Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 11 - Témoignages du 1er mai 2008
OTTAWA, le jeudi 1er mai 2008
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 9 h 9 pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir de l'agriculture et des forêts au Canada.
Le sénateur Leonard J. Gustafson (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Bonjour, honorables sénateurs, mesdames et messieurs les témoins et toutes les personnes qui écoutent les travaux du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Aujourd'hui, le comité poursuit son étude des prix des intrants agricoles au Canada.
Ces dernières années, les agriculteurs du Canada ont composé avec d'importantes augmentations du prix des intrants. Par exemple, selon l'Indice des prix des entrées dans l'agriculture de Statistique Canada, le prix des engrais et des carburants a augmenté en moyenne de 7,6 p. 100 et de 13,9 p. 100 par année entre 2002 et 2006. Même si le prix des céréales a augmenté ces dernières années, il demeure que le prix élevé des intrants a une incidence directe sur le degré de rentabilité des exploitations agricoles. Outre les raisons qui expliquent pourquoi le prix des intrants est ainsi élevé, le comité s'attache particulièrement à la question du prix des intrants canadiens par rapport aux prix courants des intrants aux États-Unis.
Ce matin nous accueillons, de la Canadian Association of Agri-Retailers, David MacKay, qui en est le directeur exécutif. Je crois savoir que vous avez une déclaration à présenter ce matin, après quoi nous laisserons les sénateurs poser des questions.
Bienvenue, sénateur Mahovlich. Je crois qu'il était en deuil avec le match de hockey qu'il y a eu et que cela l'a retardé. Nous sommes heureux de l'avoir parmi nous ce matin. Il est originaire de l'Ontario. Sont également présents le sénateur Peterson, de la Saskatchewan; le sénateur Callbeck, de l'Île-du-Prince-Édouard; et le sénateur Mercer, membre silencieux du comité, de la Nouvelle-Écosse À tous, je vous souhaite la bienvenue ce matin.
David MacKay, directeur exécutif, Canadian Association of Agri-Retailers : Bonjour, madame et messieurs les sénateurs, monsieur le président. Merci de l'invitation. Je m'excuse d'avance : j'aurais aimé être accompagné de certains de mes collègues du secteur du commerce de détail agricole. Cependant, comme vous êtes à même de le constater, c'est le moment de l'année où ils se trouvent littéralement dans les champs aux côtés de leurs cultivateurs. Sans pouvoir y être, ils sont probablement conscients du fait que vous les savez occupés à une activité tout à fait judicieuse eux aussi.
La Canadian Association of Agri-Retailers et ses 1 000 membres de tous les coins du pays travaillent au service des producteurs canadiens et se situent en première ligne d'un commerce des engrais et des produits chimiques d'une valeur de plus de trois milliards de dollars. Nos membres travaillent en étroite collaboration avec les producteurs de céréales et d'oléagineux pour maximiser le rendement de leurs investissements dans les intrants agricoles.
Souvent sous-estimés en tant que facilitateurs dans la chaîne de valeur, les détaillants agricoles ne fixent pas le prix des intrants et ne sont pas responsables de l'instabilité du marché, mais ils exercent un effet de stabilisation des prix qui profite aux producteurs. En achetant toujours de grandes quantités par l'entremise de contrats à rabais basés sur le volume, les négociants peuvent obtenir les meilleurs prix pour leurs clients. Grâce à ces ententes d'achat anticipé, les producteurs ont rarement à payer le prix du marché ouvert. Les ententes en question garantissent également l'offre et la livraison juste à temps, de sorte que les producteurs n'ont pas à stocker des intrants. Autrement dit, les contrats des négociants servent à les protéger contre l'instabilité du marché, et les services à valeur ajoutée offerts dans les contrats aident à les mettre à l'abri d'une montée des prix.
Contrairement à ce qu'en pensent certains, les détaillants agricoles ne profitent pas des prix élevés sur le marché des intrants. Ils assument eux aussi le coût élevé des produits vendus et exploitent généralement des marges fixes qui ne varient pas en fonction du prix. En fait, les détaillants voient souvent leurs recettes diminuer parce qu'ils veulent apaiser des clients mécontents et les fidéliser, sinon, à cause de l'instabilité du marché, le coût du produit de remplacement n'est pas souvent le prix de vente initial, et les prix évoluent de semaine en semaine. On peut donc dire que les détaillants sont pris entre deux feux et qu'ils subissent de ce fait les pressions exercées des deux côtés.
Même si le coût record des engrais les désavantage autant que les producteurs, les détaillants n'ont pas l'impression que le marché est tributaire de pratiques commerciales regrettables, y voyant plutôt la conjugaison de plusieurs facteurs économiques. Les facteurs économiques en question sont une demande mondiale d'engrais qui est sans précédent, un virage dû à des projets de production de biocombustibles dans le secteur céréalier de l'Amérique du Nord, le retard apporté à augmenter la capacité de production et la libéralisation du marché mondial.
La dynamique de l'offre et la demande de céréales qui entraînent les prix records pour les céréale est celle-là même qui stimule les marchés des engrais. Il serait injuste de protester contre un élément de l'équation tout en approuvant l'autre. Les producteurs auront la possibilité — espérons-le — de compenser le coût élevé des intrants par des ventes élevées cette année et au cours des années à venir. Bien entendu, nous espérons tous des récoltes abondantes cette année.
Par ailleurs, les détaillants ne considèrent pas ce marché comme une possibilité d'accroître les profits; ils espèrent plutôt que les producteurs désireux d'investir pour maximiser leur rendement commanderont plus d'intrants. Or, deux obstacles inattendus — un resserrement de l'offre et une perte des ventes pour les fournisseurs mondiaux d'engrais — risquent de vaincre les espoirs nourris à cet égard.
La CAAR croit que l'offre reprendra à un moment donné avec l'augmentation de la capacité de production. À court terme, les producteurs pourraient bénéficier d'éventuelles modifications du programme d'avances de fonds ou d'autres programmes de crédit visant à faciliter l'achat anticipé d'intrants grâce à des contrats conclus avec les détaillants. Cela aidera à garantir l'offre, à obtenir les meilleurs prix et à se mettre à l'abri de l'instabilité du marché ouvert.
Les détaillants d'intrants de culture du Canada tiennent toujours à offrir plus de produits et de services rentables pour les agriculteurs parce que ce sont eux qui maintiennent notre gagne-pain. Les détaillants, aussi, sentent le resserrement économique attribuable à l'instabilité du marché des engrais et à la montée en flèche des frais de carburant, des frais de transport et des frais de matériel — qui immobilisent une grande part du fonds de roulement des détaillants. Néanmoins, nous trouvons encore des façons novatrices de protéger nos clients contre les frais élevés sans précédent associés aux intrants en protégeant les approvisionnements et en appliquant l'effet de levier que procurent les occasions d'achat préalables. La présence du secteur de commerce de détail stabilise les prix. La dernière chose que nous voulons sont des conditions de marché qui entraînent nos clients à se tourner vers des concurrents étrangers.
Malheureusement, les agro-détaillants sont de plus en plus obligés d'investir des ressources considérables dans la sécurité liée aux engrais et aux produits agrochimiques. De nouveaux règlements et de nouveaux codes industriels sont en voie d'être établis produit par produit — approche inefficace qui finira par déboucher sur des coûts redondants et un retrait potentiellement important des services des détaillants aux agriculteurs. Il y a par exemple le nouveau Règlement sur les composants d'explosif limités en ce qui touche le nitrate d'ammonium, de même que le Code de pratique concernant l'ammoniac, en cours d'examen, en ce qui touche l'ammoniac anhydre. Même s'ils appuient les principes qui régissent tous ces règlements, les détaillants ne seront pas en mesure d'assumer la totalité des frais de rajustement de la sécurité des installations ni ceux de la formation qui s'imposera aujourd'hui comme demain. De plus, l'introduction de multiples codes de produit et règlements débouche sur des barèmes de coûts imprévisibles, qui empêchent les détaillants d'établir des prévisions budgétaires sûres. Cela mine également notre capacité d'accorder du crédit et d'offrir des services à nos clients.
La CAAR demande l'élaboration d'un protocole de sécurité des intrants de culture complet qui englobe tous les intrants de culture, y compris l'engrais et les pesticides, en un seul plan intégré qui serait infiniment plus rentable à mettre en œuvre et à budgétiser. La CAAR demande au gouvernement du Canada d'aider le secteur du commerce de détail à mettre en œuvre ce projet dans l'intérêt de la sécurité publique. Une approche proactive qui est bien conçue au départ peut prévenir une mauvaise utilisation possible des intrants essentiels à la production agricole et à l'économie canadienne. Un programme de contributions en matière de sécurité des intrants de culture ou un crédit d'impôt contribuerait énormément à la protection de l'engrais et des pesticides des détaillants contre la menace d'une utilisation à des fins criminelles ou terroristes.
Des détaillants des États-Unis sont sur le point d'obtenir un crédit d'impôt en matière de sécurité pour les entreprises agricoles grâce à une disposition fiscale rattachée à un projet de loi agricole d'extraordinaire envergure — le Farm Bill américain : 280 milliards de dollars qui fait actuellement l'objet de délibérations en commission mixte au Congrès. Je crois comprendre que la commission va trancher cette semaine et que, à un moment donné, le document pour signature se retrouvera sur le bureau du Président. Le projet de loi prévoit notamment à l'intention des détaillants un crédit d'impôt majoré de 30 p. 100 sur les frais de sécurité admissibles de plus de 100 000 $ par installation pour un maximum de deux millions de dollars dans le cas des installations multiples. Ce crédit vient s'ajouter au crédit d'impôt régulier sur le solde résiduel des frais de sécurité. Essentiellement, le gouvernement américain partage pratiquement à égalité les coûts de mesures de sécurité avec les entreprises agricoles américaines.
Inutile de dire que, si le crédit d'impôt des États-Unis en matière de sécurité entre en vigueur, le secteur canadien de l'agriculture sera de nouveau confronté à un désavantage concurrentiel sur les marchés internationaux, car il sera forcé d'absorber 100 p. 100 des frais relatifs à la sécurité.
L'aboutissement d'une situation où la conformité avec le règlement se révèle extrêmement coûteuse et où les règles du jeu économique sont inéquitables ne laissent aux détaillants canadiens que deux plans d'action possibles : nous serons forcés de refiler la majorité, sinon la totalité des frais, aux agriculteurs, alors que les coûts des intrants sont déjà insupportablement élevés, sinon nous n'aurons pas d'autres choix que de cesser de vendre les produits et les services que nous offrons à nos clients. Dans un cas comme dans l'autre, nos clients seront davantage isolés et il se fera plus de commerce hors de nos frontières.
Au cours des années à venir, peu d'entreprises agricoles canadiennes pourront endurer l'escalade des coûts liés au barrage de règlements ponctuels en matière de sécurité, établi produit par produit. Le secteur du commerce de détail est un élément crucial de la chaîne de valeur de l'agriculture. Sans ces services, les agriculteurs seront confrontés à d'extraordinaires problèmes logistiques.
Dans le contexte, au nom des 1 000 entreprises agricoles qu'elle compte parmi ses membres au Canada, la CAAR vous demande respectueusement d'appuyer une recommandation en vue de l'établissement d'un programme de contributions ou un crédit d'impôt en matière de sécurité des intrants de culture, semblable à ce qui se fait aux États- Unis, qui parviendra à régler plusieurs problèmes importants en matière de sécurité tout en contribuant à maintenir un commerce économique essentiel au Canada.
Le sénateur Mercer : Bonjour, monsieur MacKay, et merci d'être là. Nous apprécions le fait que vous nous accordiez du temps. Vous avez soulevé un grand nombre de problèmes. Il est à espérer que nous allons trouver certaines solutions.
Vous avez quand même affirmé que l'offre reprendra à un moment donné avec l'accroissement de la capacité de fabrication. Quelle est cette capacité? Qui la possède? Est-ce que ce sont des intérêts canadiens?
M. MacKay : D'après ce que j'en sais, ce sont des intérêts canadiens. Je crois comprendre que trois ou quatre des grands fabricants canadiens qui possèdent des mines au Canada vont relever leur production. Cela comprend Agrium Inc., Saskferco, Mosaic Co. et PotashCorp en Saskatchewan, qui n'extraient pas que de la potasse. Je crois savoir qu'il y a là la possibilité de produire 15 millions de tonnes métriques supplémentaires par année dans le cas de la potasse. C'est donc une occasion importante qui se présente pour les cinq années à venir, la possibilité de se donner une capacité incroyable.
Le sénateur Mercer : C'est la bonne nouvelle.
M. MacKay : Oui, c'est la bonne nouvelle.
Le sénateur Mercer : Vous avez dit que les prix changent de semaine en semaine.
M. MacKay : Au détail, ils changent de semaine en semaine.
Le sénateur Mercer : Pourriez-vous nous faire profiter du point de vue d'un initié et nous dire ce qui est à l'origine d'une fluctuation si rapide des prix?
M. MacKay : Le temps est révolu où il suffisait de commander d'avance son inventaire complet auprès d'un seul et unique fabricant. L'approvisionnement étant si limité en ce moment, souvent, nous n'arrivons même pas à commander au moment où nous voudrions le faire. Nous devons être très vigilants, presque quotidiennement, et surveiller la situation comme les gens surveillent les coûts à la bourse pour voir à quel moment notre produit est disponible, d'abord — et ce n'est parfois pas une garantie —, mais, lorsque nous nous apercevons qu'il est disponible, voir à quel prix il est offert et quel volume il est possible de se procurer, afin de savoir si nous pouvons obtenir un certain prix.
Plutôt que simplement placer les commandes, maintenant, nous négocions. Nous sommes devenus très habiles à acheter de multiples sources. Il ne suffit plus de faire venir son engrais d'un seul et unique fabricant ou distributeur; il faut recourir à de multiples sources. On devient très habile pour étudier les prix et les occasions d'achat afin de pouvoir stocker un nombre suffisant de produits ou de les livrer juste à temps, pour que le cultivateur puisse en disposer.
C'est très délicat, mais nous devenons bons. La situation exige que nous travaillions avec nos cultivateurs à établir des occasions d'achat anticipées, pour fixer les contrats. À ce moment-là, les cultivateurs nous signalent les exigences qu'ils prévoient pour que nous sachions très exactement sur quelle quantité il faut mettre la main.
Accumuler les stocks ne pose plus de problème; plus personne n'accumule de stocks, car les stocks disparaissent en deux temps trois mouvements. Cependant, il est difficile d'accéder à l'approvisionnement, comme vous êtes à même de le comprendre. Le prix évolue au point où, si nous faisons un achat un jour donné à un certain prix et que nous vendons les stocks, il se peut très bien que nous rachetions à perte si nous ne faisons pas attention, si nous gardons les mêmes prix. Nous devons modifier les prix que nous demandons aux cultivateurs pour nous assurer que la vente d'engrais ne vient pas miner notre marge, si ce n'est causer carrément une perte.
Le sénateur Mercer : Ce sont des Canadiens qui ont inventé la livraison juste à temps dans l'industrie de l'automobile. Maintenant, la pratique a gagné le secteur de la production de nourriture.
Vous avez donné la clé de l'énigme, du point de vue du président du comité en tout cas, lorsque vous avez parlé du Farm Bill américain. Je sais que nous sommes d'accord, lui et moi, pour dire qu'il faut au Canada une loi agricole du genre de celle que se sont donné les Américains.
Je m'intéresse au crédit d'impôt que vous proposez en rapport avec la sécurité des intrants de culture. Sans compliquer trop la question pour moi et pour les gens qui nous écoutent, comment cela fonctionnerait-il? De même, qu'est-ce que cela coûterait au gouvernement selon vous?
M. MacKay : Voilà une excellente question. Nous avons passé beaucoup de temps au Parlement à estimer les sommes en question et à discuter de ce point. En résumé, vous êtes à même de le savoir, et ceux parmi vous qui oeuvrent dans le domaine agricole le savent bien : les intrants sont multiples. Ce n'est qu'un exemple d'intrant — l'ammoniac anhydre — où la réglementation s'impose.
Voici le code de pratique et voici le guide de référence sommaire. Voici le guide de référence sommaire. Vous pouvez imaginer la situation à laquelle nous faisons face. C'est en rapport avec un seul produit. Or, nous pouvons avoir jusqu'à une centaine de produits. De fait, c'est encore plus si vous décidez d'inclure les pesticides et les produits de protection des cultures. C'est inefficace parce qu'il y a un code, puis un autre code, puis un autre encore... Chaque fois qu'un code est ajouté, nous devons modifier notre infrastructure, chez nos détaillants, aménager l'infrastructure matérielle aux fins de la sécurité. C'est le système le moins efficace qu'il est possible d'avoir. J'aimerais mieux construire tout l'ensemble, une fois pour toutes.
Il s'agit entre autres d'établir un périmètre clôturé, de prévoir un éclairage dans certains secteurs; cela peut comprendre aussi l'installation de caméras, de détecteurs de mouvement, de systèmes d'alarme, de systèmes de verrouillage, des barreaux aux fenêtres, une signalisation. Il y a aussi la formation. Nous faisons une estimation de ces coûts, et permettez-moi de vous dire que c'est passé de l'estimation à la dépense réelle, maintenant que nous avons mis cela en place. Nous estimons que, dans une installation donnée, qui compterait en moyenne un à trois acres, il faut investir 50 000 $ pour réaménager les lieux de manière conforme au code de sécurité, en installant les clôtures, l'éclairage, le verrouillage et cetera. Si on multiplie cela par les 1 000 détaillants ou plus qu'il peut y avoir, ça donne un chiffre assez important.
Nous proposons au gouvernement les deux méthodes suivantes pour aider le secteur de l'agrodétail à mieux assumer les coûts en question. La première est un programme de contribution, et la deuxième, un système de crédit d'impôt. En ce moment, nous ne croyons pas qu'une méthode l'emporte forcément sur l'autre. Nous laisserions la décision au gouvernement lui-même.
Tout de même, le programme de contribution compte un précédent au Canada. Le Programme de contribution pour la sûreté maritime prévoit le remboursement de 75 p. 100 des dépenses admissibles pour la même infrastructure tout à fait dans les installations portuaires canadiennes. Maintenant, ce serait le cas aussi des agrodétaillants canadiens. C'est un programme qui relève de Transports Canada en collaboration avec Sécurité publique Canada. Le partage se fait 75- 25. Si on applique l'équation au secteur canadien de l'agrodétail, le gouvernement fédéral doit s'engager à verser 50 millions de dollars dans le pire des cas.
Le sénateur Mercer : Les règlements en question ne proviennent pas forcément d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Proviennent-ils de Sécurité publique Canada?
M. MacKay : Dans ce cas-ci, c'est un code qui est parrainé par l'industrie, qui est l'affaire de l'industrie. Cependant, je veux souligner deux choses : en tant qu'agrodétaillant, vous n'allez pas chercher à savoir si ça provient du gouvernement ou d'une industrie. Pourquoi? Premièrement, vous savez que ça va devenir un règlement à un moment donné et, deuxièmement, c'est tout aussi lourd de conséquences; si nous ne nous conformons pas à ce code, nous ne pourrons recevoir des produits. C'est un coup qui est aussi dur, sinon plus dur que l'amende du gouvernement. J'aimerais mieux avoir affaire à un inspecteur gouvernemental que de n'être plus en mesure de recevoir des marchandises.
Le vice-président : Vous avez dit que vous étiez dans les champs aux côtés des agriculteurs. Les agriculteurs vous disent-ils : « Étant donné que le prix des engrais est si élevé, nous allons seulement en mettre la quantité minimale, assez pour nous en tirer? »
M. MacKay : Pas du tout. Les cultivateurs qui sont des clients de longue date de nos membres sont conscients du fait que c'est cette année qu'il faut faire l'investissement. Ils savent que le rendement attendu de l'utilisation de l'engrais cette année, du fait du prix élevé des céréales, représente leur plus grand espoir. D'un point de vue agronomique, il est logique de procéder ainsi, d'un point de vue économique aussi. Nous nous assurons que c'est la quantité optimale d'engrais qui est appliquée. Je ne saurais vous dire les taux d'application qui sont utilisés dans les faits, mais, si j'avais à miser là-dessus, je vous dirais qu'il y a un plus grand nombre de tonnes d'engrais qui est répandu cette année que pendant toute autre année dans le passé. La culture du maïs en accapare une grande quantité, en particulier, aux États- Unis. Cependant, nous répandons certainement une plus grande quantité d'engrais cette année que l'an dernier.
Le vice-président : Les programmes d'avances en espèces permettent-ils de composer adéquatement avec la question du coût des intrants?
M. MacKay : Nous arrivons au cœur de la question. En dernière analyse, il faut savoir quel est le risque que courent les agriculteurs en finançant les intrants de cette année. Si la récolte est excellente et qu'il n'y a ni sécheresse ni inondation, les agriculteurs vont probablement obtenir un excellent rendement et faire beaucoup plus d'argent. Par contre, ils font face à des risques incroyables cette année, étant donné le coût des intrants.
Obtenir de l'argent plus vite est certainement avantageux pour eux, car cela les aide à faire le pont pour ainsi dire. Nous faisons cela nous-mêmes.
Le fait n'est pas bien connu : la Canadian Association of Agri-Retailers finance les activités de ses clients. C'est une activité importante chez nous. Le problème, c'est que nous n'obtenons plus l'accès au capital : notre accès au crédit diminue. Nous devons investir plus d'argent dans les stocks. Nous avons les mêmes stocks, mais il nous faut plus d'argent en espèces, en raison des coûts plus élevés. Nous avons un accès moindre au capital. Maintenant, nous ne pouvons faire crédit à nos agriculteurs parce que l'argent est pris pour la sécurité, le carburant, le transport et le matériel.
Le vice-président : Notre comité accueillera des banquiers mardi prochain. Je crois savoir qu'il y en a neuf qui viendront témoigner. Vous devriez peut-être assister à la séance.
M. MacKay : Je peux apporter de quoi les battre?
Le sénateur Peterson : Merci de nous avoir présenté votre exposé. Nous avons entendu parler de l'augmentation faramineuse des prix, qui est de l'ordre de 96 p. 100 à 100 p. 100. Quelle part de l'augmentation est attribuable à une cause structurelle, à quelque chose qui ne changera jamais, et quelle part est censément liée à la demande? Autrement dit, vous avez la possibilité d'augmenter fortement vos prix — tout le monde veut sa part.
M. MacKay : Je ne suis pas spécialiste de l'analyse des marchés, mais je peux vous donner mon avis. Je vous dirais que c'est en très grande partie le résultat du jeu de l'offre et de la demande sur le marché. Il s'agit d'une marchandise. Le prix le plus bas, nous avons appris ce qu'il était, il y a deux ou trois ans. Les coûts ont dû y être quelque part. Dans certains cas, le prix du produit a plus que doublé. Je parlerais à travers mon chapeau si je vous disais que, selon moi, nous n'avons pas affaire à autre chose qu'aux tendances de l'offre et de la demande sur le marché.
Le sénateur Peterson : Vous avez parlé aussi de la livraison juste à temps, et je présume que ça s'applique surtout aux producteurs. Tout de même, ça s'applique aussi aux détaillants. N'y a-t-il pas une structure quelconque que vous pouvez établir grâce aux contrats anticipés pour essayer d'y arriver, étant donné qu'un producteur veut aussi profiter de la livraison juste à temps? Par contre, s'il fait ce choix, il est soumis aux augmentations de prix à cause du moment choisi. Y a-t-il une façon de faire le lien entre les deux?
M. MacKay : Oui, il y a un travail actif qui se fait déjà chez les agrodétaillants et chez les agriculteurs. Nous nous assurons de collaborer avec nos cultivateurs avant même la saison, pour comprendre la demande qu'ils prévoient et obtenir de notre côté non seulement un produit disponible, mais un produit disponible au prix souhaité. Cela se fait 90 p. 100 du temps. Ça ne fait pas partie des activités traditionnelles de l'agriculteur. Auparavant, le marché était stable. L'agriculteur pouvait acheter à n'importe quel moment et, de manière générale, l'approvisionnement et le prix ne causaient pas de problème. C'est différent aujourd'hui, toutefois; l'environnement n'est pas le même aujourd'hui. Il est absolument capital de faire des prévisions avant la saison de récolte et de s'assurer du prix et de la disponibilité. Aucun de mes membres ne signale actuellement de pénuries.
Le sénateur Peterson : Que doivent faire les producteurs? Si j'étais un producteur qui achète au printemps, qu'est-ce qu'il me faudrait faire pour obtenir le prix voulu?
M. MacKay : C'est au moment des négociations individuelles avec les détaillants que ça se joue, suivant votre cote de crédit, le crédit offert par le détaillant lui-même, les modalités particulières auxquelles vous tenez, le fait que vous payiez en espèces ou non. Il y a un si grand nombre de variables qui tiennent au détaillant lui-même. Je ne sais pas si je pourrais me prononcer là-dessus.
Le sénateur Peterson : Dans le cas des détaillants eux-mêmes, si vous allez de l'avant, quelle force vous faut-il pour atteindre votre but?
M. MacKay : Le problème est là. Maintenant, nous devons obtenir l'engrais à un prix plus élevé aussi, nous avons de la difficulté à obtenir tous les produits qu'il nous faut, et c'est pourquoi nous devons nous adresser à de multiples fournisseurs pour en grappiller un peu ici, un peu là, et constituer un stock suffisant pour être sûr de répondre à la demande totale chez les agriculteurs. Si je comprends bien mes membres, il n'y a pas un agriculteur qui ait reçu une commande incomplète pour quelque produit que ce soit.
Le sénateur Peterson : À propos de la sécurité des produits, vos livres font voir que c'est un problème croissant, mais vous dites également que les règlements dont il est question ne s'appliquent pas à l'utilisateur final. Il y a maintenant des agriculteurs qui, comme notre bon sénateur, le vice-président, exploitent un vaste terrain. S'ils achètent ce produit- là et qu'ils le stockent chez eux, ils en auront plus que certains détaillants.
Que cherchons-nous à faire? Que cherchons-nous à accomplir? Est-ce le scénario de l'Oklahoma qui se joue de nouveau?
M. MacKay : Pour être franc, oui. Le nitrate d'ammonium peut servir de précurseur à une réaction extrêmement explosive s'il est mélangé à du diesel. C'est ce qui a détruit l'immeuble Murrah en Oklahoma. Le mélange a été utilisé au moment de la première tentative au World Trade Center. Il est en cause dans la destruction à l'explosif des autobus à Londres. C'est le produit de choix des terroristes, des militants fous et des criminels. Il faut en protéger les stocks. C'est la raison pour laquelle le produit n'est plus utilisé dans l'Ouest du Canada, autrement que par des cultivateurs qui le font venir par le port de Churchill.
Je me préoccupe de la menace que pose tout stock de nitrate d'ammonium laissé sans supervision ou sans protection où que ce soit, dans les installations de mes détaillants ou à une ferme. Si nous parvenons à obtenir les bons protocoles de sécurité et si nous effectuons les bons réaménagements, peut-être pourrons-nous assurer la sécurité de ces produits- là chez le détaillant; à ce moment-là, l'agriculteur n'aura plus à s'en soucier.
Le sénateur Peterson : Ce serait plus préoccupant que si c'était seulement les producteurs ou votre groupe à vous qui portent le fardeau en entier. J'ose croire que ça ne se résume pas à ça. N'est-ce pas une question nationale, est-ce là que vous voulez en venir?
M. MacKay : Oui, c'est une question de sécurité publique, et je suis sûr que le gouvernement mobilise bien des ressources pour assurer la sécurité de ce produit. Nous ne faisons que mettre en lumière le fait que, à notre avis, le système comporte actuellement certains points vulnérables. Nous aimerions que le gouvernement prête son assistance parce que nous croyons y voir une question importante du point de vue de la sécurité publique. Nous allons assumer une part des coûts. Cela fait entrer en jeu la diligence raisonnable que nous exerçons en rapport avec nos produits, la responsabilité qui est la nôtre à ce sujet. Nous aimerions que le gouvernement nous prête main-forte pour garantir que les produits en question sont sécurisés et qu'ils ne sont nullement accessibles aux gens qui en feraient un usage sinistre.
Le sénateur Callbeck : Merci, monsieur MacKay, d'être venu témoigner ce matin. La question principale que je souhaite poser porte sur la potasse. Avant de poser cette question-là, je voudrais obtenir une précision sur quelques phrases qui se trouvent dans votre mémoire. Vous dites :
Contrairement à ce qu'en pensent certains, les détaillants agricoles ne tirent pas avantage des prix élevés du marché des intrants. Ils subissent eux aussi le coût élevé des produits vendus et exploitent généralement des marges fixes qui ne varient pas en fonction du prix.
Je croyais que ces marges-là changeaient en fonction de l'offre et de la demande.
M. MacKay : Pas vraiment. Nous devons conserver une marge fixe qui tend à être une marge brute. Il serait bien de parler de pourcentage, mais il serait trop difficile de les calculer tout le temps. Nous n'essayons pas d'escroquer nos clients à un moment où nous savons que la situation est insupportable pour eux. Le hic, c'est de conserver la marge, ce qui se révèle difficile. Si vous jetez un coup d'œil aux livres des détaillants, je crois que vous ne verrez pas de grandes fluctuations des marges. Nous essayons de garder une marge constante.
Le sénateur Callbeck : Autrement dit, si l'offre baisse, la marge n'augmente pas?
M. MacKay : Pas forcément. Il appartient à chaque détaillant de fixer le prix de son produit. Je ne veux pas parler de la détermination des prix au nom de tous les détaillants. De manière générale, les marges en question demeurent intactes.
Le sénateur Callbeck : Vous avez fait une étude là-dessus, n'est-ce pas?
M. MacKay : Pour l'instant, l'information est anecdotique. Si je donnais à entendre que ça figure dans une étude, je ne pourrais produire de document qui vous fait voir les marges réelles, étant donné qu'il s'agit d'informations relativement privées pour les détaillants. Je dois l'admettre : c'est anecdotique.
Le sénateur Callbeck : Je veux vous questionner au sujet de la potasse, pour essayer de comprendre ce qui se passe. Le Canada est un grand producteur de potasse, dont nous exportons environ 95 p. 100 de la production. Dans un communiqué de presse, vous reconnaissez que l'offre d'engrais potassique s'est resserrée au Canada. À regarder le tableau du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada, on voit une comparaison entre le Manitoba et le Minnesota. C'est supérieur de 3,8 p. 100 au Canada. Le deuxième graphique montre l'Ontario et le Michigan : la potasse y est plus élevée de 20,7 p. 100 qu'en Ontario. Pouvez-vous expliquer ces pourcentages-là?
M. MacKay : Je me pose les mêmes questions depuis un certain temps. Évidemment, nous subissons le contrecoups de certains de ces prix aussi. Intuitivement, je dirais que le fait que le produit soit pris dans une mine au Canada et qu'il soit vendu aux États-Unis à un prix inférieur ne paraît pas correct. Je ne peux que déduire que cela tient à des conventions d'achat, prévoyant des marchandises en vrac et de très grandes quantités à destination des États-Unis. Au Canada, peut-être les quantités sont-elles moindres et donc les volumes inférieurs.
Je ne veux pas parler au nom de l'industrie des engrais. Mes membres se posent ces questions-là aussi. En règle générale, nous croyons que les prix ont été plus équilibrés cette année que l'an dernier entre le Canada et les États-Unis.
J'ai acheté un véhicule Ford produit à Brampton, en Ontario, et j'ai payé 10 000 $ à 15 000 $ de plus que ce que j'aurais payé si je l'avais acheté aux États-Unis. J'ai choisi d'appuyer mon compatriote canadien. Moi aussi, je me pose les questions-là.
Le sénateur Callbeck : Êtes-vous d'accord avec la méthode employée pour produire ces graphiques-là? Mettez-vous en doute les augmentations en question?
M. MacKay : Pas du tout. Je ne sais pas très bien ce que vous avez devant les yeux. Je ne le vois pas.
Le sénateur Callbeck : Je reprends cela du document intitulé Revenu agricole, situation financière et aide gouvernementale — Recueil de données, septembre 2007. Il y a un graphique qui compare l'Ontario et le Michigan, et un autre, le Manitoba et le Minnesota.
M. MacKay : Dans la mesure où les échantillons sont de tailles suffisantes et que l'échantillonnage se fait sur une longue période, il n'y a pas de raison de mettre en doute les statistiques. Cependant, chaque fois que vous faites fi des dynamiques d'une étude comme cela, vous êtes susceptible d'obtenir des données faussées.
Le sénateur Callbeck : Quelqu'un a-t-il déjà cherché à déterminer pourquoi il y a une telle différence? Qui se penche peut-être là-dessus?
M. MacKay : L'industrie elle-même essaie de justifier cela. Il y a également un mouvement sporadique des prix au détail dans divers secteurs. Les détaillants peuvent vendre leurs produits aux prix qu'ils veulent.
Je crois savoir qu'il y a eu un certain « dumping » — j'ai employé ce terme-là à la réunion du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, et je ne suis pas sûr que ce soit le bon — d'ammoniac anhydre dans le Dakota du Nord. Le marché des engrais y est ouvert, et de nombreux agriculteurs dans le coin se défaisaient de leur ammoniac anhydre à cause des nouvelles mesures de sécurité, qui sont plus strictes. Le produit devenait disponible, et une des meilleures façons de s'en défaire, c'était de l'offrir aux Canadiens qui font la navette entre les deux pays, surtout aux agriculteurs munis du réservoir ravitailleur voulu pour acquérir de l'ammoniac anhydre.
Il y a les marchés très locaux et l'offre et la demande comme exemple. Sinon, je ne sais pas si je peux vraiment vous dire qui se penche sur la question — évidemment, il y a le gouvernement du Canada, les gouvernements des provinces, et je sais que Keystone Agricultural Producers réalisent des études transfrontalières. Cela semble utile et j'applaudis ce fait, mais j'ai remarqué que leur plan d'étude et leur dynamique présentent des lacunes : ça se faisait sur une courte période et ça portait sur un échantillon trop petit. Quiconque fait des études sait que c'est une chose à éviter.
Le vice-président : Est-ce que ça ne revient pas à la question des volumes?
M. MacKay : Comme je l'ai dit plus tôt, il y a un plus grand volume à destination des États-Unis qu'au Canada. Il faudrait que je voie les chiffres. C'est une possibilité.
Le vice-président : Les agriculteurs utilisent beaucoup de potasse dans l'industrie de la culture du maïs, si je comprends bien. Nous nous n'en servons pas beaucoup en Saskatchewan.
M. MacKay : Je suis sûr qu'on en utilise pas mal pour cultiver le maïs. Le maïs a soif d'engrais et d'ammoniac anhydre et d'autres produits de bonne qualité. Pour cultiver le maïs, il faut aussi l'un quelconque des engrais à base d'azote.
Le sénateur Mahovlich : Il y a quelque chose que je ne saisis pas. Pendant des années, notre président s'est plaint du fait qu'il n'y avait pas de demande de céréale, de blé et de maïs. Subitement, il y a une demande extraordinaire. Nous avons de la potasse; nous avons de bons engrais et nous avons un excellent approvisionnement. J'ai pris le journal ce matin : je ne me souviens pas que notre dollar ait été si fort — néanmoins, nous sommes en difficulté. Nous nous dirigeons vers une crise. Est-ce que j'interprète bien la situation?
M. MacKay : On dirait que vous parlez de macroéconomie, d'un grand ensemble. Quand vous dites « crise », parlez- vous du secteur agricole?
Le sénateur Mahovlich : Je veux dire l'économie.
M. MacKay : J'ai tendance à être plus optimiste.
Le sénateur Mahovlich : Les agriculteurs devraient s'en tirer.
M. MacKay : Si la récolte est bonne, ce sera une excellente année pour les agriculteurs. Ils ont beaucoup de poids sur les épaules en ce moment. Je vois que le sénateur Gustafson grimace un peu. La récolte n'est pas encore acquise. Les gens courent un grand risque en ce moment. Une fois la récolte acquise, et je sais que le sénateur Gustafson connaît cette phrase célèbre : « La solution au problème des prix élevés, c'est des prix élevés. »
C'est un système fondé sur le marché. À un moment donné, nous allons peut-être voir baisser sensiblement le prix des céréales et le prix des engrais en même temps, mais, habituellement, ils vont plus ou moins de pair. Ils sont liés à la même dynamique de marché.
J'ai tendance à être plus optimiste que vous. Par rapport à l'économie américaine, l'économie canadienne comporte certainement des dimensions plus fortes qui feront voir une plus grande vigueur. Je ne veux pas nous rattacher aux États-Unis comme on serait rattaché à une ancre. Je crois qu'il y a davantage de motifs d'ordre économique indépendants pour être optimistes au Canada.
Le sénateur Mahovlich : Un agriculteur souhaiterait-il que notre dollar faiblisse un peu?
M. MacKay : Certes, les éleveurs de bétail répondraient dans l'affirmative. Lorsque vous exportez, il est difficile de perdre une partie de votre pouvoir d'achat, et puis les coûts augmentent, cela ne fait aucun doute.
Le marché étant ouvert, il est parfois mieux d'avoir le pouvoir d'achat accru que procure un dollar fort par rapport aux États-Unis. Je sais que les agriculteurs ont accès à des engrais de l'autre côté de la frontière aussi bien qu'à des produits de protection de la récolte à cet égard. Ça peut être mauvais ou bon.
Le sénateur Mahovlich : Les engrais sont-ils réglementés autant que le blé et l'orge en ce qui concerne les failles du système?
M. MacKay : C'est une question d'ordre général. Je me situe en aval du fabricant, plus loin, le long de la chaîne d'approvisionnement. Si vous posez la question aux fabricants d'engrais eux-mêmes — pour l'approvisionnement, le traitement, le transport et la fabrication —, ils vous raconteraient autre chose. Dans notre cas, il y a que le transport des engrais est fortement réglementé. C'est comme cela que nous le vivons. Je peux vous dire que ce cahier contient d'abord et avant tout des règlements de Transports Canada, des normes de la CSA, normes types liées aux règlements provinciaux, des dispositions législatives liées au SIMDUT et des éléments de planification pour les interventions d'urgence. Vous auriez de la difficulté à croire ce qu'il nous faut faire pour acheminer simplement le produit au site.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce qu'il est plus facile d'obtenir du nitrate d'ammonium ici au Canada qu'aux États- Unis, ou au Royaume-Uni ou en Europe?
M. MacKay : Je ne saurais dire que c'est nécessairement plus facile. Il est facile d'obtenir du nitrate d'ammonium. Vous pouvez l'acheter d'un fournisseur partout dans le monde. Une cargaison récente est arrivée de Russie par le port de Churchill, et ce sont des agriculteurs d'Amérique du Nord qui ont fait les achats en question. Les règles en place du fait du Règlement sur les composants d'explosif limités servent à encadrer plus rigoureusement la sécurité et les transports. C'est là une bonne nouvelle. Cependant, le Canada ne fabrique plus de nitrate d'ammonium. Pour la plus grande part, cela fait probablement plus de dix ans que les cultivateurs de l'Ouest du Canada ne se servent plus du nitrate d'ammonium. Mes membres ne le stockent pas ni ne le manipulent.
Une situation unique est survenue en octobre, par contre. Il y a du nitrate d'ammonium qui est arrivé par le port de Churchill. J'ai une photo ici, quelque part. C'était 18 500 kilogrammes stockés dans des sacs, 9 000 tonnes métriques. Il n'a fallu qu'une tonne et demi pour détruire le bâtiment en Oklahoma. Je crois comprendre que tout a été fait de manière sécuritaire, ce qui est très bien. C'est arrivé avant l'adoption du règlement, mais ça été stocké dans une ferme. Je me soucie de cela. Si nous faisons l'objet d'une réglementation vigoureuse chez l'agrodétaillant lui-même, mais que, de fait, nous ne stockons pas le produit et que les produits comme le nitrate d'ammonium nous viennent de fournisseurs étrangers sans qu'ils nous passent dans les mains à nous, mais qu'ils aboutissent plutôt dans une ferme qui ne fait l'objet d'aucune réglementation, il me semble que la réglementation se trompe de cible. Tout de même, je ne préconise pas l'idée de réglementer les cultivateurs. Ça ne fonctionnera pas. Ce n'est pas pratique. Je préconise que nous trouvions une formule où je peux disposer de l'infrastructure appropriée pour stocker un produit comme celui-là, pour que nos cultivateurs y aient accès en toute sécurité et qu'il n'y ait pas de points vulnérables du point de vue de la sécurité.
Le sénateur Mercer : Il y a 9 000 tonnes de nitrate d'ammonium qui sont arrivées par le port de Churchill en octobre. Je siège au Comité sénatorial permanent des transports et des communications; par conséquent, je m'intéresse beaucoup à la question de la sécurité dans les ports.
Vous avez traité de cette préoccupation dans votre mémoire, mais ça ne touchait pas le port lui-même, alors que vous dites que c'est arrivé de Russie par Churchill, que ça été traité de manière sécurité au quai.
M. MacKay : Je n'y étais pas, mais je crois bien que les bonnes mesures ont été prises. Tout de même, cela ne fait aucun doute, si vous appliquez l'actuel Règlement sur les composants d'explosif limités à la façon dont le produit a été manutentionné, stocké et transporté, je ne serais pas surpris de constater que ce n'était pas conforme aux normes. Les normes en question sont très rigoureuses.
Le sénateur Mercer : À qui était-ce destiné? Si le sénateur Gustafson, qui est un agriculteur compétent, ne s'en sert pas chez lui, tout comme bon nombre d'autres Canadiens, où ce nitrate d'ammonium était-il acheminé?
M. MacKay : C'est arrivé en provenance de Mourmansk, en Russie, directement d'un producteur d'engrais russe. Ça a été envoyé par train jusqu'à Thompson ou The Pas. À ce moment-là, la cargaison a été transportée par camion jusqu'à l'acheteur. Je crois savoir qu'il a fallu cinq jours pour livrer le produit qui, à un moment donné, s'est trouvé entre les mains de cultivateurs à la ferme.
Le sénateur Mercer : Au Canada ou aux États-Unis?
M. MacKay : Au Canada; pour la majeure partie, dans les Prairies.
Le sénateur Mercer : Les agriculteurs américains utilisent-ils encore le nitrate d'ammonium?
M. MacKay : Oui.
Le sénateur Mercer : Je veux relier les points. Nous avons parlé du ministère qui impose la réglementation. Nous avons discuté de Sécurité publique Canada aussi bien que d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Allons de l'autre côté du 49e parallèle pour un instant. Il me semble que le Département de la sécurité intérieure n'a pas de réglementation aux États-Unis. Ai-je tort de dire cela?
M. MacKay : Non, sénateur, vous n'avez pas tort. L'utilisateur final n'est pas visé par la réglementation aux États- Unis non plus. Le département de la Sécurité intérieure travaille de concert avec les détaillants, les distributeurs, les grossistes et les fabricants. Je crois savoir que la réglementation ne s'applique pas aux utilisateurs finaux. Le seul aspect de la réglementation sur les nitrates d'ammonium qui s'applique aux utilisateurs — et cela vaut pour le Canada —, c'est que les gens n'ont pas le droit de revendre le produit.
Le sénateur Mercer : Les agriculteurs ne peuvent revendre le nitrate d'ammonium.
M. MacKay : C'est cela.
Le sénateur Mercer : Je ne suis pas agriculteur. Nous avons parlé du fait que les agriculteurs se tirent d'affaire cette année — du moins, nous espérons que c'est le cas. Si les agriculteurs se tirent d'affaire, il y a une personne dans la chaîne qui ne se tirera probablement pas d'affaire, et c'est moi, le consommateur. Si les agriculteurs ne se tirent pas d'affaire, le gouvernement interviendra, et c'est l'utilisateur final, le consommateur, qui paiera la note au bout du compte.
Combien de nitrate d'ammonium un agriculteur aurait-il à sa ferme?
M. MacKay : Ça peut varier de quelques tonnes à 20 tonnes ou plus.
Le sénateur Mercer : Combien de tonnes a-t-il fallu pour détruire le bâtiment en Oklahoma?
M. MacKay : C'était 1,5 tonne.
Le sénateur Mercer : Toutes les fermes disposent d'assez de nitrate d'ammonium pour susciter ce genre de dégâts.
M. MacKay : Oui, sénateur, les agriculteurs ont le potentiel de provoquer ce genre de dégâts, mais je ne suis pas là pour accuser les agriculteurs de quoi que ce soit. Je me soucie simplement de la question.
Le sénateur Mercer : Non, je veux parler de la sécurité de la chose. Les agriculteurs sont trop occupés pour se soucier de cette question, mais c'est une question de sécurité publique. Si quelqu'un arrive et vole le nitrate d'ammonium qui est stocké à une ferme, ça devient un véritable problème.
M. MacKay : Cela ne fait aucun doute. Les commerces de détail agricoles sont mieux à même d'assurer la sécurité du produit.
Le sujet a été débattu. J'en discute avec des agriculteurs en Amérique du Nord, et ça devient animé quand il s'agit de savoir ce qui est plus vulnérable, le nitrate d'ammonium chez le commerçant ou chez l'agriculteur. Qu'est-ce qui pose le plus de problèmes du point de vue de la sécurité des Canadiens, si d'aventure quelqu'un tente de voler ce produit au milieu de la nuit dans une région rurale de la Saskatchewan? Je ne connais pas la réponse à cette question. Je peux vous dire qu'il n'y a pas de nitrate d'ammonium dans les commerces de détail agricoles dans l'Ouest du Canada. Ça n'existe pas.
Sans nul doute, si soudainement il se trouvait une grande quantité de nitrate d'ammonium stockée dans une ferme particulière dans l'Ouest du Canada, j'en serais très préoccupé. Cependant, réglementer l'activité du cultivateur n'est pas la solution au problème. J'avance que la solution consiste à s'assurer que nous disposons de l'infrastructure appropriée pour stocker ce produit-là.
De même, nous perdons la vente. Lorsque nos agriculteurs s'adressent à des fournisseurs ailleurs dans le monde, c'est une vente que nous perdons. Ils nous disent qu'ils n'ont plus besoin de s'adresser à nous. C'est un problème.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Callbeck a posé une question à propos du prix de la potasse et de la différence entre le prix de la potasse au Canada et aux États-Unis. La totalité de la potasse provient probablement du Canada.
Vous avez dit avec raison que nous ne voulons pas interroger les entreprises sur leur marge. Tout de même, les sociétés cotées en bourse doivent produire un rapport annuel qui fait voir un état des résultats. Quelqu'un a-t-il réalisé une analyse de ce point de vue-là? Les entreprises canadiennes sont-elles plus rentables — peut-être exigent-elles un trop fort prix — que les entreprises situées ailleurs, et principalement nos voisins du Sud?
M. MacKay : Vous faites allusion aux fabricants eux-mêmes. Ils sont cotés en bourse. Cela ne fait aucun doute, les actionnaires et les membres du grand public ont accès à leurs finances. Je ne sais pas si quelqu'un a étudié la question, mais vous ne trouverez pas autre chose que le fait que, en ce moment, les profits montent en flèche. Agrium a publié récemment plusieurs communiqués de presse, tout comme PotashCorp. Ce sont des profits records dont il est question, mais, à mon avis, il faut féliciter ces entreprises des investissements qu'ils font, des emprunts qu'elles créent et de l'activité économique qu'elles stimulent. Les ressources financières qu'elles acquièrent, elles les réinvestissent souvent dans l'infrastructure et dans de nouveaux moyens en ce qui concerne les engrais.
Le sénateur Mercer : Je ne laisse pas entendre que le profit est une mauvaise chose; je crois que c'est une très bonne chose. Je me soucie de ce qu'on profite du consommateur et des autres personnes figurant dans la chaîne, nommément les agriculteurs. Vous avez parlé de votre véhicule Ford. Vous avez payé ici 15 000 $ de plus que vous l'auriez fait si vous l'aviez acheté aux États-Unis. C'est ce qui se produit lorsque le dollar canadien et le dollar américain sont à force égale.
Le sénateur Peterson : J'aimerais mieux comprendre le coût et l'incidence de la réglementation sur la sécurité des lieux. Votre rapport fait voir qu'il y a déjà un écart entre le gouvernement et l'industrie. Le gouvernement affirme qu'il a mené une large consultation et que le projet est neutre du point de vue des coûts. Au plus, cela coûterait 120 000 $ au secteur entier. Vos analystes affirment que c'est faux, que ça coûterait 50 000 $ par site. Évidemment, tout s'effondre de ce fait. Il faut faire quelque chose, sinon ce cheval va s'emballer, et c'est nous qui allons être pris avec les dommages causés.
Que pouvons-nous faire pour aider l'industrie à emprunter une voie où il y a un dialogue et relever ces diversions et en discuter avant que le contrat final ne soit établi?
M. MacKay : Je suis parfaitement de votre avis. J'ai passé 18 mois au Parlement à essayer d'entamer ce dialogue, à échanger sur cette idée-là, à la mettre en lumière, à avertir les gens de la situation à laquelle nous faisons face. Ce sont 18 mois marqués au coin de la frustration totale. Au point où j'en suis, les parlementaires et les membres du gouvernement me rejettent. Je n'arrive à rien. On annule des rendez-vous; il semble que je n'arrive pas à fixer des rencontres. Le ministre de la Sécurité publique m'envoie au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire du Canada; le ministre de l'Agriculture me dirige vers Ressources naturelles Canada. Ressources naturelles Canada me renvoie à Agriculture et Agroalimentaire Canada et, là, un représentant haut placé me montre de nouveau le chemin de Sécurité publique Canada. Les bureaucrates ont le don de faire courir les gens partout, dites-vous?
Le sénateur Peterson : Cela n'a rien de bon. Pour cristalliser la question, dites-nous : quel chemin nous faut-il prendre? Devrions-nous envisager de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire pour que la question soit soulevée officiellement?
M. MacKay : Hier, j'ai proposé un projet de loi d'initiative parlementaire, par courriel, au président du caucus des députés des régions rurales du Parti libéral, M. Larry Bagnell. Je serais heureux de faire part de cette communication au comité. J'ai proposé que le parti envisage d'adopter un crédit d'impôt sur la sécurité des produits agrochimiques ou des intrants de culture, semblable à celui que les États-Unis sont sur le point d'implanter, un programme de contribution qui a déjà un précédent au sein de notre gouvernement.
Le ministre des Finances m'a informé du fait que ce n'est pas là une mesure que le gouvernement souhaite envisager. Nous sommes prêts à regarder un système de crédit d'impôt qui s'apparenterait à celui des États-Unis. Cela ne fait aucun doute dans mon esprit, si je ne parviens pas à persuader le gouvernement, un projet de loi d'initiative parlementaire conviendrait.
Le sénateur Callbeck : Les coûts des pesticides n'ont pas augmenté comme ceux des engrais.
M. MacKay : Ils ne l'ont pas fait autant.
Le sénateur Callbeck : Je crois savoir qu'il y a tout un écart dans les pourcentages.
M. MacKay : Oui.
Le sénateur Callbeck : Le coût de l'énergie représente-t-il un facteur moindre pour les pesticides que pour les engrais?
M. MacKay : D'après ce que j'en sais, oui. Le gaz naturel sert de matière de base à de nombreux engrais à base d'azote. Bien entendu, il y a le traitement de la substance qui permet de créer le gaz. Je crois comprendre que les coûts d'énergie sont relativement faibles au regard du prix final des deux produits.
Le sénateur Callbeck : Je croyais que c'était élevé dans le cas de l'engrais.
M. MacKay : Les coûts sont élevés lorsque le prix est bas, mais maintenant que les prix ont doublé, ce n'est pas un facteur important. Ça revient à ce qui a été dit plus tôt. Pourquoi y a-t-il une telle évolution des prix? Je crois que c'est essentiellement la dynamique de l'offre et de la demande sur le marché qui est en cause.
Le vice-président : On nous dit que la nourriture représente en moyenne 9 ou 10 p. 100 environ du budget des Canadiens. Quels chiffres avez-vous à ce sujet?
M. MacKay : Nous sommes d'accord avec ces chiffres. Le revenu disponible moyen des Canadiens lorsqu'ils cherchent à se nourrir tourne autour de cela.
Le vice-président : Croyez-vous qu'il y a eu une augmentation significative des prix au cours de l'année?
M. MacKay : Oui. Quiconque est allé à l'épicerie récemment a vu que les prix ont augmenté sensiblement, certainement dans le cas des produits à base de céréales et tout ce qui touche au bétail. On s'y attend. Il y a une crise alimentaire mondiale qui sévit en ce moment quant à la capacité d'approvisionner en nourriture les pays en développement. Les banques alimentaires sont en difficulté, ayant réduit de la moitié ou du quart bon nombre de leurs stocks. Cela ne fait aucun doute, nous allons voir des prix plus élevés au supermarché. Malheureusement, c'est une conséquence naturelle du marché.
Le vice-président : J'aimerais connaître vos conclusions sur l'économie mondiale et sur ce que vous y voyez en rapport avec le Canada.
M. MacKay : En tant qu'agrodétaillants qui s'attachent d'abord et avant tout au Canada, nous ne réfléchissons pas souvent à la situation mondiale. Nous savons que le secteur canadien de l'agriculture dans son intégralité doit concurrencer sur la scène mondiale. Quand un élément particulier de ce secteur éprouve des difficultés ou s'effondre, c'est la chaîne de valeur en entier qui n'est plus concurrentielle. Nous pouvons bien ergoter à propos des questions intérieures auxquelles nous faisons face, mais nous perdons souvent de vue les défis que nous devons relever mondialement. Je le dis souvent : le monstre qui est aux portes, ce n'est pas nous, mais plutôt notre concurrence mondiale. Pendant que nous nous battons pour des miettes ici, nous nous tirons dans le pied, car nous ne travaillons pas ensemble à devenir concurrentiels mondialement. Je peux vous garantir que si les agrodétaillants doivent engager des coûts du point de vue de la sécurité, ils vont les refiler aux cultivateurs. Cet aspect-là de la concurrence sera tel que nous n'allons pas pouvoir rivaliser avec le système américain.
Les membres de l'industrie des engrais, j'en suis sûr, ont leurs propres points de vue sur la manière de concurrencer à l'échelle internationale. Ils exportent la majeure partie de leurs produits. Au Canada, pour la plus grande part, nous essayions de faire en sorte que les agriculteurs soient heureux aujourd'hui, et c'est une tâche qui est difficile au mieux.
Le vice-président : Nous exportons environ 75 p. 100 des céréales que nous cultivons. Est-ce là la statistique que vous avez, vous?
M. MacKay : Je ne sais pas pour les céréales. Nous exportons environ 75 p. 100 ou 80 p. 100 des engrais, mais je ne sais pas dans le cas des céréales.
Le sénateur Mahovlich : À propos du coût de la vie moyen, bon nombre de nos pensions sont à un taux fixe de 2,5 p. 100. Pour l'année à venir, quel sera selon vous le coût de la vie?
M. MacKay : Vous me faites passer dans une toute autre arène économique. N'étant pas analyste du coût de la vie, je ne peux que donner une idée de la chose : notre coût de la vie à court terme sera certainement touché, mais le prix des aliments augmentera peut-être encore de 5 p. 100. Les prix ne vont pas augmenter de 50 p. 100. Ça cause encore de la difficulté, mais ça tient pour la plus grande part au cycle économique des denrées. Ce n'est pas forcément permanent. Parfois, l'instantané que nous faisons de la situation nous secoue, mais, pour envisager une période plus longue, nous allons voir, espérons-le, des agriculteurs prospères au cours des années à venir, qui auront obtenu des rendements plus élevés. Les marchés s'adapteront, et les produits et engrais suivront le mouvement. Les prix vont se stabiliser, en plafonnant peut-être ou même en chutant. Nous allons trouver le point d'équilibre de cette nouvelle dynamique. C'est un cycle. Les choses reviendront peut-être à ce qu'elles étaient. À un moment donné, nous allons peut-être parler de l'effondrement des prix des céréales et des engrais, peut-être la prochaine fois où je viendrai comparaître.
Le sénateur Peterson : Croyez-vous que, durant les années passées, le consommateur a peut-être payé un prix démesurément faible par rapport à ce qu'il aurait dû payer et que, maintenant, les producteurs ont l'occasion d'obtenir un juste prix en échange de leurs produits, avec le prix plus élevé qui est exigé dans les magasins, au profit de la ferme?
M. MacKay : Oui, je crois que les Canadiens réalisent maintenant que, parfois, ce qui se fait à leur détriment se fait au profit d'autres, et ils réalisent le lien étroit qui existe entre le prix au supermarché et les conditions du marché auxquelles font face les agriculteurs, les fabricants et les détaillants. Le consommateur canadien y trouve une sorte d'enseignement.
Cela ne fait aucun doute, les gens ont connu une assez bonne situation pendant plusieurs années. Je crois que nous avons au Canada le meilleur rapport dans le monde au chapitre des frais alimentaires pour le revenu du ménage. Nous sommes très chanceux au Canada, à mon avis. Je crois que, maintenant, les Canadiens réalisent qu'ils vont devoir assumer une partie du fardeau des coûts, mais il y a ceci de bon que le secteur agricole verra des rendements qu'il n'a jamais vus auparavant.
Ayant étudié le revenu agricole depuis des années, je suis sûr que vous avez constaté qu'il est déplorablement faible et que les subventions gouvernementales coûtent très cher aux contribuables. Le contribuable paie la note par l'entremise des subventions et peut-être l'argent peut-il aller directement à l'agriculteur maintenant, qui serait récompensé de son travail, alors nous pouvons réduire les subventions. C'est peut-être une façon d'atteindre le point d'équilibre.
Le vice-président : Si un pain coûte 1,50 $, quelle part obtient l'agriculteur pour le blé qu'il a cultivé?
M. MacKay : Encore une fois, ce n'est pas un domaine où je m'aventurerais forcément. Si je devais m'aventurer, quelle serait selon moi la part de l'agriculteur? Je ne crois pas être en mesure de vous le dire.
Le vice-président : Nous avons entendu dire que ça se situe entre 6 et 10 cents. Ce n'est pas grand-chose.
M. MacKay : Cela fait un bail qu'ils attendent, mais les agriculteurs vont toucher la récompense qu'ils devraient toucher maintenant.
Le sénateur Mercer : Je crois que M. MacKay a su bien stimuler le débat. Je suis désolé de ne pouvoir partager son optimisme quand il affirme que les Canadiens comprennent qu'ils s'en tirent bien à l'épicerie. Je ne crois pas que les Canadiens saisissent cela.
Cet automne, lorsque les prix vont augmenter, et ils vont augmenter, nous allons commencer à payer la note pour les produits canadiens par opposition aux produits importés comme c'est le cas en ce moment. Je ne partage pas cet optimisme. Nous allons avoir droit aux grands cris de la part des consommateurs à propos du prix des aliments. De même, je ne crois pas que l'argent va aller aux agriculteurs, comme nous disons ici que ça devrait être le cas depuis un bon moment.
Je crois quand même que nous devrions demander à nos recherchistes, monsieur le président, de jeter un coup d'œil aux sociétés cotées en bourse. Regardons la situation de certaines sociétés cotées en bourse au sein de l'industrie en question et analysons les marges bénéficiaires qu'elles affichent depuis plusieurs années, simplement pour voir si la théorie que nous avons entendue ce matin se confirme : que les profits sont à la hausse. Nous pourrions peut-être comparer leur situation avec celle d'entreprises semblables — avec nos principaux concurrents aux États-Unis — pour voir si nos marges bénéficiaires sont hors de proportion. Je ne suis pas contre l'idée des profits; je veux simplement m'assurer que les Canadiens ne se font pas escroquer parce qu'il y a quelqu'un qui voit là une occasion à saisir.
Le prix du pétrole ne va pas baisser, certainement pas dans un avenir proche. Selon certaines prédictions, il va augmenter. C'est un problème qui va durer pendant plusieurs années.
Le vice-président : Avez-vous des statistiques au sujet des transformateurs? Il me semble que les transformateurs font plus d'argent que quiconque dans l'industrie alimentaire.
M. MacKay : Non, je n'ai pas de statistiques à ce sujet, malheureusement. C'est une merveilleuse occasion pour le comité de procéder à une étude.
Le vice-président : Y a-t-il d'autres questions urgentes?
Le sénateur Mercer : Nous avons davantage soulevé des questions que trouvé des solutions, mais cela est bon.
M. MacKay : Cela veut dire que j'ai fait mon travail.
Le vice-président : Sur cela, je veux vous remercier, monsieur MacKay, de nous avoir donné un débat très intéressant ce matin. Merci, mesdames et messieurs les sénateurs.
La séance est levée.