RAPPORT DU COMITÉ |
Le mardi 11 juin 2008 |
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
a l'honneur de déposer son
NEUVIÈME RAPPORT
Votre Comité, autorisé par le Sénat le jeudi 15 novembre 2007 à étudier, afin d’en faire rapport, sur de nouvelles questions concernant son mandat, dépose maintenant un rapport intitulé « Le développement durable : bilan ».
Respectueusement soumis,
Le président,
TOMMY BANKS
Le développement durable : bilan
Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles
Juin 2008
Ce que nous avions constaté en 2005
Après avoir entendu les ministres principaux, la commissaire à l’environnement et au développement durable, le greffier du Conseil privé et un certain nombre d’autres experts, le Comité a publié en juin 2005 un rapport intitulé Développement durable : il est temps de joindre le geste à la parole.[1]
Dans ce rapport, le Comité affirmait qu’il était temps que le Canada s’achemine dans la voie du développement durable et que le gouvernement fédéral devait se faire le chef de file à cet égard.
Depuis le début des années 1990, les Canadiens entendent de grandes promesses au sujet du développement durable de la part des dirigeants des gouvernements de toutes les étiquettes. Malheureusement, votre Comité a constaté que les progrès dans ce sens ont été lents et les politiques, inégales. Les initiatives générales et les plans nobles visant le développement durable n’ont pas suscité de mesures concrètes et continues. Malgré la rhétorique, le développement durable a rarement été l’élément prioritaire du programme de quelque gouvernement que ce soit.
À notre époque de hausse des prix de l’énergie et des aliments et de changements climatiques mondiaux, il importe plus que jamais que le gouvernement fédéral assume un rôle de chef de file et fasse du développement durable un objectif prioritaire. Il est temps de « joindre le geste à la parole ».
Ce que le commissaire à l’environnement et au développement durable nous a dit
Depuis 1995, la loi oblige les ministères fédéraux à établir des stratégies de développement durable et à les mettre à jour au moins tous les trois ans. Le gouvernement fédéral a toujours eu pour politique d’énoncer ses buts et ses priorités de développement durable principalement par ces stratégies.
L’un après l’autre, les commissaires à l’environnement et au développement durable ont déclaré au Comité qu’il existait « très peu d’éléments de preuve indiquant que les stratégies ont incité les ministères à intégrer véritablement et de façon constructive la protection de l’environnement aux enjeux socioéconomiques.[2] »
Dans son rapport d’octobre 2007, le commissaire constate que le gouvernement fédéral réitère constamment depuis 1995 qu’il entend bien mettre en application la philosophie du développement durable dans tous les ministères. Néanmoins, après douze années et quatre ensembles de stratégies de développement durable, les moyens qu’il emploie pour passer de la parole au geste s’avèrent inefficaces. Le gouvernement n’a pas non plus élaboré de stratégie nationale globale de développement durable qui aiderait à clarifier ses priorités et fixerait aux ministères des attentes à combler et des buts à atteindre.
Le commissaire a en outre fait remarquer que « l’ambition et la vigueur qui ont marqué le début de l’initiative des stratégies de développement durable du gouvernement se sont estompées », et que l’élaboration des stratégies de développement durable des ministères n’est « plus qu’un simple exercice mécanique dont l’objectif est de remplir une obligation prévue par la loi.[3] »
Ces stratégies, a-t-il conclu, « se sont avérées très décevantes.[4] »
C’est plus que décevant, c’est troublant au plus haut point.
Le commissaire dans son rapport d’octobre 2007 et le Comité dans son rapport de juin 2005 exhortent le gouvernement fédéral à se doter d’une solide stratégie de développement durable. Ce serait un moyen pour lui de réaffirmer son engagement en faveur du développement durable, d’aider les ministères fédéraux à dresser leur propre stratégie de développement durable et, chose peut-être la plus importante, d’offrir une vision commune d’un avenir durable.
Votre Comité se fait dire depuis un certain temps qu’une telle stratégie est en cours d’élaboration et sera prête « l’an prochain ».
Ce devait être d’abord 2006. Nous sommes en 2008. Nous l’attendons toujours.
Ce qui nous inquiète, c’est que, en l’absence de cette stratégie et d’un engagement clair en faveur du développement durable de la part du Premier ministre, les principes du développement durable ne soient pas pleinement intégrés dans l’élaboration des politiques et la prise de décision. Cette lacune joue au détriment des Canadiens et de notre environnement.
C’est pourquoi nous avons également recommandé, en 2005, qu’un secrétariat du développement durable soit établi au Bureau du Conseil privé afin de veiller à ce que les propositions présentées au Cabinet soient compatibles avec les objectifs de développement durable du gouvernement.
Nous sommes d’avis que rien ne changera au gouvernement à moins qu’il n’y ait, au centre, un « goulet » permettant d’assurer l’examen sérieux de toutes les propositions sous l’angle du développement durable avant leur présentation au Cabinet.
Le maintien du statu quo ne mène nulle part.
Un examen est en cours
Suite à la recommandation faite par le commissaire au gouvernement de procéder à un examen de son approche actuelle de l’établissement et de l’utilisation des stratégies de développement durable, le gouvernement a accepté d’effectuer un examen « qui permettra de déterminer les moyens d'améliorer l'approche que le gouvernement entend adopter. » Environnement Canada dirige cet examen en collaboration avec d’autres ministères importants. On nous dit qu’il sera achevé d’ici octobre 2008.
Encore des paroles?
Votre Comité a hâte de prendre connaissance des résultats de l’examen de l’approche des stratégies de développement durable par le gouvernement. Une fois cet examen achevé, à l’automne, nous entendons inviter de nouveau des hauts fonctionnaires d’Environnement Canada, du Bureau du Conseil privé et d’autres ministères concernés pour discuter de ses résultats et apprendre comment l’approche du gouvernement a évolué.
Nous espérons que cet examen produira des résultats, mais nous craignons qu’il ne soit encore qu’un exercice bureaucratique. Le Comité continue de s’inquiéter de ce que le développement durable ne soit encore loin de devenir un principe enraciné et fondamental du gouvernement du Canada. À notre avis, seule une direction ferme de la part du Premier ministre permettra d’en arriver là.
Le Comité continuera de suivre ce dossier de près.
[1] En pratique, on peut concevoir le développement durable comme une façon d’aborder la planification et la prise de décision qui intègre les préoccupations sociales, économiques et environnementales. La Commission Brundtland le définit comme suit : « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. »
[2] Déclaration d’ouverture de Ronald C. Thompson, FCA, vérificateur général adjoint et ancien commissaire à l’environnement et au développement durable par intérim, au Comité sénatorial permanent de l’énergie, de l’environnement et des ressources naturelles, le 13 mai 2008.
[3] Bureau du vérificateur général
du Canada, Rapport du commissaire à l’environnement et au développement
durable, octobre 2007,
www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/aud_parl_cesd_2007_f_26831.html.
[4] Déclaration d’ouverture de Ronald C. Thompson, FCA, vérificateur général adjoint et commissaire à l’environnement et au développement durable par intérim, au Comité sénatorial permanent des finances nationales, le 27 novembre 2007.