Délibérations du Comité
sénatorial spécial sur le
Vieillissement
Fascicule 12 - Témoignages du 4 juin 2008 - séance du matin
VANCOUVER, Colombie-Britannique, le mercredi 4 juin 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui, à 9 heures, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les incidences du vieillissement de la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, mesdames et messieurs du public, bienvenue à cette séance du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. Le comité examine les incidences du vieillissement de la société canadienne. L'ensemble de questions complexes qui ont trait au vieillissement préoccupe le gouvernement depuis longtemps. Celles- ci sont cependant devenues plus pressantes, puisque le nombre de personnes âgées augmente en raison de l'espérance de vie plus longue et du vieillissement de la génération du baby-boom. Les programmes et les services publics offerts aux aînés sont essentiels à leur mieux-être, et c'est le devoir des gouvernements que de s'assurer de répondre à leurs besoins.
Nous sommes aujourd'hui à Vancouver pour entendre le témoignage des parties intéressées à la question des incidences du vieillissement de la société, et plus précisément pour prendre connaissance de leur point de vue sur notre second rapport provisoire, que nous avons déposé devant le Sénat le 11 mars. Le rapport provisoire porte sur le vieillissement actif, les travailleurs âgés, la retraite et la sécurité du revenu, le fait de vieillir en santé, les mesures de soutien permettant aux aînés de vieillir à l'endroit de leur choix et la répartition régionale des coûts en soins de santé liés au vieillissement.
Il s'agit du sixième endroit que nous visitons dans le cadre de voyages que nous faisons partout au Canada, et nous espérons que les témoignages que nous allons entendre aujourd'hui nous aideront à formuler un ensemble de recommandations complet dans notre rapport final, que nous aimerions déposer le 30 septembre.
Pour notre premier groupe de témoins de ce matin, nous avons le plaisir d'entendre les témoignages de Mme Margaret Coates, de la 411 Seniors Centre Society — et nous vous remercions de nous accueillir ici aujourd'hui —, de la Dre Sharon Koehn du Centre pour le vieillissement en santé de Providence Health Care ainsi que de Mme Eunju Hwang, du Gerontology Research Centre de l'Université Simon Fraser.
Merci de prendre le temps de discuter avec nous aujourd'hui. Commençons par écouter les déclarations des témoins, et je sais que mes collègues voudront ensuite poser des questions.
Margaret Coates, directrice générale, 411 Seniors Centre Society : Bienvenue au 411 Seniors Centre. Nous sommes très heureux de recevoir tout le monde ici, malgré le fait que nous sommes en plein milieu de rénovations; je n'ai pas cessé de répéter à votre personnel que nous allions être en mesure de vous recevoir quand même.
Cela fait environ 14 ans que je suis directrice générale du centre. Le 411 Seniors Centre existe depuis 1972 et il est situé dans cet édifice depuis le début. Celui-ci a près de 100 ans, et il va en fait devenir centenaire en 2010, l'année des Jeux Olympiques : deux raisons de célébrer si vous aimez les olympiques. On nous a fait don de cet édifice, pour le meilleur et pour le pire, et l'un des moyens par lesquels nous essayons de régler les problèmes qui découlent de l'âge de l'édifice, c'est de faire des rénovations, ce que vous avez probablement remarqué à votre arrivée. Veuillez excuser le bruit ou le dérangement.
Depuis que je suis directrice générale du centre, je me suis surtout occupée des activités quotidiennes de gestion que suppose la direction d'un centre pour personnes âgées, mais j'ai aussi essayé de tourner mon regard vers les aînés de ma collectivité. D'après les critères du 411 Seniors Centre, je suis moi-même une personne âgée, puisque j'ai 61 ans et que nous considérons que les gens sont âgés à partir de 55 ans. J'ai été témoin de nombreux changements dans le profil démographique des aînés, et je suis heureuse de dire que j'ai également vu un changement d'attitude à leur égard et en ce qui concerne leurs problèmes et préoccupations.
J'ai lu votre rapport avec intérêt et enthousiasme. On m'a demandé de voir si vous avez oublié de parler de certaines choses, et je suis très contente, parce que chaque fois que je me suis demandé si vous parliez de telle ou telle chose, j'ai tout de suite vu que c'était dans le rapport. Je pense que vous avez écouté les gens très attentivement. J'ai vu dans l'annexe que les témoins que vous avez entendus sont issus de tout un éventail de groupes, dont des gens qui oeuvrent à l'échelle communautaire comme les gens du 411 Seniors Centre, et j'ai été très contente de voir ça.
Nous avons été heureux de constater que vous avez insisté dans votre rapport sur les questions liées au revenu, puisque notre organisation offre elle-même de l'aide à des aînés qui, de façon générale, ont un faible revenu ou un revenu fixe; certains d'entre eux sont à la fois riches et pauvres, puisqu'ils possèdent des biens immobiliers mais n'ont pas de liquidités. Les questions de cet ordre sont importantes à nos yeux, particulièrement les changements qui touchent le Régime de pensions du Canada, le RPC.
Vous avez déjà entendu le témoignage d'un groupe que notre organisation soutient et qui est financé par Condition féminine Canada : WE*ACT, Women Elders in Action. Cette organisation a fait beaucoup de travail dans le domaine des pensions auprès des femmes, surtout les femmes dont le revenu est faible, et elle s'occupe maintenant des femmes qui ont un revenu moyen et des problèmes que celles-ci vont connaître en vieillissant. Je n'ai pas besoin d'en dire davantage là-dessus, parce que vous en parlez déjà dans votre rapport, et j'en suis bien contente. Cependant, lorsque j'ai demandé à la coordinatrice du personnel du projet de me faire part d'autres problèmes que ceux que vous avez soulevés, elle m'en a fourni toute une liste, mais je ne vais pas en parler aujourd'hui.
J'ai été ravie de voir que vous abordiez les questions liées au fait de vieillir chez soi. Nous avons été heureux de constater que le soutien et les soins à domicile sont des éléments assez importants pour vous.
J'ai trouvé la section sur les options pour l'avenir très complète.
Il y a tout de même quelques éléments qui manquent. Il y a une petite lacune, par exemple, au chapitre des soins dentaires. Votre rapport comporte une section sur ces soins, mais vous parlez des soins dentaires offerts à deux groupes et vous n'envisagez pas les soins dentaires comme une option pour les personnes âgées dont le revenu est faible, et même celles dont le revenu est moyen, qui, encore une fois, peuvent être riches en biens immobiliers, mais pauvres en liquidités. Il y a beaucoup de données à l'appui de l'idée qu'une bonne hygiène dentaire contribue à la prévention des crises cardiaques et des maladies du cœur, et je prends ça au sérieux, j'utilise le fil de soie dentaire trois fois par jour, ce que je ne faisais jamais avant. J'aimerais voir davantage de discussions sur ce sujet.
Je n'ai rien vu dans le rapport sur la défense des droits, et lorsque je dis « défense des droits », je parle de personnes âgées qui en aident d'autres, qui les aident à répondre à leurs besoins de toutes sortes de façons. Au fil des ans, nous avons mis sur pied des programmes communautaires d'information et d'aiguillage pour aider les aînés à obtenir les prestations auxquelles ils ont droit, pour les aider à faire toutes sortes de choses, par exemple à remplir des formulaires, et même à trouver un logement. Nous avons constaté qu'ils ont besoin d'aide, et nous devons aller au-delà de ça en leur fournissant l'aide de pairs qui peuvent les conseiller et faire valoir leurs droits, pour qu'ils puissent obtenir les prestations auxquelles ils ont droit et aussi pour ne pas nous contenter de leur donner de l'information. Ces pairs peuvent par exemple venir en aide aux personnes âgées qui reçoivent des soins à long terme et qui ne jouissent pas d'un soutien familial ou n'ont pas d'amis pour s'occuper des questions liées à ces soins.
Comme vous le mentionnez dans votre rapport, il y a de nombreux problèmes touchant la réglementation, et il est difficile pour les personnes âgées de vivre dans un foyer de soins de longue durée et de composer avec les changements apportés à la réglementation ou avec une réglementation qui peut être difficile à comprendre. Pour nous, soutenir des défenseurs des droits des personnes âgées est un moyen rentable et efficace d'aider les personnes âgées elles-mêmes. Au 411 Seniors Centre, nous avons toujours pensé que les personnes âgées pouvaient s'entraider, et je pense que bon nombre de mes collègues du domaine sont d'accord.
J'ai été heureuse de voir que vous abordez la question des soins à domicile dans votre rapport. Récemment, dans le cadre des activités d'un groupe de réflexion sur les soins à domicile formé par le ministère des Services communautaires, ici, à Vancouver, en Colombie-Britannique, nous avons examiné des données qui montraient clairement que les soins à domicile sont une solution de rechange rentable et avantageuse par rapport aux soins de longue durée. Je n'ai pas lu tout ce qu'il y avait là-dessus, mais j'ai trouvé remarquable la partie qui concernait le Danemark : dans une petite région de ce pays, on a remplacé tous les soins de longue durée par des soins à domicile, et le gouvernement a ainsi économisé énormément d'argent.
J'aimerais également parler des organisations de personnes âgées elles-mêmes. Selon moi, et selon aussi, je pense, mes collègues des centres pour personnes âgées, il s'agit d'endroits tout indiqués pour offrir des programmes de sensibilisation de la population, dont vous parlez pas mal dans votre rapport; il pourrait s'agir des programmes sur les choix en matière de nutrition, des programmes d'information de soutien sur le logement et de ceux qui ont trait à l'usage des médicaments d'ordonnance. Nous avons entendu parler dernièrement dans les actualités de la possibilité de réduire les coûts liés à l'utilisation des services d'urgence en fournissant de l'information adéquate sur les médicaments d'ordonnance et autres choses du genre. Les centres pour personnes âgées sont également un endroit tout indiqué pour offrir des programmes d'apprentissage continu et de bénévolat. J'étais contente de voir dans votre rapport que vous appuyez les programmes de bénévolat. Je pense que tous les aînés seraient en faveur des mesures que vous pourriez prendre, quelles qu'elles soient, pour appuyer les programmes de bénévolat, qu'il s'agisse d'incitatifs fiscaux ou d'autres mesures. Les organisations comme la nôtre sont également le lieu tout indiqué pour le bénévolat. Il y a 250 personnes qui travaillent bénévolement à notre centre; sans ce genre de soutien, nous ne pourrions pas garder le 411 Seniors Centre ouvert.
Dans le passé, il n'a pas été très facile d'obtenir du financement de base pour les programmes visant les personnes âgées. Nous commençons à peine à entrevoir de petits changements, et je pense que ce serait une très bonne idée pour le gouvernement de soutenir les centres pour personnes âgées en leur offrant davantage de financement de base pour offrir ce genre d'options. Je pense que ce serait très avantageux pour tout le monde au bout du compte, notamment parce que cela réduirait le fardeau du gouvernement, des familles, qui sont submergées, ainsi que des soignants.
Enfin, je pense que, dans votre rapport, vous devriez étendre l'idée de diversité à la communauté lesbienne, gaie et transsexuelle. Je n'ai rien vu sur ce groupe en particulier, et je n'ai rien vu non plus sur les aînés qui vieillissent et qui ont un handicap, et il y a beaucoup de travail à faire, surtout par rapport à ces derniers. Pour ce qui est de la communauté LGTB, les gens qui en font partie commencent à élaborer leurs propres politiques et à définir leurs pratiques exemplaires, et je pense qu'il est temps que nous commencions à les aider. Je pense qu'ils ont des besoins particuliers en matière de logement, de soutien à domicile, de soins de longue durée et ainsi de suite, alors j'aimerais que vous étendiez la portée de cette idée. Au 411 Seniors Centre, nous avons nous-mêmes essayé de donner plus de portée à notre vision à long terme au chapitre de l'accroissement de la diversité, alors j'aimerais encore une fois insister également là-dessus.
La présidente : Merci, et merci aussi de nous recevoir.
Dre Sharon Koehn, associée de recherche, Centre pour le vieillissement en santé, Providence Health Care : Bonjour, et merci de m'accueillir aussi.
J'espère que vous m'excuserez, je n'ai pas l'habitude de lire un texte en guise d'exposé, mais je suis tout à fait consciente du fait que le temps dont vous disposez est limité, et j'ai hâte que nous passions à la période de questions. Mes félicitations au Comité, qui a rédigé un rapport intérimaire exhaustif.
J'ai présenté au comité un mémoire dans lequel j'ai mis de l'information sur plusieurs sujets concernant des résultats ethnoculturels qui ont trait à vos conclusions et à vos recommandations. Vu le temps limité dont nous disposons, je vais cependant m'en tenir, pour mon exposé d'aujourd'hui, à l'un de ces thèmes, c'est-à-dire le cas particulier des aînés qui s'installent au Canada à titre d'immigrants membres de la catégorie du regroupement familial, et j'ai l'impression que vous allez peut-être entendre Charan Gill parler de ce sujet aussi cet après-midi.
Mes observations sont fondées surtout sur mes 18 années d'expérience dans la recherche auprès des immigrants panjabis âgés de la Colombie-Britannique ainsi que sur la documentation qui porte sur ce thème, et une bonne partie de ce que je vais dire aujourd'hui est tiré d'un chapitre que j'ai rédigé avec Charmaine Spencer, qui va également être ici cet après-midi, et avec Eunju Hwang.
On considère depuis un certain temps que le fait de réunir les familles d'immigrants est l'un des objectifs importants des politiques du Canada. Entre 2002 et 2006, 88 p. 100 des immigrants âgés qui se sont installés en Colombie- Britannique étaient membres de la catégorie du regroupement familial. En 2006, les personnes âgées comptaient pour près de la moitié des immigrants de la catégorie du regroupement familial au Canada. Lorsqu'un membre âgé d'une famille est parrainé dans le cadre de la catégorie du regroupement familial, le répondant s'engage devant le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration à lui offrir un soutien inconditionnel pendant dix ans. La période d'engagement est plus longue que pour tout autre groupe de la catégorie du regroupement familial. Pendant la période qui suit leur arrivée au Canada et au cours de laquelle ils dépendent de leur répondant, les personnes âgées peuvent ne pas être admissibles à des prestations gouvernementales comme l'allocation, la Sécurité de la vieillesse ou encore le Supplément de revenu garanti, ni à certains services sociaux ou logements subventionnés ou aux subventions pour le logement, ni non plus à d'autres avantages offerts à l'échelle locale comme les laissez-passer d'autobus à tarif réduit.
En outre, il y a beaucoup d'immigrants âgés qui sont toujours défavorisés sur le plan économique même après la fin de la période de parrainage. C'est parce qu'on calcule le critère de résidence de la Sécurité de la vieillesse, quoique Mme Penny Priddy, députée de Surrey North, a souligné le fait que les immigrants qui viennent de l'Asie du Sud, par exemple, sont souvent encore plus défavorisés à cet égard que les immigrants qui viennent de pays comme l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni, avec lesquels le Canada a conclu des ententes réciproques en matière de sécurité sociale. Ces accords peuvent avoir un effet positif sur les crédits de résidence, qui déterminent le montant des prestations de la Sécurité de la vieillesse auxquelles une personne a droit. Mme Priddy a avancé l'argument selon lequel cette mesure est discriminatoire à l'égard des immigrants qui viennent d'autres pays, par exemple de l'Asie du Sud.
Les parents parrainés jouent un rôle positif au sein de la société canadienne. Comme une personne représentant l'organisme MOSAIC, organisme de règlement des différents important de Vancouver, l'a souligné dans le témoignage livré à l'occasion d'une autre séance du Comité :
Dans toute société, la famille est le noyau du mieux-être social, physique, psychologique et spirituel. Une famille en santé est à la fois le baromètre du mieux-être de la société et le mécanisme de promotion de ce mieux- être.
Sur le plan pratique, les parents parrainés offrent souvent de précieux services de garde de leurs petits-enfants en bas âge. Ils sont également nombreux à contribuer au revenu familial en travaillant dans des exploitations agricoles et ailleurs. Enfin, il est important de reconnaître l'investissement de valeur que font les parents lorsqu'ils élèvent des filles et des garçons productifs qui vont par la suite travailler ici et contribuer à la société canadienne.
L'équilibre de la relation entre les parents parrainés et leur famille est affecté par les politiques et les pratiques relatives au parrainage. Il y a deux éléments de l'obligation légale de répondre à tous les besoins des personnes âgées parrainées qui les rendent beaucoup plus susceptibles d'être victimes de violence ou de négligence. Le premier, c'est la durée de la période de parrainage, période au cours de laquelle la situation financière du répondant peut devenir difficile sans que ce soit sa faute, et au cours de laquelle l'état de santé du parrain ou de la personne parrainée peut lui aussi se dégrader. Il peut en découler des problèmes financiers très graves et, parfois, des actes de violence affective ou physique ou encore de négligence passive ou volontaire, et c'est souvent les problèmes de santé de la personne âgée ou de son répondant qui engendrent la rupture de l'engagement de parrainage.
Le deuxième élément des politiques liées au parrainage qui peut être à l'origine d'acte de violence, c'est l'augmentation de la dépendance et donc du pouvoir de certains membres de la famille sur d'autres qui est causée par les politiques. Comme ils dépendent de leur répondant à tous égards — et je parle précisément des gens qui font l'objet de mes travaux de recherche, c'est-à-dire les aînés parrainés qui viennent de l'Asie du Sud — il est rare qu'ils possèdent de l'information exacte au sujet de leurs droits. Dans bien des cas, ils ont peur que leur répondant cesse de les parrainer et ils ne savent pas vers qui se tourner lorsqu'un problème survient. Si l'on parle en public de violence ou de négligence au sein de la famille, c'est une source de honte pour tous les membres de la famille, et c'est quelque chose que les aînés essaient d'éviter à tout prix.
L'accès aux soins de santé a également un effet sur l'extrême dépendance des personnes âgées envers leur répondant, à qui ils doivent demander de traduire les documents d'information qu'ils veulent consulter, de les conduire chez le médecin lorsqu'ils ont un rendez-vous et de jouer le rôle d'interprète à ces rendez-vous. La politique en question a également pour effet que les personnes âgées parrainées n'ont pas accès à de nombreux services, notamment aux services de réadaptation et aux soins de longue durée au cours de cette période de dix ans pendant laquelle ils dépendent de leur répondant.
La déclaration de rupture de l'engagement de parrainage est considérée comme étant une infraction à l'engagement légal pris par le répondant. À moins d'avoir un revenu ou à moins qu'un autre membre de leur famille ne soit prêt à les soutenir, les personnes âgées parrainées doivent demander l'aide sociale, mais nous avons constaté que le processus varie considérablement en fonction des régions du Canada, et l'accès aux prestations n'est en aucun cas garanti. Les prestations d'aide sociale versées à un immigrant parrainé sont considérées comme étant un trop-payé, ce qui permet au gouvernement d'établir un droit de rétention touchant la maison et la pension du débiteur, c'est-à-dire du répondant, droit qui est assorti d'un droit de priorité pour ce qui est du remboursement de la dette, y compris la saisie- arrêt. Charan Gill a signalé le fait qu'il s'agit d'une cause d'éclatement des familles des répondants.
À la lumière de ces arguments — et il y en a d'autres — je souhaite recommander la réduction de la période pendant laquelle les parents âgés dépendent de leur répondant à cinq ans ou moins, comme c'est déjà le cas pour les conjoints parrainés.
La présidente : Merci beaucoup.
Eunju Hwang, boursière de la B.C. Real Estate Foundation, Université Simon Fraser, Gerontology Research Centre, à titre personnel : Merci de tenir une séance sur cette question très importante qu'est le vieillissement. Le Gerontology Research Centre est situé dans le Harbour Centre, au centre-ville de Vancouver. Je suis titulaire d'une bourse de recherche postdoctorale en gérontologie environnementale de la B.C. Real Estate Foundation depuis un an et demi. Auparavant, je supervisais un programme de service d'habitations collectives de la St. Paul Public Housing Agency, dans l'État du Minnesota, aux États-Unis. Je travaille auprès des minorités ethniques depuis sept ans, et mes observations sont celles à la fois d'une chercheure dans le domaine du logement et d'une fournisseuse de services et de logements abordables ayant travaillé directement auprès de résidants âgés, surtout d'habitations subventionnées par le gouvernement, ici en Colombie-Britannique ainsi qu'aux États-Unis.
Je suis heureuse de voir que, dans votre rapport provisoire, vous tenez compte de la diversité et abordez les différentes questions liées au logement, à l'échelle des ménages ainsi qu'à celle des quartiers. Il est important de créer des collectivités accueillantes pour les personnes âgées et qui intègrent les gens de tous âges et de tous groupes ethniques.
Je veux souligner l'importance de l'éducation de la population. Vous revenez constamment là-dessus dans votre rapport provisoire, et je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dites. La réalité, pour bon nombre de groupes ethniques, c'est que l'idée de logements réservés aux personnes âgées n'existe probablement pas dans leur pays d'origine. C'est vrai surtout des immigrants arrivés récemment au Canada, par exemple d'immigrants coréens et vietnamiens, ou encore de gens qui viennent du Moyen-Orient et des pays d'Asie. Pour ces groupes particuliers, il est très important de fournir aux aînés de l'information au sujet des logements et des différents programmes pour les personnes âgées.
Je veux insister sur le fait qu'il est important de former le personnel qui travaille auprès des groupes ethniques minoritaires. J'ai travaillé avec plusieurs organisations de quartier ici, et, dans bien des cas, le personnel de ces organisations ne sait pas quels sont les différents types de logements pour personnes âgées qui existent. Pour le personnel et pour de nombreux groupes ethniques, il n'y a que deux types de logements : les logements abordables, par exemple les logements subventionnés par le gouvernement, et les logements dont le loyer est élevé. C'est tout ce qu'ils savent en ce qui concerne les logements pour les personnes âgées. C'est ainsi. Les raisons pour lesquelles nous devons travailler auprès des divers groupes ethniques étaient très claires dans le rapport provisoire, mais il est probablement temps maintenant de nous pencher sur la façon dont nous allons nous y prendre pour le faire.
C'est en bref ce que je pense de votre rapport intérimaire.
La présidente : Merci. Je sais que le débat qui va suivre va être très engagé.
Madame Coates, j'aimerais commencer par le problème que vous avez soulevé, c'est-à-dire celui des gens qui sont à la fois riches et pauvres parce qu'ils possèdent des biens immobiliers mais n'ont pas de liquidités. Il est clair que c'est un problème énorme ici, à Vancouver, et c'est un problème qui devient de plus en plus important dans d'autres villes du pays. C'est certainement le cas à Toronto et à Vancouver, et Calgary va très bientôt faire partie du lot.
Comment régler ce problème? Nous voulons encourager les aînés à vieillir chez eux, mais le domicile familial est une part très importante de leurs actifs, et d'après ce que j'ai lu, les prêts hypothécaires inversés ne sont pas tout à fait la solution qu'ils semblent être. Avez-vous une idée quant à la façon de régler le problème?
Mme Coates : J'ai trouvé ça intéressant que vous abordiez la question des prêts hypothécaires inversés. Des gens nous ont dit la même chose, c'est-à-dire que ce genre de prêt n'allait pas faire l'affaire pour eux, pour toutes sortes de raisons. Je pense que la principale raison, d'après ce qu'ils ont dit, c'est que les gens croient encore qu'il est important de léguer quelque chose à ses enfants. Les personnes âgées avec qui je travaille sont préoccupées par ça, surtout parce que les maisons sont extrêmement chères à Vancouver aujourd'hui, même pour une personne qui touche un revenu moyen, ce qui fait que les héritages sont l'une des solutions.
Je connais beaucoup d'aînés ici qui sont, comme vous dites, riches en biens immobiliers. Je ne pense pas que la présidente de mon organisation penserait que je parle de choses dont je ne devrais pas parler, mais elle m'a parlé des problèmes qui touchent son avenir, et l'une des principales façons dont elle s'en est tirée, c'est en réduisant son niveau de vie. Elle fait réduction sur réduction pour pouvoir continuer de vieillir là où elle vit sans être un fardeau pour sa famille, parce qu'elle est extrêmement indépendante et parce qu'elle ne veut dépendre de personne. Réduire son niveau de vie est l'une des solutions, quoique même ça, c'est extrêmement difficile à Vancouver aujourd'hui.
Je pense qu'il faudrait faire des études là-dessus. Il y a beaucoup d'informations anecdotiques, mais je ne pense pas qu'il y ait beaucoup d'études, et c'est quelque chose qui, à mon avis pourrait être utile.
Mme Hwang : Je connais davantage le volet aménagement de la question, ce qui fait que, selon mon point de vue, ce qui aiderait, ce serait probablement un assemblage souple, une politique d'utilisation mixte du territoire. Bien sûr, ça aide s'il y a une quelconque forme de subventions directes du revenu. J'aime l'idée d'un nouveau type d'aménagement urbain qui prend la forme d'un village, avec des règlements d'aménagement, des organisations sans but lucratif et des boutiques, tout ensemble, ce genre de choses. Ensuite, s'il y a des unités résidantielles regroupées, probablement dans un seul édifice ou dans un secteur très rapproché, ça aide. C'est l'une des choses auxquelles je pense.
Dre Koehn : Voilà qui est intéressant, du point de vue, par exemple, des immigrants panjabis âgés, surtout ceux qui sont parrainés. Selon la documentation et les statistiques, les personnes âgées qui sont parrainées sont moins nombreuses que les autres à vivre dans des logements inférieurs aux normes et plus nombreuses à posséder leur propre maison, par rapport aux immigrants âgés de toutes les autres catégories. C'est un phénomène intéressant, parce que ça ne veut pas dire qu'ils aient un quelconque pouvoir. Dans bien des cas, ils viennent de pays qui ne permettent pas aux personnes qui immigrent d'emporter de l'argent avec eux, par exemple, l'Inde. C'est une règle qui s'est assouplie un peu au cours des dernières années, mais les immigrants n'emportent encore aujourd'hui que très peu d'argent. Évidemment, ils ne touchent aucune espèce de revenu ni n'ont droit à une quelconque aide à moins de travailler, et ils font du travail agricole ou quelque chose du genre par désespoir.
C'est vrai qu'ils vivent ensemble, en famille, et que les familles possèdent leur propre maison. Cependant, les aînés parrainés n'ont aucun pouvoir au sein de leur famille; ils n'ont aucun revenu qui leur permette de faire ce qu'ils aimeraient faire, et ils ne veulent certainement rien demander, parce qu'ils se sentent déjà extrêmement redevables d'avoir été parrainés. C'est simplement pour vous mettre en garde, parce que les statistiques donnent à croire que la situation est plus positive qu'elle ne l'est en réalité.
Cela dit, j'ai assisté à une séance de la Société canadienne de sociologie hier, et Mme Monica Boyd et ses étudiants ont présenté des résultats d'étude, et, selon eux, pour de nombreuses communautés d'immigrants, le fait de vivre avec leur famille a pour effet que les aînés ne sont pas aussi pauvres qu'ils ne le seraient s'ils vivaient ailleurs, et c'est surtout vrai dans le cas des aînés originaires des Philippines et de l'Asie du Sud. Il y a un élément de protection là-dedans.
Pour en revenir à la question du parrainage, dont on me parle depuis des années et qui, de ce fait, est devenue très importante pour moi, si les immigrants âgés disposaient ne serait-ce que d'un petit revenu, simplement pour ne pas être forcés de se ruiner la santé à faire du travail agricole, cela aurait une incidence énorme sur leur dépendance envers leur répondant et leur capacité de participer pleinement à la société.
La présidente : Docteure Koehn, puisque vous parlez de ça, j'ai lu pas mal de choses là-dessus, et je suis sûre que c'est le cas de mes collègues aussi, mais pouvez-vous nous parler de la situation de ces aînés qui travaillent dans des exploitations agricoles du Lower Mainland?
Dre Koehn : Je pense que la personne la mieux placée pour vous en parler, c'est Charan Gill, qui travaille depuis de nombreuses années auprès des travailleurs agricoles. Beaucoup de gens m'ont parlé des conditions de travail dans ces endroits. D'abord, ces personnes âgées qui arrivent ici n'ont jamais fait ce genre de travail dans leur pays d'origine. Nous présumons que, parce qu'ils viennent de régions rurales, ils ont déjà travaillé dans des exploitations agricoles, mais pour immigrer au Canada, il faut avoir suffisamment de ressources, ce qui suppose le fait d'avoir occupé un poste assez important dans son pays d'origine. Les aînés qui s'installent ici étaient les superviseurs de leurs propres entreprises, et non des ouvriers. C'est une rétrogradation importante pour eux.
Néanmoins, ils mettent la main à la pâte parce qu'ils ne veulent rien demander, et ils vont travailler à la ferme. C'est quelque chose qui permet un certain sentiment d'appartenance, et c'est important pour leur santé mentale. Cependant, c'est du travail extrêmement pénible. Les heures de travail sont longues. Ils travaillent sous la pluie, dans des champs boueux, dans des conditions médiocres. On les entasse dans des camions et on les amène travailler dans le froid. Ce qui se passe le plus souvent, c'est que ça aggrave leur arthrite et leurs problèmes articulatoires, entre autres.
L'an dernier, j'ai pris connaissance d'un phénomène intéressant : il n'y a pas de possibilités d'emploi pour les aînés à Prince George, alors ils viennent dans le Lower Mainland pour la saison de cueillette des fraises, des bleuets, et ainsi de suite, et ils vivent dans des huttes que les agriculteurs mettent à leur disposition. Une personne qui a participé à un symposium que j'ai organisé l'an dernier a fait le tour de ces huttes, et elle a témoigné du fait que les conditions de vie sont absolument atroces. Tout ce qu'il y a pour s'asseoir, ce sont des seaux renversés, et les gens vivent à plusieurs par huttes. La pluie y pénètre, et les huttes sont tout à fait insalubres.
Charan Gill a lutté pour la création d'équipes d'inspection, qui font maintenant des tournées en vue de s'assurer que les normes en matière de santé et de sécurité sont respectées, mais il est très difficile de faire en sorte que les équipes puissent se rendre dans les exploitations agricoles. Nous aimerions faire des recherches dans ce domaine. Ce que j'aimerais, c'est que nous puissions nous rendre dans ces endroits avec les équipes en question, mais c'est très difficile à faire, vu l'attitude protectionniste en ce qui a trait aux conditions qui y règnent.
La présidente : Vous disiez tout à l'heure que nous devrions faire passer la période de dépendance des immigrants parrainés de dix à cinq ans. Les immigrants parrainés ne peuvent-ils pas demander la citoyenneté canadienne après cinq ans?
Dre Koehn : Oui, mais la période de dépendance dure quand même dix ans. On n'y échappe pas, d'après ce que je sais.
La présidente : Ce que vous dites est très intéressant. Autrement dit, ce sont des citoyens canadiens ou des gens qui peuvent devenir citoyens canadiens, puisqu'ils sont satisfaits aux exigences de résidence, mais ce sont des Canadiens qui demeurent dépendants.
Dre Koehn : Oui, la période de dépendance dure dix ans.
La présidente : Je ne le savais pas.
Dre Koehn : C'est long, surtout pour les personnes âgées. Elles peuvent arriver dans la soixantaine ou vers la fin de la soixantaine et très bien se porter, mais passé 75 ans, comme nous pouvons l'imaginer, la santé peut décliner, surtout celle des gens qui travaillent dans des exploitations agricoles.
Le sénateur Cordy : S'ils deviennent citoyens canadiens et demeurent dépendants, ils n'auront pas droit à ça?
Dre Koehn : Permettez-moi de répondre ainsi : je n'ai jamais entendu parler de quelqu'un qui y aurait échappé de cette façon. Vous pourrez poser la question à Charmaine Spencer cet après-midi. Nous avons rédigé l'article ensemble. J'ai fourni les données ethnographiques, avec Mme Hwang. Mme Spencer est notre spécialiste du domaine juridique.
Le sénateur Mercer : De combien de gens s'agit-il? Avez-vous un chiffre approximatif?
La Dre Koehn : Pour ce qui est des aînés parrainés, j'ai ressorti mes chiffres hier soir. Je peux vous dire où trouver ce chiffre exactement. C'est ce que je peux faire de mieux, parce que je n'arrive jamais à retenir des chiffres par cœur. Dans le rapport de la direction générale du multiculturalisme et de l'immigration et dans le rapport du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration auxquels je renvoie, c'est dans les citations 2 et 3 que se trouvent les chiffres en question.
Le sénateur Mercer : Merci. Je vais vérifier ça.
Dre Koehn : En Colombie-Britannique — c'est ce que je connais le mieux — pendant les 30 dernières années, c'est la population indo-canadienne, les aînés originaires de l'Inde, qui comptait la plus forte proportion d'aînés parrainés, et c'est la raison pour laquelle je travaille sur cette population. Cependant, nous nous apercevons maintenant qu'il y a de plus en plus d'immigrants aînés et parrainés qui viennent de Chine, et il s'agit d'un groupe très différent de celui des aînés que nous voyions auparavant arriver de Hong Kong et de Taïwan, puisque ces gens parlent non pas cantonais, mais plutôt mandarin. Je n'ai qu'une vague idée de leur situation, mais d'après ce que sais, il arrive souvent que les jeunes membres de la famille sont attirés ici par les possibilités d'emploi, et ils ont un assez bon degré de scolarité. Ils emmènent les membres âgés de la famille avec eux, et, dans certains cas, ils ont de jeunes enfants, mais ils sont sous- employés et n'arrivent pas à trouver de poste correspondant à leur expérience. Ils retournent donc travailler en Chine, et ils envoient de l'argent ici, au Canada, où ils ont laissé derrière eux leurs jeunes enfants et leurs parents, qui s'en occupent. Les grands-parents ne parlent que mandarin, et il est difficile pour eux d'accéder aux ressources. Ils sont très isolés.
C'est un phénomène tout à fait nouveau. Personne n'a fait d'études là-dessus. Je tiens cette information des gens de S.U.C.C.E.S.S., qui voient de plus en plus souvent le phénomène se produire. J'aimerais beaucoup examiner ça.
Mme Hwang : Alice Choi va probablement en parler cet après-midi. Je vais formuler une petite observation au sujet du revenu subventionné et du recours aux programmes existants. Bon nombre d'immigrants âgés ont un revenu faible et pourraient demander de l'aide, mais ils sont nombreux à ne pas le faire. Il est très important d'informer les gens, et surtout ceux qui font partie de ce groupe.
Le sénateur Mercer : Madame Coates, vous avez parlé de la population des lesbiennes, gais, bisexuels et transgenres, qui est importante à Vancouver. Nous avons entendu dire qu'il y a des gens qui rentrent dans le placard lorsqu'ils vieillissent et qui se retrouvent sans partenaire, parce qu'ils sont préoccupés par les préjugés auxquels ils pourraient être confrontés dans les « situations normales pour les personnes âgées ». Dans le temps, ils se sont battus pour obtenir l'égalité et ils l'ont obtenue, et maintenant, ils ont peur de voir tous les préjugés ressurgir. Est-ce un phénomène que vous avez observé? C'est la première partie de ma question.
La seconde partie, c'est de savoir si cette communauté a trouvé des solutions en Colombie-Britannique, et surtout à Vancouver. Y a-t-il des services offerts à ce groupe d'aînés particuliers?
Mme Coates : Pour répondre à votre première question, oui, c'est quelque chose que nous avons remarqué. Nous en avons entendu parler, parce que, au 411 Seniors Centre, nous avons fait un effort conscient pour offrir aux aînés de la communauté LGTB un endroit accueillant où ils peuvent parler de leurs problèmes et de leurs préoccupations. Nous leur offrons pas mal de possibilités à cet égard. Récemment, des représentants de QuIRK-E, Queer Imaging & Riting Kollective for Elders, sont venus parler de ces questions, plus précisément des questions touchant l'identité transgenre.
Nous n'avons pas vraiment fait d'études ni d'analyses. Ce que nous faisons surtout, ici, c'est écouter les aînés nous raconter leur histoire, et ils nous expliquent souvent que, si les lois commencent à changer et qu'ils peuvent se marier et ainsi de suite, ils se battent encore à la fin de leur vie et font face aux mêmes préjugés et partis pris, ainsi qu'à la même discrimination que ceux qui ont fait l'objet de leur combat toute leur vie.
Il est difficile, même, de faire en sorte que les aînés viennent au 411 Seniors Centre, qui est considéré comme étant une organisation du courant dominant. Nous avons soigneusement élaboré les programmes et les services que nous offrons aux membres de ce groupe pour qu'ils soient à l'aise chez nous, mais ça a été un travail très difficile, et nous avons en fait perdu une partie de nos membres, à cause des préjugés et des partis pris. Cependant, ce groupe fait partie de notre collectivité.
Un homme du milieu de l'immobilier de Vancouver tente de mettre sur pied un service de soins de longue durée pour les aînés qui font partie de cette communauté au centre qui s'appelle The Centre, et qui est non pas le centre de l'univers, mais bien le centre pour la communauté LGTB. Les gens du centre envisagent depuis un certain temps d'offrir des soins de longue durée, de logements supervisés et autre chose du genre, à ce groupe de gens surtout, mais ils font remarquer en même temps que, encore une fois, ce serait ghettoïser ces gens, et c'est le problème le plus important dont j'ai entendu parler. Nous essayons d'attirer les aînés vers une organisation du courant dominant pour répondre à leurs besoins, mais en même temps, ils essaient de bâtir leurs propres centres.
Le sénateur Mercer : Vous avez également mentionné que vous avez déjà travaillé avec Condition féminine Canada, et nous nous sommes plaints au sujet des compressions qui ont touché cette organisation. Ces compressions ont-elles eu un effet sur le travail que vous faites au centre?
Mme Coates : Je pense que oui. Le projet de Condition féminine Canada qui était en cours chez nous, pendant les quatre dernières années et qui soutenait WE*ACT, Women Elders in Action, était davantage axé sur le travail communautaire visant à éliminer la discrimination. Condition féminine Canada nous demande maintenant, si nous voulons de nouveau recevoir du financement, de faire des projets très courts et très précis, ce qui empêche dans une certaine mesure de travailler à l'élimination de la discrimination à l'échelle communautaire. Heureusement, Centraide du Lower Mainland a repris le flambeau, et c'est maintenant cette organisation qui offre du soutien dans ce domaine, ce qui fait que nous avons des initiatives complémentaires. À mon sens, cependant, la lutte contre la discrimination est probablement la chose la plus importante, quoique l'initiative en cours à l'heure actuelle, qui vise à permettre aux femmes âgées de s'exprimer et à découvrir comment elles peuvent mettre leur expérience à profit, est une initiative d'une grande valeur.
Le sénateur Mercer : Docteure Koehn, je m'intéresse à la question de la violence chez les personnes âgées parrainées. Je sais que ça varie d'une communauté à l'autre, mais ça doit être extrêmement difficile de détecter la violence, parce qu'on ne peut pas la voir, vu que c'est surtout à la maison que ça se passe; il peut s'agir de violence physique ou encore d'exploitation financière. Dans le cadre de vos travaux de recherche, comment faites-vous pour détecter les cas de violence? Comment faites-vous pour trouver l'information?
Dre Koehn : Vous avez raison, c'est extrêmement difficile à détecter. Le travail que je fais est de nature qualitative, et il est fondé sur les relations que j'entretiens avec les gens depuis de nombreuses années; je parle surtout du travail que j'ai fait auprès de la communauté panjabie, parce que ce sont les membres de cette communauté que je connais depuis le plus longtemps. Il y a certaines personnes que je retourne voir depuis 18 ans, et, si elles sont assez réservées dans certains contextes, lorsqu'elles se trouvent dans la même pièce que moi, elles laissent tout sortir, ce qui est très bien. C'est une question de confiance, c'est un lien qu'on finit par nouer avec le temps.
Nous en avons parlé pendant la conférence d'hier. L'une des limites des entrevues téléphoniques et de tout genre d'outils d'évaluation quantitative, c'est que, bien souvent, les gens donnent des réponses positives. Ils vous disent ce que vous voulez entendre, surtout dans cette communauté. Au fil du temps, cependant, nous avons entendu des histoires de famille et des histoires de personnes âgées, et c'est toujours l'histoire de quelqu'un qu'on connaît, jamais la sienne.
Le sénateur Mercer : C'est sûr; un ami à moi.
Dre Koehn : Oui, mais je vois ça comme de l'information valable. Nous voyons beaucoup de cas de négligence; on laisse les gens à eux-mêmes, sans leur offrir un quelconque soutien et sans leur permettre de toucher un revenu. C'est une situation complexe, dans ce cas-là, cependant, parce que les membres de certaines familles nous ont dit qu'ils ont essayé de laisser de l'argent à la maison pour leurs parents, mais que les aînés sont trop fiers pour accepter de le prendre. C'est une situation délicate.
Les liens de parenté jouent un rôle important, surtout chez les gens qui viennent d'Asie du Sud, mais dans d'autres communautés aussi. En Inde, par exemple, une femme s'installe avec la famille de son conjoint assez jeune, et la belle- mère est assez dominante. C'est dans son intérêt, parce qu'elle sait que, lorsque sa belle-fille vieillira, gagnera en confiance et qu'elle aura des enfants, surtout si elle a des garçons, la belle-mère va perdre une partie de son pouvoir sur sa famille, et la belle-fille pourra de plus en plus sortir et faire bon nombre des choses que la belle-mère peut faire. C'est encore plus vrai qu'avant, parce que les jeunes femmes travaillent davantage en Inde.
Dans bien des cas, lorsqu'une femme âgée s'installe ici, son fils l'a précédée et s'est marié avec une jeune femme née ici et ayant grandi ici, ou ayant grandi ici à tout le moins. La jeune femme veut aller à l'université et faire carrière, comme nous tous. Son cas n'a rien de bien terrible, mais son degré d'assimilation est différent de celui de sa belle-mère, et elle n'est pas prête à se soumettre à la volonté de celle-ci, ce qui fait qu'il peut y avoir de graves conflits entre les deux. Dans certains cas, on trouve un compromis, mais c'est très difficile.
Il y a des conflits. La jeune femme, par exemple, peut ne pas se plier aux restrictions alimentaires et elle peut décider de faire cuire de la viande dans telle ou telle poêle, et la femme âgée ne mangera pas ce qui a cuit dans cette poêle, elle jeûnera et finira à l'urgence ou en état d'inanition parce qu'elle ne peut pas manger, puisqu'elle ne peut rien manger qui a cuit dans cette poêle. Ça peut être encore pire que ça aussi. Dans certains cas, une personne âgée peut se retrouver dans le sous-sol avec un bol de riz; il y a des gens à qui on dit — et je l'ai entendu souvent — : « Ne fouille pas dans le frigo; ne prépare pas ta nourriture ici, parce que ça pue. Nous ne voulons pas de ce genre de nourriture ici. » Il y a beaucoup de violence affective.
Pour ce qui est de l'exploitation financière, j'ai entendu parler de couples de personnes âgées qui travaillent au sein de l'entreprise familiale. Leur travail et leur revenu ne sont pas déclarés, ce qui fait que, lorsqu'ils arrivent enfin au bout des dix années de parrainage, ils n'ont accumulé aucune cotisation au RPC. Leur salaire a été passé dans un autre poste budgétaire, ce qui fait qu'il n'est pas nécessairement compté directement comme un salaire. Ou encore, dans d'autres cas, l'entreprise familiale peut récupérer la pension des aînés lorsqu'ils l'obtiennent, parce que ceux-ci ont encore des dettes envers la famille.
Cependant, l'exploitation est en grande partie plus subtile que ça, et elle découle du fait que les aînés dépendent de leur parrain et du fait que tout le monde travaille vraiment beaucoup. Les aînés manquent de liberté, probablement parce qu'ils ne veulent avoir qu'un petit revenu. Ils n'ont pas besoin de grand-chose, juste un peu d'argent pour avoir cette liberté.
Le sénateur Mercer : Vos observations concernant les immigrants âgés qui travaillent dans des exploitations agricoles sont convaincantes, parce que nous parlons du besoin qu'ont les gens de demeurer actifs également, et de l'importance de cela pour les personnes âgées. Il y a un petit problème à cet égard, parce que nous parlons non pas de gens qui travaillent, mais bien des gens qui travaillent trop dur.
Dre Koehn : Eh bien, je pense que c'est à cause des conditions de travail et de la réglementation.
Le sénateur Mercer : S'agit-il des problèmes touchant les normes?
Dre Koehn : Oui, et aussi, je pense, de solutions de rechange, parce que les gens dont nous parlons veulent travailler. C'est vraiment leur désir. C'est quelque chose de valorisant pour eux, sans contredit.
Lorsque j'étais naïve, à l'époque où je faisais ma maîtrise, il y a longtemps, j'avais eu une idée que je trouvais excellente alors pour aider ces immigrantes. Beaucoup de gens se plaignaient de problèmes concernant les soins à domicile, problèmes qui venaient du fait que les fournisseurs de soins ne parlaient pas leur langue et ne faisaient pas le genre de travail dont ils avaient besoin, comme du travail ménager et le fait de fournir des soins médicaux; vous avez déjà entendu tout ça. Je me suis dit que ce serait parfait si certaines personnes âgées en forme pouvaient offrir du soutien à domicile à d'autres personnes âgées, c'est-à-dire à des gens avec qui elles avaient des choses en commun; on pourrait discuter, et ça permettrait de faire d'une pierre deux coups. Je suis allée voir ces femmes et je leur ai proposé cela. Elles m'ont répondu : « J'avais des serviteurs en Inde; je ne vais pas devenir la servante de quelqu'un d'autre. » C'est une situation complexe. C'est un problème très délicat, qui exige des solutions qui tiennent compte des différences culturelles.
Le sénateur Mercer : Je pense que tous nos programmes doivent tenir compte des différences culturelles, surtout lorsqu'il s'agit de programmes pour les immigrants, parce que les choses varient d'une communauté à l'autre.
Madame Hwang, vous avez parlé du fait que les logements pour personnes âgées sont une réalité que les gens des communautés coréennes et vietnamiennes ne connaissent pas, et c'est vrai de nombreuses autres communautés de l'Asie du Sud, je crois. Il y a quelques exemples de communautés d'immigrants qui offrent des logements aux personnes âgées; il y a deux ou trois résidences pour les aînés chinois à Toronto qui sont conçues spécialement pour cette communauté et qui se trouvent dans le même quartier. Au début, c'était des projets difficiles à réaliser, parce que, encore une fois, ce genre de chose ne fait pas partie de la culture. Est-ce que ce genre de chose se fait en Colombie- Britannique, plus particulièrement chez les grandes communautés d'immigrants?
Mme Hwang : Il y a un groupe qui offre des services surtout aux Chinois, dont le nom est S.U.C.C.E.S.S., et qui a créé au moins deux foyers avec services pour la communauté chinoise. Les gens doivent faire preuve de beaucoup de créativité et proposer leurs idées. BC Housing et l'organisation sanitaire locale collaborent avec cette organisation sans but lucratif, et je crois qu'il y a un important donateur qui a fourni quelques millions de dollars pour lancer le projet. Le début a été assez difficile pour eux.
M. Gill va probablement en parler cet après-midi, mais la communauté des gens qui viennent d'Asie du Sud-Est a également créé des logements pour les personnes âgées. Même si cette communauté encourage ses aînés à demander l'accès à ces logements, aucun aîné de la communauté n'y vit. Ces logements supposément réservés aux aînés de cette communauté ethnique ne le sont pas; ils sont accessibles à toute personne âgée. L'idée de créer ce genre de logements, c'est surtout de faire en sorte que les gens qui y vivent puissent se faire servir de la nourriture traditionnelle chez eux et puissent également avoir accès à des services offerts par un personnel bilingue. Ce sont les deux choses principales que ces logements offrent.
Je ne connais pas vraiment la situation au Canada, mais, aux États-Unis, j'ai travaillé avec plusieurs organisations de quartier à la création de logements pour personnes âgées. Les discussions avec les leaders des communautés et des organisations sans but lucratif ont à elles seules pris deux ans, le simple fait de déclarer la chose possible. Nous avons procédé par étapes à l'élaboration de plusieurs programmes qui ont bien fonctionné, puis nous avons continué et avons créé des logements pour les personnes âgées.
Je siège également au conseil consultatif à titre de représentante des aînés coréens. Ils veulent construire quelque chose, mais ce qui arrive, c'est qu'ils doivent d'abord créer une organisation sans but lucratif, et ils n'ont aucune idée de ce que ça peut vouloir dire.
Le sénateur Mercer : Le processus est lourd et prend beaucoup plus de temps que ne le pensent les gens.
Mme Hwang : Oui, c'est très difficile.
Le sénateur Mercer : Je suis passé par là.
Mme Hwang : Vous êtes très brave, monsieur.
Dre Koehn : À Surrey, il y a un établissement extraordinaire qui existe grâce à la campagne de financement et au travail d'organisation que Charan Gill a effectués en collaboration avec la régie de la santé, mais sincèrement, je suis étonnée que la campagne de financement ne l'ait pas découragé; et ça a été long. Il est très ambitieux. Il examine par ailleurs la possibilité de construire des établissements de soins de longue durée pour les Indo-Canadiens dans la région d'Abbotsford, parce qu'ils sont très nombreux là-bas. Ils ont des logements avec ou sans services. Ils passent beaucoup de temps à discuter avec les gens de la communauté et à essayer de leur faire comprendre en quoi il est avantageux pour eux de vivre là. Cependant, j'ai discuté avec le directeur du service médical de l'endroit, et ce qu'il m'a dit au sujet des résidants des logements avec services, qui ne sont pas tous occupés, c'est que beaucoup d'entre eux devraient en fait vivre dans des endroits où l'on offre des soins avancés, c'est-à-dire que leurs besoins sont plus grands. Ils se sont adressés à eux parce qu'ils vivent une crise. Ils n'offrent pas encore de soins avancés, alors ils aimeraient transformer une partie de l'établissement pour pouvoir offrir des soins plus intensifs, parce qu'il y a des règles strictes concernant des logements avec services et la gravité des handicaps des résidants.
Il faut reconnaître que la diversité manifeste dans l'établissement de la PICS, ou Progressive Intercultural Community Services Society est incroyable. Les gens parlent de nombreuses langues, pas seulement deux ou trois, et ils font en sorte de répondre aux besoins des gens sur le plan de l'alimentation, en ce qui concerne tant les préférences liées à la religion que les besoins particuliers liés au diabète, à la dialyse et ainsi de suite.
Mme Hwang : J'ai deux petits commentaires à faire par rapport à ça. Il y a beaucoup d'organisations qui voudraient créer des logements pour les aînés de telle ou telle communauté. Elles doivent obtenir des subventions gouvernementales d'une façon ou d'une autre, probablement un peu ou beaucoup, mais elles doivent créer des logements pour les personnes âgées, et elles doivent aussi discuter avec les membres des différentes communautés. Lorsqu'elles leur parlent de ces groupes d'immigrants récemment installés ou de quelque groupe d'immigrants que ce soit, elles évitent le mot « gouvernement ». L'expérience du gouvernement vécue par la communauté vietnamienne, par exemple, n'est pas vraiment positive. Quiconque décide de créer des logements pour les personnes âgées doit expliquer à toute la communauté que les choses vont bien se passer, que c'est le genre de choses avec lesquelles il faut travailler.
L'autre chose que je veux dire, c'est que, pour ce qui est des logements pour personnes âgées qui existent déjà ici, les gens qui s'en occupent tentent déjà certaines choses pour ce qui est de l'idée de vieillir chez soi avec de plus en plus de résidants âgés qui viennent de différents pays. Il y a de plus en plus de résidants qui restent longtemps dans leur logement, alors on essaie de créer davantage de programmes pour eux, mais comme tous ces résidants restent au même endroit pendant longtemps, les choses changent. Nous devons informer les résidants actuels qui demeurent au même endroit depuis longtemps. Il y a souvent des conflits entre les différents groupes.
Le sénateur Mercer : Nous avons parlé de la prestation des services et nous avons voyagé partout au pays, et nous avons parlé du fait qu'il est difficile d'offrir des services dans la langue de la minorité, que ce soit l'anglais ou le français, dans certaines régions du pays. Nous avons également parlé de la disponibilité de médecins et d'infirmières qui parlent français ou anglais, en fonction de l'endroit. Y a-t-il une pénurie de professionnels, de médecins et d'infirmières, qui parlent la langue des communautés d'immigrants de la Colombie-Britannique dont nous sommes en train de parler?
Dre Koehn : J'ai réalisé un projet sur les différences d'accès pour les aînés qui font partie de groupes minoritaires il y a deux ou trois ans, et nous avons interrogé des aînés panjabis, vietnamiens et hispanophones. Les Panjabis n'ont pas beaucoup parlé de ce problème, parce qu'il y a aujourd'hui un certain nombre de médecins qui parlent leur langue. Pour ce qui est des Vietnamiens, oui, c'était un problème important, comme pour les aînés hispanophones. Le groupe de Vietnamiens avec qui j'ai discuté était composé de gens qui avaient un bon degré de scolarité, et nombre d'entre eux avaient travaillé dans le domaine de la santé. Comme ils parlent très peu anglais, ils se sont en quelque sorte débrouillés avec les médecins anglophones, mais ils ont trouvé ça très difficile, surtout lorsqu'ils avaient à consulter des spécialistes, et ils devaient souvent communiquer par signes. Comme je l'ai dit déjà, les aînés doivent souvent demander à un membre de leur famille de les accompagner, ou encore à un ami qui parle mieux anglais qu'eux. Cependant, c'est très délicat, parce qu'il y a certains problèmes de santé qui sont source de honte, et les gens ne veulent pas que les membres de leur famille ou même qu'un ami sache qu'ils ont ces problèmes. Les services d'interprétation sont très rares.
Nous avons également constaté que beaucoup de professionnels ne font pas appel aux services d'interprétation même s'ils y ont accès. Ils ont la possibilité de demander l'aide d'un interprète par l'intermédiaire des services linguistiques de la province, mais ils ne le font pas, parce que ça prend du temps. Ils préfèrent se débrouiller et obtenir de leurs patients des réponses insatisfaisantes ou incomplètes parce que ça prend du temps, et parce qu'ils ne sont pas payés pendant ce temps-là. C'est ainsi que le paiement à l'acte fonctionne dans la plupart des cas.
À plusieurs reprises, dans le cadre d'entrevues, les fournisseurs de services aux aînés ont dit qu'il y a cinq aînés hispanophones dans la région du Grand Vancouver, qui est une très grande région, et les personnes âgées partent de Vancouver et se rendent à Richmond, entre autres, pour voir un médecin hispanophone, parce qu'ils ne parlent pas suffisamment bien anglais pour consulter un médecin anglophone. Ils n'aiment pas nécessairement ce médecin, et le trajet est long, mais, au moins, ils peuvent ainsi parler leur langue maternelle. Lorsqu'il faut qu'ils parcourent un long trajet pour se rendre chez le médecin, les aînés sont moins susceptibles d'en faire une priorité.
Le sénateur Mercer : Madame Coates, y a-t-il des gens qui viennent au centre et qui vous demandent de l'aide pour trouver un médecin qui parle leur langue ou quelqu'un qui puisse les aider à expliquer leurs problèmes de santé au personnel médical?
Mme Coates : Oui, il y en a. C'est la raison pour laquelle j'insistais sur les programmes de défense de droits des aînés. Bien souvent, les aînés ne veulent pas demander de l'aide à un membre de leur famille ni avoir recours aux services d'un interprète professionnel, mais ils sont prêts à accepter l'aide d'autres personnes âgées, non seulement pour ce qui est des rendez-vous chez le médecin, mais dans bien d'autres domaines aussi. Nous faisons ce genre de choses, mais nous ne travaillons encore qu'avec un petit nombre de personnes.
Le sénateur Cordy : Je trouve la discussion que nous avons très intéressante. J'aimerais revenir sur la question des logements pour personnes âgées. Madame Hwang, vous disiez que beaucoup d'immigrants viennent de pays où ça n'existe pas. Quelles sont les difficultés que cela pose si vous vous occupez d'une famille où il y a, disons, une personne âgée qui a besoin de ce type de logement, en plus de certains des problèmes dont le sénateur Mercer parlait? Je me posais des questions sur cet aspect précis de la chose. Vous avez toutes deux parlé du fait de fournir de l'information aux aînés dans leur milieu de vie. Il s'agit d'un obstacle important pour les gens qui ont 75 ou 80 ans et pour qui cette réalité ne fait pas partie de leur culture. Comment surmontez-vous cet obstacle?
Mme Hwang : Il y a deux choses que nous pouvons faire. La première, c'est de les réconforter, et de leur parler des possibilités qui s'offrent à eux et de ce qu'ils doivent faire pour en profiter. Les réconforter, ça veut dire leur rappeler que le gouvernement ne va pas leur faire de tort et, en même temps, les tenir au courant de ce qui s'en vient et leur rappeler ce qui va se passer ensuite et ce qui va se passer dans un an. Comme les choses se font de façon graduelle pour ce qui est du travail auprès des citoyens âgés qui appartiennent à une minorité ethnique et qui ne connaissent pas les différentes procédures et possibilités en ce qui concerne les logements pour les aînés, il y a quelqu'un qui peut les joindre d'abord au niveau de l'organisation.
Un défi important que doivent relever les gens qui travaillent auprès de groupes d'aînés appartenant à des minorités ethniques, c'est que les politiques changent constamment. Il y a avait un continuum de soins; maintenant il y a un ensemble de soins et les logements avec services. Bien souvent, lorsque nous travaillons auprès de membres de minorités ethniques, nos services sont axés sur les problèmes d'établissement ou sur les problèmes de communication, beaucoup plus que sur la question du logement. Il faudrait probablement informer les gens qui s'occupent des aînés de la marche à suivre pour présenter une demande de logements subventionnés par le gouvernement ou une demande d'admission dans une maison de soins infirmiers. C'est, grosso modo, ce qu'ils connaissent.
Le sénateur Cordy : Les langues officielles du Canada sont le français et l'anglais, et les documents qui sont publiés ici sont donc publiés dans ces deux langues. Est-ce que ces documents sont traduits pour les gens qui viennent d'Asie?
Mme Hwang : Merci de poser la question. La réponse est non, dans la plupart des cas. S.U.C.C.E.S.S. ne fait pas traduire ses programmes en chinois; cela dit, l'organisation essaie d'offrir l'accès aux programmes dans différentes langues, parce qu'il y a un besoin, surtout en ce qui concerne les options de logement.
Le sénateur Cordy : D'après ce que j'ai compris, l'anglais est la langue la plus utilisée dans la région de Vancouver, et, l'autre langue la plus courante, c'est le mandarin. Est-ce exact?
Mme Hwang : Oui.
Le sénateur Cordy : Ça veut dire que beaucoup de gens ont besoin de documents rédigés dans d'autres langues.
J'aimerais revenir sur l'un des sujets abordés par la Dre Koehn, c'est-à-dire l'augmentation de la dépendance et les problèmes que ce phénomène peut engendrer. Même les aînés qui ne dépendent de leur famille que dans une mesure limitée ont l'impression que leur âge est une contrainte. C'est sûr qu'ils se sentent plus dépendants que lorsqu'ils avaient 30 ou 35 ans. Cette dépendance pose certains problèmes. Si, par exemple, une personne est victime de violence, que ce soit d'exploitation financière, de négligence ou d'une quelconque autre forme de violence, elle ne sera pas disposée à en parler si elle est dépendante. Elle se demande ce qui va lui arriver : sera-t-elle renvoyée dans son pays d'origine ou chassée de la maison?
Que faites-vous pour contrer l'augmentation de la dépendance? Je pense que ça doit être très difficile de pousser les gens qui ont besoin d'aide à en demander.
Dre Koehn : Pour revenir aussi sur la question que vous avez posée à Mme Hwang, sur le fait de placer les gens dans des logements avec services, un problème grave qui se pose dans de nombreuses communautés, c'est que les gens ont honte. C'est une honte terrible pour la famille et pour tout le monde si la famille a l'air de ne pas pouvoir s'occuper de ses aînés. Ainsi, il faut non seulement traduire la documentation, mais aider les communautés à se débarrasser de cette idée. Charan Gill a dû surmonter cet obstacle, et il est bien placé pour le faire, puisque c'est un membre respecté de la communauté, et il faut que ce soit la bonne personne qui fasse cela. Il faut que l'effort vienne de toutes parts, y compris des médias. L'ensemble de la communauté doit se débarrasser de l'idée qu'il est honteux de faire appel aux services de quelqu'un d'autre pour s'occuper des aînés.
Il faut que la famille se sente concernée aussi. Il faut qu'elle montre à la communauté que même si l'aîné vit dans un type d'établissement différent et pas avec la famille, celle-ci s'occupe encore beaucoup de lui. C'est certainement ainsi qu'est PICS. C'est un endroit qui est très accueillant pour les membres de la famille des aînés, et tout le monde peut leur rendre visite. L'endroit est aussi très accueillant pour les enfants.
Ça nous ramène à la question de savoir s'il est possible de combattre la honte lorsqu'il s'agit de détecter les cas de violence et du recours aux ressources communautaires en général. C'est quelque chose de très difficile à faire, mais c'est la raison pour laquelle les gens ne parlent pas de la violence. Cependant, si, dans l'ensemble, ce travail d'information au sujet des liens, de la localisation et de l'utilisation des différentes ressources se fait, je pense que les choses vont finir par changer, même si ça prend du temps. C'est simplement que certains éléments de la communauté ont avancé, mais pas en synchronisme avec les autres.
Par contre, je pense qu'il est important de ne pas simplifier la situation de ces communautés et de dire que les membres de celles-ci n'accèdent pas aux soins à domicile, par exemple, parce qu'ils ne veulent pas faire honte à leur famille. J'ai entendu des fournisseurs de services le dire. Cependant, j'ai également entendu les gens qui ont besoin de ces services dire qu'ils ont cette impression parce qu'ils sont utiles à leur famille en s'occupant des membres de celle-ci que le système pénalise, et qu'on ne leur offre pas les soins à domicile dont ils ont besoin, parce que le système juge que la famille est là. C'est leur perception, qu'elle soit fondée ou non, et il y a beaucoup de choses dans une évaluation relative aux soins à domicile. Il y a donc deux versions des faits.
Pour en revenir à la seconde question que vous venez de poser au sujet de l'augmentation de la dépendance, je pense que nous jouons nous aussi un rôle à cet égard. Nous y contribuons peut-être sans le vouloir lorsque les régies de la santé et les fournisseurs de services de santé supposent que les familles s'occupent de leurs membres, ce qui est souvent le cas. C'est sûr que les membres des différentes communautés vont l'affirmer, parce que c'est une source de fierté, mais ce n'est pas toujours possible.
Un autre facteur, comme dans le cas des services de logement, c'est qu'il y a de nombreux services offerts ici. Nous sommes très spécialisés. Nous offrons de nombreux services, notamment ceux d'infirmières spécialisées dans le soutien aux personnes incontinentes. Lorsqu'un patient âgé est libéré de l'hôpital, le gestionnaire de cas dit à la famille de demander de l'aide au personnel d'hôpital si elle en a besoin. La famille rentre à la maison et prend la relève pour s'occuper de la personne âgée. Le gestionnaire de cas suppose que la famille va communiquer avec lui, mais ce qui arrive, c'est que l'aîné est de nouveau hospitalisé, et les autres membres de la famille sont dans un état terrible parce que l'intensité de la dépendance physique de l'aîné envers eux les a complètement vidés — la fragilité de l'aîné, la démence combinée à l'incontinence. Le gestionnaire de cas dit alors à la famille qu'il les avait priés de s'adresser à lui si elle avait besoin d'aide, mais la famille répond : « Mais qu'auriez-vous fait? Il n'y a que nous qui pouvions faire ce genre de choses pour notre père. »
Il y a deux choses qui se passent en même temps dans ce cas. D'une part, la famille est censée s'occuper de l'aîné, et la culpabilité est très grande si elle ne le fait pas; d'autre part, les gens ne savent pas très bien quel genre de services s'offrent à eux, et c'est quelque chose qu'il faudrait leur expliquer clairement. Plutôt que de leur dire de communiquer avec lui en cas de problème, le gestionnaire de cas doit dire : « Voici ce qui peut se passer. Voici comment nous pouvons régler ces problèmes. Je vais vous téléphoner chaque semaine au début, puis toutes les deux semaines par la suite, et nous allons parler des différents problèmes. » Il faut que ce soit très clair.
Le sénateur Cordy : Vous avez parlé de la langue, de la formation du personnel, du besoin de personnel bilingue ou trilingue, mais ça dépasse la question de la langue. Je pense — vous l'avez dit déjà à quelques reprises depuis le début de la séance — que c'est l'aspect culturel de la chose; la simple idée de dire : « Appelez-moi si vous avez besoin d'aide » — en est un exemple.
Dre Koehn : Oui.
Le sénateur Cordy : Les écoles de médecine et les écoles de soins infirmiers envisagent-ils d'offrir une formation culturelle en plus d'une formation linguistique?
Dre Koehn : Oui. Il y a un mouvement vers les compétences culturelles; c'est quelque chose qui prend du temps. J'ai organisé l'an dernier un symposium sur les problèmes auxquels sont confrontés les aînés qui découlent de la culture, surtout en ce qui concerne l'accès aux soins. Naina Patel, qui a fait un travail extraordinaire de défense des droits des personnes âgées et de recherche en Angleterre a expliqué que les aînés disent que, pour se sentir bien, ils ont besoin de soins de qualité, et qu'on n'insiste pas suffisamment sur la qualité.
Je ne veux pas minimiser l'importance de l'élément linguistique; il faut en tenir compte. Cependant, il y a des fournisseurs de services qui ne parlent pas la même langue que leur client, mais qui sont capables de répondre à leurs besoins en faisant preuve de beaucoup de sensibilité, tandis qu'il y en a qui parlent la même langue, mais qui sont insensibles à ce que vivent leurs clients. Une chose importante, dans la communauté panjabie, par exemple, c'est qu'il y a beaucoup de fournisseurs de services qui sont issus de milieux urbains, tandis que bon nombre des bénéficiaires de ces services viennent de milieux ruraux. Il y a de la discrimination et, ils voient les choses différemment, et cela donne souvent l'impression d'être de l'insensibilité.
Il faut que les deux éléments soient là. Je ne pense pas que les étudiants en médecine reçoivent une formation suffisante à cet égard. Il y a beaucoup de documentation sur le sujet, et l'une des choses les plus importantes que nous enseigne cette documentation, c'est qu'il faut sensibiliser les gens au fait que nous avons tous un point de vue fondé sur notre culture, et que les choses que nous considérons comme normales ne le sont pas nécessairement pour les gens qui appartiennent à d'autres cultures. C'est un élément important à intégrer à notre façon de penser.
Le sénateur Cordy : J'aurais cru que votre idée de demander à des aînés d'en aider d'autres était bonne.
Madame Coates, comment votre Centre est-il financé?
Mme Coates : Nous avons plusieurs mécanismes de financement. Certains de nos projets sont financés par Condition féminine Canada et par Centraide. Nous recevons également du financement de base de la part de l'administration municipale et de Centraide, et il y a aussi les jeux de hasard, les bons vieux jeux de hasard. Nous nous finançons également nous-mêmes en faisant des campagnes de financement, dont certaines à l'interne. Il a toujours fallu lutter pour obtenir du financement.
Le sénateur Cordy : Quelle proportion des heures de travail de votre personnel est consacrée au fait de trouver des fonds?
Mme Coates : Probablement la moitié de mes heures de travail, et au moins le quart des heures de travail d'une autre personne qui fait partie du personnel de l'organisation, ce qui est dommage, parce que j'aimerais mieux être prise par le genre de discussions intéressantes que nous avons aujourd'hui.
Le sénateur Cordy : C'est bien dommage. J'ai été membre d'un conseil qui s'occupait des jeunes sans-abri à Halifax, et je me suis aperçue, une fois que je suis devenue membre du conseil que je devais passer le plus clair de mon temps à trouver des fonds, ce qui est très frustrant. Vous avez raison de dire qu'il est agréable de faire autre chose de temps à autre.
Mme Coates : J'ai remarqué que les mythes sur la situation des aînés ont changé au fil du temps, depuis que j'ai commencé à recueillir des fonds pour leur venir en aide. À l'époque, on ne savait pas grand-chose sur eux. La plupart des gens semblaient penser que les aînés étaient des gens qui jouaient au golf et qui n'avaient pas besoin d'aide. Aujourd'hui, ce n'est plus aussi difficile qu'avant de convaincre les gens du fait qu'il faut aider les aînés. J'ai travaillé avant au sein d'une organisation dont la clientèle était composée d'enfants et c'était tellement plus facile. J'ai constaté un changement, et je suis très heureuse de voir que nous avons commencé à nous intéresser aux personnes âgées, surtout que je vais faire partie de ce groupe bientôt.
Le sénateur Cordy : Avec de la chance, nous allons un jour être des aînés.
J'aimerais revenir sur la question du soutien offert à la communauté des lesbiennes, gais et transgenres. Vous avez parlé du fait qu'on envisage en ce moment des logements particuliers pour cette communauté, et je n'aime pas beaucoup cette idée, parce que je pense que c'est de la ghettoïsation. Est-ce que c'est ce que la communauté souhaite à ce moment-ci, et est-ce que ça va changer? Je peux comprendre que les gens qui forment le groupe des aînés à l'heure actuelle n'acceptent pas ça, mais avec les changements apportés aux lois canadiennes, est-ce que cette attitude va changer?
Mme Coates : Je pense que la ghettoïsation est un danger, mais la communauté LGTB examine soigneusement cette question, et, si elle pense devoir créer des centres spéciaux, elle envisage aussi de former des gens qui pourront offrir des soins de longue durée et qui pourront travailler dans ce genre de centre et qui sont en mesure de comprendre les problèmes de la communauté. Je pense qu'on envisage les choses d'un point de vue global.
Le sénateur Cordy : Il y a 250 bénévoles qui travaillent à votre centre. Combien d'entre eux sont des personnes âgées?
Mme Coates : Nous essayons de faire en sorte que ce soit au moins 75 p. 100.
Le sénateur Cordy : Est-ce qu'il y a des obstacles financiers pour les aînés qui veulent faire du bénévolat? Nous avons entendu parler de problèmes dans certaines régions, notamment le prix de l'essence.
Mme Coates : Heureusement pour nous, au 411 Seniors Centre, nous nous trouvons sur un circuit d'autobus pratique, et si on offre un laissez-passer gratuit aux aînés, c'est parfait pour eux. Nous donnons également à dîner à toute personne qui fait du travail bénévole ici, ce qui aide beaucoup.
Le sénateur Cordy : Ça doit aider beaucoup, en effet. Vous avez parlé d'un laissez-passer d'autobus gratuit. Est-ce que c'est un programme municipal?
Mme Coates : C'est un programme gouvernemental.
Le sénateur Cordy : Du gouvernement provincial?
Mme Coates : Du gouvernement provincial, oui.
Le sénateur Cordy : Est-ce que ça fonctionne bien? Nous avons entendu dire qu'il serait possible que le gouvernement fédéral lance une initiative pour offrir des laissez-passer d'autobus gratuits.
Mme Coates : Je pense que le gouvernement provincial aimerait ça. Lorsque le gouvernement actuel, qui en est à son deuxième mandat, a été formé, il a été question d'annuler le programme des laissez-passer d'autobus gratuits, et je pense que beaucoup des observations qui ont été formulées à l'époque étaient intéressantes.
Le sénateur Mercer : Ils ont tout arrêté immédiatement.
Le sénateur Cordy : Est-ce que ça donne des résultats?
Mme Coates : Ça donne des résultats, oui. Lorsqu'il y a eu la grève du service d'autobus à Vancouver, ça a été très difficile pour beaucoup d'aînés. Les gens avaient aussi de la difficulté à venir à notre centre.
Le sénateur Cordy : Nous avons entendu dire que la disposition de la loi qui fait que les gens obtiennent un crédit d'impôt s'ils se procurent un laissez-passer d'autobus n'est utile que pour les gens qui gagnent suffisamment d'argent pour payer des impôts. Ce serait bien pour tout le monde qu'on offre un laissez-passer gratuit, peu importe si les gens gagnent suffisamment d'argent pour payer des impôts.
Mme Coates : Oui. N'oubliez pas que beaucoup d'aînés paient des impôts.
Le sénateur Cordy : Nous le savons, mais nous essayons d'aider tout le monde.
La présidente : J'aimerais que nous parlions un peu des politiques d'immigration en général. J'ai été très étonnée d'apprendre que quelqu'un pouvait continuer de dépendre de quelqu'un d'autre même après être devenu citoyen canadien, alors j'aimerais en savoir davantage là-dessus.
Pour ce qui est de la formation linguistique, je me rappelle l'époque où le gouvernement fédéral faisait beaucoup de choses du côté de l'apprentissage de l'anglais comme langue seconde, c'est-à-dire des programmes d'ALS, et je me souviens également du moment où le gouvernement s'est retiré de tout ça, de tout ce programme. Il y a une chose que la Dre Koehn a dite et qui m'a touchée personnellement, parce que j'ai une fille qui enseigne à Brampton, en Ontario. Quatre-vingt-cinq pour cent de ses élèves étaient panjabis, et ceux-ci parlaient panjabi à la maison, à l'école, pendant la récréation, pendant l'heure du dîner et après les classes. Le problème, pour elle, consistait à s'assurer que ses enfants apprenaient l'anglais, mais ça a aussi soulevé une question beaucoup plus vaste : est-ce que les parents de ces enfants apprenaient l'anglais? Les grands-parents de ces enfants, qui s'en occupent maintenant — et c'est ça qui m'a frappée —, ont-ils eu l'occasion d'apprendre l'anglais? Faisons-nous suffisamment d'efforts pour permettre aux nouveaux Canadiens d'apprendre l'une ou l'autre de nos langues officielles ou sommes-nous pleins de bonnes intentions mais inefficaces?
Dre Koehn : Certaines organisations d'aide à l'établissement offrent des cours d'ALS aux aînés, mais elles sont très rares. Ces organisations doivent offrir aussi des services de garderie, parce que les aînés ont en général des petits- enfants et n'ont pas d'autres endroits où les faire garder. Cependant, comme vous le savez, la majeure partie des cours d'ALS ont pour objectif de permettre l'intégration des gens qui les suivent à la population active. Dans bien des cas, chez les familles que je connais et auprès desquelles j'ai travaillé, les parents parlent suffisamment bien anglais pour participer au marché du travail, mais à la maison, la langue privilégiée est toujours leur langue maternelle, par exemple le panjabi ou l'hindi. Les grands-parents évoluent dans ce contexte. C'est surtout eux qui s'occupent des enfants.
À Surrey, un groupe qui s'appelle DIVERSEcity et qui est financé par Centraide du Lower Mainland a lancé une initiative intéressante. Celle-ci est axée sur les jeunes enfants. Les gens de cette organisation ont remarqué, comme vous l'avez mentionné, que les enfants qui commencent l'école ont des lacunes non seulement en anglais, mais aussi en ce qui concerne le genre de choses qu'on s'attend que les enfants soient capables de faire lorsqu'ils atteignent l'âge de fréquenter l'école. C'est qu'il s'agit de choses que les grands-parents panjabis n'ont pas connues dans leur propre enfance. Par exemple, ils n'encouragent pas les enfants à utiliser des crayons à dessiner pour s'exprimer, ce qui est une importante aptitude que les enfants doivent posséder avant de commencer à lire et à écrire. Comme ces enfants sont à de nombreux égards très différents de leurs grands-parents sur le plan culturel, dans bien des cas, on les installe devant la télévision, ce qui fait qu'ils apprennent l'anglais de la télévision. En plus, c'est épuisant de suivre les enfants pour les grands-parents qui n'ont pas la même énergie, ce qui fait que la télé devient une solution intéressante.
Le groupe dont je parlais a distribué des calendriers en panjabi dans lesquels figure un conseil sur le développement des enfants pour chaque mois, dans le but de favoriser l'acquisition de ces aptitudes par les enfants. Les gens de ce groupe n'ont pas fait que ça. Ils ont parlé de ces questions dans le cadre d'émissions de radio. Grâce à un nouveau financement fourni par Centraide, ils utilisent des locaux qui ne servaient pas à grand-chose, et les transforment en centres d'apprentissage mixtes où les enfants et les grands-parents n'ont qu'à se présenter pour recevoir les services. Il pourrait être possible à un moment donné d'intégrer à cela un volet de formation en anglais pour les grands-parents.
Nous avons déjà eu un service de liaison entre l'école et la maison. Je connaissais plusieurs personnes qui travaillaient dans ce service qui étaient bilingues et qui jouaient le rôle d'intermédiaires entre les membres de la famille à la maison et le personnel de l'école. Je sais que le fait que les élèves parlent différentes langues pose des problèmes pour beaucoup de nos écoles, et, parfois, le personnel des écoles est incapable de communiquer avec les parents ou avec les grands-parents des élèves. Je pense que ces postes ont été supprimés.
La présidente : Je pense que c'est important que les gens parlent les deux langues. C'est important qu'ils parlent la langue de la culture et du milieu desquels ils sont issus, mais, comme enseignante — et nous le sommes toutes les deux —, je me préoccupe aussi du fait que les élèves réussissent. Je sais que, s'ils n'apprennent pas l'anglais, ou encore le français, s'ils vivent dans un milieu francophone, le système va les pousser non pas vers les programmes universitaires, mais plutôt des programmes de formation professionnelle, ce qui peut ne pas être la meilleure chose pour tel ou tel enfant. Sincèrement, je me demande si nous ne laissons pas tomber ces enfants, mais aussi les parents et les grands- parents.
J'ai passé un certain temps à examiner le système suédois. Lorsqu'une famille d'immigrants s'installe en Suède, tous les membres de la famille étudient le suédois ensemble, la mère, le père et les enfants, ce qui fait que lorsqu'ils commencent à travailler, à fréquenter l'école et à interagir avec les autres membres de la collectivité, ils connaissent déjà les bases de leur nouvelle langue. J'aimerais que vous me disiez ce que vous pensez de cela. Faisons-nous suffisamment d'efforts dans ce domaine?
Dre Koehn : Je connais un excellent argument pour justifier l'idée d'offrir des cours d'anglais langue seconde aux grands-parents. Il y a une crise très grave dans les garderies de la province; il n'y a pas suffisamment de places. Il faut s'inscrire sur une liste d'attente de nombreuses années avant la naissance de ses enfants. Ce que les grands-parents font pour atténuer cette crise est extraordinaire, et offrir des cours de langue à ces grands-parents, ce serait un petit prix à payer pour investir là-dedans et investir dans l'avenir des enfants. Je pense que nous ne faisons pas encore suffisamment d'efforts.
La présidente : Madame Hwang, l'anglais n'est pas votre langue maternelle, quoique vous le parliez très bien.
Mme Hwang : Merci.
La présidente : Que penseriez-vous de l'idée d'adopter une attitude plus favorable à la formation linguistique?
Mme Hwang : Tout d'abord, le fait de créer un environnement plus accueillant pour les immigrants les inciterait à suivre des cours d'ALS. Une fois qu'ils se trouvent en classe, les choses vont probablement bien se passer pour eux, mais c'est le fait de s'y rendre et de se trouver dans une classe qui est le véritable défi pour beaucoup d'immigrants. Ça prend du courage. Cependant, une fois qu'ils y sont et qu'ils font des activités avec d'autres personnes dont l'anglais n'est pas la langue maternelle, ils s'aperçoivent que ce n'est pas trop mal et ça les encourage. C'est le premier pas qui est très difficile.
La présidente : Pensez-vous qu'ils pourraient également apprendre plus de choses sur la culture locale dans le cadre de ces cours d'ALS? Je comprends la peur que peut ressentir une personne issue d'une culture où les logements avec services ou pour personnes âgées n'existent pas et qui ne parlent pas la langue que les gens parlent autour d'elle. Que pensez-vous de l'idée que nous adoptions un plan pour faire du milieu de l'apprentissage de l'anglais langue seconde un milieu plus accueillant, mais aussi pour en faire un milieu plus ouvert à la différence culturelle?
Mme Hwang : C'est une très bonne idée. En fait, ma sœur enseigne l'anglais langue seconde, et c'est exactement ce qu'elle a dit, c'est-à-dire que l'intégration de l'apprentissage culturel au programme linguistique fonctionne. Merci d'en avoir parlé.
La présidente : J'aimerais remercier chacune d'entre vous. Vos témoignages ont été très éclairants, et je sais que vous allez retrouver bon nombre des idées que vous avez exprimées dans notre rapport final.
Chers sénateurs, nous passons maintenant à notre deuxième groupe de témoins. Nous recevons Eyob Naizghi, de MOSAIC; Charan Gill, de Progressive Intercultural Community Services; Jo-Anne Stephens, de Collingwood Neighbourhood House et Alice Choi, de S.U.C.C.E.S.S. Notre dernier témoin n'était pas certain de la signification de l'acronyme S.U.C.C.E.S.S., donc vous pourrez amorcer votre exposé en nous l'expliquant, madame Choi. Toutefois, nous commencerons par M. Naizghi.
Eyob G. Naizghi, directeur général, MOSAIC : Merci beaucoup, madame la présidente. Comme vous pouvez le voir, je vieillis.
La présidente : Comme nous tous.
M. Naizghi : Je me joins au club. Je suis moi-même immigrant. MOSAIC est une association de services d'orientation à membres multiples pour les communautés d'immigrants. MOSAIC est notre nom officiel.
Madame la présidente, honorables sénateurs et invités, si vous me le permettez, je vais lire mes notes pour aller plus vite et nous épargner du temps. Mon exposé constitue essentiellement l'histoire de MOSAIC. J'aborderai ensuite notre interaction avec les aînés immigrants et la question du vieillissement, puis je parlerai un peu de ce que nous savons par expérience. Enfin, je formulerai mes observations au sujet du rapport. Je l'ai lu en détail, et je suis très satisfait de ce que j'y trouve, maintenant que j'en sais un peu plus long que vous.
Au nom du conseil, du personnel et des bénévoles de MOSAIC, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement. J'aimerais aussi saisir l'occasion de féliciter le comité pour son bon travail, dont témoigne ce rapport très impressionnant, qui fera office de document évolutif et servira de guide pour nos démarches ultérieures liées à la question du vieillissement.
MOSAIC est un organisme sans but lucratif dirigé par un conseil bénévole diversifié. L'organisme se trouve à Vancouver, mais nous servons la population d'immigrants et de réfugiés du Lower Mainland. L'organisme est multiculturel et multilingue.
MOSAIC, par le passé, a aussi été membre d'un bon nombre d'initiatives provinciales sur le vieillissement. Nous sommes membres de Age-friendly Leadership Network, que nous avons lancé l'année dernière. C'est un réseau de leadership axé sur la promotion de la santé et du bien-être des citoyens âgés; on ne fait pas de distinction selon l'âge, et tout le monde présent pourrait y participer. Ce réseau est fondé sur des lignes directrices et des outils élaborés par l'Organisation mondiale de la santé. Nous participons aussi au Conseil du premier ministre sur le vieillissement et les affaires des personnes âgées, initiative du premier ministre visant à guider les politiques et les pratiques provinciales qui touchent les aînés. Nous n'en avons pas encore vu beaucoup, mais nous espérons en voir plus.
Notre mandat consiste à aider les immigrants et les réfugiés à surmonter les obstacles économiques, culturels et linguistiques afin qu'ils effectuent une transition complète dans leur nouvelle collectivité. Nous avons pour mission de les écouter et de répondre à leurs besoins. Nous le faisons grâce à la participation à des tribunes comme celle-ci, et en offrant différents services pratiques accessibles sur le plan culturel et linguistique, qui leur permettent de réaliser leurs objectifs tout en établissant des liens avec leur collectivité dans son ensemble. Le principe directeur de MOSAIC s'inscrit dans le contexte de l'inclusion sociale, de l'équité et de la justice sociale au Canada et s'appuie sur la reddition de comptes, la responsabilité et le partenariat.
J'aimerais parler des programmes et services en place au sein de notre organisme. Nous comptons cinq secteurs de service ou divisions. Les services d'établissement offrent de l'information, de l'aiguillage et une représentation aux nouveaux arrivants dans la langue maternelle des immigrants et des réfugiés de la collectivité. Notre organisme regroupe environ 12 membres du personnel qui, mis ensemble, parlent au moins 20 langues.
Nos programmes familiaux sont axés sur les ménages qui ont des enfants et sont la source de différents programmes qui vont de l'art d'être parent et du développement de la petite enfance à des mesures visant les problèmes de violence conjugale. C'est un survol sommaire de la division. Encore une fois, la plupart de nos services axés sur la famille sont fournis dans la langue maternelle des communautés avec lesquelles nous travaillons.
Les programmes d'emploi sont principalement conçus pour rehausser la participation des immigrants et des réfugiés au marché du travail. La plupart des programmes de cette division sont offerts en anglais, mais il existe peut-être un certain degré de soutien dans la langue maternelle.
Nous avons un service que nous appelons ELSA, soit une formation linguistique en anglais destinée aux adultes et assortie d'un service de garderie. La plupart des participants à notre programme sont des femmes.
Les services linguistiques fournissent un service d'interprétation et de traduction dans près de 75 langues selon un principe de rémunération des services. Il s'agit d'une entreprise sociale qui s'est révélée une ressource précieuse pour les citoyens et le grand public, aussi bien que pour le secteur privé de la province de la Colombie-Britannique, au Canada et aux États-Unis; nous faisons de bonnes affaires dans ce secteur.
J'aimerais parler brièvement de notre capacité organisationnelle. Nous comptons plus de 150 employés, 300 bénévoles et environ 150 interprètes et traducteurs pigistes, et notre budget s'établit à environ 50 millions de dollars pour 2008-2009. Près de 80 p. 100 de notre financement proviennent du gouvernement fédéral et provincial et de l'administration municipale, quoique cette dernière ne contribue que 1 p. 100; néanmoins, cela ajoute au financement. Environ 15 p. 100 de nos recettes proviennent de la rémunération des services, surtout l'interprétation et la traduction, puis 5 p. 100 proviennent des fondations, y compris Centraide, et des dons. Nous dépendons largement du financement gouvernemental.
Actuellement, notre capacité de financement est très limitée, c'est pourquoi nous trouvons des moyens très créatifs de combler les besoins du client. Essentiellement, selon les mandats et les priorités, les bailleurs de fonds ont tendance à décider quels programmes ils veulent financer et qui ils veulent servir. Par exemple, la caisse de l'assurance-emploi prescrit clairement dans sa politique et dans ses lois quels programmes elle finance et qui elle sert.
Les modules de financement en place ne ciblent pas les immigrants et les réfugiés vieillissants comme une population particulière à servir; par conséquent, ce sont ces personnes qui passent entre les mailles. En tant que membres de la population de nouveaux arrivants, aux prises avec des barrières linguistiques et systémiques, on les sert par le truchement de nos services d'établissement, qui leur fournissent des renseignements et les aiguillent vers les services accessibles. Dans le cadre de nos programmes familiaux, des grands-mères se présentent à des groupes de soutien familiaux avec leurs petits-enfants. Nous voyons un petit nombre d'immigrants et de réfugiés âgés à nos cours d'anglais, mais leurs besoins et les processus qui leur conviennent sur le plan de l'apprentissage sont différents.
Au début des années 1990, MOSAIC a accédé au financement fédéral par le truchement du programme Nouveaux horizons pour les aînés, au nom des aînés de l'Asie du Sud, qui ont rapidement commencé à s'organiser de façon autonome. Le programme des Nouveaux horizons nous a aidés à renforcer la capacité de ces aînés particuliers, mais d'après notre expérience, nous n'y avons pas eu recours pour renforcer la capacité de notre organisme; c'est pourquoi notre organisme soutient les aînés dans une mesure limitée. Il faut que je l'avoue.
La direction générale de l'établissement et du multiculturalisme du ministère du procureur général, le ministère provincial qui gère les fonds d'établissement, commence à manifester un vif intérêt à l'endroit des services offerts aux immigrants et aux réfugiés âgés. On a effectué des consultations avec les intervenants, dont des gens des différents ministères et du secteur bénévole. De notre point de vue, c'est une occasion très prometteuse, puisqu'une capacité de recherche pourrait être affectée au soutien de la population des immigrants et des réfugiés âgés.
Que savons-nous de la diversité et du vieillissement? Selon des données de recensement, nous comprenons que la population d'immigrants et de réfugiés vieillit de façon semblable à la population générale. Toutefois, il y a peu de mots pour décrire la façon dont ce segment de la population vieillit. Ce n'est que très récemment qu'on a commencé à témoigner un certain intérêt à l'égard de la recherche sur des thèmes connexes dans les universités, comme celui qui traitait de la gérontologie à l'Université Simon Fraser; l'Université Victoria effectue aussi des recherches, mais elle en est toujours à ses balbutiements.
En outre, nous en connaissons très peu sur les défis qui incombent aux organismes ou à l'industrie qui s'occupent du soutien aux aînés, et nous ne savons pas non plus clairement comment les immigrants et les réfugiés âgés s'en tirent au moment où ils accèdent à une succession mesures de soutien, que ce soit sur le plan linguistique, alimentaire, culturel ou dans d'autres secteurs systémiques. Il a toujours existé des foyers pour personnes âgées soutenus par les collectivités et le public, et nous commençons à voir certaines des grandes communautés culturelles non européennes mettre sur pied des établissements semblables pour prendre soin de leur population vieillissante. Charan Gill parlera de ce sujet, donc je n'ai pas besoin d'entrer dans les détails.
D'après notre expérience, nous constatons que la population d'immigrants et de réfugiés âgés fait partie de la famille élargie, soit les communautés culturelles qui existent. Nous constatons également qu'elle fait partie de l'assise économique de la famille nucléaire, soit en s'occupant des petits-enfants pendant que les parents travaillent, soit en travaillant dans le secteur agricole, surtout comme travailleurs saisonniers, ou encore en travaillant pour l'entreprise familiale. Cette réalité, en plus de comporter son lot de difficultés liées au système canadien, entraîne des abus. Il y a beaucoup de facteurs inconnus. Comme quelqu'un l'a mentionné plus tôt, un aîné peut se fatiguer et ne plus être en mesure de prendre soin de jeunes enfants énergiques en pleine croissance. En revanche, de mon point de vue, au moins, ce groupe profite d'un contexte qui lui offre un certain degré de soutien ainsi qu'un réseau.
Il y a aussi ceux qui vieillissent seuls. On les trouve partout, mais ils ont tendance à se retrouver particulièrement au sein des petites communautés ethnoculturelles, comme la mienne. Ne vous abusez pas; j'ai de la famille, mais la communauté africaine est très segmentée. Nous sommes originaires de 50 pays ou plus; chaque jour, un pays est en développement ou en croissance en Afrique. Il y a aussi beaucoup de gens qui vieillissent seuls dans les communautés latino-américaines et vietnamiennes. Ce sont les groupes que j'ai l'habitude de caractériser de plus restreints.
Comme on l'a bien documenté, pour la population active d'immigrants et de réfugiés, la rémunération est beaucoup plus modeste que pour la moyenne de la population née au Canada. Au sein de la population vieillissante, ce phénomène compromet l'accès et le caractère adéquat de toute forme de ce que j'appelle, à défaut d'un meilleur mot, les gains ouvrant droit à pension ou à un soutien. Ainsi, nous voyons souvent un niveau intense de pauvreté chez les immigrants et les réfugiés vieillissants. Pauvreté est le mot clé. Ensuite, ce problème se traduit par l'itinérance ou un logement insalubre et d'autres problèmes de santé. Naturellement, les obstacles linguistiques et culturels sont plus prononcés chez ce groupe. Cela nuit à sa capacité d'interagir avec les ressources disponibles et entraîne la solitude et l'isolation, qui provoquent des problèmes de santé.
J'ai lu le rapport du comité, et je mettrai en lumière certains des thèmes qui m'ont sauté aux yeux parce qu'ils se rattachaient au cas des immigrants et des réfugiés âgés. Il faut bien comprendre que le rapport est, pour la majeure partie, très clinique et axé sur la santé — secteurs dans lesquels j'ai peu de connaissances —, alors je voudrais seulement parler de certains des services non techniques, qui sont cruciaux pour la population vieillissante.
Le rapport reconnaît la diversité chez les aînés, et la disparité entre les aînés immigrants et les aînés non immigrants; cet aspect est très bien documenté, et je l'apprécie vraiment, car il traite du problème de la pauvreté. On reconnaît les changements démographiques chez la population vieillissante, et on recommande des changements nécessaires dans la prestation de services pour qu'ils tiennent compte des besoins de la population d'immigrants et de réfugiés. Nous sommes enchantés par cet aspect du rapport. La nécessité de rendre accessible l'information et les ressources est clairement énoncée, mais nous aimerions insister sur le besoin de rendre cette information et ces ressources accessibles dans nos langues.
Le rapport reconnaît le soutien familial informel dans la collectivité. Cela est manifeste au sein de la population d'immigrants et de réfugiés, et on doit le reconnaître et l'appuyer. D'ailleurs, le concept cadre très bien avec ce qu'on appelle, dans le rapport intérimaire, « Vieillir à l'endroit de son choix ».
Dans le rapport, on reconnaît le facteur de risque et la prévalence de l'exclusion sociale chez les immigrants et les réfugiés, et on remet en question la capacité de structures de services sociaux en place à combler leurs besoins. Dans le cadre du discours sur le paradigme inclusion-exclusion, nous aimerions ajouter les répercussions du racisme et de la discrimination. J'espère que Charan Gill parlera de ce sujet. Dans le rapport, on insiste sur la nécessité de l'éducation et de l'information pour garantir un mode de vie sain et actif et on fait la promotion de pratiques antidiscriminatoires. J'aimerais souligner que ces besoins se font encore plus sentir dans la population d'immigrants et de réfugiés.
En ce qui concerne l'élaboration d'un programme réservé aux immigrants et aux réfugiés âgés, nos dix ans d'expérience avec le Programme d'action communautaire pour les enfants, de zéro à cinq ans, qui est financé par Santé Canada, nous révèlent que la promotion et la prévention, qui sont les services non techniques dont je viens de parler, sont une bonne démarche pour commencer à intervenir tôt. Puisque MOSAIC sert les immigrants et les réfugiés depuis plus de 30 ans, nous savons que toute forme de conception de programme doit d'emblée aborder les questions d'un point de vue linguistique et culturel.
La dernière chose, mais non la moindre, c'est que le rapport intérimaire reconnaît l'existence d'une responsabilité partagée entre les différents organes stratégiques, à l'échelle fédérale et provinciale, ainsi que le rôle actif du secteur bénévole. Ainsi, la recommandation qui découle du rapport au chapitre de l'approvisionnement convenable en ressources du secteur bénévole est très bien accueillie et appuyée.
Madame la présidente et honorables membres du comité sénatorial, au nom des communautés avec lesquelles nous travaillons, j'aimerais vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner devant le comité.
La présidente : Merci beaucoup.
Charan Gill, chef de la direction, Progressive Intercultural Community Services Society : Bonjour, madame la présidente et honorables sénateurs. Je vais seulement parler avec mon cœur. Je n'ai pas de mémoire écrit. J'ai participé à beaucoup, beaucoup de rapports. Ce sac est rempli de rapports qui datent des cinq ou dix dernières années, mais comme vous l'avez dit, vous n'avez pas vraiment vu beaucoup d'action. La machine gouvernementale est assez lente; c'est un processus qui bouge lentement et prend beaucoup de temps, et lorsque quelque chose arrive, les problèmes prolifèrent.
Je suis le fondateur de la Progressive Intercultural Community Services Society, ou PICS. Je suis travailleur social de profession, et j'ai ressenti le besoin dans la collectivité. J'ai aussi constaté qu'il existait une lacune considérable au chapitre des services. Il faut la combler. Il faut répondre aux besoins qui naissent dans les nouvelles collectivités, mais celles-ci sont en butte à des problèmes. La raison, c'est que nous n'avons pas l'expertise nécessaire pour rédiger des soumissions; nous n'avons pas le savoir-faire. Même si moi, en tant que travailleur social, j'ai certaines connaissances, toute la communauté n'a pas accès à cette voie, parce que l'expertise de reconnaître les besoins fait défaut.
Lorsque j'allais visiter dans les foyers pour personnes âgées, les aînés de l'Asie du Sud étaient placés dans un coin. Dans chaque centre communautaire, il y avait toujours une ou deux personnes qui étaient très malheureuses. Les services adaptés à la culture n'existaient pas, et les gens n'avaient pas accès aux aliments qu'ils avaient l'habitude de manger depuis 60 ou 70 ans. Les repas étaient complètement différents; ils étaient européens, et ils n'y étaient pas habitués. Peu d'employés étaient bilingues, et ils ne pouvaient même pas communiquer.
Sensible à tous ces besoins, il y a environ 20 ans, j'ai lancé cet organisme avec huit amis qui ont fourni 10 $ chacun, pour un total de 80 $, et j'étais le seul employé. Maintenant, 20 ans plus tard, nous avons un effectif de plus de 100 personnes, et nous avons de nombreuses ressources et organisations comme MOSAIC et S.U.C.C.E.S.S. Nous offrons le même genre de services aux immigrants.
De plus, je me suis adonné à l'agriculture biologique. Nous nous sommes procuré 20 acres de terre du district régional de Vancouver, mais ça ne s'arrêtait pas là. La plupart des personnes âgées travaillaient dans le secteur agricole, qui compte de 20 000 à 22 000 Asiatiques du Sud. Environ 10 000 d'entre eux travaillent dans des serres ou des serres chaudes, et 10 000 travaillent à l'extérieur dans les champs. Ce sont des aînés pour la plupart. Ces aînés dépendent de leurs enfants. Ils sont venus au Canada en vertu de la Family Relations Act. Ils ne sont pas admissibles à d'autres services pour les dix prochaines années, donc ils sont contraints de travailler, même à l'âge de 65 ou de 70 ans, et pendant bien des années, ces gens ont été exploités, car ils ignorent la langue, et ils ignorent leurs droits et ils ignorent leurs responsabilités.
Nous avons un programme spécialisé réservé aux travailleurs agricoles. Nous tenons des ateliers sur les droits et les responsabilités. Nous formons les gens dans d'autres domaines, comme par l'entremise d'ELSA et de programmes que nous avons, un peu comme S.U.C.C.E.S.S. et MOSAIC.
PICS est un nouvel organisme. Nous n'offrons pas un grand nombre de programmes, mais c'est une entité semblable, qui se consacre à combler les besoins des immigrants dans les communautés multiculturelles. Nous nous concentrons actuellement sur les aînés. Nous avons beaucoup de programmes, y compris des programmes pour les travailleurs agricoles, et aussi pour les aînés; la plupart sont destinés aux aînés.
Sensibles à ce besoin, nous avons commencé il y a environ huit ans. La tâche la plus difficile, c'était d'acheter un terrain. J'ai dû recueillir un million de dollars pour acheter une terre et j'ai eu du mal à établir ma crédibilité, à inspirer le respect et la confiance nécessaires pour qu'on ne craigne pas que je me sauve avec l'argent. Ça n'a pas été facile de convaincre les membres des communautés, qui ont souvent l'impression que la plupart des gens ici ne vivent que pour l'argent, et ne sont pas d'accord avec le principe de l'avantage collectif de la communauté. J'étais l'une de ces personnes qui avaient un pied dans chaque communauté. Je les pressais, et j'essayais de travailler avec elles, et je leur ai dit que je parlais sérieusement; que c'était vraiment ce que nous voulions faire.
En 1998, nous avons acheté un lopin de terre, mais c'était très difficile. Nous avions beaucoup de mal à dormir la nuit, car nous ne pouvions payer les versements hypothécaires. Enfin, après avoir fait un versement initial de 10 p. 100, nous avons acheté deux acres et demie.
Nous avons aussi l'intention de fournir des logements aux aînés et des logements avec assistance. Notre plan date du moment où nous avons acheté cette terre. Beaucoup d'aînés visés par la période de dix ans pouvaient travailler. Certains ont eu des crises cardiaques, d'autres étaient atteints de handicaps, et à ce moment-là ils sont vraiment pris au piège. Ils passent de durs moments.
Les valeurs ne sont pas les mêmes que dans leur pays d'origine, où les enfants s'occupent de leurs parents. Certains enfants sont déménagés à New York, à Toronto ou je ne sais où — ils suivent les emplois. Les aînés restent ici. Les besoins de ces personnes sont criants. Elles ne peuvent pas demander de services sociaux. Si elles le font, que se passera- t-il? Eh bien, les gouvernements fédéral et provincial vont retracer leurs répondants, qui ne sont pas des gens riches, qui travaillent à un salaire de 10 ou 12 $ l'heure. Certains d'entre eux ont de l'argent, 30 000 ou 40 000 $; alors c'est à eux que revient la facture, et c'est très dur pour la famille, cela cause beaucoup de stress et de tension et place vraiment un fardeau sur certains membres de la famille. Des familles se séparent à cause de cette douleur, et de tous les remboursements qu'ils ne peuvent pas faire. Le gouvernement de la Colombie-Britannique grève leur maison. Le gouvernement revendique les 40 millions de dollars qu'il a versés, mais il n'en a recouvré que cinq environ. Il déclare toujours qu'il a l'intention de percevoir la somme totale ou grever les maisons. C'est ce qui arrive.
Nous avons deux foyers. Celui que nous avons lancé en premier sert à l'hébergement. Il y avait un besoin important chez les gens qui travaillent dans les fermes, des gens qui paient. Tous les immigrants touchent un salaire très modeste. Seuls les gens qui travaillaient dans l'industrie du bois de sciage à l'époque gagnaient entre 18 et 20 $ l'heure. Maintenant, cette industrie est en déclin. La plupart des aînés étaient concierges ou travailleurs agricoles ou occupaient des postes au bas de l'échelle, comme gardien de sécurité. Ces gens ont beaucoup de mal, avec une petite pension, à vivre n'importe où. Ils vivaient dans des sous-sols ou dans des voitures, et se rendaient dans des temples sikhs pour y manger, puis repartaient chez eux.
Leurs enfants ne peuvent pas en prendre soin, parce qu'ils ne sont plus là. Les valeurs changent. Ce n'est pas la même chose que dans le pays d'origine. Les choses changent, et les parents me disent que les enfants ne sont plus les mêmes. Ils croient que, comme dans le pays d'origine, les enfants travailleront à l'extérieur et ramèneront l'argent au chef de famille; tandis que, maintenant, ce seront peut-être les enfants qui prendront l'argent du chef de famille.
Une autre forme d'exploitation dans la collectivité est l'exploitation financière. On enlève le chèque de pension à l'aîné. On le fait travailler comme gardien, alors qu'il ne connaît même pas les rudiments du gardiennage. Parfois, l'aîné ne sait même pas comment composer le 911 en cas d'urgence. À une époque, nous avons conçu un cours pendant une année. Nous avons obtenu un peu d'argent pour former les aînés à prendre soin de leurs petits-enfants. Ce programme s'est terminé, parce que, comme je l'ai dit, le gouvernement ne jugeait pas qu'investir dans la situation des aînés en valait le coup. Le programme était précieux, car dans bien des cas, les enfants de ces aînés peuvent aller travailler et laisser les enfants à la maison avec des grands-parents formés; c'est pourquoi nous l'avons fait.
Il y a maintenant sur la liste d'attente 450 personnes qui veulent profiter de notre premier service d'aide à la vie autonome, et ils n'ont aucune chance d'avoir une place pour les dix prochaines années, avant qu'ils quittent ce monde. Malheureusement, le gouvernement n'a pas l'intention d'injecter plus d'argent dans l'aide à la vie autonome. Il affecte plutôt des fonds au logement avec assistance ou aux soins de longue durée.
Les soins de longue durée sont un fiasco. J'ai fait ma petite enquête, et je sais que bien des gens sont confinés dans des hôpitaux et des établissements de soins de longue durée. Si on leur donne les soins adéquats — nous avons repris certaines personnes dans nos logements avec assistance, et leur moral est tellement bon et ils se sont sentis si bien qu'ils ont commencé à travailler. Ils ne travaillaient pas avant. Je crois qu'ils vivront quelques années de plus qu'ils l'auraient pensé au moment où ils sont arrivés chez nous. Cela fait toute une différence lorsque les gens leur parlent dans leur propre langue, les écoutent, écoutent leurs poèmes ou leurs chansons, peu importe, et fêtent certains des festivals avec eux.
Nous voyons la différence; nous voyons une telle différence chez les gens qui étaient isolés, qui vivaient dans des foyers pour personnes âgées, les établissements européens, comme nous les appelons, ou dans d'autres foyers, car ils n'étaient pas comme les autres. Maintenant, ils tentent de se rencontrer, et se parlent entre eux.
Nous avons aussi mis sur pied un établissement de logement avec assistance. On l'a lancé cette année, et il est rempli à 60 p. 100, et d'autres gens arrivent graduellement. Nous voyons des différences colossales, même chez les gens qui arrivent des établissements de soins de longue durée. Nous avons pris trois personnes des établissements de soins de longue durée dans nos logements assistés, et elles ont beaucoup changé. Elles n'avaient pas besoin de soins de longue durée, vraiment; elles avaient besoin de logement avec assistance. Voilà l'expérience que j'ai avec d'autres gens.
Bien des gens vont dans les parcs, parce qu'ils n'ont nulle part où aller; les sites récréatifs sont rares. Le gouvernement ne planifie pas d'activités récréatives ni d'endroits réservés aux aînés. Ils s'installent dans les parcs, dix ou 12 personnes, et jouent aux cartes. Parfois, lorsqu'ils sont isolés, ils vont dans des toilettes publiques; à Bear Creek Park, deux aînés ont été assassinés par des jeunes. Je ne sais pas, je ne veux pas dire que c'est causé par le racisme. On les a volés; il n'était pas nécessaire de les tuer, mais c'est ce qu'on a fait. Deux aînés ont été tués il y a deux ans. Il y a tellement d'aînés qui sont insultés et maltraités dans les rues, parce qu'ils n'ont pas d'endroit où aller. Parfois, ils s'installent dans les centres commerciaux, parfois dans des parcs publics. Nous voyons ces situations chaque jour.
En vertu du programme de réunification des familles, je crois qu'il y a plus de 8 000 aînés dans le Lower Mainland, mais ils n'ont nulle part où aller. Le seul endroit se trouve derrière le centre sikh; ils jouent aux cartes, par exemple, et se rassemblent dans le temple sikh pour parler et manger. Voilà le principal lieu social où ils peuvent aller et se parler.
Parfois, je demande aux gens pourquoi, s'ils gagnent 4 ou 5 $ l'heure, ils travaillent dans les fermes. Ils répondent que, venant d'un pays tropical, ils ne sont jamais restés à la maison. Des fenêtres de verre sont une prison. Ils veulent rencontrer des gens à l'extérieur pour en apprendre plus. Ils parlent de leur village et de leur vie dans leur pays d'origine. De plus, ils jugent que même un salaire de 4 ou 5 $ l'heure contribue à réduire le fardeau qu'ils placent sur leurs enfants. Ce faisant, ils sortent et établissent des relations. Ils ne veulent pas rester assis chez eux.
Il est important d'accroître les ressources linguistiques réservées aux aînés, pour qu'ils puissent prendre l'autobus et l'aérotrain et dire quelque chose, ou savoir comment composer le 911 en cas d'urgence. Nous voyons que ces besoins ne sont pas comblés, alors voilà où nous en sommes.
Nous ne faisons que commencer. Nous aimerions en faire davantage pour les gens d'Abbotsford. Il y a beaucoup d'aînés à Richmond, et ils ont besoin de plus de ressources récréatives qui leur permettront de se rassembler et de parler.
Certes, l'éducation sanitaire est très importante pour les aînés; parfois, ils vont chez le médecin, parce qu'ils peuvent parler à des gens là-bas. Ils n'ont pas besoin de consulter un médecin ou de se rendre à l'urgence si nous faisons avec eux des exercices et leur offrons une éducation rudimentaire pour leur montrer quoi faire, mais ces programmes ne sont pas en place. J'espère que le gouvernement songera à mettre ces programmes en place pour que les aînés puissent en profiter. Il y a de très modestes programmes qui s'établissent, mais ce n'est pas assez. Comme je l'ai dit, la machine est tellement lente, leur nombre pourrait probablement tripler, vous savez, avant d'attirer l'attention du gouvernement. En attendant, il est toujours en retard.
Voilà les problèmes qui affligent la communauté de l'Asie du Sud, avec laquelle je travaille principalement. Dans la communauté multiculturelle, je vois que les communautés plus petites, comme celle des Philippins, n'ont pas de ressources, alors nos portes sont ouvertes à tout le monde. Des Philippins vivent chez nous, et nous hébergeons aussi des Sri Lankais et encore beaucoup d'autres, à cause de la négligence du secteur social de la collectivité à leur donner accès à ces ressources. Il n'existe pas d'organismes, car c'est très difficile à mettre sur pied.
Je sais, j'en ai lancé un. C'est très difficile, et il faut travailler de dix à 12 heures par jour. Il faut gagner le respect de la communauté, en tant que leader, pour jouer le rôle de porte-parole de la communauté sur ces questions, et j'ai mis 20 ans à le faire. Maintenant, je crois que j'ai compris après 20 ans; la communauté m'aide et m'appuie.
Merci d'avoir écouté nos observations et nos problèmes. Je vous suis très reconnaissant de vous être rendus ici. J'espère qu'il n'y aura pas un autre rapport; il en existe de très bons — moi, j'en ai quatre ou cinq. Je crois qu'il y aura de l'action.
La présidente : Eh bien, il y a ici trois sénateurs qui insisteront pour qu'il y ait de l'action.
Alice Choi, administratrice, S.U.C.C.E.S.S. : Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion de venir témoigner devant le comité. Je tenterai de faire en sorte que mon exposé soit bref. Je vais répéter certains des problèmes, et les thèmes seront plus ou moins semblables à ceux des témoins précédents.
Pour répondre à la question de madame la présidente, S.U.C.C.E.S.S. est un acronyme pour United Chinese Community Enhancement Services Society. Je me suis jointe à l'équipe S.U.C.C.E.S.S. en 2001. J'ai mis trois ans à mémoriser ce que signifie l'acronyme, mais je l'ai toujours devant moi au cas où j'oublierais.
S.U.C.C.E.S.S. a été établi en 1973, donc nous fêterons bientôt notre 35e anniversaire. D'entrée de jeu, c'était un service social qui offrait des services d'établissement aux immigrants, y compris des services aux femmes et en matière de santé, du counselling d'emploi et des services de développement pour les groupes et les communautés. En 1989, un groupe de membres du conseil enthousiastes ont perçu le besoin de créer une maison de santé culturellement pertinente pour les aînés chinois, donc ils ont commencé à faire des pressions politiques et à parler avec différents ordres du gouvernement. Enfin, en 2001, le premier foyer pour personnes âgées chinois a été établi dans le Chinatown. C'est à ce moment que je me suis jointe à la société.
Je ne parlerai pas beaucoup de l'évolution des services de santé et de logement pour les aînés en Colombie- Britannique, car ces renseignements sont compris dans mon mémoire, mais je crois que le centre de soins est la mesure par excellence en Colombie-Britannique en ce moment. Nous songeons à former des collectivités pour qu'elles mettent en œuvre le principe du vieillissement chez soi. Il existe différents niveaux de service offerts par le centre, alors les gens peuvent passer d'un programme à un autre à mesure que leurs besoins changent sans quitter la communauté.
Depuis 2001, la société de soins à niveaux multiples S.U.C.C.E.S.S. a établi une maison de santé pour les aînés chinois au cœur de Chinatown. Nous avons 103 places; de ce nombre, 21 places sont réservées aux personnes atteintes de démence. Nous avons établi un centre pour adultes en 2003, qui se rattache à la maison de santé, encore une fois pour servir les aînés chinois. Nous accueillons des gens qui ont été aiguillés depuis tous les coins de Vancouver; le centre ne se limite pas au Chinatown, il sert des gens de Vancouver-Ouest, de l'Université de la Colombie-Britannique, de Vancouver-Est et ainsi de suite. Encore une fois, c'est le seul centre que nous avons établi qui offre ces services en chinois; ainsi, lorsque nous exécutons nos programmes, c'est plus facile. En 2006, nous avons établi 33 logements avec assistance dans l'une des tours situées juste à côté de la maison de santé.
Grâce aux trois programmes que nous avons établis, en 2006, Vancouver Coastal Health nous a déclaré un centre de soins, ce qui signifie qu'un aîné profitant de nos services dont les besoins changent en matière de soins pourra passer d'un programme à un autre. À l'heure actuelle, il y a déjà un certain nombre de nos clients dans les logements avec assistance qui voient leur état se détériorer, mais c'est eux qui ont la priorité pour s'installer dans la maison de santé, afin qu'ils demeurent dans la même communauté. Cela vise à réduire le bouleversement causé par le déménagement, et c'est bon pour la famille ainsi que pour les résidants, qui peuvent demeurer dans la même communauté.
Nous avons également beaucoup de programmes communautaires. Nous participons à des émissions radiophoniques, nous nous rendons chez différents organismes, dans des groupes d'aînés dans la communauté pour parler, entre autres, de la santé, et nous travaillons aussi avec les autres sociétés pour offrir un programme de popote roulante chinois pour les aînés à Vancouver, à Richmond et à Burnaby. Notre société a pour mandat de réellement offrir un continuum de services de santé. Notre mandat n'est pas limité aux soins complexes ou à long terme; au contraire, nous voulons que nos services englobent tout le continuum des services aux aînés, jusqu'au jour où ils passeront dans l'autre monde, ce qui inclut également les soins palliatifs.
Maintenant, j'aimerais parler de ce que nous entendons par « pertinence culturelle ». Pour nous, pour notre société, pour notre personnel, la définition ne se limite pas au fait que tout notre personnel parle la langue et que nous offrons un repas traditionnel. Je suppose que beaucoup de monde pense de cette façon, mais nous voulons entretenir une culture organisationnelle qui tient compte du caractère distinct des aînés que nous servons. Nous disons aux aînés qui viennent à nous que notre maison de santé n'est pas un endroit où mourir; c'est un endroit où vivre des jours significatifs et cultiver sa raison d'être. Nous tentons de créer ce genre de culture chez notre personnel, nos bénévoles, notre conseil et nos partenaires communautaires pour que les résidants qui viennent s'établir dans notre maison de santé, dans le cadre de tout programme, aient une raison de venir. Nous avons tenté de favoriser ce genre de culture dès que nous avons mis sur pied notre société de soins à niveaux multiples, lorsque nous avons ouvert nos portes en 2001. Nous avons implanté cette philosophie dans tous nos programmes, et nous voyons des progrès énormes, et ceux-ci ne sont pas seulement attribuables au fait que les gens parlent la langue ou que nous offrons des repas chinois. Cela tient au climat d'amour et de respect qui caractérise nos programmes et qui fait en sorte que les résidants veulent vivre et être autonomes, plus longtemps. C'est pourquoi nous tentons de semer l'espérance dans leur vie.
De plus, je crois que le respect des valeurs traditionnelles du groupe que nous servons est très important. Lorsque je parle de « pertinence culturelle », les gens pensent que nous le faisons seulement pour les Chinois, mais ce n'est pas le cas. Dans nos programmes à Richmond, nous offrons 50 logements avec assistance, et nous servons deux populations, une population chinoise et une population non chinoise. Nous offrons un menu occidental et chinois, et nous respectons les valeurs traditionnelles des deux groupes que nous servons. Nous célébrons non seulement les festivités traditionnelles chinoises, mais aussi la Saint-Patrick irlandaise, la Saint-Valentin et le Nouvel An chinois. Même dans notre maison de santé, qui ne sert que les aînés chinois, nous nous assurons qu'ils entretiennent des liens avec la collectivité en célébrant non seulement le Nouvel An chinois, mais aussi Noël. Nous tenons compte des deux cultures lorsque nous programmons les activités.
Le respect de la culture et des valeurs traditionnelles des aînés que nous servons est ce que j'entends par pertinence culturelle; et nous ne le faisons pas seulement pour les Chinois, mais nous le faisons aussi pour les Philippins, les Irlandais, tout le monde. Il faut entretenir cette composante de la personne. Nous abordons la personne dans sa culture, parce que tout le monde a fait un cheminement distinct, possède une histoire propre, et il faut coller tous les morceaux pour offrir des soins culturellement pertinents. Ainsi, nous faisons naître la confiance, et c'est important que les aînés se sentent en sécurité, pas seulement sur le plan physique, mais aussi sur le plan psychologique. Un environnement culturellement pertinent crée un sentiment de sécurité et influe sur l'état physique et mental de la personne de beaucoup de façons.
Je ne vais pas vous ennuyer avec trop de statistiques, mais Toronto regroupe la plus grande population d'immigrants chinois, et Vancouver arrive au deuxième rang. Nous sommes surtout préoccupés par les régions avoisinant Vancouver et Richmond, qui possèdent une très grande population d'immigrants chinois, et le phénomène du vieillissement se propage rapidement.
En 2007, la Ville de Vancouver a mené une étude portant sur les besoins des aînés chinois qui vivaient dans des immeubles aux alentours du Chinatown. On a interviewé environ 1 700 aînés et on a constaté que seulement 0,3 p. 100 se débrouillaient un peu en anglais. L'obstacle linguistique est le principal problème. À cause de cet obstacle, ils ne sont pas en mesure d'accéder aux services et ignorent les services qui leur sont offerts.
La plupart des aînés vivent dans des logements subventionnés et ne profitent d'aucun soutien, et le phénomène du vieillissement chez ce groupe d'aînés à Vancouver gagne rapidement du terrain. Il s'agit de la première génération d'immigrants, et ils auront bientôt 80 ou 90 ans. La région de Vancouver détient la population la plus âgée; à Richmond, les aînés sont un peu plus jeunes, donc le problème n'est pas aussi urgent qu'à Vancouver.
Les personnes qui vivent dans ces logements subventionnés à l'heure actuelle ne profitent d'aucun soutien et sont aux prises avec un obstacle linguistique, et j'ai peur que si nous ne faisons rien maintenant, dans dix ans, ce groupe paralysera le système de soins de santé, parce qu'il vieillira et deviendra frêle si rapidement qu'il tombera très vite entre les mains du système. On a mené l'étude, mais encore une fois, bien que beaucoup de rapports aient été rédigés, je n'ai pas vu d'action.
Le financement est un grand problème, car pour mettre en place des mesures de soutien à ces endroits, il faut la collaboration de beaucoup d'organismes et de différents ordres de gouvernement.
Aux alentours du Chinatown, il existe environ 11 immeubles à appartements subventionnés, et 714 appartements. La plupart sont occupés par des aînés chinois. Cette région éprouve un besoin criant pour un service d'éducation en santé et d'aide aux aînés pour qu'ils puissent cheminer dans le système de soins de santé. Lorsqu'ils ont un besoin en santé, les aînés ne savent pas comment accéder au système ni comment cheminer dans ce contexte, et ils n'ont aucune manière d'y arriver.
Même si le problème n'est pas aussi urgent à Richmond actuellement, lorsque nous avons regardé le contexte du logement, le logement avec assistance et le nombre de places dans des établissements de soins complexes à Richmond, nous avons constaté que rien n'était très culturellement pertinent. Nous avons assez de places dans les établissements de soins à long terme pour les aînés chinois; si le besoin est là, ils pourront accéder à ces places. Toutefois, le facteur de la pertinence culturelle est très important pour leur bien-être. Lorsque vous atteignez l'âge de 80 ans, vous ne pouvez pas apprendre une autre langue. Les gens me demandent comment les aînés s'intègrent dans nos logements avec assistance à Richmond, mais je leur réponds : « Ils ne s'intègrent pas; c'est de la cohabitation. On essaie d'apprendre. » Je crois qu'il y a un avantage à cela, car ils apprennent à respecter la culture de leur prochain. Lorsqu'ils vivent ensemble, ils commencent à apprendre des choses sur les autres, et je suis heureuse de vous informer qu'ils vivent ensemble très paisiblement. Ils sont intéressés à apprendre la culture et les coutumes des autres. Nous ne pouvons pas leur demander de s'intégrer et d'apprendre une autre langue et de s'intégrer au creuset des civilisations. Nous devons offrir une meilleure éducation sur le respect de la culture de chacun et la vie ensemble.
Pour revenir au centre de soins, je crois qu'il est très important d'offrir des soins culturellement pertinents aux aînés qui sont ici aujourd'hui. Peut-être que, lorsque je serai plus vieille, je pourrai m'intégrer assez bien. J'habite au Canada depuis 35 ans. Toutefois, pour les aînés d'aujourd'hui, qui atteignent 70 ou 80 ans, il y a un besoin pressant de leur offrir un environnement avec des services culturellement pertinents, pour qu'ils puissent vieillir bien.
Cela vient du cœur. Je suis ici depuis 35 ou 40 ans, mais lorsque j'en serai à cette étape — et j'approche de l'âge de la retraite — peu importe à quel point je suis intégrée à la culture de l'autre, je veux toujours revenir à ma propre culture. Peut-être que lorsque j'atteindrai l'âge de 80 ans, je serai heureuse de vivre dans une maison de santé de courant dominant, mais si vous voulez améliorer ma qualité de vie, je crois que je préférerais un environnement culturellement pertinent.
La présidente : Merci. Cela est intéressant. Plus tôt cette semaine, nous sommes allés dans une communauté francophone au Manitoba, et nous avons entendu exactement la même chose : les francophones du Sud du Manitoba sont très bien intégrés, mais au moment où ils vieillissent et arrivent à l'âge d'or, ils veulent vivre dans leur environnement culturel et parler leur langue, et pour eux, c'est le français. Ce n'est pas un groupe plus qu'un autre; c'est une tendance générale.
Jo-Anne Stephens, coordonnatrice du programme des aînés, Collingwood Neighbourhood House : Merci, sénateur Carstairs et honorables sénateurs. Collingwood Neighbourhood House se trouve dans Vancouver-Est. Nous sommes un organisme multiculturel, reconnu à l'échelle mondiale pour notre capacité d'intégrer différents groupes multiculturels. À ce point de notre évolution, nous axons nos efforts sur l'intégration d'autres personnes qui, selon les attentes générales, auraient déjà atteint cette étape; cela concerne les gens qui sont aux prises avec l'itinérance et disposent de très peu de ressources. Mon travail comprend les programmes pour les aînés et le soutien aux aînés. Cela suppose un travail avec les itinérants, une réaction interconfessionnelle et œcuménique au problème de l'itinérance dans le quartier et un travail dans le cadre de projets intergénérationnels qui regroupent les aînés et les enfants. C'est sur ce thème, soit le travail intergénérationnel, que j'ai décidé d'axer mon exposé pour faire le lien avec votre rapport.
C'est un privilège de prendre part à vos travaux sur le vieillissement de la population, et je vous félicite de votre travail remarquable et de ce que font vos collaborateurs pour changer les choses au Canada. En retour, mon discours ce matin s'articulera autour des notions d'empathie, de compassion et de contribution, en ce qu'elles touchent l'inclusion sociale et le bien-être individuel. Si je le pouvais, je ferais en sorte que ce document, même dans son état actuel, soit accessible à tous les adultes au pays, pour que les gens, s'ils ne le réalisent pas encore, sachent que l'intégrité, la dignité, la compassion et la sollicitude composent les besoins essentiels d'une vie, et c'est probablement un désir auquel on accorde d'autant plus de valeur que l'on vieillit.
Dans un pays axé sur le marché, il est très difficile d'essayer de bien fonctionner en tant que société axée sur les besoins et de proposer des systèmes et des programmes qui soutiennent les gens pour qu'ils conservent une intégrité optimale. Parfois, nous nous imaginons que les stratégies représentent les besoins, plutôt que l'outil pour les combler; et votre travail, à mon avis, tient certainement compte de cette distinction. D'après mon expérience avec les gens de tous les âges dans la collectivité, dont bon nombre sont isolés et déconnectés, l'activité et l'apprentissage continu pourraient largement contribuer à accroître la satisfaction dans la vie de chacun et, sans doute, sont des choses plus difficiles à transmettre à des personnes à mesure qu'elles vieillissent, comme l'illustre votre travail.
Un autre facteur important au vieillissement optimal est l'amitié sous ses nombreuses formes, et c'est aussi quelque chose qui, à bien des égards, est très difficile à instaurer chez une personne à mesure qu'elle vieillit, surtout lorsque la santé, le revenu et la visibilité sont considérablement affectés. J'aimerais voir cette idée d'amitié dans son sens général, ainsi que dans son sens symbolique, abordée plus en profondeur dans le travail du comité. La notion s'inscrirait dans la section qui porte sur la participation à la société et la capacité.
Vous avez abordé, et vous continuez de le faire, les questions importantes liées au revenu et à la viabilité de la santé. J'aimerais qu'on aborde plus en profondeur l'importance d'un processus d'apprentissage continu pour maintenir la participation à la société ainsi que l'emploi. C'est peut-être dans cet ordre d'idées qu'on pourrait se pencher davantage sur le lien intergénérationnel. Peut-on intégrer l'éducation des aînés avec celle des plus jeunes, cultiver en parallèle l'apprentissage et l'établissement de relations?
Je vais m'arrêter ici pendant un moment pour parler du programme Neighbours for Peace, établi chez nous à Collingwood Neighbourhood House et financé par le programme Nouveaux horizons pour les aînés. Le programme tire son origine du témoignage désespéré d'une enseignante qui commençait à perdre la tête à cause d'une classe d'élèves de deuxième et de troisième années qui éprouvaient beaucoup de problèmes sociaux dans la classe, et, selon son hypothèse éclairée, certains des comportements et des habitudes de certains enfants étaient une conséquence des soins et de l'éducation de leurs grands-parents. Les grands-parents n'étaient pas non plus socialement liés au quartier. La classe était multiculturelle, et les enfants, d'après ce qu'elle pouvait voir, étaient souvent laissés à eux-mêmes. Elle voulait trouver un moyen d'aider ces enfants à mieux s'ancrer sur le plan social et à s'exprimer dans des mots qui invitent la communication, plutôt que de la décourager.
Nous avons donc créé le projet Neighbours for Peace, qui regroupe la classe de deuxième et de troisième années avec un groupe d'aînés dont les capacités sont diversifiées et qui sont à différents points de l'âge d'or. Notre travail s'inscrivait dans un programme appelé Compassionate Communications, et nous avons collaboré pour tenter d'établir l'environnement pacifique que nous voulions, pour créer le monde dans lequel nous voulions vivre, et pour élaborer une façon de parler et de s'exprimer que chacun des groupes d'âge pouvait comprendre et appuyer. Le projet s'est révélé un merveilleux outil d'apprentissage pour les aînés comme pour les élèves. Les aînés offrent leur sagesse, et l'énergie des enfants a complètement conquis les aînés. Certains des aînés n'ont jamais fréquenté l'école, certains entendent mal, ne peuvent pas voir, et les enfants les adorent.
Pour ma part, personnellement et professionnellement, je perds espoir lorsque je rencontre — et cela arrive souvent — des gens âgés qui n'ont plus de voix parce qu'ils n'ont pas pu, pour bien des raisons, suivre la transition des idées de la société contemporaine, sa façon de penser, de s'organiser et de se comporter. Je vois et j'écoute le désespoir exprimé par des gens âgés qui ne peuvent pas s'intégrer aux conversations de la société, de la collectivité et de la famille, car le monde qu'ils ont appris à comprendre a maintenant changé du tout au tout et est devenu plus complexe, multiculturel, multiconfessionnel, et ainsi de suite. Cela semble causer une diminution de la confiance et de la joie de vivre, surtout pour ceux qui ont profité d'une modeste éducation d'entrée de jeu ou qui composent avec des gens qui ne comprennent pas et n'affichent pas de compassion à leur égard pour cette raison. Le discours et les gestes, par exemple, peuvent témoigner d'une ignorance de la nouvelle façon de penser à l'égard de l'interaction et de l'inclusion, pour eux comme pour les autres.
Je pense qu'il est important que ces personnes qui vieillissent soient en mesure de mettre leur sagesse à profit, de rééablir leur interprétation du monde et de se lier avec ceux qui sont les plus susceptibles de participer avec eux : les jeunes, les jeunes adultes, les adultes et les personnes très âgées, tout le monde. Nous n'avons peut-être pas besoin de faire tant de distinction entre les âges que nous le faisons actuellement. Dans une société axée sur la spécialisation, c'est peut-être difficile, mais c'est d'une importance cruciale pour toute personne âgée d'être en mesure de participer au dialogue de sa société.
Ainsi, je vous encouragerais à vous pencher davantage, dans le cadre de votre travail, sur les possibilités intergénérationnelles, le dialogue et l'éducation intergénérationnels ainsi que la création d'amitié entre ces personnes. Nous offrons des programmes d'empathie pour les enfants axés sur les bébés; alors créons la même chose, mais dans l'autre sens. Cela peut aussi contribuer à la santé et à la confiance de notre société vieillissante et peut fournir des forces cruciales aux gens pour qu'ils puissent faire face aux défis que présente le vieillissement, et les accueillir avec émerveillement et espoir.
Je veux vous raconter une anecdote. Lorsque je suis arrivée à la Collingwood Neighbourhood House, je travaillais auprès des aînés et, chaque fois que j'essayais d'offrir quelque chose, j'étais aux prises avec une grande résistance. On semblait les entasser à des tables, et ils y restaient assis, et tout le monde leur imposait des choses, ce qui était très difficile. Il y avait tant de résistance que j'avais peur de perdre mon emploi à cause des plaintes. Toutefois, j'ai commencé à m'apercevoir du fait qu'ils manquaient tout simplement de confiance. Les aînés ne se sentaient pas assez compétents pour parler, pour avoir une opinion; ils ne croyaient pas qu'on pouvait les écouter. Beaucoup d'entre eux n'avaient pas entendu leur propre voix depuis très longtemps.
J'ai commencé à les informer et à inviter des conférenciers. Pendant longtemps, les conférenciers devaient être rebutés, parce que personne ne leur posait de questions et personne ne réagissait à leur discours. Maintenant, on ne peut plus faire taire les aînés. C'est absolument merveilleux.
Deux éléments clés sont survenus pour que j'en arrive à ce résultat, et le premier, c'est que j'ai invité un conférencier qu'il leur a parlé des droits de la personne au Canada aujourd'hui. On les avait déjà conditionnés à l'égalité — cela correspond à la période de leur jeunesse, au moment où l'on éliminait les formules paternalistes, entre autres — mais ils n'étaient jamais passés aux idées qui tiennent à l'importance de la distinction. Le simple fait de leur transmettre ces fondements leur a permis de gagner de la confiance en eux et s'est révélé un bon sujet de conversation dans leur famille. C'était une étape importante.
La présidente : Sénateurs, vous avez peut-être remarqué que je n'ai pas demandé aux témoins aujourd'hui de se restreindre à un bref exposé, car j'estimais que ce qu'ils avaient à dire était peut-être plus important encore que nos questions.
Je veux remercier chacun d'entre vous, car vous nous avez donné une perspective importante sur la vie des aînés dans les communautés auprès desquelles vous travaillez et auxquelles vous offrez votre contribution, et c'est une perspective, je dois dire, que nous n'avons pas entendu exprimer de la même façon. C'est exactement pourquoi nous sommes venus à Vancouver et avons demandé de parler à des groupes précisément comme les vôtres. Nous avons entendu beaucoup d'experts en la matière, mais le temps était venu d'aller à différents endroits au pays et de parler à des gens qui travaillaient effectivement dans le domaine. Je vous remercie beaucoup de vos précieux renseignements ce matin.
Le sénateur Mercer : Je tiens à vous remercier, comme l'a fait la présidente, d'être venus ici. Les témoins de notre première séance ont fait allusion à plusieurs d'entre vous.
Monsieur Gill, vous avez été chaudement recommandé par les témoins précédents ce matin, donc nous nous doutions déjà de certaines des choses merveilleuses que vous nous avez racontées. Je suis intéressé par votre projet. Vous avez acheté le terrain, deux acres et demie, et vous avez recueilli un million de dollars. J'ai passé toute ma carrière à recueillir des fonds pour des organismes de charité, alors je comprends la difficulté de cette activité, surtout lorsque vous n'avez pas encore fait votre nom dans la communauté et que vous travaillez dans des communautés qui ne sont pas nécessairement habituées de faire ce genre de contributions. Qu'avez-vous construit? Est-ce une résidence pour personnes âgées avec services de soutien? J'aimerais en entendre davantage à ce sujet.
M. Gill : L'un de nos établissements est consacré à l'aide à la vie autonome. Il renferme des logements subventionnés par le gouvernement, que l'on peut louer à prix modique. L'autre établissement compte 72 lits et offre un service de logement avec assistance. Lorsque nous avons lancé ce projet, c'était très difficile au début. Lorsqu'on a mis sur pied le premier établissement, nous profitions d'une grande visibilité. C'était un beau bâtiment de six étages, et beaucoup de monde voulait y vivre. La visibilité a eu une influence dans la communauté. Les gens ont commencé à me faire confiance, ils ne croyaient plus que j'allais me sauver avec l'argent, savaient que j'allais rester ici, dans la communauté, et ils ont commencé à avoir foi en ce que je faisais. La deuxième partie du projet, l'établissement de 72 places qui offre un service de logement avec assistance, était beaucoup plus facile à mettre sur pied que la première partie.
Le sénateur Mercer : Combien de logements se trouvent dans le premier établissement?
M. Gill : Il y a 54 logements.
Le sénateur Mercer : C'est un gros projet.
M. Gill : Nous avons mené tout un combat. Je suis fier que nous ayons enfin accompli quelque chose. Or, lorsque nous avons commencé, après que j'ai acheté le terrain, en tant que directeur général de la société, j'avais beaucoup de mal à dormir la nuit, car je ne savais pas comment j'allais payer l'hypothèque, composer avec les différents retards imprévus et passer à travers le processus avec l'hôtel de ville. Heureusement, l'hôtel de ville a bien coopéré. Beaucoup de leçons sont ressorties du processus, et j'ai tout retenu, mais tout cela m'était nouveau d'entrée de jeu. Je suis très heureux que nous ayons accompli quelque chose, et nous pouvons en faire encore plus si des voies s'ouvrent à nous.
Le sénateur Mercer : C'est merveilleux. Félicitations.
Madame Stephens, vous avez parlé de votre projet Neighbours for Peace. J'aime vraiment l'idée de l'interaction, et vous réglez quelques problèmes en même temps. Croyez-vous que ce programme est transférable? Pourrait-on le répéter dans d'autres communautés?
Mme Stephens : Oui, certainement. Comme c'est souvent le cas dans les programmes — chose que vous avez constatée de vos expériences, j'en suis sûre —, nous nous sommes rendu compte que nous avions raté des occasions dans notre nouvelle initiative à mesure que nous avancions, donc nous avons l'intention de préparer un petit programme qui pourrait être transférable. Le problème, c'est de trouver l'argent pour faire en sorte que le programme est aussi complet qu'il peut l'être, pour aider les gens à comprendre ce que signifie la communication axée sur la compassion, et ce qu'on entend par la paix dans le monde, et tous les différents aspects de ce que vous pouvez faire pour atteindre cet objectif. Je viens du milieu des arts et des divertissements, donc les marionnettes, la musique et la danse, ce genre de choses, sont très faciles à utiliser pour moi; ce n'est pas donné à tout le monde, mais je crois qu'on peut l'adapter.
Nous sommes chanceux, parce que l'école communautaire de Collingwood est séparée de notre centre communautaire par une porte; nous sommes totalement connectés et intégrés de cette façon. Nous avons fait des exposés devant d'autres enseignants de l'école, et tous veulent entreprendre le même projet dans leur classe. Bien sûr, nous n'avons pas eu assez d'argent pour le faire, et l'activité exige une formation. Je crois que les gens peuvent être formés pour le faire dans leur classe. Les aînés sont certainement là. Il faut les motiver à participer, parce que beaucoup d'entre eux pensent qu'ils ont déjà fait ce genre de choses — ils ont élevé leurs propres enfants — et ils ne voient pas l'importance de cette interaction à l'égard de leur propre vie, leur énergie et leur contribution; ils croient avoir franchi cette étape une fois pour toutes. Par contre, une fois les choses amorcées, les aînés qui ont participé n'ont pas vu les choses ainsi. Thomas, un aîné qui n'est jamais allé à l'école et a dû apprendre de diverses façons, a légué tous ses biens au programme à l'école — voilà qui dénote l'ampleur qu'a pris le programme dans sa vie.
Le programme est certainement transférable si les fonds sont là, et je crois qu'il vaut la peine d'y travailler.
Le sénateur Cordy : Il a été très intéressant d'entendre vos histoires; et elles étaient merveilleuses.
Monsieur Naizghi, vous avez parlé de la traduction et du besoin de traduction pour les aînés, et plusieurs autres ont déjà parlé du fait que certains aînés ne connaissent pas les programmes qui leur sont accessibles, et puis ce qu'ils ignorent, ils ne peuvent pas en profiter. Que peut-on recommander au chapitre des services de traduction qui aiderait les aînés à prendre connaissance de ce qui s'offre à eux? C'est déjà assez difficile de connaître tous les programmes qui existent lorsque vous parlez anglais ou français; si l'anglais ou le français n'est pas votre langue maternelle, alors le problème s'aggrave.
M. Naizghi : Je crois que la traduction et l'interprétation sont des outils précieux. À mesure que la population change, que ce soit ou non dans son ensemble, nous observons que tout le monde devrait tenter de rendre les ressources disponibles dans d'autres langues. Si vous regardez les ressources, il est très difficile de faire en sorte que toutes les langues soient représentées dans votre organisme. Cela serait mon vœu, mais je dois être réaliste et pratique.
La traduction est une façon très rentable de rendre l'information disponible aux immigrants et aux réfugiés dans leur langue dans un premier temps. Toutefois, cela ne constitue pas une solution à l'ensemble des facteurs systémiques, culturels et linguistiques, qui font appel à une assistance personnalisée; j'ai entendu Mme Choi en parler. Rien ne peut remplacer ce contact personnel, la relation personnelle que nos conseillers créent avec les communautés. Toutefois, comme je l'ai dit, ce ne serait vraiment pas réaliste de ma part de m'attendre à ce que les travailleurs parlent tous tant de langues; il n'y a pas tant de ressources. Toutefois, comme première étape, il faudrait faire en sorte que toutes les ressources en matière de santé et d'activités réservées aux aînés offrent des endroits accessibles et des services traduits pour la communauté. À mon avis, les organismes communautaires qui travaillent auprès de ces communautés pourraient eux-mêmes assurer cette diffusion, et ce n'est pas si difficile lorsqu'on aborde la question sous cet angle. Je préférerais que chaque personne puisse profiter d'un rapport personnel dans sa langue, mais si le financement ne le permet pas, qu'on rende le matériel accessible dans d'autres langues, pour que les personnes le sachent et puissent du moins tenter de cheminer par elles-mêmes.
Le sénateur Cordy : Nous avons déjà entendu ce genre de choses, soit qu'une personne a besoin d'un soutien personnel juste pour cheminer dans le système. Je crois que l'autre groupe de témoins a parlé du fait que les changements surviennent si rapidement, qu'il est difficile de garder la situation en main.
Madame Choi, j'étais intéressée par vos observations concernant l'éducation axée sur le respect de la culture de son voisin. Cela ne peut pas juste commencer quand les gens sont âgés. Cela doit commencer à l'école. Avez-vous des programmes qui fonctionnent vraiment?
Mme Choi : Je crois que vous avez raison; cela doit commencer au tout début, même au sein des services d'immigration. Je ne sais pas si vous voyez les choses ainsi. J'ai entendu certains de mes collègues parler des attentes des immigrants originaires de différentes parties de la Chine, parce qu'il existe deux cultures différentes, et il faut commencer dès le début, pour les jeunes enfants, à incorporer cela dans le programme scolaire. Lorsque les immigrants arrivent, il faut inclure ce genre de choses à l'apprentissage de la société canadienne.
Compte tenu de la diversité ethnique de tous les immigrants ici, je pense que nous devrions avoir des occasions d'interagir et d'échanger les idées. Toutefois, le financement est limité, donc il en va de même pour ce que nous pouvons faire. Ainsi, il faut s'occuper des besoins immédiats des immigrants tout d'abord, et, j'ignore pourquoi, l'importance des autres éléments n'est pas prise en considération. Je crois qu'il s'agit d'accroître leur sensibilité, et pour ce faire, les ressources gouvernementales sont importantes pour que cela commence dès le jeune âge, lorsque les gens arrivent au Canada avec leurs enfants qui fréquentent l'école.
Pour ajouter à ce qu'a dit Mme Stephens au sujet des programmes intergénérationnels, même dans le cadre de nos programmes, nous en faisons la promotion, parce que je crois que les jeunes enfants ont une attitude négative à l'endroit des aînés; ils croient que ce sont des créatures horribles, toutes ratatinées, et ils ne veulent pas leur parler. Nous avons aussi des programmes intergénérationnels dans le cadre desquels nous tentons d'enseigner aux enfants les valeurs des aînés et de leur contribution à la société, et nous leur enseignons à interagir avec les aînés par des moyens simples, nous leur montrons comment pousser un fauteuil roulant, comment s'adresser à eux avec respect.
Notre programme n'est pas très gros, et nous l'exécutions par nous-mêmes, encore une fois à cause du niveau de financement. Il y a tant de choses que nous voulons faire, mais parce que nous n'avons pas les fonds, tout ce que nous pouvons faire, c'est de tenter d'en faire un peu ici et là pour changer les choses à petite échelle. Si nous pouvons reconnaître l'importance des programmes à vocation intergénérationnelle, je crois que, au bout du compte, le monde deviendra meilleur pour tous.
Le sénateur Cordy : Oui.
M. Gill : Je veux juste ajouter que nous avons le même programme qui établit une relation entre les jeunes et les aînés. Les jeunes l'adorent; les aînés l'adorent. C'est gratuit, et les écoles sont prêtes à faire participer les enfants. C'est un programme très intéressant. Je crois qu'on devrait en faire la promotion beaucoup plus.
Le sénateur Cordy : J'ai été enseignante au primaire, et je sais que ces programmes sont intéressants pour les jeunes et les aînés. Je suis très intéressée par le programme, madame Stephens. C'est le programme Nouveaux Horizons pour les aînés qui a fourni le financement; n'est-ce pas?
Mme Stephens : C'est exact.
Le sénateur Cordy : Est-ce que ce programme cherche à voir quels programmes fonctionnent vraiment et pourraient être transférables d'un océan à l'autre?
Mme Stephens : Lorsque je faisais les recherches pour le programme et que je cherchais des composantes, les responsables du programme Nouveaux Horizons pour les aînés m'ont dit que d'autres groupes avaient déjà exécuté des projets qui semblaient connexes ou pouvaient servir de point de départ pour celui que nous étions en train de mettre sur pied, mais cette information n'est pas facilement accessible. Ce n'est pas impossible, mais il faut vraiment vouloir.
Le sénateur Cordy : Madame Choi, vous avez des foyers pour les personnes âgées. Y a-t-il des listes d'attente pour être admis dans ces établissements?
Mme Choi : Oui, il y a de très longues listes d'attente pour tous nos programmes, pour le logement avec assistance, pour le centre Evergreen, pour la clinique destinée aux personnes atteintes de démence, ainsi que pour les soins complexes.
Le sénateur Cordy : Que font les gens qui attendent, ils se débrouillent par eux-mêmes?
Mme Choi : Oui.
La présidente : Tandis que nous parlions de l'importance de la culture et de la langue, je me disais que le gouvernement fédéral publie beaucoup de documents qui pourraient facilement être traduits dans plusieurs langues. Il y a plusieurs semaines, nous étions à Sherbrooke, au Québec, et on parlait du Guide alimentaire canadien; beaucoup d'aspects de ce guide ne sont pas pertinents pour les aînés; le besoin en protéines des aînés, par exemple, est plus élevé. Cela a entraîné toute une discussion au sujet du Guide alimentaire canadien. D'après ce que je sais, le guide est seulement disponible en français et en anglais, alors qu'il pourrait facilement être traduit en chinois, en panjabi, en coréen et en toutes sortes de langues. Ensuite, s'il est vrai que je suis d'accord avec le fait que rien ne remplace le contact individuel, si, dans vos communautés, vous tentez d'enseigner l'alimentation, après certains cours, la personne peut distribuer des copies du Guide alimentaire canadien dans la langue des aînés. Il me semble que cela contribuerait à aplanir l'obstacle linguistique de façon continue, plutôt qu'en une seule interaction. Nous devrions en prendre note, soit de la nécessité de promouvoir la langue d'une façon beaucoup plus efficace.
J'ai une petite idée concernant la façon dont se sont les passées les choses dans le cas de Mme Stephens, mais je veux demander à chacun de vous quel a été l'élément déclencheur dans vos communautés, celui qui vous a amené à faire ce que vous faites. De toute évidence, monsieur Gill, si ce n'était de vous et de votre initiative, ainsi que de vos sept amis et de leur contribution de 10 $, tout le système que vous avez mis en place n'existerait pas. Madame Choi, peut-être que vous n'étiez pas là en 1973, lorsque l'organisme pour lequel vous travaillez a été mis sur pied, mais quelqu'un l'a fait. Qui étaient ces personnes, et comment a-t-on déterminé que la nécessité de se mobiliser était aussi urgente?
M. Gill : En tant que travailleur social, j'avais l'habitude de me rendre dans des foyers pour aînés. Un ami, M. Lidhar, que je tiens en haute estime, a été président de Sunset Seniors pendant 20 ans. Je suis allé le voir, et nous avons discuté à son chevet; il savait que j'étais très actif dans la communauté, et il m'a tenu la main. Lorsque j'ai voulu partir, il a dit : « Restez encore; j'ai autre chose à vous dire. » Il a alors pris un morceau de pain, qui était très rassis. Il a dit : « Voilà ce qu'on nous donne à manger. Je ne peux pas le manger, parce que je n'ai pas de dents. Je ne mange jamais mes repas. » Ses yeux se sont emplis de larmes. J'étais très ému. À cette époque, j'avais commencé à travailler un peu. Je lui ai dit : « Si vous restez en vie jusqu'à Noël, vous serez le premier à être admis dans ce foyer », lui ai-je promis. Il est mort avant Noël.
C'étaient des événements très émouvants. J'étais presque en larmes moi-même lorsque j'ai vu cette personne, qui a tant contribué à la collectivité pendant 20 ans comme président du club Sunset Seniors, et maintenant, il n'a plus de nom. Son image s'est dissipée, et son estime de soi est partie; il n'a plus de dignité. J'étais tout simplement ému, et j'ai commencé à travailler. C'est comme ça que j'ai lancé mon entreprise.
Mme Choi : J'imagine que je peux parler à deux niveaux. Notre ancienne présidente, Mme Lilian To, qui est décédée aujourd'hui, avait une profonde connaissance, il y a bien des années, des besoins des aînés chinois. C'est pourquoi, il y a environs 20 ans, ils ont commencé à faire des pressions politiques auprès du gouvernement pour construire une maison de santé pour les aînés.
Sur le plan personnel, j'ai été infirmière pendant longtemps. Je suis au Canada depuis plus de 35 ans. J'ai travaillé dans des établissements de soins de longue durée du courant dominant pendant longtemps, et j'ai été témoin de l'arrivée de beaucoup d'aînés chinois ou originaires d'autres cultures dans ce que j'appellerais un environnement traditionnel canadien et ils ne s'en sortaient pas très bien. Cet environnement était différent de l'environnement culturel auquel ils étaient habitués, et à cause de l'obstacle linguistique, des repas et de leur incapacité de communiquer, les aînés sombraient dans le désespoir, et j'en avais le cœur brisé. Je ne pouvais pas tout faire, même si j'étais la seule personne capable de parler leur langue; je ne pouvais pas me trouver sur place 24 heures par jour. Je peux imaginer la peur et l'insécurité qui les tiraillaient lorsqu'ils ne pouvaient pas faire connaître leurs propres besoins, surtout les personnes atteintes de démence. J'ai toujours appelé ça le couteau à double tranchant, vous savez, lorsque vous ne pouvez pas parler la langue et que vous êtes atteint de démence. Pouvez-vous imaginer le genre de peur qu'ils ressentent lorsqu'ils se promènent et ne savent pas ce qui se passe? Les personnes qui souffrent démence ne peuvent pas verbaliser leurs besoins, et c'est pourquoi elles sont souvent victimes d'agression.
Lorsque l'occasion s'est présentée, quand S.U.C.C.E.S.S. construisait la maison de santé, je ne sais pas si c'est par noblesse que je l'ai fait, mais j'ai compris que c'était le moment de retourner et de servir ma propre communauté. C'était l'un de mes objectifs professionnels, qui tire son origine de ce que j'ai appris, de mon expérience et de ma formation; je me suis dit que, un jour, je serais capable de mettre mon expertise au service de ma propre communauté. Lorsque nous avons construit une maison de santé, je me suis aperçue tout d'un coup que je pouvais voir les énormes différences chez ces gens après qu'elles ont passé quelques années dans l'établissement. Dès lors, j'ai commencé à mettre en place différents programmes dans le centre pour adultes et les logements avec assistance, entre autres, car je savais que le besoin de la communauté pour de tels services était énorme.
Je ne veux pas dire que S.U.C.C.E.S.S. tente de devenir un organisme multiculturel et de servir les différents groupes ethniques, mais sur le plan de la santé des aînés, je crois que les gens de ma communauté ont grandement besoin qu'on prenne des mesures pour mieux les servir; et je ne dis pas que je vais faire fi des autres possibilités. J'ai l'occasion de servir d'autres groupes ethniques, mais je crois que c'est très important dans la communauté, et on doit en faire plus, de beaucoup, beaucoup de façons.
M. Gill : Notre situation d'immigrants de première génération fait en sorte que nous sommes très liés à notre communauté culturelle, que nous soyons Canadiens français, Asiatiques du Sud ou Chinois. Nous venons de cette communauté; c'est là que sont nos racines. Nous comprenons, nous pouvons communiquer dans les deux langues, donc nous sommes très bien liés à notre milieu. C'est une expérience très satisfaisante de voir quelque chose que vous accomplissez. C'est une sensation fantastique.
La présidente : Monsieur Naizghi, vous êtes vous-même venu dans ce pays à titre de réfugié?
M. Naizghi : Oui, et j'en suis très fier; je ne sais pas quand ce sentiment s'estompera. Cela fait presque 17 ans que je suis ici. Je crois que, si je regarde l'histoire, et j'ai consulté beaucoup des archives de MOSAIC, c'était un groupe d'immigrantes qui ont lancé MOSAIC en 1972. C'étaient des Japonaises, des Coréennes et des Chinoises. Elles connaissaient les difficultés qu'éprouvaient les nouveaux arrivants. Certaines d'entre elles donnaient des cours d'anglais, et d'autres groupes visitaient des foyers et des prisons et je ne sais quoi. Voilà les visions qui sous-tendent l'établissement de l'organisme. Je me suis récemment joint à ses rangs en 1993.
Lorsque j'ai terminé mes études à l'UCB, je m'intéressais surtout au développement international. J'ai fait un certain nombre de travaux en Afrique, dans le cadre de programmes financés par l'ACDI. Je n'ai jamais travaillé pour l'ACDI, mais j'ai fait beaucoup d'évaluation et de conception comme tierce partie. J'étais engagé à l'égard de la résolution des problèmes de l'Afrique, pour être honnête avec vous. J'ai échoué, je suis revenu et j'ai postulé cet emploi, un poste de gestion. Je n'avais jamais entendu parler de MOSAIC ni de S.U.C.C.E.S.S. à l'époque. Je n'avais jamais entendu parler d'un organisme qui servait les immigrants et les réfugiés, sinon j'y serais allé. J'aidais les étudiants étrangers lorsque j'allais à l'UCB : je les orientais, je leur faisais visiter la ville et je trouvais même des logements pour eux pendant un moment, le temps qu'ils s'établissent. J'avais cette expérience. Je l'ai même fait à l'Université de l'Alberta, dans le cadre de mon premier emploi après avoir obtenu mon diplôme.
Quand j'ai eu l'occasion de travailler pour MOSAIC, je voyais ça comme un emploi de transition, pendant deux années. Plus je participais, plus je voulais travailler avec les gens, et je ne pouvais plus m'en passer. J'ai vu les difficultés auxquelles les gens faisaient face, mais, en même temps, j'ai vu quelles espérances et possibilités le personnel et les bénévoles du conseil offraient aux nouveaux arrivants. Je crois que ce qui m'attire personnellement, et ce que je trouve passionnant, je me suis découvert une passion, tient au fait que je peux comprendre tous les problèmes que les gens doivent surmonter. Je peux en parler, et mon travail m'incite à avoir de l'empathie. Même en tant que directeur général, à ce jour, beaucoup d'Africains qui ont entendu parler de moi demandent à me voir, et je ne refuserais jamais; je ne dirai jamais non à une personne qui veut discuter avec moi, parce que c'est de là que je tire ma force. C'est ce qui me donne la passion et la motivation.
Le travail administratif et le fait de venir témoigner devant vous sont un honneur, un privilège. S'occuper des finances donne mal à la tête, et les ressources humaines, c'est encore pire. Mais ce qui nous motive, c'est que nous influons sur la vie des gens. Nous changeons les choses dans leur vie. Fait encore plus important, dans ce secteur, c'est que, chez MOSAIC, j'aborde mon travail comme si je créais une nation, parce que l'immigration, ce n'est pas seulement une question de population active. Oui, c'est ainsi que nous obtenons de l'argent, heureusement. Pourtant, l'immigration est une question de cultiver l'initiative. C'est une question de recruter des citoyens, et de faire en sorte que nous sommes tous traités de façon égale et que nous sommes tous responsables de notre pays. C'est ce qui me donne la passion.
La présidente : Je dois dire, au nom de tout le comité, que nous sommes très chanceux de vous compter parmi les Canadiens et de constater le genre de contributions que vous faites à la société canadienne.
Madame Stephens, je ne crois pas que vous êtes une nouvelle immigrante. Je soupçonne que vous avez toujours vécu au Canada, mais nous sommes très chanceux que vous travailliez dans le secteur aussi, et je veux vous remercier.
Mme Stephens : Merci. Je suis bel et bien née au Canada, mais j'ai beaucoup de sang irlandais.
La présidente : Sur ce, honorables sénateurs, nous allons mettre un terme à la séance.
La séance est levée.