Délibérations du Comité
sénatorial spécial sur le
Vieillissement
Fascicule 10 - Témoignages du 16 mai 2008 - séance de l'après-midi
SHERBROOKE, Québec, le vendredi 16 mai 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 13 h 6, pour examiner les répercussions du vieillissement sur la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui au nom du Conseil des aînés du Québec, M. William Murray; de la Table régionale de concertation des aînés et des retraités de l'Estrie, M. Paul Rodrigue et M. Jacques Demers; et de l'Université du troisième âge, M. Gilles Beaulieu.
Au nom de mes collègues, je vous souhaite la bienvenue.
William Murray, agent de recherche, Conseil des aînés du Québec : Madame la présidente, je vous remercie. Je suis très heureux de vous présenter la position du Conseil des aînés en matière du vieillissement, une position qui est très générale et très succincte.
Au nom du conseil, j'aimerais vous communiquer que nous sommes très contents que le Sénat se soit intéressé à cette question générale du vieillissement. Je crois que cela reflète un intérêt grandissant de nos politiques face à ce phénomène. Nous savons très bien qu'ici au Québec nous avons pu constater que les médias s'intéressent plus ou moins au phénomène du vieillissement ou de façon plus ou moins biaisée.
À titre d'exemple, nous avons eu la consultation de Mme Blais, la ministre aux aînés du Québec, qui a été assez mise de côté par la commission Bouchard-Taylor sur les relations interculturelles. L'immigration est un enjeu fort important, mais en même temps le vieillissement touchera tout le monde au même titre, et peut-être même plus encore que les relations interculturelles, qui concernent les centres urbains et métropolitains au Québec.
Le vieillissement concerne tout le monde, toute la société, que nous soyons jeunes ou vieux. Éventuellement au Québec, la population d'aînés sera très importante, ce qui influencera de façon significative les politiques.
J'aimerais vous parler, dans un premier temps, du rôle du Conseil des aînés, rôle qui est en fait essentiellement gouvernemental; c'est de conseiller le gouvernement du Québec en matière de vieillissement, en matière de changements démographiques, mais aussi en matière de vieillissement individuel, comment les gens peuvent bien vivre dans leurs communautés et comment ils peuvent vieillir en santé, comment pallier ces problèmes dans des cas où il y a vulnérabilité ou exclusion.
Je vais essayer de centrer au maximum ma présentation sur le second rapport qui a été proposé par le comité sénatorial, pour ensuite aborder, dans le cadre de discussions, un ensemble d'enjeux. Tous les enjeux qui ont été abordés dans le cadre du second rapport du comité sénatorial concernent au plus haut point le Conseil des aînés qui a émis des avis sur ces questions. Je serai donc très ouvert à discuter avec vous sur vos préoccupations principales.
J'ai utilisé la version Internet du rapport, donc je vais peut-être vous référer à des pages qui ne sont pas celles du rapport qu'on m'a remis tout à l'heure. En page 5 de ma version, donc probablement en page 2 de votre rapport sous le titre « Définition du vieillissement », Le conseil a un rôle de véhiculer une image positive du vieillissement au sein de la population québécoise. C'est un des mandats officiels inscrit dans la loi et qui définit le mandat du Conseil des aînés.
Lorsque nous agissons sur le terrain, nous tentons d'agir sur des images positives en misant sur le fait que les aînés ne sont pas systématiquement des gens en perte de capacité. Au contraire, nous savons que les aînés participent de façon très importante tant sur le plan financier que social, que filial, dans la société, et c'est sur ce point que nous préférons insister.
C'est pourquoi qu'en page 2 de votre version du rapport, lorsqu'on parle du vieillissement comme l'apparition de problèmes fonctionnels ou sociaux, pour nous ce sont des présupposés âgistes sous-jacents à cette définition, et nous ne pouvons pas adhérer à ce type de définition du vieillissement. Nous préférons adhérer à une version plus traditionnelle, chronologique du vieillissement, tout en décantant différents problèmes, différents aspects de la vie qui change selon l'évolution du cycle de vie.
Il y a certainement des besoins d'adaptation quand les personnes vieillissent, et cela se répercute sur différents aspects, que vous mentionnez très bien dans le rapport, et que j'ai trouvés fort intéressants. J'ai trouvé que c'était une excellente synthèse de l'ensemble des enjeux qui sont reliés à l'adaptation de la société à ce phénomène important que sera le vieillissement dans les prochaines années.
Les différents aspects concernés sont le financement de différents programmes, l'intégration des services, l'adaptation des services de santé de façon générale, mais aussi des services communautaires, les services de transport, et le soutien aux proches, soit les aidants. Je vais les prendre un par un et évoquer les lignes directrices sur lesquelles nous pourrons discuter tout à l'heure.
Pour ce qui est du financement des différents programmes, peu importe le palier du gouvernement, je crois que le rapport que vous avez émis est plus axé sur le rôle du gouvernement fédéral, et cela se comprend très bien. J'aimerais énoncer un principe directeur, qui est celui du Conseil des aînés du Québec, au moment de discuter de financement de programmes au sein de la province du Québec. Je crois que cela peut s'appliquer à la façon de gérer les relations entre le fédéral, les provinces et les territoires pour l'avenir.
J'écoutais tout à l'heure les témoignages des intervenants de ce matin; d'abord M. Hébert, qui disait qu'il ne faut surtout pas commencer à établir des normes dans le réseau de la santé provincial ou des territoires autres que celles qui existent déjà et qui sont très complexes. C'est ce que j'ai compris de son discours. Je connais bien son discours, mais je crois que c'est un point important dans la gestion des ressources. Cela s'applique en santé, mais aussi dans tous les domaines.
De son côté, Mme Gravel nous a parlé de son expérience sur le terrain, qui est de prendre des besoins locaux et de les canaliser pour générer non seulement la richesse financière, mais la richesse sociale et collective. Je crois que c'est une approche qui a beaucoup plus d'impact sur le plan de la pertinence, qu'une approche de normes et d'objectifs généraux que l'on vient imposer à des localités et qui collent plus ou moins aux réalités. Si on veut parler d'efficience et d'efficacité, si nous voulons être pragmatiques, je crois qu'il faut agir en fonction des localités d'abord et avant tout, et c'est la position du conseil.
Nous sommes en faveur avec le financement des programmes. Des organismes pour tenter de décentraliser au maximum, c'est aussi l'orientation qu'a prise le conseil parmi ses propres orientations. C'est la ligne directrice que j'aimerais discuter avec vous plus tard pour ce qui est du financement de l'ensemble des systèmes.
Le rapport du Comité sénatorial fait mention de certains éléments, par exemple, l'assurance-médicament, les soins à domicile, la formation en gérontologie, tous des aspects dans lesquels il serait peut-être préférable, du point de vue de la fédération dans son ensemble, de laisser les communautés s'organiser en fonction des besoins locaux.
Il me semble que les approches pragmatiques comme l'organisme à but lucratif de Mme Gravel, sans être financée au départ, ait eu des résultats positifs et un impact très important. Pourquoi ne pas soutenir des projets comme celui-là plutôt qu'établir des normes générales?
On n'a pas à dupliquer les programmes autant que possible. Votre rapport parle d'intégration des services dans le milieu de la santé. J'ai moi-même lu beaucoup de rapports sur le sujet. J'ai été professionnel au ministère de la Santé du Québec pendant près de six ans et c'était ma spécialité, si l'on veut. J'ai lu quelques rapports du sénateur Keon.
Intégrer les services, c'est très efficace en santé. L'intégration s'est développée comme technique organisationnelle dans le milieu de la santé parce qu'on a eu le moyen de le faire, parce qu'on a compris tout d'abord que c'est un système complexe, mais un système qui vise les mêmes fins. Quand on vise un soutien aux aînés de façon plus générale, je crois que le même principe s'applique.
Agir localement, agir de façon coordonnée, mais pas seulement d'un point de vue santé ou services sociaux, c'est encore des silos qu'on crée ici. C'est d'impliquer des gens qui sont liés au milieu du transport, qui sont les organismes communautaires, tous ces acteurs peuvent être actifs et agir de façon coordonnée. On parle d'adaptation sociale ici, on ne parle pas seulement d'adaptation de systèmes financés de façon formelle et de façon courante par nos gouvernements.
Cette approche, je crois, doit être développée; elle doit être documentée sur le plan scientifique d'abord, avant d'apparaître dans les politiques. Je pense que l'étude sur le vieillissement est une bonne occasion pour revoir certains modes de gouvernance dans les provinces et territoires, mais aussi au gouvernement fédéral, que je vois, comme je le disais tout à l'heure, davantage comme une source de financement, mais en même temps quelqu'un qui peut poser des objectifs clairs et, comme le disait le Dr Hébert ce matin, qui pourrait servir de levier pour les provinces, les territoires et les régions pour appuyer certaines politiques qui correspondent à nos valeurs comme population canadienne.
Dans ce cadre d'intégration des services que je vois de façon plus large, pourquoi ne pas aussi favoriser au maximum la participation, l' « empowerment » de nos personnes âgées, et pourquoi pas l'ensemble de la société. Votre rapport a été très clairvoyant quand il parle que l'implication des gens sur le plan du bénévolat ou sur le plan de la participation sociale, au sens large ici, elle commence à un plus jeune âge. Si un étudiant à l'université commence à s'impliquer dans les associations étudiantes, il va développer des habitudes de conscience sociale et d'implication qui vont se perpétuer en vieillissant.
Ma dernière remarque concerne les transferts fédéraux. Cela s'applique aussi parfois à certains programmes provinciaux. Il faut assurer la pérennité des financements. À titre d'exemple, la pérennité n'est pas assurée pour le transfert canadien pour la santé, ce n'est qu'une entente sur dix ans.
Comment faire pour que ces modes d'adaptation sociale qui se développent à partir de fonds supplémentaires puissent être maintenus? Quand on change une structure d'adaptation sociale face à un phénomène tel le vieillissement, c'est très difficile de la changer par la suite. Cela prend au moins cinq à dix ans avant d'adapter un système à un phénomène social.
Le temps qu'on prend pour financer un certain nombre de systèmes, le système est à peine implanté qu'on arrête le financement et tout est à recommencer à zéro. Ce n'est pas logique, ce n'est pas prudent de la part d'un gouvernement, quel qu'il soit, de fonctionner de cette façon.
Paul Rodrigue, trésorier, Table régionale de concertation des aînés et des retraités de l'Estrie : Madame la présidente, j'aimerais vous remercier d'être venu à Sherbrooke pour nous rencontrer.
La lecture du mémoire que je vous ai fait parvenir prendrait environ 10 à 12 minutes. On m'a dit de ne pas prendre plus que cinq minutes, alors je l'ai condensé.
Nous avons lu avec intérêt les deux rapports préliminaires que vous avez produits. Il y a là du matériel pour plusieurs heures de discussions. Nous nous limiterons donc à l'essentiel et laisserons les groupes spécialisés partager l'expertise qu'ils ont dans leur domaine.
Parlons d'abord du ministère de la Famille et des aînés. La Table régionale de concertation des aînés de l'Estrie a été l'une des premières à demander la mise en place de ce ministère à Ottawa. La Conférence des tables régionales, quant à elle, a envoyé une résolution demandant l'établissement d'un ministère avec portefeuille au fédéral et au provincial.
Une des préoccupations de la Table régionale touche la pauvreté et les revenus des personnes aînées. Nous avons initié certaines démarches et appuyé toutes les démarches qui amélioreraient la situation des aînés vulnérables. Statistique Canada a établi à 21 665 $ le seuil de pauvreté au Canada. Le combiné de la pension du Canada, du Supplément de revenu garanti et de la Régie des Rentes du Québec donne environ 15 800 $. Il est important que le total de ces allocations soit au moins égal au seuil de la pauvreté. Il est capital que nos aînés n'aient plus à choisir entre la nourriture, les médicaments, les soins dentaires, les lunettes et l'habillement.
De plus, il faut porter une attention spéciale aux veuves de 55 à 65 ans qui n'ont pas eu de revenus d'emploi et qui se retrouvent dans des situations particulièrement précaires. Je suis certain que vous en connaissez dans votre entourage.
Il est incompréhensible que le gouvernement canadien n'ait pas encore mis en place de système d'adhésion automatique au Supplément de revenu garanti. Il faut corriger l'iniquité envers les personnes qui y avaient droit, mais qui ne l'ont pas réclamé pour toutes sortes de raisons. Nous insistons donc pour l'adhésion automatique au SRG et pour le versement d'un paiement rétroactif à tous ceux qui y avaient droit et qui ne l'ont pas reçu.
Ce sont plusieurs milliards de dollars que représente le bénévolat au Canada. Ce travail bénévole représente des économies colossales pour l'État. Les aînés, majoritairement des femmes, sont une partie très importante de ce travail. Plusieurs bénévoles doivent débourser de leur poche pour rendre service. Les bénévoles aînés vieillissent et vivent un essoufflement certain. Il faut reconnaître la richesse de ce travail et mettre en place les mesures financières pour la préserver.
Comme plusieurs aînés ne paient pas ou peu d'impôt, les mesures fiscales ne sont peut-être pas des mesures à privilégier. Il faut penser à des compensations financières sous forme de formation de bénévoles, de remboursement des frais engagés pour le travail bénévole et d'aide aux organismes qui utilisent le service des bénévoles.
Comment parler de bénévolat sans songer aux défis particuliers des aidants naturels ou des proches aidants? Nous voulons souligner trois aspects qu'il faut considérer : premièrement, la formation permettant de bien accomplir les tâches d'aidants; deuxièmement, le répit pour les aidants; et troisièmement, les soins à prodiguer.
Le Regroupement des aînés témoignera devant vous à ce sujet. Quant à nous, nous insistons sur la formation donnée aux aidants ainsi qu'aux intervenants qui donnent des soins à domicile.
Les coopératives d'économie sociale et de services d'entretien ménager n'ont pas les ressources matérielles ni financières pour assurer une formation adéquate de leurs employés. La qualité des interventions en souffre et par le fait même, les bénéficiaires, ce qui peut entraîner des situations de maltraitance et de violence.
Les soins à domicile sont une grande préoccupation pour nous, tout comme le sont l'abus et la violence. Nous travaillons continuellement à soutenir le développement d'outils de prévention et d'intervention auprès d'aînés vulnérables, et notre vigilance demeure constante.
Le financement des services demeure un problème majeur pour la majorité des groupes qui travaillent auprès des aînés. Nous demeurons convaincus qu'une partie des surplus d'Ottawa pourrait servir à soutenir le travail essentiel de ces groupes.
La table est préoccupée par le logement et l'hébergement des personnes aînées. Nous appuyons les mesures d'assouplissement dans les règles de la SCHL pour rendre plus accessibles les loyers, spécialement dans les HLM. Il est primordial que les exigences du Code du bâtiment tiennent compte de la réalité vécue tous les jours par les personnes en perte d'autonomie ou vivant seules. Il faut préconiser de tels services, tels les salles communautaires, les cuisines partagées, les services de dépannage et de buanderie commune dans les HLM.
Le transport est un enjeu d'ultime importance dans l'autonomie des aînés. Son rôle est souvent déterminé pour permettre à l'aîné à demeurer à domicile. Des structures de transports adéquats qui répondent aux besoins des aînés, tant par sa structure physique, par exemple, des autobus qui s'ajustent à la hauteur du trottoir, que par sa disponibilité, sa fréquence, sa sécurité et ses coûts sont essentiels. Il faut soutenir le financement et les efforts des groupes de transport adapté ou de transport en région rurale, qui permettent à nos aînés de demeurer autonomes. Les milieux de vie doivent s'adapter au vieillissement de leurs citoyens. Tous en bénéficieront, les plus jeunes comme les plus âgés.
Dans cette optique, la Table régionale souhaite ardemment que le gouvernement songe à l'impact sur le vieillissement. On ne parle pas ici que des aînés, mais de tous les groupes de citoyens qui deviendront aînés un jour. Il faut que les décisions d'aujourd'hui, comme celles de demain, se fassent en considération de l'impact sur les générations aînées actuelles, mais aussi sur les générations à venir.
Pour avoir et maintenir une bonne santé, il faut avoir des loisirs et faire de l'activité physique ou sportive. Des mesures incitatives pour que monsieur et madame Tout-le-Monde soient actifs doivent être mises de l'avant, soit par crédit ou remboursement d'impôt pour les inscriptions aux activités ou encore par l'établissement d'un centre communautaire dans les milieux où il n'y en a pas encore de locaux adaptés aux besoins d'une clientèle vieillissante.
C'est volontairement que la Table régionale des aînés de l'Estrie n'aborde pas le sujet des soins de santé. Nous savons que des groupes crédibles le feront. Toutefois, nous ne négligeons pas l'importance de ce sujet.
Sherbrooke est l'une des rares villes à avoir une politique d'accueil et d'intégration des immigrants, et c'est tout à son honneur. Toutefois, il ne faut pas négliger les défis d'intégration des aînés immigrants. La non-connaissance du français ainsi que les préjugés entourant les étrangers sont des obstacles importants à leur intégration.
Il faut établir des modes de soutien pouvant aider les regroupements d'immigrants à faciliter l'insertion de leurs aînés dans notre société afin de prévenir leur isolement. Les services doivent être adaptés pour répondre aux besoins de cette clientèle particulière.
L'âgisme est un phénomène dont il faut se préoccuper. Il faut s'assurer que les aînés soient considérés comme des citoyens à part entière dans notre société. Nous recommandons la mise en place de programmes de sensibilisation.
Les préjugés sont souvent la résultante du manque de connaissances et de la différence perçue. À la Table régionale, nous croyons que le critère basé sur l'âge pour la prestation de services crée des incohérences. Les gens, aînés ou autres, vivent des réalités différentes et doivent recevoir les services en fonction de leurs besoins et non en fonction de leur âge.
Les critères et les régimes de mise à la retraite doivent être révisés pour préserver la liberté de choix des individus. Une pénurie de main-d'œuvre est annoncée, plusieurs personnes voudront continuer de travailler. Il faut assouplir les règles des RPC et des SRG, assurance-chômage et RRQ pour tenir compte de la situation de chacun et de leurs besoins. Une harmonisation des mesures fiscales devrait encourager les travailleurs à poursuivre leurs activités selon leurs désirs, sans qu'il leur soit imposé des pénalités à leur rémunération.
Nous sommes très conscients que le vieillissement de la population ne se vit pas de la même façon et au même rythme à travers le pays. Le constat que vous faites au point 84 de votre rapport est crucial, soit qu'il faut établir des programmes supplémentaires pour compenser le vieillissement inégal d'une province à l'autre. Le Québec est la province où le vieillissement de la population est plus évident. Il faut revoir la péréquation afin de rétablir l'équité par rapport aux besoins grandissants de ses citoyens. Le rôle du gouvernement fédéral est essentiel dans l'encadrement de politiques, de lois et de règlements en ce qui concerne les personnes aînées au pays.
Vous avez l'occasion de recommander des actions concrètes pour améliorer la qualité de vie des citoyens aînés au pays. Nous comptons sur votre expertise et votre ouverture pour faire en sorte qu'il fasse bon vivre et vieillir au Canada et au Québec.
Gilles Beaulieu, agent de développement, Université du troisième âge : Madame la présidente, c'est la première fois que j'ai le privilège de parler à un groupe de sénateurs. Je suis ému. Je n'étais pas prêt à mourir encore!
Madame Keli Hogan me disait tantôt qu'il y a quelques organismes qui ont été choisis pour livrer un témoignage. On est bien heureux que l'Université du troisième âge de l'Université de Sherbrooke ait été choisie.
On a pris connaissance de votre documentation, en particulier du deuxième rapport préliminaire. Vous posez quatre grandes questions. Les questions 2, 4 et 5, concernent directement les préoccupations de l'Université du troisième âge de l'Université de Sherbrooke. Nous aurons un souhait à formuler en ce qui concerne la question 4, qui touche les revenus et la retraite elle-même.
Je présenterai les grandes lignes sur l'organisation l'Université du troisième âge, quelques faits de notre vécu, et quelques souhaits ou des conditions facilitantes pour son maintien.
Vous avez un exemplaire du document qui a été traduit dans la deuxième langue, ou la première, selon le point de vue.
L'Université du troisième âge de l'Université de Sherbrooke a été fondée en 1976, et nous sommes la première université du troisième âge instituée en Amérique du Nord. Donc, nous existons depuis plus de 30 ans. Nous sommes rattachés à la faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke. Nous sommes membres de l'Association internationale des Universités du troisième âge, un organisme mondial qui est malheureusement plus ou moins actif, surtout en Europe.
La mission fondamentale de l'UTA est d'offrir aux étudiantes et étudiants aînés soit les 50 ans et plus, — car nous avons des préretraités aussi qui viennent à nos activités — des activités éducatives pour le plaisir d'apprendre tout au long de leur vie, sans diplôme préalable ni examen. Donc, c'est vraiment pour le plaisir.
Une particularité de l'Université du troisième âge est que nous évitons toute concurrence. Si une activité est déjà offerte dans le milieu par un autre organisme, par exemple pour l'informatique, les cours de langue, nous n'offrons pas ces cours. Nous servons aussi de complément aux activités offertes dans le milieu. Il peut arriver que les gens veulent aller un peu plus loin, alors on peut faire appel à des personnes ressources qui peuvent répondre aux besoins.
Les objectifs fondamentaux de l'UTA sont de faciliter l'acquisition de connaissances; de combattre l'isolement chez les personnes aînées; de favoriser l'intégration des personnes aînées dans la vie culturelle et sociale; de promouvoir les échanges; d'appuyer les personnes dans leur désir d'accomplissement — vous voyez que nous sommes directement en lien avec plusieurs questionnements du comité — et de doter la société d'une nouvelle vague de citoyennes et citoyens aînés dynamiques et responsables. Un point que je pourrais ajouter est que toutes les activités doivent être offertes au moindre coût.
L'approche éducative : comme il n'y a pas de travaux ni examens, ce sont des auditeurs libres, aucun diplôme n'est exigé, les activités se déroulent le jour pendant la session d'automne et de l'hiver, et les standards de qualité sont propres à toutes les formations offertes par l'Université de Sherbrooke.
Les formules pédagogiques sont très variées, en fonction des besoins, des cours, des séminaires, des causeries et des ateliers. En ce qui concerne les thèmes, il y a l'histoire, la santé, la philosophie, la politique, mais la politique non- partisane.
Au sujet des principes organisationnels, l'Université du troisième âge s'appuie sur la participation et l'implication de bénévoles, eux-mêmes retraités, donc, un partenariat qui existe entre la direction de l'UTA et les 26 associations étudiantes réparties sur tout le territoire du Québec. Ce sont donc des gens retraités, des volontaires, qui travaillent pour identifier des besoins, organiser des activités en réponse aux demandes dans leur milieu. Et tout cela est fait par des bénévoles, donc, non rémunérés.
La faculté de l'éducation donne un soutien administratif pour le financement, pour la gestion des frais de scolarité et pour le paiement des personnes ressources. On donne 45 $ l'heure aux personnes ressources, ce qui couvre à peine leurs frais. L'année dernière, on a reçu des invités émérites. On a reçu, à titre d'exemple, Roger Landry, l'ancien éditeur de La Presse; Alain Dubuc, éditorialiste à La Presse ; Lorraine Pagé, ancienne présidente de la CEQ, pour ne nommer que ceux-là. Et ces gens-là viennent à 45 $ l'heure. Cela fait partie des conditions.
Une grande autonomie est laissée aux associations étudiantes dans l'organisation d'activités d'apprentissage autofinancées. Cette grande autonomie est à l'intérieur d'un cadre et il n'y a rien de partisan comme on le disait tantôt. On ne veut pas que les sujets soient conflictuels tels tout ce qui touche les retraités, à l'ésotérisme ou à des cordes trop sensibles, il y a tellement d'autres sujets à étudier. Nous évitons tout ce qui peut être conflictuel. Ce n'est pas du tout les buts visés. On ne veut pas créer des tensions, au contraire, on veut libérer des tensions, et on veut permettre aux gens de se développer.
Rayonnement de l'université : le Québec compte 17 régions administratives et nous sommes présents dans dix de ces régions. Si nous ne sommes pas présents dans un plus grand nombre de régions, c'est qu'il y a des universités semblables, on n'entre pas en compétition.
Sur tout le territoire du Québec, il y a 26 antennes du troisième âge, donc, 26 associations d'étudiantes et d'étudiants. Plusieurs antennes ont des activités qui sont décentralisées étant donné qu'il y a de vastes régions, mais il y a 45 sites locaux.
Il y a plus de 500 bénévoles qui collaborent à l'organisation d'activités locales, et c'est en croissance. Nous sommes à 12 000 inscriptions annuelles, et c'est aussi toujours en croissance.
Comme on peut l'anticiper, nous appuyons les enjeux et les questionnements que le comité se pose, qui sont tout à fait légitimes : rester physiquement et mentalement actifs afin d'assurer le bien-être. Il y a une foule d'activités qui sont offertes et qui favorisent le développement de neurones ou le maintien actif des neurones, donc rester mentalement actif est déjà un acquis. Nous offrons aussi des activités pour rester physiquement actif, telles les danses folkloriques. Il y a une dimension culturelle qui est aussi présente.
Il faut maximiser les possibilités pour les aînés d'être des membres actifs de la société : l'implication le favorise; favoriser l'épanouissement des personnes pendant la vieillesse, et vieillir à l'endroit de leur choix : nous avons un nouveau volet que nous développons à ce sujet. Je vous ai dit tantôt que les activités étaient offertes dans 45 sites, mais maintenant on va au-delà. Il y a de plus en plus de résidences de personnes du troisième âge qui participent. Lorsqu'il y a un nombre de personnes suffisant et qu'on peut assurer l'autofinancement, on donne aussi des activités dans les résidences pour personnes âgées, et cela connaît un très grand succès. C'est en gros ce qui se passe à l'Université du troisième âge.
Il y a maintenant deux conditions facilitantes qu'on aimerait émettre, qui pourraient favoriser l'épanouissement des personnes retraitées qui veulent gérer leur propre développement. Ce n'est rien de nouveau. C'est déjà identifié dans les listes d'options qui ont été proposées, mais on met l'accent quand même sur ces éléments.
Valoriser le bénévolat : cela peut prendre la forme de crédits d'impôt et le remboursement de frais de déplacement, à titre d'exemple. Ces bénévoles ne sont pas rémunérés, mais ont quand même des dépenses personnelles, et qu'au moins on rembourse leurs dépenses. C'est déjà identifié.
Accorder un crédit d'impôt pour la formation de retraités : on sait que les crédits d'impôt sont actuellement accordés quand c'est lié à un emploi. Les personnes retraitées n'ont plus d'emploi, et de plus en plus, ces crédits d'impôt sont tous refusés pour les personnes retraitées. Si on pouvait accorder des crédits d'impôt, cela serait une mesure incitative de plus.
C'est en gros ce que je voulais vous présenter, et vous dire que l'Université du troisième âge de l'Université de Sherbrooke appuie votre démarche et est fière de vous dire que les objectifs que vous visez sont réalistes et réalisables, puisque nous les réalisons chez nous sans prétention depuis une trentaine d'années.
[Traduction]
La présidente : Je vous remercie tous pour ces excellents exposés. Vous vous êtes intéressés à notre rapport en soulignant la nécessité, dans certains cas, de l'élargir et de le rendre plus inclusif. Et c'est précisément ce qui nous amène ici aujourd'hui. Nous avons entendu certains témoins antérieurement et nous voulions venir dans des collectivités comme la vôtre pour discuter de ces questions avec des gens sur place, par opposition à des experts dans le domaine.
Le sénateur Mercer : Merci, messieurs, d'être venus ici cet après-midi. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre participation et nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt vos propos.
Je suis curieux. Vous avez dit que l'université existe depuis un certain temps, depuis 1976, si je ne m'abuse.
Savez-vous s'il existe des universités similaires au Canada ou en Amérique du Nord? Y a-t-il d'autres universités comme l'Université du troisième âge?
M. Beaulieu : Je suis désolé, mais je l'ignore. Au Québec, la formule prend différentes formes.
[Français]
À l'Université de Montréal, la formule est un peu différente. On présente Les belles soirées, mais les gens doivent se déplacer pour se rendre à l'université. À l'Université du Québec à Montréal, il y avait un nouveau programme qui s'appelait Générations, et là aussi les gens devaient se déplacer. À l'Université Laval, à notre connaissance, il n'y a pas d'organisation comme telle, mais semble-t-il que c'est en gestation. À l'Université du Québec à Trois-Rivières, il y a des activités qui ont été initiées. C'est l'Université du Troisième Age de l'Université de Sherbrooke qui exerce un leadership depuis maintenant 30 ans.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Nous avons appris aujourd'hui que l'Université de Sherbrooke est un chef de file dans de nombreux domaines, ce qui est excellent.
Vous avez parlé d'un crédit d'impôt pour la formation des retraités, tout en ajoutant que présentement, ce type de crédit est disponible uniquement pour la formation reliée à l'emploi. Pouvez-vous m'expliquer comment cela fonctionnerait car cette idée m'intéresse.
[Français]
M. Beaulieu : Lorsque les bénévoles font des rapports de dépenses, nous remboursons les frais de kilométrage. Lorsqu'ils assistent à leurs réunions, ils ont souvent des déplacements importants à faire, et lorsqu'ils ont des rencontres qui durent toute la journée, on rembourse les frais pour le repas du midi.
L'université possède l'information, et pourrait émettre une nouvelle forme de TP4 ou de TPZ; on a la comptabilité, on a la formation, et on pourrait vous dire qui on a remboursé et le montant des dépenses encourues dans ses fonctions de bénévole. À ce moment-là, ces documents pourraient être annexés à la déclaration d'impôt et souhaitons-le, honorés par le ministère du Revenu.
C'est la suggestion que nous faisons. Et tout cela serait géré par le service de comptabilité de l'Université de Sherbrooke. L'Université du troisième âge est un peu comme un département à l'intérieur de la faculté d'éducation de l'Université de Sherbrooke, c'est le département des Finances de l'Université de Sherbrooke qui pourrait gérer tout cela.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : L'une des préoccupations courantes que j'ai exprimées au comité est la suivante. Je crains que la comptabilité que nous proposons pour les crédits d'impôt, que ce soit au titre du bénévolat ou, en l'occurrence, de la formation des retraités, fasse obstacle à cette initiative. La tenue des comptes n'est pas simple et il faut que les données soient fidèles. Nous ne voulons pas imposer un fardeau administratif à l'université, au groupe communautaire ou à l'organisme de bienfaisance participants. Considérez-vous que c'est un problème?
M. Beaulieu : Nous faisons déjà cette comptabilité.
[Français]
La seule chose que nous ne faisons pas c'est de donner des reçus, mais nous avons déjà toute la comptabilité. Nous savons déjà quel montant nous avons remboursé à telle personne pour son kilométrage et pour ses repas. Nous avons déjà l'information dans nos systèmes. Et je présume que d'autres organisations qui sont structurées auraient la même information.
De toute façon, cela pourrait donner un privilège à nos bénévoles et les inciter à s'impliquer davantage. Même s'il y avait un coût de rattaché, cela en vaudrait la peine, parce que nos bénévoles investissent beaucoup de leur temps et de leur énergie, et plusieurs déboursent de leur poche.
Si on peut compenser au moins les dépenses reliées à leur bénévolat, c'est le minimum qu'on demande.
Le sénateur Chaput : Monsieur, à l'université, vous avez des ressources de base qui font que vous avez les services de comptabilité. , Est-ce que vous avez un lien avec une plus grande université? Qu'est-ce qui fait que vous avez ces ressources financières pour payer des gens qu'un groupe communautaire n'aurait pas?
M. Beaulieu : L'Université du troisième âge de l'Université de Sherbrooke fait partie du département d'éducation de l'Université de Sherbrooke. À ce titre, nous avons les services de comptabilité comme toute autre faculté de l'Université de Sherbrooke. Toutefois, la règle est que toute activité de l'Université du troisième âge de l'Université de Sherbrooke doit s'autofinancer. Donc, ce que les étudiants adultes ont à payer comme frais pour participer à une série de conférences ou à une formation, c'est 65 $ ou 70 $. Ces montants servent à payer : la location de la salle lorsque la salle ne nous est pas prêtée, le salaire du professeur, son kilométrage, et les autres dépenses de matériel qui sont prévues par le cours, s'il y a des photocopies à faire, et cetera.
La règle est de maintenir les frais au minimum pour encourager les gens à venir participer aux activités. Quarante- cinq dollars l'heure pour une personne ressource, ce n'est pas beaucoup, et on paie que le temps en salle de cours. On ne paie pas le temps de préparation.
J'ai été pédagogue toute ma vie et on sait que pour certains contenus c'est peut-être un rapport de 10-pour-1, dix heures de préparation pour une heure de formation. On paie seulement l'heure de prestation de service. C'est un choix qu'on fait de payer les professeurs à un coût minimum. Cela permet aux étudiants de payer le moins possible pour la formation.
Le sénateur Chaput : Qui fait votre comptabilité?
M. Beaulieu : Il y a trois commis au secrétariat de l'Université du troisième âge, et ce sont eux qui gèrent les feuilles de temps et qui émettent les paiements.
[Traduction]
Le sénateur Keon : Monsieur Rodrigue, vous avez souligné à juste titre un élément auquel le comité souscrit entièrement, soit l'énorme bassin de connaissances, d'expertise et d'énergie que représentent les personnes retraitées. Nous sommes d'accord avec vous : on ne puise pas suffisamment dans ce bassin de connaissances.
Permettez-moi de présenter un paradoxe, le revers de la médaille. Prenons l'exemple des pilotes de ligne. Encourager les gens à refuser la retraite obligatoire, à la supprimer, peut faire courir à la population des risques évitables.
Les pilotes d'Air Canada prennent leur retraite à 60 ans. Ils le font parce que l'association des pilotes, et non Air Canada, leur impose une retraite obligatoire. Bon nombre de ces pilotes continuent de voler pour d'autres lignes aériennes commerciales. Je suis sûr que ces hommes et ces femmes sont responsables et ne prendraient pas les commandes s'ils ne s'en sentaient pas capables. Néanmoins, leurs pairs à Air Canada ont estimé qu'ils n'étaient pas aptes à continuer et leur ont demandé de prendre leur retraite à 60 ans. Il y a certains aspects du vieillissement auxquels on ne peut tout simplement pas échapper, peu importe que l'on conserve sa prestance, sa vitalité, et cetera, nous perdons du terrain au chapitre de l'habileté cognitive, de la motricité fine, et d'autres aspects, et nous devons tout simplement l'accepter.
J'essaie de cerner une certaine réalité. J'ai déjà posé la question suivante auparavant : au lieu de la retraite obligatoire, quel mécanisme pourrait-on instaurer afin de garantir que la population ne court pas de risques si l'on permet aux gens de continuer à travailler dans certaines professions? Il faut penser que cela pourrait compromettre la sécurité d'autrui. Avez-vous des idées?
M. Rodrigue : Vous parlez d'Air Canada, et c'est un bon exemple, mais permettez-moi de vous en donner un autre. Prenez le cas d'un pompier ou d'un agent de la police provinciale. Ces travailleurs peuvent prendre leur retraite tôt, à 48 ou 50 ans. Ils touchent une pension intéressante, et ensuite, que font-ils? Ils travaillent pour une agence privée, probablement pour 15 $ l'heure. Par conséquent, pourquoi travailler pour une telle agence pour moins? Pourquoi cet ex-pompier ou ex-policier ne peut-il pas conserver son emploi? Voilà notre question.
Si cette personne souhaite travailler jusqu'à 55 ou 60 ans, et que sa condition physique le lui permet, pourquoi le forcer à prendre sa retraite? Il faudrait qu'elle puisse conserver son emploi et ne pas aller travailler pour un salaire ridicule tout en privant quelqu'un d'autre de cet emploi. Ces agences embauchent ces nouveaux retraités à 12 ou 15 $ l'heure, alors qu'elles pourraient offrir un emploi à un homme de 35 à 40 ans qui a une famille à faire vivre. Malheureusement, ce n'est pas lui qui décrochera l'emploi parce que le retraité a l'avantage de l'expérience.
Le sénateur Keon : Vous avez tout à fait raison; votre argument est fort valable. Voilà pourquoi, dans de nombreuses situations, on a supprimé la retraite obligatoire. Toutefois, je continue de penser que dans certains domaines, il ne faudrait pas l'éliminer. Nous nous acheminons vers la suppression totale de la retraite obligatoire. À mon avis, le cas des pilotes de ligne est un bon exemple. Les pilotes d'Air Canada ont décrété qu'ils ne piloteraient pas d'avion commercial après l'âge de 60 ans, même s'ils conservent une belle prestance, mais bon nombre de leurs anciens collègues pilotent maintenant pour d'autres compagnies aériennes. Dans certaines compagnies, il n'y a aucune directive à cet égard. Je sais que certaines imposent la retraite obligatoire à l'âge de 65 ans, mais d'autres n'exigent rien du tout. La décision appartient au pilote individuel.
Je sais que les pilotes doivent se soumettre à des évaluations annuelles poussées, des examens médicaux, et cetera. Je sais aussi qu'une personne peut avoir passé un examen médical avec succès, paraître en bonne santé et tomber raide mort le lendemain. Cette suppression généralisée de la retraite obligatoire m'inquiète.
Ce que j'espère, c'est que des gens comme vous, qui avez une expertise formidable, puissiez nous fournir certains conseils à ce sujet car, personnellement, je pense qu'il existe présentement une lacune dans le filet de sécurité sociale.
M. Rodrigue : Comme je l'ai dit dans mon mémoire, il y a des gens qui sont jeunes physiquement et mentalement à l'âge de 75 ans, et d'autres qui, à 50 ans, sont très âgés. Voilà pourquoi nous disons qu'il ne faut pas se fier à l'âge de quelqu'un. On dit d'une personne de 75 ans qu'elle est vieille alors qu'elle n'est peut-être pas vieille et d'une personne de 50 ans qu'elle n'est pas vieille alors qu'elle l'est peut-être, même si elle n'a que 50 ans. Comme vous pouvez le voir, il y a toujours quelque chose qui cloche. On pénalise la personne de 50 ans parce qu'elle est malade et on pénalise celle de 70 ans qui pourrait continuer à travailler.
Les ex-pilotes d'Air Canada vont travailler chez WestJet ou BlueJet, peu importe, mais à un salaire bien inférieur à celui qu'ils touchaient à Air Canada. L'ex-pilote d'Air Canada prive de travail un autre pilote, mais il s'en fiche; il touche sa pension d'Air Canada, plus le salaire que lui verse WestJet. Peut-être ne travaille-t-il que 10 à 20 heures par semaine.
[Français]
Jacques Demers, secrétaire, Table régionale de concertation des aînés et des retraités de l'Estrie : J'aimerais apporter des précisions. J'ai la chance de faire partie du Conseil des aînés en tant que vice-président et auprès de la Fédération de l'âge d'or du Québec, comme membre du conseil d'administration provinciale. Le Conseil des aînés réunit à l'occasion, deux ou trois fois par année, toutes les associations nationales.
De ces réunions deux grandes préoccupations ont été soulevées cette année, et l'une d'elle est la retraite progressive dont on vient de parler. Tous les organismes nationaux d'aînés du Québec étaient d'accord que favoriser une retraite progressive devrait être une priorité au Québec. Une des suggestions a été d'émettre des compensations au point de vue de la pension adaptées aux heures de travail qui ne sont peut-être pas complètes. Ils pourraient travailler soit le matin ou l'après-midi, pour concilier famille et retraite, et surtout sensibiliser les chefs d'entreprises qui disent que plus on vieillit, moins on est productif.
Je pense que c'est encore illogique de penser qu'on est moins productif parce qu'on a 70 ans. Regardez l'âge des chefs politiques d'aujourd'hui. Certains chefs politiques ont 65, 68 et 70 ans, et ils sont encore très actifs.
Il faudra aussi voir à établir un système de mentorat. Il faudrait trouver des façons, pour que les plus âgés puissent aider les plus jeunes à intégrer des fonctions pour lesquelles ils ne sont pas prêts parce qu'ils n'ont pas été dans le feu de l'action et les aînés l'ont été. Je pense que ce sont des échanges qui seraient très profitables.
Le deuxième sujet, si vous me permettez, et l'on n'en a pas parlé jusqu'à présent, qui fait l'unanimité des aînés de ces 17 associations, est l'hébergement pour les personnes âgées. On a établi au Québec ce qu'on appelle une certification pour les résidences privées, ce qui veut dire que le gouvernement a engagé une firme pour vérifier les critères sociaux sanitaires dans chacune des résidences, et ce, de façon obligatoire.
Je peux vous dire que cela va très, quoique très lentement. Cette certification obligatoire est supposée se faire tous les deux ans, et on a environ 12 p. 100 des résidences qui ont été certifiées, en 14 mois. On est censé recommencer le même processus dans huit, neuf mois. C'est pour la question de critères sociaux sanitaires.
La FADOQ, il y a à peine un mois, a été reconnue pour vérifier la qualité de vie dans les résidences privées. C'est un programme différent de celui de la certification. Avec des bénévoles et des personnes qui ont été formées, et sous la supervision d'une personne dans chacune des régions du Québec, nous irons dans chacune des résidences pour évaluer la qualité de vie des personnes âgées. Ce deuxième volet nous demande de faire des entrevues et ainsi de suite. On espère que les deux ensembles vont bien fonctionner et que cela ira un peu plus vite du côté de la certification des résidences, qui est obligatoire.
Le Conseil des aînés, dans le fond va beaucoup plus loin que la recherche et s'intéresse aux problèmes de base qu'il y a au Québec.
[Traduction]
Le sénateur Keon : Monsieur Murray, vous avez fait allusion aux problèmes d'intégration des services, vous qui avez travaillé au ministère de la Santé pendant six ans. Curieusement, nous discutions de cette question à l'heure du lunch. Comme je l'ai dit, je me suis colleté avec ces difficultés pendant une trentaine d'années. Vous êtes beaucoup plus jeune que moi, monsieur Murray.
Selon vos recommandations, le gouvernement fédéral devrait accélérer l'intégration au niveau provincial et, bien entendu, les régions devraient embrasser ce principe dans les programmes fédéraux qui leur sont offerts.
Vous n'avez pas mentionné le niveau communautaire. Je suis convaincu depuis un certain temps — et vous avez mentionné avoir lu certains de mes écrits —, que c'est au niveau communautaire que l'intégration peut se faire. Lorsque l'on gravit les échelons de la structure organisationnelle, il devient difficile d'assurer l'intégration au niveau des ministères gouvernementaux. Je pense qu'on se heurte alors à des situations très frustrantes. C'est le moins que l'on puisse dire.
Comment répondez-vous à cette observation?
[Français]
M. Murray : J'ai énoncé des principes généraux, mais il faut effectivement préciser. Votre question est une occasion excellente pour moi d'aller un peu plus loin vers cette idée d'intégration.
Je parlais que le milieu communautaire était le centre de tout ce que nous pouvons appeler intégration de services de santé, de services communautaires, de transport et de tout ce qui concerne le vieillissement, en fait, tout ce qui concerne la personne âgée comme l'unité initiale sur laquelle nous devons nous baser pour élaborer nos services et nos programmes.
Lorsque vous parlez du rôle du gouvernement fédéral, je ne crois pas avoir énoncé qu'on doive créer de nouveaux programmes fédéraux en ce sens, au contraire. Je dis plutôt que le gouvernement fédéral pourrait soutenir les objectifs généraux des provinces pour qu'elles-mêmes puissent implanter dans leurs communautés différents modèles de réseaux de services intégrés.
J'ai surtout insisté sur le point que les réseaux de services intégrés ne sont pas que des réseaux de services de santé et de services sociaux, parce que le but initial, et le Dr. Hébert en a parlé ce matin, est bel et bien de faire en sorte que le réseau hospitalier, notamment, ne soit pas embourbé par des personnes qui ont des problèmes de santé chroniques et que l'hôpital puisse se préoccuper des problèmes aigus. C'est pourquoi le système hospitalier a été créé au départ.
Il faut des ressources. Les ressources peuvent en grande partie provenir du fédéral, mais je ne m'attends pas à ce qu'il élabore des programmes afin d'intégrer les services. Je crois qu'il peut encourager sur le plan des objectifs, dans la mesure où cela correspond aux valeurs de la population canadienne, à implanter différents programmes d'intégration des services. Je crois que les programmes de Villes amies des aînés sont très intéressants à cet égard. Je crois qu'il y a une idée d'intégration ici et que le gouvernement fédéral pourrait soutenir de diverses façons.
Je ne suis pas spécialiste de la gouvernance et des relations fédérales ou provinciales. Quant au réseau municipal, je ne peux pas me prononcer là-dessus, mais intégrons les services en fonction de besoins locaux, et ce, de la manière dont les acteurs locaux le font couramment, parce que ce sont eux qui connaissent exactement la nature des besoins dans leurs localités. C'est le principe que j'essaie d'énoncer le plus clairement possible.
Ce n'est même pas un enjeu entre fédéralisme et souverainisme, pas du tout. C'est un enjeu stratégique. Comment s'assurer que nos ressources soient réparties de la façon la plus efficace et la plus efficiente possible. Pour ce faire, il faut des preuves, il faut des évidences, et je ne suis pas sûr que présentement les évidences soient suffisantes pour que des modèles généralisables soient implantés mur à mur au Canada, par exemple.
Je crois qu'il serait préférable de laisser les municipalités ou les organisations locales de santé ou de transport, et des tables de concertation au Québec qui ont une très bonne initiative pour soutenir des projets. Alors, essayer de décentraliser au maximum l'organisation des services tout en permettant un transfert des ressources cohérent, et ne pas dupliquer les programmes pour un même objet, en passant du fédéral jusqu'au niveau local.
[Traduction]
Le sénateur Keon : De toute évidence, vous connaissez très bien votre sujet, et je suis d'accord avec vos propos. Ce que j'essayais de vous faire dire, c'est qu'il faut commencer à changer notre façon de penser et mettre davantage l'accent sur le volet communautaire. Étant donné que les gouvernements provinciaux ont un besoin criant de fonds pour financer le système des soins de santé, les services sociaux, l'éducation, et cetera, ils n'ont pas la capacité financière d'apporter des changements d'envergure. On pourrait envisager ceci : au cours d'une période de temps limitée, le gouvernement fédéral injecterait des fonds dans les collectivités pour appuyer les efforts d'intégration qu'elles font déjà. J'estime que l'intégration est très efficace à ce niveau. D'ailleurs, vous l'avez déjà confirmé.
Je voulais vous amener à faire valoir cet argument, et je comprends fort bien votre point de vue.
M. Murray : Je suis tout à fait d'accord avec vous.
La présidente : Mardi après-midi, à Moncton, nous avons visité ce que l'on appelle l'hôpital extra-mural, un hôpital sans murs. Cet hôpital offre uniquement des services à domicile. Nous avons vu des infirmières, des ergothérapeutes, des physiothérapeutes, des inhalothérapeutes, des pharmaciens et des intervenants en soins palliatifs qui offrent tous leurs services dans la communauté. Ils ne vont jamais à l'hôpital. Ils travaillent uniquement dans la collectivité.
J'ai été très impressionnée. À ce qu'il m'a semblé, cela était le meilleur type d'intégration possible des services de santé. Évidemment, il y a d'autres services dont les patients ont besoin, mais on offre ces services de santé particuliers aux personnes âgées pour leur permettre de rester chez eux le plus longtemps possible. S'ils vont à l'hôpital à cause d'une crise ou pour subir une chirurgie, ils peuvent aussi rentrer à la maison le plus rapidement possible.
Voilà le genre de services qui, à mon avis, peuvent uniquement être fournis au niveau communautaire. Ce sont des services qui ne nécessitent aucunement l'intervention du gouvernement fédéral, si ce n'est au niveau financier. Le gouvernement fédéral peut appuyer financièrement les collectivités par l'entremise des provinces, puisqu'il est le plus grand bailleur de fonds du pays. Grâce à un financement suffisant du gouvernement fédéral, on pourra réaliser l'intégration et la coordination des services.
Nous nous cassons la tête pour savoir comment rédiger un document qui fera comprendre au gouvernement fédéral qu'il a l'obligation de fournir l'argent nécessaire à la réalisation de cet objectif. Le sénateur Keon, un médecin qui a déjà dirigé l'Ottawa Heart Institute pendant de nombreuses années et qui connaît bien la technologie médicale de pointe, serait le premier à vous dire qu'il faut changer notre façon de prodiguer des soins de santé au Canada. Il faut que la prestation de services soit axée sur la communauté et, chose plus importante encore, sur le patient.
[Français]
M. Murray : Je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur le plan de la gestion de ces ressources fédérales afin de soutenir les communautés. C'est la même approche que j'avais tout à l'heure lorsque j'ai parlé avec le Dr Keon.
Un élément que j'aimerais ajouter à votre intervention est l'élément relatif au transfert des connaissances, dont on bénéficierait beaucoup s'il était pancanadien. Ce dont je rêve est un ensemble de projets pilotes qui nous permettraient peut-être de développer des projets, de bien saisir les approches qui sont les plus efficaces et efficientes pour améliorer les services dans la communauté.
Nous avons les évidences selon lesquelles le soutien à domicile et le service dans les communautés, comme vous l'appelez, sont nettement plus efficaces pour régler les problèmes de santé chroniques ou les problèmes sociaux qui sont souvent à long terme ou que nous pourrions aussi qualifiés de chroniques, dans un sens.
Donc, pourquoi ne pas allez dans cette voie? Je suis parfaitement d'accord avec vous, mais encore, améliorons nos approches, commençons à développer une véritable expertise dans la gestion des services communautaires intégrés.
M. Rodrigue : Tantôt, j'ai parlé des soins à domicile. C'est une très grande préoccupation. On a essayé au Québec. On a fermé nos hôpitaux psychiatriques, on a pris ces gens et on les a envoyés dans la rue, et on s'en est lavé les mains. Il n'y a pas de ressources financières, aucune aide de qui que ce soit, personne pour les surveiller. Il faut s'assurer qu'ils prennent bien leur médication et tout le reste. Cela a fait un flop, et ce n'est pas encore corrigé.
La première chose à faire c'est de commencer à corriger cette situation. C'est la première chose qu'on doit faire au Québec, corriger cette situation, suivre ces gens jusqu'au bout. On a entendu cette semaine des psychiatres qui ne veulent plus travailler dans les prisons et qui disaient : « ton temps est fini, ton traitement n'est pas fini, bonjour, vas- t'en chez vous ou dans la rue, bonsoir les copains. Deux ou trois mois après, tu le ramasses à la petite cuillère dans la rue ou à faire toutes sortes de conneries dans son quartier. »
Deuxièmement, le maintien à domicile, c'est bien beau. Sortir les gens des hôpitaux le plus vite possible, on le fait ici au Québec. Demandez aux gens qui ont besoin d'une opération, ils ne moisissent pas dans les hôpitaux, on les renvoi tout de suite à la maison et on ne s'en occupe pas. Prenons l'exemple de la dame de 82 ans et de son mari de 85 ans qui vient de se faire couper une jambe et que l'on retourne chez lui. Le gars pèse 250 livres, la madame en pèse 100 livres. Quels soins ont-ils? Ils ont une infirmière ou un infirmier qui va y aller pour une demi-heure, deux ou trois fois par semaine. Elle fait quoi, elle? Le monsieur tombe par terre, elle est obligée d'appeler la police pour l'aider à le ramasser. Ce sont des aberrations comme celle-là qu'on vit. C'est pour cela qu'on disait tantôt dans le rapport que cela va prendre du financement pour former les bénévoles. Une personne ne peux pas prendre soin de quelqu'un qui sort d'un hôpital si elle n'est pas infirmière ou si elle n'a pas la moindre connaissance des gestes à poser. Il faut donner la bonne pilule au bon moment. Il faut changer le pansement. Il y a des précautions à prendre. Il va falloir commencer par faire l'éducation de nos gens et, après, on parlera des soins à domicile.
À Montréal ou à Québec, il y a un infirmier qui fait du travail de rue. Il va d'une maison à l'autre, à ses frais — il n'est pas rémunéré — pour aller changer des pansements et donner des soins à des personnes. Il y a un médecin à Montréal qui fait du service privé. Il va dans les maisons. Tu l'appelles, comme dans le temps de mon grand-père, et il va aller chez vous. On a besoin de gens comme eux, mais la réalité est tout autre. Ils sont renfermés dans des bureaux et je trouve qu'ils perdent énormément de temps.
J'étais en Floride cet hiver et ma femme a été obligée d'aller à la clinique. Quand tu arrives, c'est un infirmier qui prend ta pression et ta température. Tu n'as pas besoin d'un médecin pour le faire. Alors quand le médecin arrive pour te voir, il a déjà ton dossier. Il sait tout. Il n'a pas perdu une demi-heure. Il prend cinq minutes, donne ta prescription, et bonjour.
C'est cela aussi qu'il va falloir réviser. Ils parlent justement qu'ils veulent que les infirmières d'ici commencent à poser des actes médicaux, mais les infirmières sont surchargées. L'infirmière qui va faire un peu de travail de médecine, je n'ai rien contre, mais elle ne sera pas sur le plancher, elle sera ailleurs dans l'hôpital.
Troisième chose, il y a trop de paperasse. Les médecins, les infirmières et tous les intervenants passent les trois quarts de leur temps à remplir des rapports. On ne me fera pas croire qu'ils en ont besoin autant. Laissez les gens pratiquer la médecine, ce dont ils ont été formés, non pas remplir de la paperasse.
Au Québec, on nous a promis moins de temps d'attente, mais c'est pire que jamais. Il faudra repartir à zéro.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Monsieur Rodrigue, dans votre exposé, vous attirez notre attention sur un problème dont on nous a déjà parlé, mais vous l'avez illustré de façon très pertinente. Vous avez dit que pour Statistique Canada, le seuil de la pauvreté s'établit à 21 665 $. Or, le total combiné du SRG, du RPC et du Régime de rentes du Québec est de 15 800 $. Pas besoin d'en dire plus pour comprendre le problème.
Je voudrais connaître votre opinion au sujet d'un revenu annuel garanti.
Il faut que je vous dise que ce matin, le sénateur Carstairs a signalé à quelqu'un d'autre l'adhésion automatique au SRG. Je ne suis pas du genre à féliciter le gouvernement pour quoi que ce soit, mais je lui accorde le crédit d'avoir commencé à remédier à ce problème.
Le Québec peut s'enorgueillir d'un bilan remarquable à ce sujet car personne ne passe au travers des mailles du filet au Québec, ce qui est très bien. Dorénavant, le gouvernement fédéral inscrira automatiquement les gens admissibles au SRG, sans qu'ils aient à remplir quelque formulaire que ce soit. Par conséquent, ce problème est résolu.
Je veux revenir sur l'écart entre 21 665 $ et 15 800 $. Pensez-vous qu'il faille envisager un revenu annuel garanti, par opposition aux régimes que nous avons présentement?
M. Rodrigue : Que vous ayez 25 ans ou 75 ans, l'argent fait toujours problème. L'argent, c'est la clé. On livre aux gens le message suivant : si vous gagnez moins de 22 000 $ par année, vous allez avoir du mal à joindre les deux bouts. Peut-être êtes-vous déjà dans le pétrin, mais nous allons vous donner seulement 15 000 $, d'accord? Par conséquent, faites ce que vous pouvez pour aller chercher les 5 000 $ manquants. Les personnes malades, ou dont la santé est chancelante, ne peuvent combler cet écart de 5 000 $. Cependant, ils doivent acheter leur lait et leur beurre au même prix que vous et moi. Ils sont tenus de payer leur loyer à la même date que les autres.
Voilà pourquoi nous devons nous occuper de ces personnes âgées. Si nous sommes ici aujourd'hui, c'est à elles que nous le devons, et elles méritent qu'on leur lève notre chapeau. Il faut aussi penser aux gens qui viendront après nous, et ne pas oublier que nous serons âgés nous-mêmes dans quelques années. Par conséquent, ce que nous faisons aujourd'hui, nous le faisons pour eux, mais nous le faisons aussi pour nous. Il faut penser à ceux qui viendront après nous, dans 10 ou 20 ans d'ici.
Dans le cadre de ces études, il faut penser à l'avenir, et voir plus loin que demain car nous pourrions être dans le besoin — ou quelqu'un de notre famille pourrait l'être — dans 15 ans. On ne sait pas ce qui peut arriver.
Ce qui me scandalise, c'est la question de l'argent. Les gouvernements fédéral et du Québec répètent toujours qu'ils investissent; ils ne disent jamais qu'ils gaspillent ou qu'ils jettent l'argent par les fenêtres. Le rapport du vérificateur général fait les manchettes pendant deux jours dans la presse écrite et électronique et après, cela disparaît du radar. Dans son rapport, lorsqu'elle pointe du doigt un ministère où les choses ne vont pas bien, où les dépenses sont excessives, pourquoi les dirigeants de ce ministère ne sont-ils pas convoqués à la Chambre des communes tous les ans pour que l'on puisse savoir, rapport en main, si le problème a été corrigé ou non. Voilà ce qu'on devrait faire. Ce procédé aurait plus de mordant et permettrait de résoudre de nombreux problèmes.
La présidente : Sur cette note, je remercie M. Murray, M. Rodrigue, M. Demers et M. Beaulieu.
[Français]
Honorables sénateurs, passons maintenant à notre dernière table ronde.
Nous avons le plaisir d'accueillir Mme Marie Beaulieu, professeur, service social, Université de Sherbrooke. Je vous souhaite la bienvenue.
Marie Beaulieu, professeure, Service social, Université de Sherbrooke, à titre personnel : Madame la présidente, c'est un plaisir d'être ici, devant vous aujourd'hui.
Je dois vous dire que j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le document que vous m'avez fait parvenir et j'ai compris que l'invitation que vous m'aviez lancée était plus particulièrement en lien avec le programme Villes amies des aînés de l'Organisation mondiale de la santé, donc le programme connu sous le terme Age Friendly Cities.
Si vous le permettez, puisque je suis votre seule présentatrice, je vais quand même vous faire deux petits clins d'œil sur deux autres sujets que vous abordez dans votre rapport et qui m'apparaissent très importants.
Le premier point sur lequel j'aimerais revenir est toute la question de la formation dans le secteur de la gérontologie et dans le secteur du vieillissement de façon plus globale. Ensuite, je vais vous parler d'une thématique de recherche sur laquelle je travaille depuis 20 ans, qui est vraiment au cœur de mes travaux, soit la maltraitance envers les aînés. Vous en parlez dans votre rapport.
Évidemment, je me garde comme dessert tout ce nouveau programme Villes amies des aînés, étant donné que c'est un mouvement international dans lequel le Canada a joué un rôle de leadership.
En ce qui concerne les programmes de formation en gérontologie et dans le domaine du vieillissement, nous avons ici à l'Université de Sherbrooke une maîtrise en gérontologie qui existe depuis une vingtaine d'années déjà, et nous avons aussi un doctorat en gérontologie qui existe depuis maintenant cinq ans. C'est le seul doctorat en gérontologie au monde qui s'enseigne en français et tous nos articles scientifiques sont basés sur la littérature internationale. On travaille beaucoup avec une littérature anglophone, et on reçoit énormément d'étudiants étrangers.
Je vous parle de cela, car c'est pour moi une préoccupation fondamentale. Celle qu'on ne perd pas de vue, quand on traite du vieillissement, qu'on aborde trois volets, c'est-à-dire toutes les dimensions plus biologiques ou santé, et cela, on en entend assez souvent parler, mais il y a aussi les dimensions psychologiques et sociales.
Pour moi, il importe de préparer la relève en recherche parce que dans le champ du vieillissement, bien que depuis une vingtaine d'années il y a eu des investissements en recherche, on se rend compte que cela a été pendant longtemps le parent pauvre, il y avait moins de problématique, moins de thématique. Depuis qu'on fait beaucoup de recherches, on se rend compte que les connaissances arrivent quand même à une vitesse importante.
Je ne voudrais pas vous parler juste de la formation des chercheurs. Je suis aussi rattachée à l'école de service social à l'Université de Sherbrooke, et on a développé depuis deux ans, à l'intérieur de la maîtrise en service social, une concentration en gérontologie. Je vous parle de cela parce qu'il y a vraiment un constat très important.
Les jeunes travailleurs sociaux qui sont en formation, il faut être honnête, s'intéressent en général davantage à l'enfance et à la famille. Ce sont les sujets les plus attirants. En même temps, soyons réalistes, la clientèle des futurs travailleurs sociaux sera majoritairement des personnes âgées.
Je suis toujours frappée, voire même un peu choquée, de me rendre compte que dans la plupart des grandes écoles de service social au pays, le cours d'intervention auprès des personnes âgées n'est même pas un cours obligatoire, c'est un cours au choix. Cela m'apparaît être une erreur fondamentale si on ne présente pas des cursus bien ficelés et attirants pour nos futurs travailleurs sociaux, parce qu'ils vont se retrouver devant des aînés sans avoir une idée de ce qu'est le vieillissement normal et ce qui est le vieillissement pathologique.
Vous conviendrez avec moi qu'en général, vous en parlez dans votre rapport, les gens ont une vision plutôt négative du vieillissement. Il y a toute une section sur l'âgisme que j'ai bien aimée. C'est comme si d'emblée être âgé égal être malade, égal coûteux pour le système de santé et les services sociaux. Évidemment, ce sont pour moi des choses contre lesquelles je me bats tous les jours, entre autres, en valorisant beaucoup plus la participation sociale des aînés, et ce, dans leur juste mesure, et ce, jusqu'à la fin de la vie.
Je vous ai parlé des travailleurs sociaux parce que c'est ce que je connais. Toutefois, je suis en contact avec des professeurs à l'école des sciences infirmières. Je suis aussi en contact avec des gens en médecine, en ergothérapie et en physiothérapie. En fait, pour moi la préoccupation la plus grande quand je vous parle de formation c'est de préparer non seulement la relève en recherche, mais de préparer aussi nos futurs intervenants, donc, ceux qui vont travailler auprès de nous, à bien intervenir auprès des aînés par une connaissance large et exempte de stéréotypes. On a quand même à faire face à de gros défis.
Je vais m'arrêter là pour le volet formation, mais évidemment si vous voulez y revenir, je pourrai vous parler plus des contenus spécifiques de nos formations.
Le deuxième point dont je voulais vous parler, c'est toute la question de la maltraitance envers les aînés. J'ai apporté cet après-midi deux documents, que j'ai déposés en trois exemplaires et qui vous seront remis. Vous n'êtes pas sans savoir qu'on a eu une vaste consultation publique sur les conditions de vie des aînés au Québec, consultations qui se sont faites à l'été et à l'automne dernier, durant lesquelles j'ai eu le plaisir de déposer deux mémoires, un premier sur la maltraitance et le second sur Villes amies des aînés.
Il me fait plaisir de vous remettre à vous aussi ces deux mémoires, en vous disant qu'en six mois, ma pensée a évolué, mais pas suffisamment pour dire que ces documents sont rendus obsolètes.
La maltraitance envers les aînés, c'est une thématique qui est, à mon sens, fondamentale. Cela fait une trentaine d'années qu'on en parle, mais on se rend compte qu'en termes de politiques sociales, d'orientation, je vous dirais même de plan d'action, on a encore beaucoup de chemin à faire. En fait, c'est seulement depuis 2002 qu'on peut dire qu'on a une définition commune de la maltraitance, définition qui a été adoptée dans le cadre d'une convention internationale qui a eu lieu à Toronto.
Cette définition nous permet d'avoir une assise commune où à la fois des chercheurs, mais surtout des personnes âgées, des intervenants, des membres des familles, des planificateurs de politiques sociales et de politiques publiques, peuvent s'entendre et dire qu'on parle de la même chose.
Si on avait une première recommandation à faire, ce serait de s'assurer qu'on ait un vocabulaire commun. Ce n'est pas clair pour tout le monde ce qu'est la maltraitance, la violence et la négligence.
La question de la maltraitance envers les aînés, c'est pour moi la troisième violence entre proches, et c'est celle qui est la moins bien documentée. Je m'explique. On est très avancé en matière de connaissances sur la violence envers les enfants et on s'est donné quand même un certain nombre de moyens, des réponses sociales à ce problème.
On a aussi beaucoup cheminé depuis 20 à 30 ans en matière de violence conjugale, et encore là, on s'est donné des politiques et des plans d'action. On n'a pas fait de la violence conjugale un crime en particulier, mais on s'est organisé pour que le Code criminel soit bien appliqué dans les cas où c'était effectivement nécessaire alors que chez les enfants, comme vous le savez, on a plutôt été vers des lois de protection de la jeunesse.
Le troisième champ est celui de la violence envers les aînés, et c'est un champ qui, pour moi, est nettement plus complexe parce qu'il peut se produire au domicile des aînés, mais il y avait aussi toute cette problématique de la maltraitance envers les aînés en milieu d'hébergement. Donc, autant en maltraitance des enfants, on sait que c'est en général les parents qui sont les maltraitants, autant en violence conjugale on sait que c'est en général le conjoint ou la conjointe qui va être violent ou violente.
Dans le cas de la maltraitance envers les aînés, la complexité est grande parce qu'à domicile, on peut se retrouver dans des situations de couple où soit qu'il y a de la violence conjugale qui se poursuit, mais aussi de temps en temps et cela m'a beaucoup frappée dans certains de mes travaux de recherche, on va voir apparaître tout à coup des formes de violence ou de négligence alors que ce n'était pas dans le portrait du couple. Là, il importe de comprendre ce qui s'est passé.
On a fait un suivi de cas réels pendant un an, et cela nous a permis de cerner que quand une maltraitance s'installe dans un couple et que ce n'était pas là avant, en général, c'est beaucoup relié à la perte d'autonomie d'un des deux partenaires du couple, et l'autre ne sait pas très bien comment composer avec la situation.
Ceci nous ramène aux enjeux, entre autres, du soutien à domicile pour les gens en perte d'autonomie et d'une bonne préparation pour que les aidants soient effectivement en mesure de bien exercer leur rôle.
Je vous parlais des couples. Il y a aussi des enfants adultes ou des petits-enfants qui peuvent maltraiter les personnes âgées, et on voit aussi tout le phénomène de proximité, donc des gens qui sont maltraités par des gens de leur entourage. Cela peut être le voisin qui va faire des courses, qui va acheter une pinte de lait avec un 20 $ et qui revient avec la pinte de lait, mais qui ne remet jamais la monnaie. Je vous donne un exemple banal, mais il y a des cas dramatiques de personnes âgées qui sont littéralement dépossédées de leurs biens, de leurs finances par leurs proches.
En institution, il y a deux volets qu'il faut regarder. Quand on jette un regard pancanadien, on peut vraiment s'outiller ensemble à travers des orientations en santé. Ce sont toutes les questions plus organisationnelles, c'est-à-dire qu'est-ce qui est un milieu d'hébergement acceptable et comment on peut s'assurer qu'il y ait un certain contrôle de la qualité. Quand on se dit ça, il faut regarder les politiques organisationnelles et les horaires, entre autres.
L'exemple que je donne souvent, qui est pour moi un exemple choquant, c'est le fait que chaque quart de travail soit responsable de l'administration d'un repas, ce qui veut dire que les employés de nuit vont se charger du petit-déjeuner, les employés de jour de l'heure du lunch, et les employés de soir du repas, donc, le souper.
Ce qui me choque énormément est de se rendre compte que des employés de nuit, qui finissent à 7 h 30 ou 8 heures, vont se mettre à lever des personnes âgées à 5 heures ou 5 h 30 le matin pour avoir le temps de les vêtir, de les faire manger et d'avoir serré les plateaux avant que les employés de jour arrivent. Dans ces cas-là, pour moi, ce ne sont pas les intervenants qui sont fautifs, mais bien nos pratiques de gestion et nos pratiques d'organisation de ces milieux où on se targue depuis longtemps de dire que nos milieux d'hébergement sont des milieux de vie, mais on se demande des fois jusqu'à quel point c'est un vrai milieu de vie.
Il y aussi en milieu d'hébergement toute la problématique qu'il faut regarder d'un personnel qui est mal formé et mal encadré. Il y a beaucoup de gens qui travaillent dans nos milieux d'hébergement et qui n'ont jamais eu de formation en gérontologie ou en gériatrie, même des gens qui n'ont même pas la formation de préposés aux bénéficiaires dans laquelle ils apprennent un certain nombre d'informations.
C'est comme si on s'est moins préoccupé du professionnalisme ou de la qualité de formation de ce personnel que de celui, par exemple, de la qualité de la formation du personnel dans les garderies, où on est nettement plus sévère par rapport au profil et par rapport aux connaissances des gens. Je pense que là-dessus, on a un travail fondamental à faire.
Je pourrais en dire encore beaucoup. Ce qu'il m'importerait de dire quand on jette un regard pancanadien, c'est de souligner l'importance de pouvoir s'outiller et de bien se soutenir. Il y a actuellement quand même un réseau, qui s'appelle le Canadian Network for Prevention of Elder Abuse, CNPEA, qui fait un travail extraordinaire. On dira toujours qu'il est trop peu financé et demande trop de bénévoles. Je pense qu'il faut soutenir ce genre d'initiative, continuer aussi à soutenir différents projets de recherche pour mieux comprendre ce qui se fait, mais surtout de favoriser de plus en plus des pratiques d'intervention novatrices dans lesquelles on va savoir ce qui marche et ce qui ne marche pas pour bien accompagner les personnes âgées.
Je vous dirai aussi qu'on a développé, avec les années, des outils d'intervention. Moi-même j'ai développé un outil d'intervention avec lequel je forme des travailleurs sociaux pour qu'ils puissent faire un suivi clinique efficace. J'ai un collègue médecin de Montréal a développé un outil de dépistage qui se fait dans le cabinet du médecin. Il existe quand même une relation privilégiée entre le médecin et la personne âgée parce qu'en général, une personne âgée va voir son médecin de quatre à six fois par année, donc il y a toute une relation de confiance où le médecin a un rôle à jouer. Il est évident que le médecin ne fera jamais le suivi, parce que ce sont des intervenants psychosociaux qui le font.
Donc, cela nous ramène, et je vais conclure là-dessus pour mon dossier maltraitance, à toute l'importance de bien soutenir les réseaux intégrés de services où il y a de la collaboration interprofessionnelle, mais surtout dans lesquels la personne âgée est bien accompagnée et n'est pas oubliée en cours de route. Dans le fond, il n'y a rien de pire que de faire un dépistage et de rien offrir. C'est juste plus désespérant pour tout le monde.
J'arrive à mon troisième sujet, Villes amies des aînées. C'est un projet extraordinaire parce qu'il nous permet de jeter un regard sur les personnes âgées là où elles vivent, dans une perspective d'améliorer leurs conditions de vie.
Il y a trois grands thèmes à Villes amies des aînés : premièrement, de vieillir en santé tout en restant actif, et la notion d'activité va se moduler en fonction des capacités de tous et chacun; deuxièmement, c'est toute cette notion de participation, donc l'intégration sociale des aînés; troisièmement, ce qui me préoccupe aussi c'est toute cette notion de sécurité. Pour que des gens soient en santé et qu'ils puissent participer, ils doivent se sentir en sécurité.
Il y a un guide mondial des Villes amies des aînés qui est sorti le 1e octobre dernier, c'est pour cela qu'on dit que c'est tout nouveau. Pour monter ce guide mondial, de la recherche sur le terrain a été faite dans 33 villes au monde et, par bonheur, ma collègue Suzanne Garon et moi-même avons réalisé la recherche sur le terrain ici à Sherbrooke. Donc, Sherbrooke est l'une des 33 villes pilotes au monde, ce qui est très agréable. Il y avait quand même trois autres villes canadiennes.
J'ai aussi déposé le mémoire que Suzanne Garon et moi avions remis. Je vais reprendre les grands éléments qui sont pour moi fondamentaux.
Le premier est toute l'importance de regarder là où les gens vivent en termes de pivot de leur activité humaine, mais aussi toute la notion du progrès. On a souvent associé la question du vieillissement de façon plus importante aux pays développés, et le projet Villes amies des aînés nous a permis de nous rendre compte que l'accélération du vieillissement est un phénomène présent à travers le monde et même dans les pays en voie de développement.
Ce qui compte ici est d'adapter les villes aux besoins des aînés afin qu'on puisse relever ensemble le défi du vieillissement démographique. Le programme s'est au départ intéressé aux grandes villes en disant que les grandes villes ont des ressources humaines, économiques et sociales nécessaires pour effectuer des changements novateurs afin que les aînés puissent bien y vieillir.
On a aussi dit que les grandes villes sont souvent des pôles d'attraction parce que très souvent les gens en vieillissant peuvent avoir tendance à se rapprocher des services, donc, des grands centres.
Ce qui nous caractérise au Canada est que, bien que nous soyons tout à fait réconciliés avec l'approche Villes amies des aînés sur les grandes villes, l'argent a été donné à des villes beaucoup plus petites. Quand on regarde une ville comme Saanich, par exemple, ou Portage-La-Prairie ou encore une ville comme Sherbrooke avec 150 000 habitants, et qu'on compare les résultats avec, par exemple, Tokyo, Londres ou Shanghai, on se rend compte qu'on était dans des villes qui, en termes démographiques, étaient très peu comparables.
Par contre, la richesse de ce projet c'est justement la façon dont on a abordés les huit thèmes. Les conclusions d'une ville à l'autre sont exactement les mêmes.
Villes amies des aînés, c'est se préoccuper, en fait, de huit grandes dimensions dans la vie des aînés :
Commençons par les espaces extérieurs et les édifices. On pense ici à des questions d'aménagement ou de design urbain et à la possibilité pour les aînés d'y accéder. En termes d'espaces extérieurs, on pense, entre autres, à nos hivers canadiens et à la possibilité pour les aînés de pouvoir se mouvoir l'hiver sur des trottoirs déblayés. Certaines municipalités n'ont pas de trottoirs.
Il est ressorti plusieurs d'exemples sur la question des édifices. Un des exemples donné ici à Sherbrooke et qui est ressorti ailleurs était l'accessibilité dans certains lieux où souvent les portes sont très lourdes et où il se forme souvent courant d'air, un sas, où les gens ont de la difficulté à entrer. Donc, il faut une ville dans laquelle tous nos espaces sont plus accessibles.
La deuxième dimension est la question du transport. Pour participer socialement, il faut pouvoir se déplacer. Bien sûr, pour un certain nombre de personnes âgées il y a encore l'usage de l'automobile, mais pour d'autres à un moment donné des circonstances peuvent arriver où on leur retire leur permis de conduire, ce qui fait en sorte qu'on doit se préoccuper d'un transport pour ces personnes âgées. Ce serait important que nos transports publics accommodent les personnes âgées pour ne pas toujours les associer à du transport adapté. C'est un peu irréaliste que de penser que tous les aînés ont besoin du transport adapté. Il y a d'autres alternatives.
Je vous dirais qu'à Sherbrooke, la question du transport avait soulevé beaucoup de questions que vous retrouverez dans notre rapport et que vous explique. Il y a quelques mois avant qu'on fasse notre enquête, on a eu un changement important dans la structuration du transport en commun et les gens ne s'y retrouvaient plus. Donc, ils n'étaient plus capables de circuler, de savoir à quel endroit et à quelle heure ils pouvaient prendre une correspondance pour aller ailleurs.
La troisième dimension est celle du logement. Donc, toute la question d'avoir un logement adapté et adéquat pour les aînés dans lequel ils se sentent en sécurité.
La quatrième dimension concerne la question du respect et de l'inclusion sociale. Là, on rejoint à nouveau toute votre question de l'âgisme, qui est fondamental.
La cinquième dimension est celle de la participation sociale, donc, reconnaître que les aînés sont des contributeurs au développement de notre société.
La sixième dimension concerne la communication et l'information. Les aînés insistent beaucoup en disant, « Adressez-vous à nous dans un langage qui est clair, ayez un gros caractère. » Vous ne serez pas surpris d'entendre toutes les critiques qu'ils ont faites sur les fameuses boîtes vocales qu'on attrape quand on appelle un peu partout, et je suis convaincue que nous tous sommes très irrités quand on se frappe à cela, et c'est souvent pire pour des personnes âgées qui ont, entre autres, un problème visuel ou un certain problème de dextérité.
La septième dimension, c'est toute la notion de la vie communautaire et de l'emploi. Comment des personnes âgées, qui veulent rester en emploi, peuvent être ou non intégrées?
La dernière dimension, mais non la moindre, est toute la notion du soutien communautaire, le soutien qu'on donne à ceux qui sont en plus grande perte d'autonomie, et toute l'accessibilité aux services de santé.
J'écoutais les témoignages précédents pour me rendre compte que la question de la santé c'est toujours une question transversale; on retrouve beaucoup de préoccupations sur le fait d'avoir un médecin de famille, avoir accès aux services, pouvoir se déplacer pour avoir les services, et cetera.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Premièrement, permettez-moi de vous dire à quel point nous sommes impressionnés par la qualité du corps professoral à l'Université de Sherbrooke. On nous a vanté l'Université de Sherbrooke pendant notre visite à Moncton, au Nouveau-Brunswick.
Vous avez dit que vous aviez mis au point un outil d'intervention. J'aimerais que vous nous en parliez davantage.
[Français]
Mme Beaulieu : L'outil s'appelle ENMAIN une abréviation pour enjeu, intervention, maltraitance, et aînés, donc il y a un jeu de mots là-dedans. L'outil vient d'être traduit et validé en anglais, donc il s'appelle INHAND. C'est un outil qui permet aux intervenants psychosociaux de s'assurer d'accompagner de façon très claire la personne âgée à travers tout son cheminement en termes de maltraitance.
Cet outil, je l'ai développé à la suite de nombreux travaux. Je me suis rendu compte, entre autres, que le plus grand défi des intervenants quand ils travaillent en maltraitance aînée c'est d'équilibrer leur approche; s'ils respectent l'autonomie de la personne âgée, donc, son autodétermination, et parfois, respecter son autonomie. Cela peut même vouloir dire que quand la personne me raconte, « Je te le dis, mais je ne veux pas que tu fasses quelque chose. » dans ce contexte-là, l'intervenant peut accepter la parole de l'aîné et dire : « Je ne suis que quelqu'un qui écoute et pour l'instant j'attends qu'elle me demande de faire quelque chose », versus l'autre enjeu, qui est tout l'enjeu de la protection.
Il y a des situations graves dans lesquelles on doit intervenir. Il y a des cas où on doit passer à une hospitalisation d'urgence; il y a des cas où on doit penser à une évaluation en matière d'aptitude/inaptitude pour éventuellement aller vers la mise en place d'un régime de protection, et cela, c'est particulièrement quand il y a des pertes cognitives.
Mon outil répertorie trois modèles d'intervention à la lumière des deux valeurs que je viens de vous donner : le premier, comment idéalement accompagner la personne âgée à travers toutes sortes d'étapes, et deuxièmement, comment, par moments, accepter qu'elle ne veuille pas qu'on intervienne, mais de rester en renfort et à l'écoute pour souhaiter qu'elle bascule vers un côté plus intervention; troisièmement, de l'autre côté, dans quel cas on est justifié d'appliquer des mesures plus drastiques, dont, par exemple, l'appel à la police, l'hospitalisation d'urgence, et cetera.
Avec cet outil, je forme actuellement des intervenants du réseau de la santé et des services sociaux au Québec. J'ai formé plusieurs groupes déjà. Mon outil a été répertorié par un réseau pancanadien, dont vous avez peut-être entendu parlé, qui s'appelle le Réseau NICE, National Initiative for the Care of the Elderly, sous la direction de Lynn MacDonald de l'Université de Toronto.
À l'intérieur de ce réseau, on a traduit mon outil en anglais et on va maintenant commencer à l'implanter dans d'autres parties du Canada.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : Je veux discuter du projet des Villes amies des aînés. Mes collègues m'ont entendu dire que l'aspect politique entre en jeu dans ce projet. Si l'on veut faire avancer le dossier des villes amies des aînés, il nous faudra modifier la terminologie car en réalité, les gens qui prennent les décisions ne sont pas nécessairement des gens qui vivent en milieu urbain. Certains d'entre nous ont appris à la dure que le terme « villes » fait problème, et c'est pourquoi nous avons commencé à employer l'expression « collectivités amies des aînés ».
Vous avez parlé de Saanich, et aussi de Sherbrooke. Sherbrooke est une ville. Si Saanich est une ville, c'est une toute petite ville. Je ne sais pas comment on peut commencer à changer cela. Je sais que sur la scène internationale, la discussion porte sur les villes amies des aînés, mais au Canada, on insiste sur le volet communautaire.
Lorsque le gouvernement précédent a présenté son programme à l'endroit des municipalités, notamment le transfert de la taxe sur le carburant, cela a causé un énorme problème interne car un grand nombre de nos collègues qui ne vivaient pas dans les villes se sont sentis exclus. La terminologie fait donc problème.
Je ne sais pas trop comment lancer pareille initiative, et j'aimerais avoir votre avis à ce sujet.
Quelqu'un a dit tout à l'heure qu'on pourrait peut-être trouver quelques endroits au pays, des communautés de petite, moyenne et grande tailles, dans lesquelles on pourrait essayer de mettre en oeuvre le concept des « communautés amies des aînés ».
Faut-il désigner ces localités pour que l'on puisse dire au reste des Canadiens voilà ce que nous avons fait à Sherbrooke voilà ce que nous avons fait à Lunenburg, voilà ce que nous avons fait à Saanich? Faut-il désigner des localités pour montrer aux Canadiens ce qui fonctionne et ne fonctionne pas?
Quelqu'un doit plonger. Il faut que quelqu'un fasse le saut et assume les inévitables erreurs qui surviendront pour que les autres collectivités ne les fassent pas.
Pensez-vous que c'est une proposition viable?
[Français]
Mme Beaulieu : J'adore votre question. Le premier élément de réponse est un peu plus politique : vous avez tout à fait raison. Au Canada, les pouvoirs municipaux sont assez limités, alors que dans d'autres pays du monde ce n'est pas le cas. Quand je regarde chez mes collègues en France, dans les municipalités françaises, il y a là un élu responsable du dossier des aînés qui va faire les politiques de la vieillesse pour sa propre ville.
Je pense qu'ils sont allés sur un concept où l'on a dit, voyons là où les gens vivent. Ils vivent dans des villes prioritairement, donc ils ont pris ce terme. Très rapidement, le Canada s'est dispensé de cela, même si on a gardé le terme.
Il y a eu aussi un investissement de Santé Canada pour faire une étude dans ce qu'ils ont appelé « remote and rural communities ». On a donc accepté de dire, il faut regarder là où vivent les aînés, et quand ils ne vivent pas dans des villes, il faut aussi s'en préoccuper.
Je serais tout à fait à l'aise avec l'idée de changer éventuellement le thème. Il faudrait juste que je réfléchisse à quel terme on peut prendre, mais je suis quand même très favorable à l'idée de « communauté », parce que c'est englobant.
L'idée d'implanter le programme dans un certain nombre de villes, qu'on pourrait appeler des « pilotes » pour voir comment cela fonctionne, j'ai le bonheur de vous annoncer qu'on est en train de le faire au Québec. Le Secrétariat aux aînés du Québec vient d'investir 2,5 millions de dollars pour implanter le programme dans sept communautés différentes au Québec. C'est un projet de recherche-action et de recherche évaluative qui va durer cinq ans.
Il y a sept villes pilotes, et ma collègue Suzanne Garon et moi, qui avons fait l'étude initiale, avons été embauchées pour faire l'encadrement de recherche là-dessus.
On tente donc l'initiative, et je dois vous dire qu'il n'y a pas que de grosses villes, de toute façon, il n'y a pas de villes si énormes que cela au Québec à part quelques-unes. Alors, il y a vraiment des villes de tailles très différentes. Dans une région, on a pris un ensemble de petits villages qui travaillent ensemble et on appelle cela, justement, une Région amie des aînés, plutôt qu'une Ville amie des aînés.
C'est tout nouveau. Ce projet à a commencé le 1er avril dernier. On est dans les premiers balbutiements, mais il y a une intention et une volonté d'aller de l'avant tellement on considère que c'est un programme qui est intéressant.
C'est sûr qu'on va faire des erreurs et c'est sûr qu'on va faire de bons coups, et notre rôle de chercheurs sera de faire les analyses comparatives pour tirer des savoirs plus globaux.
[Traduction]
Le sénateur Mercer : J'aime le choix du terme « collectivité » ou « région », peu m'importe, pourvu que l'on ne parle pas de « ville ».
Vous dites que le projet pilote au Québec se déroule dans sept localités. Vient-il tout juste de commencer en avril?
Mme Beaulieu : Oui.
Le sénateur Mercer : En posant ma prochaine question, je voulais savoir comment les choses allaient. Il est manifestement trop tôt pour le savoir maintenant.
Est-ce 2,5 millions?
Mme Beaulieu : Oui, 2,5 millions sur cinq ans. Il y a aussi des fonds de démarrage pour aider les localités à mettre sur pied des activités, ainsi que des fonds pour la recherche afin de nous permettre d'évaluer le déroulement du projet.
Le sénateur Mercer : Autrement dit, il faudra attendre cinq ans pour voir le résultat.
Mme Beaulieu : Non, pas exactement. À la fin de la première année, nous aurons les premières données et nous serons en mesure de faire des comparaisons et de livrer certains résultats.
Le sénateur Mercer : Je vous demanderais de garder le comité à l'esprit lorsque vous divulguerez vos résultats car même si nous aurons rédigé notre rapport à ce moment-là, notre intérêt pour cette question sera toujours aussi vif.
Le sénateur Keon : Je voudrais revenir sur la question de la maltraitance des aînés. Comme je suis pragmatique, permettez-moi d'utiliser l'exemple d'un couple de personnes âgées qui sont dépendants l'un de l'autre aux plans social et financier, compte tenu de la façon dont le système fonctionne. Advenant qu'il y ait maltraitance, il faudra régler le problème, ce qui signifie sans doute qu'il faudra les séparer.
Ce qui m'intéresse, ce n'est pas tellement ce qu'on peut faire, même si j'aimerais que vous m'en parliez, mais surtout ce que l'on ne peut pas faire. Je veux savoir quelles sont les lacunes de l'infrastructure sociale qui vous empêchent d'intervenir et de régler le problème?
[Français]
Mme Beaulieu : Vous prenez l'exemple spécifique d'un couple. Pendant longtemps, on a pensé qu'on devait appliquer les politiques en matière de violence conjugale aux différents couples, peu importe l'âge des partenaires. On s'est rendu compte que pour l'instant cela ne fonctionne pas. C'est une des choses à ne pas faire.
Entre autres, quand on amène, par exemple, une femme âgée maltraitée dans un milieu d'hébergement pour femmes victimes de violence conjugale, les femmes âgées ne se reconnaissent pas, parce que très souvent les femmes qui sont là sont des femmes beaucoup plus jeunes avec de jeunes enfants, donc ils sont dans une autre phase de leur vie. Souvent, l'approche qu'on va prendre auprès d'elles, qui est une excellente approche est une approche d' « empowerment », donc de reprendre le contrôle sur sa vie et éventuellement de sortir de la relation.
On se rend compte chez les gens âgés que c'est très rare les gens qu'ils veulent mettre fin à la relation, surtout quand il y a eu de la violence conjugale depuis longtemps. Si les gens ont été dans cette situation pendant 50, 60 ans, on ne peut pas arriver et dire que la solution est de travailler sur un bris de la relation.
C'est tout un travail à ce moment-là d'encadrement et de médiation, où on doit travailler avec un intervenant qui soit obligé de faire la part des choses et, entre autres, amener chacun des partenaires à mieux exprimer ce qu'il vit, pour essayer de trouver des solutions, mais des solutions dans lesquelles les deux sont bien.
Je vous dirais que la difficulté que les intervenants disent le plus souvent, et cela fait partie de nos problèmes d'infrastructure, c'est : « je ne me sens pas toujours outillé, je ne sais pas exactement, je ne comprends pas bien les dynamiques chez les couples âgés, mais quand je m'investis, je sais que cela va me prendre beaucoup de temps ».
En général, tout le réseau public de services sociaux demande aux intervenants d'intervenir avec une certaine rapidité, donc on s'attend à ce qu'on ouvre des dossiers, mais aussi qu'on en ferme, que les dossiers ne restent pas toujours ouverts. Les intervenants nous disent, que dans nos structures, « on nous demande d'intervenir, mais on ne nous donne pas le temps ni les moyens pour le faire comme il le faut ».
Je pense que le message qu'il faut passer est que l'intervention dans ces dossiers est complexe et, en raison de sa complexité, cela prend du temps et une certaine expertise. Et dans chacun des milieux, je vous parle toujours plus du réseau public, mais quand même cela s'intéresse au communautaire, on devrait avoir un ou une spécialiste mieux formé qui puisse soit prendre les cas ou, du moins, coacher, encourager et bien guider les autres intervenants. Et cela manque. Donc, ce serait déjà un pas qu'on peut faire.
[Traduction]
Le sénateur Keon : Vous confirmez donc qu'à l'heure actuelle, il n'existe pas d'infrastructure pour régler ce type de problème.
[Français]
Mme Beaulieu : On n'a certainement pas toute l'infrastructure nécessaire, je vous le confirme.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup. Vous avez confirmé certains témoignages que nous avons entendus antérieurement au sujet de la réaction face aux sévices physiques, si vous voulez. Cela dit, je m'inquiète aussi d'autres types de maltraitance qui surviennent parmi les personnes âgées, soit les mauvais traitements dans les centres de soins de longue durée et à domicile.
Vous avez évoqué cela très brièvement : la personne dépendante est frustrée parce qu'elle est en perte d'indépendance, et l'aidant naturel, homme ou femme, n'a absolument aucune formation pour traiter avec cette personne qui, à vrai dire, a besoin d'une aide spécialisée.
J'ai vécu cette expérience dans ma propre famille lorsque mon père a été victime d'un accident vasculaire cérébral. En l'occurrence, ma mère avait une formation d'infirmière. Elle possédait donc l'expertise nécessaire pour lui prodiguer des soins physiques. Mais je me souviens que mon père m'a dit un jour avec beaucoup de tristesse : « Vivian n'est plus ma femme, elle est mon infirmière. »
J'aimerais que vous commentiez cette situation.
[Français]
Mme Beaulieu : Vous touchez à une problématique que plusieurs refusent encore de regarder, et je suis contente que vous la nommiez. Je vais vous répondre par une anecdote qui l'illustre bien.
Il y a ici au Québec un cinéaste du nom de Gilles Carle, qui souffre de Parkinson très avancé, et qui est très dépendant, et qui est marié depuis plusieurs années déjà, avec une comédienne beaucoup plus jeune que lui. Et, contrairement à tous les préjugés qu'on peut entendre, cela fait un couple très heureux et très uni. Monsieur Carle est donc dans un état de très grande dépendance et Mme Sainte-Marie, qui est son épouse, parle au nom des aidants naturels et raconte régulièrement tout ce que cela veut dire que de prendre soin d'un conjoint. Elle a raconté, et cela m'avait beaucoup touchée, comment à un moment donné, elle a accepté que des employés viennent à la maison pour lui donner son bain, pour le vêtir, et pour faire un certain nombre de tâches plus instrumentales, parce qu'elle s'est dit : « À partir du moment où je ne faisais que cela, je n'étais plus la conjointe de Gilles Carle, j'étais devenue uniquement son aidante, et il n'y avait plus d'espace pour ce qui nous lie, c'est-à-dire être avant tout un couple ».
Quand je vous entends mentionner cela, je me dis que oui, vous allez dans le même sens que les témoignages de Mme Sainte-Marie, et je pense que cela nous ramène à toute l'importance d'offrir des infrastructures de soutien à domicile qui répondent vraiment aux besoins des personnes qui sont des aidants.
Le Dr Hébert, que vous avez rencontré ce matin, a dû vous dire qu'avec les études qu'il a faites, actuellement dans le réseau public, on répond à peine à 10 p. 100 des besoins des aidants et des personnes qui ont besoin d'aide. Cela veut dire qu'il y a 90 p. 100 des besoins qui sont non comblés, sur lesquels on compte énormément sur les proches, et ce, si on ne donne pas de soutien aux proches, c'est vraiment pour moi une spirale infernale et cela nous amène vraiment vers un bas fond.
Je ne vous dis pas que nécessairement ces situations-là vont toujours entraîner de la maltraitance, mais il peut arriver que dans ces contextes-là, il y ait certaines formes de négligence, et à ce moment-là il ne faut pas jeter le blâme non plus sur les aidants. Quand on se retrouve avec des aidants épuisés, mal soutenus, ce sont des choses qui peuvent arriver. Cela n'explique pas toutes les situations, mais cela explique certaines situations, et c'est d'une très grande tristesse.
[Traduction]
La présidente : C'est intéressant parce qu'au départ, les infirmières de l'Ordre de Victoria venaient s'occuper de lui et l'aider. Mais ma mère estimait qu'elles ne faisaient pas bien leur travail. Elle avait été formée selon des méthodes traditionnelles. Elle a donc assumé les traitements de physiothérapie et d'orthophonie de mon père. Elle a fini par s'occuper de tout.
Mon père est mort en mai 1980, et ma mère est morte en décembre de la même année. Elle est morte d'épuisement. Je pense que, trop souvent, c'est ce qui arrive lorsqu'un partenaire prodigue des soins à l'autre. Elle n'avait que 73 ans, mais son coeur était faible et la situation n'a fait qu'aggraver sa condition.
Si nous faisons une recommandation en faveur de la mise sur pied d'un programme national de soins à domicile — ce que j'espère —, cela va-t-il faciliter cette formation, donner un peu de répit aux aidants naturels?
[Français]
Mme Beaulieu : Je pense que tout investissement dans des programmes de soutien à domicile est le bienvenu.
Quand vous revenez à la situation particulière de votre mère, ce que j'entends aussi et qui m'apparaît important est que les proches aidants doivent se sentir partenaires des décisions qu'on prend et de la façon dont les services sont donnés. Votre mère n'a probablement jamais eu l'occasion de s'exprimer ou de participer aux décisions, et pour elle à un moment donné, c'était peut-être plus facile de dire « Je refuse les services et je le fais », plutôt que de se sentir part d'une équipe qui voulait le bien, le plus longtemps possible, de son conjoint.
Donc, cela nous ramène encore sur une question de formation de nos intervenants. Ce n'est pas tout d'offrir des services, il faut savoir les offrir et savoir se faire partenaire avec les gens. Et l'on n'insistera jamais assez là-dessus, dans la formation de nos intervenants. C'est toute la dynamique relationnelle et la capacité d'entrer en dialogue avec les gens.
[Traduction]
La présidente : Merci, sénateurs, et merci, madame Beaulieu, pour votre excellente intervention. Je suis très heureuse que vous nous ayez communiqué ce chiffre de 10 p. 100 car le Dr Hébert ne l'avait pas fait ce matin. Il est extrêmement important pour nos délibérations que vous ayez pu faire consigner cela au compte rendu.
[Français]
Mme Beaulieu : Cela me fait grandement plaisir, et bonne continuation dans vos travaux.
[Traduction]
La présidente : Honorables collègues, nous allons commencer ce que nous appelons notre assemblée publique.
Tout d'abord, je souhaite la bienvenue au microphone à Monique Joyal-Painchaud, qui a été très patiente toute la journée. Elle est restée assise à écouter.
[Français]
Monique Joyal-Painchaud, à titre personnel : Madame la présidente, j'aimerais parler de la recommandation 66 sur les aidants naturels. J'ai connu une famille où il y avait le parent, un homme de 92 ans, et sa femme. À un moment donné, ils ont eu besoin d'aide. C'est le fils, qui a quitté sa maison pour venir aider son père, qui a été obligé de vendre sa maison pour payer des frais à la cour. Finalement, il a dépensé tout l'argent de la maison, et n'était pas dans le même milieu non plus.
S'il avait reçu un salaire comme quelqu'un qui travaille dans un hôpital ou dans une institution, il aurait eu un salaire toutes les semaines, ce qui lui aurait permis de se tenir à flot sans épuiser tout son argent et se retrouver le bec à l'eau à un moment donné.
Il y a des propositions qui ont été faites pour les aidants naturels, mais si on paye quelqu'un dans une institution, l'aidant pourrait aussi avoir un salaire parce que c'est plus que 40 heures semaine, c'est 7 jours/semaine. Je pense que pendant toute la période où ils sont aidants, ils devraient avoir un salaire, peut-être pas 20 $, 30 $ l'heure, mais au moins 8 $ à 10 $ l'heure pour une semaine de 40 heures.
C'est ce que je voulais dire. Autrement, ils sont généreux, mais ils se retrouvent dans des conditions difficiles.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup de cet ajout très nécessaire à ce que nous avons déjà entendu. Il est utile pour nous de prendre connaissance d'histoires personnelles comme la vôtre.
J'aimerais maintenant inviter a microphone Gilles Grenier.
[Français]
Gilles Grenier, à titre personnel : Sur l'heure du dîner, je lisais dans le Journal de Montréal, concernant les coûts des médicaments des Québécois; ils dépensent environ 832 $ par année pour des médicaments, et la majorité des médicaments ont tous de graves effets secondaires.
J'ai une amie qui a la scoliose de la colonne vertébrale. Elle a travaillé avec un couple qui avait l'Alzheimer. C'est étrange, mais le couple a eu la maladie en même temps. Elle travaillait plusieurs heures, elle voulait montrer qu'elle était capable de travailler, mais ce qui est arrivé c'est que quand elle a laissé, elle n'était plus capable de porter les mêmes vêtements. Sa scoliose avait bougé, le médecin disait d'environ 55 degrés. Moi, je lui ai fourni ce qui était nécessaire, mais il fallait qu'elle voie un orthopédiste à l'hôpital Sacré-Cœur à Montréal, un Dr Morin. Finalement, elle essayait un anti-inflammatoire parce qu'elle avait des douleurs énormes, elle ne pouvait pas dormir la nuit. Durant la journée, cela tombe sur le système nerveux quand quelqu'un ne dort pas la nuit. Il lui prescrivait un anti-inflammatoire par-dessus anti-inflammatoire, et elle avait toujours des douleurs. Même au niveau du bras gauche, c'était comme s'il était en train de paralyser. Elle prenait de la vaisselle et elle risquait de l'échapper. Elle s'appelle France et je lui ai dit, « Tant qu'à faire, France, tu es aussi bien de prendre de l'alcool à 94 p. 100. » Vous savez, les vieux en prenaient. Ils se fichaient des anti-inflammatoires. Mon père, lui, c'était ce qu'il prenait. Il n'allait jamais à l'hôpital, il n'allait jamais voir de médecins, et pourtant il est décédé à 83 ans, et ma mère est décédée à 87 ans. Mon grand-père était fermier et, pour faire une journée de travail, prenait un petit verre de Gin le matin et cela lui donnait du « pep ». Il fonctionnait et il n'est à peu près jamais allé à l'hôpital. C'est juste à l'âge de 83 ans qu'il a été obligé d'aller à l'hôpital.
J'ai dit à mon amie de voir le Dr Clark qui était sur la rue Dufferin auparavant et il travaillait au Sherbrooke Hospital. C'était un très bon médecin de famille et c'était son médecin de famille. Il lui a prescrit du Revitolus (ph), des ampoules buvables. Il y en a une qui est noire, c'est des glandes animales, et une autre c'est 1 000 mg de vitamine C. Quelqu'un prend cela le matin à jeun avec un peu d'eau. Moi, j'ai rajouté 2-3 gouttes d'eau bénite. Je sais comment faire de l'eau bénite. Le Revitolus était prescrit pour des gens qui avaient subi une opération chirurgicale, pour les renforcer, pour les sortir le plus vite des hôpitaux. Cela renforce énormément. Moi-même, j'ai commencé à en prendre, et on dirait que cela donne une voix plus harmonieuse, et je me sens plus fort en plus. Un peu plus, je me prendrais pour Hercules, le dieu de la musculature, « Herculez-vous, on avance ».
En tout cas, advienne que pourra, je pense qu'il faut diminuer le coût des médicaments et éviter le plus possible d'effets secondaires. Si les gens ont trop de douleur, un bon coup d'alcool à 94 p. 100, pas pour se mettre « paf », et en fin de compte, vous oubliez bien des douleurs avec cela.
[Traduction]
La présidente : Merci, monsieur Grenier.
Quelqu'un d'autre veut-il prendre la parole?
[Français]
André Fréchette, à titre personnel : Je suis membre de l'Association communautaire de Sherbrooke, qui oeuvre pour les personnes de 50 ans et plus. On s'occupe d'un centre d'activités, un centre qui organise des activités physiques, culturelles et éducatives. On a aussi le volet Popotte roulante, qui permet de livrer 325 repas tous les jours dans la grande ville de Sherbrooke. Nous, on dit que c'est grand, Sherbrooke, 150 000 de population. À chaque midi, 5 jours/ semaine, on va livrer entre 325 et 350 repas.
Quand j'ai reçu votre document, votre rapport provisoire, j'ai été très intéressé par la première option, qui était d'accorder un crédit d'impôt pour les bénévoles. Moi, je suis bénévole depuis huit ans. J'ai eu la chance de prendre une préretraite quand même très intéressante, mais il y a beaucoup de mes collègues qui sont chauffeurs et qui utilisent leur propre auto pour faire la livraison des repas. Avec le coût de l'essence, les gens qui font cette activité bénévole, reçoivent une compensation d'à peu près de 7 $ à 8 $ pour faire 30-40 km de livraison. Donc, c'est très peu et cela fait en sorte qu'on a beaucoup de difficulté à avoir des bénévoles, même si on leur donne une petite compensation.
Ce serait important, parce qu'on s'aperçoit que les baby-boomers, les gens qui ont eu le privilège d'avoir de bons emplois, lorsqu'ils deviennent retraités, ont beaucoup d'autres projets à faire, des projets personnels, des travaux sur leur maison, des voyages, des nouveaux sports qu'ils veulent maîtriser. Donc, un crédit d'impôt serait très important.
Il y a une autre de vos options qui est très importante, celle où vous parlez d'aidants naturels.
Aujourd'hui, par exemple, avant de venir ici, entre 10 h 30 et midi, j'ai livré 30 repas exactement. Ce qui m'attriste c'est de voir des gens qui sont seuls. Les personnes âgées à qui on va porter les dîners ne sont pas misérables, mais ce qui est dommage est de voir que ce n'est pas un de leur enfant qui vient leur porter le repas, c'est un étranger.
Il y a un cas où il y a un homme de 40 ans qui vient dîner avec sa mère tous les jours. Il n'a pas le temps de lui préparer un repas. Lui-même s'apporte un lunch, et il le mange avec sa mère. Moi, j'arrive et je donne le repas chaud à sa mère. Je trouve cela triste que ce gars-là ne puisse pas avoir un crédit d'impôt pour venir préparer lui-même le repas à sa mère, ou bien juste être là pour le recevoir et ne pas être pénalisé pour son emploi.
Aujourd'hui, comme voltigeur, j'avais un étudiant de l'Université de Sherbrooke, un Sénégalais, que j'initiais au travail de bénévole, et cet étudiant du Sénégal me disais : « Monsieur Fréchette, je trouve cela extrêmement triste de voir la réalité que vous m'avez montrée aujourd'hui, 30 personnes âgées chez elles, seules, sur l'heure du midi. Dans mon pays, on est pauvre, mais on ne verrait pas cela. » C'est la conclusion de quelqu'un qui nous regarde de l'extérieur.
Donc, oui, un crédit d'impôt pour les bénévoles, pour les gens qui veulent être bénévoles, et ne pas avoir à débourser, parce qu'il y en a qui n'ont pas les moyens de payer l'essence, de payer leurs déplacements, et un crédit d'impôt aussi pour les aidants naturels pour que ce ne soit pas des étrangers, que ce soit des gens de la parenté. Cela fait une différence de se faire servir un repas par un étranger. On a beau être poli et gentil, mais ce n'est pas comme si c'était un garçon ou une fille qui va porter la nourriture. C'était mon message. Merci beaucoup, et bonne chance au comité.
[Traduction]
La présidente : Merci beaucoup de cet exposé.
Voilà qui met fin à nos réunions à Sherbrooke.
La séance est levée.