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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 8 - Témoignages du 7 mai 2008


OTTAWA, le mercredi 7 mai 2008

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 7, pour étudier l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.

Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.

[Translation]

Le président : Honorables sénateurs, l'autre témoin a été retardé, semble-t-il. Cependant, nous allons commencer en espérant que l'autre témoin se joindra à nous, et nous l'inviterons alors à faire son exposé.

Entre-temps, nous allons poursuivre notre étude sur l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes. J'accueille aujourd'hui notre invité Jean- Michel Laurin, vice-président, politiques d'affaires mondiales.

Monsieur Laurin, vous pouvez parler en français ou en anglais. Je ne sais pas quelle langue vous préférez, mais vous pouvez utiliser l'une ou l'autre. Je comprends que vous voulez faire quelques observations, et ensuite nous vous poserons des questions difficiles et nous espérons obtenir des réponses faciles à comprendre. Donc, bienvenue au Sénat du Canada. Vous avez la parole.

[English]

Jean-Michel Laurin, vice-président, Politiques d'affaires mondiales, Manufacturiers et exportateurs du Canada : Monsieur le président, c'est avec plaisir que je suis ici aujourd'hui pour représenter Manufacturiers et exportateurs du Canada. Si j'ai bien compris, j'ai 10 ou 15 minutes pour m'exprimer. Je vais donc passer rapidement au travers de ma présentation, qui vous a d'ailleurs été remise. Dans le fond, j'aimerais passer plus de temps à dialoguer avec vous et à répondre à vos questions pour discuter de cet enjeu qui est très important depuis cinq ans.

Le dollar canadien et son appréciation rapide ainsi que l'émergence des nouvelles puissances industrielles comme la Chine, l'Inde et la Russie sont parmi les enjeux prioritaires sur lesquels se penche l'Association. Ce sujet préoccupe énormément l'industrie manufacturière au Canada et non seulement les préoccupe, mais également les intéresse parce qu'il y a des opportunités dont je pourrai vous parler.

Tout d'abord, je trouve que c'est un bon choix de sujet et c'est le moment propice pour étudier la question de votre côté.

J'aimerais dire quelques mots sur l'importance du secteur manufacturier au Canada qui demeure le plus important secteur d'affaires au Canada. Si vous regardez la composition de l'économie et que vous divisez le secteur des services en sous-secteurs, le secteur manufacturier demeure celui qui contribue le plus au produit national brut du pays. On parle de 16 p. 100, et si on inclut les exportations, le secteur des services qui exporte, on monte à 21 p. 100.

Le secteur industriel ou l'industrie manufacturière génère beaucoup d'effets multiplicateurs dans les différentes communautés. On évalue que chaque dollar d'activité économique dans le secteur manufacturier génère des retombées de 3,05 $ en activité économique totale, ce qui est le multiplicateur économique le plus fort de tous les secteurs. On le voit souvent dans les communautés monoindustrielles : lorsque l'usine ferme, souvent l'ensemble de l'activité économique de la région disparaît.

On parle d'un secteur qui réalise des ventes annuelles de 600 milliards de dollars au Canada; 460 milliards de ces ventes se font à l'étranger, la majorité de la production industrielle canadienne est exportée principalement aux États- Unis. Près de deux millions de Canadiens travaillent dans le secteur manufacturier aujourd'hui. Ils ont des salaires en général de 25 p. 100 plus élevés que la moyenne canadienne. La plupart des exportations canadiennes proviennent du secteur manufacturier. La majorité — les trois quarts — des activités de recherche et développement est privée, elles ne se font pas dans les universités, mais dans les entreprises manufacturières, on l'oublie souvent; on pense que les nouvelles entreprises, le secteur de l'avenir, le savoir, ce n'est pas connecté avec l'industrie dite traditionnelle, manufacturière, mais les données montrent qu'une grande partie des activités de recherche et développement et de l'innovation dans l'économie provient du secteur manufacturier.

Enfin, un fait que nous aimons toujours rappeler c'est que les manufacturiers canadiens ont réduit leurs émissions de gaz à effet de serre de 9 p. 100 depuis 1990. Nous avons donc, dans une certaine mesure, atteint nos objectifs de Kyoto.

[Translation]

Lorsqu'ils songent à l'émergence de la Chine et de l'Inde au Canada, les manufacturiers estiment se retrouver dans un contexte de tempête parfaite, je dirais, depuis cinq ans. Comme vous le savez, le dollar s'est apprécié d'environ 60 p. 100 depuis le début de 2002. Cette appréciation entraîne une réduction du prix des exportations et elle est en partie due à la Chine. De nouvelles économies émergent, telle que la Chine, l'Inde, la Russie et d'autres, et les clients s'attendent à une réduction des prix de la part de tout pays producteur de matières premières ou de biens pour lesquels il y a concurrence provenant de ces sources à faible coût. Les manufacturiers canadiens n'ont pas été en mesure de profiter de l'appréciation du dollar pour accroître leur prix de vente aux États-Unis.

Par exemple, s'ils vendaient un produit 100 $US il y a cinq ans, ils recevaient environ 160 $ de revenu. Maintenant, ils reçoivent environ 100 $. C'est comme s'il y avait eu une réduction de prix de 60 p. 100. Les entreprises ne peuvent augmenter leurs prix à cause de la concurrence des autres pays.

Un autre facteur ayant contribué à cette parfaite tempête est la hausse des prix de l'énergie et des matières premières. Encore une fois, la Chine est une des causes. Parce qu'il y a de gros investissements en infrastructure en Chine, il y a une forte demande de matières premières et des produits miniers canadiens, mais les manufacturiers ont dû faire face à une hausse des prix de l'énergie et des matières premières.

La concurrence internationale constitue un autre facteur. D'un côté, il y a une diminution des exportations, et de l'autre côté, les coûts augmentent, donc les marges bénéficiaires fondent. Voilà pourquoi les entreprises manufacturières canadiennes ont perdu autant d'emplois. À court terme, elles ont dû réduire leurs coûts, et la main-d'oeuvre est souvent l'un des coûts qui, malheureusement, peut être réduit rapidement. Pour cette même raison, nous avons vu de nombreuses fermetures d'usines, de fusions et de déménagements de chaînes de production.

Le ralentissement de l'économie américaine est une autre cause de la catastrophe à laquelle nous faisons face. On voit dans le marché une capacité de production excédentaire, ce qui explique les fusions et fermetures d'usines.

Les marchés des devises et du crédit font également face à des problèmes. Les conditions de crédit se resserrent en Amérique du Nord, et bien des gens s'attendent à ce que le dollar américain continue de se déprécier à cause des problèmes du marché du crédit. Nous disons à nos membres de se préparer à ce qu'il y ait la parité du dollar pour une longue période parce que la situation ne s'améliorera pas à court terme.

Je vous ai présenté une diapositive qui illustre la relation entre le dollar canadien et les emplois manufacturiers. Nous avons perdu environ 500 000 emplois manufacturiers au Canada depuis six ans. Ces pertes sont en grande partie dues à l'appréciation du dollar. De même, à cause de la concurrence internationale qui est forte, les entreprises doivent s'assurer d'être efficaces.

Bien que les expéditions manufacturières se soient accrues rapidement dans les années 1990, la croissance a depuis été beaucoup plus lente. Malgré tous ces défis dans le secteur manufacturier, si quelqu'un m'avait dit il y a cinq ou six ans que le dollar s'apprécierait de 60 p. 100, je me serais attendu à une situation pire quant aux emplois et expéditions manufacturières.

Les manufacturiers ont été résilients. Ils ont travaillé d'arrache-pied pour trouver des solutions, pour adapter leurs plans d'affaires afin de profiter des occasions internationales et pour s'adapter au nouvel environnement économique. Évidemment, il y a eu un coût et nous nous attendons à ce que ce coût persiste au cours de l'année qui vient, mais voilà la situation dans laquelle les manufacturiers se trouvent présentement.

[English]

Si on regarde la situation à l'échelle planétaire, en revanche, il y a eu une croissance économique assez forte depuis les dernières années. Je vous ai fourni un tableau qui montre que, depuis 1996, l'économie mondiale a quand même connu une croissance soutenue, particulièrement dans les dernières années. En revanche, on s'attend à un ralentissement au cours des prochaines années. Mais une des choses qui ont vraiment changé depuis les dernières années, c'est l'émergence de la Chine et de l'Inde et, dans une certaine mesure également de la Russie.

Les sources de croissance mondiales sont beaucoup plus diversifiées. On voit que les économies développées ont une croissance au cours des dernières années qui oscille en moyenne entre un et trois p. 100. En Europe, on a eu un peu plus de trois p. 100 ces dernières années, mais on parle d'une croissance somme toute assez modeste. Pour l'année prochaine, on parle d'une croissance en dessous d'un p. 100 aux États-Unis. C'est notre principal marché d'exportation donc il est certain que cela aura des répercussions sur notre économie, ici au Canada.

En revanche, si on regarde la croissance économique dans les économies émergentes, on parle de croissance en Chine aux alentours de 10 p. 100 par année. Quand on parle de l'Inde, on parle de 8 à 10 p. 100 par année et, pour certains autres pays émergents, on parle d'une croissance assez forte et soutenue dans plusieurs pays en même temps.

Au final, auparavant, les économies développées, les États-Unis, l'Europe, étaient responsables de la majeure partie de la croissance économique planétaire. Aujourd'hui, on le voit à la page 9, la part des États-Unis dans le PIB mondial diminue, celle de l'Union européenne aussi, mais celle de la Chine, de l'Inde et, dans une certaine mesure, de la Russie prennent plus de poids. On a des sources de croissances plus diversifiées, il faut aussi dire que nous avons une économie de plus en plus intégrée, interdépendante, et ce qui se passe dans un pays a des répercussions sur ce qui se passe dans une autre région du monde.

Globalement, dans le nouvel environnement d'affaires dans lequel nous nous trouvons, la croissance, qu'on le veuille ou non, n'est pas sur notre continent, du moins pas en Amérique du Nord; elle est plutôt outre-mer. En 2007, presque 60 p. 100 de la croissance économique mondiale est venue des pays dits émergents ou des économies en développement. On parle par exemple de la Chine qui était responsable de 19 p. 100 de la croissance économique mondiale. C'est plus que les États-Unis, avec 14 p. 100.

Lorsqu'on se demande où est la croissance du marché dans le monde, c'est vers les économies émergentes qu'il faut se tourner et c'est là qu'on pourrait s'attendre à ce que les entreprises iront développer des nouvelles parts de marchés, parce que ces marchés sont en très forte croissance. Compte tenu du poids qu'ont ces pays maintenant, il n'y a pas une entreprise qui peut ignorer la Chine et l'Inde dans sa stratégie d'affaires.

Au Canada, nous sommes encore très dépendants, au niveau manufacturier, des États-Unis pour nos exportations. Trois quarts de nos exportations vont encore vers les États-Unis, le quart vers le reste du monde. Il y a cinq ans, on avait un tableau différent; c'était 83 ou 84 p. 100 de nos exportations qui allaient aux États-Unis. La tendance est que nous diversifions davantage nos exportations, en partie parce que nous ne réussissons pas à accroître nos parts de marché aux États-Unis alors que, dans le reste du monde, comme il y a une croissance, on arrive à développer ces marchés.

Je vais prendre quelques minutes pour parler des principaux défis que les entreprises manufacturières canadiennes vivent à l'heure actuelle, surtout lorsqu'on considère l'émergence de la Chine et du Brésil. À court terme, la priorité des entreprises canadienne est de contenir les coûts. J'ai quelques diapositives dans la présentation qui montrent des pourcentages. Ce sont des données d'un sondage, une enquête réalisée annuellement auprès de l'ensemble des manufacturiers exportateurs membres de notre association à travers le pays. Je ne dirai pas que c'est un sondage scientifique, mais il nous donne un « bon son de cloche ». Dans le fond, maintenir les coûts, ramener la rentabilité à court terme, c'est vraiment la priorité des entreprises.

On se dit que si on veut rester en vie, à moyen ou à long terme, il faut passer à travers les défis à court terme qui sont de diminuer nos coûts et augmenter nos marges bénéficiaires. Et à moyen ou long terme, les principaux enjeux — et je suis certain que les autres intervenants qui sont venus témoigner vous en ont glissé un mot — sont d'avoir une main- d'œuvre qualifiée et flexible, qui a les compétences pour tirer profit des opportunités d'affaires que l'on retrouve dans les marchés émergents. C'est également une priorité pour les entreprises. L'innovation en est également une. Si vous fabriquiez et vendiez un produit, il y a cinq ou six ans, et que votre principal avantage concurrentiel était que votre produit était moins cher que celui des concurrents, ce qui était le cas de beaucoup d'entreprises canadiennes, vous avez aujourd'hui un problème, parce que si vous voulez avoir le produit le moins cher sur le marché, certaines entreprises ont des structures de coûts pas mal plus faibles que vous, que ce soit en Chine, en Inde ou ailleurs.

Par contre — et c'est ce que les industries tentent de faire —, même s'il est important de garder un prix compétitif, il faut réussir à se différencier en ayant un avantage concurrentiel qui n'est pas nécessairement basé sur le prix. Les entreprises qui offrent à leurs clients une solution unique ont un avenir beaucoup plus prometteur au Canada.

En conclusion, il faut se demander que doivent faire les entreprises canadiennes si elles veulent rester concurrentielles dans le nouveau monde économique actuel. Je pense qu'il faut se concentrer sur le succès de nos clients en leur livrant une solution plutôt qu'un produit.

On a souvent conçu le secteur manufacturier comme de la fabrication, c'est-à-dire qu'on livrait un produit que l'on fabriquait aux clients, alors qu'aujourd'hui, on essaie de concevoir le secteur manufacturier comme la livraison d'une solution à un client qui implique un produit. On veut régler le problème du client. Cela implique un produit, mais également le design, l'ingénierie, dans une certaine mesure, le service à la clientèle, le marketing, le service après-vente et même le financement. C'est cet ensemble qu'on veut offrir aux clients, qui est la source du succès des entreprises, plutôt que le produit lui-même.

Un autre phénomène que les entreprises doivent maîtriser, c'est le phénomène des chaînes d'approvisionnement mondiales, dont vous avez sûrement entendu parler. Il faut savoir tirer profit des opportunités qu'il y a à l'étranger d'installer une usine là-bas, d'établir un partenariat pour s'approvisionner en pièces. Avoir des fournisseurs aux quatre coins du monde, trouver le meilleur fournisseur possible et avoir une stratégie intégrée du fournisseur jusqu'au client final, sont des sources de succès identifiées par les entreprises; la spécialisation des produits et services, tirer profit de notre savoir-faire, la gestion de la connaissance des employés et réussir à traduire cela en innovation dans le produit livré aux clients, toute la question de l'innovation autant au niveau des systèmes et de la machinerie en usine qu'au niveau des processus d'affaires et des nouvelles opportunités d'affaires.

Il faut également être agile. Je pense que c'est quelque chose qui revient souvent lorsque vous parlez aux entreprises manufacturières : que faites-vous pour concurrencer la Chine? On ne veut pas concurrencer la Chine, on veut sortir du paradigme. C'est souvent en étant agile, en étant capable de fabriquer des produits sur mesure, mais dans un volume assez important pour maintenir son chiffre d'affaires; c'est une des sources de succès.

On a vu beaucoup d'entreprises dans le secteur du meuble prendre cette stratégie et bien s'en sortir, malgré le fait que tout le monde dit que l'industrie du meuble est un secteur qui n'a pas d'avenir au Canada, que la Chine a fait très mal au secteur du meuble canadien. Mais il y a certains producteurs qui tirent bien leur épingle du jeu au Canada en fabriquant des produits sur mesure, et qui peuvent livrer la marchandise aux clients beaucoup plus rapidement que si vous alliez vous approvisionner en Chine.

La rapidité est un autre avantage. On est près du marché américain; on n'est pas obligé d'envoyer nos produits par conteneurs, donc cela ne prend pas six mois pour qu'ils se rendent. C'est un avantage pour nous également. S'assurer d'être efficaces au niveau de ses coûts à l'interne pour avoir des prix compétitifs à l'échelle mondiale.

[Translation]

Pour conclure, je veux parler des facteurs de réussite pour le Canada; qu'est-ce que le gouvernement pourrait et devrait faire pour aider les entreprises à prospérer dans ce nouvel environnement économique?

Nous devons premièrement parler de leadership. Nous avons besoin d'une stratégie claire et cohérente concernant l'adaptation de notre pays à ce nouvel environnement économique. La Chine et l'Inde ont une stratégie claire. Ces pays arrivent à rassembler tout le monde pour atteindre leur objectif national. Je ne dis pas que nous devrions avoir une économie planifiée mais, parfois il est nécessaire d'avoir une stratégie nationale cohérente qui permet à tous d'avancer dans la même direction, comme c'est le cas pour la logistique.

Je pense qu'il est important d'avoir un environnement d'affaires concurrentiel pour que nos entreprises manufacturières puissent faire face à la concurrence des autres pays. Évidemment, nous recommandons un environnement fiscal concurrentiel, surtout en ce qui concerne l'investissement. Il est également important de s'assurer que nos politiques environnementales ne nuisent pas à la position concurrentielle de nos manufacturiers sur l'échiquier international. Un cadre réglementaire concurrentiel est également essentiel pour qu'il ne devienne pas un fardeau pour le producteur canadien à cause de règlements plus coûteux.

Ensuite, nous devons nous assurer que nos entreprises ont accès à un approvisionnement énergétique fiable à des prix concurrentiels. De nombreux manufacturiers sont installés au Canada parce qu'ils ont accès à de l'électricité ou d'autres sources d'énergie à des taux concurrentiels. Nous devons nous assurer de conserver cet avantage concurrentiel.

Un autre pilier fondamental de la réussite dont on parle beaucoup, ce sont les compétences de la main-d'œuvre; le rôle du secteur de l'éducation et des compétences en général. Je pense que nous devons faire mieux afin d'attirer et de conserver les travailleurs compétents. Bien des entreprises au Canada à l'heure actuelle se développeraient plus rapidement si elles pouvaient attirer la main-d'œuvre nécessaire pour satisfaire leurs clients. Certains de nos membres veulent accroître leur capacité de production mais doivent le faire à l'étranger où la main-d'œuvre est disponible. Bien que nous ayons de hauts taux de décrochage au Canada, nous n'avons toujours pas suffisamment de gens qui s'intéressent aux métiers et aux programmes professionnels pour doter nos entreprises.

Nous devons également former les travailleurs actuels pour que leurs compétences demeurent à jour puisque la technologie évolue rapidement.

Je veux mentionner un autre élément, le rôle de l'innovation pour permettre à nos entreprises d'améliorer leur efficacité. Le gouvernement a un rôle à jouer dans l'amélioration de l'environnement fiscal pour faciliter l'investissement commercial.

Nous recommandons au gouvernement depuis quelques années de mettre en place un taux d'amortissement de leurs investissements en usines et équipement pour une durée de deux ans. Le gouvernement avait inclus cette mesure dans l'avant-dernier budget. Cependant, elle n'a été disponible que pour une courte période. La plupart des entreprises n'ont pas pu en profiter. Voilà pourquoi nous avons demandé une prolongation de cette mesure pour que les entreprises puissent amortir leur équipement beaucoup plus rapidement lorsqu'elles investissent dans du nouveau matériel. Cet amortissement rend ces investissements beaucoup plus intéressants du point de vue commercial.

De plus, nous devons encourager l'investissement dans les nouvelles technologies pour solidifier l'innovation industrielle. Nous devons aider nos entreprises. Le gouvernement a un rôle important à jouer pour élargir les marchés internationaux; nous devons créer des débouchés et mettre en place une politique commerciale qui crée de nouveaux débouchés pour les exportateurs canadiens. Par ailleurs, nous devons nous assurer qu'une fois en place, ces règles soient appliquées de façon équitable et cohérente à tous les secteurs industriels.

Le gouvernement doit également mieux appuyer les entreprises canadiennes qui s'installent à l'étranger. Le service des délégués commerciaux et le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international jouent un rôle significatif à cet égard. De plus, nous devons aider nos entreprises à profiter des occasions d'affaires internationales, qu'il s'agisse d'institutions financières internationales ou des marchés publics d'autres pays.

Les entreprises ont aussi besoin d'un accès à un financement concurrentiel. Développement économique Canada joue un rôle utile à ce niveau. On examine sa loi habilitante actuellement, et nous y participons. Nous y contribuons parce que cette organisation joue un rôle clé pour aider les entreprises à pénétrer de nouveaux marchés, surtout lorsque le risque est plus élevé.

S'assurer de profiter de toutes les occasions d'un point de vue logistique constitue un autre élément fondamental de réussite pour les entreprises canadiennes dans le contexte actuel. La frontière Canada-États-Unis est l'un des grands problèmes auxquels nous faisons face présentement. Nous devons traverser la frontière pour livrer nos produits à nos clients mais la frontière s'épaissit. Il n'y a pas que l'infrastructure physique qui cause un problème, mais également l'ajout de nouveaux programmes et de nouvelles exigences en matière de conformité pour les entreprises qui font affaire aux États-Unis.

Des compagnies ont investi massivement pour faire en sorte que leurs usines et leurs activités soient sécuritaires. Cependant, de plus en plus de leurs camions doivent subir une inspection secondaire. Entre-temps, des navires remplis de conteneurs arrivent aux ports canadiens ou américains ou ne passent qu'une seule inspection. Le même volume de biens qui traverse la frontière canado-américaine est inspecté des centaines, voire des milliers, de fois.

Enfin, nous avons besoin d'une stratégie nationale en matière de logistique. Je sais que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications effectue un travail intéressant à ce sujet. Là encore, le gouvernement peut jouer un rôle utile pour aider nos entreprises. Je m'arrêterai ici et je serai ravi de répondre à vos questions pour poursuivre la discussion.

Le président : Vous avez bien présenté la position des manufacturiers et exportateurs du Canada. Nous vous en remercions.

[English]

Le sénateur Dawson : Je siège au comité des transports où nous étudions présentement le fret conteneurisé et une partie de notre mandat c'est la sensibilisation. Il s'agit de faire comprendre aux gens qu'il y a des occasions. Nos séances sont télédiffusées pour dire aux gens qu'il y a des occasions économiques qui existent dans le monde. En particulier, nous étudions la Russie, l'Inde et la Chine.

Au bas du tableau, concernant les défis les plus urgents pour vos membres, vous dites : « préserver la part de marché dans les autres pays », c'est inférieur à 7 p. 100. Suite à la décroissance de l'exportation vers les États-Unis, j'espère qu'on va être capable de vous aider à les convaincre qu'il s'agit d'une occasion, car ce n'est pas juste un défi important. Je regardais votre liste de membres et je constate que plusieurs de ces gens pourraient profiter des occasions d'exportation dans les trois pays qu'on étudie, mais aussi être des partenaires de ces trois pays dans le cadre d'une autre occasion, on mentionne « les chaînes complexes de valeur mondiale ».

De plus en plus, on voit en Chine, en particulier, qu'il y a une séquence de manufactures, et que celle-ci ne se fait pas dans le même pays. J'aimerais l'expliquer à vos membres, car en cours de route on aura à faire des recommandations au gouvernement. Comment pourrions-nous vous aider à ce que vous deveniez une partie de cette séquence.

Je suis d'accord avec vous, les contraintes de commercialisation avec les États-Unis rendent la traversée difficile. Auparavant, on commençait une automobile aux États-Unis et on la terminait au Canada et on la retournait aux États-Unis. Cela se faisait de façon simple. Aujourd'hui, c'est plus complexe et on ne traverse pas à Détroit aussi facilement.

Je vois que vous suivez le comité des transports et celui des affaires étrangères. Si vous avez des recommandations à nous faire, quand vous allez voir vers quoi on évolue dans la préparation du rapport, on est là pour vous aider et les remarques que vous avez faites concernant de la frontière avec les États-Unis, c'est triste, vous n'êtes pas le premier à nous le dire, mais il faut s'assurer que dans la mesure du possible, qu'on ne se donne pas des frontières aussi épaisses avec les marchés émergents et on oublie souvent le Brésil. Vos membres sont les gens qui peuvent expliquer ce qu'on ne devrait pas faire pour que ces frontières ne deviennent trop épaisses.

L'une des façons, c'est d'encourager vos membres à prioriser des partenariats avec ces trois pays émergents et que vous ayez une présence dans ces trois pays pour profiter des occasions d'affaires.

M. Laurin : Sur la question de la frontière, la solution à long terme est vraiment d'avoir une approche de périmètre. Cela ne fait pas de sens que notre frontière sépare deux pays amis qui n'ont jamais été en guerre et qui échangent des milliards de biens chaque jour. Ce serait plus sensé de mettre des ressources dans nos ports pour recevoir ce qui arrive des autres continents. Des cas ont été médiatisés dans les derniers mois sur des jouets importés, par exemple, sur l'enjeu de la sécurité des produits pour les consommateurs. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas avoir des processus de sécurité en Amérique du Nord.

Mais il faudrait faire mieux pour engager ou impliquer nos partenaires américains et les sensibiliser à cette situation. Les Américains considèrent encore souvent le Canada comme un autre pays étranger, et on parle de frontière dans le contexte seulement du Mexique.

Au Canada et aux États-Unis, ce sont les mêmes entreprises dans l'industrie automobile, par exemple, qui exportent des produits dans un processus continu de fabrication. C'est important de sensibiliser les gens des États-Unis. Il y a un comité interparlementaire Canada - États-Unis. Certains de vos collègues siègent sur ce comité. Ils font un travail très important. Ils rencontrent régulièrement les dirigeants du Congrès aux États-Unis. C'est le genre de travail qu'il faut accentuer pour régler la situation de la frontière. Au Canada, en général, les fonctionnaires comprennent bien l'importance de la frontière. Il faut trouver une façon de s'assurer de bien répondre aux enjeux, sauf que du côté américain il n'y a pas le même niveau de critiques.

Qu'est-ce qu'on peut faire pour aider les entreprises canadiennes à tirer profit de ces chaînes d'approvisionnement ou d'avoir des partenariats, avec la Chine ou l'Inde? Il y a quelques années, il y avait une grande crainte. On ne voyait pas beaucoup d'entreprises intéressées à cela. On a fait des réunions dans certaines régions au Canada. On invitait les membres à venir parler de cette question. J'ai même vu des sociétés de développement économique ou des chambres de commerce régionales organiser des missions en Chine ou en Inde et se faire critiquer parce qu'on disait qu'ils voulaient exporter des emplois et aider la concurrence. Aujourd'hui, un virage a été fait. Les entreprises veulent aller voir ce qui se passe là-bas. La majorité, un grand nombre d'entre eux, est déjà allée établir des partenariats quand c'est pertinent pour leur secteur ou leur industrie.

Ce qui a bloqué beaucoup d'entreprises et ce qui en bloque beaucoup encore, c'est qu'elles sont aux prises avec des problèmes financiers, à court terme et on veut passer à travers la crise manufacturière actuelle. On n'est pas en mode développement de nouveaux marchés et d'établir de nouveaux partenariats.

On peut s'intéresser à la Chine qui est, par exemple, de diminuer les coûts de production pour dire que tel composant, on le fabrique, cela coûte un prix X et si on s'approvisionne en Chine, cela va coûter moins cher, donc on va pouvoir traduire cette économie en prix plus faible pour les clients ou en marge plus élevée pour notre entreprise. Il y en a beaucoup qui y pense.

Mais quand vous parlez des petites et moyennes entreprises, elles n'ont pas toujours les ressources. À court terme, on doit prioriser et améliorer l'efficacité des opérations au Canada et s'assurer de maintenir notre clientèle. On va travailler à développer cela à moyen terme. Il y a un appétit du côté des entreprises et leur donner un coup de pouce à court terme pour passer à travers la crise leur permettra de s'établir dans ces pays.

On a fait un sondage l'an passé —, je n'ai pas donné les résultats et je pourrais vous les envoyer. On a demandé aux entreprises qui vont en Chine d'ouvrir une usine avec un partenaire ou on a demandé aux entreprises qui vont s'approvisionner là-bas pourquoi elles le font. Pourquoi sont-elles intéressées par cette aventure? De façon surprenante, la diminution des coûts est l'un des objectifs, mais aussi ce qui ressortait aussi fort, c'est d'avoir un pied-à- terre.

Il faut développer des partenariats en Chine pour être un joueur dans notre industrie et vendre là-bas, et y développer des partenariats. L'entreprise va ouvrir une usine en Chine et son objectif à court terme sera de s'approvisionner pour réduire les coûts, mais à moyen et à long terme, si on veut vendre nos produits en Chine, il faut avoir un partenaire dans ce pays et y avoir un pied-à-terre. C'est un élément crucial et on voit beaucoup d'entreprises prendre ce virage.

Le sénateur Dawson : Est-ce que vous avez chez vos membres qui ont fait cette tentative, des exemples sur la réussite ou l'échec et le taux de satisfaction de ces gestes?

M. Laurin : J'ai des données que je n'ai pas partagées avec vous. Je pourrai vous les envoyer. On travaille sur une enquête avec certaines associations qui sont axées sur la Chine pour avoir plus d'informations à ce sujet et enquêter auprès d'entreprises qui sont déjà en Chine. On est en train de faire une tournée partout au Canada sur ce sujet notamment, sur les changements dont j'ai parlé tantôt pour avoir le son de cloche de nos membres et d'en savoir un peu plus sur leurs attentes. Nous voulons savoir quelle est leur stratégie d'affaire dans le contexte actuel. On veut approfondir un peu notre réflexion pour savoir quels ont été les défis et les opportunités de ceux qui sont allés là-bas.

Ce qui ressort, c'est qu'il y en a beaucoup qui ont eu une mauvaise expérience en Chine. Le facteur de succès numéro un de tous les gens qu'on a consultés, c'est de trouver le bon partenaire, que ce soit en Chine ou en Inde. Ceux qui ont trouvé un bon partenaire ont une relation d'affaires formidable. Ils s'investissent beaucoup là-dedans.

La clé du succès, quand on se dirige vers de tels pays, c'est vraiment de trouver le bon partenaire d'affaires. Lorsqu'on parle d'un pays comme la Chine, c'est beaucoup plus difficile que dans un pays comme l'Inde pour une raison aussi simple que la langue.

On organise des missions en partenariat avec la Confédération de l'industrie indienne. Je dirais qu'en général, c'est un peu plus simple de faire des affaires avec l'Inde. En Chine par ailleurs, on remarque que le marché est plus difficile à apprivoiser, qu'il faut davantage de temps pour connaître nos partenaires et pour développer une relation de confiance qui sera profitable pour les deux parties.

[Translation]

Le président : Monsieur Laurin, si vous avez des données à partager avec nous, nous en serions reconnaissants. Envoyez-les au greffier du comité, qui les distribuera ensuite à tous les membres du comité.

[English]

Le sénateur Massicotte : Votre présence, monsieur Laurin, est très appréciée aujourd'hui parce qu'on a toujours besoin de mieux comprendre ce qui se passe dans l'économie, et surtout votre secteur qui a une grande importance pour notre compétitivité et notre croissance économique.

Depuis maintenant des années, les études du gouvernement du Canada démontrent qu'on ne dépense pas beaucoup d'argent du point de vue des nouveaux investissements. Notre productivité est faible comparativement à celle des Américains. Depuis plusieurs années, ils atteignent une efficacité que nous n'atteignons pas au Canada. Nous allons éventuellement en souffrir comme pays et c'est peut-être déjà le cas.

Les économistes recommandent d'investir plus du côté manufacturier et dans le domaine de la construction. Ils recommandent aussi d'investir dans de la machinerie efficace, car c'est fondamental pour notre avenir. Vous parlez du dollar canadien qui est très élevé et que cela vous désavantage. Vous savez toutefois que lorsque cela désavantage les exportations, cela avantage les importations. Est-ce que vous voyez une augmentation d'importation de nouvelles machineries, de nouveaux équipements, de logiciels, qui sont souvent des produits américains? Ce serait vraiment le temps d'acheter ce type de produits et d'investir dans notre futur. Est-ce que cela se produit présentement?

M. Laurin : Dans une certaine mesure, je dirais que les entreprises investissent dans la machinerie et l'équipement. Les données sur les importations démontrent qu'il y a une augmentation, mais pas aussi forte que ce à quoi l'on aurait pu s'attendre dans le contexte actuel.

Souvent, nos membres nous disent que l'impact du dollar n'est pas nécessairement pertinent parce qu'on importe beaucoup de machinerie du Japon, de l'Italie et de l'Allemagne. La dernière fois que j'ai vérifié les chiffres, c'était environ 55 p. 100 des importations de machinerie/équipements qui proviennent des États-Unis. Cela a un impact, mais il n'est pas aussi fort qu'on pourrait le croire.

Aussi, quand l'entreprise choisit d'investir dans de l'équipement, le coût ne représente qu'une variable. C'est un peu comme si on achetait une voiture. Ce n'est pas parce que le prix des voitures est en solde chez le concessionnaire du coin qu'on va se précipiter pour en acheter une. Plusieurs autres facteurs entrent en ligne de compte.

La confiance est un facteur. Il faut savoir si on aura le même niveau de vie et le même salaire. Il faut se demander si on a vraiment besoin d'une nouvelle voiture. Tout cela fait en sorte que l'investissement en machinerie/équipements n'a peut-être pas été aussi fort que ce que les économistes prévoyaient.

Souvent, les entreprises nous disent qu'à court terme, quand les prix à l'exportation sont réduits de 60 p. 100, ils n'ont pas l'argent liquide nécessaire pour faire ces investissements. Par contre, les entreprises réalisent que c'est quelque chose d'important s'ils veulent rester en affaires et demeurer compétitifs.

Il y a des entreprises qui n'investissent pas nécessairement au Canada. L'équipement, ils peuvent le boulonner ailleurs et c'est là que les mesures fiscales d'aide à l'investissement deviennent très importantes. Aux États-Unis, ils ont introduit des mesures d'amortissement accéléré sur l'achat de nouveaux équipements.

C'est une des principales raisons pour laquelle on militait pour que le gouvernement adopte des mesures d'amortissement accéléré. Aux États-Unis, les entreprises bénéficient de cette mesure et nos membres nous disent que leurs concurrents américains ont plus de facilité à investir parce que le rendement sur leur investissement est beaucoup plus élevé.

Le sénateur Massicotte : Ce n'est pas alarmant parce que je regarde le sondage de vos membres. Ils disent que le contrôle et le coût sont la priorité numéro un. Lorsqu'on regarde les études, c'est certain que du côté manufacturier au Canada, on devient beaucoup moins productifs que les Américains. On est loin en arrière.

Vous dites qu'il faut importer des produits américains comme les logiciels très sophistiqués et vous dites que les entreprises ne le font pas. Est-ce que c'est possible que les manufacturiers aient perdu confiance? Malgré le fait qu'il faut être plus compétitifs, qu'il faut investir, on dirait que c'est une orientation plus à court terme et non pas à long terme dans notre pays.

M. Laurin : En général, les entreprises basées au Canada ont un préjugé favorable. Je vois que les gens veulent trouver des raisons d'investir ici. Quelque part, ils ont le sens du patriotisme. Souvent on parle de la Chine et de l'Inde, mais certains de nos membres ont décidé d'investir aux États-Unis parce que leurs clients sont là-bas. Leurs clients leur demandent pourquoi ils fabriquent au Canada s'ils vendent leurs produits aux États-Unis. Auparavant, c'était moins dispendieux de fabriquer au Canada, mais ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il faut trouver d'autres raisons pour pouvoir investir au Canada.

Malheureusement pour nous, plusieurs entreprises décident de créer des emplois et d'investir du côté américain. Je pense que la fiscalité est un élément facilitateur, mais ce n'est pas le seul. Pendant plusieurs années, c'était beaucoup plus facile d'attirer des investissements au Canada. Mais si vous parlez à des dirigeants canadiens de filiales d'entreprises américaines ou européennes, ces gens vivent de la pression parce qu'à la fin de chaque trimestre, ils font l'objet d'une vérification.

C'est beaucoup plus difficile pour eux d'attirer des investissements et peut-être même de seulement conserver ce qu'ils ont, ici au Canada, dans le contexte actuel.

Le sénateur Massicotte : Vous savez qu'une économie qui s'enrichit comme celle du Canada ou de l'Autriche, son pourcentage de l'économie diminue continuellement. Dans votre réponse, vous mentionnez le fait que les compagnies ont le choix d'investir et que les coûts sont moins élevés ailleurs. L'investissement dans le secteur manufacturier sera éventuellement le moins coûteux et qu'il continuera à diminuer au Canada. S'il est à 22 p. 100 aujourd'hui, il peut continuer à diminuer jusqu'à 16 p. 100. Il y a même des pays très riches qui ont 2 p. 100 ou 3 p. 100.

M. Laurin : Depuis les années 1950, l'apport du secteur manufacturier dans les économies des pays industrialisés diminue d'année en année pour une raison principale, l'amélioration de la productivité. Il faut moins de gens pour produire la même quantité de marchandises. Sur le plan des expéditions manufacturières, vous voyez qu'il y a une croissance et j'aurais pu reculer jusqu'en 1950.

La production industrielle continue d'augmenter d'année en année même si le nombre d'employés diminue. La part du PIB diminue également. Donc, le reste de l'économie croît plus rapidement que le secteur manufacturier, sauf que cela demeure quand même la base sur laquelle on appuie une économie industrialisée. Je pense à des pays comme la Suisse ou Singapour qui n'ont pas une grosse industrie manufacturière. C'est assez particulier. Si vous regardez la France, l'Allemagne ou le Japon, ils ont une industrie manufacturière très forte. Par contre, ils ne produisent pas aujourd'hui le même produit qu'il y a 30 ou 40 ans.

On le voit parmi nos membres. De plus en plus, la partie fabrication est moins importante et la partie recherche et développement prend beaucoup d'importance. Dans l'industrie pharmaceutique, par exemple, la valeur est dans la recherche et le développement du marketing. Une fois qu'on a trouvé la formule pour produire le médicament, ce n'est pas vraiment là que la complexité se trouve. Cela reste de la fabrication. L''objectif ultime est de produire un produit et de le vendre.

La conception de la fabrication est en train de changer. Le meilleur exemple est le BlackBerry au Canada. Il est fabriqué à Kitchener et on importe les pièces, mais le savoir-faire et la conception, ce sont eux qui le font. La gestion de l'organisation est faite à partir du Canada, cela implique un produit, mais c'est beaucoup plus gros que la simple fabrication d'un produit.

Je pense qu'on doit avoir ce changement de compréhension par rapport au secteur manufacturier. Ce n'est pas qu'une question de fabrication, la valeur se trouve dans tout ce qu'il y a autour, autant dans les services directement liés à l'entreprise que dans les services comme les services de paie. Auparavant les entreprises faisaient leur propre paie, elles avaient leur propre service de maintenance industrielle, aujourd'hui on donne beaucoup cela en impartition. Aujourd'hui, il y a des firmes spécialisées qui s'en occupent. C'est comptabilisé comme des emplois ou des activités dans les services, sauf que si l'entreprise manufacturière n'est pas là, le service disparaît aussi.

[Translation]

Le président : Avant de donner la parole au sénateur Mahovlich, je veux poser une question. Sinon, je n'en aurai peut-être pas l'occasion.

Monsieur Laurin, certains ont dit qu'il y avait eu une inégalité des conditions face à ces nouvelles économies émergentes, surtout dans le domaine des régimes réglementaires, dont la primauté du droit, le droit du travail, le droit environnemental, et cetera.

Est-ce que votre association traite de ce sujet ou s'en préoccupe?

M. Laurin : Certains de nos membres s'en inquiètent certainement. Ils se sentent en mesure de concurrencer tout adversaire pourvu que tout le monde soit sur un pied d'égalité et que les règles du jeu sont appliquées de façon équitable.

Vous mentionnez les normes du travail et les normes environnementales, et à ce chapitre chaque pays est souverain et possède son propre cadre réglementaire. Il est difficile de réglementer le commerce dans ce secteur. Il y a le principe, et il y a la réalité. Comment pouvons-nous faire affaire sur un pied d'égalité avec les États-Unis? On pense peut-être, aux États-Unis, à rouvrir l'ALENA à cause de ces éléments. Comment tenir compte de ces éléments dans un accord?

Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de s'occuper du commerce. Vous parlez de la Chine, de l'Inde et de la Russie. Ce sont des pays en développement; dans une certaine mesure, il faut les comparer à d'autres pays en développement. Le Canada lui-même a déjà été un pays en croissance rapide. Je pense que ces autres pays sont sur la même voie.

Lorsque l'on parle aux gens d'affaires ou aux politiciens de ces pays, ils nous disent qu'entre autres la situation sur le plan des salaires et des normes évolue rapidement. Ces pays se développent et il faut en tenir compte.

Lorsque l'on parle de régime commercial mondial et d'égalité des conditions, ce sont les règles qui nous intéressent le plus. Bien des gens au Canada et ailleurs dans le monde négocient des accords commerciaux au niveau de l'organisation mondiale du commerce, l'OMC. Nous luttons énergiquement pour obtenir ces règles et pour nous assurer qu'elles soient autant que possible avantageuses pour le Canada. Cependant, c'est l'application de ces règles qui pose problème.

Certains de nos membres ont utilisé la procédure des recours commerciaux qui existe. Cependant, bien des compagnies disent maintenant que les règles du jeu sont inégales et qu'elles sont victimes de dumping ou de contrefaçon. Mais le fardeau de la preuve incombe toujours au producteur canadien. La procédure est compliquée; les recours commerciaux sont complexes. S'ils sont en affaire et produisent un bien, il est difficile pour eux de connaître cette procédure. Ils doivent embaucher des experts de l'extérieur, par exemple des avocats. Cette expertise peut rapidement coûter très cher. Ils doivent s'organiser à l'intérieur de leur secteur industriel. Ces exigences causent des retards. Une fois que l'Agence canadienne des services frontaliers détermine que les arguments sont valides, et qu'elle s'adresse au Tribunal canadien du commerce extérieur, et même si le jugement est en leur faveur, le gouvernement n'a absolument pas tenu compte de deux jugements celui sur les bicyclettes et celui sur les barbecues.

Je ne sais pas si on vous a parlé de ces deux dossiers, mais ils constituent un précédent dangereux. Pourquoi les entreprises suivraient-elles tout ce processus et obtiendraient un jugement favorable si le gouvernement ensuite n'en tient pas compte?

C'est ce qu'on nous dit à propos de ce processus. Il importe de veiller à ce que les règles soient respectées. Bien des gens négocient les règles, mais il est toujours compliqué de les faire respecter.

Vous parlez de l'émergence de la Chine. Ce pays croît rapidement. Des choses se passent là-bas qui ne pourraient pas se passer au Canada. Comment faire face à cette situation? Nous avons des règles. Il faut pouvoir utiliser ces règles sans que les entreprises soient obligées de passer par un processus long ou coûteux.

Le sénateur Mahovlich : Est-il plus facile de traiter avec la Russie maintenant qu'en 1972? Est-ce qu'il est plus facile pour une société d'aller en Russie pour traiter avec les Russes? Il y a quelques années, les Russes ont pris possession d'un hôtel canadien.

Le sénateur Stollery : Je connais ce cas. Il y a une attrape. Ils l'ont tout simplement piqué.

Le président : Indépendamment de cette histoire, peut-être que M. Laurin peut commenter.

M. Laurin : Du point de vue commercial, il y a beaucoup plus de liens maintenant entre le Canada et la Russie. J'espère que vous inviterez l'Association d'affaires Canada Russie Eurasie parce qu'ils s'occupent de ce sujet. Peut-être les avez-vous déjà invités? Il y a beaucoup d'échanges entre le secteur minier canadien et russe. La Russie investit fortement dans son infrastructure ferroviaire et les producteurs canadiens ont de nombreuses solutions à offrir. Récemment, Bombardier s'est engagé dans un partenariat avec un fournisseur ferroviaire en Russie parce que le marché explose dans ce secteur.

Dans certains secteurs, il y a eu une croissance marquée du commerce entre les deux pays. Cependant, je dirais que la Russie n'apparaît pas sur le radar du manufacturier moyen. La majorité de la croissance en Russie est fondée sur le secteur des ressources.

Si une entreprise est dans le secteur des ressources, ou est un fournisseur de ce secteur, elle essaiera de trouver des partenaires là-bas pour augmenter ses échanges. Cependant, on conseille toujours aux entreprises d'être prudentes en ce qui concerne ce marché. Les affaires là-bas peuvent être instables.

Toutefois, un certain nombre de nos membres font affaire en Russie et sont fous de ce marché.

Le sénateur Mahovlich : On nous a dit l'autre jour qu'un navire est arrivé à Churchill par la baie d'Hudson et y a chargé des marchandises. Ce fut facile et pratique pour eux. Est-ce que ces livraisons continueront? En avez-vous entendu parler?

M. Laurin : Je n'avais pas entendu parler de cette expédition. Cependant, d'un point de vue logistique, l'utilisation du passage du Nord-Ouest offre d'immenses occasions d'affaires. Cela nous rapproche de la Russie.

Le sénateur Mahovlich : C'est la distance qui constitue le problème. La distance à parcourir pour se rendre en Chine, en Inde ou en Russie représente un obstacle. Toutefois, lorsque nous faisons affaire avec les États-Unis et si nous pouvons garder notre frontière commune ouverte, ce commerce est beaucoup plus pratique pour nous.

M. Laurin : La proximité du marché américain représente un grand avantage concurrentiel pour les entreprises canadiennes. Si un client a besoin d'un produit immédiatement, nous sommes tout près. La plupart des Canadiens habitent près de la frontière Canada-États-Unis.

Toutefois, je pense que vous dites que la logistique compte. Le monde se rétrécit. J'étais avec un de nos membres de la Nouvelle-Écosse il n'y a pas si longtemps. Il lui coûte moins cher d'expédier sa marchandise en Chine qu'en Europe en passant par l'Atlantique parce que nous envoyons des conteneurs vides en Chine. Si nous remplissons ces conteneurs, cela ne coûtera pas cher puisqu'ils doivent quand même les retourner en Chine.

D'une certaine façon, le monde se rétrécit. Cependant, il nous faut une stratégie en logistique pour veiller à ne pas perdre notre avantage commercial — la proximité — avec les États-Unis à cause des exigences en matière de sécurité. Évidemment, nous devons démontrer que nos cargaisons sont sécuritaires mais il est possible de le faire tout en maintenant la fluidité des transports transfrontaliers.

D'un côté, ces pays sont loin; d'un autre côté, ils se rapprochent. Nous devons nous assurer que les marchandises qui entrent en Amérique du Nord ou en sortent passent par le Canada parce que cela représente une grande partie de nos affaires.

Le sénateur Mahovlich : La qualité s'améliore-t-elle? La qualité des produits venant, disons, de la Chine et de la Russie, s'améliore-t-elle? L'Allemagne a toujours eu une réputation d'excellence. C'est la qualité de ses produits qui en expliquait le succès.

M. Laurin : Il y a quelques années de cela, quand nous avons discuté de la question, la qualité des produits chinois était mauvaise. La qualité de ces produits suscite toujours beaucoup de préoccupations, mais c'est là où il est important d'avoir un bon partenaire. Certains de nos membres obtiennent leurs composantes de la Chine. Bien entendu, les composantes doivent être inspectées quand elles arrivent au Canada, mais la Chine est capable de produire des biens de grande qualité. Les usines les plus modernes du monde se trouvent en Chine, et elles utilisent le matériel et la technologie les plus récents.

La Chine est capable de fabriquer des produits de grande qualité, des produits haut de gamme. Par contre, elle fabrique aussi certains des produits les plus bas de gamme et de la pire qualité que l'on trouve sur le marché.

Le sénateur Mahovlich : C'est à l'acheteur à être vigilant.

M. Laurin : Tout à fait; c'est une leçon que certaines entreprises ont apprises à leurs dépends. Il y a eu, par exemple, le cas de Mattel l'été dernier. Mattel pensait acheter un certain produit, et l'entreprise a appris que le produit contenait des éléments dont elle n'était pas au courant. Les entreprises doivent faire preuve de prudence.

Le sénateur Stollery : J'ai sous les yeux le tableau intitulé « Performance des exportations en 2007 », que je trouve intéressant. Nous sommes bien conscients du problème que cause le taux de change. Il y a des années de cela, notre comité a ni plus ni moins rédigé le rapport qui est utilisé au bureau de recherche et qui traite de l'importance des taux de change dans nos échanges avec les États-Unis. C'est donc une question que nous connaissons bien.

On parle de productivité et de tout le reste. En fait, même si je n'en comprends pas la logique, bien des gens ont dit que notre dollar devrait être plus élevé, parce qu'un dollar plus élevé se traduirait par un accroissement de notre productivité.

Dans le tableau « Performance des exportations en 2007 », qui fait état du changement en pourcentage par rapport à l'année précédente, on constate qu'il y a eu une baisse de 3,8 p. 100 pour les États-Unis — pour leurs exportations, je suppose, mais reprenez-moi si je me trompe. Pour le Japon, on fait état d'une hausse de 5,6 p. 100, tandis que pour l'Union européenne, la hausse est de 6,2 p. 100.

Je trouve cela curieux, parce que le dollar américain a baissé et que l'euro a augmenté considérablement par rapport au dollar américain, si bien que les exportateurs de l'Union européenne ont le même problème que nous — il est peut- être même pire —, pour les mêmes raisons. Au Japon, le yen se transige aux alentours de 100 ou 103 CAN, mais les exportations du Japon sont à la hausse, tandis que les exportations américaines sont à la baisse.

Il me semble que, si la valeur du dollar américain a baissé, les exportations américaines auraient dû augmenter parce que le dollar américain vaut moins que le dollar canadien. Comment peut-on expliquer cela?

Nous parlons des exportations de produits manufacturés ou d'importations. J'ai une certaine expérience de ce genre de chose en tant que commerçant, et je sais que la décision de changer de fournisseur est significative pour un commerçant. Les commerçants ne changent pas de fournisseurs uniquement pour des raisons de prix. Il y a bien d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte dans la décision. Il y a la fiabilité, la qualité, le fait qu'on connaît l'entreprise et qu'on traite avec elle depuis 30 ans; donc, on ne change pas cette relation du jour au lendemain. À un moment donné, on décidera peut-être de le faire, mais on ne le fera pas du jour au lendemain. Je soupçonne que beaucoup d'exportateurs canadiens n'ont pas eu encore à affronter cet obstacle, parce que beaucoup de leurs clients leur resteront fidèles parce qu'ils se disent que le dollar va peut-être baisser, et tout le reste.

Puis, je regarde ce graphique. Les entreprises canadiennes qui exportent aux États-Unis — les entreprises de meubles et bien d'autres entreprises, dans bien des secteurs — ferment leurs portes et il y a des emplois qui disparaissent; pourtant, le problème est le même dans les pays de l'Union européenne — et il est même pire que chez nous. Puis, je pense à ce que j'ai moi-même acheté. À Noël, je me suis acheté pour 2 200 $ des jumelles qui venaient d'Autriche. J'aime observer les oiseaux, et je me suis acheté des jumelles Swarovski; beaucoup d'ornithologues amateurs les utilisent parce qu'elles sont les meilleures du monde. En achetant un produit de cette qualité, je n'ai rien fait d'extraordinaire. Ces jumelles sont les mieux cotées au monde.

Quand j'achète des jumelles, je n'achète pas de la camelote parce que je prends mon passe-temps au sérieux. Je me disais que les jumelles que je voulais ne seraient plus abordables à cause de l'euro, mais il y a un magasin à Toronto, dans le Centre Manuvie, à l'angle de Bay et Bloor, qui vend, non pas les jumelles, mais les cristaux. À l'angle de Broadview et de l'avenue Eastern, où je fais faire l'entretien de ma motocyclette BMW 1200RT qui coûte très cher, les motocyclettes les plus chères du monde s'envolent comme des petits pains. Pourquoi? C'est pour des raisons de qualité.

Il me semble qu'on ne parle pas assez de « qualité » au Canada. Quand je vois ces chiffres, je les trouve saisissants — un accroissement de 6,2 p. 100 des exportations de l'Union européenne, c'est beaucoup. Je suppose qu'elles sont destinées aux pays qui n'ont pas l'euro pour devise, mais peut-être que ce n'est pas le cas. Pourquoi n'arrivons-nous pas à soutenir la concurrence sur le plan de la qualité?

J'ai regardé ce matin les chiffres pour les États-Unis. Le rapport dette-PIB y dépasse 50 p. 100 et approche de 55 p. 100. Les dépenses militaires s'élèvent à plus de 1 billion de dollars par an. Je ne vois pas comment les choses peuvent continuer ainsi. Il me semble donc évident que le dollar n'a pas fini de baisser, ce qui aura des répercussions sur les exportations canadiennes et toutes les autres exportations aux États-Unis.

C'est pourquoi notre comité, sous l'habile leadership de notre président, est en train de parler des marchés asiatiques, des nouveaux marchés. Bien sûr, les États-Unis demeureront un partenaire commercial important pour nous; c'est seulement pour plus tard. Nous devons néanmoins nous positionner sur ces marchés émergents.

Vous représentez ici les fabricants canadiens. Comment se fait-il que nous n'entendons pas souvent parler de « qualité » et pourquoi n'arrivons-nous pas à soutenir la concurrence? Je sais que nous y arrivons dans certains secteurs, mais pourquoi les exportations de l'Union européenne sont-elles en hausse alors que les nôtres sont en baisse?

M. Laurin : C'est une bonne question. Je crois que vous avez raison de dire qu'il nous faut plus d'entreprises canadiennes comme celles qui fabriquent vos jumelles. Je ne pense pas que vous vous êtes beaucoup soucié du prix quand vous les avez achetées. Vous vouliez ce qu'il y avait de mieux sur le marché, et c'est ce que vous avez acheté. Nous avons besoin de plus de produits comme ceux-là au Canada.

Nos entreprises sont en train de prendre ce virage. Nombre d'entre elles ont vu le jour dans les années 1990. Elles ont vu grossir leur part de marché aux États-Unis parce qu'elles offraient des produits qui étaient meilleur marché que les produits fabriqués aux États-Unis ou ailleurs. Elles se rendent comptent maintenant que, si elles veulent rester viables, elles doivent devenir des acteurs mondiaux capables de soutenir la concurrence avec les meilleurs. Il en coûte plus cher pour fabriquer des produits ici, alors nous avons besoin d'un produit qui soit parmi les meilleurs au monde.

C'est pourquoi nous invoquons si souvent l'exemple du BlackBerry. BlackBerry a mis au point ce produit de pointe que les gens achètent parce que c'est le meilleur qui existe sur le marché.

Le sénateur Stollery : Tout à fait. Quand je regarde l'autre diapositive intitulée « Les défis les plus urgents », qui fait état de 10 ou 15 défis, nulle part est-il question de qualité. Je trouve cela intéressant, et il me semble que cela confirme ce que je disais au sujet des fabricants canadiens. Nulle part le mot « qualité » n'apparaît dans ce que vous nous avez remis.

M. Laurin : Au lieu de parler de qualité comme vous, beaucoup d'entreprises parlent d'innovation. Vous parlez d'un produit qui est novateur, qui est parmi les meilleurs qui existent; le terme qu'utiliseraient ces entreprises serait « innovation ». Elles diraient qu'elles veulent innover, qu'elles veulent toujours avoir une longueur d'avance sur leurs concurrents parce qu'elles ont le produit le plus perfectionné.

En ce qui concerne la qualité, beaucoup de fabricants s'assurent que leur produit correspond en tous points aux devis. C'est ça la qualité pour eux. Où qu'ils fabriquent leur produit dans le monde, ils doivent en assurer la qualité, c'est-à-dire que le produit doit présenter le moins de défauts possibles. Par qualité, ils entendent plutôt l'absence de défauts. Ce dont vous parlez, c'est plutôt d'innovation. Du moins, c'est le terme qu'utiliseraient nos membres pour en parler.

IBM est un bon exemple de ce dont vous parlez. La société a une usine à Bromont où elle fabrique des modules pour des consoles de jeux et des ordinateurs haute performance. Sa stratégie commerciale est intéressante en ce sens que ses produits ne sont pas du tout compétitifs sur le plan des prix. Je crois que les prix sont d'environ 15 à 30 fois plus élevés que ceux de produits fabriqués en Chine. Cependant, son avantage compétitif tient au cerveau collectif de ses 2 700 employés de Bromont. La production actuelle a été conçue au cours des 18 derniers mois. Ce qu'elle produira dans 18 mois n'existe plus.

Elle cherche constamment à innover. Elle a mis au point des produits haute performance et des solutions novatrices. Dès que Nintendo ou Sony conçoit un nouveau produit, IBM se lance dès le début dans la recherche et le développement. Une fois que le produit est offert sur le marché depuis 18 mois, elle vend généralement le procédé de production à une entreprise à faible coût en Asie et perçoit des redevances. C'est là une stratégie gagnante pour beaucoup d'entreprises.

Vous dites qu'il nous faut rester à la tête du peloton et offrir des produits que personne d'autre au monde ne peut fabriquer. Ainsi, les gens achèteront chez nous parce que nos produits seront les meilleurs et qu'ils ne pourront pas les acheter ailleurs. Nous aurons alors un net avantage concurrentiel sur nos concurrents et, quoi que nos produits se retrouveront partout et que d'autres nous auront rattrapés, nous vendrons notre brevet ou nous percevrons des redevances quand nous trouverons d'autres entreprises qui voudront les fabriquer pour nous. Il y a de plus en plus d'entreprises qui cherchent à s'engager dans cette voie.

Le sénateur Stollery : Je constate que la plupart de ces entreprises européennes sont des entreprises familiales.

Le président : Je comprends le point de vue de notre vice-président. J'utiliserais aussi le terme « fiabilité ». Nous voulons un produit que nous pourrons utiliser longtemps sans qu'il ne se brise. Je crois que c'est de cela que parlait le sénateur Stollery, même si je ne veux pas lui faire dire ce qu'il n'a pas dit. Nous n'avons pas mis autant l'accent sur la fiabilité que nous aurions pu le faire au Canada.

[English]

Le sénateur Nolin : J'entends mes collègues discuter de qualité et j'ai l'impression que c'est un peu contraire à la mécanique commerciale. Peut-être que la qualité est importante dans les produits industriels, mais dans les produits commerciaux, soyons sérieux : je pense qu'il n'y a pas beaucoup de manufacturiers qui veulent que je garde mon grille- pain pendant 15 ans. Leur objectif est que mon grille-pain casse dans deux ans et que j'en achète un plus beau, plus gros, plus performant, mais qui ne durera pas plus longtemps. Avec le cycle de la qualité, j'ai l'impression que mon collègue le sénateur Stollery met le doigt sur un problème grave; je pense qu'on a perdu cette volonté de vouloir produire un produit de qualité du premier coup. Mais ce n'est pas là ma question.

Une des questions que le sénateur Stollery a soulevée était de savoir si la donnée européenne implique un commerce à l'extérieur de la zone euro ou entre eux.

M. Laurin : Le chiffre que je vous ai montré, 6,2 p. 100, ce sont les exportations canadiennes vers l'Union européenne.

Le sénateur Nolin : C'est notre performance dans cette zone?

M. Laurin : Exactement. Peut-être que mon titre portait à confusion.

Le sénateur Nolin : C'est une bonne entrée en matière à ma deuxième question; je regarde le pourcentage de 16,9 p. 100; ce sont les marchés des trois pays sous notre loupe en ce moment.

M. Laurin : En grande partie.

Le sénateur Nolin : On vous a sûrement posé cette question avant, je me souviens de vous l'avoir posée lors d'un autre forum : est-ce que le gouvernement est un bon partenaire de vos membres à l'étranger dans l'exploration, l'exploitation et la finalisation des marchés? Le gouvernement du Canada est-il un bon partenaire de vos membres, sinon comment devrait-il l'être? Vous n'êtes pas obligé de me répondre verbalement maintenant.

[Translation]

Puisque la question est si longue, nous aimerions avoir une réponse par écrit. Je suis sûr que c'est ce que préférerait aussi le témoin.

Le président : Monsieur Laurin, voulez-vous répondre oralement maintenant? Quand vous aurez des informations complémentaires, nous serions heureux de recevoir une réponse écrite de votre part. Cependant, vous voudrez peut-être répondre maintenant à la question du sénateur Nolin.

[English]

M. Laurin : Je ferai le suivi d'information. J'ai promis des données à certains de vos collègues et je vais vous envoyer une réponse plus approfondie.

Je pense que le gouvernement a un rôle incontournable. Il y a les gouvernements des provinces, mais au niveau du commerce international, c'est le gouvernement fédéral qui a un rôle à jouer, c'est certain, surtout lorsqu'on parle des économies émergentes comme la Chine, l'Inde et la Russie, et également de tous les autres pays en développement. Ce sont des pays où le gouvernement a un rôle critique à jouer.

Si vous me parlez des États-Unis, le gouvernement à rôle différent à jouer. Mais pour des pays en développement, le gouvernement a un rôle à jouer, non seulement pour fournir de l'information sur le marché et avoir des gens sur le terrain qui nous aident à trouver des partenaires, mais aussi à débroussailler la culture de l'endroit. Il a aussi a un rôle à jouer dans la prise de risque, l'identification d'opportunité d'affaires parce que, souvent, en Chine ou dans d'autres pays, que ce soit en Asie, en Afrique ou ailleurs, le gouvernement local est l'acheteur no 1 et a un rôle important, sinon prépondérant, dans économie du pays. Donc, c'est important que les gouvernements se parlent; le gouvernement canadien peut aider énormément les entreprises canadiennes à ouvrir des portes, que ce soit en participant dans des projets, en aidant avec des études de faisabilité ou de l'aide technique, ou par des programmes établis par le gouvernement. Par le passé, il y a eu plusieurs programmes du gouvernement fédéral qui ont joué un rôle utile pour les entreprises canadiennes.

Je dirais qu'aujourd'hui il y a eu un certain refroidissement. Je pense que le gouvernement pourrait en faire davantage et je sais qu'il y a des discussions à l'heure actuelle au sein du gouvernement. On veut regarder quelle est la meilleure façon de soutenir les exportations canadiennes et les entreprises canadiennes qui veulent aller sur certains marchés qui sont à plus haut risque. Une entreprise qui n'a jamais exporté ne sera pas portée à aller en Afrique ou en Indonésie en premier lieu, mais plutôt vers les États-Unis. Mais on veut encourager de plus en plus les entreprises à aller dans ces zones parce que la croissance économique, je l'ai dit plus tôt, se fait dans ces pays. Il faut être là-bas, c'est là que l'action se passe.

Le sénateur Nolin : C'est surtout là ma question. L'implication de l'État, je pense que personne ne la conteste et vous le confirmez. J'en suis à l'évaluation de la performance des services.

Je pense qu'on va devoir être beaucoup plus précis. J'entends votre réponse, mais je pense qu'un comité sénatorial qui se penche là-dessus cherche des réponses à des questionnements et ce sont des témoins comme vous qui nous aident à faire avancer la chose.

Ne vous sentez pas gêné de vous aventurer dans des champs qui sont plus « mouvants », disons. Mettez de côté votre crainte des administrateurs publics et faites affaire avec nous. Écrivez-nous et réfléchissez à votre réponse et écrivez- nous. C'est important qu'on comprenne quels sont les besoins de vos membres et ce que l'État canadien peut faire pour vous accompagner dans la démarche.

M. Laurin : Est-ce que je peux poser une question?

Le sénateur Nolin : Sûrement. C'est rare, mais cela arrive.

M. Laurin : J'aimerais avoir une idée du temps que vous vous donnez pour compléter l'exercice que vous avec commencé?

[Translation]

Le sénateur Nolin : M. Laurin aimerait savoir quelle est l'échéance que s'est fixé le comité?

Le président : Il nous faudra certainement quelques semaines. Je dirais que ce ne sera pas avant la fin de l'été, parce que nous ne faisons que commencer notre étude.

Ces renseignements sont importants pour nous, mais aussi pour les fabricants et les exportateurs canadiens, puisqu'ils serviront de point de départ aux recommandations que nous ferons au gouvernement du Canada. J'irais même plus loin que cela et je vous demanderais si, quand vous appelez les responsables au Canada pour obtenir des renseignements généraux sur les économies, les entreprises, les délégués commerciaux, les pays et les régions pour vous aider à évaluer les débouchés dont vous pourriez profiter, vous réussissez à obtenir des documents de recherche. Exportation et développement Canada joue-t-il un rôle utile? Tous ces services que nous avons mis en place vous sont- ils utiles ou peu utiles? Sont-ils plus importants maintenant qu'ils ne l'étaient? Y a-t-il des choses que nous devrions faire que nous ne faisons pas maintenant. Si vous voulez bien nous envoyer vos réponses, nous les inclurons dans les témoignages du comité et nous en tiendrons compte dans notre rapport.

[English]

Le sénateur Nolin : J'ajouterais, monsieur Laurin, de ne pas hésiter; à l'extérieur de cette table, on entend souvent les gens dire : vous savez, les services consulaires sont là, mais cela ne nous aide pas tellement. On leur rend visite par politesse parce qu'on ne veut pas, par ricochet ou indirectement, qu'ils nous nuisent, mais on ne compte pas trop sur eux. Écoutez, nous on approuve les budgets de tous ces gens chaque année. On doit se convaincre de l'efficacité de cet investissement. C'est pour cela qu'on fait cette étude.

M. Laurin : On va vous envoyer une série de recommandations détaillées. La raison pour laquelle je posais la question, c'est parce qu'on est en train de faire des consultations avec nos membres au pays; si je peux arriver avec de nouveaux exemples et mettre de l'eau au moulin, avec de nouveaux chiffres, on aura beaucoup de matériel à partager au cours des prochaines semaines ou mois. Je peux envoyer des documents dès la semaine prochaine.

[Translation]

Le président : Nous vous en serions reconnaissants. Nous aimerions particulièrement que vous nous fassiez parvenir les constatations tant positives que négatives de vos membres.

Le sénateur Smith : J'aimerais parler de la concurrence dans une économie mondialisée et par la même occasion avoir une idée des niveaux d'exportation de nos produits que nous pouvons raisonnablement espérer atteindre, tant sur le plan de notre compétitivité que de notre aptitude à protéger en même temps notre économie nationale.

Permettez-moi d'illustrer cela au moyen de l'exemple de la construction automobile parce que ce secteur a été au coeur même du secteur manufacturier de l'Ontario pendant des années.

Le pari que nous devons tenir ne concerne pas que la productivité mais aussi la commercialisation. Je parlerai aussi de ma propre expérience. Il y a quelques mois, j'avais besoin d'acheter une nouvelle voiture. Toute ma vie, j'ai acheté des voitures nord-américaines, en partie par loyauté. Pendant 20 ans, j'ai acheté des Buick ou des Cadillac provenant de chez Addison Motors.

L'année dernière, ce concessionnaire a fermé ses portes. Je vis au centre-ville de Toronto, coin Bay et Bloor, au coeur même de Yorkville. À l'heure actuelle, on ne trouve pas le moindre concessionnaire de voitures GM, Ford ou encore Chrysler au centre-ville de Toronto. Il n'y en a tout simplement pas. On trouve cependant un concessionnaire Audi, un important concessionnaire BMW, un concessionnaire Mercedes, Volvo, et cetera. J'en ai parlé à quelqu'un bien des fois. C'était exaspérant. Il ne s'agit pas seulement de la qualité ici.

Cela dit, je comprends le sens de la remarque du sénateur Stollery. Cette Cadillac me plaît beaucoup, j'en aurais acheté une, mais le concessionnaire le plus rapproché se trouve à Etobicoke. Pour la première fois de ma vie, j'ai donc acheté une voiture d'origine étrangère. À l'heure actuelle, le gouvernement discute de l'accord de libre-échange avec la Corée. Or, l'économie de la Corée est déjà compétitive, elle le sera donc encore davantage.

Est-il réaliste de penser que nous allons exporter des voitures en Corée? J'aimerais bien le croire. Toutefois, lorsque nous entendons parler de tous les obstacles qu'on sème sur notre route, c'est vraiment à s'en arracher les cheveux. Je ne voudrais pas que les Canadiens redeviennent des « bûcherons et porteurs d'eau ».

Où pouvons-nous exporter nos voitures et atteindre un niveau raisonnable de concurrence? Serons-nous en mesure de maintenir nos exportations aux États-Unis? Le marché là-bas rétrécit de plus en plus.

Si vous observez les voitures qui circulent dans le centre-ville de Toronto ces jours-ci, vous verrez qu'elles reflètent les choix faits par les concessionnaires présents dans la ville. Ce ne sont pas des produits nord-américains.

Dans quelle mesure les politiques gouvernementales peuvent-elles être pertinentes, stratégiques et utiles? Je n'ignore pas que Buzz Hargrove adopte un ton neuf au sujet de l'économie, s'efforçant à mon avis d'être stratégique.

Je ne parle même pas de ces nouvelles voitures Tata provenant de l'Inde et se vendant 2 500 $ pièce ni des voitures qu'on construit en Chine. Quoi qu'il en soit, pouvez-vous nous éclairer sur les raisons pour lesquelles le gouvernement envisage de signer un accord de libre-échange avec la Corée en ce moment, mais voilà les causes de mon mécontentement. Je me suis reporté à mon expérience personnelle, et il serait intéressant d'entendre tout éclairage sur la question.

M. Laurin : D'abord, je dirai quelques mots au sujet des négociations en cours avec la Corée. Nous avons exprimé de très nettes réserves à leur sujet. Le secteur de l'automobile pourrait en effet subir de très graves conséquences d'une entente de libre-échange.

Nous devons concevoir le commerce dans une perspective plus vaste. En règle générale, notre association est probablement l'une des plus favorables au libre-échange. Nous nous sommes montrés très positifs envers cela. Il faut toutefois veiller à ce qu'il y ait de véritables échanges.

Est-ce que les entreprises canadiennes auront vraiment accès au marché coréen où, des années durant, on a trouvé moyen de lui faire obstacle, que ce soit au moyen de normes, de permis, d'accréditations, de l'obligation de transiter par tel port, et cetera.

Le sénateur Smith : C'est une rue à sens unique.

M. Laurin : Oui, est-ce que les Coréens veulent vraiment avoir des échanges commerciaux avec le Canada? C'est la question fondamentale à se poser. S'ils le veulent, il y a moyen de faire des affaires chez eux. Pour le moment, nous exportons surtout des matières premières et des produits agroalimentaires en Corée. Il importe donc que ces producteurs aient accès à ce marché. Certains de nos membres sont très actifs là-bas et tiennent à ce que l'entente de libre-échange donne de bons résultats. Par ailleurs, il faut veiller à ce que ce soit l'ensemble du Canada qui bénéficie de cet accord.

C'est ce qu'il y a de bien dans les échanges commerciaux. Il ne s'agit pas de gagner au détriment de quelqu'un d'autre. Les deux parties devraient y trouver leur intérêt en faisant des échanges commerciaux. Ce qui nous préoccupe au sujet de cet accord et de la manière dont on le négocie est justement cela : est-ce qu'il sera avantageux pour l'ensemble de l'économie canadienne?

Vous avez aussi évoqué la concurrence avec la Chine, l'Inde ou la Corée, surtout en ce qui a trait au marché de l'automobile. À ce sujet, bon nombre de compagnies s'efforcent de ne pas faire concurrence à ces pays; leur solution est d'esquiver la concurrence avec la Chine et de faire plutôt des choses dont ce pays n'est pas encore capable.

Dans le secteur de la construction automobile, il est question de la qualité. Selon des études indépendantes qui portent sur la qualité des voitures construites dans des usines étrangères et les voitures canadiennes, les véhicules canadiens sont constamment jugés parmi les meilleurs — surtout la Buick. C'est donc un élément de distinction pour nos entreprises.

Au Canada, la construction d'automobiles connaît une évolution accélérée parce que les constructeurs doivent tenir compte de l'évolution de la situation. En effet, on assistera à l'afflux dans notre pays de véhicules à faible prix en provenance d'autres pays. Les constructeurs se rendent donc compte qu'il s'agit d'une lame de fond. Par conséquent, ils s'efforcent de prendre les devants.

Pour ce qui est de l'innovation, il est facile d'en parler, mais la chose nécessite beaucoup de temps, surtout lorsqu'il est question de grosses organisations. Précisons qu'il est question de modifications en profondeur de leur stratégie d'entreprise.

N'empêche que nous devrions être fiers du secteur de la construction automobile au Canada. Notre pays compte l'un des centres d'excellence les plus impressionnants du secteur de la fabrication, surtout à cause du secteur en Ontario. Bon nombre de pays, certains États des États-Unis et certaines provinces nous envient un secteur de l'automobile aussi fort. Nous devons donc veiller à le conserver car cela fait longtemps qu'il est à la source de l'économie de l'Ontario.

Le président : Vous pourrez répondre par écrit à la question que je vais vous poser si vous n'êtes pas en mesure de le faire oralement. J'ai assisté à un exposé fait par M. Dennis DeRosiers au sujet de l'industrie automobile. Il a fortement insisté sur le fait que les constructeurs nord-américains perdent à ce point du terrain qu'ils en sont réduits à faire des mises à pied. Je crois que nous sommes au courant. Toutefois, il a aussi ajouté que les constructeurs étrangers établis en Ontario — c'est-à-dire les entreprises étrangères qui construisent des automobiles, que ce soit à Alliston ou à St. Thomas — accroissent leur part de marché et sont en train d'embaucher des gens. J'ai essayé de confirmer cette information et n'ai pas réussi à le faire.

Est-elle vraie? Si vous ne le savez pas, pouvez-vous nous obtenir la réponse?

M. Laurin : Ce sont des constructeurs japonais, soit Honda et Toyota, qui ont investi les plus grosses sommes dans l'industrie automobile ontarienne. Par conséquent, il faut nous tourner non seulement vers les fabricants aux États- Unis, mais aussi vers ceux de l'étranger. De toute manière, comme nous l'ont bien appris les médias, certains constructeurs américains ont connu récemment des problèmes financiers. Cela explique d'ailleurs pourquoi certaines de ces entreprises sont en train de refondre leur structure. Les entreprises de l'étranger semblent un peu mieux tenir le coup.

Je suis loin d'être un expert du secteur de l'automobile. J'ignore si vous avez eu l'occasion de rencontrer les gens de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, mais votre comité devrait certainement entendre leurs témoignages parce qu'ils ont des opinions sur la question.

Le président : Nous en discuterons avec eux lorsqu'ils viendront témoigner. Leur nom est sur la liste, mais j'ignore quand exactement ils comparaîtront. Je me demandais seulement si vous aviez une opinion sur la question.

Le sénateur Johnson : Votre site web dit ce qui suit :

Notre mission consiste à stimuler la compétitivité de l'industrie canadienne et la croissance de ses exportations.

Pourriez-vous nous donner des exemples de réussites canadiennes? À l'heure actuelle, sur quoi vous concentrez-vous en particulier? Comment établissez-vous les priorités de votre travail de lobbying au nom du secteur et des exportateurs?

M. Laurin : Pour établir les priorités, nous sommes en constante communication avec nos membres. Nous les consultons de différentes façons. Nous avons un conseil d'administration qui joue un rôle très actif et qui doit approuver nos positions de principe.

Nous comptons aussi divers comités constitués d'experts — par exemple, le comité sur les douanes et l'accès au marché. Les membres de ces comités sont des experts qui comptent une longue expérience dans leur domaine respectif. La position que nous adopterons en matière de douane, par exemple, sera élaborée en collaboration avec nos membres par le biais de ces comités.

Puis, nous consultons tous nos membres, notamment à l'occasion de notre sondage annuel sur les questions de gestion. Je vous ai remis quelques résultats de ce sondage. Au sein de notre association, nous consultons régulièrement nos membres. Nous le faisons de diverses façons. Nous nous assurons que, quelle que soit la position que nous adoptons dans un dossier, elle reçoive l'appui de nos membres; nous tenons aussi à ce que les positions que nous adoptons et les questions auxquelles nous accordons la priorité sont pertinentes.

À court terme, il est prioritaire pour presque tous nos membres de rester concurrentiels et rentables ou de retrouver la rentabilité. Voilà pourquoi la plupart de nos pressions s'exercent dans le domaine de la fiscalité — nous ne réclamons pas de réductions de taxe et d'impôt générales, mais des baisses ciblées pour le matériel et l'outillage, ce qui permettra à nos membres d'investir dans la technologie et l'innovation, ainsi que dans le perfectionnement des employés. C'est probablement l'une des questions auxquelles nous consacrons le plus d'efforts. Il y a, bien sûr, d'autres questions qui nous intéressent. Les deux ou trois dernières pages de mon mémoire contiennent justement quelques-unes de nos recommandations.

Pour répondre à votre question, les entreprises canadiennes ont connu du succès, il y en a quelques-unes dont je peux vous parler même si vous les connaissez probablement déjà.

Le sénateur Johnson : Peut-être pourriez-vous nous donner un ou deux exemples, ou nous répondre par écrit.

M. Laurin : Je peux vous transmettre un document qui vous donnera plus de détails sur des entreprises canadiennes qui ont connu du succès.

Le sénateur Johnson : Il est bon d'entendre parler des réussites de temps à autre et aussi de savoir quelle est la situation de votre point de vue.

Le président : Profitons-en pour vous féliciter publiquement et à la télévision. À 3 heures du matin demain, si vous êtes éveillé, vous pourrez regarder la diffusion de cette séance. Y a-t-il des entreprises qui vous viennent à l'esprit et dont vous pourriez nous parler brièvement?

M. Laurin : J'en serais ravi, car il est rare qu'on me pose la question.

Le sénateur Corbin : Allez-y, donnez-nous des noms.

M. Laurin : On entend souvent parler de Bombardier, par exemple. Cette compagnie est basée au Québec. Elle a commencé par commercialiser une invention canadienne pour ensuite se diversifier et pénétrer d'autres marchés. Maintenant, elle vend ses produits à l'échelle mondiale. C'est une entreprise multinationale. Le siège social est au Canada, mais c'est une entreprise mondiale qui recrute des employés de toutes les régions du monde.

Le sénateur Mahovlich : Je crois savoir qu'elle compte s'installer dans un autre pays. Est-ce vrai?

M. Laurin : Pas que je sache.

Le sénateur Mahovlich : J'ai pu comprendre que c'était pour des raisons fiscales.

Le sénateur Corbin : Il semble que la société veuille s'établir au Wisconsin ou au Minnesota ou quelque part par là.

M. Laurin : Je vous enverrai une liste des plus petites entreprises. Je veux d'abord m'assurer qu'elles n'y voient pas d'objection. On entend souvent parler des grandes sociétés comme Bombardier, mais rarement des petites entreprises de service qui sont présentes dans de si nombreux marchés en développement. Ce sont pour la plupart des entreprises dont on n'a jamais entendu parler.

Nous comptons notamment parmi nos membres une société agroalimentaire qui produit un type spécial de haricot. Elle a pénétré certains des marchés les plus exotiques car il y a une demande pour ce genre de produits-créneaux. Cette entreprise fait affaire dans tous ces pays avec une dizaine ou une quinzaine d'employés. Malgré son petit nombre d'employés, elle s'y connaît bien en commerce international. Il serait en effet bon que vous en sachiez plus sur certaines de ces petites entreprises qui font des affaires partout dans le monde.

Le sénateur Johnson : Elles font d'importantes percées. Le Canada exporte beaucoup de légumineuses.

M. Laurin : Oui. Dans les journaux, on parle surtout des grandes sociétés. Elles jouent en effet un rôle important, mais il ne faut pas non plus oublier les petites et moyennes entreprises. Ainsi, de nombreuses entreprises de moyenne taille font des affaires en Chine. Je vous donnerai des exemples précis.

Le sénateur Nolin : Donnez-nous une liste.

M. Laurin : Avant de vous donner les noms de ces entreprises, je veux avoir l'autorisation des intéressés.

Le sénateur Johnson : Oui, nous vous saurions gré de nous donner une liste.

Le président : J'ai une question à poser sur les transferts de technologie. Autant en comité qu'ailleurs, on nous a dit que, quand on établit un partenariat avec une entreprise d'une économie émergente comme l'Inde ou la Chine, on craint que la technologie qu'on apporte ne soit copiée ou volée. Vos membres connaissent-ils ce genre de problème? Avez-vous entendu parler de cas de ce genre?

M. Laurin : À la fin de la réunion, je vous enverrai des informations qui répondront à certaines de vos questions sur les problèmes que connaissent nos membres plus particulièrement en Chine. Il est vrai qu'ils craignent qu'on leur vole leurs brevets et il a été fait état de cas de ce genre.

Il est vrai que des compagnies ont été victimes de contrefaçon de brevets ou de vols de propriété intellectuelle. Toutefois, ce problème n'est pas l'apanage de la Chine, il existe aussi au Canada. Votre comité devrait recommander qu'on adopte de bonnes lois et de bons règlements pour protéger la propriété intellectuelle. Cela, c'est le premier élément de l'équation, le second, qu'on a tendance à négliger, étant l'application de ces lois et règlements.

Ainsi, le gouvernement a commencé à revoir la Loi sur le droit d'auteur, examen qu'on attend depuis longtemps. Mais il ne nous faut pas seulement une nouvelle loi sur le droit d'auteur, il faut aussi s'assurer de prévoir toutes les ressources nécessaires pour bien la faire respecter.

Une compagnie membre de notre association, qui se trouve dans le Sud de l'Ontario, a été victime de contrefaçon. On a importé des reproductions du produit de cette entreprise; ces produits sont contrefaits et proviennent de Chine. Or, notre membre doit assumer une part de responsabilité car ceux qui achètent ces produits contrefaits le font croyant qu'ils ont été fabriqués par son entreprise, ce qui n'est pas le cas.

Nous avons eu beaucoup de mal à convaincre les autorités de s'attaquer à ce problème. La GRC dispose de peu de ressources pour faire respecter ces lois. Elle a préféré affecter ses ressources à d'autres dossiers. Mais il faut prendre ce problème plus au sérieux et y consacrer davantage de ressources. Les autorités canadiennes ont besoin de ressources accrues pour protéger la propriété intellectuelle, car notre économie est de plus en plus fondée sur le savoir, et nous devons faire en sorte que le savoir qui sert à la fabrication des produits est bien protégé.

Les États-Unis ne cessent d'interroger le Canada à ce sujet. La plupart des produits de contrefaçon qui entrent aux États-Unis traversent la frontière canado-américaine. Ils arrivent dans un port canadien et finissent par traverser la frontière des États-Unis.

J'ai visité Washington dernièrement et nous y avons rencontré quelques-unes de nos sociétés membres. La plupart d'entre elles, sinon toutes, ont soulevé cette question. C'est un problème non seulement pour leur société, mais cela nuit également aux relations entre le Canada et les États-Unis.

Vous parlez de la frontière et du fait que nous voulons que les Américains aient moins d'inquiétude au sujet de la sécurité frontalière et qu'ils aient davantage confiance en nous. Toutefois, pour qu'ils aient confiance en nous, nous devons leur montrer que nous sommes dignes de confiance. Les contrefaçons et la lutte contre la piraterie ont constitué, pour nous, des défis majeurs.

Le président : Monsieur Laurin, voici exactement le genre de renseignements que nous souhaitions obtenir de votre part. Ils vont nous aider à poursuivre nos délibérations à ce sujet. Si vous, ou vos membres souhaitez communiquer d'autres renseignements au comité, je vous prie de contacter le greffier du comité pour qu'ils fassent partie des témoignages.

[English]

Le sénateur Nolin : Juste pour bien comprendre votre tableau qui nous a honnêtement un peu induit en erreur, en tout cas moi et mon collègue Stollery. Si je prends le tableau de la page précédente, destination des exportations canadiennes 2007. Dois-je comprendre que si je lis les deux tableaux qui se suivent, il y a en 2007, quant à la performance, une réduction de 1.1 p. 100?

M. Laurin : Exactement.

Le sénateur Nolin : Alors, je peux appliquer sur chacune des destinations le résultat que je vois sur l'autre ligne?

M. Laurin : La première diapositive où vous avez une tarte, la destination des exportations canadiennes, c'est à la page...

Le sénateur Nolin : J'essaie de lire ou de mettre les deux ensemble.

M. Laurin : La tarte?

Le sénateur Nolin : Et celui qui suit. J'essaie de voir la corrélation. Prenons le cas des pays qui nous préoccupe actuellement, qui serait inclus dans tous les autres pays. Donc cela occupait, en 2007, 9 p. 100 de nos exportations et c'est une performance de près de 17 p. 100 par rapport à l'année précédente. Je comprends bien la lecture des deux?

M. Laurin : La tarte, c'est où les exportations sont allées en 2007; 75 p. 100 aux États-Unis, 9 p. 100 en Europe, 2 p. 100 au Japon et le deuxième avec les courbes, c'est la croissance par rapport à l'année précédente, 2007 versus 2006. Donc les exportations pour les États-Unis en 2007 ont décru de 3,8 p. 100 par rapport à 2006.

Le sénateur Nolin : Mais je ne peux pas prendre le cas américain, le 75 p. 100 de l'année 2007, ce n'était pas 78,8 p. 100 l'année précédente?

M. Laurin : Non.

Le sénateur Nolin : De là l'importance de l'étude qu'on fait. Une augmentation de 17 p. 100 dans la performance des exportations dans tous les autres pays qui ne sont pas nos alliés industriels traditionnels, il y a un élément économique non négligeable.

M. Laurin : Il y a un élément qui ne se reflète pas dans les chiffres; vous avez des entreprises canadiennes qui ouvriront une usine en Chine et ils ne vont pas nécessairement exporter les produits directement du Canada, donc dans les statistiques commerciales, cela ne compte pas comme une exportation. Mais souvent, c'est une entreprise canadienne qui ouvre une usine en Chine et qui vend ses produits sur le marché chinois, mais qui le fait à partir d'une usine établie là-bas. Il y a quelques années, on était très réticent à aider des entreprises canadiennes à s'établir à l'étranger, mais si on veut que les entreprises canadiennes deviennent des joueurs mondiaux, on doit les aider à mondialiser leur production.

Le sénateur Nolin : Ce sont des informations statistiques dont vous disposez?

M. Laurin : Les statistiques à ce sujet n'existent presque plus. Il y a des statistiques sur les investissements canadiens à l'étranger que je pourrais partager avec vous. Mais malheureusement, les statistiques sur le commerce international n'arrivent pas à suivre rapidement les nouvelles tendances. Il y a plusieurs phénomènes qu'on n'arrive pas à avoir dans les statistiques, mais j'ai des documents que je peux vous envoyer.

Le sénateur Corbin : Pour davantage de clarifications, vous avez indiqué comme source d'origine de certains tableaux le Fonds monétaire international. Dois-je conclure que tous les autres tableaux sont de votre production?

M. Laurin : Toutes les données de nature économique ont comme source le Fonds monétaire international, sauf les données sur le commerce du Canada, ce sont des données des Statistiques Canada.

Le sénateur corbin : Ah bon, ce n'est pas indiqué là.

M. Laurin : Quand ce sont celles du FMI, c'est indiqué. Les autres par défaut sont de Statistique Canada, sauf les diapositives qui sont le résultat d'un sondage à nous. Je ne l'écris même plus, car 90 p. 100 des statistiques qu'on utilise viennent de Statistique Canada.

Le sénateur Corbin : J'aimerais élucider, on parle en terme général d'exportation, vous, vous êtes du domaine manufacturier. Quand, par exemple, au tableau, la tarte destination des exportations canadiennes 2007, c'est l'ensemble des exportations canadiennes, n'est-ce pas? Ce n'est pas seulement le secteur manufacturier?

M. Laurin : C'est l'ensemble.

Le sénateur Corbin : Car ce n'est pas toujours clair dans vos tableaux ce dont vous parlez spécifiquement. Alors, dans l'information additionnelle au comité, pourriez-vous être plus pointu quant à la source ou à l'explication? Car il y a des tableaux qui sont parfois un peu compliqués à interpréter. Je vous remercie.

[Translation]

Le président : Le débat a été intéressant et utile au plus haut point. Merci d'avoir comparu devant le comité.

La séance est levée.


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