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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 7 - Témoignages du 4 juin  2008 - Séance de l'après-midi


BATHURST, NOUVEAU BRUNSWICK, le mercredi 4 juin 2008

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 14 h 9 pour étudier, afin d'en faire rapport de façon ponctuelle, l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la Loi.

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous allons accueillir nos témoins dans quelques instants, mais en attendant, vous avez reçu un communiqué que la vice-présidente et moi-même avons relu et nous nous demandions si nous pouvions l'envoyer aujourd'hui. Ce communiqué rend hommage au juge Bastarache et le remercie pour ses services. Nous aimerions que vous y jetiez un coup d'oeil et que vous nous disiez si cela vous convient.

Voici le texte du communiqué:

Le Comité sénatorial des langues officielles rend hommage au juge Bastarache

Bathurst, le 4 juin 2008 — Les membres du Comité sénatorial des langues officielles ont unanimement salué aujourd'hui la contribution à la culture juridique canadienne de l'honorable juge Michel Bastarache de la Cour suprême du Canada. « Le juge Bastarache était passionnément attaché à la reconnaissance des droits des minorités de langue officielle et son interprétation des lois et ses décisions concernant la protection de ces minorités ont marqué et continueront de marquer la jurisprudence canadienne. Nous lui sommes immensément redevables », a déclaré la présidente du Comité, le sénateur Maria Chaput.

On se souviendra que c'est le juge Bastarache qui a rédigé un arrêt unanime de la Cour suprême décidant que la GRC devra dorénavant fournir des services entièrement bilingues au Nouveau-Brunswick donnant ainsi gain de cause à Marie-Claire Paulin, une francophone de la province qui avait reçu en anglais une contravention pour excès de vitesse. Ce jugement est interprété par les communautés francophones et acadienne comme une victoire majeure qui aura un impact sur l'ensemble du pays. On se doit également de mentionner l'arrêt Beaulac dans lequel le juge Bastarache a établi que les droits linguistiques doivent recevoir une interprétation large et libérale, écartant ainsi l'interprétation restrictive qui avait été donnée à ces droits dans le passé par la Cour suprême.

Le sénateur Champagne:

« Nous les Canadiennes et Canadiens perdons en la personne du juge Bastarache non seulement un éminent juriste, mais un modèle biculturel. Depuis son implication à la Société des Acadiens du Nouveau-Brunswick, dans les années 1970 et tout au long de sa carrière universitaire et à la magistrature, son influence aura profondément fait progresser la promotion des droits linguistiques au pays. Nous lui souhaitons une paisible retraite bien méritée. »

La présidente: Nous allons maintenant procéder.

Le sénateur Murray: Il y a un dernier paragraphe, madame la présidente.

La présidente: Très bien, je termine avec le dernier paragraphe du communiqué qui se lit comme suit:

Le credo du juge Bastarache pourrait se résumer en cet extrait d'un débat intitulé Bâtir une société juste à laquelle il participait en 1998: « Dans une démocratie moderne, le régime linguistique n'est pas tributaire de la loi du plus grand nombre; il doit refléter les valeurs que partagent les citoyens et leur compréhension des exigences d'une société hétérogène. Le message de la Charte canadienne des droits et libertés c'est que les Canadiens partagent des valeurs au centre desquelles se retrouvent le respect et l'égalité. De là l'engagement à promouvoir la sécurité linguistique et culturelle qui doivent caractériser la vie des groupes minoritaires.

Nous accueillons cet après-midi au Comité sénatorial des langues officielles deux témoins. J'aimerais d'abord vous présenter les membres du Comité sénatorial des langues officielles. À ma droite, la vice-présidente du comité, sénateur Andrée Champagne, du Québec. Ensuite, le sénateur Lowell Murray, de la province de l'Ontario. À ma gauche, la sénatrice Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick, ainsi que le sénateur Corbin, du Nouveau-Brunswick.

Nos deux témoins sont M. Jacques Ouellet, de la Grande Marée ltée, éditeur et auteur. D'après les notes qui m'ont été remises, on dit aussi qu'il est le fondateur des Éditions la Grande Marée ltée, fondée en 1993, à Tracadie-Sheila. Il est le président de la Commission du droit de prêt public depuis le 1er juin 2008, membre de plusieurs associations ainsi que représentant, auteur, éditeur et employé du ministère de la Santé du Nouveau-Brunswick depuis 1974.

Monsieur Ouellet, comme bien d'autres francophones, vous avez porté plusieurs chapeaux, n'est-ce pas?

Jacques P. Ouellet, éditeur, auteur, La Grande Marée ltée: Oui, j'ai porté plusieurs chapeaux et je pense que ce n'est pas terminé.

La présidente: Et notre deuxième témoin représente les Éditions Perce-Neige, M. Bourque, directeur général.

Les témoins ont chacun de cinq à sept minutes pour nous faire une présentation et par la suite, les sénateurs vous poseront des questions.

Vous avez aussi, honorables sénateurs, le livre que M. Ouellet a bien voulu nous apporter sur l'histoire des Acadiens et Acadiennes, qui est un très beau souvenir. Merci, monsieur Ouellet.

M. Ouellet: Madame la présidente, je vous remercie. Je n'ai rien d'écrit comme tel au sujet des Éditions de la Grande Marée, car je n'étais pas certain sur quoi m'orienter alors, je vais faire un bref historique de la maison d'édition.

Tout a commencé en 1993 suite à une étude de marché dans la région du nord-est du Nouveau-Brunswick, pour voir si l'implantation d'une maison d'édition francophone acadienne régionale était possible et viable. Cette étude a confirmé que c'était faisable, mais qu'il fallait s'en occuper à 100 p. 100, vingt-quatre heures par jour et sept jours par semaine. On a évolué depuis ce temps-là, il y a 15 ans cette année. Au cours de ces années, on a publié au-delà de 70 titres francophones acadiens. Certains de nos auteurs ont même reçu quelques prix littéraires.

Notre maison d'édition la Grande Marée a pour but surtout de faire la publication d'auteurs acadiens francophones, mais on a publié aussi des auteurs du Québec, dont la thématique était l'Acadie ou tout ce qui gravite autour de l'Acadie. Par exemple, en 2005 on a publié une trilogie de Mme Lili Maxime, de la région de Sherbrooke, qui portait sur les Acadiens ou les Cajuns de la Louisianne. Elle a gagné le prix France-Acadie avec le premier tome. La raison pour laquelle elle a gagné ce prix-là, c'est parce qu'elle était publiée par une maison d'édition acadienne. Sa nomination a tété possible pour cette raison, car en étant Québécoise, elle n'était pas admissible. Sylvain Rivière, un auteur de la Gaspésie, est un cas semblable qui a été publié aussi aux Éditions d'Acadie. On a soumis sa nomination et il a gagné le prix France-Acadie. Je ne me souviens pas en quelle année, je pense que c'était en 1995.

On finance nos opérations surtout par la vente des livres. On fait partie du regroupement d'éditeurs canadiens- français, et on est distribué au Québec par Prologue. La distribution au Nouveau-Brunswick se fait par la Grande Marée. On reçoit des subventions de la Direction des arts du Nouveau-Brunswick, du Conseil des arts du Canada, et pour la première fois cette année, on a fait une demande au Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition (PADIÉ), qui est un autre programme du ministère du Patrimoine canadien. Voilà on l'on est rendu.

Paul Bourque, directeur général, Éditions Perce-Neige: Madame la présidente, bonjour. Mon nom est Paul Bourque, je suis directeur des Éditions Perce-Neige depuis maintenant 15 ans. Les Éditions Perce-Neige sont nées d'une volonté de la part de l'Association des écrivains acadiens en 1980 parce que les Éditions d'Acadie à l'époque ne prenaient pas beaucoup de chance avec des jeunes auteurs et des nouveaux manuscrits, donc les auteurs se sont regroupés pour publier un premier livre d'auteur qui était Graines de Fée, de Dyane Léger, qui a remporté le prix France-Acadie cette année-là. Cela les a encouragés, ils ont continué. Ont suivi les premières oeuvres de Gérald Leblanc, de Daniel Dugas, de plusieurs auteurs acadiens que l'on connaît maintenant. Jusqu'à présent, on a publié plus de 135 titres, en plus d'une quinzaine de coéditions avec le Québec, la France, le Luxembourg et la Belgique. Nous avons eu trois nominations pour le prix du gouverneur général dans les cinq dernières années, dont deux l'année passée. On a eu un prix pour Serge Patrice Thibodeau pour Seul on est.

Je ne pourrais pas parler des Éditions Perce-Neige sans mentionner M. Gérald Leblanc, qui a été un fervent défenseur de la littérature acadienne et de la poésie acadienne pendant plusieurs années. C'était mon partenaire. Récemment, suite au décès de Gérard, M. Serge Patrice est venu le remplacer à la direction littéraire.

On a eu une année record l'année passée, en 2007. On a fait des chiffres de ventes de 34 000 $, ce qui est un premier pas pour nous, et c'était beaucoup grâce à la politique du livre du Nouveau-Brunswick qui a été entamée avec une suggestion de Marguerite Maillet, et depuis que M. Bernard Lord, ancien Premier ministre du Nouveau-Brunswick, a enclenché le processus. Cela nous a permis des ventes directes à des bibliothèques scolaires et régionales, ce qui est excellent, et on a toujours souhaité.

En ce qui concerne les prix littéraires, on remporte des prix prestigieux, et régulièrement le Prix Antonine Maillet- Acadie-Vie ici, en Acadie. On a remporté aussi des nominations pour le prix Émile Nelligan, qui est le prix de la jeune poésie au Québec. On n'a jamais gagné par exemple, malheureusement, mais on ne lâche pas.

Excusez-moi, je vacille un peu entre les détails là, mais on a toujours privilégié les jeunes auteurs aussi. C'est notre mandat premier. Il y a un travail de développement littéraire qui se fait avec notre directeur littéraire auprès des jeunes auteurs parce que nous, avant tout, notre mandat et notre créneau, c'est la qualité littéraire. On essaie de toujours s'améliorer au niveau de la production des livres, et je crois qu'on a une excellente réputation au niveau de la qualité littéraire. Je suis aussi graphiste et je fais le graphisme des livres, et tout ce qui a trait à l'administration de la boîte. On est deux personnes qui travaillent à Perce-Neige, il y a moi et Serge Patrice Thibodeau. Nous faisons énormément de promotions de la littérature acadienne à travers le monde, à travers la francophonie, c'est-à-dire en France et en Belgique.

On a maintenant une distribution en Europe francophone avec Distribution du Nouveau Monde, qui est une boîte québécoise qui a des installations un peu partout en Europe francophone. C'est une entente qu'on a signée il y a deux ou trois ans, et qui commence à porter fruit.

On a un auteur acadien de la Péninsule acadienne, de Petit-Rocher, qui reste à Paris maintenant. C'est un jeune auteur brillant et son nom est Jean-Philippe Raîche. Son premier livre, Une lettre au bout du monde, a remporté trois nominations majeures, donc pour le prix Antonine Maillet-Acadie-Vie, le prix Émile Nelligan et pour le prix du gouverneur-général cette année-là.

Pour nous Perce-Neige, c'est le symbole par excellence de ce qu'on représente. On est là pour encourager les jeunes et leur montrer qu'ils sont capables de produire ici en Acadie, sans avoir besoin d'aller dans les grands centres. On s'acharne là-dessus, et finalement cela donne des résultats très concrets. Tout cela pour dire que Perce-Neige est en très bonne santé, le plus en santé qu'il n'a jamais été, et on a l'intention de continuer à travailler très fort pour poursuivre cette vision-là que la littérature acadienne contemporaine de jeunes auteurs est de qualité.

La présidente: Êtes-vous un organisme à but lucratif ou non lucratif?

M. Bourque: On est un organisme sans but lucratif.

La présidente: Sans but lucratif. Et vous monsieur Ouellet?

M. Ouellet: Lucratif.

La présidente: Est-ce qu'il y a un lien de promotion, d'information, entre les deux maisons d'édition? Est-ce qu'il y a un lien entre les deux? Est-ce que vous travaillez ensemble? Parce que vous êtes tous les deux ici au Nouveau- Brunswick.

M. Ouellet: Non, on n'a pas de liens comme tels. On est des éditeurs acadiens, on fait partie du même regroupement des éditeurs canadiens. Et puis il y a certains genres littéraires qu'on va publier, tels les romans. Perce-Neige est surtout spécialisé en poésie. À la Grande Marée, on va toucher un peu différents genres littéraires, mais c'est surtout le roman, le conte et les essais.

M. Bourque: On a quand même des liens, moi je trouve. Je veux dire, c'est nous qui avons signé pour que la Grande Marée rentre dans le regroupement des éditeurs canadiens-français. Je ne sais pas si tu te souviens Jacques? Et aussi, on se voit régulièrement, à tous les Salons du livre. On participe aux mêmes Salons du livre. On est toujours au courant, on a des contacts réguliers. Les auteurs se connaissent. Je dirais qu'il y a plutôt beaucoup de connivence.

Le sénateur Corbin: Je voudrais demander si vous faites de la production à compte d'auteur aussi?

M. Ouellet: Non, parce que, premièrement, si on faisait de la production à compte d'auteur, on ne serait pas reconnu par le Conseil des arts du Canada et on ne serait pas éligible pour le PADIÉ, et la Direction des arts du Nouveau- Brunswick, ils nous subventionnent une fois par année.

Le sénateur Corbin: Êtes-vous au courant s'il se fait de la production à compte d'auteur au Nouveau-Brunswick?

M. Bourque: Oui, plutôt au Québec. C'est fait au Québec et exporté ici comme si c'était Acadien. C'est les Éditions de la francophonie.

Le sénateur Corbin: Il y a beaucoup de gens, qui à la fin d'une carrière, décident d'écrire leur autobiographie. Vous ne touchez pas à ce genre de choses là?

M. Ouellet: Non, du tout.

M. Bourque: Non, mais je suis content que ça existe.

Le sénateur Corbin: C'est un dépôt d'expérience humaine.

M. Bourque: Oui. Il y a un besoin réel aussi pour ça. Donc moi, je suis pour ça.

Le sénateur Corbin: Maintenant votre plus grand défi tous les deux au niveau de la production, c'est quoi au juste? Il y a des coûts inhérents à l'édition, il y a tout le travail préparatoire du texte, la mise au point, la langue, et cetera. Il y a le graphisme. C'est quoi votre plus grand défi?

M. Ouellet: Je pense qu'un des défis que tous les éditeurs francophones du Nouveau-Brunswick ont c'est les coûts de production, plus spécifiquement l'impression et les coûts de distribution. Si notre marché était limité à la région du Nouveau-Brunswick, au point de vue de distribution, il n'y aurait presque pas de problème parce que tu peux faire ta propre distribution comme maison d'édition. Mais lorsqu'on dépasse les bornes de la province, au Québec par exemple, mais là on s'embarque dans un autre marché parce qu'il faut affronter tous les autres éditeurs québécois. Il y a plusieurs maisons de distribution indépendantes au Québec qui se font concurrence, alors en étant tous les deux membres du Regroupement des éditeurs canadiens-français, cela nous permet de nous introduire dans le marché québécois et ailleurs. Parce que je pense que Prologue distribue à l'extérieur du Québec, même en Europe, je crois.

Le sénateur Corbin: Il y a un contact qui se fait finalement.

M. Bourque: Ils sont surtout distributeurs au Québec. Et un peu en Ontario français, mais même pas.

M. Bourque: En quelque part, c'est vraiment ciblé pour le Québec et c'est logique parce que c'est là qu'est la majorité. C'est un grand marché francophone, n'est-ce pas?

Le sénateur Corbin: Quels sont vos plus grands défis?

M. Bourque: Pour moi, je dirais que le plus grand défi, c'est les dépenses de promotion. De faire tourner un auteur, c'est extrêmement dispendieux. Ce qui peut nous aider, ce sont les Salons du livre. Au moins ici au Nouveau- Brunswick, et spécifiquement le Salon du livre d'Edmundston, a tendance à inviter une bonne partie de nos auteurs, donc cela coupe énormément de dépenses de promotions. Pour nous les Salons du livre, étant donné qu'il n'y a pas beaucoup d'infrastructure de distribution du livre au Nouveau-Brunswick, sont essentiels, parce que sans eux on ne pourrait pas rejoindre nos lecteurs. Donc pour moi, c'est comme un fait accompli, la production du livre et les frais d'impression et tout ça, mais je veux aller plus loin. Je veux promouvoir davantage nos auteurs, le plus possible. Parce qu'un petit effort dans ce sens-là fait beaucoup de résultats normalement. Par exemple, le livre de Jean-Philippe Raîche qu'on a publié l'été dernier, son deuxième recueil, il a déjà remporté deux prix majeurs en Europe, dont le prix Louise Labbé et un autre prix. En tout cas, il y en a deux. Cela fait une quinzaine d'années qu'on vend au marché de la poésie à Paris, c'est un événement ponctuel, tous les ans. On va là pour à peu près une semaine, c'est très intense. On occupe un kiosque pendant quatre jours, 12 heures par jour, au gros soleil, à vendre des livres aux gens, et cela donne de plus en plus de résultats. Nos ventes ont doublé l'année passée par rapport à l'année d'avant, donc la promotion je pense que c'est hyper important. À peu près 60 p. 100 de mon budget va à la promotion.

M. Ouellet: C'est un peu la même chose pour nous, quoique pour l'instant, je ne fais pas tellement de dépenses du côté de la promotion des auteurs, pour la simple raison que je voudrais faire la promotion, mais en accompagnant les auteurs. On n'a pas nécessairement les budgets pour le faire et tant et aussi longtemps que je vais être employé par le gouvernement du Nouveau-Brunswick, je ne pourrai pas me permettre ces dépenses-là.

Le sénateur Corbin: La subvention que vous recevez, soit du Conseil des arts soit de la province du Nouveau- Brunswick, est-elle étiquetée? Est-ce qu'elle doit servir à une étape spécifique de la production ou que vous l'appliquez là où vous voulez?

M. Ouellet: C'est une subvention qu'on reçoit annuellement, mais il faut en faire la demande. On a une date de tombée à rencontrer, et quand on la reçoit, on l'applique où on veut dans la production de l'édition comme telle. On peut l'appliquer soit sur la promotion, sur l'impression, tout ce qui constitue la production du livre. Les autres subventions, je ne peux pas parler de la subvention du Conseil des arts du Canada, mais Paul peut en parler un petit peu plus. Il y a deux volets, il y a la subvention aux nouveaux éditeurs et la subvention globale. Cela aussi, c'est annuel, mais il faut qu'on fasse la demande. Elle sera dirigée à un comité de pairs qui vont faire l'évaluation et faire la recommandation au Conseil des arts. Après cela, on une subvention du PADIÉ, et c'est encore le même processus. Surtout celle du PADIÉ, qui est une subvention dont l'application est très exigeante et dispendieuse pour des petites maisons d'édition. On nous demande des révisions comptables et ce sont des coûts qui effleurent le 5 000 $. Pour 5 000 $, tu peux sortir deux ou trois livres, mais c'est un sacrifice qu'il faut faire. Je l'ai fait cette année. Je ne sais pas qu'est- ce qu'il va en advenir, mais avant qu'on obtienne la réponse, c'est tard à la fin novembre, puis avant que les argents entrent, cela peut aller à l'année d'ensuite.

M. Bourque: Perce-Neige bénéficie d'une subvention globale du Conseil des arts depuis 1994. L'année dernière, on a reçu, je pense, 46 000 $. C'est spécifiquement pour tout ce qui a trait à la production du livre comme tel, c'est-à-dire des frais de révision, l'impression, le graphisme et tout ça, donc pour qu'on arrive à ceci, c'est là que le Conseil des arts arrête. Ils ont un programme séparé pour la promotion du livre, donc pour la tournée des auteurs. On a reçu 3 500 $, je pense, l'année passée. Il y a aussi un programme de publicité dans les médias écrits, qui est une autre fonction de la subvention globale. C'est un pourcentage de la subvention globale qui nous est allouée, et on est remboursé les deux tiers du montant pour l'achat des publicités dans les médias. Donc, c'est à peu près comme ça que ça marche.

Le sénateur Corbin: Une dernière question. Je vois que ce qui m'apparaît être une publication de très grande qualité, L'Histoire des Acadiens et des Acadiennes du Nouveau-Brunswick, publiée par la Grande Marée, est imprimée au Québec. Cela veut dire qu'il n'y a pas de capacité d'impression pour une oeuvre de cette qualité au Nouveau- Brunswick?

M. Bourque: Non. Moi, pendant les dix premières années à Perce-Neige, j'ai toujours fait des soumissions ici dans la province, et c'était le double du prix. Donc cela voulait dire que je faisais moins de livres dans l'année, donc ce n'était pas acceptable. Le livre qu'on vous a remis en cadeau c'est pour vous souhaiter la bienvenue au Nouveau-Brunswick; c'est un projet, qui nous a été demandé l'an passé ou en 2006, par le ministère de l'Éducation, parce que dans les écoles, il y a jamais eu de livre sur l'histoire des Acadiens du Nouveau-Brunswick. Ce projet du ministère, chapeauté par Mme Rosemonde Chiasson, a été distribué dans toutes les troisièmes, quatrièmes et cinquièmes années des écoles francophones de la province. Il ne faut pas que ça s'arrête là. Finalement, les livres d'histoire en français, quand j'étais jeune étudiant, on n'en voyait pas. C'était des traductions des historiens anglais ou américains.

Le sénateur Champagne: Monsieur Ouellet, vous disiez tout à l'heure qu'une des façons pour vous d'avoir des fonds pour en publier d'autres, c'était la vente. Vous aviez un peu d'aide du Nouveau-Brunswick, du Conseil des arts et du ministère du Patrimoine canadien, et ce doit être la même chose pour vous M. Bourque.

Ce matin, on nous disait qu'il y avait un problème énorme dans ce coin de pays qui était le manque de journaux locaux. Enfin, il y a l'Acadie Nouvelle. Alors, je me demandais, si vous voulez vendre vos livres en Acadie, comment vous vous y prenez au niveau publicitaire, pour réussir à vous faire connaître par les gens d'ici? Est-ce qu'ils en achètent les livres que vous publiez ici pour eux en Acadie?

M. Ouellet: La majorité des ventes se font dans les Salons du livre au Nouveau-Brunswick. On a trois Salons du livre francophone dans la province. Il y a la Péninsule acadienne, au début d'octobre. À la mi-octobre, il y a Dieppe, et puis au début avril, il y a Edmundston. La plus grande partie des ventes se fait là.

Quant aux journaux, c'est vrai qu'il n'y a qu'un seul quotidien francophone dans la province. Il y a de petits hebdomadaires francophones ici et là, dans différentes communautés. En tout cas, pour la Grande Marée, on ne s'aventure pas à acheter de la publicité dans ces journaux-là pour la simple raison que c'est très dispendieux pour le peu que cela rapporte. On a tenté de faire la promotion dans les grands journaux du Québec, comme Le Soleil, Le Devoir, mais ce n'est pas achetable, et cela ne donne pratiquement rien.

Le sénateur Champagne: Je posais la question en me disant c'est bien beau de faire des livres, mais encore faut-il que les gens l'achètent pour que vous recueilliez des fonds pour en publier d'autres par la suite.

M. Ouellet: Oui.

Le sénateur Champagne: Merci de votre réponse. Pour ma part, je vais vous souhaiter bonne chance lors des Salons du livre, en espérant qu'avec vos auteurs, vous arriverez à faire le maximum. Je reviendrai plus tard.

M. Bourque: Je voudrais juste faire une petite parenthèse. La majorité de nos ventes se font au Nouveau-Brunswick. La majorité de notre chiffre de ventes, c'est ici dans la province.

Le sénateur Champagne: Mais comment les gens apprennent-ils la sortie du livre?

M. Bourque: On a une agente de presse qui fait des communiqués. On fait des lancements, on fait des Salons du livre, on est très présent dans notre communauté. On est connu un peu quoi, et nos livres quand ils sortent, avec un petit peu de promotion, ils se les arrachent. On a un bon contact avec les libraires locaux, ce qui fait qu'eux font la promotion de nos livres auprès de leurs clients aussi, et c'est là que vient majorité des clients. Pour ajouter à ce que Paul dit, c'est un système qui peut marcher si c'est encouragé.

M. Ouellet: Oui, il ne faut pas oublier nos libraires acadiens. On en a cinq en tout, je crois. Il y a Edmundston qui en a un et la Péninsule acadienne. Il y en a trois, quatre, cinq, six, en tout, qui eux indirectement font la promotion de nos titres.

M. Bourque: L'ironie, c'est qu'il y a un lien très fort avec le libraire local et le Salon du livre. C'est souvent des gens qui sont impliqués dans le Salon du livre, et nécessairement aussi qui ont été des « impulseurs », des générateurs de ce concept-là. Je sais que c'est vrai pour la Péninsule acadienne. Isabelle Bonin et Julien Cormier, ont beaucoup à faire avec le fait que cela existe toujours.

Le sénateur Losier-Cool: D'abord, Monsieur Bourque, je suis heureuse d'apprendre le succès d'un de mes anciens élèves, Jean-Philippe Raîche. Je lui ai enseigné en dixième année et déjà adolescent au « high school », il était poète. Je savais qu'il était en France, mais je ne connaissais pas le succès qu'il avait. Je vous remercie pour le livre.

Une question pour faire suite à ce que le sénateur Champagne a dit. Si je veux acheter un livre, soit de la Grande Marée, soit de Perce-Neige, à Ottawa, où pourrait-on retrouver certains de vos livres?

M. Ouellet: Librairie Soleil, puis vous pouvez toujours consulter le site web.

Le sénateur Losier-Cool: Je sais que souvent on le fait au Salon du livre à Shippagan.

M. Bourque: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Certains témoins dans ces rencontres ici nous ont parlé d'une politique sur la culture, d'une politique générale sur la culture. Vous avez mentionné monsieur Bourque pour la politique du livre, que suite aux pressions de Marguerite Maillet, qu'au Nouveau-Brunswick il y a une politique. Est-ce qu'une politique du livre doit être distincte ou est-ce qu'on pourrait insérer une politique du livre dans une politique nationale générale sur la culture? Est-ce qu'il y a le danger que la politique du livre soit diluée si on l'insérait dans une autre?

M. Ouellet: Pas au national. Je ne verrais pas une politique du livre. Je ne pense pas que ça passerait d'une province à l'autre. Le Québec a une politique du livre, cela fait plusieurs années, et c'est une des raisons pourquoi le Nouveau- Brunswick voulait se procurer une telle politique. Je pense que le but premier, c'était de faire reconnaître nos productions acadiennes dans notre propre milieu finalement, dans nos écoles, dans nos librairies, les bibliothèques municipales. C'est que trop souvent, on nous mettait de côté.

Le sénateur Losier-Cool: Il est préférable d'avoir une politique distincte?

M. Ouellet: La meilleure chose, c'est de commencer par notre propre province parce que la politique du livre, ce n'est pas encore une loi comme telle.

M. Bourque: Ce n'est pas entériné non plus.

M. Ouellet: Ce n'est pas entériné et c'était censé l'être l'automne passé. Cela a été reporté à l'hiver, et on attend toujours. Finalement, on va l'avoir ce printemps, mais quand?

Le sénateur Losier-Cool: Mais monsieur Bourque, est-ce que vous avez dit que la politique du livre du Nouveau- Brunswick vous avait aidés ou bien vous a fait connaître? Elle vous a aidés?

M. Bourque: Ah oui, c'est certain. Cela nous a rapporté à peu près 10 000 $ de ventes l'année passée, et ce, après les rabais.

Le sénateur Losier-Cool: Le gouvernement du Québec a aussi sorti une politique canadienne sur la culture, sur la francophonie canadienne.

M. Bourque: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Est-ce qu'il y a à l'intérieur de cette politique quelque chose sur la politique du livre? Êtes- vous au courant?

M. Ouellet: National? Non.

M. Bourque: Je ne suis pas au courant, je suis désolé.

Le sénateur Losier-Cool: Sur la politique canadienne du Québec? Non?

M. Ouellet: Non. J'aimerais ajouter une petite parenthèse. Ce n'est pas la politique du livre comme tel qui a fait que Perce-Neige ou la Grande Marée ont fait de bonnes ventes.

M. Bourque: Non.

M. Ouellet: On travaille très fort, et il y a eu une enveloppe budgétaire.qui était associée à la politique du livre.

M. Ouellet: C'est un programme d'achat, et c'était plus un projet-pilote qu'autre chose. C'était pour l'an passé.

M. Bourque: Oui.

M. Ouellet: La seule nouvelle que j'ai eu de la politique du livre, à savoir s'il allait y avoir un programme d'achat d'inclus dans la politique du livre, je ne pense pas. Il va tout probablement y avoir, de temps à autre, des projets-pilotes de programmes d'achat de livres des éditeurs acadiens, mais à date, il n'y a personne qui est au courant de ce qu'il y a dans cette politique-là. Il y a eu un comité de formé pour élaborer la politique comme telle, mais on n'a jamais reçu les résultats. C'est censé être annoncé par le ministre Hédard Albert, de Caraquet. C'est lui qui est responsable de ce ministère.

M. Bourque: Je crois que cela ne serait pas une mauvaise idée d'inclure des éléments d'une politique du livre nationale à l'intérieur d'une politique culturelle nationale, mais je pense qu'il y aurait des éléments qu'il faudrait regarder. C'est quand même assez compliqué, donc je ne pourrais pas vous suggérer exactement quel volet, mais je pense qu'avec les États-Unis en dessous de nous et la France qui gobe presque tout le marché du livre ici au Canada français ou dans le Canada francophone, je pense qu'il y aurait des choses à regarder au national.

Par contre, je crois que la politique du livre du Nouveau-Brunswick est venue un peu des libraires originellement, parce que les libraires voyaient la province du Nouveau-Brunswick. Le ministère de l'Éducation achetait leurs livres en Nouvelle-Écosse. Donc tout le budget des millions de livres, d'achats de livres, se faisait en Nouvelle-Écosse, donc cela n'avait vraiment pas de sens. Puis c'est drôle parce que je ne pense pas que dans la politique du livre, ils ont même réglé cette question-là.

M. Ouellet: Non.

Le sénateur Losier-Cool: Mais ils ont réglé la question d'avoir une politique du livre suite à cette question?

M. Bourque: Plus ou moins. On a eu des ventes, mais il n'y a pas de documents et rien d'officiel encore, c'est bizarre. Il y a un manque de transparence au niveau de la direction des arts du Nouveau-Brunswick aussi.

La présidente: J'ai une question supplémentaire à celle du sénateur Losier-Cool. Vous dites que dans la politique du livre, il y a une politique d'achat.

M. Ouellet: Un programme d'achat.

La présidente: Cela vous a permis de vendre plus de livres. Est-ce que cela veut dire que les écoles recevaient de l'argent pour acheter des livres?

M. Ouellet: Absolument.

M. Bourque: Absolument.

La présidente: Alors, les écoles recevaient tant d'argent et ils pouvaient acheter tant de livres et cela retournait dans les écoles?

M. Bourque: Ils ont bonifié leur budget pour acheter nos livres, oui.

M. Ouellet: C'est ça.

La présidente: Et cela a été un projet-pilote pour un an seulement?

M. Ouellet: Oui.

M. Bourque: Oui.

La présidente: Ce n'est pas perpétuel. Et cette politique d'achat, est-ce que c'était le même principe pour les bibliothèques publiques des municipalités?

M. Bourque: Oui.

M. Ouellet: C'est tous les deux, oui.

M. Bourque: Je crois que oui.

La présidente: Alors, ils avaient de l'argent pour acheter des livres pour les placer dans leur bibliothèque?

M. Bourque: Oui.

M. Ouellet: Toutes les bibliothèques, municipales et scolaires de la province. Ils avaient des bonifications de budget pour acheter des livres acadiens. Ou je devrais dire des livres édités par des éditeurs acadiens.

M. Bourque: C'est un peu ironique parce qu'ils ont déjà des budgets pour acheter nos livres, mais il faut les encourager à ce point-là de les acheter.

La présidente: Leur donner de l'argent.

M. Bourque: Ce n'est pas partout pareil dans la province. Il y a des libraires et des bibliothécaires qui ont toujours soutenu notre production, qui ont toujours acheté de ce qu'on faisait, et qui tenaient à avoir nos livres dans leur bibliothèque. Par contre, il y en a qui sont moins faciles à convaincre et qui prennent la culture québécoise comme la norme, donc ils disent: « Bon, bien il faut importer parce que nous on n'a rien ici. » Et c'est justement cette espèce de mentalité qu'on essaie de changer, et je pense que cela commence à porter fruit.

La présidente: Et est-ce que le ministère de l'éducation provincial est impliqué dans cette politique?

M. Ouellet: Oui.

La présidente: Est-ce qu'ils ont participé à l'élaboration de la politique?

M. Bourque: On ne le sait pas.

La présidente: Vous n'avez aucune idée?

M. Bourque: On n'a pas de détails, vraiment. Je sais qu'il y a Marcel Ouellette qui a été embauché pour la rédiger. Il l'a soumis au Parlement du Nouveau-Brunswick, à la législature, pardonnez-moi, et on n'a pas eu de résultats, on n'a pas eu de documents ou de réponses. Il y a très peu d'information.

M. Ouellet: J'ai cru entendre qu'il y avait une représentante du ministère de l'Éducation sur le comité. Alors, il y avait plusieurs personnes.

La présidente: Intéressant.

Le sénateur Corbin: Je suis un bouquineur de la pire espèce et je vais fouiller dans toutes les librairies francophones qui me tombent sous les yeux. Je suis heureux d'apprendre que la Librairie Soleil à Ottawa vend vos livres, mais je fréquente aussi une autre boutique assez importante, le Coin du livre, qui est en périphérie du centre-ville. Ensuite, je ne sais pas quel est le nom de l'organisme, mais ce sont les enseignants francophones de l'Ontario qui ont une grosse boutique en plein centre-ville, dans ce qui était autrefois Vanier.

M. Bourque: Le CFA.

Le sénateur Corbin: Voilà. Ils ont tous les manuels scolaires, et cetera, beaucoup de productions canadiennes, donc québécoises. Je ne peux pas vous dire que j'y ai vu quoique ce soit du Nouveau-Brunswick ou de l'Acadie en général. Au Coin du livre, je n'ai rien vu, alors est-ce que c'est la faute des distributeurs?

M. Ouellet: Je ne veux pas jeter la faute sur personne. C'est la responsabilité des distributeurs parce que le Centre franco-ontarien fait partie du regroupement des éditeurs canadiens français, avec nous autres.

M. Bourque: On fait un service d'office avec ces librairies-là. Un office, c'est comme acheter une publicité en librairie. On envoie ou on présente le livre, notre agent commercial présente le livre au libraire, et puis le libraire décide s'il va prendre quatre ou cinq copies en office, donc pour montrer à ses clients. Et malheureusement, souvent ils ne les montrent jamais à leurs clients de toute façon; ce sont des livres qui restent en boîte et qui sont retournés après un certain temps. Cela se fait toujours malheureusement. On essaie que notre agent commercial soit vigilant par rapport à cela, mais ce n'est pas évident parce qu'il y a beaucoup de librairies à couvrir. C'est dommage.

Le sénateur Corbin: Oui.

M. Bourque: Cela me blesse d'entendre que nos livres ne sont pas là, parce qu'on paye pour ça.

Le sénateur Corbin: Parce qu'il y a énormément d'Acadiens qui vivent au Québec puis à l'extérieur du Québec également.

M. Bourque: Oui.

Le sénateur Corbin: C'est un marché potentiel pour votre production, il n'y a aucun doute. Enfin, je voudrais savoir, si ce n'est pas un secret professionnel, quel est le tirage moyen d'une première édition par exemple.

M. Ouellet: Cela dépend du genre.

Le sénateur Corbin: Ne parlons pas de ce genre-ci, parce qu'il s'agit d'une commandite. Mais en moyenne.

M. Ouellet: Le roman, si je ne me trompe pas, et tu me corriges Paul, mais le roman c'est...

M. Bourque: Mais cela dépend, c'est différent pour tout le monde.

M. Ouellet: Oui. Ça dépend de l'auteur que tu publies.

Le sénateur Corbin: Connu ou pas connu.

M. Ouellet: Connu, le tirage est plus grand.

M. Bourque: On ne fait jamais moins de 500 copies. Même un titre de poésie d'un premier auteur, c'est toujours au moins 500. On peut réussir à l'écouler.

M. Ouellet: Dernièrement, on a publié une brique sur le théâtre acadien de l'auteur Jules Boudreau, qui contient huit pièces de théâtre. C'est quand même une brique de 500 quelques pages. Ce n'est pas quelque chose qui va être payant. Cela ne se vend pas premièrement, mais ce n'était pas mon but de publier pour faire des sous, c'est que j'avais fait une promesse à un dramaturge qui est maintenant décédé, que j'allais faire une collection d'oeuvres littéraires en dramaturgie d'auteurs acadiens pour le Centre d'études acadiennes de l'Université de Moncton. Je l'ai commencé en 1995 ou 1996, et une fois de temps en temps, je vais en publier; le tirage minimum exigé par le Conseil des arts pour le théâtre c'est 350 copies. Les contes pour enfants, c'est peut-être un peu plus.

Le sénateur Losier-Cool: Et la poésie?

M. Bourque: La poésie, minimum 500. Georgette Leblanc, que je tiens à vous mentionner, c'est un livre qui nous a fait passer à travers l'année 2007 et qui va durer encore plusieurs années. Elle a remporté le prix Félix Leclerc au Québec avec ce livre. C'est la première fois qu'une non-québécoise ou un non-québécois le remporte. Elle a aussi remporté le prix Antonine Maillet-Acadie-Vie avec ce livre, et elle était finaliste pour le prix Émile Nelligan. C'est le troisième tirage qu'on a fait dans moins d'un an. On a commencé avec 500 copies et on a fait deux autres tirages de 750 copies depuis. Il nous reste à peu près 300 copies. Donc, la poésie peut se vendre, hein? Détrompez-vous. Ce n'est pas parce que quelque chose est culturellement valide que cela ne se vend pas.

Le sénateur Losier-Cool: Je ne l'ai pas celui-là.

M. Bourque: Je vais vous le laisser.

M. Ouellet: Une chose que j'aimerais mentionner aussi c'est la vie d'un livre, une fois qu'il est publié. C'est un marché qui est très agressif. Si on prend l'ensemble des livres francophones publiés au Canada, surtout au Québec, ils ont un tournant de nouvelle publication pratiquement toutes les semaines. La vie d'un livre sur étagère, c'est à peu près deux mois je dirais, trois mois maximum. S'il ne se vend pas, les libraires l'enlèvent, et les mettent dans les boîtes comme Paul l'a mentionné tout à l'heure.

Le sénateur Losier-Cool: Rapidement, selon votre expérience, la vie d'un livre, qu'il soit anglais ou français, est-elle différente?

M. Ouellet: Non, c'est la même chose.

Le sénateur Losier-Cool: Au Canada ou au Nouveau-Brunswick si on peut dire, est-ce que le livre francophone est en meilleure santé ou en moins bonne santé?

M. Ouellet: Si tu vas dans les grands centres, Québec, Montréal, et cetera, c'est sûr que le livre a une meilleure chance. Par contre, on a plus de compétition. On a beaucoup plus d'éditeurs, et beaucoup plus de distributeurs. Puis il y a aussi le fait que les libraires sont toujours intéressés aux livres gagnants, ça fait qu'ils vont faire des « displays », excusez l'anglicisme. Ils vont te braquer ça dans la face lorsqu'on rentre dans la librairie, et pour avoir cette place de choix, il faut qu'on négocie. Et cela, ce n'est pas notre problème. C'est le distributeur qui s'en occupe. Il faut qu'il fasse ses devoirs.

Le sénateur Corbin: Est-ce qu'on lit moins maintenant qu'autrefois et quel est l'avenir du livre en Acadie avec la compétition, Internet, et cetera?

M. Bourque: On ne sait pas encore, mais les gens parlent énormément des e-books. C'est censé faire fureur, mais cela fait cinq ans qu'ils le disent et je ne vois pas les résultats. C'est sûr que pour nous, si on commence à publier des PDF sur Internet, là il n'y a plus de ventes. On n'a plus d'argent. Donc il n'y a vraiment pas de solution miracle. Je sais qu'il y a des éditeurs français qui sont très ferrés là-dessus. Il y a beaucoup d'analyse qui se fait en ce moment pour voir quelle transformation est en train de se faire. Je crois qu'à cause des ordinateurs et de l'Internet, les gens, surtout les jeunes, lisent de moins en moins. C'est inquiétant. Par contre, si on regarde en France, les Français lisent énormément, donc il y a encore des marchés potentiels, où on peut grossir encore, et puis c'est ce qu'on vise maintenant, c'est de s'épanouir un petit peu plus en Europe, d'exporter notre culture là-bas. Donc je ne sais pas, je n'ai pas la réponse à ce que l'avenir va apporter, mais je crois que le livre va être là pour un bon bout. Je le crois sincèrement.

Le sénateur Corbin: C'est la même chose lorsque l'ordinateur est sorti, on a dit: « C'est la fin de tout. »

M. Bourque: Il fallait faire des CD-Rom.

M. Ouellet: Si vous me permettez, j'aimerais prendre une couple de minutes pour vous expliquer une autre façon dont les auteurs reçoivent des paiements ou des droits d'auteur. Je ne sais pas si vous êtes au courant ou vous avez entendu parler de la Commission du droit de prêt public, à Ottawa.

Le sénateur Corbin: Oui.

M. Ouellet: Vous savez comment cela fonctionne? C'est que la Commission du droit de prêt public a une liste de toutes les bibliothèques municipales publiques et scolaires qui existent au Canada, tant anglais que français; ensuite ils sélectionnent 10 bibliothèques où ils vont faire un inventaire une fois par année, et lorsqu'on trouve le nom d'un auteur avec son oeuvre, on lui donne tant de sous. Par contre, il faut que les auteurs participent à ce programme. C'est un programme qui a commencé en 1985, je crois, et il y a eu 4 000 auteurs inscrits dès la première année.

Cette année, on a fait des paiements de près de 9 millions à 16 000 auteurs. Et puis chaque année, et je vous parle en tant que nouveau président de la Commission, on est toujours en train de talonner le Conseil des arts du Canada pour augmenter l'assiette budgétaire pour payer les auteurs. Les premiers auteurs en 1985 recevaient 400 $ par titre. Puis en 2008, ils reçoivent à peine 40 $ par titre. Il y a eu une augmentation d'auteurs qui participent au programme, mais le montant est toujours le même, année après année. C'est une bataille constante avec le gouvernement canadien pour avoir des augmentations. Pour réussir à avoir le même montant ou aller chercher le 400 $ ou tout près, ça nous prendrait près de 2 millions, et peut-être un peu plus, pour donner cela aux auteurs.

La présidente: Écoutez, le temps file, Messieurs Ouellet et Bourque, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer.

M. Bourque: C'est un honneur pour moi, merci beaucoup.

La présidente: On a reçu de très bonnes informations, vous pouvez être sûrs que cela va nous aider à rédiger notre rapport lorsque nous aurons terminé cette étude, alors merci beaucoup messieurs.

M. Ouellet: Merci beaucoup.

La présidente: Honorables sénateurs, je suis heureuse, au nom des membres du comité, d'accueillir les deux nouveaux témoins. Madame Ginette Duguay, du district scolaire 9 de la Péninsule acadienne, mentor en littératie au développement culturel et identitaire. Et de la Fédération des conseils d'éducation du Nouveau-Brunswick, nous avons Mme Anne-Marie Gammon, présidente.

Alors tel que nous le faisons habituellement, je vais vous demander, chacune d'entre vous, de nous faire une présentation d'environ cinq à sept minutes, et par la suite les sénateurs pourront vous poser des questions.

Anne-Marie Gammon, présidente, Fédération des conseils d'éducation du Nouveau-Brunswick: Madame la présidente, je vais vous donner un bref historique de qui je suis. Je suis une enseignante de profession. J'ai enseigné 32,7 années dans différents milieux, dans le milieu anglophone, en adaptation scolaire, et comme directrice adjointe et directrice. J'ai fait tous les niveaux. J'ai enseigné dans toutes les écoles francophones de la région de Bathurst, et j'ai eu le plaisir d'enseigner avec la sénatrice Cool. Dans mon premier poste d'enseignement à Sainte-Famille, la sénatrice enseignait le français langue seconde aux élèves de cinquième année, qui étaient aussi mes élèves. Je pense que vous l'enseigniez à tous les élèves à ce moment-là.

Depuis ma retraite de l'enseignement et non pas de la vie, j'ai occupé le poste d'agente de projet pour l'Association des aînés francophones, conseillère à l'emploi pour les femmes, coordonnatrice d'un projet qui s'appelle « Capsule santé », dont nous avons produit des capsules santé, des émissions de télévision et des petits cahiers pour faire la promotion de la santé chez les francophones peu ou pas alphabétisés du nord-est. Présentement, je suis la présidente de la Fédération des conseils d'éducation du Nouveau-Brunswick, la présidente sortante de la Coalition du Nouveau- Brunswick pour l'équité salariale et récemment élue conseillère municipale et conseillère scolaire.

Madame la présidente, honorables sénateurs et sénatrices, il me fait plaisir d'être ici pour vous présenter la Fédération des conseils d'éducation du Nouveau-Brunswick et sa vision quant à l'importance des arts et de la culture en éducation. J'aimerais vous donner une petite historique de la Fédération. En 1994, le gouvernement du temps avait aboli les conseils scolaires et avait mis sur pied une Commission de l'éducation, qui était des gens qui étaient nommés par le gouvernement pour gérer le système éducatif de la province. En 1999, lorsque le prochain gouvernement a été élu, une de ses promesses électorales était de ré-instaurer les conseils scolaires. Les conseils scolaires ont été ré- instaurés, mais sous une version modifiée, et maintenant cela s'appelle les Conseils d'éducation du Nouveau- Brunswick. Il y en a cinq au Nouveau-Brunswick. Après quelques années, les gens ont compris l'importance de former une Fédération.

Malgré que la Loi scolaire prévoit pour les Conseils d'éducation une gestionnaire à l'éducation et un fonds de financement pour financer toutes les activités des Conseils d'éducation, les présidents des Conseils d'éducation ont cru bon de former une Fédération. Nous à la fédération, on parle de sujets provinciaux, c'est pourquoi je suis ici aujourd'hui parce que les arts et la culture touchent tous les conseils. C'est un sujet dont tous les conseils scolaires doivent traiter, et la Fédération parle en leur nom.

Notre objectif, c'est de faciliter la tâche des CÉD, des Conseils d'éducation de districts, dans leur fonction de premier responsable de la gestion scolaire des francophones. Nous, on tient beaucoup à l'Article 23 de la Charte qui a donné aux parents ayant droit le droit de la gestion de leur institution, et les institutions scolaires en font partie.

Selon l'Article 23 de la Charte, une des composantes importantes, c'est la transmission de la langue et de la culture, et aux CÉD, c'est une de nos missions qui nous tient à coeur. La fédération représente les conseils d'éducation, voit à leur rayonnement et agit comme leur porte-parole dans les dossiers d'ordre provincial, comme je vous l'ai dit. Elle voit aussi à la concertation et à la formation et la dissémination d'information au niveau des CÉD.

La fédération est dédiée à contribuer au développement d'une société francophone et acadienne où l'éducation publique est valorisée, où la langue et la culture sont célébrées, où les intérêts et les droits de la communauté francophone du Nouveau-Brunswick sont défendus et où l'éducation devient un projet de société dans le but d'assurer la survie de la francophonie.

Pour ce qui est de notre vision quant à l'importance des arts et de la culture dans notre système éducatif du Nouveau-Brunswick, nous croyons que la survie de notre francophonie passe par l'éducation et les arts et la culture. Sans ces piliers importants, la francophonie telle qu'on la connaît, dans sa vitalité et sa fragilité, est vouée à disparaître. La place des arts et de la culture dans nos écoles francophones en milieu minoritaire doit donc être accrue et valorisée. La communauté artistique et éducative doit mieux se connaître, mieux comprendre ses besoins respectifs et mieux se mettre en oeuvre pour accomplir la tâche qu'elle doit accomplir. Ceci est nécessaire pour maintenir nos acquis, mais aussi pour garantir le développement de nos communautés francophones qui ont en partage une langue, une culture, une histoire commune, donc un patrimoine commun.

Les arts et la culture sont vitaux dans la construction identitaire des élèves francophones. La place des arts et de la culture dans les écoles est devenue un enjeu de société, particulièrement en milieu minoritaire où les écoles ont le double mandat de la réussite scolaire et de la construction identitaire.

Le ministère de l'Éducation s'est engagé à développer une forte identité culturelle et linguistique. D'ailleurs, le ministère est sur le point de mettre sur pied une commission qui étudiera les défis particuliers au secteur francophone. Nous attendons avec optimisme et impatience cette commission. À cet effet, les partenaires du milieu associatif qui ont à coeur l'éducation en français, incluant notre fédération, se préparent à faire valoir leur point de vue au commissaire qui sera nommé.

La Fédération des conseils d'éducation a participé au Chantier éducation, Arts et Culture, qui s'est tenu dans le cadre des États généraux des arts et de la culture dans la Péninsule acadienne en mai 2007. Le thème qu'a abordé le Chantier éducation, c'est l'intégration des artistes professionnels et de ses oeuvres en milieu scolaire, l'enseignement des arts et de la culture, et l'école dans la communauté: un foyer d'épanouissement culturel.

On a constaté qu'il y a plein de belles initiatives qui se font actuellement et qu'il faut bâtir sur ce qui existe pour favoriser la cohésion et donner davantage de place aux arts et à la culture dans la vie des enfants à l'école, surtout les enfants en situation minoritaire.

Le rapport du Chantier éducation, arts et culture a permis de mettre en lumière les éléments positifs, les défis et émettre des recommandations pour mieux intégrer les arts et la culture dans le système d'éducation actuel. Un constat positif, les instances gouvernementales ainsi que le CÉD, le Conseil d'éducation des districts, sont très conscients de leur double mandat, c'est-à-dire un mandat éducatif et identitaire.

Dans plusieurs districts, c'est en mouvance d'accorder plus de place aux arts et à la culture au sein des écoles. Plusieurs conseils scolaires ont déjà mis en place des politiques culturelles. Ensuite, ils ont mis en place des personnes comme Mme Duguay ici, sous différents titres. Ils ne sont pas toujours sous son titre à elle, qui est agente en littératie. Parfois, ce sont des agentes culturelles.

Dans nos écoles communautaires, ce qui est nouveau au Nouveau-Brunswick, il y a des agents de développement communautaire, et le rôle de ces personnes-là c'est d'apporter davantage de culture, des arts et de la culture au sein de l'école pour rapprocher la communauté au sein de l'école.

L'école Saint-André est devenue le modèle d'école communautaire entrepreneurial pour la province. Si vous connaissez le mouvement au niveau de l'école de Saint-André, il y a une grosse composante de tout ce qui se fait entrepreneurial et une grosse composante des arts et de la culture.

Les enfants ont produit un disque, un livre de recettes, ils ont produit beaucoup de choses. Ces initiatives sont financées par le programme des langues officielles dans l'enseignement.

En conclusion, il faut que les Conseils d'éducation fassent partie des suivis des États généraux sur les arts et la culture et développent leurs politiques culturelles et linguistiques d'une façon cohérente. Ils devront déterminer leur finalité, parce que les Conseils d'éducation, c'est eux qui sont responsables des finalités dans les écoles. Quand on dit « les finalités », c'est à quoi doit ressembler l'éducation d'un enfant lorsqu'il va terminer sa douzième année. Ce sont les Conseils d'éducation qui sont responsables de cela.

Donc les Conseils d'éducation, selon nous à la fédération, doivent être partie prenante à toutes les étapes des décisions de l'implantation des arts et de la culture dans nos écoles. C'est nous qui prenons les décisions, c'est nous qui sommes responsables. Parce que nous, au niveau des Conseils d'éducation, nous sommes les seuls qui ont le mandat de l'éducation au niveau de la province.

Présentement, dans le système d'éducation au Nouveau-Brunswick, il y a des comités d'appuis parentaux aux écoles qui aident à la gestion de l'école, mais lorsqu'on parle de politiques des districts scolaires, c'est les Conseils d'éducation qui sont responsables de cela, et voilà l'importance de l'implication des Conseils d'éducation.

Les Conseils d'éducation devront également se positionner sur la question de l'aménagement culturel et être des partenaires de première ligne. Je le répète, parce que je trouve que c'est important. Mais des partenaires de première ligne dans les discussions à venir quant à l'aménagement des infrastructures qui soutiendront les arts et la culture dans leur communauté.

Je dois vous dire que le document que vous avez reçu, c'est l'ébauche. J'ai imprimé le mauvais document ce matin. Une femme a plusieurs chapeaux ce matin, c'est le mauvais piton. En sortant d'ici, je vais envoyer par courriel au greffier le bon document, qui comprend les corrections. Il y a des structures de phrases qui ont changées.

Ginette Duguay, mentor en littératie, au développement culturel et identitaire, District scolaire 9 de la Péninsule acadienne: Madame la présidente, bonjour, et merci de l'invitation. Je suis une femme de terrain. Depuis les trois dernières années au sein du district scolaire 9 de la Péninsule, qui est à peu près à 99.9 p. 100 francophones, on essaie de jouer un rôle proactif, c'est-à-dire de prendre les arts et la culture comme outil de développement culturel et identitaire chez les jeunes.

Comment outiller les enseignants et les directions d'école à assumer ce rôle-là? Parce que le rôle de passeur culturel, on le sait, c'est le rôle de l'école, mais je ne suis pas certaine que nous sommes outillés. Donc, on a tenté d'outiller ces gens-là en embauchant des personnes comme moi puis en embauchant des agents culturels et linguistiques.

Le développement: parce qu'on a besoin de développer, on a besoin de créer, on a besoin de savoir qui on est et ce qu'on veut. On a besoin de connaître notre milieu scolaire et ce qu'on peut donner aux jeunes dans leur développement culturel, et on a besoin de bien connaître la communauté dans laquelle l'école se retrouve et sa communauté artistique et culturelle, donc c'est dans ce sens-là.

On a commencé par se doter d'une politique culturelle. En ayant une politique culturelle, cela nous donne les fondements et protège un peu cette culture. En se dotant de cette politique-là, cela nous a donné les principes directeurs pour développer et construire.

Donc les principes directeurs sont: bâtir l'identité culturelle et linguistique des jeunes; développer un sentiment d'appartenance à la communauté francophone et acadienne; soutenir la vitalité linguistique et culturelle de notre région; développer des attitudes qui incitent à vivre et à s'exprimer en français, et développer la créativité, le travail d'équipe, l'estime de soi, le leadership nécessaire à la vitalité linguistique et culturelle de notre région.

On a développé un mandat culturel de nos écoles, et c'est de développer des citoyens et des citoyennes actifs sur le plan artistique et culturel. Et je reviendrai avec plus d'information sur le terrain par la suite.

Créer des passerelles entre le milieu scolaire et culturel tout en établissant des relations avec l'ensemble du réseau culturel francophone, c'est important. En ayant des personnes comme moi, on peut faire des liens avec tous les organismes culturels qui sont dans notre région parce que ce n'est pas donné à un directeur, une directrice d'école ou à un enseignant de voir comment une galerie d'art peut avoir un effet sur l'apprentissage. Je vais vous en parler plus concrètement tantôt.

Nous ne sommes pas seulement là pour diffuser, nous sommes là aussi pour éduquer le jeune à devenir un consommateur, une consommatrice culturelle responsable.

Les actions concrètes maintenant. Et je dois dire quelque chose de très important. Depuis trois ans, le programme des langues officielles fait un transfert dans les districts scolaires et depuis ce temps-là, on a fait l'embauche de trois agents culturels et linguistiques et une mentor, qui est moi. Depuis trois ans, on peut avoir des actions concrètes telles que l'embauche de ces personnes-là pour faire du développement et pas juste de l'animation. Quand on ne développe pas, les actions ne sont pas durables. Les gens sont là, ils ne savent pas nécessairement c'est quoi leur mandat puis au niveau des arts et de la culture, ce n'est pas évident, donc on s'est doté d'une politique culturelle et par la suite, on a dit: « Est-ce qu'on fait de l'animation ou on fait du développement, du développement autant pour les écoles que pour la communauté artistique et culturelle? » Ces personnes jouent un rôle de leadership culturel en établissant des ponts, des liens, des passerelles entre la communauté, l'école et leur secteur respectif parce qu'en milieu rural, on n'a pas beaucoup de spécialistes, mais on a beaucoup d'artistes. C'est très important de reconnaître leur rôle, mais c'est très important d'accompagner aussi les artistes à l'intérieur de l'école parce que tu ne rentres pas n'importe comment dans les écoles. Il y a une façon de faire, et nous on les accompagne à ce niveau-là.

Ces agents-là ont comme mandat d'accompagner et de développer des outils qui permettront de soutenir les directions et le personnel dans l'intégration de leur rôle de passeur culturel. On le sait qu'on a une responsabilité, mais comment le faire, ce n'est pas toujours évident, et on n'a pas la recette tout de suite. C'est très important d'accompagner et de former ces gens-là parce qu'ils arrivent souvent du secteur culturel, et cela est important aussi. C'est important d'avoir des artistes qui entrent pour faire du développement parce qu'ils ont une vision, ils ont un processus de création dont nous on peut profiter et bénéficier dans nos écoles.

Pour savoir comment entrer dans une école et faire du développement, on a décidé de brosser un profil culturel de nos 22 écoles. On voulait dégager les orientations, les actions et les axes de développement que nous, on allait faire, et ensuite comment intervenir, et accompagner les directions d'école et les enseignants dans l'intégration de la dimension culturelle, identitaire et artistique dans leur plan éducatif et dans leur mission éducative aussi. Ensuite, on est allé un peu plus loin. On a dit: « On a une communauté, donc on va dresser un profil culturel de nos communautés pour savoir ce qu'ils ont à offrir à nos écoles. »

On voulait reconnaître la valeur éducative de leurs activités artistiques, culturelles et littéraires. Donc, on a fait un profil de ce qu'il y a dans notre région, de comment ils peuvent venir soutenir nos écoles, puis on a accompagné les organismes culturels et artistiques à leur intégration dans le milieu scolaire. En établissant ces profils, la table était mise pour le développement culturel.

Quelques exemples de partenariat et de développement. Nous avons actuellement une galerie d'art, en milieu rural, qui est la galerie d'art Bernard Jean du Centre culturel de Caraquet. On a dit c'est important. Pour moi, c'est important. C'est important pour les écoles, mais comment on va la nourrir pour inciter les jeunes, inciter les parents, inciter la communauté à reconnaître sa valeur? Je suis avant tout une enseignante, donc avec mes agents culturels, on a produit un guide d'accompagnement dans une galerie d'art: Comment on rentre dans une galerie d'art? Qu'est-ce qu'on y fait? Quel comportement on a? Quel questionnement l'enseignant peut-il aller chercher?

On a outillé la galerie et ensuite on a demandé à chaque artiste qui exposait, d'être présent avec les jeunes parce que c'est important que l'artiste voit les jeunes et c'est important que les jeunes voient le créateur. Donc on a outillé notre galerie d'art à cet effet-là. On est allé chercher dans nos fondements, pour mieux les accompagner et ensuite on a dit: « Si vous pouvez aller chercher une subvention pour cela, tant mieux. »

On a un partenariat important, très important avec le Salon du livre de la Péninsule acadienne. Pour nous, tout le volet jeunesse est assumé par le district scolaire, cela veut dire au moins 95 animations dans les écoles, et cela fait partie de mes tâches au sein du district scolaire de la Péninsule acadienne.

Vous savez que j'ai un rôle aussi au niveau de la littératie, et on sait que s'il y a un événement culturel qui se passe, qu'il y a des artistes, qu'il y a des écrivains qui sont là, il faut se joindre avec tout ce mouvement de littératie. On se soutien mutuellement.

Puis à un moment donné, on s'est dit: « Comment intégrer de plus en plus l'artiste et son médium dans les écoles en reconnaissant le rôle qu'il a au niveau de l'apprentissage et en reconnaissant son rôle au niveau du développement culturel et identitaire? » Nous avons créé un menu culturel annuel qui comporte certains volets. Cette année, c'était la vidéo, l'improvisation et l'art visuel. Donc on va chercher dans notre communauté des gens qui sont prêts à venir donner des ateliers, mais pas à n'importe quel prix. Les écoles doivent assumer les frais de ces artistes-là.

En reconnaissant le rôle et l'importance du développement culturel et identitaire, nous avons cru important d'offrir une programmation culturelle de qualité et gratuite à tous les élèves de la maternelle à la 12e année.Vous savez, on est dans la Péninsule acadienne. Il y a une conjoncture économique. Est-ce que les enfants de la Péninsule ne doivent pas voir des spectacles de qualité? Donc on s'y est mis et c'est nous qui assumons un budget de près de 60 000 $ par année pour que les enfants voient de la maternelle à la 12e année des spectacles de qualité. On essaie tous les ans d'offrir un médium différent pour eux.

Et il y a une prémisse qui est importante pour nous, c'est le produit acadien avant tout. On recherche d'abord la qualité artistique ou culturelle des gens d'ici, mais si n ne trouve pas ici, on va aller à l'extérieur. On essaie de soutenir avec autant de coeur qu'on peut, autant d'engagements, nos deux institutions théâtrales qui sont le Théâtre l'Escaouette et le TPA.

Nous n'allons pas chercher un spectacle ou une pièce de théâtre de l'extérieur lorsqu'une pièce de théâtre de grande qualité comme « Vie de cheval » était présentée ici. Cette année, ce qu'on fait dans notre programmation, on demande à ces gens-là, s'ils n'en ont pas, de nous diriger ou de nous suggérer certaines pièces de théâtre.

L'apprentissage par la culture bonifie la formation générale de l'élève. Elle inclut activement les fondements de la pédagogie différenciée. Il y a des jeunes qui apprennent au travers des arts et de la culture et qui apprennent de cette façon-là et uniquement de cette façon-là. Elle favorise l'estime de soi en nourrissant son sentiment d'appartenance à sa communauté. Elle agit étroitement sur le développement identitaire. Elle reconnaît les capacités de rassemblement des arts et de la culture.

Je tiens à dire que la Péninsule acadienne est une communauté qui a besoin d'être rassemblée. J'avais un mandat quand j'ai accepté le poste, et c'est de rassembler les jeunes au travers des arts et de la culture.

Et je résume, cela permet la diffusion des projets artistiques. Enfin, c'est un tandem essentiel qui donne du sens à l'école. Sans le transfert de ces programmes-là, on ne pourra pas faire du développement culturel et identitaire.

Le sénateur Champagne: Merci de vous être déplacées cet après-midi et de nous avoir fait part de tout ce qui passe dans votre magnifique coin de pays. Je dois dire que j'ai été ravie, deux jours avant que nous quittions pour venir ici, d'apprendre que le gouvernement fédéral et la province du Nouveau-Brunswick avaient réitéré leur engagement respectif d'appuyer l'éducation en français dans la province. Ce n'est peut-être pas un montant énorme, mais quand même, 1,7 million de dollars de plus, cela pourra sûrement aider, en espérant qu'il y en a qui se rendent jusque chez- vous.

Quand vous avez recruté ces agents culturels, vous avez dit: « On voulait des artistes. » Mais j'imagine qu'il y a autre chose. Puisque c'est vous qui étiez chargée de les trouver, de les recruter, qu'est-ce que vous cherchiez au départ et qu'est-ce que vous avez trouvé pour avoir les résultats que vous escomptiez?

Mme Duguay: Tout d'abord, on cherchait quelqu'un qui connaissait la communauté. Pas nécessairement la communauté scolaire. Moi je la connaissais, donc je pouvais leur donner le « briefing » et les éléments nécessaires. Cela s'apprend quand tu entres dans une école. Je ne sais pas pourquoi, mais on apprend vite les rudiments, et cetera. Mais pour moi, c'était fondamental que ces personnes-là aient une connaissance de leur communauté. On a quatre régions, on a trois agents culturels et demi, et c'était important que ces gens-là connaissent et aient des liens dans leur communauté.

Le sénateur Champagne: Et vous avez trouvé?

Mme Duguay: On a trouvé.

Le sénateur Champagne: C'est ce qui est, en fait, le plus important. Quelle est la première chose qu'un agent ou une agente culturelle doit faire quand elle arrive dans la région que vous lui destinez? Qu'est-ce qu'elle doit faire vraiment dans cette école-là quand elle arrive?

Mme Duguay: Quand elle arrive, elle a environ sept à huit écoles où elle doit intervenir. C'est connaître la culture de son école, connaître son profil culturel. C'est important. Parce qu'il y a cinq éléments dans un profil culturel, connaître où ils sont rendus, c'est s'asseoir avec la direction d'école et la vie étudiante et savoir c'est quoi leurs besoins? Qu'est-ce qu'ils veulent travailler? Qu'est-ce qu'ils veulent explorer cette année? Et souvent, ils les alimentent. C'est eux les agents culturels qui alimentent les directions d'école ou la vie étudiante en connaissant leur communauté. On leur met la table, puis des fois on leur met un service qui est tellement intéressant qu'ils s'engagent dedans.

Le sénateur Champagne: Je trouve l'idée extraordinaire et avec tout le travail que vous semblez y mettre, j'espère que vous aurez tous les résultats que vous espérez obtenir.

Mme Duguay: Merci.

Mme Gammon: Dans certains autres districts, ces agents-là peuvent être nommés aussi comme agents de développement communautaire, où on fait le développement de nos communautés, et c'est très semblable à ce qu'eux font, ce qu'ils ont appelé des développements de littératie.

Dans d'autres régions, ce sont des agents de littératie qui s'en occupent, parce que comme vous savez, dans notre région, 66,7 p. 100 de la population ont moins d'un niveau deux en littératie. Donc vous pouvez voir qu'au niveau scolaire, c'est difficile avec les enfants au niveau de la littératie et les arts et la culture, c'est un moyen pour nous aider dans le développement de la littératie.

C'est pour cela que nous, à la fédération, on croit beaucoup à l'importance des agents. Qu'on les appelle des agents de développement communautaire, des agents de développement des arts et de la culture, des agents de développement de littératie, c'est très, très important. Parce que si on veut assurer la survie de notre peuple, la survie de la francophonie chez notre peuple, on doit s'assurer que nos élèves augmentent leur niveau de littératie.

Le sénateur Champagne: Évidemment, l'alphabétisation à ce moment-là devient une chose de base.

Mme Gammon: Oui.

Le sénateur Champagne: Et ils n'arriveront pas à lire les livres dont on nous parlait tout à l'heure et ainsi de suite.

Mme Gammon: C'est ça.

Le sénateur Champagne: Et si cela peut se faire par le monde des arts, vous trouvez en moi quelqu'un qui vous approuve.

Mme Duguay: Merci.

Mme Gammon: Les programmes d'alphabétisation au Nouveau-Brunswick maintenant sont ce qu'on appelle scolarisant, donc c'est plutôt pour les personnes qui veulent retourner ou aller sur le marché du travail. Si vous êtes un parent, un grand-parent ou une personne significative dans la vie d'un enfant, que vous voulez augmenter son taux de littératie en français, c'est très difficile. Anciennement, il y avait 250 quelques classes d'alphabétisation, et maintenant il y en a 55. Voilà l'importance dans nos écoles d'avoir quelque chose pour motiver les enfants à avoir des livres à leur disposition parce que souvent à la maison, il n'y en a pas. Donc lorsqu'on dit que c'est moins d'un niveau 2 en littératie, ce sont des personnes qui ont moins d'une cinquième année en compréhension de lecture.

Le sénateur Losier-Cool: Mes questions portent sur le financement. Ces programmes de développement culturel, sont-ils uniquement du ministère de l'Éducation? Parce que quelqu'un a mentionné les programmes de langues officielles, alors il y a une partie ou tout qui vient du PLO?

Mme Gammon: Oui. Une partie qui vient du ministère par l'entremise du PLO, surtout les agents de développement artistique et culturel, un peu comme Mme Duguay. Mais dans certains districts où ils ont des écoles communautaires, des écoles au coeur de la communauté, qui est un nouveau concept au Nouveau-Brunswick, les districts doivent aller chercher des partenaires dans la communauté. Le concept « Les écoles au coeur de la communauté » a commencé comme un projet-pilote, dont Saint-André en était un. L'école à Robertville aussi et une autre dans le sud-est qui étaient des écoles communautaires. Eux, ils ont eu beaucoup de financement. C'était du financement qui provenait du fédéral, spécifique pour le développement de ces écoles communautaires, au coeur de la communauté.

Par la suite, la province, au ministère de l'Éducation, ont adopté le concept puis maintenant à chaque année, on identifie cinq écoles à travers la province, une école par district. Ils sont renommés « écoles au coeur de la communauté », des écoles communautaires, où il y a du financement pour des agents de développement communautaire.

Dans le district de l'Étoile du Nord, dans le district scolaire 5, la direction générale, est allée chercher au-delà de 500 000 $ en partenariat avec la communauté pour financer ce concept-là qui est d'assurer que la communauté entre dans les écoles, qu'on puisse financer des gens et des programmes.

Le sénateur Losier-Cool: Alors, ce n'est pas simplement dans les districts scolaires francophones?

Mme Gammon: Les écoles au coeur de la communauté.

Le sénateur Losier-Cool: Mais toute la question de développement culturel, elle peut exister du côté anglophone aussi?

Mme Duguay: On a un double mandat. Est-ce que l'éducation de langue anglaise... Je ne le sais pas là.

Le sénateur Losier-Cool: Vous ne savez pas si cela existe ailleurs.

Mme Duguay: Si ce concept-là de développement culturel et identitaire existe, je ne le sais pas.

Le sénateur Losier-Cool: Depuis combien de temps ce programme existe-t-il?

Mme Duguay: Au district 9, depuis 2005. Puis on a une enveloppe qui vient du Programme des langues officielles. Comme je l'ai dit au tout début, si on n'avait pas ça, on ne pourrait pas faire du développement culturel et identitaire.

Le sénateur Losier-Cool: Et cette enveloppe, vous avez une certaine assurance qu'elle va continuer?

Mme Duguay: Je pense. Ma direction générale est dans la salle. Je pense que oui. Mais si on n'a pas ça, on a les sous nécessaires pour faire l'éducation. Le reste, c'est comme un sundae, on peut ajouter des choses.

Mme Gammon: Les écoles communautaires sont dans les deux communautés linguistiques, mais le développement au niveau de la culture identitaire, c'est certain que c'est plus fort chez la communauté linguistique francophone parce que nous sommes baignés dans les arts et la culture anglophone. C'est un défi parce que pour les jeunes, c'est « cool » de parler en anglais, c'est « cool » d'avoir de la musique en anglais, c'est « cool » de faire ces choses-là.

Le sénateur Losier-Cool: C'est encore « cool ».

Mme Gammon: C'est vraiment un défi. On est vraiment choyé dans nos écoles maintenant d'avoir des personnes comme elle qui aident les enseignants. En ayant les activités, en voyant les artistes, c'est vraiment très, très important pour les jeunes parce que cela créé une impression. Les jeunes sont fascinés par tout ça et ils voient que c'est maintenant « cool » d'avoir des activités artistiques et culturelles en français.

Le sénateur Losier-Cool: Madame Duguay, dans votre présentation et dans votre mandat, il y avait votre intention de développer des consommateurs culturels. Je pense que c'est les termes que vous avez utilisés.

Mme Duguay: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Est-ce que depuis trois ans vous pouvez évaluer si les jeunes consomment plus du côté francophone ou s'ils achètent encore de la musique américaine?

Mme Duguay: Je n'ai pas tout dit les actions qu'on avait faites, entre autres pour moi être un consommateur d'arts et de culture, c'est aussi de ne plus aller voir un spectacle dans un gymnase. C'est de se respecter comme un être humain et d'aller voir un spectacle dans une salle de spectacles. Pour nous, c'est fondamental. Tous les enfants voient des spectacles dans des salles de spectacles.

Et oui, parce que là on est en train de créer des partenariats avec les sociétés culturelles. Ils travaillent fort ces gens- là, surtout que c'est souvent des femmes qui travaillent fort avec peu de budget, puis on essaie de créer un partenariat pour des spectacles familiaux.

Donc, on a toute une éducation à faire pour éduquer les parents sur des spectacles de qualité, des spectacles qui sont autres que de la magie ou autres qu'un spectacle américain, et je pense que oui, nos spectacles, les jeunes en sont très fiers, ils en demandent.

Quand on fait du développement, il faudrait aller à une autre étape. C'est où eux vont faire des sélections, où eux vont s'engager culturellement. On va avoir un colloque sur le jeune comme passeur culturel, puis on va se servir du Congrès mondial acadien dans ce sens-là, pour réveiller les gens, pour les engager.

Cela fait que nous, on a des axes de développement et on utilise le cadre théorique de la SELF et le cadre théorique d'une jeune chercheuse sur comment engager les jeunes, et que ce soit des actions durables aussi. On va aller niveau par niveau.

Le sénateur Losier-Cool: C'est un défi très, très échelonné aussi.

Mme Duguay: C'est du développement, oui.

Le sénateur Losier-Cool: Ce matin, les témoins que nous avons entendus ont mentionné le manque d'infrastructure, de belles salles dans la région ici, de salles de spectacles.

Mme Duguay: Oui.

Le sénateur Losier-Cool: Alors, les jeunes que vous voulez développer comme des consommateurs culturels seront dans quelques années d'ici les personnes qui feront des demandes et des pressions, et des pressions politiques s'il le faut, pour avoir les infrastructures nécessaires. Je vous remercie vraiment de ce beau travail que vous faites.

Mme Duguay: Merci.

Le sénateur Losier-Cool: Je vous félicite.

Mme Gammon: Ce serait important, dans les nouveaux devis pédagogiques dans la construction des écoles, qu'on s'assure qu'il y a des salles de spectacles à l'intérieur des écoles. Souvent, lorsqu'on construit une école et qu'il y a des compressions budgétaires à faire, c'est là qu'on coupe, donc c'est important.

Je voulais aussi mentionner que la problématique d'implanter les arts et la culture, joue sur deux niveaux, la formation et le recrutement des personnes pour venir dans les régions rurales telles la région Chaleur et la Péninsule acadienne. Le district est chanceux parce Mme Duguay vient de la Péninsule, c'est son chez-eux, elle est fière d'elle donc elle peut contribuer. Mais pour avoir des gens qui ont une formation pour enseigner dans une salle de classe au Nouveau-Brunswick, il faut avoir une formation de base et une formation en éducation, ce qui veut dire qu'une personne spécialiste dans le domaine artistique, ça peut vouloir dire un baccalauréat en arts et ensuite une année de formation en éducation; ce qui veut dire quatre, cinq ans, peut-être six ans de formation. C'est donc un défi de recruter des personnes pour agir au niveau des arts et de la culture, faire le développement dans nos écoles. En ce qui concerne le recrutement, je sais qu'il y a certains districts scolaires qui ont embauché des agents de recrutement pour combler nos besoins dans tous les niveaux, mais spécifiquement dans les arts et la culture parce que c'est déjà une problématique.

Le sénateur Losier-Cool: Est-ce que ce développement et ces programmes-là existent ailleurs? Est-ce qu'il y a des mentors en littératie chez les Franco-ontariens?

Mme Gammon: Ils ont eu des programmes d'animation culturelle, c'est à peu près la même chose. Comme moi, je suis la personne accompagnatrice. Si tu laisses ces gens-là aller, ce n'est pas des gens qui connaissent le système scolaire. Moi je suis là depuis 20 quelques années, je le connais. Je l'ai apprivoisé, parce qu'il a besoin d'être apprivoisé. Mais quelqu'un de l'extérieur qui arrive pour faire du développement, ce n'est pas évident. En Ontario, ils ont eu le concept, mais à un moment donné cela a tombé à l'eau.

La recherche nous dit que pour faire du développement culturel à l'intérieur des écoles, il faut avoir des gens qui s'en occupent. Il le faut. Pour ma part, je ne voulais pas faire de l'animation. Quand tu fais de l'animation, tu bas les ailes et à un moment donné il n'y a rien qui est fait. Tu t'épuises.

La présidente: Oui, c'est ça.

Mme Gammon: On a fait une prise de conscience, on fait du développement et on essaie de poser des actions qui sont durables. On va le reconnaître et on aura formé des jeunes.

La présidente: J'ai une question supplémentaire aux questions de la sénatrice Losier-Cool. Quand vous avez parlé du financement tout à l'heure et que vous avez dit que ça provenait des langues officielles, à titre d'exemple, est-ce que cela passe par l'entremise des accords de financement en éducation, fédéraux et provinciaux, où il y a trois enveloppes: langue première, langue seconde et les projets spéciaux? Ou est-ce que cela provient de l'autre entente, Canada- communauté, ou du plan d'action des langues officielles, le savez-vous?

Mme Duguay: Je ne le sais pas.

Mme Gammon: Cela vient en deux parties, le plan d'action des langues officielles et surtout le plan des langues officielles en éducation.

La présidente: C'est ça, les accords en éducation? Il y a trois enveloppes.

Mme Gammon: Au Nouveau-Brunswick, c'est particulier parce que les argents viennent au ministère de l'Éducation et c'est le ministère qui en fait la diffusion au niveau de la province. Il y a certains de ces argents qui sont aussi utilisés pour les programmes d'immersion.

L'Association des enseignants et des enseignantes francophones du Nouveau-Brunswick (AEFNB), depuis plusieurs années, demandent une explication détaillée des argents qui nous viennent du fédéral, et où ils sont placés.

On a espoir que le commissaire en éducation qui va être nommé sous peu, que ce sera une de ses tâches, parmi les défis au niveau de l'éducation en français parce que nous, on n'a pas seulement une mission éducative, on a une mission vers la construction identitaire de nos jeunes.

Pour la francophonie, c'est très, très important, puis ce que les agents comme elles font au niveau des arts et de la culture.

Les États généraux qui ont été financés majoritairement par le fédéral, ou en grande partie par le fédéral, les États généraux des arts et de la culture, je pense que beaucoup du financement est venu de Patrimoine canada. Cela a éveillé la province comme rien d'autre au niveau du besoin des arts et de la culture au niveau de l'éducation et cela peut assurer, garantir quasiment notre francophonie.

Le sénateur Corbin: D'abord, je tiens à vous féliciter. Le travail que vous faites est extraordinaire. J'aurais aimé être récipiendaire de ce genre de service quand j'étais à l'école moi-même. C'est plus tard dans la vie qu'on vient à réaliser tout ce qui a pu nous manquer, et les élèves d'aujourd'hui sont fortunés d'avoir des personnes comme vous pour leur développement personnel et communautaire, il n'y a aucun doute.

Vous avez parlé de l'intégration de l'artiste à l'école. C'est à vous madame Duguay spécifiquement que je pose cette question. Et vous avez dit: « L'école assume les frais. » Comment cela se déroule?

Mme Duguay: Quand on fait du développement, on va voir dans notre communauté, et avec les directions d'école, le personnel enseignant, on cible des volets où ils souhaiteraient qu'on aille chercher des personnes ressources. Cette année, c'est un volet théâtre, dans la mise en scène.

Le sénateur Corbin: C'est pour l'ensemble de votre secteur?

Mme Gammon: C'est ça.

Mme Duguay: Oui, dans les 22 écoles. Il y avait un volet vidéo, un volet art visuel, un volet théâtre. On va chercher dans la communauté des gens qui peuvent venir faire de la mise en scène, parce qu'il y avait un volet mise en scène puis il y avait un volet écriture théâtral, culture dramatique. Donc, on est allé chercher dans notre communauté et on négocie ensuite avec l'artiste. Nous, on reconnaît son rôle, donc il doit y avoir un salaire qui vient avec, un salaire convenable. Quand il entre dans les écoles, c'est sûr et certain qu'il vient avec des résultats d'apprentissage, il vient avec des objectifs pédagogiques, donc son mandat était d'écrire une pièce de théâtre, faire une mise en scène. L'école ne fait pas cette négociation. Nous on fait la négociation. On a les noms des gens qui peuvent venir, mais on leur fait un horaire. On organise pour l'école, puis là la personne doit se rendre sur place.

Le sénateur Corbin: Vous faites un calendrier pour l'année?

Mme Duguay: Un calendrier, une programmation. Le menu culturel, je vous en ai laissé une copie.

Le sénateur Corbin: Est-ce que Paquetville, c'est dans votre secteur?

Mme Duguay: Oui.

Le sénateur Corbin: Est-ce que Édith Butler a été impliquée dans un programme de ce genre?

Mme Duguay: Madame Butler a été très impliquée au niveau d'une école communautaire chez nous. Elle est devenue la marraine et l'an prochain, en 2009, elle fera partie de la programmation culturelle parce qu'elle va faire une tournée dans les écoles.

Le sénateur Corbin: Dans les 22 écoles?

Mme Duguay: Dans les 22 écoles. Il faut faire attention, parce que longtemps on a pensé que les enfants de la maternelle, les ados et les jeunes adultes pouvaient voir le même spectacle. Nous, on refuse cela. On a un spectacle de la maternelle à trois ans, de quatre à six ans, de sept à neuf ans et de dix à douze ans, puis des fois les sept à 12 ans. C'est le secondaire ici, premier cycle, deuxième et troisième là, secondaire un, deux et trois.

Quand on a commencé à assumer les coûts de la programmation culturelle, on a dû changer, travailler avec les directions d'école puis leur dire: « Regarde, on ne peut pas offrir un même spectacle qu'à un enfant de la maternelle. »

Puis il y a des gens comme les jeunesses musicales ici que c'est du non négociable. Les jeunes doivent en voir parce que cela vient de l'extérieur; c'est correct, car sans cela les enfants ne connaîtraient pas ça, de l'opéra et puis, et cetera.

Le sénateur Corbin: Vous avez dit à un moment donné que la Péninsule acadienne avait un besoin de rassemblement. Que vouliez-vous dire par cela?

Mme Duguay: Vous savez que la Péninsule acadienne, c'est quatre grandes régions qui sont plus ou moins isolées. Moi je crois dans le pouvoir des arts et de la culture. Il n'y a pas de barrière. Il n'y a pas de limite pour regrouper ces jeunes-là. On a un phénomène de jeunes qui partent, de jeunes familles qui partent et nous, on a besoin de leur dire: « Si vous restez ici, vous êtes bons. Ce n'est pas parce que tu pars, c'est parce que tu restes ». On doit faire quelque chose pour retenir, faire la rétention.

On a cru dans le pouvoir des arts et de la culture. On fait un rassemblement culturel de quatre, cinq jours par année qui s'appelle le Buzz Arts. C'est une exposition aux arts et à la culture, ce qui se fait dans nos écoles, et ça n'a pas de frontière. C'est à Shippagan, mais c'est comme pas de frontière. Les arts et la culture, c'est ça. Ce n'est pas contre. Ce n'est pas quelque chose contre, c'est avec.

Le sénateur Corbin: Mes félicitations encore une fois.

Le sénateur Losier-Cool: Oui, félicitations certain.

Le sénateur Corbin: C'est formidable ce que vous faites.

Mme Gammon: C'est que c'est doublement difficile de faire tout ce qui se fait dans la Péninsule acadienne dans des milieux bilingues, comme au Centre Samuel de Champlain, au Centre Beausoleil, dans la région Chaleur, parce que ce sont des régions qu'ils sont 51 p. 100 et 49 p. 100. C'est plus difficile de rallier les jeunes. C'est plus difficile. Et dans la région Chaleur particulièrement, la question de la langue, c'est épineux. Rose-Marie connaît, elle vient d'ici.

Il faut faire attention au niveau de la question de la langue, ça fait que c'est doublement difficile dans nos régions de rassembler, parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de mariages exogames.

La présidente: Mais vous le faites quand même.

Mme Gammon: On le fait quand même. Oui, ça se fait, mais c'est un peu plus difficile de rallier les gens que ce l'est dans une région comme la Péninsule où tout le monde a la même langue ou la grande majorité des gens ont la même langue.

Le sénateur Losier-Cool: Madame Gammon, suite à votre élection au Conseil municipal, vous devrez maintenant apporter ce défi-là au Conseil municipal de Bathurst afin que la municipalité reflète bien ce qui se passe dans toute la région Chaleur.

Mme Gammon: On a commencé, on a fait l'assermentation dans les deux langues. C'est la première fois que cela se fait en français.

Le sénateur Losier-Cool: Voilà.

La présidente: Laissez-moi mesdames vous remercier très sincèrement au nom des membres du Comité sénatorial des langues officielles. Cela a été fort intéressant. Moi qui viens du Manitoba, je dois vous avouer que je suis jalouse à cause des belles choses qui se passent ici. Il faut regarder les succès d'ailleurs peut-être puis voir comment ça peut se faire chez nous. Merci beaucoup, félicitations, et bon succès.

La séance est levée.


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