Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Droits de la personne

Fascicule 5 - Témoignages du 12 mai 2008


OTTAWA, le lundi 12 mai 2008

Le Comité sénatorial permanent des droits de la personne, auquel a été renvoyé le projet de loi C-280, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (l'entrée en vigueur des articles 110, 111 et 171), se réunit aujourd'hui à 17 h 5 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Honorables sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi pour étudier le projet de loi C-280. Pendant la première heure, nous entendrons des représentants de trois groupes. Il s'agit de Mme Janet Dench, du Conseil canadien pour les réfugiés; de M. Alfredo Barahona, de KAIROS — Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice; et de Mesdames Gloria Nafziger et Naomi Kikoler, d'Amnistie internationale Canada.

Alfredo Barahona, coordonnateur, Programme des réfugiés et de la migration, KAIROS: Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice : Merci, au nom de KAIROS: Initiatives canadiennes œcuméniques pour la justice, de nous permettre de prendre part à cet important dialogue concernant les réfugiés.

KAIROS est un partenariat entre 11 organisations religieuses ou liées à des églises. Nous nous efforçons de promouvoir les droits de la personne ainsi que la justice sociale et économique au Canada et ailleurs dans le monde. KAIROS fait la promotion des droits des réfugiés et des migrants, qui sont aussi importants que ceux de n'importe quel autre être humain.

Au nom de KAIROS, je tiens à dire que nous sommes profondément déçus que la section d'appel des réfugiés n'ait pas encore été mise sur pied. La vie de réfugiés est, en ce moment même, entre les mains d'une seule personne depuis que le nombre d'agents de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada qui examinent nos demandes est passé de deux à un. La création de la section d'appel des réfugiés devait contrebalancer cette réduction.

KAIROS croit que la mise sur pied de la section d'appel des réfugiés est une question de justice fondamentale pour les réfugiés. En 2002, le gouvernement avait promis de mettre sur pied cette section, tel que prévu dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés de 2001. Malgré de multiples promesses, la section d'appel des réfugiés n'est toujours pas en fonction.

Les églises canadiennes et bien d'autres collègues n'ont pas ménagé leurs efforts pour que le gouvernement rende des comptes au sujet de cette promesse. Le gouvernement actuel prétend accorder la priorité à la responsabilité gouvernementale. Pourtant, un gouvernement responsable met en vigueur les lois adoptées par un Parlement dûment élu. Le Parlement a voté en faveur de la section d'appel des réfugiés lorsqu'il a adopté la loi en 2001. Combien d'autres lettres, réunions et exposés seront encore nécessaires pour que la section d'appel des réfugiés soit mise sur pied?

Notre sentiment de profonde inquiétude et de frustration est justifié par le fait que près de six années se sont écoulées depuis l'adoption de la loi et que les gouvernements qui se sont succédé depuis n'ont pas respecté leurs propres lois. Les défenseurs des droits des réfugiés exigent la mise sur pied de la section d'appel des réfugiés depuis l'entrée en vigueur de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

La section d'appel des réfugiés est depuis longtemps une source de préoccupations pour KAIROS et les églises qui en font partie. J'aimerais vous donner un aperçu des initiatives entreprises par KAIROS et d'autres organismes. En 2003 et 2004, les membres de KAIROS ont écrit de nombreuses lettres au gouvernement en lui demandant de respecter sa promesse. Le jour de la Journée des droits des réfugiés, le 4 avril 2005, deux députés ont présenté à la Chambre des communes des pétitions de 10 000 signatures recueillies par les membres de KAIROS et demandant la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés. Au printemps 2006, KAIROS a présenté à la Chambre des communes d'autres pétitions portant plus de 24 000 signatures de Canadiens inquiets demandant au gouvernement l'entrée en service immédiate de la section d'appel des réfugiés.

KAIROS demeure préoccupée par les divers motifs et excuses que le gouvernement continue de présenter pour retarder la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés, qui est inscrite dans les lois canadiennes depuis 2002. Comme on le sait, le Canada a des obligations internationales envers les réfugiés. En tant que signataire de la Convention de 1951 sur les réfugiés et de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le Canada est tenu de ne pas expulser les réfugiés vers un pays où ils seraient soumis à la persécution et à la torture.

Le fait de ne pas mettre sur pied la section d'appel des réfugiés nuit à notre capacité de respecter cette obligation. Tant la Commission interaméricaine des droits de l'homme que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ont déclaré à maintes reprises qu'un processus d'appel sur le fond est essentiel à un système équitable de détermination du statut de réfugié.

KAIROS souhaite présenter les recommandations suivantes, en espérant que vous en tiendrez compte. KAIROS vous demande instamment d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible et de mettre en œuvre sans délai la section d'appel des réfugiés. La Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés a été adoptée il y a maintenant cinq ans et demi et, comme je l'ai dit, la décision repose entre les mains d'une seule personne depuis tout ce temps.

Il y a déjà longtemps que cette injustice aurait due être corrigée, vu que le système actuel n'a pas été approuvé par le gouvernement. Des décisions incorrectes rendues à l'audience et non corrigées par la suite peuvent faire en sorte que des réfugiés soient retournés à la persécution, à la torture et même, aussi terrible que cela puisse paraître, à la mort. Contrairement à la croyance populaire, il n'existe actuellement aucun mécanisme d'appel sur le fond pour les demandeurs au statut de réfugié. Le recours actuellement disponible ne permet pas de corriger les nombreuses erreurs qui peuvent se produire pendant le processus de détermination du statut de réfugié.

KAIROS recommande fortement de ne pas apporter d'amendement à ce projet de loi afin de ne pas retarder davantage la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés. N'oubliez pas que ce projet de loi vise simplement l'application d'une mesure législative qui a déjà été examinée et adoptée par le Sénat. Tout retard supplémentaire dans la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés risque de coûter la vie à des réfugiés. Il est temps de mettre en œuvre cette section. Je tiens à répéter que le fait de ne pas mettre en œuvre la section d'appel des réfugiés met vraiment en danger la vie de certaines personnes.

Je sais que vous teniez à ce que je sois bref. Je vous remercie donc beaucoup de votre attention et du temps que vous nous avez accordé.

La présidente : Merci, monsieur Barahona.

Janet Dench, directrice exécutive, Conseil canadien pour les réfugiés : Je suis heureuse d'avoir, au nom du Conseil canadien pour les réfugiés, l'occasion de venir témoigner devant vous au sujet du droit d'appel sur le fond de la décision pour les demandeurs du statut de réfugié. Nous attendions cette occasion depuis longtemps, plus de 20 ans en fait. En 1986, il y a 22 ans de cela, le Conseil canadien pour les réfugiés a adopté une résolution s'opposant à des mesures législatives proposées par le gouvernement qui violaient le principe de l'appel sur le fond. Ces mesures proposées sont devenues le nouveau système de détermination du statut de réfugié en 1989, système ne prévoyant toujours pas de possibilité d'appel sur le fond.

Depuis deux décennies, l'absence de mécanisme d'appel et la qualité de la nomination des commissaires sont demeurés les deux lacunes fondamentales et constantes pour les organismes canadiens de défense des droits des réfugiés, dirigés par le Conseil canadien pour les réfugiés.

Nos membres d'un bout à l'autre du Canada ne cessent de rappeler la nécessité d'un mécanisme d'appel. Année après année, ils sont confrontés au dilemme de devoir s'occuper de demandeurs du statut de réfugié dont la demande semble avoir été rejetée par erreur. Dans bien des cas, il est tout simplement impossible de corriger ces erreurs, car il n'existe actuellement aucun mécanisme d'appel sur le fond.

Les organismes internationaux pertinents de défense des droits de la personne ont eux aussi déterminé qu'il fallait disposer d'un mécanisme d'appel. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a été clair à ce sujet. Dans une lettre adressée à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration en 2000, la représentante du Haut Commissariat disait ceci : « L'UNHCR croit qu'un mécanisme d'appel sur le fond des décisions négatives de première instance constitue un élément fondamental d'un système crédible de détermination du statut de réfugié. » Le même message a été répété en 2002 : « L'UNHCR juge qu'un processus d'appel constitue un élément fondamental nécessaire à tout processus de détermination du statut de réfugié. »

En février 2000, la Commission interaméricaine des droits de l'homme a publié un rapport sur la situation des droits de la personne des demandeurs d'asile dans le système canadien de détermination du statut de réfugié. Elle y déclarait ceci :

Dès que les faits d'une situation individuelle sont disputés, le cadre d'une procédure efficace devrait permettre leur révision. Puisque même les meilleurs des décideurs peuvent se tromper en rendant leur jugement, et compte tenu des dangers potentiels pour la vie des personnes qui résultent de telles erreurs, un appel sur le bien-fondé d'une détermination négative constitue un élément nécessaire de la protection internationale.

En 2004, après avoir examiné la requête d'Enrique Falcon Ríos, dont la demande de statut de réfugié avait été rejetée, le Comité des Nations Unies contre la torture a jugé que le système canadien de détermination du statut de réfugié avait été incapable de corriger une mauvaise décision dans son cas. Ce comité a établi que la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada n'avait pas tenu compte d'importants éléments démontrant que M. Falcon Ríos avait été torturé et que la façon de traiter les éléments de preuve constituait un déni de justice. Il concluait que l'expulsion de M. Falcon Ríos constituerait une violation par le Canada de l'article 3 de la Convention contre la torture. En raison de l'absence d'un mécanisme d'appel permettant de corriger l'erreur commise en première instance, M. Falcon Rios avait été contraint de se tourner vers les Nations Unies pour éviter d'être refoulé et de nouveau soumis à la torture.

Comme vous le savez, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés adoptée en 2001 par le Parlement prévoit un droit d'appel sur le fond pour les demandeurs du statut de réfugié. En contrepartie de la création de cette possibilité d'appel, les parlementaires ont accepté de réduire de deux à un le nombre de commissaires chargés d'entendre les demandeurs au premier niveau d'audience. Le Parlement n'a jamais débattu, et encore moins approuvé, un processus de détermination du statut de réfugié comportant un seul décideur et sans droit d'appel. Un tel processus existe pourtant depuis près de six ans, ce qui est contraire aux principes de la démocratie, à la primauté du droit et au respect des droits de la personne.

Nous sommes ici aujourd'hui pour vous demander d'utiliser votre pouvoir et votre influence pour faire adopter ce projet de loi aussi vite que possible. Le projet de loi C-280 ne fait rien d'autre que mettre en œuvre une loi que le Sénat a déjà examiné en profondeur et approuvé. La Chambre des communes a adopté le projet de loi C-280 en juin dernier. Le Sénat a déjà eu presqu'un an et demi pour l'examiner, et le gouvernement a eu par la même occasion 10 mois pour se préparer à la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés. Pendant ce temps, les droits des réfugiés continuent d'être violés, avec des conséquences qui risquent d'être mortelles.

Permettez-moi de vous donner un exemple. En 2005, un homme est arrivé au Canada avec sa famille, fuyant des menaces pour sa vie. Certains membres de sa famille avaient, eux, été attaqués. Il a été piètrement représenté à son audience et le commissaire a rejeté sa demande. Il a demandé un contrôle judiciaire en 2007, qui lui a été refusé, comme c'est le cas neuf fois sur dix. Il savait qu'il n'avait rien à gagner d'un examen des risques avant renvoi, ou ERAR, parce qu'il n'avait aucun nouvel élément de preuve à présenter. Le problème résidait dans la décision initiale qui, en l'absence d'un mécanisme d'appel, ne pouvait être réexaminée. À la fin du mois de mars 2008, il est retourné dans son pays d'origine avec sa famille. Moins de deux semaines plus tard, ses persécuteurs ont tenté de l'assassiner. Il a été chanceux de s'en sortir vivant, mais il a été violemment battu et poignardé.

C'est afin d'éviter que d'autres réfugiés ne se retrouvent face à de tels risques pour leur vie que nous vous demandons d'adopter ce projet de loi le plus rapidement possible.

J'aimerais émettre quelques commentaires au sujet d'observations que des fonctionnaires vous ont faites récemment. Plusieurs des points qu'ils ont présentés sont fortement discutables. Je tiens par exemple à souligner que l'ERAR ne peut servir à corriger une décision initiale erronée parce qu'il ne tient compte que de nouveaux éléments de preuve. Il ne peut y avoir contrôle judiciaire à la Cour fédérale que si la demande à cet effet est accueillie. C'est pourquoi la majorité des décisions initiales ne sont jamais réexaminées. Les arguments concernant les coûts et les retards ne tiennent pas compte des économies qui pourraient être réalisées grâce à un mécanisme d'appel. Par exemple, il y aurait moins de demandes de contrôle judiciaire ou d'ERAR s'il était possible d'interjeter appel.

De façon plus générale, j'aimerais vous dire qu'il est inapproprié d'argumenter contre la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés en se fondant sur des critiques d'un processus prévu par la loi. Dans un pays démocratique respectant la primauté du droit, on est en droit de s'attendre à ce que le gouvernement mette en œuvre les lois adoptées par le Parlement. Il est normal que, de temps à autre, le gouvernement propose des modifications à des lois qu'il juge mal adaptées à la réalité. Il s'est écoulé plus de six ans depuis que le Parlement a adopté la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, créant par la même occasion un système de détermination du statut de réfugié accordant aux demandeurs un droit d'appel sur le fond. Le gouvernement n'a présenté aucune modification à la loi en ce qui concerne le processus de demande de statut de réfugié.

Il faut mettre en application la loi adoptée par le Parlement. Si, au cours des mois ou des années à venir le gouvernement souhaite apporter des modifications à ce processus, il est évidemment libre de les soumettre au Parlement. Le Conseil canadien pour les réfugiés serait heureux de participer à un processus destiné à améliorer le système actuel, mais il faut d'abord et avant tout respecter le contenu de la loi actuelle.

Il a été proposé au Sénat d'amender le projet de loi C-280 afin de retarder d'encore six mois la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés. Nous vous implorons de ne pas apporter un tel amendement. Les réfugiés attendent déjà depuis bien trop longtemps. D'autres retards pourraient coûter des vies. Le gouvernement a eu des années pour se préparer à la mise en œuvre de la section d'appel des réfugiés, dont près d'un an depuis l'adoption de ce projet de loi par la Chambre des communes, ce qui a été considéré comme une indication que ce projet de loi pourrait devenir loi.

Il y a quelques années seulement, je suis venue témoigner devant un autre comité sénatorial qui étudiait des amendements à la Loi sur la citoyenneté. Malgré des préoccupations au sujet des amendements, le comité a convenu qu'il faudrait adopter ce projet de loi sans attendre afin que des Canadiens qui avaient perdu leur citoyenneté puissent la récupérer.

J'espère que vous agirez de façon semblable dans le cas du projet de loi C-280, car l'injustice qu'il faut corriger est au moins aussi grande. Ce n'est pas seulement la citoyenneté qui est en jeu ici, mais la vie elle-même. Les réfugiés comptent parmi les groupes les plus vulnérables au Canada. Il est facile de les ignorer, de les négliger et de les maltraiter. Il s'agit souvent de gens de couleur, de femmes, d'enfants. Nous vous demandons d'agir rapidement au nom des droits qu'ils ont en tant qu'êtres humains, en vous assurant qu'ils aient accès au droit d'appel, comme le prévoit la loi.

La présidente : Merci, madame Dench.

Gloria Nafziger, coordonnatrice des réfugiés, Amnistie internationale Canada : En tant qu'organisme international de défense des droits de la personne, Amnistie Internationale Canada accorde une grande importance aux systèmes de protection des réfugiés. La protection des réfugiés est une mesure préventive nécessaire au maintien de la protection des droits de la personne. Lorsque les réfugiés sont bien protégés, ceux qui les persécutent ne peuvent les atteindre.

Notre travail concernant les réfugiés au Canada consiste principalement à revoir les cas de demandeurs du statut de réfugié dont la requête a été rejetée afin que personne ne soit expulsé du Canada vers son pays d'origine s'il risque d'y subir une violation grave des droits de la personne. Nous faisons cela depuis près de 20 ans et nous avons constaté de nombreux cas de décisions négatives de la part de la CISR, au sujet desquels nous avons rédigé des lettres d'appui au nom de personnes afin qu'elles bénéficient d'un examen des risques avant renvoi ou d'un examen pour des motifs d'ordre humanitaire.

En 2001, nous avons accueilli favorablement la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés ainsi que la création de la section d'appel des réfugiés. Même si nous avions à l'époque des réserves au sujet de cette section, notamment à cause de l'absence d'audience, du recours à un examen sur papier et d'une portée limitée à la demande initiale, sans aucune place à de nouveaux éléments de preuve. Nous avons encore les mêmes préoccupations aujourd'hui, mais nous croyons que le Canada doit respecter sa promesse inscrite dans la loi au sujet de la création de la section d'appel des réfugiés.

Nous croyons qu'il s'agit d'une étape essentielle afin que le Canada respecte ses obligations internationales visant à s'assurer que les réfugiés au sens de la Convention bénéficient de la protection à laquelle ils ont droit selon la loi. Tel qu'il existe aujourd'hui, le système crée une brèche dans la protection, brèche qu'il faut colmater immédiatement.

Naomi Kikoler, étudiante en stage, Amnistie internationale Canada : Depuis la Seconde Guerre mondiale, le Canada fait figure de chef de file dans le domaine de la protection des réfugiés. Ces dernières années, notre engagement envers les réfugiés a été remis en question par le gouvernement, qui a retardé l'entrée en service de la section d'appel des réfugiés.

En vertu de l'article 14 de la Déclaration universelle des droits de l'homme, le droit de chercher asile contre la persécution constitue un droit fondamental de la personne. Ce principe a été repris dans de nombreux traités ratifiés par le Canada. En tant que signataire de la Convention de 1951 sur le statut des réfugiés et du protocole subséquent de 1967, le Canada a reconnu davantage qu'il respectait le droit de chercher asile et qu'il a donc des obligations à respecter en toute bonne foi en vertu des lois internationales. Il doit donc instituer une procédure permettant de déterminer efficacement qui est réfugié au sens de la Convention et qui, par conséquent, a droit à une protection selon cette Convention et aux droits correspondants qui y sont inscrits.

Une juste évaluation prévoit, comme l'exige l'UNHCR, un moyen efficace de faire en sorte que les demandeurs du statut de réfugié aient l'occasion, juste avant d'être expulsés, de présenter des éléments de preuve nouveaux ou qui n'avaient pas été reconnus afin d'appuyer leur demande de reconnaissance du statut de réfugié. C'est ce que permet la section d'appel des réfugiés de concert avec l'ERAR. L'absence de l'un de ces mécanismes ne permet pas de respecter les normes internationales.

De plus, selon l'article 33 de la Convention de 1951, le Canada est tenu de respecter une obligation de non- refoulement. Cette obligation est reprise à l'article 3 de la Convention contre la torture et à l'article 7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. En vertu de ces obligations, il faut instaurer un mécanisme permettant d'examiner une décision de première instance selon des questions de fait et de droit.

Le manuel de l'UNHCR, rédigé en 1977 afin d'établir des règles de procédure sur l'application de la Convention, exige également d'accorder le droit d'appel au demandeur et précise que le demandeur devrait être autorisé à demeurer dans le pays d'accueil pendant que l'appel est en instance. Le Canada a l'obligation d'assurer le maintien d'un système efficace de détermination du statut de réfugié. L'absence d'un tel système entraînera des refoulements et donc la violation des lois internationales par le Canada. Comme Mme Nafziger l'a indiqué, le Canada a fait l'objet de critiques de la part de l'UNHCR et de la Commission interaméricaine des droits de l'homme parce qu'il n'a pas instauré de système d'appel sur le fond.

Les obligations internationales du Canada sont claires. Il faut constituer une entité chargée d'examiner les faits nouveaux et non reconnus qui permettraient de prévenir le refoulement, d'accorder une protection et, par conséquent, de respecter les droits des réfugiés. En ce moment, le Canada est le seul pays industrialisé qui refuse aux chercheurs d'asile dont la demande a été rejetée la possibilité de faire réexaminer la décision de première instance en fonction de questions de fait et de loi.

L'Union européenne a codifié le droit des demandeurs au statut de réfugié à disposer d'un moyen efficace, dont le droit de soumettre à un tribunal une demande visant à réexaminer le refus ou le retrait du statut de réfugié.

Dans le cadre d'une partie de nos recherches, nous avons aussi constaté les répercussions importantes que peut avoir une section d'appel sur les cas de détermination du statut de réfugié. Entre 2000 et 2006, en Irlande, 6 814 demandeurs d'asile ont été reconnus comme étant des réfugiés. De ce nombre, 4 022, soit 59 p. 100 d'entre eux, l'ont été en appel.

Le gouvernement doit mettre en œuvre la section d'appel des réfugiés et, en instaurant l'appel sur le fond, réaffirmer l'engagement du Canada envers la protection des réfugiés.

Le gouvernement a prétendu que la section d'appel des réfugiés était inutile car il existe d'autres solutions sous la forme de contrôle judiciaire, d'examen des risques avant renvoi et d'examen pour motifs d'ordre humanitaire. Un examen attentif de ces soi-disant solutions de rechange révèle qu'elles ne sont pas équivalentes à une section d'appel des réfugiés.

À l'occasion de témoignages précédents devant ce comité, il a été beaucoup question du contrôle judiciaire. Amnistie internationale Canada aimerait souligner que soumettre une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale n'équivaut pas à présenter une demande à la section d'appel des réfugiés. Tout d'abord, il faut présenter une demande d'autorisation de contrôle judiciaire, qui n'est accordée que dans un cas sur dix environ. On refuse donc à neuf demandeurs sur dix la possibilité d'un second examen, en ne leur fournissant même pas les raisons de ce refus.

En respectant, grâce à la section d'appel des réfugiés, nos obligations internationales, tous les demandeurs à qui l'on a refusé le statut de réfugié auraient droit à un appel sur le fond de leur dossier. De plus, conformément à l'alinéa 18.1(4) de la Loi sur les Cours fédérales, un contrôle judiciaire se concentre principalement sur les lacunes d'ordre juridique et technique de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui n'est donc pas la même chose qu'un examen sur le fond.

Finalement, la Cour fédérale fait preuve d'un niveau élevé de retenue à l'égard des décisions de la commission quant aux questions de fait, de crédibilité et de preuve, car elle est d'avis que les décideurs qui ont directement interrogé les demandeurs et à qui on a présenté des éléments de preuve étaient les mieux placés pour prendre une décision. Cela limite la possibilité d'un examen sur le fond.

Comme l'a déclaré le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, contrairement à la section d'appel des réfugiés, le contrôle judiciaire par la Cour fédérale ne constitue pas un examen sur le fond. La Cour fédérale ne peut, à partir d'un jugement, renverser une décision prise par la CISR.

Compte tenu des limites de la portée de l'examen par la Cour fédérale, il est d'autant plus important que les demandeurs présentent un dossier solide pour obtenir une autorisation. Il est donc essentiel d'avoir recours aux services d'un avocat pour naviguer dans les méandres du système, ce qui pose un sérieux problème d'accès à la justice. De nombreux demandeurs au statut de réfugié ne peuvent se permettre de retenir les services d'un avocat compétent en la matière ou d'avoir tout simplement à recourir aux services d'un avocat.

Tous ces problèmes soulèvent de sérieuses questions quant à la pertinence de recourir au contrôle judiciaire comme remède efficace à une décision défavorable relative à une demande d'asile.

Amnistie internationale Canada dispose d'une série d'exemples à cet effet. Je vais vous décrire le cas de M. M. Amnistie internationale Canada a examiné en 2001 le dossier de M. M, fils d'un leader ouïgour bien connu en Chine. Il a été emprisonné et battu à de nombreuses reprises par les autorités chinoises. En 1999, il a été témoin de l'exécution publique d'un leader de sa communauté. Cette exécution a été suivie par une démonstration qui a tourné à l'émeute, entraînant l'emprisonnement de 500 à 600 personnes. Compte tenu de sa participation à la démonstration et de la notoriété de sa famille, il s'est enfui dans les jours suivant l'exécution, toutes les personnes ayant pris part à la démonstration étant recherchées puis emprisonnées. Son dossier a été jugé non crédible par la CISR. Les conclusions quant à la crédibilité de son dossier étaient dues à des problèmes de traduction à l'audience et à la méconnaissance de l'histoire et de la culture ouïgoure en Chine.

Le dossier de M. M n'est qu'un des divers dossiers de demandeurs ouïgours examinés par Amnistie internationale Canada en 2001-2002, et tous comportaient le même problème. À cette époque, les ouïgours constituaient un groupe relativement nouveau de demandeurs d'asile au Canada, et on ne connaissait presque rien à leur sujet. La majorité des demandes ont fini par être accueillies favorablement à la suite de l'examen des risques avant renvoi ou pour des motifs d'ordre humanitaire, mais seulement au bout de quelques années.

Même si la décision initiale était fondée sur des erreurs flagrantes, M. M a dû demeurer au Canada de nombreuses années avant d'être admissible à un examen des risques avant renvoi, tout comme d'autres demandeurs d'asile déboutés. L'Agence des services frontaliers du Canada entreprend un examen des risques avant renvoi uniquement lorsqu'une personne est prête pour le renvoi, ce qui signifie qu'elle détient un passeport en règle et a les moyens de retourner dans son pays. Un appel suivant immédiatement une décision négative permettrait de déterminer plus rapidement le statut d'immigrant au Canada et de réduire le fardeau des demandes subséquentes à la Cour fédérale et aux décideurs d'examens des risques avant renvoi et de demandes pour des motifs d'ordre humanitaire. C'est dans l'intérêt de tous de résoudre les dossiers des réfugiés le plus rapidement possible.

Mme Nafziger : Je vais prendre quelques minutes pour parler des problèmes que nous constatons au sujet de l'examen des risques avant renvoi et pour motifs d'ordre humanitaire.

L'examen des risques avant renvoi ne constitue pas un appel sur le fond de la demande d'origine. Il est assorti de rigoureuses restrictions concernant la présentation de nouveaux éléments de preuve, comme nous avons pu le constater dans le cas de nombreux dossiers dont nous prenons connaissance et au sujet desquels, je le répète, le taux de décision est très faible. La restriction concernant les nouvelles preuves a été particulièrement problématique dans le dossier d'un demandeur d'asile provenant de la Colombie. Ce demandeur a fourni un témoignage exhaustif à son audience, mais n'a pas été jugé crédible. À l'examen des risques avant renvoi, il a présenté davantage de preuves qu'il ne l'avait fait à son premier témoignage, mais les nouveaux documents n'ont pas été admis par l'agent d'ERAR parce qu'ils n'étaient pas considérés comme des nouvelles preuves. Il a été déterminé que ces preuves étaient raisonnablement disponibles au moment de l'audience de détermination du statut de réfugié et qu'elles auraient dues être présentées à ce moment. La seule nouvelle preuve que le demandeur a été autorisé à présenter a été le fait qu'un autre membre de sa famille avait été tué en Colombie. Le décideur de l'ERAR n'a pas jugé cette preuve suffisante en soi pour démontrer que le demandeur lui-même courait des risques, et sa demande a été rejetée.

L'ERAR ne porte pas sur les preuves présentées à la commission au moment de la demande initiale et limite ce qui est jugé être de nouvelles preuves, ce qui en fait un outil inefficace pour évaluer adéquatement les risques. On ne peut donc pas considérer cet examen comme une solution efficace à la suite d'une décision défavorable à une demande de statut de réfugié.

Nous avons également des réserves quant au fait qu'il n'y a plus qu'un seul commissaire. En outre, le fait de réduire de deux à un le nombre de commissaires impose une pression indue sur les épaules de cette personne, qui doit prendre des décisions extrêmement complexes nécessitant un examen rigoureux sans pouvoir consulter un collègue ayant plus d'expérience.

Nous avons aussi examiné le cas d'un Iranien qui avait présenté une demande de protection peu après son arrivée au Canada. Il avait été victime de torture et souffrait d'une grave blessure à la tête. Sa demande a été rejetée. Peu après, sa mère est arrivée au Canada et a présenté une demande de statut de réfugié pour sensiblement les mêmes motifs. Sa demande a été acceptée.

C'est souvent aux victimes de torture et d'autres traumatismes graves comme le viol que l'absence d'un mécanisme d'appel nuit le plus.

En conclusion, le processus actuel de détermination du statut de réfugié n'offre pas une protection adéquate aux réfugiés. La section d'appel des réfugiés avait été conçue pour appuyer l'instauration d'une instance décisionnelle unique à la Section de protection des réfugiés. Elle devait permettre d'assurer un processus décisionnel uniforme et de qualité. Elle devait permettre de corriger les erreurs commises en première instance, réduisant ainsi des démarches subséquentes longues et coûteuses. Tel qu'il est en ce moment, le système de détermination du statut de réfugié est pire qu'il ne l'était avant l'adoption de la loi actuelle. L'entrée en service de la section d'appel des réfugiés serait une étape dans la correction de cette situation. Nous vous demandons d'adopter ce projet de loi sans tarder.

En 2004, le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes a adopté une motion demandant au gouvernement de mettre en œuvre la section d'appel des réfugiés ou de présenter au comité une solution de rechange. Depuis, de nombreux députés, des groupes de défense des droits des réfugiés et des Canadiens préoccupés par la question ont réitéré cette demande. Il est temps d'agir. Amnistie internationale demande respectueusement que le Canada respecte ses obligations internationales et mette en œuvre sans délai la section d'appel des réfugiés.

La présidente : Une précision, madame Dench. Vous avez dit que dans le cas de M. Flacon Ríos, l'appel était nécessaire parce qu'il était piètrement représenté. Que voulez-vous dire? Qui le représentait et qui en est venu à la conclusion qu'il avait été piètrement représenté?

Mme Dench : Je n'ai pas dit qu'il devait aller en appel parce qu'il avait été piètrement représenté. Il devait aller en appel parce qu'on avait rejeté sa demande pour les mauvaises raisons. Il se trouve qu'il a été piètrement représenté à l'audience. C'est là un jugement porté par les personnes qui connaissent le dossier. Celui qui devait le représenter n'a pu se présenter à l'audience au dernier moment et a été remplacé par une personne qui ne connaissait pas assez bien le dossier. Cela n'a pas aidé le demandeur.

La présidente : Était-il représenté par un avocat?

Mme Dench : Je crois qu'il s'agissait d'un non-juriste.

Le sénateur Poy : Vous pouvez tous me répondre, mais peut-être que Mme Dench pourrait commencer. Vous avez parlé de la position des fonctionnaires. Nous avons entendu les témoignages de divers fonctionnaires, et j'ai cru comprendre qu'ils étaient surtout préoccupés par l'immense arriéré et les fausses demandes, qui entraînent une hausse encore plus importante du nombre de demandeurs au statut de réfugié.

Ils ont dit, sans vraiment offrir d'explications, que la section d'appel des réfugiés s'appuierait sur les documents d'origine, qu'il n'y aurait pas d'audience et que cela ne ferait aucune différence. Ils ont également dit qu'il existait suffisamment de recours juridiques pour permettre l'appel. Que répondez-vous à cela?

Mme Dench : Tout d'abord, nous sommes conscients que la gestion du système de détermination du statut de réfugié est difficile et remplie de défis. Nous savons que cela n'est facile pour aucun gouvernement. Ceci étant dit, nous parlons ici de droits fondamentaux de la personne, et il faut tenir compte des difficultés qui y sont inhérentes.

En ce qui concerne l'énorme arriéré et les fausses demandes, nous convenons que l'extrême longueur du processus incite certaines personnes n'ayant pas de motifs valables de craindre une persécution mais qui trouvent un avantage à faire partie de ce processus à présenter une demande. Nos membres sont au courant de tels scénarios. Nous comprenons que, pour cette raison, il est important qu'il n'y ait pas d'arriéré. Il est aussi dans l'intérêt des réfugiés qu'ils obtiennent rapidement une décision, et c'est pourquoi nous appuyons la notion de processus de détermination rapide.

Il existe actuellement un arriéré, mais il est en grande partie dû au fait qu'il manque de commissaires. Ce problème est survenu à diverses reprises au cours de l'existence de la Commission. Je crois qu'il est actuellement plus grave que jamais car il y a un manque chronique de nominations à la commission. Il est logique de conclure que s'il n'y a pas suffisamment de décideurs, ils ne pourront pas prendre toutes les décisions, ce qui occasionnera un arriéré.

Tout processus dépend d'une saine gestion de la part du gouvernement. Il est impossible de légiférer afin qu'un système de détermination du statut de réfugié fonctionne sans anicroche. C'est aux personnes chargées de son fonctionnement qu'il revient de bien faire leur travail, avec toutes les difficultés que cela suppose.

Au fil des ans, nous avons constaté qu'on propose sans cesse de modifier le système de détermination du statut de réfugié, comme s'il était possible d'inventer une sorte de système autonome de détermination qui, simplement grâce aux règles établies, serait en mesure de prendre des décisions rapides et justes. Peu importe les lois, ce sont les êtres humains qui doivent gérer le système de détermination du statut de réfugié.

Nous pourrions présenter des arguments plus détaillés concernant les répercussions de l'entrée en vigueur de la section d'appel des réfugiés. Mais cela mis à part, si le gouvernement souhaite s'occuper de l'arriéré et du besoin d'un processus de détermination rapide, il dispose des outils nécessaires à la mise en œuvre des ressources appropriées. Il doit y avoir des commissaires.

En ce qui concerne les fausses demandes, nous avons souvent dit au gouvernement que s'il croit que des gens provenant de certaines parties du monde présentent des demandes non fondées — et il arrive que des personnes sont amenées à tort à croire qu'elles peuvent soumettre une demande —, il doit s'occuper de ce problème dans le cadre du processus de détermination du statut de réfugié. Nous avons maintes fois invité le gouvernement à collaborer avec nous à ce sujet. Pour quelque raison que ce soit, il n'a pas donné suite à nos invitations.

Vous avez aussi parlé du fait que la section d'appel des réfugiés se fonderait sur les mêmes documents que ceux présentés par le demandeur à l'audience d'origine. C'est vrai. De nombreux défenseurs des droits des réfugiés ont jugé que la section d'appel des réfugiés ne constituait pas une possibilité d'appel aussi complète qu'ils le voudraient. Amnistie internationale vient d'en parler. C'est un commentaire qui revient souvent. La section d'appel des réfugiés constitue une forme d'appel très limitée. Si nous, défenseurs des droits des réfugiés, ne cessons d'en réclamer la mise en œuvre, c'est parce que la loi l'exige. C'est ce que le Parlement a décidé et approuvé, et il faudrait au moins la mettre en œuvre.

Finalement, vous dites que le gouvernement prétend qu'il existe suffisamment de mesures juridiques. Cet argument a été repris à maintes occasions, mais il ne tient pas compte du fait qu'il n'existe aucun mécanisme d'appel sur le fond. Le contrôle judiciaire constitue le seul outil de révision de la décision, et il n'est valable que dans certains cas car la Cour fédérale n'accorde pas d'autorisation dans la majorité des cas. Les demandeurs n'ont donc droit à aucun appel. Même si les demandeurs se rendent jusqu'en Cour fédérale, il s'agit alors d'un examen restreint, ce qui signifie que certaines erreurs ne sont pas corrigées. L'examen des risques avant renvoi ne constitue pas une révision de la décision de la CISR et ne permet donc pas de corriger les erreurs. L'examen pour motifs d'ordre humanitaire ne constitue pas non plus une révision de la décision d'origine.

Certaines demandes refusées par erreur peuvent être acceptées pour des motifs d'ordre humanitaire, mais il ne s'agit pas d'une révision et il n'y a pas de sursis à la mesure de renvoi. Une personne qui présente une demande pour motifs d'ordre humanitaire peut être renvoyée dans son pays pour y affronter la persécution, même si elle a présenté une demande pour des motifs d'ordre humanitaire.

Le sénateur Poy : Il n'existe donc aucun processus d'appel verbal?

Mme Dench : Dans la loi ou dans ce qui est en vigueur?

Le sénateur Poy : Dans ce qui est en vigueur.

Mme Dench : Non. Dans le cas du processus pour motifs d'ordre humanitaire, le décideur peut convoquer le demandeur à une entrevue, mais cela n'arrive pas souvent. C'est la même chose dans le cas de l'examen des risques avant renvoi, mais le décideur s'en tient généralement aux nouveaux éléments de preuve et ne peut déclarer que la décision initiale de la commission était erronée. Le décideur ne peut fonder sa décision que sur de nouvelles preuves.

Le sénateur Poy : Les réfugiés ne peuvent donc pas demander une révision verbale?

Mme Dench : Non, en effet.

Mme Nafziger : En ce qui concerne le fait que la section d'appel des réfugiés est limitée aux faits présentés à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, compte tenu du nombre de décisions que nous avons examinées dans nos bureaux, je dirais qu'il est encore très possible, à la révision des documents d'origine, de corriger des décisions erronées. Il s'agirait malgré tout d'un pas très important pour de nombreux réfugiés, même si cela constituait une possibilité sur les bases limitées qui existent.

Mme Kikoler : En ce qui concerne l'arriéré, nous avons communiqué avec plusieurs de nos collègues d'Amnistie internationale ailleurs dans le monde et leur avons demandé des renseignements au sujet de leur processus d'appel. Comme Mme Dench l'a dit, le droit d'appel est un droit fondamental de la personne. Aux États-Unis, il existe actuellement un arriéré de 166 200 dossiers. Même si le système n'est pas non idéal et qu'il comporte des lacunes, il est possible d'en appeler de la décision dans ce pays. Le premier appel porte sur tous les points et une nouvelle décision peut être rendue. Si cette deuxième décision est elle aussi négative, il est possible d'aller de nouveau en appel en argumentant des questions de fait et de loi. Si la décision est toujours négative, il est encore possible d'aller en appel et de présenter une requête en réouverture. À cette étape toutefois, il faut présenter de nouveaux éléments de preuve qui n'étaient pas disponibles auparavant.

Même si le problème de l'arriéré est très important, il existe malgré tout des solutions de rechange et des possibilités d'appel dans d'autres pays. Il ne faut pas l'oublier.

La présidente : Comme j'ai la liste des personnes qui souhaitent poser des questions, je demanderais aux sénateurs de poser leurs questions et aux témoins de répondre succinctement afin que tous aient l'occasion de s'exprimer.

Le sénateur Munson : Ma question sera courte. Le sénateur Poy a posé certaines des questions que je voulais poser. Je tenterai de ne pas utiliser d'acronymes pour la section d'appel des réfugiés et l'examen des risques avant renvoi, au cas où quelqu'un intéressé par ce débat nous regarderait sur la chaîne CPAC.

D'un point de vue personnel, je suis sénateur depuis quatre ans et demi, mais j'ai l'impression que tous les gouvernements sont en mesure, lorsqu'un sujet ne fait pas leur affaire, de l'étouffer. J'ai appris au Sénat que lorsqu'un sénateur déclare « Je propose l'ajournement du débat », cela signifie qu'il continue et continue. Pourquoi les gouvernements ont-ils si peur de cette section d'appel des réfugiés? Avez-vous parfois l'impression que nous nous parlons à nous-mêmes? Nous n'arrêtons pas de parler. Vous avez parlé de 2001. Nous sommes maintenant en 2008. Vous avez parlé de milliers de personnes laissées pour compte et qui retournent dans leur pays d'origine pour y être probablement tuées. Croyez-vous que cela va passer, ou voyez-vous de la lumière au bout du tunnel dans ce dossier?

Mme Dench : J'admets que je parle trop longtemps et que j'utilise des acronymes.

Merci pour votre question. En examinant la situation et le fait que la section d'appel des réfugiés n'a pas encore été mise en œuvre, force est d'admettre que la vie des réfugiés compte peu au Canada et dans le monde. Tous ceux qui tiennent aux droits de la personne ne doivent pas oublier que les réfugiés sont des êtres humains et qu'il est inacceptable de les traiter comme des problèmes à gérer et des défis de traitement bureaucratique. C'est d'êtres humains dont il est question ici.

Je trouve inconcevable que si l'on parle des droits des citoyens canadiens, le gouvernement ne mette pas en œuvre un élément fondamental d'un système adopté par le Parlement. Imaginez par exemple un projet de loi sur les jeunes contrevenants au sujet duquel il y aurait un compromis prévoyant une décision par une seule personne en échange d'une possibilité d'appel, mais qu'on ne mettrait jamais cet appel en œuvre.

Nous sommes ici pour nous assurer, en tant que Canadiens, que les réfugiés soient traités avec respect et que leurs droits soient respectés. Nous venons témoigner devant vous, membres du Comité sénatorial permanent des droits de la personne, et nous sommes confiants que cette situation disgracieuse prendra fin et qu'au cours des prochaines semaines les réfugiés pourront interjeter appel.

Le sénateur Munson : J'ai une courte question de fond à poser. Serait-ce moins coûteux pour un demandeur d'interjeter appel auprès de la Section d'appel des réfugiés que de déposer à la Cour fédérale une demande d'autorisation d'introduire une instance de contrôle judiciaire?

Mme Dench : Je pense que ce serait beaucoup moins cher de recourir à la Section d'appel des réfugiés. C'est un processus judiciaire beaucoup moins lourd que le fait de s'adresser à la Cour fédérale, démarche qui implique des dépenses de la part du demandeur, de la cour ainsi que du ministère de la Justice, qui représente l'autre partie. Interjeter appel auprès de la Section d'appel des réfugiés consisterait en un processus quasi-judiciaire et, partant, ce beaucoup moins onéreux dans l'ensemble.

Le sénateur Di Nino : Je vous souhaite la bienvenue, en particulier Mme Kikoler. Est-ce la première fois que vous comparaissez ici?

Mme Kikoler : Oui.

Le sénateur Di Nino : J'ai l'impression que nous vous reverrons à de nombreuses reprises. Bienvenue et bonne chance.

Mme Kikoler : Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Di Nino : L'intervention de Mme Dench m'amène à modifier l'angle de mes questions. Je vais commencer par citer Mme Kikoler, qui a insisté sur la nécessité que nous disposions d'un « système efficace ».

Les cinq derniers ministres de l'Immigration — trois libéraux et deux conservateurs — ont dit que nous n'en avions pas besoin. D'après Mme Kikoler, nous avons un système efficace. Je pourrai vous lire les citations dans un instant.

Certaines critiques à l'endroit des corps législatifs et des gouvernements du Canada, d'au moins deux allégeances politiques différentes, me préoccupent. En particulier, j'ai été alarmé par l'observation de Mme Dench selon laquelle on se soucie très peu des vies humaines au Canada. Je pense que c'est un commentaire offensant. Je ne crois pas qu'on puisse décrire les cinq hommes et femmes qui ont occupé le poste de ministre de l'Immigration, y compris celle qui détient ce poste à l'heure actuelle, comme des gens qui ne se préoccupent pas de la vie d'autrui. Êtes-vous en train de me dire que ces cinq ministres se fichaient de ce qui arrive à ces personnes? Est-ce là ce que vous dites, Mme Dench?

Mme Dench : Il ne s'agit pas seulement des ministres eux-mêmes. Je pense que nous avons tous, collectivement, un rôle à jouer dans la manière dont le Canada reçoit les réfugiés.

Comme je l'ai précisé, la situation n'existe pas qu'au Canada. Si nous nous penchons sur le traitement des réfugiés aux quatre coins de la planète, nous constatons d'énormes violations des droits. Nous pouvons nous demander pourquoi nous laissons ces choses se produire.

Les ministres ont un certain pouvoir. Toutefois, les citoyens aussi ont un pouvoir et vous en avez aussi, comme sénateurs.

Le sénateur Di Nino : Nous l'exercerons au mieux de nos capacités.

À la Chambre des communes, M. Volpe a voté contre le projet de loi C-280. Il était ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Deux autres ministres, de même que d'autres personnes, ont refusé de voter pour le projet de loi. Ils se sont dit : « Nous possédons l'un des meilleurs systèmes du monde et notre processus est équitable. » La perfection n'existe pas — même si la SAR existait, tout ne serait pas parfait. Les gens qui ont voté contre la mesure estiment, comme nous, pour toutes les raisons qui ont été mentionnées, que nous n'avons pas vraiment besoin à ce moment-ci de mettre en œuvre cet élément de la loi adoptée en 2001.

Cette semaine, la vérificatrice générale a indiqué que nous avions perdu la trace de 41 000 réfugiés. Nous n'arrivons pas à les trouver. Il existe un arriéré de 900 000 à 950 000 demandes. Selon les ministres, la mise en vigueur de ce projet de loi nous obligerait peut-être à examiner rétrospectivement les décisions prises pendant des années. Il est question de 40 000 à 50 000 dossiers. Les personnes dont la demande fait partie de l'arriéré devront attendre encore plus longtemps, peut-être des années. Est-ce juste?

Cinq ministres de l'Immigration, des gens à qui deux gouvernements différents — un libéral et un conservateur — ont demandé de s'occuper du dossier, ont dit que nous disposions déjà d'un bon système nous permettant de régler ces questions. Visiblement, vous n'êtes pas d'accord. J'aimerais que chacun d'entre vous nous fasse part de son opinion à cet égard.

M. Barahona : Nous avons une opinion divergente. Nous croyons vraiment qu'il faut adopter le projet de loi le plus rapidement possible. Le Parlement l'a approuvé.

Je reprends les propos tenus par le sénateur Munson. Vous n'êtes pas le seul à penser que les gouvernements prolongent le débat d'un projet de loi quand ils ne veulent pas l'adopter. Cette mesure législative en est un exemple.

Sénateur Di Nino, vous avez dit que nous avons l'un de meilleurs systèmes du monde. C'est vrai, mais il n'est pas parfait. Nous avons l'occasion de l'améliorer et de respecter les droits de la personne. L'enjeu est le respect des droits de la personne. Le Parlement du Canada, tant la Chambre des communes que le Sénat, a étudié le projet de loi. Et la discussion se poursuit. De nombreux Canadiens avec qui nous parlons et travaillons partagent votre point de vue.

Je vous exhorte encore une fois à adopter le projet de loi. Rendons notre système encore meilleur.

Mme Nafziger : Notre système d'immigration actuel est adéquat, mais il n'est pas parfait. La loi devait s'appuyer sur deux jambes, mais il lui en manque une. Elle est boiteuse.

L'examen des risques avant renvoi et la Section d'appel des réfugiés ont été conçus pour aller de pair. L'un ne peut fonctionner efficacement sans l'autre. Dans le cadre de l'ERAR, on peut seulement examiner de nouveaux éléments de preuve, pas le dossier. C'est là le problème fondamental. Rien ne permet de retourner à la décision initiale.

J'ignore comment on peut comprendre de quoi il retourne tant qu'on n'a pas attendu dans une salle, lu les revendications du statut de réfugié, parlé aux gens qui ont vu leur demande initiale rejetée et constaté que le système ne prévoit rien pour corriger cette réponse négative. C'est comme une condamnation à mort. Essayer de surmonter les contrecoups d'une décision initiale négative prononcée par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, c'est comme escalader le mont Everest. C'est un défi immense, insurmontable. C'est pratiquement impossible.

Le sénateur Di Nino : Les autres outils offerts à ces personnes ne suffisent-ils pas? Je veux parler de l'examen des risques avant renvoi — mesure dont le Canada est l'un des rares pays à disposer, je crois — et des deux autres outils.

Mme Nafziger : Ces outils sont absolument insuffisants, car ils ne permettent pas qu'on examine la décision initiale et l'erreur de départ. Les limites relatives aux nouveaux éléments de preuve lors de l'ERAR sont grandes. Je vous ai fourni tout à l'heure l'exemple d'un homme. En regroupant tout ce que contenait sa demande depuis le début ainsi que les nouveaux éléments de preuve — quand tout était rassemblé et qu'on pouvait voir le dossier complet — on obtenait une liste énorme de choses qui étaient arrivées à cet homme. Cependant, quand il a comparu devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, il n'avait pas certains documents. Par la suite, il n'a jamais eu d'autre occasion de présenter cette information.

Il a assurément reçu un traitement injuste au Canada. En fin de compte, un ministre de l'Immigration a dû résoudre son cas. Je me réjouis que nos ministres aient le pouvoir discrétionnaire de régler les cas, mais cela me peine qu'il faille nous adresser à eux pour résoudre ces questions. Nous avons besoin d'un système qui peut corriger les erreurs.

Le sénateur Di Nino : Quand vous avez des cas qui doivent être examinés à nouveau, faites-vous appel aux députés de la région pour vous aider? Est-ce un moyen efficace d'amener un ministre à se pencher sur un dossier?

Mme Nafziger : Nous le faisons le moins possible. J'aimerais croire que nous avons créé un système que nous pouvons utiliser tel quel. Je dirais que, si nous nous adressons à un député pour régler un problème lié à l'immigration ou au statut de réfugié, c'est en dernier recours. Je ne crois pas que nous devrions avoir à nous appuyer sur les députés pour corriger les ratés du système canadien de protection des réfugiés. Or, cela arrive trop souvent. N'importe quel député vous dira qu'une énorme partie de son travail consiste à essayer de réparer les torts causés par le rejet de demandes de statut de réfugié en première instance.

Le sénateur Di Nino : Nous demanderons à certains députés. Je vous remercie.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Ma question est peut-être naïve, mais c'est un sujet relativement nouveau pour moi. Je vous demanderais d'être indulgents avec moi. Comment les réfugiés choisissent-ils d'aller dans un pays? Est-ce ce sont les pays qui les choisissent pour qu'ils viennent chez eux? Je ne comprends pas. Si j'étais réfugié, est-ce que je me dirais ceci : « Est-ce que je veux aller au Canada ou aux États-Unis? »

Mme Nafziger : Je pourrais vous donner un cours de base sur les réfugiés, mais je ne suis pas sûre que nous ayons le temps. Nous parlons en l'occurrence d'arrivées spontanées. Nous parlons de personnes qui sont à l'extérieur de leur pays et qui estiment avoir besoin d'une protection immédiate. Ils se rendent à n'importe quel endroit où ils peuvent obtenir cette protection. Parfois, cela les mène au Canada, mais pas toujours. Il existe de nombreuses raisons pour lesquelles ils peuvent venir au Canada et pas ailleurs. Il y a aussi des gens qui attendent à l'extérieur du Canada ou d'un autre pays dans l'espoir d'être un jour admissible à la réinstallation. Il s'agit d'un processus de sélection à l'étranger, mais, souvent, ce processus prend des années. Bon nombre des personnes qui arrivent au Canada et revendiquent le statut de réfugié ont des besoins urgents de protection. Elles ne sont pas dans une position où elles peuvent attendre pendant des années que quelqu'un décide si elles sont ou non des réfugiés.

La présidente : Depuis longtemps, on se demande si ceux qui sont sur une liste d'attente et qui se fient au Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés sont désavantagés par rapport à ceux qui se présentent aux portes de notre pays. Vous avez participé à ce débat auparavant, comme moi, et les discussions à ce sujet devraient se poursuivre.

Cependant, en ce moment, nous étudions le projet de loi. Je remercie chacun d'entre vous de nous avoir fait part de ses opinions et de ses expériences. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-280.

Honorables sénateurs, notre prochain groupe de témoins nous parlera des répercussions juridiques du projet de loi C-280 et, espérons-le, de l'ancien projet de loi sur l'immigration. Comparaissent devant nous M. David Matas et Mme Kerri Froc, de l'Association du Barreau canadien, et M. Jacques Beauchemin, M. Mitchell Goldberg et Mme Catherine Dagenais, du Barreau du Québec.

Je vous souhaite la bienvenue. Comme vous le savez, nous examinons le projet de loi C-280, qui porte sur le mécanisme d'appel. Nous serons heureux d'écouter vos avis et les renseignements que vous avez à nous donner. Je vous prierais d'être aussi concis que possible pour que tous les sénateurs aient le temps de poser des questions.

[Français]

Catherine Dagenais, avocate, Service de recherche et de législation, Barreau du Québec : Madame la présidente, je tiens d'abord à vous remercier de l'invitation. Le Barreau du Québec est un ordre professionnel comptant un peu plus de 22 000 membres qui a comme principal mandat la protection du public. Il s'assure de l'exécution de ce mandat notamment en veillant à assurer la primauté du droit, à maintenir la séparation des pouvoirs, à promouvoir l'égalité de tous devant la loi et à protéger l'équilibre souvent précaire entre les droits du citoyen et les pouvoirs de l'État.

En tant qu'avocate au service de recherche et de législation du Barreau du Québec, je coordonne notamment les travaux du comité en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau du Québec qui est composé d'une dizaine de praticiens en droit de l'immigration et de la citoyenneté.

Le comité analyse diverses questions relatives à l'immigration et a reçu le mandat d'examiner le projet de loi C-280.

Je suis accompagnée de Me Mitchell Goldberg et de Me Jacques Beauchemin, membres du comité en droit de l'immigration et de la citoyenneté du Barreau du Québec. Me Goldberg a été admis au Barreau en 1989 et Me Beauchemin en 1975.

Les commentaires du Barreau du Québec portent aujourd'hui sur la mise en place de la Section d'appel des réfugiés. J'exposerai brièvement la position du Barreau du Québec qui est élaborée dans une lettre que nous avons transmise et mes collègues pourront ajouter tout élément pertinent et répondre à vos questions.

Le Barreau du Québec estime qu'il est impératif de mettre sur pied la Section d'appel des réfugiés et de donner sa pleine valeur au droit d'appel qui est essentiel pour bien administrer la justice.

En effet, aux termes de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés adoptée en 2001 par le Parlement, les députés ont convenu de faire passer de deux à un le nombre de décideurs pour chaque cas tout en octroyant aux demandeurs de statut de réfugié, un dispositif de protection, soit le droit d'interjeter en appel leur demande rejetée. Ces deux éléments de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés sont intrinsèquement liés. Malgré l'adoption de cette loi en 2001, qui incluait les articles créant la Section d'appel des réfugiés, le gouvernement n'a pas donné suite à votre volonté d'implanter la Section d'appel des réfugiés au moment de l'entrée en vigueur de la loi en avril 2002.

Dans ce contexte, le Barreau du Québec est d'opinion que ce mécanisme d'appel au mérite relativement à une décision défavorable constitue un élément essentiel d'autant plus que des erreurs peuvent être commises, erreurs qui peuvent avoir de profondes répercussions sur la vie des demandeurs.

Dans le processus actuel, il est vrai qu'un demandeur débouté peut s'adresser à la Cour fédérale du Canada pour solliciter un contrôle de la décision. Cependant, il s'agit dans ce cas d'un examen juridique restreint effectué seulement sur autorisation et qui n'est accordé que dans un faible pourcentage. Le contrôle judiciaire de la légalité de la décision à la Cour fédérale a une portée plus limitée que l'appel qui serait interjeté devant la Section d'appel des réfugiés.

En effet, l'exercice du contrôle judiciaire ne permet pas à la Cour fédérale de trancher une affaire de nouveau et d'en venir à des conclusions différentes de celles auxquelles la commission est arrivée. La Section d'appel des réfugiés permettrait une nouvelle interprétation des faits et des documents qui pourraient intervenir notamment sur des questions de conclusion de faits erronés et de crédibilité.

Il existe également des recours distincts ayant des buts différents telle la demande de résidence permanente pour des motifs d'ordre humanitaire et un examen des risques avant renvoi. En premier lieu, il importe de noter que ce ne sont pas des recours à l'encontre de la décision de la commission; ils ne remettent pas en cause les décisions de la commission. De plus, l'examen est limité à des éléments nouveaux et différents survenus depuis la décision de la commission. On ne peut donc aucunement réparer une erreur qui aurait pu être commise par un commissaire ni vérifier les mérites d'un cas particulier en utilisant l'un ou l'autre de ces recours.

De plus, un grand avantage de la Section d'appel des réfugiés est qu'elle développerait une expertise que la Cour fédérale ne possède pas en matière de détermination du statut de réfugié. Une jurisprudence pourrait être établie assurant ainsi une uniformisation, une cohérence de la jurisprudence dans l'analyse des faits et dans l'interprétation des concepts juridiques en cette matière. Ceci constituerait certes une amélioration de la justice, un avancement au niveau du droit. On pourrait même envisager qu'en constituant un corpus jurisprudentiel, en donnant des balises et de la rigueur au processus, les décisions des premiers décideurs pourraient être plus rapidement décidées et mieux fondées et il pourrait s'ensuivre une diminution des dossiers à la Section d'appel des réfugiés et peut-être même à la Cour fédérale puisque les demandeurs pourraient être moins tentés d'y recourir.

En conclusion, le Barreau du Québec croit que la procédure d'appel est fondamentale puisqu'elle est la seule procédure qui permettrait une modification de la décision sur le fond pour les demandeurs de statut de réfugié déboutés. Les enjeux sont trop importants pour qu'une seule personne décide de leur sort.

De plus, cette section assurerait une cohérence jurisprudentielle en cette matière. Le Barreau du Québec exhorte donc le Sénat de recommander le plus rapidement possible l'adoption du projet de loi.

Je vous remercie de votre attention et nous sommes disponibles pour répondre à vos questions.

[Traduction]

La présidente : Nous nous tournons maintenant vers l'Association du Barreau canadien. Si jamais le Barreau du Québec a abordé certains points que vous vouliez soulever, vous pourriez y faire allusion, puis passer à d'autres points essentiels que vous désirez faire valoir. Cela nous laissera du temps pour poser des questions.

Kerri Froc, analyste des politiques juridiques, Association du Barreau canadien : L'Association du Barreau canadien, l'ABC, est heureuse de comparaître devant votre comité aujourd'hui pour parler du projet de loi C-280, qui vise l'entrée en vigueur des dispositions législatives relatives à la Section d'appel des réfugiés. Nous vous avions transmis au préalable notre mémoire. Comme vous pouvez le constater à la lecture de notre mémoire, l'ABC prône depuis un certain temps la mise en œuvre de la Section d'appel des réfugiés.

L'Association du Barreau canadien est une association nationale qui compte environ 38 000 membres de partout au pays. L'organisation a pour principal objectif l'amélioration du droit et de l'administration de la justice. C'est dans cette optique que nous avons rédigé notre mémoire et que nous formulons nos observations aujourd'hui. Je demanderai à M. Matas, membre de la Section du droit de l'immigration et de la citoyenneté et ancien président, d'aborder certaines des questions de fond du projet de loi.

David Matas, membre, Section du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien : Je vous remercie de nous avoir invités. J'ai écouté les exposés précédents et j'ai lu le compte rendu de la dernière réunion du comité. À mes yeux, on a négligé un élément clé du débat. Le gros de la discussion que j'ai entendue a porté sur les droits des réfugiés. C'est un aspect très important, évidemment. Toutefois, l'enjeu n'est pas uniquement les droits des réfugiés. C'est aussi les droits des Canadiens — de tous les Canadiens — les droits du Parlement, les droits du Sénat, vos droits et les droits des personnes autour de la table. La loi a déjà été adoptée, une loi que vous ou vos collègues avez approuvée. Ce qu'il faut déterminer, c'est si on peut utiliser le pouvoir de promulgation pour modifier la signification de la loi.

Selon moi, c'est une violation des droits fondamentaux des Canadiens que de contrecarrer la volonté du Parlement et la volonté des sénateurs, quand ceux-ci ont approuvé une loi. Ici, le pouvoir de décider de l'entrée en vigueur de la loi en modifie le sens. C'est indépendant du contenu du présent projet de loi. Les membres du Barreau croient dans les droits des réfugiés et souscrivent à tous les arguments entendus à propos de ces droits. Toutefois, la question n'est pas de déterminer, pour la première fois, s'il devrait exister ou non un mécanisme d'appel pour les réfugiés. Vous avez déjà pris une décision à cet égard. Le Parlement a déjà pris une décision à ce sujet. Ce qu'il convient de déterminer, c'est si le gouvernement, par le pouvoir de promulgation, peut changer cette décision. Assurément, je dirais qu'il ne le devrait pas.

Tout d'abord, je souligne que le mécanisme d'appel faisait partie intégrante de la mesure législative. Toutes les déclarations du gouvernement qui ont conduit à la mesure législative établissaient un lien entre la réduction du nombre de commissaires de deux à un et le mécanisme d'appel. Les deux éléments allaient de pair. Chaque fois que le gouvernement faisait une déclaration au sujet de cette loi et qu'il disait que le nombre de commissaires passerait de deux à un, il ajoutait « et il y aura un processus d'appel ».

Par exemple, en mars 2001, le gouvernement a déclaré que, pour que toute décision prise sur une demande de statut de réfugié soit cohérente et équitable, une section de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pourrait procéder à un examen écrit fondé sur le mérite. Lorsque le projet de loi a été présenté à la Chambre des communes, le gouvernement a fait le même genre de déclarations. Il a dit que, en regroupant plusieurs étapes sous le pouvoir de décision unique de la CISR et en combinant l'utilisation accrue de groupes spéciaux à membre unique au processus d'appel interne par écrit fondé sur le mérite, le projet de loi ferait en sorte que les demandes du statut de réfugié puissent faire l'objet de décisions plus rapides et plus équitables.

Quand le projet de loi a été approuvé et qu'il y a eu une entrée en vigueur partielle des dispositions, les ministres n'ont pas dit qu'ils avaient changé d'idée à propos de l'appel. Ils ont seulement affirmé qu'ils mettraient en vigueur le mécanisme d'appel plus tard, car ils devaient s'occuper, pour l'instant, de l'arriéré. La gestion de Jean-Guy Fleury, quand il était à la tête de la Commission, a essentiellement remédié à l'arriéré, ainsi que la création de l'Entente sur les tiers pays sûrs. Celle-ci soulève d'autres questions, mais elle a contribué à régler l'arriéré. Désormais, nous avons un nouvel arriéré qui est dû au défaut de nommer des commissaires, mais nous pourrions facilement l'éliminer si nous nommions suffisamment de commissaires et si nous appliquions le type de pratiques de gestion que M. Fleury a instaurées.

Comme je l'ai dit, le problème ne réside pas seulement dans le bien-fondé de l'appel. Je ne suis au courant d'aucune autre mesure législative au Canada qui ait reçu le même traitement, c'est-à-dire dont le gouvernement ait modifié la signification en utilisant le pouvoir de promulgation.

Cela me rappelle un peu quelque chose que j'ai vu aux États-Unis. Là-bas, il y a des droits de veto, ce qui, pourrait- on dire, est le pendant ou l'inverse du pouvoir de promulgation. Dans certains États, il y a un pouvoir de veto par article et un pouvoir de veto par mot. J'ai vu dans au moins un État un cas où un gouverneur a opposé son veto à différents mots d'un projet de loi, ce qui en a complètement changé le sens.

Approuvez-vous cela? Êtes-vous prêts à accepter cela? Dans quelle mesure êtes-vous disposés à laisser le pouvoir de promulgation modifier le sens de ce que vous avez déjà avalisé?

Il me semble que c'est cela l'enjeu fondamental ici. La loi a été adoptée à juste titre. Je pense qu'elle est pleine de bon sens. Toutes les déclarations sur la Section d'appel des réfugiés que j'ai entendues de la part du Conseil canadien pour les réfugiés, d'Amnistie internationale Canada et du Barreau du Québec sont tout à fait judicieuses.

Vous n'avez pas à reconsidérer une décision que vous avez déjà prise. Ce qu'il vous faut déterminer, c'est si vous allez abandonner les pouvoirs que vous êtes censés avoir concernant l'adoption d'une loi et si vous allez laisser le gouvernement changer la signification de cette loi à l'aide de son pouvoir de promulgation.

La présidente : Je vais amorcer les questions. En termes simples, vous dites que le gouvernement contrecarre la volonté du Parlement.

Le sénateur Banks a présenté à quelques reprises un projet de loi qui prévoit que, si les projets de loi ne sont pas appliqués et mis en vigueur, on les raye du recueil de lois du pays. Le délai est de dix ans. Je vais demander à notre recherchiste et à la greffière de trouver le projet de loi.

Ce n'est pas la seule mesure législative qui comporte des parties qui n'ont pas été mises en vigueur. Je serais curieuse de connaître la jurisprudence sur laquelle vous vous fondez, monsieur Matas. Ce serait intéressant pour nous lorsque nous étudions le projet de loi du sénateur Banks, qui est entre les mains d'un comité en ce moment.

Vos arguments d'aujourd'hui pourraient avoir une résonance ailleurs aussi. Le sénateur Banks a fait valoir que de nombreux projets de loi ont été adoptés par le Parlement, mais n'ont pas été promulgués, en tout ou en partie. Vous dites que c'est inhabituel, en quelque sorte. Vos observations s'appliquent-elles à tous les projets de loi?

M. Matas : Je dis que c'est inhabituel parce que, en l'occurrence, vous avez un système intégré. Il arrive que des projets de loi n'entrent jamais en vigueur dans leur totalité parce qu'ils sont composés de différentes mesures sans plan d'ensemble. Toutefois, dans ce cas-ci, il s'agit d'un système où les deux éléments étaient liés.

Essentiellement, les auteurs de la mesure législative sur l'immigration avaient dit que nous allions réduire la qualité des décisions au premier niveau parce qu'il y aurait un appel. Au lieu de deux personnes, il y en aurait une, parce qu'il y aurait un processus d'appel. Je n'ai jamais rien vu de tel avant. Je mets le sénateur Banks ou quiconque au défi de me trouver un cas semblable où nous avons un ensemble de mesures qu'on désassemble par la suite au moyen du pouvoir de promulgation.

La présidente : Nous continuerons d'examiner ce point quand nous évaluerons où l'autre projet de loi en est.

Le sénateur Di Nino : Pour poursuivre sur ce sujet, je voudrais dire qu'il y a de nombreux exemples. Je pense que nous pourrions probablement vous en faire part, si vous le souhaitez. Je ne crois pas que ce soit une question dont nous avons besoin de débattre, car le projet de loi a été créé pour cette raison.

Monsieur Matas, c'est un outil qui a servi de temps à autre au fil des ans. Vous êtes d'accord pour dire que, évidemment, le gouvernement a ce droit, n'est-ce pas?

M. Matas : Je ne suis pas d'accord pour dire que le gouvernement a le droit de modifier une loi par proclamation. C'est le Parlement, sous l'égide de la Constitution, qui décide ce que devrait être une loi, pas le gouvernement.

Autant que je sache, le gouvernement a toujours dit, dans le cas qui nous occupe, qu'il allait retarder le moment de la proclamation. Il n'a jamais déclaré qu'il ne promulguerait jamais la loi. La question est de savoir à quel moment le retard est non plus indéfini, mais infini.

Le sénateur Di Nino : Je ne suis pas certain que le gouvernement ait affirmé qu'il ne promulguerait pas cette loi. Je ne suis pas sûr qu'il n'ait jamais fait cette déclaration. Cela dit, je ne sais pas si c'est une convention ou une loi qui accorde au gouvernement ce privilège, ce droit, dont il s'est déjà prévalu à maintes reprises.

Je ne suis pas avocat, mais on a donné à entendre que, dans la mesure où la loi est édictée, elle s'applique à toutes les personnes qui ont essuyé un refus depuis qu'elle a été approuvée en 2001. Est-ce là une juste vision des choses?

M. Matas : Habituellement, la loi est affaire de présent. Une loi n'est pas considérée comme rétroactive à moins de comporter une disposition particulière à ce sujet. Selon l'interprétation habituelle, la loi est considérée comme ayant cours à compter du jour où elle est édictée. La loi ne s'appliquerait pas aux cas antérieurs.

Le gouvernement a le pouvoir de réglementer, y compris le pouvoir de réglementer pour adopter un règlement sur les dispositions transitoires. Il a déjà usé de ce pouvoir. La loi comporte des dispositions transitoires, mais le règlement, qui est simplement adopté par le Cabinet, en comporte aussi.

Si le gouvernement ne souhaite pas adopter un règlement, j'imagine que la façon d'interpréter la chose consisterait à dire que la loi prend effet le jour où elle entre en vigueur. Cependant, pour éviter toute confusion, le gouvernement devrait adopter des dispositions transitoires d'ordre réglementaire pour régler la question.

Mitchell Goldberg, membre du Comité en droit de l'immigration et de la citoyenneté, Barreau du Québec : Je suis tout à fait d'accord avec M. Matas. J'ajouterais ceci : j'espère que le Sénat se souciera d'abord de protéger les droits des réfugiés injustement déboutés et de corriger les erreurs ainsi faites, comme les autres groupes ont pu le dire. Chaque jour, un autre demandeur peut être injustement débouté. Il faut s'attacher à cela plutôt que d'essayer de voir qui d'autre pourrait profiter de la chose.

Je crois que M. Matas a fait une observation qui est juste, mais j'inviterais vivement le Sénat à se concentrer sur l'idée d'agir le plus rapidement possible pour empêcher de futures injustices.

Le sénateur Di Nino : Madame Dagenais, je cherche à comprendre quelque chose. Si le projet de loi était adopté, tout demandeur auquel on a refusé d'accorder le statut de réfugié pourrait alors présenter de nouveau une demande à la SAR, c'est bien cela? Quiconque a été débouté pourrait présenter une demande.

[Français]

M. Beauchemin : C'est exact. La question, c'est de véritablement donner au demandeur du statut de réfugié un véritable droit d'appel. Je pense que ce que Me Dagenais vous a dit au début dans sa présentation, c'est que cette façon de fonctionner, en créant cette section d'appel, permettrait de bonifier le système. Parce qu'on pourra ainsi créer une jurisprudence qui sera utile aux décideurs de première instance.

Il y aura donc plus de cohérence dans les décisions et il y aura un système amélioré, de sorte qu'il sera plus facile pour les décideurs de première ligne de rendre des décisions. Ils pourront le faire de façon plus rapide parce qu'ils auront, d'une certaine façon, une jurisprudence à suivre. De la même façon, les recours à la cour fédérale seront diminués et on sauvera beaucoup d'énergie.

Il est vrai que tous les demandeurs refusés pourront aller devant la section d'appel; cependant, il y aura une force d'entraînement vers un système de meilleure qualité et qui sera amélioré dans le sens de la prise de décision. Je pense que c'est très important. Aujourd'hui, on voit des incohérences.

Dans une région, ou même chez des commissaires de la même région, on aura un taux de refus énorme à l'égard d'une certaine communauté de demandeurs de statut de réfugié alors que leurs collègues auront au contraire un taux d'acceptation très élevé. Ce sont des incohérences : les demandeurs du statut de réfugié et la population canadienne ne peuvent pas comprendre pourquoi, dans ce système actuel, on arrive à de telles différences dans les décisions prises.

La Section d'appel des réfugiés mise en place permettra de créer une jurisprudence qui pourra amoindrir ces incohérences. Je pense que c'est très important. Cela prendra un certain temps évidemment, mais le système en sera bonifié de sorte que tous en sortiront gagnants en bout de ligne.

[Traduction]

M. Matas : Pour donner suite à cette réponse-là, je dirais que tout le monde pourrait, mais que ce n'est pas tout le monde qui le ferait. J'ai lu la transcription de certains des débats où il est donné à entendre que tout le monde le ferait. De fait, dans l'état actuel des choses, n'importe qui peut se tourner vers la Cour fédérale, mais ce n'est pas tout le monde qui le fait. Si vous vous adressez à la Cour fédérale, cela vous permet de demeurer au Canada. Même si c'est vrai, ce n'est pas tout le monde qui le fait. De fait, c'est une minorité qui s'adresse à la Cour fédérale. Laisser entendre que la simple existence d'une possibilité d'appel ferait que tout le monde s'en prévaudrait est tout simplement sans fondement.

Le sénateur Di Nino : Je crois que vous parlez d'un examen de la documentation, les documents qui sont présentés. Je soupçonne que ce serait la plupart des gens.

M. Matas : C'est comme ça que la démarche est lancée à la Cour fédérale, lorsqu'il y a une requête en autorisation. C'est simplement un examen de la documentation qui est effectué.

Le sénateur Di Nino : Nous n'allons pas contester ce point-là; je n'ai pas le temps. Le président m'interromprait. Or, je dois poser une autre question à Mme Dagenais.

Si le projet de loi est adopté, croyez-vous qu'il nous faudrait préserver les deux autres options offertes aux réfugiés qui sont une fois de plus déboutés? Nous faudrait-il conserver l'évaluation d'examen des risques avant renvoi et la possibilité de présenter au ministre une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire, sinon croyez-vous qu'il nous faudrait écarter les deux autres étapes dans la mesure où le demandeur a déjà essuyé deux refus?

[Français]

Mme Dagenais : Il est évident que ce sont différents processus, tel qu'on l'a déjà exprimé. Mais je crois que M. Goldberg a plus de détails en ce qui a trait aux différents processus.

[Traduction]

M. Goldberg : Pour répondre à votre question, il faut mettre en oeuvre la loi. La loi porte sur la Section d'appel des réfugiés. Corrigez-moi si je me trompe, mais nous ne sommes pas là aujourd'hui pour discuter de l'opportunité d'examiner la Section d'appel des réfugiés en entier, la disposition touchant les considérations d'ordre humanitaire et l'examen des risques avant renvoi. Nous sommes là aujourd'hui pour décider — et je tiens cela pour absurde — s'il y a lieu, oui ou non, de mettre la loi en vigueur de nouveau.

Je suis avocat dans le secteur privé depuis 18 ans. Je peux vous dire que vous ne saurez pas à quel commissaire vous avez affaire avant d'entrer dans la salle d'audience et de le voir arriver lui-même. Souvent, vous savez dès ce moment- là, avant même que l'audience ne commence, si la demande de votre client sera acceptée; il y a une telle indifférence d'un décideur à l'autre. La situation a empiré lorsque la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est entrée en vigueur; c'est-à-dire au moment où nous sommes passés de deux commissaires à un seul. C'est comme cela tous les jours. Comme vous pouvez l'imaginer, les gens dont le sort se joue sont terrifiés, sachant que cette personne devant eux scellera leur sort. Certaines des personnes en question peuvent être renvoyées là où elles seront torturées. Je sais que vous avez déjà entendu cette histoire, mais imaginez ce que peuvent vivre les gens qui arrivent dans cette salle. C'est pourquoi les témoins qui sont venus comparaître vous disent : mettez en place sans tarder la Section d'appel des réfugiés. C'est absolument fondamental.

Le président : Je suis avocat. Avant, nous parlions du petit déjeuner du juge pour dire comment les choses allaient tourner. Je ne sais pas comment on appelle cela de nos jours dans les facultés de droit. Par exemple, si vous apprenez que c'est un certain juge en droit criminel ou constitutionnel qui se penchera sur votre cause, étant donné que vous connaissez son bilan, vous dites que vos chances viennent de diminuer gravement. En quoi l'immigration est-elle différente, par rapport aux autres domaines où siège ainsi un juge ou un commissaire dont vous pouvez jauger les penchants, qu'il penche à gauche ou à droite, ou les tendances idéologiques ou pratico-pratiques qu'il a affichées? Qu'y a-t-il d'unique?

Le sénateur Di Nino : Qui peut dire qui a raison dans l'absolu?

[Français]

M. Beauchemin : Cependant, lorsqu'on se présente devant un juge en première instance, on a habituellement, dans notre système judiciaire, un droit d'appel. Et il y a quelqu'un qui, nous le souhaitons, sera plus sage et pourra rouvrir le dossier. Je pense que c'est exactement ce que la Section d'appel des réfugiés aura comme mandat.

Pour compléter la réponse de M. Goldberg à la question du sénateur Di Nino, j'aimerais ajouter que l'examen des risques avant renvoi n'est pas de la même nature. Et lorsque la Section d'appel des réfugiés sera mise en force, elle ne pourra pas examiner de faits nouveaux. Ce sera une étude sur dossier tel que nous l'avons dit. Elle ne pourra pas examiner de faits nouveaux qui auraient pu survenir soit dans la situation du pays d'où provient la personne ou parce que la personne a maintenant accès à une preuve qu'elle n'avait pas au moment de son audition en première instance.

Ce système doit donc être maintenu pour donner à la personne, avant son renvoi du Canada, l'occasion de présenter ces faits nouveaux, surtout s'ils sont déterminants sur sa sécurité ou sa liberté. La question de la demande de résidence pour motifs humanitaires est une autre considération. Il arrive que des gens s'installent au Canada, ils ont peut-être une conjointe canadienne ou des enfants, durant la période où ils sont ici, et cela crée effectivement, pour poursuivre les objectifs de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, entre autres la réunification de la famille, la possibilité de déposer une demande de résidence, mais pour tout autre type de considération.

Les risques à la vie seront examinés sérieusement par la Section d'appel des réfugiés et, éventuellement, par l'évaluation des risques avant renvoi si des faits nouveaux surviennent. Je pense que cela doit rester en place. Mais comme le disait M. Goldberg, on n'est pas là pour décider des autres amendements à apporter à la Loi sur l'immigration ou d'une autre façon de bonifier la loi, mais la Section d'appel des réfugiés examinera les faits, la crédibilité.

Et vous savez, le juge de première instance dont vous parliez tantôt pourrait avoir un préjugé à l'égard de quelqu'un — c'est un être humain comme les autres; un autre décideur pourrait avoir, sur les mêmes faits, une autre appréciation de la crédibilité de la personne qui parlait et je pense que c'est un des rôles de la Section d'appel des réfugiés que vous allez mettre en place.

Cela va bonifier le système et fera en sorte que les droits de la personne seront davantage respectés.

[Traduction]

Le sénateur Di Nino : Il y a toute une somme de témoignages qui nous invitent à croire que, du fait de l'arrérage, nous commettons de fait une injustice envers les réfugiés qui attendent. Or, l'étape envisagée ne ferait qu'ajouter à l'attente. Je comprends l'avis que vous me donnez, mais si nous essayons de faire en sorte que justice soit faite, en quoi l'ajout d'un autre processus de longue durée peut-il se justifier?

M. Matas : Les gens qui attendent une décision après avoir invoqué des motifs d'ordre humanitaire ne demeurent pas au Canada. Cela a occasionné de nombreux problèmes. De fait, le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre des communes a produit un rapport là-dessus la semaine dernière. Il sait que, dans le cas des demandes de conjoint, la personne devrait pouvoir rester le temps que la décision soit rendue.

Je ne crois pas que l'Association du Barreau canadien ait pris position sur la question de l'examen des risques avant renvoi. Si Mme Froc m'autorise à le faire, je vais donner mon avis personnel sur la question. Au lieu de l'examen des risques avant renvoi, il faudrait redonner à la commission la compétence pour entendre l'affaire. Il s'agit d'un changement de circonstances. D'ailleurs, à un moment donné, la commission pouvait se pencher sur une telle question. M. Showler aura peut-être quelque chose à ajouter à cela sous peu, pendant son témoignage.

Certainement, je suis d'accord avec M. Goldberg. Il ne faut pas chercher à repenser le système entier : ce n'est pas le moment ni l'endroit. Il s'agit de mettre en œuvre une chose qui a déjà été légiférée.

[Français]

Mme Dagenais : On parle des arriérés des dossiers, mais on a entendu précédemment qu'il y a plusieurs postes de commissaires vacants. En même temps, avec la Section d'appel des réfugiés, il faut encore rappeler que cela peut créer une jurisprudence qui peut faire en sorte que les dossiers traités par les commissaires aient un certain corpus jurisprudentiel qui pourrait en même temps améliorer les délais au niveau des arrérages.

[Traduction]

Le sénateur Poy : Si la SAR est mise en place, comme j'espère que ce sera le cas, combien de commissaires se pencheront sur les documents originaux — un ou deux?

M. Goldberg : Je suis tout à fait certain que se sera une seule personne installée dans un bureau central, quelque part au Canada, qui se chargera de l'examen documentaire de la décision.

Le sénateur Poy : Ce ne sera pas le même commissaire?

M. Goldberg : Non. Il y aurait une Section d'appel des réfugiés spécialisée qui se distinguerait de la Division de la protection des réfugiés à l'origine de la décision.

M. Matas : Autant que je puisse voir, le texte de loi ne tranche pas cette question-là. Dans les autres sections de la commission, ce sont les règles qui ont déterminé le nombre de personnes appelées à trancher. Dans les autres sections, c'était habituellement une personne qui est chargée de l'affaire, mais il peut y en avoir jusqu'à trois, selon la complexité de l'affaire en cause. Je présume que, dans le cas qui nous occupe, ce serait quelque chose de semblable qui s'appliquerait. La règle serait probablement la suivante : habituellement, c'est une personne, mais, dans une affaire complexe, ça peut être trois personnes qui interviennent.

Le sénateur Poy : Qui décide si c'est une, deux ou trois personnes?

M. Matas : À l'heure actuelle, il appartient en théorie au directeur de la section de déterminer la composition du groupe.

Le sénateur Poy : Y aura-t-il une commission distincte dont les membres seraient nommés par le gouvernement? Cela ne donnera-t-il pas le même problème qu'en ce moment du côté de la Commission de protection des réfugiés, en raison de la baisse?

M. Matas : La loi pourrait être proclamée, et personne ne serait nommé, ce que faisait valoir Mme Dench. Le gouvernement doit prendre des moyens pour que la loi fonctionne. Le seul recours au législateur ne peut faire fonctionner le système.

Le sénateur Poy : C'est ma dixième année au Sénat, et je ne comprends pas pourquoi une loi adoptée par le Parlement n'est pas en vigueur, sinon en partie seulement. Comme on l'a dit plus tôt, il y a des éléments de la loi qui sont en vigueur, mais d'autres ne le sont pas. À mes yeux, cela n'a aucun sens.

M. Matas : À mes yeux aussi.

Le sénateur Munson : Y a-t-il le risque que des personnes soient nommées à la Section d'appel des réfugiés pour des motifs politiques plutôt que pour leur compétence?

M. Matas : Le processus de nomination suscite lui aussi une grande controverse, qui ne date pas d'hier. C'était controversé à l'époque où Judy Sgro était ministre; le processus de nomination a été refondu. Le gouvernement en place aujourd'hui n'appréciait pas le processus de nomination; il l'a examiné. Un conseil consultatif a été structuré en application du processus précédent, et tous les membres ont démissionné. Qui sait quelle forme cela va prendre à l'avenir?

Je crois qu'il nous faut des nominations de qualité et un système qui permet d'en arriver là. Voilà une autre facette opérationnelle qui est importante pour que le système fonctionne.

Vous avez affaire à des gens qui arrivent d'un autre pays et dont la culture et le mode de conduite se distinguent très nettement des nôtres. La tendance chez les gens qui connaissent mal l'expérience des réfugiés consiste à transposer l'expérience canadienne à l'étranger et à croire que là-bas les choses sont comme elles sont ici, ce qui conduit à une idée fausse des dangers réels qui pèsent sur les réfugiés. C'est une autre facette opérationnelle du travail avec laquelle le gouvernement doit composer au moment de mettre en œuvre cette loi.

Le sénateur Munson : Pendant ma carrière de journaliste, j'ai posé beaucoup de questions. En tant que sénateur, je dois poser beaucoup de questions aussi, mais la différence réside dans le fait que, avec l'occupation que j'ai aujourd'hui, je dois prendre une décision. Dans le système politique, nous subissons des pressions et nous nous faisons dire : Vous devez faire ceci ou cela. Eh bien, non, je ne le fais pas. Je suis un individu au Sénat et je peux prendre ma décision de manière autonome.

Cela m'a frappé lorsque vous avez dit qu'il s'agit des droits de tous, monsieur Matas. Vous avez parlé du pouvoir de proclamation. Pendant les années où j'ai couvert les activités au Parlement, je ne crois pas avoir vu une seule manchette où il était dit que le gouvernement abusait du pouvoir de proclamation pour éliminer un droit qui appartient à tout le monde. Autrement dit, il y a une filière législative avec un point de départ. Un projet de loi est présenté à la Chambre des communes, où il est adopté. Puis, il nous est envoyé à nous, et nous aussi, nous l'adoptons. Voici donc que, dans le cas qui nous occupe, nous apprenons qu'il n'est pas adopté parce qu'il n'a pas été proclamé. C'est une question qu'il vaut la peine d'étudier. Nous sommes tous contraints de nous pencher de nouveau sur la question.

Comment contourner ce problème? Faut-il éliminer le pouvoir de proclamation ou l'autoriser seulement dans le cas d'une crise constitutionnelle quelconque?

M. Matas : La façon de contourner le problème, dans ce cas, c'est d'adopter le projet de loi. En effet, en adoptant le projet de loi dans le contexte dont il est question, vous éliminez la possibilité pour le gouvernement de recourir au pouvoir de proclamation.

Les deux éléments étant liés — la réduction du nombre de commissaires, de deux à un, et la création d'un appel —, on peut se demander légitimement si le Parlement aurait adopté ce texte de loi s'il avait été présenté différemment, par exemple s'il prévoyait faire passer le nombre de commissaires de deux à un sans toutefois prévoir d'appel. On peut même se demander si le gouvernement aurait même présenté le projet de loi à l'époque s'il avait été question de cela.

J'y vois pour moi-même non seulement une forme d'abus des droits des réfugiés, mais aussi des droits du Parlement. Le Parlement dispose d'une façon de faire valoir ses propres droits. Cette façon-là, c'est d'adopter le texte de loi.

Le sénateur Munson : Le Barreau du Québec a-t-il une position sur ce que M. Matas vient de déclarer à propos de la proclamation?

[Français]

M. Beauchemin : On ne peut qu'être d'accord avec ce qu'il a dit. Il serait intéressant de revenir aux travaux qui avaient précédé l'adoption de la loi à l'époque. D'immenses consultations avaient été menées. Une association d'avocats du Québec qui travaille en droit de l'immigration était partie à cela et chacun souhaitait qu'il y ait une section d'appel. C'était les groupes qui ont plaidé en faveur de cela. D'une certaine façon, dans leurs représentations, ils ont accepté qu'on passe de deux décideurs à un décideur parce qu'on allait mettre en place une section d'appel. C'est ainsi qu'il y a eu une espèce d'unanimité qui s'est créée autour du projet de loi à l'époque.

Quand Me Matas parlait des droits de la population, donc des droits du Parlement, il s'agit aussi des droits de ceux qui ont fait des représentations au Parlement à l'époque et qui ont négocié, d'une certaine façon, avec les parlementaires avant l'adoption de ce projet de loi et qui se sont fait dire de quelle façon on allait concilier les intérêts des uns et des autres alors qu'on modifiait le système de décision en réduisant le nombre de décideurs de deux à un. Cela aussi c'est important. On ne peut pas être en désaccord avec ce que disait Me Matas sur les droits du Parlement et de la population.

[Traduction]

Le président : Je veux donner suite à plusieurs des points qui ont été soulevés. Ce qui est arrivé en rapport avec les projets de loi du Sénateur Banks pourrait nous être utile. Je vous demande d'envisager cela. Les projets de loi du Sénateur Banks sont restés en plan, étant donné les élections et, aussi, la prorogation. Il y a eu des témoignages sur la proclamation. Nous devrions essayer de voir si ce serait utile. Je demande aux sénateurs de me signifier leur accord.

Les dispositions dont nous parlons portent sur les appels. Monsieur Beauchemin, vous avez eu raison de dire que cela a été négocié en cours de route pour que nous en arrivions au point où nous en sommes en rapport avec ce projet de loi. La chose a été qualifiée d'appel limité, mais je dirais pour moi-même que c'est un appel bureaucratique. Nous devons établir une section qui siégera avec un commissaire, sinon trois, d'après la lecture que j'en fais, à la Section d'appel, et nous regarderons les éléments de preuve essentiels. Mes années d'expérience me disent que le document que vous présentez au tribunal est utile. Il met la table, mais c'est l'interaction entre le juge et les avocats qui présentent la cause — autrement dit, l'expression du point de vue opposé et la contre-preuve — qui représente l'élément déterminant en justice.

Si nous mettons sur pied le système massif dont il est question, je ne suis pas sûr que ce sera une personne à Ottawa qui sera chargée de l'examen. Je crois que ce sera plus compliqué que cela. Ne tenez-vous pas à ce que ce soit un appel digne de ce nom? Les bons rouages seront mis en place. On se demande pourquoi il n'y aurait pas un appel en bonne et due forme comme le public conçoit, je crois, la notion d'appel.

M. Matas : Je voudrais corriger une réponse donnée précédemment. Il y a dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés une disposition qui traite de la taille de la commission. L'article 163 prévoit ce qui suit :

Les affaires sont tenues devant un seul commissaire sauf si, exception faite de la Section de l'immigration, le président estime nécessaire de constituer un tribunal de trois commissaires.

Le président : Je demande aux sénateurs et aux témoins de se reporter à l'alinéa 171c), qui précise :

La décision du tribunal constitué de trois commissaires a la même valeur de précédent pour le tribunal constitué d'un commissaire unique et la Section de protection des réfugiés que celle d'une cour d'appel a pour une cour de première instance.

Si je comprends cet article-là, c'est un ou trois commissaires.

M. Matas : Je répondrai comme M. Goldberg l'a fait plus tôt. Si nous remanions la loi, il y a peut-être des modifications que nous voudrions apporter. Ce n'est pas ça qui est en cause en ce moment.

S'il y a un appel, il peut y avoir une audience. Cependant, l'audience n'est pas confiée à une section d'appel. Un des pouvoirs conférés à une section d'appel, c'est celui qui consiste à ordonner une nouvelle audience, mais l'audience revient à la Section d'appel des réfugiés. Ce n'est pas comme si on était privé de la possibilité d'une nouvelle audience. C'est seulement que les personnes appelées à déterminer s'il y a une audience ne seront pas celles qui instruisent l'affaire.

[Français]

Mme Dagenais : L'argument principal en ce moment est qu'il faut que la disposition soit mise en vigueur. On ne peut attendre d'autres amendements.

[Traduction]

M. Goldberg : Je suis tout à fait d'accord avec vous, et les personnes présentes ici aujourd'hui seraient nombreuses à l'être aussi : nous préférerions une audition orale à l'appel et la possibilité de présenter de nouveaux éléments de preuve. Par contre, nous parlons ici de ce qui se trouve dans la loi et de l'idée de respecter la volonté du Parlement. Comme on le sait, faute de grive ou mange du merle. Contentons-nous du merle, et cela sauvera la vie de nombreuses personnes dans la mesure où la loi est mise en œuvre en temps opportun.

M. Matas : Je me souviens que ce débat a eu lieu au moment où le projet de loi a été adopté. Le gouvernement a choisi l'examen sur le dossier en raison des délais de traitement qu'il comporte. Il croyait que cela donnerait un examen plus rapide que l'audition orale. C'est la considération qui a été retenue à ce moment-là. Nous pouvons en débattre, mais le fait est que cela a déjà été débattu et décidé.

[Français]

Le sénateur Dallaire : La question soulevée par le sénateur Di Nino en est une que je vois comme s'insérant dans le contexte des droits de la personne. Je m'explique. L'argument était lié au fait que si on ajoute un autre élément d'appel, on alourdira le processus, ce qui ralentira les choses pour ceux qui sont en attente. Toutefois, n'y a-t-il pas une disposition en matière de droits de la personne ou dans l'application de la loi, selon laquelle une personne qui se trouve déjà en attente dans le système, ait une révision de son dossier et préséance sur une nouvelle personne? Dans ce cas, l'argument voulant que l'on soit déjà débordé ne serait pas valable pour éviter d'appliquer cet élément du projet de loi. L'inefficacité du département ne doit pas constituer un élément pour s'opposer à l'application de ce que je considère un aspect fondamental. La personne se sent lésée, alors qu'elle se trouve déjà dans le système. Par conséquent, celle-ci devrait avoir préséance sur une autre personne qui tente d'entrer dans le système.

M. Goldberg : Le fait que plusieurs réfugiés sont présentement en attente prolongée de leur audience ne constitue pas une excuse. C'est le choix du gouvernement actuel que de ne pas nommer un plein complément de commissaires. À la CSR, il existe un taux de vacance de 36 p. 100. Il y a donc 36 p. 100 moins de commissaires qu'il devrait y en avoir.

Sénateur Dallaire, je me souviens que vous ayez dit, « qui se veut, se peut ».

Si le gouvernement avait la volonté politique aujourd'hui de nommer un plein complément de commissaires, alors que les fonds sont déjà alloués dans les budgets et que plusieurs personnes qualifiées ont posé leur candidature, il n'y aurait aucun arrérage dans le système de revendication des réfugiés. Le fait de dire simplement qu'il y a trop d'arrérages, par conséquent on ne peut accorder à ces personnes leurs droits fondamentaux, est tout à fait inacceptable.

[Traduction]

M. Matas : C'est tout à fait juste. Le débat sur l'arrérage est un faux débat, étant donné qu'il s'agit d'un arrérage artificiel dû au fait qu'on n'ait pas nommé de membres à la commission. Le système n'aurait pas d'arrérage autrement. Il y a un budget prévu pour cela. Les chiffres sont prévus dans la loi. Le système en place peut fonctionner sans qu'il y ait un arrérage. L'arrérage a été créé artificiellement du fait qu'on a négligé de nommer les membres à la commission.

Un débat sur la manière de gérer l'arrérage serait mal venu. Le débat devrait viser à déterminer pourquoi il n'y a pas de nouveaux membres qui ont été nommés à la commission.

Le sénateur Dallaire : Je voulais savoir si ces gens-là ont préséance.

M. Matas : J'accepte votre remarque, mais le problème qui consiste à déterminer qui devrait passer en premier disparaîtrait s'il n'y avait pas cette situation.

Le sénateur Dallaire : Depuis quand ces nominations doivent-elles être faites? Lorsque le gouvernement précédent était en place, tous les postes de commissaires étaient-ils comblés? Je ne crois pas.

M. Matas : Ils n'étaient pas comblés à 100 p. 100. Aujourd'hui, on est presque à 50 p. 100 ou à 36 p. 100.

Le sénateur Dallaire : Que les postes ne soient pas comblés à 100 p. 100 représente un problème.

Le sénateur Di Nino : Avez-vous dit 36 p. 100?

M. Goldberg : Je crois que oui.

Le sénateur Di Nino : Je crois que cette réponse n'est pas la bonne.

M. Goldberg : Je crois qu'un responsable du Conseil du Trésor vous a dit que le taux de vacance était de 36 p. 100.

Le sénateur Di Nino : Voilà qui est mieux.

Le président : Je crois que nous en sommes rendus à la fin du tour de questions et du temps prévu pour la réunion. Je tiens à remercier tous les participants. Vous nous avez donné des points de vue nouveaux et avez soulevé des questions nouvelles. En tant que comité sénatorial, nous allons continuer à faire notre travail, qui consiste à étudier le projet de loi et à déterminer, une fois tous les témoignages entendus, ce que nous devrions faire : adopter le projet de loi, ne pas l'adopter ou le modifier. Comme le sénateur Munson l'a souligné, il se trouve maintenant dans cette situation enviable : il doit prendre cette décision-là. Sans aucun doute, nous allons l'accompagner. Merci de nous avoir aidé à cerner les problèmes. Merci de votre expertise et de vos avis.

Honorables sénateurs, le dernier groupe que nous accueillons ce soir compte deux personnes qui témoignent à titre personnel, soit le professeur Stephen Gallagher, de l'Université McGill, et le professeur Peter Showler, de l'Université d'Ottawa.

Stephen Gallagher, chargé de cours, Département des sciences politiques, Université McGill, à titre personnel : Merci de l'occasion que vous me donnez de venir vous parler aujourd'hui de cette question importante que représente la réforme du système de détermination du statut de réfugié du Canada.

Permettez-moi de faire d'abord une déclaration de base, soit que le projet de loi C-280 ne devrait pas être adopté, car la SAR aurait peu d'utilité — si tant est qu'elle en aurait — du point de vue de la protection des réfugiés au sens international du terme. Cependant, elle renforcera les éléments qui incitent déjà à abuser du système canadien de protection des réfugiés.

Toute réforme apportée au système de protection des réfugiés devrait concilier l'obligation internationale qu'a le Canada d'accorder sa protection aux personnes qui fuient la persécution, d'une part, et la responsabilité qu'a le gouvernement de gérer efficacement les migrations irrégulières. Plus particulièrement, le système de protection des réfugiés au Canada ne devrait pas se constituer en système d'immigration parallèle. Il devrait comporter des caractéristiques qui dissuadent les cas d'abus. Il ne devrait pas encourager ce que l'on appelle dans d'autres pays l'immigration illégale.

Les raisons en sont les coûts et l'intégrité des politiques.

Pour ce qui est des coûts, il faut respecter ces obligations internationales, mais dans la mesure où la politique va plus loin encore, les dépenses que cela fait engager devraient être pondérées en regard à d'autres usages. Je ferais valoir que la politique de protection des réfugiés au pays va beaucoup plus loin que cela et mine l'autre politique. L'établissement d'une SAR servira à renforcer la situation.

Quant à l'intégrité des politiques, nous demandons à nos fonctionnaires d'administrer ce qui revient essentiellement à une politique de « pieds mouillés ou pieds secs » face à la migration irrégulière. Les conséquences pour l'intégrité et le moral de la fonction publique sont à la fois prévisibles et profondes. L'établissement de la SAR sert à renforcer cette réalité-là.

Pour en revenir à la question des coûts, le système canadien ne comporte aucune transparence. Combien le système coûte-t-il? J'ai vu certains chiffres, et d'autres encore m'ont été proposés, mais au bout du compte, le coût d'un système qui a eu pour effet de régulariser le statut de centaines de milliers de personnes depuis 20 ans reste inconnu. Un examen des taux de détermination, des pays d'origine et des résultats le fait voir clairement : le système canadien de protection des réfugiés est plus généreux que ce qui se trouve partout ailleurs.

Quant à la rigueur et à l'intégrité des politiques, il n'y en a pas. Nos administrateurs publics, nos responsables d'ambassade et nos agents d'immigration sont tous très conscients de la situation, qu'ils vivent d'ailleurs tous les jours : si une personne de quelque nationalité que ce soit arrive au Canada, le système de protection des réfugiés lui accorde d'office un droit de séjour prolongé avec accès à toute une série d'avantages financés à même les deniers publics. De façon prévisible, un système qui encourage la « maximisation de la rente » comporte diverses défaillances.

Quant aux points particuliers qu'il faudrait souligner, premièrement, en l'absence d'une politique qui est visiblement sans fondement, une politique du pays d'origine sûr ou du tiers pays sûr, les demandes sans fondement atteindront inévitablement le stade d'examen par la SAR, ce qui servira simplement à prolonger l'histoire. Deuxièmement, on peut faire valoir que la CISR représente déjà une instance d'appel. Au Canada, un agent de protection des réfugiés peut accélérer le traitement d'une cause jusqu'à une décision favorable aux réfugiés. Environ 20 p. 100 des cas sont traités en accéléré. Aux États-Unis, un « agent d'asile », c'est-à-dire un fonctionnaire, peut accorder l'asile. Si l'agent n'est pas prêt à accorder l'asile à la personne, la demande est confiée à un juge d'immigration, qui entend l'affaire dans le contexte d'une audience sur le renvoi. Autrement dit, on peut faire valoir que la Section de protection des réfugiés de la CISR constitue déjà une instance d'appel, si bien qu'un autre appel sur le fond n'est pas nécessaire. Troisièmement, la création de la SAR, qui ne se penche pas sur de nouvelles informations, met encore de la distance entre la demande et l'examen des risques avant renvoi, ce qui complique ce dernier procédé.

Quatrièmement, si on envisage l'effet de la création de la SAR, il faut prendre en considération les coûts supplémentaires de mesures de soutien que cela suppose. Fait encore plus important, étant donné le retard général que cela occasionnerait, il y aura probablement augmentation du taux de décisions favorables dans le cas des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire, ce qui fera s'accroître encore les dépenses du Canada. Le point central que je souhaite faire valoir, c'est qu'il faut mettre les dépenses à l'égard des cas humanitaires en relation avec les autres dépenses pour les pondérer.

Enfin, l'établissement de la SAR déclenchera probablement une période d'incertitude administrative et entraînera sans doute des appels à l'amnistie générale. Puisque tout l'ensemble du système de protection des réfugiés doit faire l'objet d'une réforme fondamentale, il serait tout indiqué d'entreprendre la mise en œuvre de la SAR dans le cadre d'une bien nécessaire restructuration de fond en comble du système de protection des réfugiés.

Pour conclure, même si le Canada est l'un des pays du monde où il est le plus difficile d'accéder depuis les pays sous- développés, en 2007, le Canada s'est classé quatrième pour le nombre de demandeurs d'asile qu'il a admis. En 2008, il est fort probable que nous nous classions deuxième après les États-Unis. J'avancerais que ces chiffres sont la conséquence de la structure, des activités et des résultats de l'ensemble du système de protection des réfugiés au Canada. En fait, aucun autre pays ne songerait à mettre en place un système dont on peut abuser de façon aussi transparente. L'ajout de la SAR apportera probablement bien peu, voire rien du tout, aux personnes qui tentent d'échapper à la persécution, mais il renforcera les caractéristiques structurelles du système d'application de la politique canadienne de protection des réfugiés qui soutiennent et facilitent l'abus.

Peter Showler, directeur, Forum sur les personnes réfugiées, Centre de recherche et d'enseignement sur les droits de la personne, Université d'Ottawa, à titre personnel : Merci de m'avoir invité à témoigner. Je commencerai par déclarer que je m'oppose profondément à presque tout ce que vous avez entendu de monsieur Gallagher. Toutefois, nous ne sommes pas ici pour débattre des mérites du système. Si vous souhaitez poser des questions, je suis bien disposé à y répondre.

Premièrement, je veux dire que je porterai trois différents chapeaux au cours de mon témoignage ce soir. Je parlerai à titre d'ancien président de la CISR, à l'époque où la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, portant création de la Section d'appel des réfugiés a été mise en application. Vous pouvez poser des questions à ce sujet, et je peux rétablir l'exactitude de certains des commentaires formulés plus tôt. Si vous aimeriez comprendre la nature de la Section d'appel des réfugiés, je me ferai un plaisir de vous l'expliquer.

Deuxièmement, je veux témoigner à titre d'ancien membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. J'ai entendu des revendications du statut de réfugié pendant six ans. J'en ai entendu des centaines, lorsque je siégeais seul et lorsque je siégeais à un tribunal de deux commissaires. Je peux vous éclairer en ce qui concerne la différence entre un tribunal à un commissaire et un tribunal à deux commissaires.

Enfin, depuis 2002, j'ai travaillé dans le milieu universitaire et j'ai comparé le système canadien de protection des réfugiés à d'autres systèmes du monde, tant dans les pays industrialisés que dans les pays en développement. Si vous le souhaitez, je suis prêt à parler de ce sujet aussi.

Je vous ai déjà distribué des notes, qui sont longues et d'ordre techniques. Bien sûr, je ne les parcourrai pas en détail. Je croyais que je pourrais faire un bref survol de cinq points. Ces points sont principalement des précisions ou des explications relatives aux allocutions des témoins du gouvernement que vous avez reçus il y a deux semaines. Sur certains plans, ils sont raison; sur d'autres, il faut certainement apporter des précisions. Je parlerai de cela. Je serai concis, autant que je le peux, et je ne répéterai pas ce que d'autres témoins vous ont mentionné avant moi.

Le premier point concerne les décisions rendues par un seul commissaire. M. Graham vous a dit que la différence entre une décision rendue par deux commissaires et une décision rendue par un commissaire est minime. Il a fait cette affirmation pour deux raisons. Tout d'abord, comme moins de 1 p. 100 des décisions de la Commission relataient l'avis d'un membre dissident, les tribunaux à deux commissaires rendaient donc toujours des décisions unanimes. Deuxièmement, il vous a dit que, durant l'année qui précédait la nouvelle loi — c'est-à-dire en 2001 —, 58 p. 100 des décisions de la Commission ont été rendues par un seul commissaire.

À la lumière de ces deux faits, il a tiré la conclusion qu'il n'y a pas vraiment de différence entre un tribunal composé d'un commissaire et un tribunal composé de deux commissaires. Les deux faits sont exacts, mais sa conclusion, malheureusement, ne l'est pas.

Je vais vous expliquer brièvement pourquoi. Même si environ 1 p. 100 seulement des décisions de la Commission ne sont pas unanimes, les décisions rendues par un tribunal composé de deux commissaires en désaccord sont beaucoup plus nombreuses. Si, à la conclusion de l'audience, on arrive à une décision positive unanime, il n'est pas nécessaire de rédiger par écrit les motifs de la décision. Toutefois, s'il y a dissidence, chacun des deux commissaires est tenu d'exposer par écrit les motifs de sa décision. Cette activité, perçue comme étant laborieuse et difficile, n'influe d'aucune façon sur la décision finale, car on présume que la décision positive l'emporte lorsqu'il y a dissidence. La situation est donc la suivante : beaucoup de travail est créé pour le commissaire et son collègue alors qu'aucun résultat tangible n'en découle. Par conséquent, toute différence d'opinion entre les membres renvoie à une importante question de principe. La conclusion selon laquelle, un taux de dissidence de seulement 1 p. 100 signifie que les commissaires sont toujours du même avis est erronée.

Néanmoins, il est encore plus important de comprendre que, lorsque deux commissaires rendent une décision unanime, on présume qu'ils sont parvenus à cette conclusion par deux cheminements parallèles et distincts. Ce n'est pas ainsi que deux commissaires rendent une décision. Il s'agit d'un travail d'équipe. Les commissaires discutent avant l'audience. Ils discutent des questions et des éléments de preuve; ils se consultent et s'entraident. Lorsqu'une décision unanime est rendue au bout du compte, c'est le fruit d'une collaboration entre deux esprits plutôt que de la conclusion d'un seul.

L'importance de ce point prend toute son ampleur avec l'arrivée de nouveaux commissaires. Il était présumé qu'un commissaire devait acquérir une expérience d'environ six mois pour prendre pleine possession de ses moyens, alors les nouveaux commissaires étaient jumelés avec des commissaires chevronnés qui faisaient office de mentors.

Deuxièmement, compte tenu du processus de nomination, il existait malheureusement une importante minorité de commissaires plus ou moins compétents qui rendaient constamment des décisions inappropriées et inexactes. Dans leur cas, il était très important qu'ils collaborent avec un autre commissaire. Vous comprendrez bien maintenant ce que signifie le processus de décision par un seul commissaire. Le commissaire siège seul dans une pièce, sans profiter d'une aide autre que, dans certains cas, celle d'un agent de protection des réfugiés, pour rendre ses décisions. C'est pourquoi j'ai souvent dit qu'il ne fait aucun doute dans mon esprit que les décisions rendues par un seul commissaire sont davantage susceptibles d'être entachées d'erreurs.

Lorsqu'on a rédigé la loi, c'est moi qui ai dit au Comité permanent de la Chambre et aussi au Comité sénatorial, qui était présidé par le sénateur Kirby à l'époque, que les l'intégration de décisions rendues par un seul membre, bien qu'elles soient davantage susceptibles d'être entachées d'erreurs, augmentent néanmoins l'efficience et l'équité du système, en raison de l'existence de la Section d'appel des réfugiés. Vous pourrez me demander plus tard en quoi cela consiste.

J'aimerais rétablir l'exactitude de deux ou trois déclarations formulées par les témoins du gouvernement. Le prochain point touche le contrôle judiciaire. On a déjà expliqué en quoi le contrôle judiciaire diffère d'une décision de la Section d'appel des réfugiés, mais la principale raison est la suivante : devant la Cour fédérale, il faut déposer une demande d'autorisation. On vous a dit que l'autorisation est accordée dans seulement 10 p. 100 des cas. En fait, au cours des cinq dernières années, ce taux oscillait entre 9 et 17 p. 100. Nous parlons habituellement d'une moyenne de 12 ou 13 p. 100. Cela signifie que 88 p. 100 des demandeurs n'obtiennent pas l'autorisation.

Le vrai problème réside dans le fait que, lorsqu'on rend une décision relative à l'autorisation, on ne fournit aucune raison. Le tribunal ne donne aucune explication, donc nous ne savons pas pourquoi il a rejeté la demande.

Le centre pour lequel je travaille entreprend une étude de ces décisions relatives à l'autorisation et tente de réaliser une analyse statistique. Nous savons que, dans 40 p. 100 des cas, on n'a pas présenté des éléments de preuve adéquats aux juges. J'ai parlé à de nombreux juges. Ils sont frustrés parce qu'ils doivent rendre une décision relative à l'autorisation sans pouvoir s'appuyer sur une preuve adéquate.

Ma vraie préoccupation à l'égard de la Cour fédérale tient pas au fait qu'il existe une différence entre le contrôle judiciaire et l'appel, mais la vraie question concerne le processus de tri qui écarte beaucoup de demandes qui peuvent être tout à fait fondées, et il est impossible de savoir combien de demandes valides sont rejetées.

L'autre question touche l'examen des risques avant renvoi. M. Graham vous a dit que, en fait, compte tenu de l'admissibilité de nouveaux éléments de preuve, ce processus était au moins aussi favorable qu'un appel. J'espère que vous avez entendu les témoins précédents. Ce n'est pas un appel, car on n'examine pas les anciens éléments de preuve. On ne consulte pas la décision antérieure rendue par la Commission. On se penche seulement sur les nouveaux éléments de preuve. L'ERAR a été conçu comme dernier recours après la Section d'appel des réfugiés. La Section d'appel des réfugiés déterminerait si la CISR a rendu la bonne décision. Si la CISR s'est trompée, on peut renverser la décision à l'aide de l'ERAR ou l'invalider ou, si de nouveaux éléments de preuve sont nécessaires, la renvoyer. L'ERAR a été conçu pour déterminer si, au bout du compte, le renvoi d'une personne l'exposait à un nouveau risque. C'est un processus entièrement différent, et il ne fonctionne pas de la même façon.

S'il y a une critique à formuler à l'égard du système, elle concerne la décision de première instance. Après cela, le revendicateur a recours au processus d'autorisation de la Cour fédérale pour le contrôle judiciaire, à l'ERAR et à l'examen des motifs d'ordre humanitaire, mais aucune de ces mesures ne fait office d'appel. La vraie critique que suscitent ces processus tient au fait qu'ils ne remplacent pas un appel et qu'ils sont extrêmement longs.

Je mentionne la question du temps parce que vous avez entendu tous les témoins du gouvernement dire à plusieurs reprises que la Section d'appel des réfugiés ajoute une nouvelle couche au processus qui se traduit par une extension de trois à cinq mois. La durée et les retards posent déjà problème.

Dans les documents que je vous ai distribués, j'ai en fait expliqué les cinq étapes du processus de la revendication du statut de réfugié et j'ai fourni des chiffres. Je ne le passerai pas en revue maintenant, mais je vous signale que c'est un aspect sur lequel je crois que M. Gallagher et moi sommes du même avis. À ma connaissance, aucun système de protection des réfugiés au monde, y compris ceux de tous les pays industrialisés, n'établit la durée du processus de revendication du statut de réfugié. Par « durée », j'entends la période entre la date à laquelle la demande est déposée et la date du renvoi. Toutefois, c'est cette date qui importe. Si l'on tient vraiment à décourager les fausses revendications du statut de réfugié qui ne sont manifestement pas fondées, la solution réside dans un traitement rapide.

Le gouvernement canadien n'est pas mieux ni pire que bien d'autres sur ce plan, mais il existe toutes sortes de lacunes dans le processus de revendication du statut de réfugié que le gouvernement ne reconnaît pas. C'est pourquoi je vous ai expliqué les étapes.

Comme vous l'a expliqué un autre témoin, après la décision de la Cour fédérale, l'étape de l'ERAR dure neuf mois. Elle ne vous a pas dit quand commence l'étape de l'ERAR. Je peux vous préciser qu'elle commence au moment où l'agent de l'ERAR envoie un avis, et qu'il peut s'écouler un, deux ou trois ans entre la fin du processus de la Cour fédérale et le moment où cet avis est envoyé. Cette période de neuf mois commence à l'envoi de l'avis. Elle comporte des points morts.

Si vous avez prêté attention au témoignage de la représentante de l'Agence des services frontaliers du Canada, vous vous souvenez que le processus de renvoi dure deux ans et demi. Si l'on soustrait neuf mois d'une période de deux ans et demi, ou 30 mois, il reste 21 mois de temps perdu qui n'est pas reconnu ni enregistré et qui ne peut faire l'objet d'un suivi durant le processus. Voilà le problème principal et flagrant.

J'avance que l'on pourrait probablement éliminer ces deux années du processus de revendication au moyen d'un engagement ferme à accroître les ressources et à améliorer l'efficience des renvois durant cette étape.

Vous pouvez me poser davantage de questions à ce sujet, mais je voulais parler du délai. C'est avec désarroi que j'entends des membres du gouvernement parler de l'inquiétude majeure que leur cause l'ajout de cette période de quatre ou cinq mois. On a ajouté du temps sur de nombreux plans, mais on n'en tien tout simplement pas compte. C'est un grave problème.

Lorsqu'on a conçu la Section d'appel des réfugiés, c'était non seulement pour ajouter une mesure visant à favoriser l'équité, chose importante en soi, mais aussi pour accomplir une autre tâche. Cette tâche visait deux objectifs. Premièrement, aider la Section de la protection des réfugiés, la première instance, à rendre des décisions de meilleure qualité et plus uniformes. Vous pouvez me demander comment cela fonctionne, si vous le désirez. Cet aspect est lié à la question des tribunaux constitués de trois commissaires plutôt que d'un seul, à la Section d'appel des réfugiés.

Je peux vous parler du deuxième objectif car, quoique je ne veuille divulguer le contenu de documents confidentiels du Cabinet, j'ai participé directement à tous les débats et à toutes les discussions stratégiques qui s'articulaient autour de la façon dont la SAR peut fonctionner et des raisons pour lesquelles elle peut fonctionner. Soit dit en passant, l'un des points sur lequel mon collègue a tort concerne l'absence de processus accéléré propres aux agents d'immigration. Cette mesure est réservée à la Commission. C'est une fonction de la Commission; elle n'existe pas à l'extérieur de la Commission.

Lors de ces discussions, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, le ministre et tout le reste du monde comprenaient que des erreurs pouvaient se glisser en première instance, car il est difficile de rendre une décision relative au statut de réfugié. À titre de commissaire, je peux faire une erreur, et il en va de même pour tout le monde, surtout si je siège à titre de commissaire unique. Le plus grand problème survient lorsque des commissaires plus ou moins compétents font beaucoup plus d'erreurs.

Le problème est le suivant : si vous voulez renvoyer quelqu'un, la première décision doit faire l'objet d'un contrôle. Cette nécessité n'est pas seulement une question d'équité. Si vous voulez renvoyer quelqu'un en toute confiance, vous avez intérêt à vous assurer que la première décision était la bonne. Voilà l'intérêt de la Section d'appel des réfugiés. Cela voulait dire que, malheureusement, vous ne pouviez pas éviter la Cour fédérale. Sous le régime de la common law — je crois que chaque avocat dans la pièce comprendra —, on peut limiter le contrôle judiciaire, mais on ne peut pas l'éviter.

Avec la SAR, le juge de la Cour fédérale, à l'étape de l'autorisation, disposerait non seulement de la décision de la CISR, assortie ou non des observations du conseil, mais aussi d'une seconde décision; et si la Section d'appel des réfugiés a bien fait son travail, cette décision se résume à une déclaration claire et concise expliquant pourquoi le premier commissaire avait raison. Le bien-fondé de l'établissement de ce mécanisme tient au fait que, dans ces circonstances, les revendications dont l'issue n'était pas favorable pouvaient cheminer assez rapidement dans le processus tout en étant traitées soigneusement. Ainsi, la cour pouvait rendre des décisions éclairées relativement à l'autorisation.

Les seuls cas qui auraient pu se rendre à la Cour fédérale pour faire l'objet d'un contrôle judiciaire complet étaient ceux où entraient en jeu des questions complexes liées au droit ou à la preuve qui nécessitaient vraiment qu'on les examine à la lumière de la jurisprudence. C'était pareil pour les agents de l'ERAR. L'idée, c'est qu'ils auraient seulement à se préoccuper des nouveaux risques. Ils n'avaient pas à s'inquiéter du caractère confus d'un cas.

Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Di Nino : Bienvenue à nos témoins. Vos avis divergent, ce qui est bon; cela nous fait de réfléchir. Merci.

Monsieur Showler, votre exposé était empreint de passion. Nous tenons en estime votre connaissance et votre compréhension de cette question. Vous comprenez beaucoup mieux que moi, sans aucun doute, et, probablement, que la plupart d'entre nous.

Pourquoi les cinq derniers ministres de l'Immigration nous ont-ils conseillés de ne pas mettre en œuvre la disposition relative à la Section d'appel des réfugiés, du moins, pas pour l'instant? Personne n'a affirmé qu'il ne le ferait pas.

M. Showler : En fait, certains l'ont dit. Certains sous-ministres l'ont sûrement affirmé. La ministre Sgro a signalé qu'on voulait réformer le système au complet.

Demandez-moi si la façon dont fonctionne actuellement la Section d'appel des réfugiés est la meilleure, et je vous répondrai que non. Il existe de meilleurs systèmes. J'accueillerais bien un débat et un changement à cet égard.

Toutefois, il faut se rendre à l'évidence que nous vivons dans le pire des deux mondes. Je crois que des erreurs sont faites par des commissaires seuls et qu'elles ne sont pas rétablies par le système. Le ministre Coderre, premier à reporter l'établissement de la Section d'appel des réfugiés, a clairement affirmé que le report ne durerait qu'un an, le temps qu'on règle le problème de l'arriéré. J'étais président à l'époque.

Ce qui m'inquiète, c'est que des erreurs sont commises dans le système. Elles coûtent cher en temps et en argent et sont la source d'innombrables souffrances. Ce n'est pas seulement une question de retard. Un projet est actuellement en place pour les cas de refuge dans les lieux de culte et les revendicateurs déboutés qu'on a perdus dans le dédale du système. Beaucoup d'entre eux ont de la famille à l'étranger. Ils font désormais face à trois, quatre ou cinq ans de séparation de leur famille. Certains d'entre eux ne peuvent même pas retourner. En même temps, la famille est là-bas. L'incertitude est accablante.

Bien sûr, si vous voulez réformer le système, ce serait fantastique; mais rien n'est arrivé. Six années se sont écoulées. On ne voit toujours pas poindre à l'horizon ces réformes importantes du système. Pendant que nous continuons d'hésiter, la souffrance persiste. C'est ce qui m'inquiète.

Si je témoigne aujourd'hui, c'est parce que je veux vous donner de l'information. Toutefois, je serais ravi qu'on entreprenne une analyse approfondie du sujet du système. En ce sens, M. Gallagher et moi sommes peut-être d'accord. Mon idéal, c'est une bonne décision, une deuxième bonne décision, puis un renvoi immédiat. Malheureusement, nous ne disposons pas d'un tel système. Une décision d'assez bonne qualité est rendue. Soit dit en passant, le système canadien est le seul au monde à rendre une décision quasi-judiciaire au premier palier. La première décision est d'assez bonne qualité, mais par la suite, nous n'avons aucun moyen de repérer les erreurs.

L'autre problème, c'est qu'il faut attendre la fin des temps avant que les choses aboutissent. Je lance au ministère de l'Immigration le défi de préciser exactement le délai pour tout le processus. Nous parlons d'années. C'est un gaspillage des ressources.

Le sénateur Di Nino : Vous n'avez toujours pas répondu à ma question.

M. Showler : La réponse, c'est de demander à ces ministres.

Le sénateur Di Nino : Cinq ministres — trois libéraux et deux conservateurs —ont dit que nous n'avions pas besoin d'appliquer cette disposition pour l'instant. De toute évidence, ils ne sont pas de votre avis; je ne leur ai pas demandé. Ils sont soit inconscients, soit ignorants des faits.

M. Showler : Je ne dirais pas cela. Ils ne sont peut-être pas conscients des difficultés que soulève la prise de décisions relatives au statut de réfugié, et peut-être qu'ils ne se rendent pas tout à fait compte. Ils sont au sommet d'une énorme pyramide, et leur situation n'est pas facile. C'est pourquoi vous avez entendu le témoignage des représentants d'Amnistie internationale — ceux qui observent les résultats et le tort causé par l'absence d'un contrôle efficace des premières décisions rendues par un commissaire.

Le sénateur Di Nino : Si nous adoptions ce projet de loi, aurions-nous toujours besoin de l'examen des risques avant renvoi?

M. Showler : Si le processus d'appel de la SAR et le renvoi qui en découle sont rapides, vous n'en avez pas besoin. La loi conçue à l'origine — et on a retiré cette disposition — prévoyait la possibilité de renvoyer une personne immédiatement, dans les trois mois, sans recourir à l'examen des risques avant renvoi. Il y avait une échéance de trois mois. C'est la chose la plus raisonnable du monde, selon moi.

M. Gallagher : En revanche, il faut savoir que, lorsqu'on a retiré cette disposition, on a dû faire face à environ 45 000 revendications en 2001. Le gouvernement craignait que ce chiffre n'atteigne 55 000 ou plus.

Dans une certaine mesure, la question est de déterminer si un tribunal, un conseil indépendant, peut gérer un flux de demandes élevé et accomplir ce que d'autres pays accomplissent en six mois? Voilà un problème que n'a pas résolu le Canada. Depuis le début, la CISR n'est jamais parvenue à finir son travail en moins d'un an. Cela fait 20 ans.

Le sénateur Di Nino : Ce n'est pas le débat.

M. Showler : D'autres systèmes rendent des décisions immédiates à l'étape initiale grâce à différents types d'agents d'immigration; les décisions sont d'ordre administratif. Toutefois, chacun de ces pays — la Belgique, la Hollande, l'Allemagne et la France — effectue un processus d'examen complexe.

Vous venez d'apprendre qu'aux États-unis, la charge de travail de la commission des appels en matière d'immigration s'élève à 165 000 cas. Ce chiffre atteignait autrefois 365 000. En fait, le système américain ne fonctionne pas très bien non plus. Le gouvernement a du mal à déterminer comment, une fois que les réfugiés sont admis dans le système, mener le processus à terme. Ils n'ont pas réussi à ce chapitre.

M. Gallagher : Aux États-Unis, la loi prescrit une limite de six mois, et elle est atteinte dans 90 p. 100 des cas. On a établi la méthode du dernier entré, premier sorti. En d'autres mots, l'arriéré est énorme, mais ce problème existe depuis longtemps, et ces personnes sont intégrées peu à peu, j'imagine. Au bout du compte, les demandes des personnes qui arrivent sont traitées très rapidement.

Si le système des États-Unis était le même que celui du Canada, recevraient-ils 50 000 demandes par année? Cette année, le Canada devrait recevoir environ 35 000 demandes; les États-Unis, 50 000.

M. Showler : Il y a deux ans, ils en ont reçu 86 000. Ce que M. Gallagher ne vous dit pas, c'est que cela se limite au niveau des juges à l'immigration. Il ne vous parle pas de toutes les autres étapes.

Je mets tous les décideurs au défi. La vraie question consiste à savoir quand les demandes sont présentées et, en cas de refus, quand les demandeurs déboutés sont expulsés. Le bilan des États-Unis à cet égard est atroce. Ils n'y parviennent pas. Après les juges de l'immigration, il y a deux autres niveaux d'examen, plus la Cour fédérale.

Vous pouvez me croire : aucun pays développé ne fait du bon travail à ce sujet à l'heure actuelle.

Le sénateur Di Nino : Je croyais que l'expression « vous pouvez me croire » était réservée aux politiciens.

La SAR constitue un processus d'appel. L'article 73 de la loi, qui n'est pas entré en vigueur, donnerait le droit d'appel au ministre aussi. Croyez-vous que le ministre devrait faire entrer cette disposition en vigueur si la SAR était approuvée?

M. Showler : Oui. M. Graham a dit qu'elle pouvait entrer en vigueur au même moment. Rien n'empêche le gouvernement de le faire.

Je crois que c'est très utile. Il peut arriver que le ministre souhaite porter certaines décisions en appel. J'ai mentionné plus tôt le tribunal de trois commissaires. Je dois préciser, en ce qui concerne l'appel par les réfugiés, qu'il s'agit d'une section de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Ce n'est pas un processus administratif, mais bien un processus quasi judiciaire. Les membres seront nommés par le Cabinet. Les commissaires seront chargés d'étudier des documents, mais ils entendront aussi des plaidoyers. Ce n'est pas parce que le processus consistera essentiellement à examiner des documents que les avocats ne pourront pas venir défendre les intérêts de leurs clients devant les commissaires. Cela se produira. Par contre, aucune nouvelle preuve ne pourra être présentée, parce que, comme l'a dit M. Matas, il faut tenir compte du facteur temps.

S'il était possible de présenter de nouvelles preuves, il faudrait répéter tout le processus et les demandes seraient mises en attente pendant 14 autres mois. Cela a été jugé inacceptable.

Ce que la Section d'appel des réfugiés peut faire, surtout si le ministre porte une décision en appel, c'est nommer un tribunal de trois commissaires au lieu d'un seul. Pas deux : c'est un commissaire ou trois. Un tribunal de trois commissaires fait les choses de façon beaucoup plus formelle; leurs décisions sont exhaustives et exécutoires pour la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Cela permet au ministre de clarifier la situation de certains pays et d'établir une jurisprudence exécutoire. La Cour fédérale n'offre pas cela. En fin de compte, cela accélère le processus et améliore la qualité des décisions.

La présidente : Juste pour préciser, vous avez dit que les avocats pouvaient comparaître pour défendre leur cause. D'autres témoins nous ont dit qu'ils ne feraient qu'examiner des documents.

M. Showler : C'est parce qu'ils n'ont pas compris le processus. Je suis désolé.

La présidente : Comme la Section d'appel des réfugiés n'a pas été mise sur pied, nous ne savons pas exactement quelles seront les règles. On peut présumer qu'elle aura ses règles internes.

M. Showler : Une ébauche des règles a été rédigée. Le processus de mise en œuvre devait se dérouler jusqu'en avril, mais à la dernière minute, le ministre a décidé de remettre le tout à plus tard. La Section d'appel des réfugiés devait être une section de la Commission.

La présidente : Il se peut qu'une ébauche des règles existe quelque part, mais elles ne font pas partie du projet de loi. Nous ne savons pas en quoi elles consisteront.

En lisant l'article 110, on comprend que la section d'appel examinerait les dossiers et pourrait accepter des demandes écrites. Aucune mention n'est faite des comparutions. Vous comprenez donc que les avocats pourraient présenter des requêtes en personne?

M. Showler : Oui. Un autre article de la loi s'applique aux quatre sections de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. C'est dans cet article que se trouve le pouvoir de tenir des audiences. Malheureusement, la Loi sur l'immigration et le statut de réfugié ne contient aucune disposition qui explique clairement comment fonctionne la Section d'appel des réfugiés, mais il y a une disposition commune.

La présidente : Cela me porte à croire que les gens souhaiteraient comparaître devant les commissaires pour faire valoir leurs arguments. Il y aurait donc des comparutions, puisque c'est la meilleure façon de présenter son argumentation.

M. Showler : Oui, mais pas de témoins.

La présidente : Les avocats seraient présents.

M. Showler : Oui.

La présidente : Cela me fait penser aux cours d'appel et aux dispositions touchant la détermination de la peine.

Le sénateur Dallaire : Monsieur Gallagher, vous me semblez être une personne très pragmatique en ce qui a trait à l'incidence d'un processus d'attribution des ressources et à la vulnérabilité du système. À mon avis, vos commentaires sur les politiques contradictoires sont des plus appropriés.

Dans le cadre de votre étude, avez-vous eu une idée de l'impact de la mise en œuvre de la SAR sur le plan des coûts, des délais, du processus et des frais causés par le passage plus long des gens dans le système? Avez-vous un pressentiment à propos de cela compte tenu des autres données dont vous disposez?

M. Gallagher : À mon avis, tout bon système doit comprendre une procédure d'appel. On n'a qu'à regarder le Système européen commun d'asile, le système harmonisé que les européens sont en train d'établir. Ce système comprend une première instance, une procédure d'appel, un examen judiciaire; tout y est. Je crois que c'est le modèle que nous devrons adopter.

Le problème avec la SAR, c'est qu'elle va s'insérer dans un système qui est mal organisé, qui permet toutes sortes de manœuvres de contournement, qui est extrêmement complexe et dont on peut abuser. En fin de compte, ce n'est pas l'importance d'une procédure d'appel qui pose problème, c'est plutôt l'intégration de la SAR au système actuel. Si on veut mettre en place la SAR — et je crois qu'il nous faut une procédure d'appel —, alors il faut repartir à neuf.

En ce qui a trait aux coûts de la SAR, prolonger le processus de cinq mois nous placerait bien au-delà de tout ce que les autres pays font en matière de protection des réfugiés. Au Royaume-Uni, l'objectif est de mener à bien en six mois 60 p. 100 des cas d'appel en première instance. C'est la situation actuelle. L'objectif de leur nouveau système est de régler 75 p. 100 des cas en six mois.

Il faut fixer des objectifs temporels. Sinon, des gens vont chercher une ouverture. Le système offre des ouvertures, surtout sur le plan de la sélection. Le Canada n'a pas de politique efficace sur les revendications manifestement non fondées, ni sur les pays d'origine sûrs, ni sur les tiers pays sûrs. Le système est ouvert à tous ceux qui veulent venir au Canada pour y commencer une nouvelle vie.

Le sénateur Dallaire : J'aimerais placer les choses dans leur contexte. Il est intéressant de noter que cette loi a été édictée en 2001, l'année des événements du 11 septembre. La situation internationale est beaucoup plus complexe et ambiguë, compte tenu de la désintégration de certains pays. Il y a beaucoup plus d'émigrants éventuels qui veulent trouver refuge dans un pays stable, libéral et démocratique. La demande est plus forte, mais des sommes considérables ont été investies dans le renforcement de la sécurité afin d'empêcher les gens d'entrer illégalement au pays.

Je reviens à ce que vous avez dit à propos des coûts et du pragmatisme. Sept ans ont passé. Qui sait combien de temps il a fallu pour échafauder le projet de loi initial. Je ne sais pas. Je crois que la demande avait été faite en 1985.

M. Gallagher : Il y a tout un processus décisionnel qui comprend des analyses des données, un examen et un livre blanc.

Le sénateur Dallaire : Cela fait donc plus de 20 ans de tractations. La loi date de 2001, et huit ans plus tard, il n'y a pas de réforme majeure à l'horizon. On veut faire des changements, mais pas de réforme majeure.

Je veux bien qu'on parle de l'assise financière, mais il y a tout de même des êtres humains qui auraient besoin des services que la SAR offrirait.

N'y a-t-il pas une absence de lien entre la responsabilité humaine en matière d'équité et les coûts? Comme aucune réforme majeure n'est annoncée, ne serait-il pas responsable et utile de rendre le processus aussi équitable que possible?

M. Gallagher : D'une part, le processus équitable doit être complètement repensé. D'autre part, on souhaite établir à court terme une procédure d'appel. À mon avis, cela ajoute un grain de sable dans l'engrenage.

Le système est tellement lent et si peu de gens sont expulsés, en termes relatifs, qu'il y a peu de risques que des gens qui s'exposent à des persécutions soient expulsés. À l'heure actuelle, ce sont les Mexicains qui présentent le plus de demandes : 7 000 Mexicains ont demandé le statut de réfugié l'an dernier, suivis par les Haïtiens, les Colombiens et les Américains.

Le système canadien prévoit des mesures de contrôle des embarquements qui font en sorte que les gens qui arrivent au Royaume-Uni — les Afghans, les Iraniens, les Zimbabwéens, les Chinois, les Irakiens, par exemple — ne se rendent plus jusqu'au Canada. Essentiellement, le Canada a posé des barrières pour restreindre les déplacements. Habituellement, les immigrants qui réussissent à venir au Canada ne proviennent pas de régions où ils peuvent être persécutés.

En quelque sorte, tant que nous n'aurons pas amélioré notre système pour le rendre plus équitable d'un bout à l'autre, des gens pourront en abuser. C'est ce qui me préoccupe. De toute façon, les demandes des gens qui viennent de pays où ils peuvent être persécutés sont bien souvent traitées en priorité.

Le sénateur Dallaire : Je conviens qu'une réforme est souhaitable, mais qu'il ne faut pas ajouter un problème. Et parmi tout cela, des êtres humains sont coincés dans un processus. Faute de grives on mange des merles, en quelque sorte.

Je le répète, il serait préférable de mettre tout de suite en œuvre la SAR en attendant que les politiciens aient le courage de procéder à une véritable réforme complète.

Cela dit, j'aimerais parler de l'efficacité du processus. Le bilan de la Commission canadienne des droits de la personne était atroce en ce qui concerne l'arriéré, mais la commission a procédé à d'importants changements internes afin d'éliminer l'arriéré. Aujourd'hui, le processus est efficace.

Croyez-vous qu'il serait souhaitable, même si la SAR entrait en vigueur, de procéder à une réforme interne du ministère, ce qui n'a pas été fait parce qu'eux aussi attendent le grand changement?

M. Gallagher : C'est possible. Par le passé, lorsque l'arriéré devenait trop important, il y avait un processus d'élimination de l'arriéré. Dans les années 1980, près de 120 000 personnes ont obtenu le statut de résident permanent en vertu de critères assouplis. Il est très difficile d'expulser des gens qui se trouvent au pays depuis quatre ou cinq ans.

En fait, il n'est pas question d'expulser des gens qui pourraient être persécutés dans leur pays d'origine. Je ne crois pas que cela se produira. Par contre, il y aura davantage de confusion. Il y aura des demandes d'amnistie et plus de poursuites devant les tribunaux. En fin de compte, le système deviendra encore plus incohérent.

Le sénateur Dallaire : Je m'en tiens là pour l'instant.

Le sénateur Poy : Monsieur Showler, vous avez fait partie de la commission et vous avez entendu des revendications de statut de réfugié seul ou avec un autre commissaire. Que se passait-il lorsqu'il y avait un désaccord total entre les deux commissaires?

M. Showler : En cas de désaccord total, il y avait une décision dissidente. Les deux commissaires devaient présenter les raisons pour lesquelles ils acceptaient ou rejetaient la revendication. Toutefois, la revendication était acceptée parce que, à l'époque, la Loi sur l'immigration disposait que, en cas de dissidence, la décision favorable l'emportait. Voilà pourquoi, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, il n'y avait pas de dissidence dans la plupart des cas, à moins qu'une question de principe très grave ne soit en cause.

Le sénateur Poy : En 2001, vous avez participé à la rédaction de la loi.

M. Showler : C'est exact.

Le sénateur Poy : Avez-vous proposé une Section d'appel des réfugiés meilleure que celle qui est prévue dans la loi et que nous essayons de faire mettre en place? On examinera le même document au lieu d'avoir un meilleur système d'appel.

M. Showler : Il est exact que cette révision a été majeure. J'ai proposé un dispositif beaucoup plus étoffé. À l'époque, toutefois, certains ne voulaient avoir aucune Section d'appel des réfugiés. On invoquait des arguments semblables à ceux que vous entendez au sujet du projet de loi à l'étude.

La Section d'appel des réfugiés est l'aboutissement d'un compromis, et ce compromis reposait sur le temps nécessaire pour régler les revendications. C'était le problème. On déplorait qu'il faille en moyenne 14 mois pour régler les revendications à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Il y avait un autre processus qui s'appliquait ensuite. Le gouvernement a dit clairement qu'il ne voulait pas reproduire ce problème et ajouter 14 autres mois.

Le sénateur Poy : En ce qui concerne l'évaluation des risques avant le renvoi, ou ERAR, vous avez dit qu'il faut environ deux ans pour expulser les demandeurs dont la revendication a été rejetée.

M. Showler : Non, c'est un autre témoin qui l'a dit, Mme Kamrer, lorsqu'elle a comparu devant le comité il y a deux semaines. J'ai lu les délibérations, et elle a dit qu'il fallait deux ans et demi pour faire un renvoi. Ce sont les termes qu'elle a employés. C'est une information à laquelle je n'ai pas accès.

Le sénateur Poy : On a dit que cinq mois seraient ajoutés à l'étude des revendications si la Section d'appel des réfugiés était mise en place. Si tel est le cas, et si nous éliminons l'ERAR, il faudra moins de temps, n'est-ce pas?

M. Showler : C'est un fait. On ne peut éviter la requête en autorisation à présenter à la Cour fédérale. Par contre, comme je l'ai dit, si la Section d'appel des réfugiés fait son travail — c'est-à-dire si cette section est en place et fonctionne correctement, avec des commissaires compétents qui peuvent rédiger une décision de quatre ou cinq pages expliquant pourquoi la commission avait raison au départ —, il me semble, puisque j'ai eu affaire assez souvent à la Cour fédérale pour ces questions, que bien des juges hésiteraient moins à refuser la requête en autorisation. Cette requête ne demande que 45 jours. En théorie, on pourrait franchir les étapes de la Cour fédérale et de la requête en moins de deux mois suivant la décision de la Section d'appel. À ce moment-là, plus rien n'empêcherait le renvoi. J'exhorte le gouvernement fédéral à mettre la Section d'appel en place le plus tôt possible.

Le sénateur Poy : Vous avez dit également, à propos de la Section d'appel, que le jugement était rendu par un ou trois commissaires. Quand prend-on la décision sur le nombre de commissaires?

M. Showler : Le vice-président présiderait la Section d'appel. Il aurait le pouvoir de choisir certaines causes, d'habitude celles qui peuvent avoir valeur de jurisprudence. On entendrait le même genre de cause à répétition et on essaierait d'établir une jurisprudence qui lierait la première instance. C'était le but visé.

Le sénateur Poy : D'après votre exposé et vos observations, monsieur Gallagher, considérez-vous que la loi de 2001 laisse à désirer?

M. Gallagher : Oui, parce qu'elle n'a pas donné suite aux recommandations du rapport remis au ministre voulant que la première étape de la détermination soit confiée à des fonctionnaires, ce qui aurait beaucoup accéléré le processus.

Si tel était le cas, on pourrait avoir un appel qui porte sur le fond et qui serait entendu par une section indépendante. La démarche serait rapide, et on n'aurait pas besoin d'ERAR. Lorsque la première étape se déroule devant un tribunal, le processus est long à organiser. Il faut beaucoup de temps. Le Canada n'a pas pu le faire en moins d'un an. Par conséquent, s'il faut un an pour la première instance dans un cadre judiciaire, avec un groupe indépendant, le processus a déjà pris un an avant qu'on n'en arrive au stade de l'appel.

Au Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration, un témoin a évalué le temps nécessaire à cinq mois. Il faut donc ajouter cinq mois. Si la requête en autorisation à la Cour fédérale exige encore un mois, on en est rendu à six mois. Généralement, il faudra une ERAR. Cette évaluation porte sur les nouvelles circonstances qui ont pu se concrétiser avec le temps. Lorsque six mois ont passé, on peut soutenir qu'une ERAR s'impose.

Dans le régime américain, la première étape est confiée à un fonctionnaire. S'il est incapable de rendre une décision, l'affaire est confiée à un juge de l'immigration. Celui-ci tient l'audience sur le droit d'asile dans le contexte d'une audience sur le renvoi. Si la personne en cause n'arrive pas à établir le bien-fondé de sa demande, elle peut être renvoyée, essentiellement. Elle peut faire appel à la commission d'appel de l'immigration de l'État, mais le chiffre que j'ai en main est de six mois. Cela fait, tout est terminé. On peut interjeter appel auprès des tribunaux, mais il n'existe pas d'aide juridique aux États-Unis. C'est en somme une question de ressources. Est-ce qu'on veut vraiment poursuivre? La plupart deviennent des sans-papiers.

M. Showler : La Commission de l'immigration et du statut de réfugié a dit à maintes reprises qu'elle pouvait rendre des décisions en six mois. Le président actuel ne dit pas autre chose. Le reste de la période, entre six et 14 mois, est attribuable à l'arriéré de la commission même. C'est à cause du nombre de causes en attente. Ce nombre a été ramené à 17 000 il y a deux ans. S'il y a un arriéré de 17 000 causes, elle peut rendre les décisions en six mois en moyenne; dans les cas urgents, elle peut le faire en trois mois. Elle a la capacité voulue.

M. Gallagher : Je ne crois pas que, en 20 ans, la commission n'y soit jamais arrivée.

M. Showler : La commission n'a été créée qu'en 1989.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Ma question appelle une simple réponse par oui ou par non. Un réfugié a-t-il jamais besoin d'un avocat pour plaider sa cause? Dans l'affirmative, en nomme-t-on un pour lui ou doit-il s'en trouver un lui- même?

M. Showler : Oui et non. À mon avis, la réponse est que, dans bien des cas, le réfugié a besoin d'un avocat, mais la question est chaudement discutée. Il y a une définition de la notion de réfugié, une définition arrêtée par la loi. C'est juridique. Les problèmes de preuve ne sont pas à négliger. Certaines provinces accordent une aide juridique et d'autres non. Ce n'est pas simplement une question de mauvaise décision ou de décision inexacte par la commission. C'est parfois la faute de l'avocat.

Bien entendu, des consultants peuvent comparaître devant la commission. Le rôle de certains avocats — aussi bien des consultants que des avocats — a été répréhensible. Il ne faut pas oublier que tous les éléments de preuve se trouvent ailleurs, dans un autre pays. Le sénateur Dallaire le comprend fort bien. Tous les faits se sont déroulés ailleurs, dans une certaine région, et il faut essayer de juger de l'exactitude du témoignage. L'audience a lieu ici. Parfois, l'avocat a un rôle indispensable.

La présidente : J'ai des questions rapides à poser aux deux professeurs. La première s'adresse à M. Showler. Dans votre mémoire, vous semblez parler d'erreurs de jugement occasionnelles, ce qui est humain. Toutefois, vous dites que, plus fréquemment, il y a des erreurs chroniques commises par des personnes qui n'ont pas toutes les compétences voulues pour mener les interrogatoires et raisonner ou qui ont des préjugés qui n'ont pas été remis en cause.

La façon de régler ce problème n'est pas d'implanter une section d'appel, mais de veiller à ce que les gens en place soient bien formés. Nous ne destituons pas des juges et ne provoquons pas un appel peut-être seulement à cause de préjugés qui n'ont pas été remis en cause ou de compétences insuffisantes. Le système d'appel ne doit pas servir à pallier le manque de professionnalisme des commissaires. La solution ne serait-elle pas de mettre en place un système de nomination valable? Il me semble que vous devez vouloir des experts qui ont la formation voulue. Il s'agit d'un travail quasi judiciaire. Je suis curieuse. Voulez-vous une section d'appel pour régler un problème d'incompétence? Je m'y perds.

M. Showler : Il y a beaucoup à dire. Comme président, j'ai eu des discussions énergiques avec le gouvernement au sujet de la reconduction du mandat de certains commissaires qui, de l'avis de la commission, ne faisaient pas l'affaire. Ils ont été nommés de nouveau, de toute façon. N'oubliez pas qu'on n'a pas à être avocat pour être nommé à la commission. Environ 35 p. 100 des commissaires sont des avocats. Il arrive que certains des éléments les plus faibles soient des avocats, mais c'est le plus souvent des gens qui ne le sont pas. C'est le système de nomination qui est en place. Il est difficile de le contester, comme tout homme ou femme politique d'expérience le sait et le comprend. La commission dispense une excellente formation, mais certains commissaires ne font pas très bien le travail.

J'ai dit qu'un moyen employé par la commission pour atténuer le préjudice causé par ces membres était de les jumeler avec des commissaires très compétents, et tout l'avantage de cette méthode a maintenant disparu.

Il y a eu une amélioration constante du processus de nomination. Lorsque j'étais commissaire, au début, il était horrible. Il ne se fait plus de nominations scandaleuses. Tous doivent se soumettre à une évaluation fondée sur le mérite. Il y a donc eu amélioration, mais il reste encore des commissaires qui ne sont pas très solides. Je regrette de le dire, car la plupart des commissaires travaillent fort et sont compétents. Je ne veux pas les stigmatiser à cause de quelques commissaires.

Le président : Monsieur Gallagher, vous avez commencé par dire une chose qui me trouble encore. Nous nous fions au système du HCNUR. Il y a des gens qui croupissent dans des camps de réfugiés et qui n'auront probablement jamais la possibilité de retourner chez eux, et ils respectent les règles. Ils restent là année après année. Que pouvons- nous faire pour eux? Comme vous l'avez dit, nous parlons de ceux qui réussissent à venir jusque chez nous. Toutefois, j'ai vu bien des réfugiés accepter le système international et espérer contre tout espoir obtenir une certaine stabilité, une certaine sécurité dans leur vie, et ils sont toujours dans ces camps.

M. Gallagher : La situation est très difficile. L'Australie a adopté à cet égard une position très ferme. Elle a dit que, lorsque des demandeurs d'asile arrivent, elle réduira d'autant le nombre réfugiés des camps qu'elle accepterait. Elle a fixé la limite à 14 000. Si 7 000 demandeurs d'asile arrivent, elle n'acceptera que 7 000 réfugiés des camps.

Le Canada accepte qu'environ 10 000 réfugiés des camps se réinstallent chez lui chaque année. Le gouvernement l'a démenti au fil des ans, mais le Canada pourrait probablement être plus généreux s'il n'était pas aux prises avec un apport lourd de demandeurs d'asile.

À l'époque où nous acceptions un grand nombre d'Indochinois, nous étions très généreux pour le rétablissement des réfugiés, avant la grande vague des demandeurs d'asile. Il y a peut-être là un lien. En tout cas, les Australiens perçoivent ce lien, bien que, par le passé, le Canada ne l'ait pas fait. Du point de vue de l'affectation des ressources, ce n'est pas un système de dépense très transparent.

Je pourrais dire qu'il se dépense environ 500 millions de dollars pour le processus appliqué à l'intérieur du Canada, et je suis sûr que cette estimation reste en deçà de la réalité. Dans le système britannique, on dépense pour un nombre à peu près identique de personnes environ 1,4 milliard de dollars canadiens.

Nous donnons au HCNUR environ 35 millions de dollars pour le travail qu'il accomplit dans les camps. On peut soutenir que, si le Canada n'était pas aux prises avec cet afflux de demandeurs d'asile, le système aurait pu fonctionner. Peut-être pourrions-nous accueillir davantage de réfugiés provenant des camps de différentes régions du monde.

La présidente : Messieurs, vous avez suscité un débat et une profonde réflexion. Nous vous remercions de vos témoignages.

La séance est levée.


Haut de page