au sujet des trois objectifs : préserver les fonctions, soulager les souffrances et éviter une mort prématurée. Si ce sont nos objectifs, nous voulons y affecter le montant des ressources disponibles et les énumérer comme des mesures de résultats, mais ils ne sont pas faciles à mesurer. Il y a des moyens de le faire — on fait des études là dessus — mais tous sont en quelque sorte des éléments négatifs pertinents. Comment donner un incitatif à un médecin en soins palliatifs? Comment mesurer une bonne mort? Cela n'a rien de tangible. Comment mesurer les souffrances qui ont été allégées? Si l'on associe des incitatifs à la façon dont ces résultats sont mesurés, bien entendu de plus en plus de résultats viendront à l'esprit. C'est un modèle de gestion.
L'autre aspect consiste à supprimer la volonté de gagner un revenu en se fondant sur les résultats. Si nous étions tous des médecins salariés et satisfaits de nos salaires, nous serions libres de faire le travail que nous n'accomplirions pas autrement.
Dr Rockwood : J'ai deux courtes observations. La première, c'est que l'argent qui est versé est un énoncé de valeurs. Il y a des aspects technologiques, et c'est un énoncé des compétences nécessaires pour maîtriser certaines procédures, mais cela devient par la suite un énoncé de valeurs.
La médecine interne n'est pas particulièrement axée sur la technologie. Elle utilise la technologie mais pas de manière procédurale. Il en va de même pour l'oncologie. Pour le Dr MacKnight et moi, la réalité, c'est qu'à titre de sous-spécialistes en médecine gériatrique, après avoir pratiqué la médecine interne, nous sommes moins payés que les médecins de médecine interne. Je suis toujours nerveux quand j'entends des médecins se plaindre de leur salaire ou de leur part de revenu, quel que soit le terme qui convient. Ce qu'on pourrait dire, c'est que lorsqu'on se demande si c'est un moyen d'attirer plus de médecins en médecine gériatrique, la réponse est non, ce n'est pas une proposition attrayante.
Dernièrement, j'étais en Irlande, où dans les années 1980, ils avaient un très petit nombre de médecins spécialisés en gériatrie et ils en auront désormais un très grand nombre. On en comptait 76 pour une population de 4,2 millions et ils visent un chiffre de 110 dans trois ans et ils y arriveront. Ils ont payé ces médecins beaucoup plus que la plupart des autres médecins. Soudain, ils se sont rendu compte que la question de savoir d'où viendraient ces médecins avait disparu. Ces médecins faisaient la queue pour faire le travail. Nous pourrions faire cet essai-là ici aussi.
Dr MacKnight : Ce que le Dr Rockwood ne vous a pas dit, c'est qu'il exerce actuellement la médecine interne et gagne moins que d'autres spécialistes qui accomplissent le même travail, simplement parce qu'il est gériatre auquel on attribue une valeur intrinsèque moindre.
Je ne crois pas que la plupart des docteurs s'intéressent nécessairement à l'argent comme tel, mais ils s'intéressent plutôt à pouvoir faire un bon travail et à accéder à des ressources pour y parvenir et à être en mesure d'innover et d'être souples et ils s'efforcent de mettre sur pied une pratique qui répondra aux besoins de leurs patients. En autant que leur salaire correspond à ce qu'ils estiment être leur valeur, ce qui bien entendu est quelque chose de tout à fait différent, je crois que le mode de vie et le type de pratique pour chacun est aussi important que l'argent qu'il procure. Le Dr Rockwood et moi, en vertu d'un plan de financement successif du ministère de la Santé de la Nouvelle-Écosse, jouissons de pas mal de souplesse sur le plan des conférences et des équipes, des appels téléphoniques et des visites à domicile, et cetera, dont ne jouissent pas les médecins qui ne bénéficient pas d'un tel plan. Certains médecins préfèrent la formule du coût établi par service — il est donc difficile de dire que la même solution s'applique à tous —, mais il y a différentes initiatives qui pourraient être prises et qui permettraient aux médecins de travailler selon une formule qui leur plaît.
La présidente : Autrement dit, ce n'est pas un aspect terriblement excitant de l'exercice de la médecine.
Le sénateur Cordy : Pas plus que vous ne devriez pour consacrer pas mal de temps à vos patients, parce que vous aussi avez des familles qui ont des besoins qui coûtent de l'argent.
J'aimerais revenir aux incitatifs. Peut-être qu'un incitatif serait de mieux rémunérer les gérontologues, mais quels sont les moyens qui inciteraient les gens à pratiquer la médecine gériatrique? Vendredi, une dame de Welland nous a dit qu'elle va dans les écoles pour parler du travail bénévole dont elle s'acquitte à propos du vieillissement. L'une des jeunes filles lui a demandé : « Pourquoi nous parlez-vous de cela? » et la dame a répondu : « Eh bien, je m'intéresse à votre avenir. » La jeune fille, paraît-il, a pris du recul et déclaré : « Oui, c'est au sujet de mon avenir. » Comment encourager les professionnels de la santé de se lancer dans ce domaine?
Dr MacKnight : J'ai été président de la Société canadienne de gériatrie; nous avons envisagé cette question. On ne peut rien faire à moins de vouloir limiter la mobilité géographique mais il semble que bien des gens impliqués en gériatrie avaient des rapports étroits avec leurs grands-parents. Ce fut mon cas et, je crois, celui du Dr Rockwood également, et on dirait que c'était aussi le cas du Dr Martell. C'est une façon de procéder, mais on ne peut pas dire aux gens qu'ils doivent vivre dans une famille élargie.
Ce qui compte le plus probablement, c'est d'être exposé à la gériatrie en faculté de médecine et en formation. Je crois qu'on l'a fait pour les soins palliatifs en encourageant vigoureusement les universités à en faire une exigence. Dans la plupart des facultés de médecine au Canada, on n'oblige pas les étudiants à se renseigner sur la gériatrie. Ils terminent leurs quatre années de médecine sans savoir même que la gériatrie existe, alors comment pourraient-ils la choisir comme spécialité? Ils doivent décider de leur spécialisation vers la fin de leur troisième année de formation.
Si les universités et les facultés de médecine permettent un meilleur accès aux programmes de gériatrie, non seulement pour les médecins mais aussi pour les infirmiers et infirmières, les ergothérapeutes, les physiothérapeutes et toute la gamme des professionnels de la santé, ce serait un moyen d'attirer des gens. Puis, il est essentiel d'avoir des postes disponibles. Par exemple, je suis le directeur d'un programme de formation en médecine gériatrique à l'Université Dalhousie; nous avions une candidate l'année dernière, mais nous n'avions pas de poste à lui offrir parce que nous devions faire concurrence à toutes les autres sous-spécialités et nous étions au bas de la liste de priorités.
La présidente : Parlez-vous d'un poste de résident?
Dr MacKnight : Oui, il n'y avait aucun poste de résident à offrir à cette candidate. Elle a obtenu un poste à Vancouver, et il est peu vraisemblable qu'elle viendra travailler en Nouvelle-Écosse après sa formation à Vancouver. Voilà les points principaux : des contacts à la faculté de médecine et ensuite un accès à des postes quand les gens sont en fait intéressés.
Dr Martell : Cela fait neuf ans que j'ai quitté la faculté de médecine. On nous faisait prendre des décisions au sujet de nos carrières très tôt. Pendant les trois premières années de faculté de médecine je me dirigeais vers une carrière en chirurgie générale; c'est seulement au cours de la troisième année que j'ai décidé que ce n'était pas ce qui me convenait, et j'ai poursuivi une autre carrière. Au moment de faire leur choix, bien des étudiants n'ont toujours pas eu de contact avec certaines des spécialités, et c'est un carrefour absolument crucial.
Les facultés de médecine au Canada sont des organismes autonomes et elles ne reçoivent pas d'instructions précises concernant ce que l'on doit faire. Cependant, elles reçoivent un financement, et créer des incitatifs pour s'assurer que ce contact s'établit est une étape que l'on peut franchir pour être en mesure d'avoir des réserves suffisantes. À mon époque, au milieu des années 1990, il y avait une baisse de 10 à 15 p. 100 des étudiants enrôlés dans les facultés médicales. Nous en voyons maintenant la pénurie. Quelqu'un manquait de vision.
La présidente : Les économistes dans le domaine des soins de santé l'avaient recommandé.
Dr Martell : Avez-vous un nom?
Le sénateur Cordy : Docteur MacKnight, votre observation m'a intéressée. J'ai toujours pris pour argent comptant lorsque les gens disent que les aînés de la génération suivante seront en meilleure santé, mais vous avez parfaitement raison. J'ai siégé au comité Kirby. On nous a parlé à maintes et maintes reprises de l'obésité des enfants. Vous avez parlé de l'asthme. J'étais un enseignant d'école élémentaire. Quand j'ai commencé à enseigner, il y a bien des années il était rare d'avoir un élève qui souffrait d'asthme. Quand j'ai fini d'enseigner, huit ans plus tard, dans chaque classe il y avait au moins de cinq à dix enfants qui souffraient, à différents degrés, d'asthme ou d'allergies.
Je ne pense pas que les Canadiens soient différents de moi. Un bon nombre d'entre eux estiment que la prochaine génération d'aînés sera en meilleure santé et vivra plus longtemps. Comment allons-nous transmettre le message qu'il vaudrait mieux nous y préparer dès maintenant si l'on veut avoir une vieillesse en bonne santé?
Dr MacKnight : En consultant le compte rendu, j'ai remarqué que le sénateur Mercer avait raté une réunion pour cause de maladie, et je crois que le sénateur Keon a signalé une question de santé déjà; même si vous n'êtes pas ce qu'un de mes collègues appelle des astronautes gériatriques c'est-à-dire des gens qui sont en parfaite santé à un âge avancé.
Nous avons tous entendu pendant des années toutes les choses que nous devrions faire pour grandir et vieillir en bonne santé, et nous connaissons tous des programmes comme ParticipACTION, et cetera, mais en réalité combien de personnes font ces choses-là? Puis on consulte les données au sujet de l'activité physique : les gens ne sont pas physiquement actifs. Ils deviennent plus obèses et ils souffrent de diabète à des degrés plus élevés. Croire que les baby- boomers sont en bonne santé et qu'ils y resteront à l'âge de 60, 70 ou 80 ans est une illusion. Nous savons tous ce qu'il faudrait faire pour transmettre ces messages. Il faut le faire avant et le faire avec succès et nous devons simplement concentrer plus d'efforts à faire ce que nous savons déjà comment faire.
Le sénateur Mercer : Nous avons entendu des observations sensationnelles, mais il y a une question évidente que l'on n'a pas posée : existe-t-il un système quelque part qui donne de meilleurs résultats, que nous devrions examiner et essayer de nous en inspirer ou, si nous continuons dans cette voie, allons-nous inventer la roue?
Dr Rockwood : Je crois que vous trouverez des éléments de systèmes partout. J'ai travaillé avec des collègues en Suède et j'ai toujours été impressionné par leur aptitude à avoir plus de villes à l'écoute des personnes âgées, par exemple.
Au Canada, nous continuons à construire des maisons avec les escaliers à l'extérieur, ce qui n'a absolument aucun sens. Nous avons des trottoirs sans arbres, où le vent emporterait un jeune de 25 ans, imaginez une personne de 85 ans. Nous ne faisons pas de choses fondamentales comme celles-là; on ne les retrouve pas dans nos codes du bâtiment, et les promoteurs à qui on laisse libre cours ne le feront pas d'eux-mêmes, semble-t-il, mais les gens continuent d'acheter. Ce sont là des éléments qui font partie de l'ensemble.
Pour ce qui est de la prestation de soins, il arrive souvent que lorsqu'une personne devient fragile, votre capacité d'influer sur ses résultats de façon marquée est beaucoup moindre que de pouvoir compter sur un milieu sain et sécuritaire pour elle. Cela dit, il y a des endroits, notamment en Suède et dans des districts de santé du Royaume-Uni, qui y ont consacré beaucoup de temps et d'énergie et semblent également prendre cette orientation.
J'ai été fort intrigué de recevoir une invitation de l'Irlande pour prendre la parole lors d'une conférence qui aura lieu dans deux semaines et qui a été organisée par le gouvernement irlandais. Les participants à cette conférence viendront des échelons les plus élevés et comprendront notamment un vaste éventail de gens de la collectivité comme des architectes, des policiers, des promoteurs et j'en passe. La conférence s'intitule « Que faudrait-il pour faire de l'Irlande le meilleur pays au monde où vieillir? » Ce titre m'a frappé car c'est une façon très différente de penser aux problèmes d'une société vieillissante.
Cela m'a frappé, il y a quelques semaines, lorsque je discutais avec des gens là-bas qui ont vécu l'expérience du Tigre celtique. Je parlais avec un homme qui disait avoir grandi à une époque où il était inconcevable de penser qu'en 2008 l'Irlande aurait connu le succès qu'elle connaît, et pourtant c'est ce qui arrive. Ils considèrent le vieillissement de la population tout simplement comme un autre défi à surmonter.
Je rappelle souvent aux gens qu'une grande partie du défi de la génération vieillissante du baby-boom résulte du fait que les parents des enfants de cette génération ont vécu la Dépression et ont gagné une guerre. Comparativement, le défi auquel nous sommes confrontés est petit. Si nous ne pouvons pas y parvenir, nous devrions avoir honte.
Le sénateur Mercer : Il me semble que lorsque nous parlons de vieillir en meilleure santé, nous avons reconnu que nous allons vivre plus longtemps, mais pas nécessairement en meilleure santé. C'est davantage une observation qu'une question. C'est d'ailleurs une triste réflexion sur le point où nous en sommes après avoir tout appris au sujet de ParticipACTION. C'est notre manque de participation qui aura raison de nous en fin de compte.
La présidente : Au même titre que le Dr Martell a commencé son exposé avec l'histoire de sa famille, mon engagement dans les soins palliatifs et maintenant, dans la plus grande question du vieillissement, est de toute évidence aussi une histoire de famille.
En 1970, mon père a eu un accident vasculaire cérébral grave, à une époque où les victimes d'accidents vasculaires cérébraux n'avaient absolument rien pour s'en sortir. On n'avait pratiquement rien en fait de physiothérapie, très peu de quoi que ce soit. Il est décédé en 1980, après avoir reçu des soins de ma mère pendant dix ans, puis elle est décédée sept mois plus tard parce qu'elle s'était littéralement fait mourir à prendre soin de mon père.
De nos jours, cette histoire est encore très courante. C'est-à-dire, je pense, que le besoin dont vous avez parlé, docteur Rockwood, au sujet de la responsabilisation, parce que nous avons maintenant des personnes qui vieillissent qui s'occupent de personnes vieillissantes, et la détérioration de la santé de la personne soignante est importante. Qu'allons-nous faire pour régler ces questions?
Dr Martell : Le silence est assourdissant.
La présidente : C'était relativement facile à l'époque où j'étais la championne des soins palliatifs. C'était facile, par rapport à la situation actuelle, de trouver les fonds nécessaires pour la recherche. C'était facile d'octroyer une prestation de soignant. Bien franchement, c'était relativement facile de persuader le Collège des médecins et chirurgiens qu'il devrait y avoir un programme de base en médecine palliative et, depuis 2008, chaque étudiant qui obtient son diplôme de premier cycle en médecine en suivra un. Il a suffi d'une contribution de 1,25 million de dollars du gouvernement fédéral pour que le Collège des médecins et chirurgiens lance le programme.
J'ai bien peur d'être davantage désarçonnée par la question des recommandations que notre comité peut faire au gouvernement fédéral au sujet de sa responsabilité, car nous sommes principalement axés sur le gouvernement fédéral. Que peut-il faire pour rendre ce système plus redevable?
Nous avons entendu des gens dire qu'il nous faut un système de prestations de médicaments plus bienveillant, tandis qu'à l'heure actuelle nous avons un système médical guérissant. Je ne suis pas contre l'idée, mais j'ai besoin d'en connaître le côté pratique. Si demain je devenais la ministre responsable des aînés, quelles seraient mes trois priorités en tant que ministre fédérale? Je savais ce que je devais faire lorsque je suis devenue ministre responsable des soins palliatifs.
Dr Rockwood : Je pense que vous avez raison. Ultimement, une grande partie de ce qui est prodigué relève des provinces, mais il y a un énorme rôle ici pour une équation de moralité. Il y a un énorme rôle pour déterminer là où le système fait défaut et pour faire valoir que certains des obstacles systémiques que les gens se sont imposés sont des fonctions non pas de ne pas savoir quoi faire, mais de mettre en place des systèmes administratifs qui ne leur permettent pas de le faire.
Il y a ensuite un rôle qui a été vraiment traditionnel pour le gouvernement fédéral, à savoir de faire de la recherche qui permet de mettre au point des exemples de sorte que l'on peut imaginer qu'il se passe quelque chose de ce point de vue.
Pour ce qui est des ressources humaines en santé, il y a des précédents pour le gouvernement autant d'établir des priorités dans certains secteurs que de chercher à former encore plus de gens dans ces secteurs.
Voilà selon moi trois choses que vous pourriez faire. Faites en sorte d'être convaincants; mettez en place des programmes qui permettent de faire de la recherche afin que les anecdotes deviennent des éléments de preuve; et aidez à former encore plus de gens qui peuvent fournir les nouveaux modèles de soins.
Dr MacKnight : Le Dr Rockwood a donné mes réponses, mais j'aurais dit les ressources humaines, le financement de l'innovation et je suppose que l'autre priorité serait les soins communautaires — une sorte de stratégie nationale de soins communautaires à domicile.
Dr Martell : Ma première intuition aurait été de répondre en disant de faire quelque chose de « sexy ». Au tout début de mes observations, j'ai mentionné en passant la Commission Kirby et le rapport Romanow. J'ose espérer que la plupart des gens au Canada savent de qui il s'agit et en connaissent une partie du contenu en raison de leurs succès du point de vue du marketing.
Une première étape est d'être sensibilisés à cette question et de la comprendre. Je ne sais pas ce que vous devez faire pour y parvenir. Amenez-vous une personne âgée dont la santé se détériore au Sénat et lui dites-vous : « Regardez ici »? Je ne sais pas comment on devrait s'y prendre. Je ne suis pas un spécialiste du marketing. Vous avez peut-être un sénateur qui est déjà présent.
Le sénateur Cools : À mon arrivée au Sénat, nous avions un sénateur très âgé. Elle arrivait dans son fauteuil roulant, et je me rappelle encore très clairement que chaque fois que des gens voulaient donner une image négative du Sénat, ils montraient cette femme très âgée. Elle avait sûrement plus de 90 ans. Je ne suis pas certaine si de nos jours, avec la prise de conscience toujours accrue du vieillissement, de l'âge et de l'invalidité, ils pourraient faire cela, mais je voulais vous faire savoir que j'avais été personnellement témoin de ce genre de choses. Votre point est bien noté.
Dr Martell : Pour ce qui est d'essayer de le rendre sexy, je pense que c'est en réalité possible si vous tenez compte de la complexité du problème que représente le vieillissement. C'est extrêmement complexe, et pourtant on se pose des questions. J'oserais penser que lorsque les gens voient le défi intellectuel et que des progrès énormes sont réalisés pour relever le défi intellectuel, ce serait une source de motivation.
Il est bien évident que pour certaines personnes vous voulez devenir des leaders d'opinion, les persuader à quel point il s'agit d'un aspect intéressant et complexe au plan intellectuel; ce serait une tactique. La gastroentérologie est une des spécialités de la médecine les mieux rémunérées. Vous ne pouvez pas penser que la question soit vraiment intéressante, n'est-ce pas? Comparativement à cela, nous ne devrions avoir aucune difficulté à convaincre les gens.
Le sénateur Cools : S'il y a quoi que ce soit d'autre auquel vous pensez ou vous avez pensé mais n'avez pas pu le mentionner, vous devriez certainement le faire dans les prochaines minutes.
Ma question a trait à l'appréhension, la crainte ou la réticence des personnes soignantes de parler de la démence et des autres pathologies du vieil âge, de leur incapacité, essentiellement, de faire face à l'agitation chez les patients — agitation, provocation, agression ou peu importe ce que vous voulez l'appeler. Je compatis énormément car j'ai consacré une grande partie de ma vie à intervenir lors de crises. Pendant que je vous écoutais, je me suis rappelée d'une situation où nous avons dû faire emmener une femme en camisole de force par des membres du personnel de l'hôpital. Même le langage a disparu dans la collectivité d'aujourd'hui, mais je me rappelle à quel point les personnes ont été sensibles lorsqu'elles sont venues la chercher. Elle faisait en fait une crise psychotique.
À cette époque, chaque fois que survenait un problème semblable, en tant que commandant du navire, on me faisait venir immédiatement sur la passerelle pour régler le problème, et j'ai dû mettre au point de nombreuses techniques pour calmer les gens. L'une de ces tactiques n'était rien d'autre que de tout simplement mettre la main directement sur le front et d'apporter un soutien physique, et vous pouviez voir le corps commencer à se détendre. Cependant, je me rappelle toujours que la technique utilisée cette fois-là a été de lui parler très gentiment, avec beaucoup de douceur, comme si elle était une petite enfant; il l'ont calmée puis, finalement, ils lui ont passé la camisole de force et l'ont emmenée.
Ce que je crois comprendre, c'est que dans ces énormes domaines de la médecine, comme la cardiologie et l'arrêt cardiaque, un certain nombre de ces processus et procédures deviennent une science. Vous faites ceci, vous faites cela, vous administrez de l'oxygène, et tout le reste, mais dans d'autres domaines, lorsque vous êtes face à la déraison et, disons-le franchement, à une détérioration psychique, il n'est pas si facile d'élaborer des stratégies ou une procédure déterminée. Je me demande si vous n'auriez pas des idées relativement à de tels systèmes.
Peut-être que nous avons besoin d'une documentation? Avons-nous besoin d'élaborer une documentation sur la façon de gérer de telles situations? Ou est-ce simplement que ces techniques sont une fonction des êtres humains qui ont ces dispositions et ces talents et qui les mettent en pratique? Je me rappelle du cas d'un homme dans cette situation pendant de nombreuses années et lorsque j'ai lu son certificat de décès, à la cause du décès on avait tout simplement inscrit « Apoplexie ».
Avez-vous des réflexions sur la façon dont certaines de ces techniques ou certains de ces systèmes pourraient être mis en application pour s'occuper de la déraison et de personnes qui sont agressives, provocatrices? Il y en a certaines qui n'ont absolument aucune intuition. C'est d'ailleurs une caractéristique de la démence.
Dr MacKnight : Ce n'est pas vraiment une déraison. La personne est toujours là et la personne répondra à une personne soignante chaleureuse et compatissante, ce que vous étiez me semble-t-il.
Vous avez dit que vous avez mis au point diverses techniques et que d'autres personnes peuvent mettre au point des techniques et que vous pouvez enseigner ces techniques. Par exemple, les comportements difficiles en démence peuvent se répartir en quatre catégories de base : verbal, physique, agressif ou non agressif. Ces comportements ont un ensemble très défini de causes sous-jacentes qui n'ont rien de choses simples, faciles à régler, puis ils ont un ensemble défini d'approches, quoique chaque approche ne fonctionnera pas nécessairement pour chaque personne, mais vous pouvez vérifier des choses de façon ordonnée. Toutes ces connaissances sont là. Il suffit d'avoir les spécialistes qui savent comment les traduire pour les personnes soignantes à domicile et dans la famille afin que ces personnes puissent les utiliser. Cependant, nous manquons de gens qui savent comment faire cela et qui savent comment enseigner aux gens individuellement et dans des milliers de ménages au Canada comment faire cela.
Dr Martell : En médecine moderne, il y a des horreurs, des anecdotes et des exemples que nous donnons de ce que nous avons vécu dans nos cabinets pour illustrer des points, et j'en ai un qui a véritablement trait à ce genre de situation. J'ai un patient agressif qui a été hospitalisé parce que sa famille n'était plus en mesure d'en prendre soin à la toute fin, et il a été placé dans un hôpital. Évidemment, dans des cas comme celui-ci, les personnes soignantes habituellement n'en peuvent plus et n'en pouvaient plus depuis des mois. Elles ont en fait de très bonnes stratégies pour composer avec les problèmes à mesure qu'ils surgissent, mais il vient un moment où elles n'en peuvent tout simplement plus. Le patient se retrouve dans un milieu qui ne lui est pas familier et, évidemment, le comportement agressif empire, mais, outre cela, le nouveau personnel soignant, le personnel qui entoure cette personne, n'a aucune connaissance de ce qui s'est passé lorsqu'il était chez lui, des problèmes qui sont survenus. En l'occurrence, le type a eu besoin d'une colostomie sinon il allait mourir, mais lui prodiguer des soins dans cet état de démence, d'agressivité a été un défi énorme, à tel point qu'il n'était pas inhabituel d'entrer dans sa chambre et de se rendre compte qu'il avait déchiré son sac de colostomie et qu'il le lançait partout dans la chambre, si vous pouvez imaginer ce genre de cauchemar.
Nous nous sommes creusés la tête et des semaines ont passé sans savoir quoi faire sinon le tranquilliser à l'aide de sédatifs, et on nous demandait toujours : « S'il vous plaît, donnez-lui d'autres médicaments afin qu'il cesse ce qu'il fait », et ce n'était pas nécessairement la réponse. La réponse m'a été donnée par l'un des résidents en gériatrie. J'ai fait une conférence de cas au téléphone et il a demandé s'ils avaient essayé de lui mettre quelque chose entre les mains lorsqu'ils lui prodiguaient les soins pour stomisés. Je le leur ai suggéré, et finalement c'est ce que l'on faisait lorsqu'il était chez lui. On lui a demandé de tenir quelque chose dans sa main pendant qu'on lui prodiguait ses soins pour stomisés, et dès qu'ils ont commencé à faire cela, le problème a disparu; l'agitation a disparu dans une certaine mesure. C'était beaucoup plus facile à ce moment-là. C'est une technique, pour le résident en gériatrie d'être au courant de la situation et dire que c'est quelque chose de simple. Si une personne est agressive, peut-être qu'elle a de la difficulté à savoir que faire de ses mains. Si vous lui mettez quelque chose dans les mains, le problème devient beaucoup moins un problème, et dans le cas présent, cela a donné d'excellents résultats.
La présidente : Je tiens à vous remercier beaucoup tous les trois. Nous avons eu un excellent avant-midi. Je sais que vous n'avez pas été rémunérés pour cela, mais j'espère que notre rapport final vous compensera amplement.
La séance est levée.