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AGEI - Comité spécial

Vieillissement (Spécial)

 

Délibérations du Comité sénatorial spécial sur le
Vieillissement

Fascicule 9 - Témoignages du 13 mai 2008 - séance de l'après-midi


MONCTON, NOUVEAU-BRUNSWICK, le mardi 13 mai 2008

Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 13 h 6, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les incidences du vieillissement de la société canadienne.

Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Bienvenue à cette nouvelle séance de notre comité itinérant, qui est chargé d'examiner, en vue d'en faire rapport, les incidences du vieillissement de la société canadienne. Nous sommes très chanceux de recevoir cet après-midi deux représentants du Secrétariat aux aînés de l'Île-du-Prince-Édouard, la directrice par intérim, Mme Faye Martin, et la coprésidente, Mme Anna Duffy. D'après ce que j'ai compris, le ministre va peut-être faire l'annonce de quelque chose d'assez spécial au sujet des soins palliatifs cet après-midi. C'est excitant.

Faye Martin, directrice par intérim, Secrétariat aux aînés de l'Île-du-Prince-Édouard : Bonjour tout le monde. Nous sommes très heureuses d'être ici. Nous sommes venues en voiture de l'Île-du-Prince-Édouard, en passant par le pont, et ça a été très agréable. Mme Duffy et moi allons vous parler un peu de ce que nous faisons à l'Île-du-Prince-Édouard, et nous serons heureuses de répondre à vos questions.

Je vous transmets le bonjour de M. Doug Currie, ministre des Services sociaux et des Aînés, qui regrette de ne pouvoir être ici aujourd'hui. Il est en ce moment même en train d'annoncer, avec notre premier ministre, le lancement d'un nouveau projet pilote pour la prestation de médicaments en traitement palliatif à domicile, ce qui est quelque chose de nouveau à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une très bonne nouvelle pour nous, et je suis convaincue que vous lui pardonnerez d'être là-bas et non ici. Cependant, il a lu votre rapport, il a été très impressionné et il m'a demandé de vous le dire.

Nous en sommes au tout début de l'évolution de notre Secrétariat aux aînés. Avant 2005, notre fonction relative aux services sociaux et aux aînés faisait partie du ministère de la Santé et des Services sociaux. À l'époque, c'était deux ministères différents, et on nous a dotés de notre propre infrastructure, de nos propres sous-ministres, et ainsi de suite. Je suis sûre qu'on est bien placé pour examiner les cas des aînés lorsqu'on fait partie du ministère de la Santé et des Services sociaux. Nous sommes aux prises avec un très gros dossier, et nous avons beaucoup de rattrapage à faire. On a créé le Secrétariat aux aînés, qu'on a plus ou moins bien nommé, peu après le ministère des Services sociaux et des Aînés. Le secrétariat appuie le travail d'un conseil composé de 11 membres qui est coprésidé par Mme Anna Duffy et par le ministre Doug Currie. Le conseil compte comme membres les sous-ministres des ministères du Développement économique, de la Santé, des Collectivités, des Affaires culturelles et du Travail, du Secrétariat de la population et du conseil exécutif. Le reste du conseil est formé de représentants des groupes d'aînés en général.

À l'heure actuelle, nous sommes en train de réexaminer cette structure. Le mandat du secrétariat touche trois domaines principaux, qui sont l'éducation et la sensibilisation de la population, la communication et l'échange d'information avec les aînés, et le secrétariat sert de point d'accès aux programmes et services gouvernementaux et il exerce une influence sur le processus d'élaboration des politiques gouvernementales. Nous avons constaté que la structure actuelle n'est pas aussi efficace que nous le souhaiterions, et nous envisageons de lui donner une nouvelle forme. Nous en sommes à l'étape de la définition des modifications. Nous sommes très impressionnés par ce qu'on fait en Nouvelle-Écosse, et nous voyons les pratiques en vigueur dans cette province comme des pratiques exemplaires pour ce qui est de la fonction gouvernementale relative aux aînés.

Nous voyons le second rapport provisoire comme un document très impressionnant, dans lequel sont abordés tous les points que nous aimerions voir régler en ce qui concerne notre population d'aînés. À l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons du travail à faire, mais nous avons certaines pratiques exemplaires qui ont trait au chapitre 2 du rapport intitulé « Vieillissement actif et âgisme ». Je pense que vous avez entendu le témoignage des représentants du Seniors College de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous sommes très fiers de ce programme, et le secrétariat continue de l'appuyer. En fait, cette année, nous avons été en mesure d'offrir un soutien accru au Seniors College.

Le thème de l'apprentissage continu est important. L'envers de la médaille, c'est que notre population d'aînés est aux prises avec d'importants problèmes d'analphabétisme. Ainsi, même si nous avons été en mesure d'offrir un modèle de collège pour les aînés à un segment de notre population, nous savons que beaucoup de nos aînés n'y ont pas accès parce qu'ils n'ont pas les capacités nécessaires en matière de lecture et d'écriture. Ceux-ci sont incapables de participer aux activités d'enseignement et d'apprentissage, et ils ont de la difficulté à lire les ordonnances de leur médecin. Les membres du comité sont conscients de tous les problèmes que vivent les personnes qui ont de la difficulté à lire.

Pour ce qui est de l'isolement social, encore une fois je ne peux m'empêcher de penser au problème de l'analphabétisme et à l'isolement que doivent vivre les gens qui ne peuvent même pas avoir le plaisir que procure la lecture d'un bon livre. Du point de vue de l'isolement social, le problème que nous avons à l'Île-du-Prince-Édouard, c'est qu'il n'y a pas de réseau de transport en commun, sauf dans la région de Charlottetown, et même là, c'est un réseau très limité. C'est un problème pour nous.

Pour ce qui est de la retraite et de la sécurité du revenu des travailleurs âgés, il y a chez nous des initiatives intéressantes en cours. Ces initiatives commencent à peine à l'Île-du-Prince-Édouard, par nécessité plus qu'autre chose. Notre main-d'œuvre migre vers l'Alberta. La taille de notre population ne diminue pas. Nous avons compensé l'immigration en accueillant des immigrants, mais notre population vieillit. Au chapitre de la proportion de personnes âgées au sein de la population, nous occupons le troisième rang au pays, mais nous sommes très près du deuxième rang. Nous espérons réussir à récupérer une partie de nos travailleurs, et il y a des initiatives en cours à cet égard. C'est clair que les questions qui touchent l'imposition du revenu, la SV et le SRG nous intéressent, ou encore la question des seuils d'imposition, et je sais qu'il y a eu des progrès dans ce domaine.

En ce qui concerne le chapitre 4, « Vieillir en santé », une chose qui nous préoccupe énormément, c'est notre programme de formulaire et de médicaments. Nos espoirs concernant l'adoption d'une stratégie nationale dans le domaine, dans le cadre d'un partenariat fédéral-provincial-territorial, s'évanouissent rapidement. Le ministre Currie et le ministre Clement vont coprésider le forum fédéral-provincial-territorial de Genève sur la santé la semaine prochaine. Le ministre Currie va discuter avec les gens qui vont participer à ce forum de la stratégie nationale sur les produits pharmaceutiques et du fait qu'elle n'aboutit pas.

Nous avons beaucoup de rattrapage à faire à l'Île-du-Prince-Édouard. Les sommes que nous dépensons pour procurer des médicaments à nos citoyens sont très inférieures à la moyenne nationale, et nous essayons de régler rapidement ce problème. Je suis la directrice par intérim du programme relatif aux médicaments et j'ai donc une conscience aiguë de ce que nous devons faire. Ce serait utile pour nous que nos partenaires fédéraux participent aux débats sur cette question.

Nous sommes en train de remodeler certains de nos programmes de soins dentaires pour les rendre plus accessibles aux aînés. Mon dentiste consultant me rappelle fréquemment que c'est la première génération de personnes âgées qui va garder ses dents jusqu'au troisième âge, ce qui pose un défi à certains égard. C'est une très bonne chose, mais, si les gens n'ont pas accès à un régime de soins dentaires, ou encore s'ils n'ont pas accès à de bons soins, ça peut être un problème.

En ce qui a trait à la violence et à la négligence, malheureusement, notre province n'est pas différente des autres. On appelle l'Île-du-Prince-Édouard « la douce province », mais il y a des problèmes de violence envers nos citoyens âgés. Nous faisons beaucoup de travail pour régler ce problème. Nous avons passé toute l'année qui vient de s'écouler à organiser des ateliers sur l'exploitation financière des aînés dans nos collectivités, et ça s'est très bien passé. L'Île-du- Prince-Édouard, comme, j'en suis sûre, beaucoup d'entre vous le savez, est une province unique, en ce sens que nous pouvons vraiment joindre des gens dans le milieu communautaire lorsque nous y mettons l'effort nécessaire. Il est intéressant de se rendre dans les petites collectivités avec un groupe de trois ou quatre intervenants. Nous mobilisons l'agent de la protection des adultes, un curateur public, un spécialiste des fraudes de la GRC et, habituellement, un directeur de banque de l'endroit, et nous organisons des séances pour discuter avec les membres des petites collectivités. Les aînés nous disent des choses très intéressantes. Cette année, pour la Journée internationale de sensibilisation à la violence à l'égard des aînés, nous allons organiser ce genre de réunion pour parler du stress vécu par les soignants.

Le logement est pour nous un problème très grave, comme partout ailleurs au pays. À titre de directrice du logement, je vais rencontrer le ministre demain matin pour lui faire un compte rendu d'une nouvelle stratégie touchant les problèmes de logement. Les logements pour les personnes âgées figurent tout en haut de la liste. Ce qu'on disait dans le passé ne fonctionne plus en ce qui concerne les logements pour les personnes âgées, comme vous l'expliquez de façon très pertinente dans votre document. Le défi qui se pose, pour nous, c'est de faire preuve de la créativité nécessaire pour faire ce qu'il convient de faire. L'argent n'est pas toujours la solution, quoique cela ne nous ferait pas de tort de disposer de plus de ressources financières.

Nos ententes fédérales-provinciales sur le logement abordable tirent à leur fin, et leur renouvellement n'est pas prévu, ce qui nous met dans une situation précaire, puisqu'une partie de notre financement dépend de ces ententes sur le logement abordable conclues avec le gouvernement fédéral et du travail que nous effectuons par l'intermédiaire de la SCHL. À l'heure actuelle, nos relations FPT sont un peu fragiles au chapitre du logement.

Il y a 14 mois environ, nous avons réinstauré un programme intitulé Programme de réparations domiciliaires d'urgence pour les aînés, qui a connu un succès retentissant. Le programme vise les aînés qui continuent de vivre dans leur propre maison, et il leur permet de rénover leur maison afin d'en améliorer l'efficacité énergétique. L'objectif du programme est de permettre aux aînés de vivre dans leur maison pendant plus longtemps et dans un plus grand confort. Il a connu énormément de succès l'hiver dernier. Nous envisageons de réviser le programme pour peut-être y injecter davantage d'argent et étendre un peu les critères d'admission.

En ce qui concerne le chapitre 6 et la répartition régionale des coûts en soins de santé, j'aime toutes les idées qui figurent dans le rapport. Chose certaine, pour ce qui est de la formule de péréquation, l'idée d'une disposition exhaustive sur les besoins fiscaux est attrayante à nos yeux.

Quant au transfert relatif à la santé, les besoins et la formule de calcul des pressions de coût nous intéressent, tout comme le transfert social, le programme supplémentaire visant à compenser le vieillissement inégal. Même si nous n'avons pas amené avec nous d'économistes très au fait de la question pour entrer dans le détail, les options proposées dans ces domaines nous intéressent au plus haut point. Je pense que les raisons pour lesquelles cela nous intéresse sont évidentes.

C'est quelque chose que nous détestons dire, dans un sens, mais nous sommes une province pauvre. Nous avons des ressources, mais le défi, c'est d'envisager l'avenir et la façon dont nous allons continuer de stimuler l'économie. Nos principales industries sont en train de changer. Nous sommes confrontés à la nécessité d'axer les mesures sur la valeur ajoutée pour assurer la croissance économique, et, si nous ne le faisons pas, nous ne disposerons pas de l'assiette fiscale nécessaire dont nous avons besoin pour conserver nos acquis et pour assurer la croissance. Le système de santé, à lui seul, est quelque chose qui fait très peur. Nous avons des défis à relever.

Anna Duffy, coprésidente, Secrétariat aux aînés de l'Île-du-Prince-Édouard : La taille de notre main-d'œuvre diminue, tandis que celle de notre population d'aînés augmente.

Je veux féliciter le comité des recommandations qu'il a formulées en ce qui concerne les crédits pour le bénévolat. Notre province vient au premier rang au chapitre du taux de bénévoles par habitant. Nos bénévoles comptent sur l'infrastructure de soutien. Grâce au programme Nouveaux Horizons pour les aînés, nous avons pu obtenir du financement pour les clubs et les organisations de personnes âgées, et notamment les organisations sans but lucratif. La recommandation concernant le crédit d'impôt au bénévolat est intéressante, et son application garantirait le financement pluriannuel de certaines activités bénévoles. Je pense que beaucoup de gens pourraient en profiter à l'Île- du-Prince-Édouard.

La présidente : Madame Duffy, permettez-moi de commencer précisément par cette question, puisqu'on a formulé certaines critiques au sujet de cette recommandation.

Certaines personnes ont critiqué notre idée, mais ce n'est pas parce qu'elles ne veulent pas qu'on donne davantage d'argent aux bénévoles. Selon ces critiques, ça, c'est le bon côté; cependant, ils disent que le système des crédits d'impôt ne profite qu'aux gens qui paient des impôts. Ils nous font remarquer que les bénévoles dont le revenu est faible et qui ne paient donc pas d'impôts ne profiteraient pas du crédit d'impôt.

Ils nous ont chargés de trouver quelque chose qui profiterait aux bénévoles, mais qui ne soit pas un crédit d'impôt. Nous avons entendu toutes sortes de suggestions. Il y a par exemple l'idée de distribuer des laissez-passer d'autobus, ou encore, dans les régions où il n'y a pas d'autobus, d'accorder une subvention équivalente au prix d'un laissez-passer d'autobus à toute personne de plus de 65 ans. L'idée, c'est que les gens qui possèdent leur propre voiture sont plus mobiles et ont un revenu moyen ou supérieur à la moyenne, ce qui fait qu'ils ne demanderaient pas le laissez-passer gratuit. Les gens qui ne possèdent pas de voiture ou ceux qui songent à s'en départir, cependant, pourraient demander le laissez-passer d'autobus gratuit.

Une autre idée consiste à accorder une certaine somme d'argent aux organisations de bénévoles, qui pourraient l'utiliser pour payer le transport, l'essence, les repas, entre autres, de leurs bénévoles.

J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez, parce que je dois dire que nous aimons cette idée d'un crédit d'impôt pour les bénévoles. C'est la raison pour laquelle nous l'avons mise dans le rapport provisoire, mais on l'a beaucoup critiquée depuis le début de notre voyage et on nous a expliqué en quoi ce serait injuste pour certains aînés.

Mme Duffy : Je me demandais justement comment le système de laissez-passer gratuits fonctionne. Est-ce que ça veut dire que les personnes âgées ne paieraient plus pour prendre l'autobus? Qui paierait la facture? Est-ce que ce serait le gouvernement ou une autre organisation? À Charlottetown, si les personnes âgées n'utilisaient plus le réseau d'autobus, celui-ci cesserait d'exister. Ce sont les étudiants et les aînés qui financent le réseau, et il faudrait qu'il y ait une compensation pour le réseau de transport. Il faudrait que la société de transport reçoive une compensation de quelque sorte, sinon elle ne pourrait plus offrir le service.

La présidente : Nous n'avons pas réglé tous les détails, mais je pense que la plupart d'entre nous envisageons l'idée que le gouvernement fédéral accorde des fonds à la collectivité en fonction du nombre de personnes âgées qui demanderaient un laissez-passer gratuit.

Mme Duffy : Ce serait certainement une bonne chose, et ça contribuerait à réduire l'isolement dans lequel vivent les aînés, parce qu'il y en a beaucoup dans la région de Charlottetown qui aiment se rendre à leur club pour jouer aux cartes, et ainsi de suite. Parfois, ces aînés ne peuvent profiter de ces formes de divertissement et de socialisation. Ce genre de programme viendrait certainement en aide aux bénévoles et aux gens qui veulent faire quelque chose pour améliorer leur vie sociale; cela ne fait aucun doute.

La présidente : Est-ce que l'idée que le crédit d'impôt puisse être injuste pour les personnes âgées dont le revenu est faible vous inquiète?

Mme Duffy : Je n'avais même pas pensé à cet aspect de la question. Vraiment, je n'y avais pas pensé.

Mme Martin : Je me dis que ce n'est probablement pas une solution universelle. Nous avons un programme lié au bénévolat qui vise les étudiants qui sont sur le point d'entamer des études postsecondaires. Ce sont les conseils de développement communautaire qui dirigent ce programme. Les étudiants qui participent font du travail bénévole dans les collectivités pendant l'été, et ils obtiennent en échange des crédits pour leurs frais de scolarité dans un établissement d'enseignement postsecondaire. Il y a une infrastructure en place pour effectuer le suivi des inscriptions et pour offrir une rétribution aux bénévoles. Je pense que s'il y avait un certain nombre de possibilités pour ce qui est de rétribuer les personnes âgées qui font du travail bénévole, il y aurait moyen d'administrer ce genre de programme qui existe déjà.

Nous avons tenu une réunion du Secrétariat aux aînés l'autre jour, et nous avons parlé du bénévolat. L'un des représentants a signalé le fait que les baby boomers veulent obtenir quelque chose en échange des heures de travail bénévole qu'ils font, alors nous allons peut-être devoir envisager cette question avec sérieux bientôt.

Mme Duffy : Ce n'est peut-être pas quelque chose qui se passe chez les aînés à l'heure actuelle, mais ça s'en vient.

Mme Martin : Oui, ça s'en vient. Je pense qu'avec une certaine dose de créativité, nous pourrions trouver différentes façons de régler cette situation. La majeure partie de notre population d'aînés vit dans la région de Charlottetown. La plupart d'entre nous possédons un véhicule ou avons un accès à un véhicule, et il y a beaucoup d'aînés qui demandent aux autres de les conduire en voiture, mais ils n'aiment pas demander cette faveur s'ils ne peuvent offrir quelque chose au chauffeur ou au propriétaire de la voiture en échange. Bien entendu, vu la façon dont le prix de l'essence évolue, ça devient de plus en plus important.

Mme Duffy : Je sais que nous n'avons pas de réseau de transport en commun, sauf à Charlottetown, ce qui veut dire que la mesure profiterait aux gens de la région, mais elle n'aurait vraiment aucun effet dans les régions rurales et dans les autres collectivités.

Le sénateur Cordy : Toutes ces questions sont tellement intéressantes.

Le sénateur Cools et moi discutions tout à l'heure, et nous nous disions avant de commencer que nous pensions que la séance allait préciser les choses, mais nous entendons maintenant tellement de choses intéressantes que nous allons devoir rédiger une encyclopédie, je pense. Ça a vraiment été quelque chose de fascinant pour nous que de quitter Ottawa et de venir dans la région de l'Atlantique. C'est quelque chose de spécial pour moi, puisque je viens de la Nouvelle-Écosse.

Madame Martin, vos observations au sujet du Secrétariat aux aînés et du fait que vous vous occupez de l'éducation de la population et des communications et que vous essayez d'influencer le processus d'élaboration des politiques m'intéressent. Comme vous l'avez mentionné tout à l'heure, vous venez d'une petite province, ce qui fait que, dans un sens, ce n'est pas aussi difficile de diffuser l'information que ce l'est à l'échelle nationale, lorsque nous essayons de diffuser de l'information partout au pays.

Avez-vous trouvé des outils de communication efficaces, parce que nous entendons parler de personnes âgées qui ne savent pas que certains programmes existent, notamment le Régime de pensions du Canada?

Le sénateur Callbeck a fait beaucoup de travail dans ce domaine en particulier. Il y beaucoup d'aînés qui ne touchent pas de prestations du RPC alors qu'ils y ont droit. Nous avons entendu parler de personnes âgées qui ne savent pas qu'elles ont droit à la pension de leur conjoint après le décès de celui-ci.

Est-ce que vous avez trouvé, au secrétariat, des façons efficaces de communiquer et de joindre l'ensemble des aînés de l'Île-du-Prince-Édouard?

Mme Martin : Eh bien, nous sommes si peu avancés dans le processus qu'à peu près tout ce que nous faisons est efficace.

Le sénateur Cordy : C'est positif, non?

Mme Martin : Nous en sommes à l'étape de notre évolution où nous ne pouvons pas nous tromper. Je vous dis ça un peu comme ça vient, mais l'une des choses que nous avons faites et qui a vraiment bien fonctionné, c'est que nous avons produit un recueil de tous les programmes et services offerts aux personnes âgées dans la province, notamment les services communautaires, les services gouvernementaux et les possibilités d'apprentissage continu. Ce guide part comme des petits pains chauds. Nous en sommes à la seconde réimpression, et, si vous gardez en tête le fait que notre population est de 136 000 habitants, les 4 000 premiers exemplaires se sont écoulés en trois ou quatre semaines, et nous avons publié ce guide l'hiver dernier seulement. Nous en sommes à la seconde réimpression. Je reçois des appels tous les jours au bureau de gens qui veulent que nous en envoyions des exemplaires aux sites d'Accès Î.-P.-É., dans les bibliothèques et dans les centres communautaires. Un réseau d'aînés de la Fédération des aînés de l'Île-du-Prince- Édouard en assure la distribution. Nous recevons des appels de membres de la famille d'aînés qui vivent à l'extérieur de la province et qui veulent qu'on leur en envoie des exemplaires pour qu'ils puissent venir en aide à leurs parents qui vivent à l'Île-du-Prince-Édouard. C'est quelque chose qui a été très efficace. Cependant, j'en reviens toujours au problème de l'analphabétisme chez les personnes âgées et au fait de s'assurer que l'information que nous leur faisons parvenir a un sens pour eux. C'est quelque chose qui a été particulièrement efficace. Nous avons constaté que les groupes communautaires sont une bonne façon de communiquer de l'information sur des sujets précis, et, dans biens des cas, ce n'est pas dès la première fois que nous nous rendons quelque part que nous connaissons du succès. C'est plutôt lorsqu'on nous invite une deuxième ou une troisième fois et que la nouvelle s'est répandue que les gens viennent nous écouter. L'exemple que je vous donnerais, c'est celui des questions touchant l'exploitation financière des aînés, qui est un sujet délicat.

Mme Duffy : Voice for Island Seniors est une publication mensuelle distribuée dans le Guardian. Nous avons eu des problèmes avec la rédaction, mais Faye est une excellente médiatrice, et je pense que ces problèmes sont en train de se résoudre. Les choses se sont clairement améliorées dans les quelques derniers numéros. Nous avons réussi à publier des articles sur les questions relatives à la santé et sur la violence envers les aînés.

Le sénateur Mercer : « It covers Prince Edward Island like the dew. »

Mme Duffy : Exactement. Un encart est inséré dans le Guardian.

Mme Martin : Nous avons eu une petite dispute avec la rédaction au sujet du contenu. Les gens qui s'occupent de la rédaction maintenant sont plus...

Mme Duffy : C'est un groupe folklorique. Ils aiment les histoires folkloriques.

Mme Martin : Ils aiment les recettes et les histoires, mais il y a d'autres aînés qui veulent un peu plus de contenu. L'hiver dernier, il y a eu une grosse tempête de verglas, il y a eu une panne d'électricité dans certains secteurs pendant quatre ou cinq jours et on était sur le point de déclarer l'état d'urgence. Après la tempête, nous avons publié un essai sur la préparation à l'état d'urgence, et cet essai a suscité beaucoup de réactions.

Les aînés s'intéressent à ce genre de sujets. Ceux qui lisent bien lisent le journal, et lisent aussi ces suppléments, qui sont très utiles pour diffuser l'information.

Mme Duffy : Je pense que nous avons trouvé l'équilibre entre les histoires folkloriques, les recettes et les articles d'information.

Mme Martin : Le folklore et les choses sérieuses, oui.

Le sénateur Cordy : Vous avez abordé quelques questions touchant l'isolement, et, assurément, les aînés qui sont abonnés au journal vont recevoir l'information. Vous avez aussi parlé de toute la question de l'analphabétisme. Les gens qui sont incapables de lire ces brochures ou cette information, qu'elle soit diffusée à la télévision ou qu'elle figure dans une brochure ou dans votre guide, sont certainement désavantagés. Est-ce que vous prenez des mesures à cet égard? Il y a un an et demi, on a fait des compressions énormes dans les programmes d'alphabétisation de l'ensemble du pays, et je me demandais si vous preniez la relève dans ce domaine.

Mme Duffy : Notre programme des pairs, financé dans le cadre du programme Nouveaux Horizons pour les aînés, a été mis à l'essai d'abord dans la région de Charlottetown, où il y a des conseillers à la retraite et aussi un travailleur social à la retraite qui forment des aînés à travailler avec d'autres aînés, et ce projet pilote a connu beaucoup de succès. Le programme a également été mis en place dans le comté de Prince, et il y a maintenant de l'argent qu'il est possible d'utiliser pour ça dans le comté de Kings, alors nous espérons que ces programmes vont permettre de sortir les aînés de l'isolement et d'aider ceux dont les compétences en lecture et en écriture sont faibles de participer davantage à la vie communautaire et à ce genre de chose.

Mme Martin : Dans une vie antérieure, j'ai travaillé au ministère de l'Éducation et au Literacy Initiative Secretariat dans le domaine de l'éducation aux adultes et sur le problème des adultes dont les capacités de lecture et d'écriture sont faibles, peu importe leur âge. Il est extrêmement difficile de les repérer et de les joindre, peu importe où on se trouve, parce que ces gens sont les moins susceptibles de déclarer eux-mêmes qu'ils ont des problèmes.

Je n'ai pas de réponse à votre question sur ce que nous faisons pour régler les problèmes avec les aînés, mis à part ce qu'Anna a dit. Je pense que nous en sommes encore à l'étape où nous devons sensibiliser notre population aux problèmes, parce que les aînés avec lesquels nous interagissons la plupart du temps ont d'excellentes capacités de lecture et d'écriture. Ce n'est pas d'eux que je parle. C'est la même chose dans la population en général. Il est difficile de joindre ces gens, et, assurément, dans le cadre des programmes d'alphabétisation que nous avons grâce au Literacy Initiative Secretariat et au financement du Secrétariat national à l'alphabétisation, nous avons ciblé certains programmes pour les aînés ainsi que pour le reste de la population. Cependant, nous n'avons pas de réponse à votre question, sauf de continuer de travailler là-dessus et de sensibiliser les gens à l'ensemble de problèmes qui découlent du problème de l'alphabétisme.

Le sénateur Cordy : J'ai déjà été enseignante et j'ai déjà fait du travail communautaire, et, d'après mon expérience, les gens cachent souvent le fait qu'ils ne savent pas lire.

Mme Martin : Oh oui, c'est sûr.

Mme Duffy : Oh oui, ça arrive souvent.

Le sénateur Cordy : On ne s'en rend même pas compte.

Mme Martin : Oui, ils sont très bons pour cacher le fait qu'ils sont analphabètes.

Le sénateur Cordy : Nous avons entendu parler de violence et de négligence par plusieurs groupes de témoins que ces problèmes préoccupent. Il y a différents types de violence. Il y a la négligence. Il y a la violence physique et l'exploitation financière.

Dans un groupe d'aînés, les gens sont souvent embarrassés de parler de leurs préoccupations à qui que ce soit. Ceux qui vivent avec un membre de leur famille ont peur d'être chassés de la maison ou que leur famille cesse de leur rendre visite. Souvent, dans une petite province où tout le monde se connaît ou a un lien familial avec tout le monde, il n'y a pas beaucoup de secrets.

Mme Martin : Nous aussi, nous avons nos secrets.

Le sénateur Mercer : Ils sont rares.

Mme Martin : Ils sont bien gardés.

Le sénateur Cordy : Ce qui rend ça encore plus difficile, c'est que les gens ont peur que tout le monde dans la collectivité connaisse leurs problèmes s'ils en parlent à un travailleur social ou à leur médecin.

Comment composez-vous avec ces éléments de la nature humaine, lorsque vous essayez de vous assurer que nos aînés ne sont pas exposés à la violence ou à l'exploitation? Vous avez parlé de faire des visites dans les collectivités pour parler aux aînés des programmes qui s'offrent à eux.

Mme Martin : Ce que nous apprenons, en faisant des visites, c'est que certaines personnes sont prêtes à discuter de ces problèmes. Lorsqu'une ou deux personnes s'expriment, il semble qu'il y en a beaucoup d'autres qui suivent et qui font part de leurs histoires ou de leurs préoccupations. Ce genre d'exploitation est courant. C'est parfois le fait d'un membre de la famille, d'un ami ou d'un voisin, et il ne s'agit pas que d'exploitation financière; il y a aussi la fraude et la fraude par téléphone.

Les aînés sont seuls chez eux et vulnérables. Ils se sentent seuls. Certains d'entre eux, comme vous le savez, peuvent parler au téléphone avec des gens qu'ils ne connaissent pas et leur donner des renseignements qu'ils ne devraient pas leur fournir. Ils font confiance aux gens. À l'Île-du-Prince-Édouard, comme ailleurs, j'en suis sûr, nous avons de bonnes manières. Nous ne raccrochons jamais au nez des gens.

Le conseil des spécialistes, c'est que nous devons régler ces problèmes discrètement et prendre des mesures sans faire de vagues. Il faut expliquer aux aînés que la honte n'a rien à voir avec le problème, et que les gens qui devraient avoir honte, ce sont ceux qui leur font ce genre de chose, et que ce type de fraude se fait un peu partout. Avec le temps, l'effet va se faire sentir. C'est vraiment surprenant de voir à quel point la violence familiale... et je vois assurément ça lorsque c'est un membre de la famille qui pose le geste. Qu'il s'agisse d'exploitation financière ou de violence psychologique, ça fait partie du spectre, du continuum de la violence familiale, et c'est ainsi que nous traitons le problème.

Le sénateur Cordy : Ma dernière question a trait aux ententes fédérales-provinciales concernant le logement abordable. Quand prennent-elles fin?

Mme Martin : Elles commencent en ce moment. L'une de celles dont vous parlez dans votre document, c'est celle qui a trait au PAREL, et elle arrive à terme.

Le sénateur Cordy : Quelles vont être les conséquences pour vous?

Mme Martin : C'était un programme très populaire. En fait, le programme était tellement populaire que la liste d'attente était d'environ sept ans, je pense. Il s'agit d'un programme d'urgence, ce qui rend absurde le délai de sept ans, dans un sens. Il s'agit d'un programme de rénovation très populaire qui aide les gens à continuer de vivre dans leur maison. Ce n'est qu'un exemple des ententes qui tirent à leur fin. On ne nous a rien dit par rapport au fait que ce programme, entre autres, allait être remplacé ou non.

Le sénateur Cordy : Y a-t-il des discussions en cours?

Mme Martin : Les discussions concernent le fait de réunir tous les intervenants. Elles ne portent pas sur ce dont nous allons parler lorsque ce sera fait.

Le sénateur Cordy : Est-ce que c'est l'initiative du gouvernement fédéral ou celle des provinces?

Mme Martin : Les intervenants des provinces se réunissent dans le cadre d'un forum provincial-territorial depuis trois ans et demi, sans le gouvernement fédéral, et, le 1er avril, les ministres de toutes les provinces et de tous les territoires ont rencontré le ministre Solberg pour essayer de rétablir le forum fédéral-provincial-territorial, ce qui ne s'est pas encore produit.

Mme Duffy : Une autre de nos préoccupations, au sujet du logement, c'est le niveau de revenu. Le maximum est de 30 000 $. Au-delà de ce niveau, les aînés n'obtiennent pas d'aide, et ce que nous constatons, c'est que 30 000 $, c'est trop peu. Un couple qui a un revenu de 30 000 $ par année ne peut se permettre de faire beaucoup de rénovations dans sa maison. Nous espérons que le montant soit majoré ou que le montant que la personne doit payer, qui correspond en ce moment à 50 p. 100 des coûts, soit réduit, pour qu'il soit plus facile pour les aînés de faire des rénovations.

Le sénateur Mercer : Vous avez parlé du Programme de réparations domiciliaires d'urgence pour les aînés, puis nous avons parlé de la disparition du PAREL. S'agit-il de programmes complémentaires?

Mme Martin : Il s'agit de programmes distincts, l'un étant provincial et l'autre, fédéral.

Mme Duffy : Le Programme de réparations domiciliaires d'urgence pour les aînés est un programme provincial, et les gens peuvent obtenir jusqu'à 1 500 $ dans le cadre de celui-ci. Nous espérons voir cette somme majorée.

Le sénateur Mercer : Madame Martin, si l'on exclut mon bon ami, le premier ministre Ghiz, vous devez être la personne la plus occupée de l'Île-du-Prince-Édouard, parce que, si j'ai bien compris ce que vous avez dit, vous êtes la directrice intérimaire du programme du logement, du programme des médicaments et du Secrétariat aux aînés.

Mme Martin : Oui, et aussi du programme de soins dentaires.

Le sénateur Mercer : Et du programme de soins dentaires. Oh, il faut que je note ça ici aussi.

Mme Martin : J'ai beaucoup de gens compétents qui travaillent pour moi.

Le sénateur Mercer : J'espère que le premier ministre Ghiz vous verse un salaire suffisant.

Mme Martin : Non. Est-ce que ça figure au compte rendu?

Le sénateur Mercer : Très bien, est-ce que ça figure au compte rendu? Je vais le lui envoyer.

Mme Martin : En fait, on pourrait dire que je suis non pas tant directrice intérimaire que directrice imaginaire.

Le sénateur Mercer : Vous jouez beaucoup de rôles différents, mais ce qui est intéressant, c'est qu'ils sont tous complémentaires.

Mme Martin : Je suis contente que vous disiez cela, sénateur. C'est une expérience que je fais en combinant ces rôles comme ça, et c'est la raison pour laquelle je suis directrice intérimaire. Je fais une expérience avec ces programmes qui dans notre province, sont surtout utilisés par les aînés.

Le sénateur Mercer : Vous avez toutes les deux dit que vous avez beaucoup de rattrapage à faire. Qu'est-ce qui vous a poussées à vous lancer dans ce travail de rattrapage?

Mme Martin : Le fait que notre province vient au troisième rang au chapitre de la proportion d'aînés au sein de la population, et que cette proportion est celle qui augmente le plus rapidement au pays, ainsi que les pressions politiques qui découlent de cette situation.

Mme Duffy : Voulez-vous dire en ce qui concerne le secrétariat?

Le sénateur Mercer : Oui.

Mme Duffy : Il y avait auparavant un conseil consultatif chargé de conseiller le ministre, et ça n'a pas très bien fonctionné. Les membres de ce conseil étaient plus ou moins nommés par le gouvernement en place à tel ou tel moment, et ils n'avaient pas suffisamment de liberté pour exercer une influence sur les politiques. La structure elle- même ne fonctionnait pas, et, comme ils l'ont indiqué, lorsque nous avons jeté un coup d'œil sur la structure et sur le secrétariat établi en Nouvelle-Écosse, nous avons constaté qu'on réussissait très bien là-bas à faire parvenir les renseignements fondamentaux aux aînés. En Nouvelle-Écosse, les organisations d'aînés étaient représentées au secrétariat, ce qui n'était pas le cas chez nous.

Faye vous a dit que nous sommes en train de procéder à une restructuration dans l'espoir que les organisations d'aînés puissent être représentées et que les représentants puissent établir la liaison entre ces organisations et le secrétariat. Ainsi, lorsque nous recevrons l'information, nous allons être en mesure de conseiller le gouvernement sur les politiques nécessaires pour répondre à leurs besoins.

Le sénateur Mercer : Les changements se sont donc produits en même temps que le changement de gouvernement, en quelque sorte?

Mme Martin : Plus ou moins, ça s'en venait, oui. Je pense que nous envisageons maintenant les choses du point de vue du développement communautaire, contrairement à ce qui se passait avant, c'est-à-dire que certains d'entre nous, des bureaucrates siégions au gouvernement, discutions et prenions ce que nous voulions prendre. Nous travaillons maintenant à établir un partenariat avec notre population d'aînés. Nous souhaitons les aider à nous faire part de leurs préoccupations directement, de façon plus significative que dans le passé. Je ne sais pas si c'est clair.

Le sénateur Mercer : Oui, c'est clair. Je veux revenir sur le sujet abordé tout à l'heure par le sénateur Cordy, c'est-à- dire la question de la violence physique. Je me suis rendu dans le Nord, à Yellowknife, dans le cadre de mon autre fonction, celle de membre du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, au moment où nous faisions une étude sur la pauvreté rurale. Nous sommes venus à l'Île-du-Prince-Édouard pendant cette étude. C'est la raison pour laquelle j'utilisais mon Blackberry tout à l'heure. Je n'étais pas en train de vous ignorer. Je n'arrivais pas à me rappeler un mot qu'un témoin avait utilisé, alors j'ai dû envoyer un courriel à la greffière du comité pour qu'elle puisse me dire quel était le mot que j'avais appris là-bas. Je me demande si ce mot s'applique à l'Île-du-Prince-Édouard, vu la taille de la province.

Une femme de Yellowknife nous a parlé du « houspillage ». Elle nous a raconté que, dans les petites collectivités, tout le monde se connaît, et que dans certaines collectivités du Nord, tout le monde a un lien familial avec tout le monde. Cette femme nous a dit que lorsqu'une femme déclare avoir été victime de violence, le réflexe des membres de la collectivité, c'est de se mettre ensemble pour la houspiller. Évidemment, l'auteur de l'acte de violence est un membre de l'une des familles ou un membre de la collectivité. Les gens se liguent contre la victime, et non contre l'auteur de l'acte de violence. C'est un facteur d'isolement de plus pour la victime. Est-ce que cela se produit à l'Île-du-Prince-Édouard?

Je viens de Halifax, j'ai passé beaucoup de temps ici, je connais les gens, et je sais que ce sont de bonnes gens, mais, malheureusement, il y a des gens méchants partout.

Mme Martin : Au cours des 15 ou 18 dernières années, huit femmes ont été tuées par leur conjoint ou par un membre de leur famille. C'est un chiffre passablement élevé pour une population si petite. Il y a des problèmes de violence envers les femmes, notamment envers les femmes âgées, ainsi que de violence familiale.

L'Île-du-Prince-Édouard est une province particulière. C'est une petite province, mais c'est la province la plus densément peuplée du pays, ce qui ne veut pas dire que c'est là qu'on trouve la population la plus dense au pays. Il n'y a pas vraiment de petites collectivités isolées chez nous. Nous sommes plutôt une seule grande collectivité, comme en témoigne le nouveau slogan du gouvernement : « One Island, One Community ».

Il y a le Premier's Action Committee on Family Violence Prevention, qui a fait un excellent travail pour mettre au jour la violence familiale qui est gardée secrète. Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour sensibiliser les intervenants du système judiciaire, les services de police, les travailleurs sociaux, les églises et la communauté œcuménique. On a fait beaucoup de travail pour expliquer aux collectivités qu'il ne faut pas garder la violence familiale secrète et il est possible de prendre des mesures assez facilement pour faire quelque chose.

Nos lois sont très progressistes, et, lorsqu'on sait qu'un homme maltraite sa conjointe, c'est lui qui est chassé du domicile. C'est lui qui est chassé, d'après la loi. Les tribunaux peuvent prononcer une ordonnance pour que la police l'empêche d'avoir accès au domicile, mais pas sa femme ni ses enfants. On a pris beaucoup de mesures au cours des 17 dernières années environ pour essayer d'atténuer un phénomène qui n'est que trop réel.

Je ne peux pas présenter cela comme un fait, mais je pense que ce genre de chose se produit moins qu'ailleurs à l'Île- du-Prince-Édouard. Je sais que ça arrive, dans une certaine mesure, et je sais que ça arrive dans nos réserves, mais ce sont des collectivités qui sont souvent isolées du reste de la population, non pas géographiquement, mais bien culturellement. Nous n'avons pas vraiment un bon système dans ces endroits. Je ne peux pas l'affirmer avec certitude, mais je pense que nous avons fait certains progrès en ce qui concerne nos collectivités rurales.

Le sénateur Mercer : Y a-t-il un refuge pour les femmes victimes de violence?

Mme Duffy : Oui.

Mme Martin : Oui, nous avons la Transition House Association, organisme provincial qui comprend des services externes pour les collectivités. En fait, l'organisme est axé sur l'information du public et, dans le cadre de ce système, nous offrons un refuge.

Mme Duffy : Nous constatons que les aînés sont plus souvent victimes d'exploitation financière que de violence physique, fait que mettent en lumière les ateliers portant sur les mauvais traitements à l'égard des aînés.

Le sénateur Mercer : Votre programme d'approche m'a impressionné, et la taille et le caractère novateur de votre organisme jouent en faveur d'une telle démarche. Vous avez aussi mentionné un programme, le « peer health program », c'est bien ça?

Mme Duffy : Le projet s'appelle Peer Helping Seniors Program; il s'agit d'un partenariat entre le secrétariat et la fédération des aînés de l'Île-du-Prince-Édouard. Des adultes du troisième âge sont formés pour aller travailler à domicile avec d'autres personnes âgées qui vivent isolées. Dans certains cas, ils feront la lecture à la personne pendant un après-midi ou l'amèneront voir le médecin ou faire des courses. Les personnes âgées sont formées pour travailler avec leurs pairs qui vivent isolés. Le programme fonctionne très bien. Nous avons lancé un projet, et maintenant, deux nouveaux projets ont vu le jour grâce à lui.

Le sénateur Mercer : Est-ce une activité bénévole?

Mme Duffy : Oui, c'est exclusivement bénévole. Le projet s'inscrit dans le programme Nouveaux Horizons pour les aînés. Les gens qui offrent la formation — un couple à la retraite, il était conseiller d'orientation dans une école secondaire, elle était travailleuse — touchent de l'argent pour les séances de formation qu'ils offrent. Ce sont les seules personnes qui sont rémunérées. Les aînés qui œuvrent à titre de pairs-aidants n'en retirent que la satisfaction d'aider une autre personne.

Le sénateur Mercer : Exactement : aider les gens, ça fait chaud au cœur. Mais quel est le lien avec le Seniors College? Nous avons reçu un témoin du collège il y a deux semaines, et nous avons été très impressionnés par son discours et hier, en Nouvelle-Écosse, nous avons entendu parler des programmes mis sur pied à Acadia et à St. Mary's.

Mme Duffy : Eh bien, il n'y a pas de lien entre le programme Senior Peer Helping et le Seniors College. Les deux organismes font un travail merveilleux, mais ils n'entretiennent aucun lien.

Mme Martin : Savez-vous que nous avons un autre programme d'alphabétisation qui pourrait vous intéresser indirectement? Le programme s'appelle le projet LOVE. Ce mot est un l'acronyme de « Let Older Volunteers Educate ». Le Secrétariat national à l'alphabétisation et la province financent le projet. Les retraités sont bénévoles et reçoivent une formation, puis ils sont jumelés avec un écolier du primaire aux prises avec des difficultés en lecture. Ces aînés se rendent dans les écoles de la région et travaillent avec les enfants qui ont besoin d'aide. Il s'agit d'une démarche intergénérationnelle axée, en l'occurrence, sur les défis de l'alphabétisation chez les enfants. Je m'éloigne un peu du sujet.

Le sénateur Mercer : L'intérêt du programme tient au fait que c'est une activité que les aînés peuvent faire, et nous savons qu'ils travaillent extrêmement bien avec de jeunes enfants.

Mme Martin : Point assez intéressant, les enfants réagissent extrêmement bien aux aînés. Parfois, un lien s'apparentant à celui entre un grand-parent et son petit-enfant se crée, et c'est émouvant; en même temps, l'enfant obtient de l'aide pour apprendre à lire.

Le sénateur Cools : Je dois souligner aux membres du comité que j'ai trouvé votre allocution très intéressante, d'autant plus que vous avez un merveilleux sens de l'humour.

Je suis très intéressée par ce que vous avez dit sur l'alphabétisation et, pendant votre discours, je me suis prise à tenter de voir si je pouvais comprendre les causes de l'alphabétisation. Pouvez-vous nous parler de la nature de l'alphabétisation? Laissez-moi seulement vous dire ce que je pense — je parle non pas de la nature de l'alphabétisation, bien sûr, mais des problèmes qui y sont liés, aux déficiences. S'agit-il de la manifestation ultime d'un problème à long- terme, qui dure toute une vie? Je ne sais pas si nous devrions parler d'alphabétisation. Nous devrions peut-être parler d'analphabétisme, je ne sais pas. Est-ce un problème persistant qui dure depuis l'enfance, ou s'agit-il d'un problème qui tire son origine du vieillissement et de la perte des facultés chez les personnes âgées? Est-ce un problème provoqué par un trouble quelconque? En d'autres mots, le phénomène persiste-t-il tout au long d'une vie à cause d'une carence en éducation dès le jeune âge? Pourriez-vous me parler de la nature du problème et de ses causes sous-jacentes? Je dois dire que cette information m'a étonnée.

Mme Martin : Je peux tenter de répondre à cette question.

Tout d'abord, l'Enquête internationale sur l'alphabétisation des adultes est riche en information concernant le niveau d'alphabétisation des adultes au Canada, dans l'ensemble du pays et par province. Entre autres, vous pourrez observer, dans les résultats de cette enquête, que les compétences en alphabétisation s'améliorent à mesure qu'on va vers l'Ouest. Les problèmes d'alphabétisation sous-jacents qui existent dans notre province à l'égard de la génération dont nous parlons sont courants dans toute économie axée sur l'exploitation des ressources. Dans une économie où les gens peuvent bien s'en tirer dans des secteurs comme le tourisme, l'agriculture et la pêche, on n'a pas besoin de bien lire pour gagner sa vie. Ce sont là nos trois principaux secteurs, et à une époque où les ressources abondaient et permettaient de bien gagner sa vie, les gens qui évoluaient dans ces secteurs n'avaient pas besoin d'être de bons lecteurs. Donc, si vous ne veniez pas d'une famille qui valorisait l'apprentissage, plus souvent qu'autrement, vous faisiez votre vie, meniez une existence confortable et gagniez bien votre vie, et la lecture et tout le reste n'avaient probablement pas d'importance. Même ceux qui avaient peut-être acquis des capacités de lecture et d'écriture les perdaient s'ils ne les mettaient pas en pratique. Nous observons cette tendance chez la génération qui atteint l'âge d'or. Certaines personnes de cette génération n'ont jamais acquis de capacités de lecture. Malheureusement, cette lacune persiste chez les générations suivantes, et nous affichons certaines des pires statistiques du pays chez les enfants de 15 ans. Nous sommes dans le peloton de queue, alors que nous avons plus de 70 écoles pour une population de 136 000 personnes. C'est à n'y rien comprendre. Le fait d'avoir des installations physiques ne suffit pas. La nature intergénérationnelle de l'alphabétisation, les capacités de lecture et d'écriture et la valorisation de l'apprentissage sont des questions interreliées. Vous ne pouvez pas vraiment isoler un élément; je crois que c'est le phénomène que nous voyons à l'Île-du- Prince-Édouard.

Nous sommes très conscients du problème, et nous tentons de déterminer ce qu'il faut faire pour le régler. Donnez- moi 40 acres, et je vais changer les choses. C'est un énorme problème pour nous au chapitre de la prospérité : nous devons passer d'une économie de ressources à une économie à valeur ajoutée et axée sur le savoir. Dans ce passage à un autre modèle économique nous devons régler ces problèmes liés à l'apprentissage; ils ont très peu à voir avec l'intelligence, et concernent plutôt le contenu appris. Certaines personnes s'en tirent très bien et 35 000 insulaires font partie de la population active. Une grande proportion de notre population active n'a pas sa 12e année : aujourd'hui, elle travaille et elle est productive, mais, à mesure que les besoins en matière de connaissances augmentent dans le milieu de travail, cette souche de la population devient de plus en plus vulnérable. Nous tentons de passer d'une économie de ressources à une économie du savoir, alors nous devons relever beaucoup de défis liés à l'alphabétisation.

Le sénateur Cools : Ma question tient au fait que je suis née à la Barbade. Cette petite île arrive au premier rang dans le monde au chapitre du taux d'alphabétisation. Je suis toujours étonnée lorsque j'entends ce genre de chose, car je n'ai jamais rencontré de personnes analphabètes avant de venir au Canada, ni de personnes qui prétendent savoir lire, mais ne peuvent pas déchiffrer un paragraphe.

Mme Martin : Oui, il y a beaucoup de gens comme ça chez nous. Ils peuvent lire, mais ils ne comprennent pas.

Mme Duffy : La compréhension est un problème.

Mme Martin : Anna a travaillé pendant dix ans dans le système d'éducation publique et a très bien élevé et éduqué dix enfants.

Le sénateur Cools : Pourriez-vous expliquer un peu ce que vous voulez dire?

Mme Duffy : Comme l'a dit Faye, dans une collectivité rurale ou de pêcheurs, à une certaine époque, on considérait qu'une huitième année était suffisante pour les garçons s'ils voulaient gagner leur vie comme fermiers ou comme pêcheurs. J'ai enseigné pendant nombre d'années, et on se réjouissait de réussir à conserver un garçon à l'école après la huitième année, car les garçons croyaient que l'éducation dont ils avaient besoin pour être fermiers s'arrêtait là. L'exploitation agricole était assez fructueuse, et la pêche assurait un bon revenu, alors on partait et on se faisait pêcheur ou fermier. Ces garçons sont aujourd'hui pères, et certains d'entre eux ne voient pas pourquoi leurs enfants devraient terminer leurs études secondaires. Certains enfants restent à l'école jusqu'à la fin de la 12e année, mais leur niveau de compréhension ne dépassera probablement pas celui de la huitième année. Nous avons de la difficulté à briser ce cycle.

La présidente : J'ai déjà été enseignante, et je me souviens d'avoir travaillé dans une école à Halifax où c'était comme ça. Nous avions un groupe d'élèves qui est parti après la huitième année. Un autre groupe d'élèves est parti après la dixième année. Nous avions aussi un groupe d'élèves qui est allé à l'université. Si vous vous rendiez jusqu'en 12e année, vous alliez probablement poursuivre vos études. Avec une huitième année, on pouvait occuper un poste de télégraphiste, travailler en hôtellerie et, si votre père était propriétaire d'un bateau de pêche, vous vous faisiez pêcheur. Et maintenant que j'y repense, cela ne commençait pas en huitième année. Les élèves avaient souvent déjà pris cette décision en sixième année : « Je n'ai seulement qu'à rester encore deux ans, alors je n'ai pas besoin d'étudier très fort, parce qu'il ne me reste que deux ans. » Il y avait donc un effet d'entraînement, car il fallait venir d'une famille — Anna, je suis certaine que vous savez de quoi je parle — qui ne considérait pas que l'éducation était une option. L'éducation était un passage obligé. L'éducation était votre travail. L'éducation était votre responsabilité, et on nous disait qu'une note inférieure à A ne ferait pas l'affaire. Nous le faisions, parce que c'était ce qu'on attendait de nous. S'il n'y avait pas d'attentes, c'était parce que les membres de la famille — le père, la mère — n'avaient jamais vécu de cette façon, alors pourquoi auraient-ils cru à la nécessité d'avoir des attentes?

Mme Martin : Exactement. La famille est la première école. Encore aujourd'hui, des gens chez nous vous diront : « Pourquoi est-ce que je m'efforcerais de poursuivre des études coûteuses à l'université? Mon père était pêcheur — Michelle le saurait — à Rustico ou à Souris ou je ne sais où, et il gagnait 200 000 $ ou 300 000 $ par année alors qu'il n'avait qu'une sixième année. » Eh bien, de telles situations sont chose du passé, car les pêcheries sont en déclin, et nous le savons tous.

Mme Duffy : La situation de l'industrie agricole n'est guère plus reluisante.

Mme Martin : Même nos fermes — il n'est plus possible aujourd'hui d'exploiter une ferme sans posséder de diplôme en administration des affaires. Cela ne fonctionne tout simplement pas. Tout est relié.

Le sénateur Cools : Madame la présidente, je songe à une autre question qui refait constamment surface, c'est toute la question de la violence; je regarde la page 34 de notre rapport, et je crois que nous devons nous attaquer à cette section.

Selon moi, il est nécessaire de distinguer la violence physique de la violence affective, des mauvais traitements et de l'insensibilité. J'ai remarqué ce problème plus tôt, la première fois que j'ai lu le rapport, et j'avais l'intention de laisser tomber, mais je crois que je ne pourrai pas, parce que le titre est : « Options visant à lutter contre les mauvais traitements et la négligence ». J'ignore si quelqu'un d'autre le sait, mais les termes « mauvais traitements » et « négligence » viennent du domaine de la violence envers les enfants. La question de la mort infantile et de la violence envers les enfants causées par des mauvais traitements et la négligence a fait couler beaucoup d'encre, mais ces documents ne sont pas directement pertinents dans le contexte du présent problème, car les mauvais traitements et la négligence se rattachent à des personnes qui ont la garde des enfants, qui en sont les tuteurs et qui sont les pourvoyeurs des nécessités de l'existence.

Je crois qu'il faudrait modifier cette partie un peu, puis voir si nous pouvons démêler le sujet pour réagir aux différentes préoccupations. Je crois que nous pouvons le faire assez facilement, mais plus j'en entends — car vous savez qu'il faut lutter contre la violence envers les aînés, pas seulement par les membres de la famille — soit la violence familiale —, mais aussi la violence chez des voisins, des donneurs de soins et des institutions, n'est-ce pas? Les mauvais traitements viennent souvent des membres de la famille. Dernièrement, j'ai entendu le cas d'une personne très violente envers son grand-parent, donc je crois que nous avons beaucoup de travail à faire à ce sujet.

Sénateur Mercer, on s'imagine souvent que la violence familiale est provoquée par l'homme qui fait mal à la femme, mais toutes les données et tous les documents montrent que l'homme et la femme s'attaquent mutuellement, et que la violence peut être déclenchée aussi fréquemment par la femme que par l'homme. C'est ce qu'indiquent les documents.

Le sénateur Mercer : Malheureusement, deux ou trois cas ont fait grand bruit à Halifax durant la dernière année, alors je comprends très bien de quoi vous parlez.

Le sénateur Cools : Certainement, et, un jour ou l'autre, nous devrons tenir compte des besoins des familles de ces personnes — les aidants, en d'autres mots — des membres de la famille qui, dans certains cas, sont provoqués à un degré inimaginable. J'ai reçu un appel téléphonique d'une femme d'environ 40 ans qui me confiait que sa mère lui crachait dessus et se montrait très désagréable. Eh bien, elle s'est fâchée un peu. Elle a fait quelque chose qu'elle n'aurait pas dû faire, mais je ne sais pas s'il est souhaitable de compliquer le problème en téléphonant à la police. Je l'ignore. Tout ce que je dis, c'est que j'aimerais que l'on adapte ces deux ou trois paragraphes pour qu'ils reflètent davantage les problèmes dont nous prenons connaissance.

La présidente : Nous le ferrons, sénateur Cools.

Le sénateur Cools : Vous vous en occuperez? Merci.

La présidente : De plus, évidemment, je crois que nous devons reconnaître le caractère distinct des mauvais traitements infligés aux personnes âgées et que nous ne pouvons pas utiliser des termes qui s'appliquent aux enfants, donc je suis tout à fait d'accord avec vous.

Le sénateur Cools : Oui, parce que nous ne parlons pas des enfants dans ce cas.

La présidente : J'aimerais aborder pendant quelques minutes le sujet de l'exploitation financière. Notre comité a discuté en détail des questions de capacité, et ce sujet est souvent directement lié aux problèmes d'exploitation financière.

Le sénateur Cools, comme vous le savez, a cité l'exemple du chauffeur de taxi qui tente de profiter d'une femme âgée; heureusement, son fils avait fixé des limites sur le montant que sa mère était autorisée à retirer par visite à la banque. C'est bien beau, mais il y a le revers de la médaille. Mon époux avait une procuration pour son père, mais il n'a pas profité de la situation. Au bout du compte, c'est un caissier de la banque qui l'a fait, et il a retiré 72 000 $ du compte, mais, bien sûr, la banque a immédiatement remis la somme avec intérêts, donc la perte n'était pas importante dès le moment où les vérificateurs se sont rendus compte de ce qui était arrivé. Toutefois, si mon époux avait décidé de le faire, il aurait pu priver son père de tous ses actifs. Il faut rétablir l'équilibre entre ces deux choses. Selon les renseignements dont je dispose, beaucoup d'aînés ne savent pas ce qu'ils font lorsqu'ils signent ces procurations, et ils font confiance aux membres de leur famille; dans 90 p. 100 des cas, même 95, cette confiance est probablement justifiée. Comment établissons-nous des mesures de contrôle pour ces 5 p. 100, qui ne sont pas dignes de confiance?

Nous avons entendu parler d'une femme qui vivait dans un foyer et qui, le jour où elle s'est aperçue qu'elle n'avait pas les moyens de se faire coiffer, a enquêté sur ses finances. La pauvre femme avait des biens dont la valeur dépassait largement le million de dollars, et sa fille les avait vendus à son insu. Elle était ruinée et, à coup de lettres menaçantes de son avocat, elle a réussi à obtenir une petite allocation. Le problème, c'est qu'elle ne voulait pas entreprendre de poursuite judiciaire contre sa fille. Elle ne voulait pas être à l'origine de ce genre d'ennui. Tout ce qu'elle désirait, c'était assez d'argent pour se faire couper les cheveux.

Il faut trouver un juste équilibre au chapitre de la question des capacités. Nous traitons d'autres questions relatives à la capacité lorsque nous discutons du privilège de conduire une automobile. Nous en parlons lorsque nous étudions la question du placement d'une personne dans une maison de soins infirmiers. Par exemple, dans quelle situation est-il approprié de dire que le privilège devrait être retiré? Il faut trouver un équilibre. Nous ne parlons pas d'une personne ayant un trouble mental, nous parlons d'une personne qui a un problème de bien-être physique, mais qui dit : « Je m'en fiche. Je veux vivre chez moi, et si cela signifie que je n'ai pas accès aux services offerts dans une maison de soins infirmiers, je veux avoir le droit de faire ce choix. Je veux demeurer responsable de mes propres décisions. » La question n'est pas facile à saisir, et j'aimerais bien entendre vos idées à ce sujet, Faye et Anna.

Le sénateur Mercer : Vous avez répondu à toutes les autres questions aujourd'hui, allez.

Mme Martin : Toute la question du choix est énorme, que vous ayez 85 ans ou 25 ans. Certains des plus importants enjeux relatifs aux décisions touchant les droits de la personne et les droits individuels au pays s'articulent autour de la question du choix, et c'est tout aussi important dans le cas des personnes âgées. La différence réside dans la nature des choix, alors je n'ai certainement pas de réponse à la question.

En ce qui concerne la première partie de votre commentaire, au sujet de l'exploitation financière et des mesures de contrôle, je pense à un slogan que nous invoquons lorsque nous traitons de la question des mauvais traitements envers les aînés. Il y avait un point à l'ordre du jour dans le cadre de la réunion FPT sur les aînés. Il s'intitulait « Lutter contre la violence envers les aînés », et nous trouvions que la formulation était vraiment mauvaise, alors nous avons laissé tomber le mot « lutter ». Le ministre a dit que nous ne parlerions plus en ces termes à l'avenir. Ainsi, à l'égard de la violence envers les aînés, le slogan qui vient à l'esprit est « chaque effort compte ». S'il est vrai que de vastes mesures doivent être prises, il n'en demeure pas moins que, lorsque nous allons dans les régions pour parler de l'exploitation financière des aînés, bien sûr, nous parlons aux aînés qui sont en mesure de se présenter et de comprendre ce que nous leur disons, donc nous les informons. Nous leur parlons de la procuration et de ce qu'elle suppose, des capacités et de ce que cela veut dire. Nous leur parlons de toutes ces choses, et il paraît évident que la plupart d'entre eux sont là parce qu'ils sont intéressés et qu'ils peuvent comprendre le message. J'ignore comment communiquer le message aux gens qui ne sont pas en état de bien comprendre. Je sais que notre curateur public parle beaucoup aux gens de la possibilité d'une procuration pour un membre de leur famille. Certaines personnes s'en tirent très bien ainsi.

Quant aux prédateurs, je ne sais pas quoi faire contre les forces du mal. Certaines personnes exploiteront délibérément la vulnérabilité, et les personnes âgées, à un certain point, deviennent vulnérables. J'imagine que nous sommes tous vulnérables à certains moments de notre vie. Je ne sais pas quoi faire contre les forces du mal. Le mal existe et je serais bien en peine de vous dire comment l'arrêter, mais notre travail, c'est de transmettre le message, et nous espérons que la majorité des personnes qui l'entendent sont bien intentionnées, s'informeront et feront ce qui doit être fait. Nous entendons des histoires où ce n'est certainement pas le cas.

Mme Duffy : Je trouve encourageant que certaines banques forment leur personnel à être vigilant à l'égard de l'exploitation financière. Et j'en ai fait l'expérience : il y a quelques mois, j'avais retiré un montant d'argent légèrement plus élevé qu'à mon habitude; lorsque je suis allée à la banque par la suite, la caissière, après avoir regardé mon relevé de compte, a dit : « Tel montant a été retiré de votre compte à une telle date. Est-ce normal? » Elle était assez vigilante pour savoir qu'un montant plus élevé que d'habitude avait été retiré, et je l'ai remerciée de l'avoir signalé. C'est bien qu'ils puissent repérer les anomalies dans ce genre de chose.

Mme Martin : Le gérant de la banque locale se joindra à nous, et nous avons entendu des histoires au sujet des opérations bancaires et des aînés. Un gérant nous a parlé d'une jeune fille qui s'est présentée à la banque en compagnie de sa grand-mère pour obtenir un prêt d'études. Dans ce cas, le responsable des prêts a perçu chez la grand-mère un malaise à l'égard de la proposition de prêt, alors que la jeune fille était très enthousiaste. Le responsable a reporté le prêt au lendemain et, à la suite d'une discussion en privée avec la grand-mère, a déclaré, devant la jeune fille, qu'il n'approuverait pas le prêt. Cette solution a libéré la grand-mère de la responsabilité et l'a placée sur l'agent de prêts. C'est un peu douteux, mais ça a marché; on dira ce qu'on veut des petites collectivités, mais c'est parce qu'il s'agissait d'une petite collectivité qu'on a remarqué la dynamique, car on connaissait les gens.

Le sénateur Cools : Lorsque je vous écoute, vous et le sénateur Carstairs, je constate l'une des merveilleuses retombées de ce travail. Le comité lève le voile sur le sujet, il l'aborde, le met au grand jour et en discute. Cela va dans l'intérêt des aînés et avertit les délinquants potentiels que de plus en plus de gens sont conscients des dangers. Ce sont des retombées positives, car je crois que la liste de délinquants est très longue. Lorsque vous avez parlé d'un caissier qui a volé de l'argent à une femme, je me suis dis : « Oh mon Dieu. » Tout le monde connaît des familles où il y a eu trahison de la confiance. De plus, à mesure que nous avançons, nous devons également voir à l'évolution du vocabulaire. Nous pourrions élargir la notion de « mauvais traitement » pour qu'elle englobe les abus de confiance entre les membres d'une famille, et nous pourrions ouvrir la voie en trouvant des mots pour exprimer ces réalités, car je crois que chaque membre d'une famille craint que les êtres qui lui sont chers le laissent tomber. J'ai tendance à croire que, même s'il existera toujours des gens malhonnêtes, la grande majorité des gens ont beaucoup plus de scrupules, n'est-ce pas? Quoi qu'il en soit, à mon avis, c'est un bon débat. C'est une bonne discussion.

La présidente : La dernière question que j'adresse à vous deux touche la question de la prévention. Nous savons tous qu'il existe des stratégies pour prévenir les chutes et ce genre de chose, mais je dois dire qu'on nous a brossé un portrait sombre de cette question. Hier, un médecin a dit que nous avons tort de croire que les finances et l'espérance de vie des aînés vont s'améliorer. Selon lui, c'est un mythe : la génération actuelle d'aînés sera la mieux nantie et les prochaines générations vont probablement voir leur situation se détériorer. Point encore plus important, il était très inquiet au sujet du taux d'obésité, du fléau du diabète et de la propagation progressive d'autres maladies chroniques. Il nous a encouragés à examiner la question des programmes de prévention.

Madame Martin, qu'est-ce qui se passe à l'Île-du-Prince-Édouard? Quelles sont les choses que votre secrétariat envisage au chapitre des programmes de prévention?

Mme Duffy : Je ne sais pas si nous en sommes à ce point.

Mme Martin : Nous avons établi à l'Île-du-Prince-Édouard une alliance pour la vie active, partenariat entre le gouvernement et les organismes communautaires qui œuvrent avec les collectivités de partout dans la province pour adapter les programmes aux besoins de chacune d'entre elles. Je dois dire que, à l'heure actuelle, c'est probablement la démarche la plus progressiste qui ait été entreprise. Nous sommes aux prises avec de gros problèmes concernant le diabète de type 2 dans notre province. Il y a tous les problèmes habituels concernant l'arthrite, les maladies du cœur et l'hypertension. À l'échelle de la population, les choses ne vont pas aussi bien qu'elles le pourraient. Le taux d'obésité infantile à l'Île-du-Prince-Édouard est très élevé. À mon avis, c'est là que commence la prévention. Lorsqu'on atteint l'âge d'or, les jeux sont faits en ce qui concerne l'état de santé.

J'imagine que, pour répondre à votre question, c'est un sujet que nous n'avons pas encore abordé dans une mesure souhaitable, mais nous y arriverons probablement. Nos problèmes concernant le logement et l'assurance-médicament sont probablement les sujets les plus urgents pour la population et les aînés en particulier. Tout ce qui s'applique à notre population s'applique aux aînés, parce que le taux est de 14,7 p. 100, alors que la moyenne nationale est de 13,1 p. 100, et la croissance de ce taux est exponentielle. Nous avons donc un peu de retard à l'égard de ces programmes fondamentaux qu'on doit renforcer.

Mme Duffy : Quant à la prévention, avant la mise sur pied du secrétariat, la fédération des aînés de l'Île-du-Prince- Édouard parrainait un programme de prévention du diabète par l'entremise de la Corporation canadienne des retraités intéressés, et nous avons été formés pour aller travailler avec des groupes communautaires, des groupes confessionnels et des groupes d'aînés en vue de tenir des ateliers sur la prévention du diabète. Cette initiative remonte à quatre ou cinq ans.

Il est intéressant d'observer que, dans un sondage mené à l'Île-du-Prince-Édouard il y a un certain nombre d'années, nos taux de consommation d'alcool et de tabagisme arrivaient au premier rang, et nous avions le taux de satisfaction le plus élevé au pays.

Mme Martin : Fumer, boire et être heureux.

La présidente : Non, vous avez absolument raison. Le taux d'obésité doit être réglé et intégré à la question des aînés, mais c'est un programme de taille.

Dans le cadre de la séance précédente, nous parlions des collectivités autochtones au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse et du fait que leur nombre est très petit. Beaucoup de ces idées se rattachent au fait de vivre sur une île, car, grâce à la personne qui m'assiste, je sais que le taux de démence ici n'est pas différent du taux de démence partout ailleurs au pays. Toutefois, puisque les places dans les établissements de soins à long terme sont limitées, les patients atteints de démence en occupent beaucoup. Par conséquent, ils ne sont pas isolés des autres patients, et cela crée des problèmes.

Hier, les responsables du foyer Northwood Manor ont signalé que les sixième et septième étages sont entièrement occupés par des patients atteints de démence, et qu'on songe actuellement à aménager le cinquième étage à cette fin. L'établissement en question a d'autres étages, mais vous n'avez pas ce luxe.

Vous avez peut-être de petits établissements pour des soins personnalisés à l'intérieur desquels 80 ou 85 p. 100 des patients sont atteints d'une forme ou d'une autre de démence, et seulement 15 p. 100 des places sont disponibles pour tous les autres. Cela doit être un problème énorme.

Mme Martin : Ce problème comporte beaucoup de facettes. Il y a environ trois semaines, j'ai reçu un appel d'une famille dont la mère, qui souffrait de la maladie d'Alzheimer et était dans un établissement de soins infirmiers à Summerside, devait être transférée dans une unité en milieu fermé. Elle présentait des risques d'évasion. Je ne connais pas la terminologie médicale, mais il y avait certainement une question de sécurité liée aux soins qu'on lui prodiguait. Aucune place sans frais n'était disponible pour elle. La dame a dû être transférée dans une collectivité 50 milles plus loin pour qu'on puisse la placer dans un établissement où elle recevrait les soins appropriés de façon sécuritaire. Les membres de sa famille étaient bouleversés, parce qu'ils étaient habitués de la voir chaque jour; hélas, ils ne pouvaient rien faire avant qu'une place se libère dans l'établissement local. Les gens font face à des problèmes accablants.

La présidente : Il y a aussi la situation inverse, qui est tout aussi accablante pour les membres de la famille d'un être cher qui ne souffre pas de démence. Il doit être éprouvant pour toutes les personnes concernées de voir un être cher, qui ne souffre pas de démence, entouré de personnes atteintes de ce problème. Cela doit être difficile. Quelle est l'incidence d'une telle situation sur l'impression d'isolement ou l'impression de participation dans la collectivité?

Mme Martin : Certainement. Actuellement, nous sommes dans une situation particulière. Parfois, lorsqu'on prend du retard, on s'aperçoit que cela procure certains avantages. Nos établissements de soins à long terme font actuellement l'objet d'un examen, et il semble que beaucoup d'entre eux devront être reconstruits et reconçus. Nous espérons réussir à aborder une partie des problèmes en repensant certains de ces établissements de soins à long terme. Nous avons acquis tellement de connaissances, et le contexte a tellement changé depuis que ces établissements ont été construits, il y a longtemps. Oui, des problèmes colossaux sont liés à ces questions.

La présidente : Je tiens à vous remercier toutes les deux d'être venues aujourd'hui.

Nous avons été ravis de vous recevoir, et nous en sommes même rendus au point de nous tutoyer, ce qui n'arrive que sur l'île, où, je dois le dire, ce phénomène est assez courant.

De plus, vous savez toutes les deux que j'entretiens des liens avec l'île depuis longtemps. Les services de Michelle MacDonald m'ont été précieux à Ottawa. Non seulement a-t-elle quitté son emploi à temps plein, mais elle est retournée dans l'île.

Mme Martin : Et nous sommes contents qu'elle l'ait fait.

La présidente : Toutefois, elle travaille toujours pour moi, et Michelle ne me laisserait jamais oublier l'île, même si je le voulais. Alors je vous remercie beaucoup.

Mme Martin : Merci beaucoup. Tout le plaisir était pour nous.

La séance est levée.


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