Délibérations du Comité
sénatorial spécial sur le
Vieillissement
Fascicule 13 - Témoignages du 5 juin 2008 - séance de l'après-midi
VICTORIA, COLOMBIE- BRITANNIQUE, le jeudi 5 juin 2008
Le Comité sénatorial spécial sur le vieillissement se réunit aujourd'hui à 13 heures pour examiner, afin d'en faire rapport, les incidences du vieillissement de la société canadienne.
Le sénateur Sharon Carstairs (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, comme premiers témoins cet après-midi, j'invite Carol Pickup, Dale Perkins, Judith Cameron et Elfreda Schneider à la table, si vous voulez bien.
Carol Pickup, South Island Health Coalition, à titre personnel : Je suis très heureuse de comparaître devant vous. Je dois dire, cependant, que votre venue n'a pas fait l'objet de beaucoup de publicité, alors ma présentation sera plutôt improvisée.
Je suis actuellement coprésidente de la South Island Health Coalition. Ces derniers temps, nous nous sommes concentrés sur les enjeux de la santé des personnes âgées, et c'est la raison de l'intérêt que nous portons à vos délibérations. Je suis aussi un porte-parole des aînés de l'organisme Greater Victoria Elders.
J'appuie sans réserve les propos de Lyne England. Je travaille avec Mme England, et elle sait de première main ce qui se passe particulièrement dans les centres d'accueil actuellement.
Je voudrais insister auprès du Comité sur la nécessité d'une bien plus grande responsabilisation dans le système dans son ensemble, et relativement aux aînés en particulier.
Je suis sûre que vous avez vu les rapports du Conseil canadien de la santé. L'un des commentaires qu'il a faits dans son rapport de 2007 est qu'il se préoccupe beaucoup de l'aspect de la responsabilisation et de la transparence en matière de santé. Il fait ressortir, aussi, qu'il est troublant que les premiers ministres n'aient pas fait de rapport cette année sur des indicateurs comparables de la santé comme il en avait été convenu dans l'accord de 2003, et que le comité fédéral-provincial-territorial qui supervise ce travail ait été démantelé. C'est regrettable. Je me demande si le comité sait que c'est arrivé. Je pense que l'on comptait grandement sur le Conseil canadien de la santé pour établir plus fermement la responsabilité et la transparence en ce qui a trait aux enjeux de la santé, particulièrement au plan des fonds que verse le gouvernement fédéral aux provinces et territoires. Il est troublant que ces organes n'aient pas rendu compte au Conseil canadien de la santé de la manière dont ils ont dépensé ces fonds. Ils ont, littéralement, manqué de responsabilité.
J'aimerais aussi souligner le fait que le rapport de 2008 du Conseil canadien de la santé traite précisément de renouvellement des soins de santé primaires et des soins à domicile. Ce sont là, en ce qui me concerne, des sujets d'une extrême importance.
Vous vous souvenez certainement que nous avons eu une commission sur la santé au début des années 1990 en Colombie-Britannique, dont le thème était « Closer to Home », « Plus près de chez soi ». Il faut encore bien plus de services pour les aînés, plus près de chez eux comme, par exemple, les soins à domicile. Les aînés ont besoin d'accès aux soins dentaires et ophtalmologiques, lesquels ne sont pas couverts sous le régime de la Loi canadienne sur la santé. Le manque de soins dentaires, particulièrement, peut gravement entraver la capacité des aînés de veiller sur leur santé, que ce soit chez eux ou ailleurs, et je ne sais pas vraiment si ces services sont offerts en milieu institutionnel. C'est quelque chose à quoi nous devrons réfléchir.
En ce qui concerne les observations de Mme England, nous sommes très mécontents de la privatisation des services alimentaires en Colombie-Britannique, dans nos établissements de soins pour bénéficiaires internes. Les repas sont préemballés — certains viennent d'aussi loin que Winnipeg — congelés puis réchauffés. Les résidants et les familles sont très mécontents de la privatisation des services alimentaires offerts dans les établissements.
La Dre Patricia Baird, de l'Université de la Colombie-Britannique, a été présidente du conseil du premier ministre sur le vieillissement et les enjeux des aînés pour la province. Elle a été nommée à ce poste par le premier ministre de la province et a présenté un rapport en novembre 2006.
Je tiens à faire l'éloge de ce rapport et à vous le recommander parce qu'il est très perspicace. Elle y parle des aspects positifs de la présence des aînés dans la communauté par opposition à l'aspect seulement déficitaire de cette présence. Elle souligne que les aînés sont plus actifs que jamais, qu'ils forment une large part de la base de bénévoles qui existe actuellement et que bien plus d'aînés contribuent à la société qu'il n'y en a qui reçoivent des tas de services. J'ai apprécié le ton général de son rapport. Ce que recommande la Dre Baird, c'est de fournir autant de services que possible pour garder les aînés aussi près que possible de chez eux, aussi longtemps que c'est possible. Je pense que vous partagez cet avis.
En Colombie-Britannique, l'accès équitable n'est pas pour les aînés — ni d'ailleurs pour personne d'autre, à mon avis. Il faudrait que le ministre fédéral réfléchisse à la Loi canadienne sur la santé et au moyen de beaucoup mieux la faire respecter. Toutes sortes de violations des principes fondamentaux de la Loi canadienne sur la santé surviennent, particulièrement au plan de l'accès équitable, et j'insiste vivement auprès de ce comité pour qu'il le fasse comprendre.
Vous avez entendu les témoignages de personnes qui fournissent des soins de santé en favorisant l'autonomie. Ces gens ont parlé de soutien et aussi d'aide à la vie autonome. Les résidences-services, à mon avis, ne rendent pas suffisamment de comptes. Un registraire n'agit que s'il y a des plaintes. Il n'y a aucune inspection des établissements.
En ma qualité de porte-parole des aînés, je sais que bien des gens qui vivent dans des résidences-services ne devraient même pas s'y trouver. Ils ont besoin de soins plus pointus. En raison du manque de places dans les établissements de soins pour bénéficiaires internes dans notre communauté, les aînés doivent vivre dans des résidences-services, et certaines familles y envoient des soignants pour les aider. Malheureusement, les résidences-services sont devenues la solution à tout, à ce que je peux voir, et en ce qui concerne le gouvernement de la Colombie-Britannique. Il a fermé des milliers de places en établissement de soins pour bénéficiaires internes dès qu'il a pris le pouvoir; certains établissements ont dû être fermés en raison de leur désuétude. Ils ont été remplacés surtout par des résidences-services, dont la plupart sont des organismes à but lucratif plutôt que sans but lucratif. Je crois que c'est une part du problème.
Pour terminer, j'espère vivement que nous appuyons tous les principes de la Loi canadienne sur la santé et que nous agirons pour nous assurer qu'ils soient respectés. Le gouvernement fédéral devra jouer un rôle plus ferme pour qu'il y ait des points de référence, et assurer l'accessibilité et la reddition des comptes. Je vous remercie.
Judith Cameron, directrice générale, Fairfield Activity Centre, à titre personnel : Ce matin, nous avons écouté avec intérêt les divers points de vue sur la manière dont vivent les retraités. Certains de nos aînés vivent avec un revenu très limité, beaucoup avec la pension de la sécurité de la vieillesse, la PSV, et avec le Supplément de revenu garanti, le SRG, ce qui fait environ 1 169 $ par mois.
Les centres d'activités pour aînés New Horizons ont reçu un financement pour commencer à offrir des programmes au début des années 1970. Depuis lors, nous n'avons reçu aucun financement de base, à l'exception de la subvention annuelle de la Ville de Victoria pour un total de 36 000 $. Nos installations appartiennent à la ville.
Nous sommes des travailleurs de première ligne. Nous voyons nos membres les bons jours comme les mauvais. Nous les voyons avant qu'ils entrent en résidence-services et se retrouvent à l'hôpital. Nous les acheminons vers d'autres services et exerçons des pressions pour obtenir des services de santé, des renvois des médecins, des soins à domicile, du logement, et des soins de santé mentale. Nous offrons divers programmes qui favorisent la santé et le bien-être, et ce faisant, nous pouvons favoriser l'autonomie. Nous aidons les aînés à aider les aînés, en ce sens que nous avons au moins 160 bénévoles dans chacun des centres d'activités pour personnes âgées. Sans eux, nous devrions avoir huit employés de plus à temps plein.
Bien que nous soyons une organisation axée sur la clientèle, qui est de 800 à 900 adultes âgés et avec seulement trois employés à temps plein, nous sommes maintenant forcés d'envisager de réduire notre personnel, alors que notre charge de travail a beaucoup augmenté.
Nous ne sommes pas considérés comme un centre de santé et bien-être; nous sommes généralement considérés comme un club social, et rien ne pourrait être plus loin de la vérité. Peut-être était-ce le cas il y a 50 ans, mais plus maintenant.
La plupart des employés qui travaillent aux centres d'activités pour les aînés sont des adultes expérimentés et organisés qui ont une formation en gérontologie, et nous sommes nombreux à avoir des antécédents en soins infirmiers. Nous travaillons de notre bureau à aider nos membres parce qu'ils sont nombreux à ne pas avoir de proches ici, à Victoria. Nous avons le plus haut pourcentage de personnes âgées par habitant, alors c'est source de difficultés. Nous voyons ces gens tous les jours, ce que ne font pas leurs proches.
Le financement de base est un problème. On peut avoir accès à des fonds au moyen de la procédure de subvention du programme Nouveaux Horizons, mais la procédure est très complexe et toujours axée sur des projets. Nous avons besoin de financement de base. Nous maintenons les gens en santé et autonomes avant qu'ils passent à cette autre étape.
Nous représentons plus de 5 000 aînés de quatre centres pour personnes âgées rien que dans la région métropolitaine de Victoria. Il est vraiment lamentable qu'en tant qu'établissement offrant des services sept jours sur sept, nous devions réduire plutôt qu'augmenter notre effectif. Nous aimerions vraiment voir une indication qu'on accorde de la valeur au travail que font nos centres pour personnes âgées. Aucune recommandation n'est faite à leur sujet. Je trouve cela plutôt curieux, parce que nous sommes la base.
Nous empêchons des gens de devenir dépendants et d'être poussés dans l'isolement où ils pourraient devenir déprimés. Nous les gardons actifs, vifs et occupés, avec des ressources très restreintes. Le personnel n'est pas suffisamment payé, et ne bénéficie pas des moindres avantages sociaux. Nous sommes là sur le terrain parce quelqu'un doit le faire et parce que nous sommes nous-mêmes des aînés en devenir, que nous l'apprécions ou non. Si nous n'aidons pas nos proches et nos aînés, personne ne nous aidera.
J'aimerais vraiment qu'on se concentre un peu sur les centres d'activités pour personnes âgées, et que les sénateurs aient la possibilité de comprendre la valeur du travail que nous faisons. Je vous remercie.
Dale Perkins, ministre du culte, Église Unie du Canada, presbytère de Victoria, à titre personnel : Je suis ministre du culte ordonné de L'Église Unie du Canada. Je suis membre de l'organisation régionale appelée presbytère de Victoria. Je siège aussi au conseil d'administration de la Victoria Multifaith Society, qui représente huit organisations religieuses différentes de la région.
J'ai l'expérience de l'offre de soins et de soutien, ainsi que de la défense et du conselling des proches des personnes âgées et des aînés eux-mêmes depuis 1988. J'ai largement vécu sur le terrain l'expérience de ce que vivent les aînés. J'approche moi-même de cet âge, puisque j'ai pris ma retraite il y a un an et demi, alors cette question me touche à divers niveaux.
Je ne suis pas venu ici vous donner des statistiques ou énoncer des faits, mais plutôt pour décrire des impressions, anecdotiques, mais néanmoins clairement représentatives de la réalité.
La situation est des plus alarmantes, et votre comité nous rendrait, au public, un énorme service si vous pouviez tourner les projecteurs sur l'inquiétante détérioration des soins aux aînés, des soins de santé et en établissement pour bénéficiaires internes dans cette province. Dans notre région, en 2002, l'une des premières choses qu'a faites le nouveau gouvernement après qu'il soit entré au pouvoir a été de créer cinq autorités sanitaires pour remplacer les 52 qui existaient à l'époque. Nous avons une autorité sanitaire pour l'intégralité de l'île de Vancouver, qui assume la responsabilité de tous les services de santé financés par les deniers publics pour la région. Nous avons neuf administrateurs responsables. Tous, toutefois, ont été nommés et non élus, et tous ont été approuvés par le ministère de la Santé de la Colombie-Britannique avant de pouvoir devenir des administrateurs de l'autorité sanitaire.
J'ai constaté, surtout depuis cinq ou six ans, une détérioration phénoménale des soins de santé et des soins en établissement fournis aux personnes âgées dans cette province. C'est inquiétant. Si vous allez voir quelqu'un qui n'a pas un proche facile d'accès, vous devenez leur plus grand espoir pour corriger ou régler certaines des terribles situations qu'ils vivent. Il n'y a plus de personnel pour faire le ménage de base dans les établissements. Le taux de foyers mis en quarantaine est alarmant. À n'importe quel moment, on peut se faire dire qu'on ne peut entrer dans un établissement parce qu'il est en quarantaine, et c'est principalement à cause du manque d'hygiène et de soins dans ces établissements.
Ce n'est pas la faute, je m'empresse de l'ajouter, de l'employé particulier qui est chargé du ménage. Ils sont appelés à faire face à une augmentation phénoménale du nombre de chambres à entretenir et du nombre de personnes à leur charge. Ils font de leur mieux, avec les moyens qu'ils ont. On ne leur donne pas les ressources, la formation ou la possibilité de fournir un service de la qualité dont ces gens ont réellement besoin.
Comme le disait tout à l'heure Mme Pickup, la nourriture, nous l'avons appris, arrive congelée, je suppose, d'aussi loin que Toronto. Nous sommes la proie des lubies politiques de quelqu'un qui décide qu'il faut donner en sous- traitance les services alimentaires à une compagnie appelée Compass Group Canada. Leurs sociétés filiales, Morrison Foods et Crothall Services Group pour l'entretien ménager, fournissent tous les services dans leurs établissements. Ils encouragent tous leurs fournisseurs à contrat, indépendants, à en faire autant.
Des proches de résidants nous ont dit qu'ils sont inquiets de la qualité des aliments fournis. Les régimes alimentaires sont généralement négligés. Ils systémisent le service au point que tout est informatisé. S'il y a dans ce foyer quelqu'un qui a une intolérance à un produit particulier, l'ordinateur n'indique plus quels patients ne reçoivent plus ce produit; au lieu de cela, l'ensemble de l'établissement en est privé. C'est standardisé. Bien entendu, ils font plus d'argent ainsi.
L'objectif principal du groupe Compass n'est pas le service, mais bien le profit. C'est une société du Royaume-Uni, qui est en charge de la nourriture dans des milliers d'installations en Amérique du Nord et d'autres régions du monde. C'est tout ce qu'il y a comme ressource. Les membres de la famille des aînés qui voient ceux-ci refuser de manger et devenir très malades à cause de cela sont forcés d'apporter de la nourriture que l'aîné pourra manger. C'est intolérable.
Il faut que le Sénat sonne l'alarme et fasse comprendre que cette situation dans la province et dans la région s'est détériorée presque jusqu'au point de pouvoir être qualifiée d'abus des aînés. Vous comprenez ce que je veux dire? C'est aussi sérieux que cela.
Tous mes collègues de l'église et des communautés religieuses s'inquiètent de la situation.
Je vous dirais que quelqu'un doit agir et essayer d'ouvrir les yeux à ceux qui sont en charge pour dire : « Ce n'est pas assez. Vous devrez faire mieux pour diverses raisons. Rien qu'au plan purement humanitaire, il vous faut faire mieux. » Nous avons besoin de vous, sénateurs, pour cela.
Elfreda Schneider, à titre personnel : Bon après-midi, membres du groupe de consultation et sénateurs.
Je m'exprime ici selon ma propre perspective puisque je suis moi-même sur le point de devenir une personne âgée et parce que j'ai, toute ma vie, souffert d'une maladie chronique. Je vis à Victoria depuis six ans et mon état s'est lentement détérioré, parce que je n'ai pas accès à un médecin ni aux soins continus. Je suis choquée, alors que je ne suis même pas encore une personne âgée, d'en être déjà là. Je m'inquiète vivement de l'avenir des soins de santé.
J'ai vécu dans d'autres provinces du Canada. Je souffre du diabète de type 1. Nulle part, jusqu'à ce que j'arrive en Colombie-Britannique, je ne me suis fait dire par un médecin qu'il ne peut pas me traiter à cause de ma maladie. Un endocrinologue m'a écrit une lettre pour me dire qu'il renonçait à me traiter. Cela arrive beaucoup trop souvent.
Le sénateur Carstairs a parlé de ce qu'a dit Martin Luther King au sujet des gens qui ont le don de garder le silence, et nous ne sommes même pas conscients de ce que c'est ce qui arrive.
Quand j'ai reçu cette lettre, j'ai qualifié cela de licenciement par les médecins et d'interdiction d'accès. Cela peut avoir une incidence énorme sur les patients, qu'ils soient âgés ou non, sur leur sentiment de valeur lié à leur état de santé. Pour beaucoup d'entre nous, si un mal n'est pas immédiatement soigné, notre état de santé devient instable et peut encore gonfler la facture des soins de santé pour vous.
Je lutte de manière proactive sur ce terrain depuis déjà un bout de temps. À l'échelle provinciale, ce n'est même pas sur leurs écrans de radar. Le ministre de la Santé n'a pas répondu à trois de mes lettres, et le College of Physicians and Surgeons of British Columbia ne se donne même pas la peine de répondre à mes préoccupations et se contente de m'envoyer un formulaire de plainte. Je ne suis jamais passée par le processus de plaintes du College. Je m'y refuse parce que j'ai besoin d'un médecin et je ne tiens pas à être inscrite sur une liste noire et ne jamais pouvoir trouver un autre médecin.
Il ne semble y avoir aucune solution pour avoir un porte-parole des patients, et je demande au Sénat d'en désigner.
Une réunion sur la stratégie nationale de gestion pour le diabète en général doit avoir lieu cette semaine à Ottawa. Je ne sais pas ce qui en ressortira. Le besoin est criant pour tous les troubles médicaux et la continuité des soins de santé que n'assurent pas nos médecins. D'après ce que j'ai lu, l'ex-ministre de la Santé, Penny Ballem, a démissionné à cause du manque de responsabilisation des médecins en matière de normes de pratique. Il est évident que cela a une incidence sur les personnes âgées maintenant et continuera d'en avoir si rien n'est fait pour corriger la situation.
Judith Johnson, à titre personnel : Bon après-midi. Je suis heureuse d'avoir cette occasion de vous parler de mon expérience personnelle et professionnelle en matière de soins de santé.
J'ai été directrice exécutive de la Family Caregivers' Network Society, dans la région centrale de l'île et à Victoria. Je travaille sur les questions qui concernent les personnes âgées depuis une vingtaine d'années.
Mon expérience est probablement assez semblable à celle de nombreux soignants qui vivent partout au Canada. Nous commençons par aider nos parents ou proches de manière assez limitée au début; avec le temps toutefois, leurs besoins continuent de grandir, et nous nous retrouvons à consacrer de plus en plus de temps à l'offre de soins et de soutien.
Ma propre expérience a commencé quand ma mère est venue d'une autre province pour vivre avec moi. J'avais un emploi à temps plein à l'époque et j'ai trouvé particulièrement difficile de m'occuper d'elle tout en travaillant. Quand elle a eu un accident cérébrovasculaire, j'ai dû quitter mon emploi pour rester à la maison et m'occuper d'elle. Je crois qu'elle a vécu chez moi, au total, durant six ans.
En fin de compte, au bout de plusieurs années, j'ai eu droit à environ une heure par jour d'aide du gouvernement, ce qui signifiait que quelqu'un viendrait le matin et me soulagerait de ma tâche en l'aidant à faire sa toilette.
Son état a été stable pendant plusieurs années, et un jour elle a fait une septicémie et a dû être admise à l'hôpital. Après avoir passé quelque sept mois en soins actifs, elle a été transportée dans un établissement de soins de longue durée, dont on m'avait dit que c'était l'un des meilleurs de toute l'île. À l'époque, je pensais que si quelqu'un d'autre devait s'occuper d'elle, il valait mieux que ce soit eux.
Pendant son séjour dans cet établissement, divers changements sont survenus dans les modèles de soins, et avec eux des modes différents d'alimentation des pensionnaires; l'un a été la sous-traitance des services d'alimentation, dont a parlé le témoin qui m'a précédée.
Il m'a été pénible de voir l'état de ma mère se détériorer et de la voir littéralement mourir de faim. J'ai vu une femme de 180 livres réduite à 95 livres. J'ai lutté avec l'établissement pour tenter d'obtenir ce qui, professionnellement et personnellement, me semblait être un protocole de soins raisonnable pour son état. Nous avons lutté pour qu'elle soit nourrie, qu'on lui administre régulièrement ses médicaments, qu'elle soit lavée régulièrement, parce que des gens qui passaient leur journée dans des couches n'étaient lavés qu'à intervalles de deux ou trois semaines. Personnellement, l'expérience que j'ai vécue ne me dit rien qui vaille pour l'avenir. Alors que ma propre santé décline, je crains ce qui m'attend.
Dans un pays comme le Canada, avec les ressources que nous avons, il doit bien y avoir un moyen pour nous de nous assurer que les gens qui vivent leurs dernières années puissent le faire dans la dignité qu'ils méritent. Ils ont travaillé pour bâtir ce pays et ils sont négligés; leurs droits humains ne sont pas respectés. Ils ne reçoivent pas les soins de base, je le répète, non pas parce que le personnel de ces établissements ne fait pas absolument de son mieux, mais simplement parce qu'il manque de ressources et de qualité.
Il ne sert à rien d'augmenter les portions quotidiennes de nourriture pour le pensionnaire d'un établissement dans l'espoir que cela améliorera sa santé quand il ne peut pas manger cette nourriture, quand il n'a pas le temps de la manger, quand la nourriture ne lui convient pas ou quand il n'y a personne pour le nourrir. En fin de compte, la nourriture est gaspillée et il n'y a plus qu'à la jeter.
Je ne sais pas exactement quelle est la solution. Cependant, il nous faut trouver le moyen de faire que les dernières années des citoyens se passent dans le confort et la dignité. La dignité ne fait plus partie des soins. Nous avons tous entendu que quand on se fait admettre à l'hôpital, on laisse sa dignité à la porte. Quand c'est censé être notre chez-soi et l'endroit où on passe les toutes dernières années de sa vie, ce devrait être dans la dignité.
J'ai essayé de penser à la pire expérience que j'ai vécue avec ma mère dans l'établissement. Il faudrait probablement que je choisisse entre le jour où je suis arrivée et me suis rendu compte qu'elle avait été laissée sous la pluie parce que, pendant le changement de quart, ils avaient oublié qu'elle était dehors et elle était trempée jusqu'aux os; ou encore le jour où elle m'a dit qu'ils ne lui avaient pas fait sa toilette et qu'il lui faudrait attendre une autre semaine; ou le jour où je suis arrivée et où j'ai vu les vêtements de ma mère sur sa voisine.
Il faut prendre le temps qu'il faut pour s'occuper des gens de manière raisonnable, et ce qui se passe actuellement n'est pas raisonnable.
La présidente : Bien qu'il y ait eu des intéressés qui se sont présentés à nos audiences partout où nous sommes allés, il n'y en a pas eu jusqu'ici comme à Victoria, et je soupçonne que c'est le reflet du nombre d'aînés qui vivent dans cette communauté.
Je tiens à vous remercier infiniment d'être venus nous raconter votre histoire, parce qu'il est important pour les Canadiens de l'entendre.
Chers collègues, nous allons entendre notre dernier témoin pour aujourd'hui, puis nous irons faire la visite de l'hospice de Victoria. Vous saviez que je n'allais pas vous laisser finir cette étude sans une visite d'un grand hospice.
Notre prochain témoin est le Dr Duncan Robertson. Nous vous souhaitons la bienvenue.
Dr Duncan Robertson, gériatrie et soins palliatifs, BC Medical Association : Je suis ici en réponse à l'invitation de la British Columbia Medical Association, la BCMA. Je suis spécialiste en gériatrie et depuis 15 ans, jusqu'à l'année dernière, j'étais président du comité sur la gériatrie et les soins palliatifs de la BCMA et membre du Council on Health Promotion, le conseil de la promotion de la santé de la BCMA. Actuellement, je pratique la médecine à temps plein et je partage mon temps entre Victoria et l'Alberta. J'utilise aussi la communication télésanté entre les deux endroits.
Le conseil de la promotion de la santé de la BCMA a à son actif 30 ans de défense des droits auprès du gouvernement, des organismes de soins de santé et d'autres pour améliorer la santé des Britanno-Colombiens. Entre autres initiatives, le conseil a influencé les mesures législatives relatives à la qualité de l'air et de l'eau, a fait la promotion de l'utilisation obligatoire des sièges d'auto pour les bébés et les enfants, et a fait pression pour que le port du casque soit obligatoire à bicyclette.
L'un des comités de ce conseil, le comité sur la gériatrie et les soins palliatifs, a un long passé de défense et de promotion de la santé, de la prévention, des initiatives en matière de politiques et de la prévision des besoins d'une population vieillissante.
Au nombre des initiatives récentes, le conseil a fait la promotion de politiques et de pratiques relatives aux soins aux personnes âgées, de financement des soins palliatifs pour les personnes mourant chez elles, d'enjeux liés à la santé et aux ressources humaines, et il a plaidé avec succès en faveur d'une stratégie provinciale pour les personnes âgées ayant une déficience cognitive.
J'ai remis au comité un document de 2004 intitulé Building Bridges : A Call for a Coordinated Dementia Strategy for British Columbia. Les membres du comité sur la gériatrie et les soins palliatifs de la BCMA ont aussi soutenu un groupe multidisciplinaire pour l'élaboration d'une stratégie globale pour le diagnostic et la gestion de la déficience cognitive chez les aînés et collaboré avec lui. Son document a aussi été remis au comité.
De plus, en mai 2008, dans la foulée de Building Bridges, la BCMA a produit un document de politique dont il était question dans l'invitation. Je ne suis pas membre du comité qui l'a rédigé, mais j'en connais la teneur et je peux, si vous le voulez, tenter d'en parler un peu.
Je sais que vous avez entendu beaucoup de choses. Pour l'instant, je pense m'en remettre au comité et vous inviter à poser les questions que vous pouvez avoir sur les initiatives que nous avons entreprises.
J'ai quelques commentaires à faire sur certaines des recommandations, généralement pour exprimer mon ferme soutien pour certaines d'entre elles, particulièrement en ce qui concerne les soignants; l'éducation du public; les enjeux de l'évaluation de la capacité, particulièrement dans le contexte de la démence et de la fragilité; et plusieurs autres aspects.
Après avoir lu votre rapport intérimaire de mars 2008, bien qu'il y soit question de la démence, je voudrais préciser que je pense qu'on ne peut sous-estimer l'impact de la démence et de la fragilité quand on planifie l'avenir. Toute initiative fédérale touchant l'éducation, la sensibilisation, et les enjeux liés aux soignants doit pleinement prendre en compte l'impact de la démence et de la fragilité. Bien que nous souhaitions tous vieillir agréablement, la réalité pour la plupart d'entre nous est que si nous vivons encore à l'approche des 90 ans, il y a une chance sur trois que nous subissions une importante déficience cognitive ou que nous devenions fragiles dans les mois ou les années qui précéderont notre décès.
La présidente : Nous avons entendu cet après-midi, et nous l'avons entendu dans tout le pays, parler du problème que pose le manque de ressources appropriées en termes de gérontologues et aussi en termes de soins infirmiers et de personnel infirmier dans les établissements de soins pour personnes âgées infirmes.
Nous avons entendu parler des iniquités qui existent entre les échelles salariales d'une infirmière dans une réserve autochtone comparativement à l'infirmière qui travaille dans un hôpital qui peut être à dix minutes de là. Comment pouvez-vous garder le personnel infirmier dans la réserve si son salaire est peut-être inférieur de 15 ou 20 p. 100 à celui que verse l'hôpital à quelques minutes de là?
Il faut régler le problème des ressources humaines. Si vous avez des suggestions à ce propos, je les apprécierais.
Dr Robertson : Il est certain que c'est un gros problème. Le domaine que je connais le mieux est celui des spécialistes en gériatrie. Environ 200 personnes au pays ont obtenu le certificat de qualification spéciale du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, et environ 150 personnes sont en pratique active dans le domaine. Bon nombre d'entre elles font aussi autre chose, notamment de la médecine interne générale. Le nombre d'équivalents temps plein actifs, les ETP, est probablement inférieur à 150. C'est très peu comparativement à d'autres pays — le Nord de l'Europe, l'Australasie — et c'est en grande partie attribuable aux incitatifs qu'offre le système, à quoi s'ajoute la pénurie générale de médecins qui sont formés et qui pratiquent au Canada.
C'est lié, et je suis sûr que vous le savez, au fait que le Canada figurait déjà en 1992 dans la moitié inférieure de la liste des pays, au plan du nombre de médecins par habitant, quand les inscriptions dans les écoles de médecine du pays ont été réduites de 10 p. 100. Le système prend du temps à absorber ce genre de choses.
Un autre gros problème a été la baisse du nombre de médecins de famille et l'évolution de la pratique des médecins de famille au Canada. Ceci a compliqué l'accès à un médecin de premier recours pour bien des gens.
En Colombie-Britannique, par exemple, l'année dernière, ceci ayant été reconnu, d'importants changements ont été apportés aux échelles salariales qui faisaient qu'il était plus désavantageux pour les médecins de famille et d'autres de fournir des soins en établissements de soins de longue durée — ce n'est qu'un petit exemple de la manière dont les changements aux systèmes provinciaux peuvent aider. Cependant, quand on a une ressource restreinte, il y a un coût à payer ailleurs dans le système.
Pour ce qui est des médecins, la plupart des provinces connaissent une grande pénurie dans la plus grande partie des spécialités, mais particulièrement en soins primaires et dans les spécialités comme la gériatrie, la psychiatrie et d'autres. Je crois que le seul pays au monde qui produise plus de médecins qu'il n'en a besoin est Cuba. Il en est de même des infirmiers et infirmières : le seul pays qui semble en former plus qu'il n'en faut, ce sont les Philippines.
Nous avons dans ce pays des médecins qui ont reçu une formation à l'étranger et qui n'ont pu obtenir de permis d'exercer. Même les Canadiens formés à l'étranger ont du mal à obtenir l'autorisation d'exercer ici. Cela pose d'énormes problèmes.
Pour ce qui est des infirmiers et infirmières, les problèmes sont probablement plus aigus. Bien des médecins continuent de travailler, comme moi, bien après avoir atteint la soixantaine, de nombreux infirmiers et infirmières quittent la profession au début de la cinquantaine, et ceci n'a fait qu'exacerber la pénurie de personnel infirmier. Je n'ai pas de solution immédiate à proposer à cela, et ne peux qu'insister sur l'inquiétude et l'angoisse que vivent d'autres personnes.
La présidente : On nous a dit qu'actuellement, il y a seulement dix médecins en résidence en gérontologie dans tout le pays, alors le nombre de gérontologues n'augmentera pas tellement.
J'avais entendu la même chose à propos des médecins spécialistes en soins palliatifs quand j'ai fait mes débuts dans le domaine de la médecine palliative. Nous avons pu financer l'élaboration d'initiatives portant sur le programme de base de telle manière qu'à compter de cette année, personne ne peut obtenir son diplôme d'une école de médecine sans avoir suivi de formation en médecine palliative.
Faudrait-il que nous en fassions autant en ce qui concerne les jeunes médecins qui sont formés en gérontologie si nous voulons pouvoir espérer que certains d'entre eux choisiront de devenir gérontologues?
Dr Robertson : Le dilemme, c'est le point auquel les médecins en formation doivent prendre des décisions relativement à leur carrière.
Deux types de médecins, en gros, pratiquent principalement auprès des personnes âgées et, particulièrement, des personnes âgées fragiles : les médecins de famille qui ont fait un programme de deux ou trois ans après leur diplôme, avec six mois ou un an en gériatrie; et les personnes qui ont suivi la voie du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, c'est-à-dire un minimum de cinq ans de formation pour devenir spécialiste en gériatrie. C'est de ce groupe que six à dix membres par année entament le programme, donc il y en a au total dix en formation au Canada.
En 1981, nous avons fait une étude pour le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, laquelle a été publiée, et nous prévoyions alors qu'avant l'année 2000, le Canada aurait besoin d'environ 550 spécialistes en gériatrie pour à peine répondre à ses besoins.
Les spécialistes en gériatrie ne fournissent pas de soins de santé primaires. Ils sont là en tant que ressource pour les médecins de premier recours, les équipes soignantes dans la communauté, les hôpitaux et les établissements de soins de longue durée, pour fournir des conseils. Leur apport est généralement de courte durée et est lourdement tributaire d'un solide système de soins de santé primaires pour être efficace. C'est un contraste avec les États-Unis, dont les gériatres fournissent des soins primaires et entretiennent une relation continue et de longue durée avec leurs patients, dont ils sont de fait à la fois le médecin de premier recours et le spécialiste.
Pour répondre à la question, dans la plupart des écoles de médecine, maintenant, tant les enseignants que les étudiants diraient qu'ils sont exposés à de grands nombres de personnes âgées parce que la réalité fait que la majorité des patients, dans la majorité des hôpitaux, sont des personnes plus âgées souffrant de maux nécessitant des soins de courte durée.
Une approche systématique pour faire face aux problèmes plus généraux de la fragilité, la démence et, particulièrement — et j'en parle parce qu'il en est brièvement question dans le rapport de la BCMA — les soins postactifs manquent, et ce n'est pas nouveau, et nous avons essayé dans diverses régions du pays d'y remédier. Alors que votre rapport et celui de la BCMA font état de réduction de la fréquentation des hôpitaux en termes de chiffres depuis quelques années, laquelle est principalement la conséquence de la réduction du nombre de lits de soins actifs proportionnellement à la population, ce sont les personnes âgées fragiles qui restent de longues périodes dans les établissements de soins actifs.
La raison pour laquelle ils restent, diraient certains, est qu'il n'y a pas d'établissements de soins de longues durée pouvant les accueillir. Je dirais que ce n'est là qu'une partie du problème. Notre système manque de soins postactifs, qui vont en diminuant pour les personnes qui peuvent avoir besoin d'un mois ou plus dans un environnement correctement structuré pour se remettre d'un épisode de délire survenu à l'hôpital, ou d'une fracture subie lors d'une chute.
En l'absence de ces ressources en nombres suffisants, des décisions sont prises de manière prématurée et non appropriée, souvent de renoncer à la possibilité d'un retour potentiel à la maison et de placer le patient en établissement de soins permanents. Ce facteur joue pour beaucoup aussi.
Pour revenir à la question, oui, je pense que ce serait utile. Il y a eu des initiatives. Par exemple, depuis 15 ans, la Société canadienne de gériatrie parraine un institut d'été qui réunit de jeunes étudiants, souvent en première année de médecine, de tout le pays et leur fait suivre un programme intensif d'une semaine sur tous les aspects des soins aux personnes âgées, de la communauté même jusqu'aux soins palliatifs. Bon nombre de ces personnes figurent parmi la dizaine de médecins qui suivent la formation en gériatrie. Cette initiative a été extrêmement fructueuse pour trouver des intéressés dans le domaine.
La réalité, pour nous tous professionnels de la santé, sauf pour les pédiatres et obstétriciens, est que les gens que nous voyons représentent une population vieillissante, et dans certains domaines une population très âgée, que ce soit en orthopédie ou urologie, ou encore en médecine générale. Nous devons aussi nous assurer d'améliorer le contenu du programme d'enseignement pour tous les étudiants, et non seulement l'aspect didactique, que ce soit une expérience clinique obligatoire qui comprend le travail avec des membres plus âgées de la communauté, de l'hôpital et de l'établissement de soins de longue durée, sur tous les aspects des soins.
La présidente : Vous avez parlé de changement dans le modèle de financement pour que les médecins de famille travaillent dans les établissements de soins pour personnes âgées infirmes, mais il y a un problème général de financement. Il faut partager le gâteau, est c'est un petit gâteau. On ne peut faire un gâteau de neuf pouces avec un gâteau de huit pouces. Il faut que tout le monde ait sa part.
Nous savons que si un médecin, dont la spécialité peut être la médecine interne, offre des soins palliatifs, il est payé moins pour fournir des soins palliatifs que pour pratiquer la médecine interne. Les incitatifs, pour les personnes qui choisissent un domaine d'expertise comme la gérontologie, tendent à être limités. Je serais la première à dire que l'argent n'est pas tout ce que recherchent les médecins. Cependant, je sais aussi qu'il est assez difficile de rentrer chez soi et de dire au conjoint ou à la conjointe : « Si je pratique ce type de médecine, je peux faire 250 000 $ par année, et si je pratique cet autre type de médecine, je peux faire 175 000 $, ou 50 000 $ par année. » La réalité, c'est que ce ne sont pas que les médecins qui font les choix; il y a tout une dynamique familiale.
Dr Robertson : Il y a d'énormes disparités entre les revenus des médecins, et il est vrai que tout ce qui engage des processus cognitifs et du temps est moins récompensé que d'autres activités. C'est là l'un des éléments qui peuvent dissuader quelqu'un de se spécialiser en gériatrie.
Ce problème a été en partie résolu par un grand nombre de médecins qui pratiquent mais ont aussi une charge d'enseignement à l'université, avec un salaire partiel, qui leur permet d'enseigner tout en ayant du temps protégé, ou des personnes qui travaillent selon un modèle mixte de rémunération plutôt que le modèle purement du paiement à l'acte. C'est ainsi que le système et les personnes qui en font partie s'y sont adaptés.
Par exemple, une consultation d'un nouveau patient envoyé à un spécialiste en gériatrie dure au moins une heure et demie, pendant laquelle on recueille notamment les historiques connexes : l'histoire de la famille et du patient, l'examen de l'état mental, un examen physique complet, une évaluation fonctionnelle, puis on met tout cela ensemble et on parle au patient.
Nous entendons constamment parler de très brèves visites médicales, d'une durée de dix et 15 minutes. La réalité, c'est qu'il faut prendre son temps pour le faire correctement. Cela n'attire que certaines personnes.
Cependant, je devrais souligner que dans les études de recherche faites tant au Canada qu'aux États-Unis, paradoxalement, le plus haut niveau de satisfaction professionnelle est relevé chez les spécialistes en gériatrie.
Le sénateur Mercer : Docteur Robertson, vous avez dit avoir participé à une étude, en 1981, qui prévoyait qu'il nous faudrait 550 spécialistes pour l'année 2000. Où en sommes-nous maintenant?
Dr Robertson : Le nombre de personnes qui ont obtenu le certificat de compétence spécialisée du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada est d'environ 200 actuellement.
En 1981, quand j'ai reçu mon certificat, nous étions six. Nous avons été les six premiers. Selon la perspective que l'on prend, ça a été fantastique. Nous sommes bien plus nombreux.
De ce groupe, certains sont profondément engagés dans la recherche, d'autres sont hors du pays, et d'autres encore ne pratiquent pas la gériatrie à temps plein. Il est difficile de comptabiliser les ETP, mais il y a probablement environ 150 équivalents temps plein qui pratiquent la gériatrie dans le pays. Il nous reste au moins un tiers du chemin à parcourir pour atteindre notre but.
Le sénateur Mercer : Nous sommes en crise. Il vous manque 400 médecins, si on se fie à votre chiffre de 150, ce qui est probablement assez raisonnable dans les circonstances, en éliminant certaines personnes comme vous l'avez fait dans votre évaluation. Quand les gouvernements ont restreint le nombre d'inscriptions dans les écoles de médecine, je me demande bien ce qu'ils avaient dans la tête. Il y a un vieil adage où il est question de couper la branche sur laquelle on est assis. Vous avez dit penser que c'était probablement encore pire dans le domaine des soins infirmiers.
Comment pouvons-nous faire entrer plus de monde dans les écoles de médecine, et choisir la spécialisation de la gériatrie? S'ils ne sont pas d'abord à l'école de médecine, nous ne pourrons pas les amener à se spécialiser en quoi que ce soit. De plus, comment résoudre le problème des soins infirmiers?
Il faut un peu de créativité pour trouver comment attirer les jeunes dans la profession infirmière. C'est une profession honorable, merveilleuse et, nous nous entendons tous là-dessus, vitale pour une société saine. Il faut des réponses. Comment pouvons-nous aller dans les écoles secondaires et collèges communautaires et dire : « Pensez à une carrière en médecine, soit comme médecin, soit comme infirmier ou infirmière »?
Un jeune homme d'ici, un de mes amis qui a obtenu d'excellentes notes à l'Université de Victoria, y est retourné pour en avoir d'encore meilleures puis a fait des demandes d'admission dans des écoles de médecine dans tout le pays à plusieurs reprises. C'est un jeune homme fantastique et je pense qu'il ferait un médecin fantastique, du moins au plan de sa personnalité; je ne pourrais pas savoir pour son rendement scolaire — il n'est convoqué à aucune entrevue. Il y a des gens qui veulent exercer cette profession. Comment corriger cela?
Dr Robertson : Je ne suis pas sûr qu'il existe de solution facile à ce problème. Je passe beaucoup de temps dans les universités, et je ne suis pas aussi au courant que je l'ai déjà été de ce que pensent les gens de cela. Cependant, si nous regardons le nombre de médecins par habitant du Canada et d'autres pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, nous sommes dans la moitié inférieure de la liste.
Certaines fonctions qu'accomplissent les médecins en pratique, dans un système bien organisé, pourraient être remplies par d'autres membres du système, mais quand même, nous avons aussi une pénurie de personnel infirmier.
Il est clair que cela pousse, comme vous l'avez dit, à aller dans les écoles secondaires, pousser les jeunes à comprendre que ce sont des professions intéressantes et valables à exercer. Une solution à court terme serait d'encourager et d'inciter les infirmiers et infirmières et les médecins qui sont actuellement en pratique à le rester jusqu'à ce qu'on ait pu former et recruter des personnes dans le système. À plus long terme, une personne qui s'engage dans une profession comme celle-ci, avec une longue période de formation, a besoin d'avoir une idée du cheminement professionnel qu'elle pourrait suivre.
Depuis une vingtaine d'années, nous avons connu des coupures radicales, particulièrement parmi le personnel infirmier d'autres provinces, qui ont entraîné une migration en masse d'infirmiers et infirmières d'expérience vers d'autres pays. Il semble qu'il nous faille adopter une perspective à plus long terme pour comprendre que nous sommes en train de former des personnes dont nous aurons besoin ces trente ou quarante prochaines années dans la profession de la santé.
Je crains bien que ce soit là une réponse très peu satisfaisante.
Le sénateur Mercer : Elle n'est pas insatisfaisante. C'est une bonne évaluation de la situation. L'angle sous lequel j'ai toujours vu la situation, c'est qu'il faut faire entrer du nouveau monde dans la profession, agrandir les écoles de médecine et ouvrir des écoles de sciences infirmières ou, plus important encore, rouvrir les anciennes écoles de sciences infirmières qui ont été fermées. Votre suggestion d'essayer de faire que les médecins et infirmiers et infirmières qui travaillent continuent de travailler est bonne, et je ne suis pas sûr que nous ayons la réponse quant aux incitatifs qu'il faudrait.
Nous savons que la gériatrie peut être exigeante au plan physique pour le personnel infirmier en raison de la fragilité des patients. Nous parlons de maintenir dans la profession des gens qui parviennent probablement à la fin de leur carrière, alors ils ont eux-mêmes vieilli et souffrent des maux et les blessures que nous avons tous en vieillissant — des gens qui, comme moi, ont des genoux artificiels, notamment. Si nous les gardons en poste, cela libère d'autres infirmiers et infirmières qui pourraient s'occuper du volet gériatrique de la profession.
Dr Robertson : Il serait possible d'apporter quelques correctifs techniques. Par exemple, le soulèvement de lourdes charges pose un problème pour le personnel infirmier. Bien des établissements installent maintenant des mécanismes de levage au plafond pour les aider.
Nous pourrions aller un peu plus loin et examiner le potentiel technologique pour créer des environnements de vie sécuritaire pour les personnes dont on pourrait assurer le contrôle à distance. Idéalement, nous aurons plus d'interaction humaine, mais si nous ne pouvons pas y arriver, nous devrions envisager les possibilités de maisons intelligentes ou de modules d'habitation intelligents où il serait possible d'assurer un contrôle, par exemple, pour savoir si le patient fait des chutes. Maintenant, nous attendons qu'ils trouvent le bouton d'alerte et qu'ils l'actionnent pour appeler à l'aide. Si nous avions un capteur sismique au sol, il serait possible de déceler un changement dans les habitudes, ce qui permettrait d'envoyer un intervenant si quelqu'un fait une chute. Il y a d'autres exemples comme celui-là qui font qu'avec un peu d'imagination, nous pourrions probablement trouver des moyens de fournir des soins plus efficacement et probablement avec plus d'efficience.
Le sénateur Cordy : J'ai des amis infirmiers et infirmières dans la cinquantaine qui veulent sortir de là. Les hôpitaux manquent de personnel. Les patients, dans les hôpitaux, sont maintenant plus malades qu'avant parce que dès qu'ils commencent à aller mieux, on les renvoie chez eux. Ces infirmiers et infirmières se font rappeler au travail pendant leurs jours de congé, et ils comptent les jours qui les séparent de la retraite, ce qui est vraiment malheureux, mais nous pouvons certainement comprendre pourquoi.
En réponse à une question du sénateur Carstairs, vous avez parlé de soins postactifs. Vous en avez parlé très rapidement, et j'essayais de vous comprendre. Vous avez dit qu'il arrive que les évaluations soient faites un peu trop vite, selon vous, alors des gens sont mis en résidence-services quand ils pourraient peut-être rentrer chez eux. Pourriez- vous m'expliquer encore cela?
Dr Robertson : L'une des caractéristiques des systèmes de bien d'autres pays est qu'ils offrent un large éventail de soins postactifs en reconnaissance du fait qu'un hôpital est le lieu où il faut être quand on a besoin de tous ces services qu'offre un hôpital. Cependant, ce n'est pas particulièrement l'endroit où il faut être quand on a besoin de soins de longue durée, ou même de soins palliatifs, d'ailleurs. Des unités spécialisées existent pour se concentrer exactement sur ce qui doit être fait.
Par exemple, aux États-Unis, bien des centres pour personnes âgées ne sont pas entièrement des établissements de soins de longue durée. Au moins la moitié de leurs lits sont pour des personnes qui viennent faire un séjour puis retournent chez elles. Ces places sont souvent liées à ce qui est appelé l'intégration verticale avec les établissements de soins actifs afin qu'un patient puisse être admis pour une opération ou pour une maladie aiguë, et n'y rester qu'une courte période. Les patients n'y sont admis que quand ils sont physiologiquement instables et qu'ils ont vraiment besoin de soins médicaux et infirmiers intensifs ne pouvant être fournis facilement que dans le contexte des soins actifs, et ensuite, aussitôt que possible, ils sont transférés dans les établissements de soins de longue durée. Cependant, il se peut que nous ne les reconnaissions pas comme des établissements de soins de longue durée, parce que beaucoup d'entre eux fournissent cinq ou six heures de soins infirmiers par personne par jour comparativement aux deux ou trois heures de soins qui peuvent être fournis dans nos propres établissements de soins de longue durée.
Le but, quand on admet ces gens dans ces établissements, est de les ramener à la santé et qu'ils puissent fonctionner et retourner chez eux dès que c'est possible et faisable.
Cela comprendrait la convalescence, c'est-à-dire en fait qu'on laisse le temps au patient de se rétablir; ces soins peuvent comprendre des soins que l'on appelle de réadaptation gériatrique, qui sont un peu différents de la réadaptation normale. La réalité, c'est que si on fournit des services de réadaptation à des personnes âgées de plus de 85 ans, au moins un tiers d'entre elles auront des troubles cognitifs profonds, et bien d'autres encore auront des troubles cognitifs légers. Un grand nombre de ces gens ne sont pas considérés comme des candidats idéaux pour les services de réadaptation, qui sont plus axés sur les plus jeunes et plus en forme dont le séjour est plus court.
Une unité qui a accepté qu'un patient qui souffre de multiples troubles chroniques est médicalement un peu instable, qu'il pourrait en deux mois regagner assez d'autonomie pour pouvoir retourner chez lui ou avoir besoin de soins moins constants, pourrait décider de placer ce patient dans une unité de réadaptation gériatrique. Il existe quelques-unes de ces ressources au Canada, mais moins que ce qu'il nous faudrait actuellement et qu'il faudra dans le futur pour répondre aux besoins de cette population.
De fait, dans le rapport de la BCMA intitulé Bridging the Islands : Re-Building BC's Home and Community Care System, ce groupe de services a été exclu simplement parce qu'il était différent des soins standards à domicile et dans la communauté. Le point de mire n'est pas sur le maintien mais plutôt sur l'amélioration. C'est quelque chose qui se situe entre les soins actifs et les soins de longue durée.
Le sénateur Cordy : Voulez-vous dire par là que vous n'êtes pas financés par notre système de santé public?
Dr Robertson : Ils n'existent tout simplement pas.
Le sénateur Cordy : Ils n'existent pas au Canada.
Dr Robertson : Toronto a quelques unités de réadaptation gériatrique dans la ville, et il y a des lits à Calgary, Edmonton et quelques-uns à Vancouver. Leur nombre est très limité comparativement aux besoins. La plupart ne sont pas dans des établissements de soins de longue durée, ni dans des centres de réadaptation ou des secteurs de soins pour affections subaiguës des établissements de soins actifs.
Le sénateur Cordy : Nous fonctionnons encore avec le modèle hôpital-médecin. Nous ne nous en éloignons absolument pas avec le régime de santé du Canada.
Dr Robertson : C'est réadaptatif dans le sens qu'il faut des thérapeutes en réadaptation, des travailleurs sociaux, des infirmiers et infirmières, des médecins et des psychologues — tout un groupe de personnes. Elles pourraient être dans les centres de soins actifs, mais en termes d'emplacement plus approprié, si vous envisagez un centre de convalescence, ce pourrait être dans un contexte communautaire, comme un établissement de soins de longue durée doté de ces ressources additionnelles.
Nous en avons un peu fait l'expérience il y a longtemps, et elle se poursuit dans une certaine mesure. Ce centre prend des patients, généralement, après une maladie aiguë grave, très souvent accompagnée d'un épisode de délire ou quand il y a chute soudaine des habiletés fonctionnelles ou de la mobilité, et il identifie dans ce groupe les personnes qui ont un potentiel d'amélioration avec le temps.
Le sénateur Cordy : Nous avons parlé d'enseignement de la gériatrie dans les écoles de médecine et de sciences infirmières. Cependant, je pense qu'il s'agit plus que de seulement éduquer les médecins, les infirmiers et infirmières et les personnes âgées et quiconque travaille dans le domaine de la santé. Il faut éduquer le public dans l'ensemble parce que les aînés vivent dans des communautés, pas en isolement. C'est quelque chose que le gouvernement fédéral pourrait stimuler, qui pourrait venir de lui. Nous avons eu des programmes de renoncement au tabac qui ont été très efficaces.
Nous avons entendu parler de personnes âgées qui pourraient être victimes d'abus financiers, mais aussi d'abus physiques et sexuels d'autres sortes. Les aînés sont très gênés d'en parler parce qu'ils pensent qu'ils font quelque chose de mal et qu'ils seront isolés d'un proche ou d'un soignant.
Comment un tel programme pourrait-il fonctionner à l'échelle nationale, et qui devrait-il cibler?
Dr Robertson : Je ne sais pas vraiment comment il pourrait fonctionner à l'échelle nationale. Cependant, l'éducation devrait comprendre la planification de l'avenir, et non pas seulement la planification des soins pour l'avenir.
Bon nombre d'entre nous envisagent la vieillesse avec un certain optimisme ou peut-être avec un pessimisme injustifié, et il se pourrait bien qu'un élément de l'une de nos recommandations consisterait à renseigner les gens sur ce à quoi ils peuvent raisonnablement s'attendre en vieillissant, en ce qui concerne l'éducation de la population sur le vieillissement. Des changements surviennent quand on vieillit, dont on devrait savoir qu'en bout de ligne, si nous vivons assez vieux, ils auront une incidence sur nos habiletés fonctionnelles. L'adoption de mesures de prévoyances et les arrangements en ce qui concerne la gestion des finances et les décisions en matière de santé sont des moyens de se protéger contre les problèmes d'abus financiers des aînés dont vous avez entendu parler hier. En ne prenant pas à l'avance ces décisions préventives, les gens se rendent vulnérables.
Est-ce que le fait de les informer garantirait que tout le monde le ferait? J'en doute. Des outils pourraient être conçus pour aider les gens à prendre les décisions de planification qu'il leur faut prendre. C'est quelque chose qui pourrait aussi se faire dans le cadre d'une initiative fédérale.
J'aimerais parler de la question de la planification, dont traite votre rapport intérimaire. Dans le rapport de la BCMA, bien que la BCMA soit un ferme défenseur d'un solide régime de santé public, il y a une recommandation de système d'économies par les avantages fiscaux pour les personnes âgées souffrant de maladie chronique — et je vois que vous l'avez retenue comme recommandation potentielle pour votre rapport. Je ferais aussi le lien avec ceci. Vous parlez du vieillissement, qui est envahissant, nous le savons tous. On parle de la planification qu'il faut faire en prévision d'une longe vie, de ce à quoi l'on peut raisonnablement s'attendre vers la fin de la vie, et il faut se préparer pour cela. C'est une préparation en termes de décisions personnelles et financières. Cela pourrait être présenté comme une manière de munir les gens des renseignements et des outils nécessaires pour réfléchir de manière proactive à l'endroit où ils vivront.
J'ai souvent affaire à cela quand des patients en arrivent au point où ils ne peuvent plus conduire en toute sécurité. S'ils vivent dans un endroit où il n'y a pas de transport public, s'ils n'ont pas prévu, à un moment donné, à l'approche des 90 ans ou au début de cette décennie, qu'il leur faudrait cesser de conduire alors qu'ils vivent en un lieu isolé qu'ils sont réticents à quitter, cela les met dans une situation très difficile.
Nous devrions tous reconnaître qu'à un moment donné, nous serons confrontés à une décision sur notre capacité de continuer de conduire. L'endroit où nous vivons est un facteur important dans cette décision. Nous pouvons le reconnaître à l'avance et prendre les mesures nécessaires en prévision de cela.
La présidente : Je terminerai sur une théorie intéressante, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Ce sont des économistes du domaine de la santé qui nous ont dit, en 1991, que nous formions trop de médecins. Ce ne sont pas des médecins qui nous ont dit cela. Nous les avons tous crus, et nous avons réduit les inscriptions dans les écoles de médecine de tout le pays. Nous recevons, c'est certain, beaucoup de candidatures à l'admission dans les écoles de médecine, mais nous sommes loin d'en admettre autant que nous le pourrions.
On a entendu dire que nous en enseignons trop aux médecins. En Grande-Bretagne, on peut entrer à l'école de médecine après le bac, soit à l'âge de 19 ans. Au Québec, on peut y entrer après deux années de Cégep, soit aussi à 19 ans. Dans le reste du Canada, pour la plupart, nous n'acceptons pas d'étudiants avant qu'ils aient obtenu un baccalauréat en sciences et même, dans certains cas, une maîtrise en sciences.
Est-ce que c'est nécessaire? Y a-t-il quelque chose qui cloche avec les étudiants anglophones du Canada qui fait qu'ils ne peuvent pas entamer leur formation médicale à l'âge de 19 ans?
Dr Robertson : Comme j'ai entamé mes études de médecine à l'âge de 18 ans et je suis arrivé au Canada en 1966, je dirais que oui, c'est possible.
D'aucuns parleraient des changements survenus dans le système d'éducation, aussi. Je sais qu'en Grande-Bretagne, bien qu'on puisse en principe entrer à l'école de médecine à 19 ans, il en rentre bien plus maintenant qu'auparavant qui sont déjà titulaires d'au moins un diplôme. En Grande-Bretagne, le programme des écoles de médecine dure cinq ans, ou six à certains endroits, comparativement à quatre, et parfois trois au Canada.
Cela dépend plutôt ce que les gens attendent de leurs médecins. La mesure des connaissances nécessaires pour faire la preuve d'une compétence de base continue d'augmenter. La quantité de connaissances qu'il faut renouveler pour entretenir son niveau de compétence est énorme, et il est certain que l'apprentissage permanent et le transfert du savoir peuvent être précieux.
Les Universités de Calgary et McMaster ont des programmes de trois ans, comme vous le savez bien, et leurs diplômés ne semblent pas être particulièrement désavantagés pour avoir suivi un programme plus court.
Sur un marché compétitif et restreint, où il est très difficile de juger des caractéristiques personnelles lors d'une entrevue, la moyenne pondérée cumulative et les diplômes sont des mesures moins subjectives employées, du moins en partie, pour prendre les décisions d'admission à l'école de médecine.
La présidente : Je sais que l'Université McMaster a reçu cette année 24 000 demandes d'admission. Tous les candidats avaient des diplômes. Il ne manquait pas de compétences mais simplement de places.
Je vous remercie de votre présence parmi nous cet après-midi.
La séance est levée.