Aller au contenu
POPU

Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 1 - Témoignages du 22 novembre 2007


OTTAWA, le jeudi 22 novembre 2007

Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 11 heures, pour étudier en vue d'en faire rapport les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

Le président : Bonjour. Je suis le sénateur Keon, président du Sous-comité sur la santé des populations. Nous vous sommes très reconnaissants de vous joindre à nous par vidéoconférence. Nous avons une scène hivernale féérique à l'extérieur. Nous allons recevoir aujourd'hui quinze centimètres de neige, de quoi vous rendre verts de jalousie là-bas, en Suède.

Je crois savoir que nous accueillons, du ministère de la Santé et des Affaires sociales, Irene Nilsson-Carlsson, de l'Institut suédois de la santé publique, le Dr Gunnar Ågren; de l'Institut Karolinska, Département des services de santé publique, Mme Piroska Östlin, sans oublier M. Bernt Lundgren.

Comme je l'ai dit tout à l'heure, je m'appelle le sénateur Keon. Je suis entouré du sénateur Lucie Pépin, vice- présidente du comité, du sénateur Joyce Fairbairn et du sénateur Eggleton, qui est en fait le président du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Sont également présentes les sénateurs Joan Cook et Catherine Callbeck.

Irene Nilsson-Carlsson, directrice générale adjointe, Division de la santé publique, ministère de la Santé et des Affaires sociales de Suède : Honorables sénateurs, je vous remercie d'avoir invité la Suède et les personnes ici présentes à cette vidéoconférence et de nous donner ainsi l'occasion d'expliquer ce qui se fait en Suède. Je suis à la tête de la Division de la santé publique au ministère de la Santé et des Affaires sociales de la Suède. J'aimerais vous faire part de certaines des leçons que nous avons apprises lorsque nous avons établi notre politique de santé publique.

Habituellement, lorsqu'on élabore une politique, il faut le faire dans un délai donné. Toutefois, la création d'une politique moderne de santé publique nécessite la participation ou l'apport d'autres éléments de la société. On ne saurait bien comprendre la question et dégager des consensus sans y avoir mûrement réfléchi, avoir tout remis en question et en avoir longuement discuté. Pour qu'une politique de santé publique ait un impact véritable sur la santé publique, il est indispensable que toute la société s'y engage. C'est là une leçon que nous avons tirée de l'expérience.

Notre gouvernement en était bien conscient, et c'est la raison pour laquelle il a formé un comité national sur la santé publique, chargé de proposer des objectifs nationaux en matière de santé publique. Dans son mandat, il était clairement indiqué que le comité devait percevoir son travail comme un processus et compter largement sur la participation du public et des secteurs bénévoles en général.

En outre, le comité s'est vu accorder trois ans pour remplir son mandat, ce qui est beaucoup plus que les délais imposés aux comités gouvernementaux, qui sont souvent bien plus courts. Ce que je veux dire, c'est qu'un processus comme cela prend beaucoup de temps et qu'il n'y a pas de raccourci possible. L'avantage d'accorder un si long délai, c'est que la société a le temps de se préparer.

Mais pour maintenir le rythme tout ce temps, il faut avoir des sources de motivation, qui ont pris la forme, dans ce cas précis, de rapports d'experts, de documents exposant des points de vue controversés sur des sujets comme l'alcool et le tabac, ainsi que de nombreuses réunions, y compris au sujet de nombreux déterminants sociaux, de même que plusieurs rencontres, consultations et débats publics tenus partout au pays. C'était important.

Un autre aspect fort important du processus était la composition du comité, qui s'appuyait sur trois piliers. Nous avions des représentants de toutes les formations politiques présentes au Parlement (celles de gauche comme celles de droite, et tout ce qu'il y a entre ces deux pôles), des spécialistes de renom en matière de santé publique et des experts des autorités locales et régionales et des organismes d'État compétents, ainsi que d'un certain nombre d'ONG intéressées.

Après que le comité a déposé son rapport, le gouvernement a mis près de deux ans à réfléchir à la question et à présenter une proposition au Parlement, au sujet de laquelle ce dernier s'est prononcé définitivement en 2003. C'était là aussi une phase cruciale durant laquelle nous avons eu beaucoup de temps pour discuter avec tous les autres ministères.

Pourquoi les déterminants, me demanderez-vous. Dans sa stratégie en matière de santé publique, la Suède a décidé de s'attaquer aux déterminants de la santé plutôt qu'aux maladies elles-mêmes. Pourquoi? Vu le temps limité qui m'est alloué, mes explications seront brèves.

La majorité des stratégies de cette nature qui nous étaient connues à l'époque étaient axées sur les résultats. Les objectifs et les cibles établis se limitaient essentiellement à une réduction de la morbidité et de la mortalité. Bien sûr, c'est ce que nous souhaitons tous en bout de ligne, mais la question importante à se poser est : comment fait-on pour parvenir à ce résultat?

Dans un sens, on peut dire que nous sommes allés à contre-courant en regardant en amont du problème. Il s'agissait de se concentrer sur les changements qui pourraient être réalisés à l'aide de mesures politiques. Nous parlons ici d'un comité politique et d'un processus tout aussi politique. C'est pourquoi nous aimerions nous concentrer sur ce qui peut être réalisé au moyen de mesures politiques.

Le rôle des élus politiques consiste notamment à créer les conditions sociales favorables à une bonne santé, des conditions qu'un particulier ne peut reproduire seul. Si l'hygiène personnelle était plutôt perçue comme une responsabilité individuelle, la santé publique, elle, apparaissait comme la responsabilité de la société dans son ensemble. En s'intéressant aux déterminants de la santé, la stratégie en matière de santé publique devenait également un enjeu politique net, ce qui a de l'importance.

À peu près tout le monde veut des résultats positifs, mais l'essentiel est de décider de la manière de s'y prendre. On peut en discuter longuement, et les opinions politiques divergent quant aux moyens à prendre.

En prêtant ainsi à la santé un caractère plus politique, on suscitait un intérêt accru au sein de la population à son égard. Le gouvernement suédois et la majorité des partis représentés au Parlement se sont entendus sur l'importance d'inscrire dans la politique de santé publique le droit égal à une bonne santé.

Je sais que vous avez déjà entendu parler des onze domaines de la santé publique (que nous ne désignons pas, soit dit en passant, comme des buts). Je ne vais donc pas vous les énumérer ici. Mais je vous ferai remarquer la contribution apparente de l'un de ces domaines, à savoir la promotion de la santé. Vous pouvez aussi facilement retracer les champs d'action dans la Charte d'Ottawa et retrouver l'idée de promouvoir la santé publique exposée dans les recommandations d'Adélaïde, tout comme la nécessité de créer des milieux physiques sains et d'adopter une démarche fondée sur l'expérience clinique.

Il est important de souligner qu'il faut que les domaines en question soient considérés dans une perspective holistique et mis en lien les uns avec les autres. Par exemple, la promotion de saines habitudes alimentaires est reliée aux conditions socioéconomiques ainsi qu'à un milieu sain et sécuritaire favorisant le développement. C'est là un point sur lequel nous devons insister davantage.

Différents ministères et secteurs de politique sont mis à contribution en vue d'atteindre les objectifs établis. L'approche axée sur les déterminants de la santé a aidé les autres ministères à mieux comprendre le rôle crucial qu'ils ont à jouer dans le domaine de la santé. Pour toutes sortes de raisons, des ministères comme celui de l'Environnement, de l'Agriculture et du Consommateur et des Finances, se sont intéressés davantage à la santé.

En règle générale, d'autres ministères étaient très favorables à l'idée d'améliorer la santé. Ils se sont aperçus que les mesures prises dans leur secteur pour améliorer la santé publique leur fournissaient souvent des arguments plus solides en faveur de l'acquisition de ressources supplémentaires.

La première étape a été de se doter d'une structure administrative propre à faciliter la mise en œuvre de la stratégie suédoise en matière de santé publique. Pour cela, nous avons transposé dans le contexte de la santé publique les objectifs existant déjà dans d'autres secteurs de politique, établissant ainsi des responsabilités sectorielles. Lorsque nous avons constaté que d'autres ministères avaient déjà des objectifs et des buts qui concordaient avec la politique en matière de santé publique, nous avons cru sage de capitaliser sur eux.

La seconde étape a été de nommer un ministre spécial de la Santé publique et de consolider les mécanismes interministériels au sein du gouvernement.

La troisième a été de créer un groupe directeur national sur les questions de santé publique au sein duquel la plupart des organismes nationaux intéressés sont représentés par leurs directeurs généraux respectifs. Enfin, comme quatrième étape, nous avons confié à l'Institut national de santé publique de la Suède le rôle d'organisme de coordination.

Ayant décidé d'adopter une approche axée sur les déterminants, il était tout naturel de voir ce que les politiques existantes avaient à dire à ce sujet. Étonnamment, ou non, nous avons constaté qu'il existait déjà de nombreuses dispositions en la matière, sauf qu'elles n'étaient pas exprimées en fonction de la santé publique. Par conséquent, au lieu d'inventer de nouvelles politiques, nous avons commencé par mettre en relief et renforcer l'aspect de la santé dans les politiques existantes.

L'adoption d'une politique globale de santé publique a convaincu le premier ministre de la nécessité de nommer un ministre spécial de la Santé publique. Il s'agissait, pour nous, d'un ministre de premier plan chargé de prendre des mesures à l'égard de tous les déterminants liés aux onze domaines ou objectifs établis en matière de santé publique et de coordonner l'application de la politique de santé publique du gouvernement.

On veut que le ministre de la Santé publique puisse se concentrer sur la promotion de la santé et la prévention des maladies.

Pour veiller à l'application de la politique, on a formé un groupe directeur national placé sous la direction du ministre. Ce groupe intersectoriel réunit les directeurs généraux d'environ vingt organismes d'État chargés de mettre en œuvre les éléments de la politique de santé publique relevant de leur secteur de responsabilité.

L'Institut national de santé publique a la tâche importante de coordonner et d'accélérer la mise en oeuvre de la politique nationale de santé publique, mais je laisse le directeur général de cet institut, le Dr Ågren, vous en dire plus à ce sujet dans une minute.

Le gouvernement a systématiquement donné instruction aux organismes d'État concernés de prendre les mesures nécessaires et de rendre compte de leurs objectifs dans leur secteur de responsabilité. La réaction, jusqu'à présent, a été meilleure que prévu.

On s'est beaucoup soucié de consacrer des efforts supplémentaires à la surveillance et à l'évaluation de la mise en oeuvre de la politique de santé publique, et la raison en est simple : les chances qu'une politique soit mise en oeuvre sont meilleures lorsqu'on dispose d'un mécanisme de surveillance.

En outre, il existe en Suède un rapport sur la santé publique qui est publié chaque année et qui fait état des tendances au chapitre de la morbidité, de la mortalité et de l'exposition au risque, auquel s'ajoute maintenant un rapport sur la politique de santé publique, qui s'intéresse surtout aux indicateurs relatifs aux déterminants de la santé ainsi qu'aux priorités et aux moyens d'action suggérés.

Dr Gunnar Ågren, directeur général, Institut national de la santé publique de Suède : Je suis le directeur général de l'Institut national de la santé publique de Suède depuis 1999. Auparavant, j'étais également membre du Comité national de la santé publique. Notre institut est un organisme gouvernemental qui relève du ministère de la Santé et des Affaires sociales. Nos directives nous viennent du gouvernement, mais nous jouissons d'un fort degré d'indépendance dans le cadre de nos analyses et dans l'exécution de notre travail.

Une de nos principales tâches consiste à surveiller et à coordonner, avec les autres organismes centraux, la mise en œuvre de la politique nationale de santé publique. La deuxième est de servir de centre national de connaissances sur les méthodes et les stratégies dans le domaine de la santé publique en tant que spécialistes des collectivités locales et des régions. Nous devons aussi agir comme organisme de surveillance en matière d'alcool, de tabac et de drogues illicites, domaines dans lesquels il existe beaucoup de lois. Il convient de souligner que la majeure partie des activités de promotion de la santé sont réalisées par les collectivités suédoises, lesquelles sont responsables de nombreux aspects de santé de la vie quotidienne, comme les écoles, l'hygiène et les soins aux personnes âgées, et par les régions suédoises qui sont responsables des soins de santé, ainsi que de la prévention des maladies. Il existe aussi plusieurs importants organismes bénévoles dans le domaine de la santé publique, par exemple le mouvement pour la sobriété et les organismes pour les personnes à la retraite et les personnes handicapées.

D'autres organismes gouvernementaux importants sont aussi actifs dans le secteur de la santé, par exemple l'Office national de la santé et du bien-être social, qui compte un centre d'épidémiologie. Le centre offre de nombreuses données intéressantes sur les résultats en matière de santé. Il y a aussi l'Institut suédois pour la lutte contre les maladies infectieuses, qui produit de la statistique à ce sujet.

Notre institut existe principalement afin de suivre la réalisation des divers objectifs. Un de nos services, chargé des analyses et du suivi, est le principal responsable de la coordination des activités touchant le rapport sur les politiques de santé publique. Ce service s'occupe également du sondage annuel sur les comportements liés à la santé, les conditions de vie et la déclaration volontaire en matière de santé. Le sondage porte sur quelque 60 000 Suédois et fournit la plupart des données sur les déterminants de la santé liés aux habitudes de vie.

M. Bernt Lundgren vous fournira de l'information sur l'évolution de la première politique en matière de santé publique. Je tiens toutefois à formuler quelques commentaires généraux.

Tout d'abord, le groupe directeur central dirigé par le ministre de la Santé publique dont il a été question tout à l'heure a joué un rôle essentiel pour ce qui est de tailler une place à la santé publique comme enjeu légitime dans les autres secteurs de l'administration gouvernementale. Il est très important que les directeurs généraux se rencontrent pour discuter de ces questions, soit de la façon de mettre en œuvre la politique en matière de santé publique et des indicateurs comme tels qu'il faut utiliser et ainsi de suite. Il est donc très important que le groupe relève directement d'un membre du conseil des ministres.

Je crois aussi que la synergie entre la santé publique et d'autres objectifs importants, comme la croissance économique, revêt aussi une grande importance. Lorsque les représentants d'autres secteurs de la société constatent que la bonne santé favorise la réalisation de leurs propres objectifs, ils deviennent beaucoup plus réceptifs à la mise en œuvre de la politique de santé publique.

C'est également vrai pour la mise en œuvre de la politique à l'échelon régional et local. Il est très courant de tenir la santé publique pour un facteur qui améliore la croissance et le développement régional dans différentes régions de Suède.

Bien que le rapport sur la politique de santé publique porte sur les objectifs dans tous les domaines, il importe aussi — c'est une leçon que nous avons apprise — de concentrer les efforts sur les principaux problèmes de santé publique, par exemple, dans le cas de la Suède, l'alcoolisme, l'obésité croissante et le manque d'activité physique, ainsi que la santé mentale chez les jeunes et la stagnation de la santé des personnes âgées.

Dans l'avenir, il sera encore plus important d'avoir appris qu'il faut se concentrer sur les principaux problèmes de santé publique ou faire davantage rapport à leur sujet.

Bernt Lundgren, expert en politique en matière de santé publique, Institut national de la santé publique de Suède : Je vous remercie de me donner l'occasion de vous offrir quelques précisions concernant la mise en oeuvre, la surveillance et l'évaluation de la vaste politique suédoise en matière de santé publique basée sur les déterminants au cours de la première phase de sa mise en œuvre, soit de 2003 à 2005.

J'ai été secrétaire principal de la Commission nationale sur la santé publique de la Suède et je suis actuellement expert en politique de santé publique à l'Institut national de la santé publique de la Suède. Mon exposé s'appuie sur le rapport sur la politique en matière de santé publique de 2005 dont j'ai été le principal secrétaire et qui a été présenté au ministre de la Santé publique en octobre 2005.

Le rapport décrit les expériences vécues durant la mise en œuvre et présente des données chronologiques pour 42 déterminants importants de la santé. Dans le rapport, l'Institut propose également 29 priorités ayant trait aux menaces pour la santé dans les domaines de la maladie et de la santé mentale et fait 13 propositions ayant trait à la politique et à la capacité. Dans mon exposé d'aujourd'hui, j'insisterai plus particulièrement sur le volet capacité.

En 2002, le gouvernement a confié à l'Institut le mandat de concevoir un système de surveillance incluant des indicateurs liés à la nouvelle politique en matière de santé publique et, en 2003 et 2004, de soutenir des organismes d'État choisis pour les aider à comprendre leur rôle en matière de santé publique. Pour s'acquitter de cette tâche, l'Institut a dû déterminer certains points de départ normatifs. Ainsi, l'Institut a élaboré une stratégie mettant l'accent sur le fait que les intervenants à l'extérieur du secteur des services de santé devaient d'abord décider des déterminants considérés comme étant importants dans leur propre sphère d'activité et des groupes auxquels ils s'appliquent, puis établir des indicateurs aux fins de suivi et, de plus, renforcer les capacités, faire des évaluations d'impact sur la santé et prendre des mesures relativement aux déterminants. Enfin, les intervenants devaient surveiller les effets des interventions, proposer de nouveaux mécanismes de direction et des interventions et faire rapport aux intéressés.

L'Institut a présenté un projet, y compris des indicateurs, au gouvernement en mars 2003. Les autorités gouvernementales ont distribué le projet proposé à 45 organismes centraux pour avoir leurs opinions. Ainsi, un processus de communication s'est amorcé entre l'Institut et plus de vingt organismes centraux œuvrant dans un éventail de domaines, depuis l'agriculture jusqu'à l'éducation. À la suite de cette activité, l'Institut a adopté 38 indicateurs principaux en novembre 2004. Ce nombre a par la suite été ramené à 36 indicateurs principaux dans le cadre de l'élaboration du rapport sur la politique en matière de santé publique de 2005. En plus des indicateurs principaux, le rapport contient aussi 47 indicateurs secondaires. Je vous ai envoyé une annexe qui fait état des déterminants, des indicateurs et des sources des indicateurs.

Tandis que le travail portant sur les indicateurs faisait l'objet d'un suivi, une démarche fondée sur le dialogue visant à appuyer les organismes sectoriels d'État dans leurs rôles en matière de santé publique a été amorcée. Le gouvernement a confié à 17 organismes d'État en 2004 et à 13 organismes en 2005 la tâche de travailler activement à la réalisation de l'objectif global et de faire rapport sur les résultats de leurs efforts.

Ainsi, le dialogue a commencé par des rencontres entre l'Institut et les directeurs généraux des organismes et les gouverneurs de comté au sujet des points de départ normatifs. Ces rencontres ont été suivies de réunions multilatérales et bilatérales avec des représentants des organismes portant sur le suivi des déterminants et la production de rapports sur les initiatives et les réalisations. Ces activités ont donné lieu à la production d'un rapport présenté à l'Institut par 22 organismes nationaux et huit conseils d'administration de comté (organismes d'État régionaux) en 2004-2005 et par 13 conseils d'administration de comté en 2006. Ces derniers n'ont pas été inclus dans le rapport sur la politique en matière de santé publique de 2005. La question du transfert de prise en charge, en plus d'être liée aux points de départ normatifs constituait un élément très important du processus de dialogue. Par transfert de prise en charge, on entend que la responsabilité des organismes comprend également d'assurer le suivi de l'élaboration des déterminants en matière de santé, d'établir des indicateurs pertinents dans le domaine et d'utiliser de bonnes données pour élaborer les indicateurs.

L'Institut a offert son soutien aux municipalités et aux conseils de comité principalement sous la forme de séminaires et de participation à des groupes stratégiques, à des groupes d'examen des connaissances et à la rédaction de rapports. L'Institut a aussi compilé ce que nous appelons les statistiques de base en matière de santé publique pour les autorités locales en vue d'aider les municipalités à planifier et à surveiller leur travail dans le domaine de la santé publique. Dans le but de recueillir des informations pour le rapport sur la politique en matière de santé publique de 2005, l'Institut a réalisé des interviews téléphoniques en 2004 avec les 21 conseils de comté et régions et a distribué un questionnaire électronique aux 290 municipalités.

Les organismes centraux que l'Institut a contactés dans le cadre du processus de communication oeuvrent dans un vaste éventail de secteurs de politique différents, y compris le marché du travail, le milieu de travail, le logement, l'intégration, l'égalité, l'éducation, la sécurité sociale, la protection de l'environnement, la circulation routière, les sports, les soins médicaux, l'alimentation et la fiscalité.

Les rencontres avec les directeurs généraux ont donné lieu à un consensus sur l'approche normative en matière de santé publique. Nous avons observé un intérêt marqué à l'endroit des effets synergiques, par exemple les interventions environnementales qui ont aussi des répercussions positives sur la santé. De nombreux organismes centraux considèrent que les activités ont une incidence directe sur la santé de la population, alors que d'autres considéraient les incidences comme davantage indirectes du fait que leurs activités ont une influence au niveau des intervenants locaux. Un sommaire des événements montre que le processus a remis en question les domaines établis des organismes centraux, mais que, en adoptant une démarche fondée sur le dialogue, il est possible de surmonter les obstacles. La plupart des organismes ayant participé au processus se sont engagés activement et ont contribué au développement et à la surveillance des indicateurs. Ils ont également fait rapport sur les initiatives et les réalisations liées aux déterminants de la santé dans leurs domaines respectifs.

La tâche la plus importante des organismes d'État régionaux — les conseils d'administration de comté — consiste à promouvoir le développement régional conformément aux buts établis par le Parlement et le gouvernement. Selon les conseils d'administration de comté, leur travail a une incidence directe et indirecte sur tous les domaines des objectifs, à l'exception du domaine six (les services de santé). Plusieurs d'entre eux signalent également que leurs responsabilités en matière de coordination à l'échelon régional, les expériences dans le secteur de la mise en oeuvre et de la politique environnementale et la supervision sociale dans les secteurs des services sociaux pour les personnes handicapées et les alcooliques fournissent de bonnes bases pour approfondir et renforcer leur rôle dans le domaine de la santé publique.

Tous les conseils de comté ont adopté un plan d'action global en matière de santé publique. Au sein de certains, le plan a été adopté dans le cadre d'un partenariat avec d'autres intervenants. Dix-sept conseils de comté (80 p. 100) ont un département de santé publique ou de médecine sociale responsable de la promotion de la santé publique au sein du conseil de comté et dans le comté et dont la tâche principale est de voir à la surveillance épidémiologique, à la production de rapports en matière de santé publique et à l'appui des connaissances.

Il existe actuellement plusieurs exemples d'une diminution de ce soutien aux municipalités — l'accent étant davantage placé sur le domaine des objectifs six au détriment des autres domaines des objectifs — et l'on constate que le soutien varie d'une région à l'autre du pays.

Les mesures préventives sont appliquées avec succès depuis longtemps dans des secteurs des services de santé, par exemple dans les services de maternité et de soins de santé aux enfants, les centres d'orientation des jeunes, les soins dentaires, les soins de santé en milieu scolaire et les soins de santé en entreprise. La prévention des infections, la vaccination de même que d'autres formes de dépistage illustrent aussi des activités de prévention bien établies.

Un nouveau sondage sur les centres de soins de santé primaires effectué par l'Office national de la santé et du bien- être montre l'existence d'un travail systématique de promotion de la santé dans le cadre d'initiatives et de programmes axés sur la lutte contre le tabagisme et le surpoids et sur l'augmentation de l'activité physique. Il révèle aussi, toutefois, que ce type d'activité est moins fréquent lorsqu'il est question des habitudes de consommation d'alcool et des problèmes liés au stress. À cet égard, nous pouvons faire mieux.

La majorité des directeurs de centre de soins de santé primaires ont dit qu'ils coopéraient avec, par exemple, les comités consultatifs locaux en matière de santé publique et contribuaient au développement de programmes de promotion de la santé dans les collectivités locales. Seule une petite minorité d'entre eux ont mis sur pied des programmes précis pour offrir des examens médicaux au public.

On a déterminé dans le rapport sur la politique en matière de santé publique qu'environ 5 p. 100 seulement des dépenses totales en santé sont liées à des mesures de prévention de la maladie. Nous estimons qu'on pourrait bonifier cet investissement.

Sur le plan municipal, on trouve des plans d'action globaux dans 116 municipalités. Ce nombre est deux fois plus élevé qu'en 1995, d'après les données recueillies cette année-là.

Il est également question de la santé publique dans d'autres plans globaux. L'accent était placé en 2004 sur les conditions pendant l'enfance et l'adolescence, l'activité physique, le tabac et l'alcool.

Jusqu'à 76 p. 100 des municipalités — comparativement à 60 p. 100 en 1995 — avaient, sous une forme ou une autre, un comité de la santé publique pour assurer une coopération organisée avec d'autres intervenants comme les conseils de comté et les ONG. Selon les données recueillies en 2004, la promotion de la santé publique faisait l'objet d'une surveillance systématique dans la moitié des municipalités.

On constate un intérêt croissant pour les questions liées à la santé publique dans les municipalités. Par contre, on déplore une incertitude flagrante quant à la façon de mettre en pratique ces ambitions. Seules quelques municipalités ont fait de grands progrès au chapitre du développement d'un programme systématique en matière de santé publique, basé sur une analyse des données épidémiologiques, et d'un processus systématique de planification et de surveillance intégré aux activités de planification et de surveillance municipales. Selon les représentants des conseils de comté et des municipalités, la politique nationale en matière de santé publique a très certainement contribué à renforcer le mandat sur le plan de la prise en compte des questions de santé publique, tant à l'échelon local qu'au niveau régional.

En guise de conclusion, nous avons appris de la mise en oeuvre de la politique au cours de la première phase que la démarche fondée sur les déterminants qui met l'accent sur les facteurs structuraux au sein de la société, les conditions de vie des gens et les comportement ayant une influence sur la santé est, en règle générale, bien comprise et fait ressortir le rôle des autres secteurs dans le domaine de la santé publique.

L'utilisation d'indicateurs pour faire le suivi des expositions aux déterminants a une importance primordiale. Le soutien des intervenants à l'extérieur des services de santé est essentiel pour leur faire connaître leur rôle dans le domaine de la santé publique. Nous avons observé qu'une orientation soutenue de la part du gouvernement et d'autres organismes politiques relevant des conseils de comté et des municipalités est d'importance vitale.

La promotion de la santé publique à l'échelon régional en Suède a besoin d'être mieux coordonnée. Je n'en ai pas parlé en raison des contraintes de temps, mais il faut améliorer notre action dans ce domaine. Les municipalités ont besoin de pouvoir perfectionner davantage leurs compétences.

Le président : Monsieur Lundgren, nous vous sommes très reconnaissants de cet exposé. Vous avez couvert énormément de terrain. Si nous en avions le temps, je vous interrogerais pendant des heures.

Piroska Östlin, chercheure principale, Institut Karolinska, Département des services de santé publique : Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur de participer à cette vidéoconférence sur la politique de santé publique de la Suède et sa mise en œuvre. Merci de m'avoir invitée.

J'ai été secrétaire de la Commission nationale de la santé publique de la Suède qui a été mise sur pied pour définir les objectifs nationaux de développement de la santé et les stratégies nécessaires pour les réaliser. En fait, ce n'est pas la première fois que j'ai l'occasion de parler de l'expérience suédoise devant des experts et décideurs canadiens du domaine de la santé publique. En mai 2003, j'ai eu le plaisir de présenter les travaux et les propositions de la Commission devant un large auditoire au cours d'une conférence d'une journée tenue par l'OMISS à la Direction de la santé publique de Montréal et consacrée exclusivement à l'expérience suédoise.

Je vais d'abord situer brièvement en contexte la Commission de la santé publique de la Suède et expliquer pourquoi elle a été constituée par le gouvernement et comment se sont organisés ses travaux.

J'indiquerai ensuite les facteurs qui, à mon avis, rendent uniques au monde la politique suédoise de santé publique et la façon dont elle a été élaborée.

Au milieu des années 1990, plusieurs circonstances ont amené le gouvernement à prendre la décision de mettre sur pied une stratégie globale de santé publique axée sur l'égalité en Suède. Par exemple, la population a réalisé que le développement de la santé publique n'était pas satisfaisant à cette époque. Même si les Suédois jouissaient, en général, d'une excellente santé comparativement aux populations d'autres pays d'Europe de l'Ouest, la performance de leur pays n'était pas meilleure toutes proportions gardées. Les disparités socioéconomiques en matière de mortalité et de morbidité persistaient, voire augmentaient, et des indications laissaient entrevoir une hausse des symptômes de troubles psychologiques et psychosomatiques chez les enfants et les jeunes adultes, en particulier chez les travailleuses peu instruites.

Un autre facteur clé a été la création de l'Institut national de la santé publique de la Suède en 1992, qui a lancé des projets de promotion de la santé et de prévention des maladies aux niveaux tant national que local.

Les intervenants du secteur de la santé publique, entre autres les conseils de comté et les comités municipaux de santé publique, ont fait savoir qu'ils avaient un besoin pressant de lignes directrices nationales et locales et ont préconisé l'établissement d'une stratégie nationale de santé publique.

En avril 1997, le gouvernement suédois a créé la Commission nationale de la santé publique en lui donnant pour mandat de définir les objectifs nationaux de développement de la santé et les stratégies nécessaires pour les réaliser. Ces objectifs devaient guider la société dans la promotion de la santé et la prévention des maladies et des blessures ainsi que de leurs conséquences sous forme d'invalidité et de mortalité. Les cibles et les stratégies étaient censées favoriser la réduction des inégalités en matière de santé entre les groupes socioéconomiques, les femmes et les hommes, les groupes ethniques et les régions géographiques du pays. De plus, le gouvernement demandait que les propositions reposent sur une solide assise scientifique et stimulent la mise en route d'un vaste processus démocratique sur les questions de santé.

La Commission se composait, comme on l'a dit, de représentants des sept partis politiques présents au Parlement et de conseillers et d'experts scientifiques issus d'organismes nationaux, d'universités, de syndicats et d'organisations non gouvernementales. Son président exerçait une fonction à temps plein et elle disposait d'un secrétariat doté de quatre secrétaires à temps plein, parfois plus, qui était chargé de lui fournir des documents de référence et de travail et des projets de résolution.

C'était la première fois qu'une commission était mandatée pour étudier exclusivement les questions de santé publique. Les commissions et propositions antérieures avaient surtout été axées sur les soins de santé et n'avaient visé qu'accessoirement la santé publique.

Les travaux de la Commission se sont déroulés en trois étapes. À la première étape, la Commission a élaboré un cadre de référence qui décrivait de façon générale le développement de la santé au pays et les responsabilités des différents secteurs de la société dans le domaine de la santé. Elle a présenté des outils qui ont facilité la discussion sur les priorités et les stratégies, y compris différentes options pour l'établissement de cibles. Devions-nous établir les priorités en fonction des diagnostics, des déterminants, des groupes cibles ou des initiatives?

Le cadre a été soumis, pour étude et commentaires, à des organismes gouvernementaux, organisations et experts de divers horizons. Après avoir évalué le pour et le contre de différentes options pour l'établissement de cibles, la Commission a décidé, au cours de la phase 2, de suggérer des cibles en matière de santé principalement sous l'angle d'une exposition réduite aux déterminants des maladies et des blessures, plutôt que sous l'angle d'une réduction de la mortalité et de la morbidité, comme on l'a déjà mentionné.

Elle a pris cette décision compte tenu du fait que l'exposition peut être nettement reliée à son rôle causal pour ce qui est du niveau et de la répartition des différentes maladies et de leurs conséquences. De plus, les déterminants rendent plus explicite le lien entre les cibles en matière de santé et les responsabilités de différents secteurs et domaines d'action, comme le marché du travail, l'aide sociale, le logement et le système scolaire.

Les déterminants de la santé qui ont reçu la priorité sont ceux dont on s'attend qu'ils puissent le plus réduire le niveau général des inégalités et les inégalités sociales relativement à la maladie. Ils étaient tous appuyés par des données scientifiques.

Quatorze groupes d'experts ont été mis sur pied pour rédiger des documents de travail renfermant de solides données scientifiques sur les déterminants de la santé, par exemple l'emploi et les conditions de travail, les facteurs économiques, l'assurance sociale, le tabac, l'alcool et la drogue. Se fondant sur les rapports de ces groupes d'experts, la Commission a présenté en décembre 1999 une proposition préliminaire de stratégie nationale de santé publique, qui faisait état de sa vision, de ses intentions stratégiques et des objectifs de la politique de santé. Cette proposition a ensuite été soumise, pour étude et commentaires, à des intervenants provenant de divers horizons.

La troisième et dernière étape du travail de la Commission a eu lieu en 2000. Le point de départ crucial consistait à analyser les commentaires et les suggestions des intervenants et à y donner suite. Un sondage a été effectué auprès de 32 organismes nationaux représentant un large éventail de secteurs pour connaître les effets directs et indirects de leurs activités sur la santé publique. Les résultats du sondage ont fait ressortir les responsabilités exercées par chaque organisme et ont mis au jour des renseignements utiles sur la façon de répartir et de coordonner les responsabilités de chacun à l'avenir.

La Commission a commandé trois autres rapports d'experts : le premier sur les possibilités de promotion de la santé dans le secteur de la santé, le deuxième sur la situation et les besoins spéciaux des malades chroniques et des personnes handicapées et le troisième sur les questions de formation et de recherche en santé publique.

En octobre 2000, la Commission a présenté son rapport final au ministre de la Santé et des Affaires sociales. Elle y proposait 18 objectifs nationaux répartis en six catégories appelées « lignes directrices d'ensemble », qui exposaient les intentions stratégiques de la Commission. À chaque objectif était liée une série de cibles plus précises, avec divers indicateurs pour le suivi.

La Commission a également défini des groupes cibles précis pour chaque objectif et déterminé les acteurs responsables de la mise en œuvre. Les objectifs abordaient les déterminants de la santé principalement sous l'angle sociétal. Huit des objectifs visaient des déterminants fondamentaux, six, des facteurs liés au style de vie et quatre, des facteurs associés à l'infrastructure de santé publique.

Enfin, j'aimerais énoncer quelques facteurs qui, à mon sens, rendent les propositions et le processus de travail de la Commission uniques en leur genre par rapport aux stratégies nationales de santé des autres pays. Premièrement, la classe politique et les experts ont élaboré la stratégie conjointement. Les experts ont veillé au bien-fondé scientifique des propositions et à l'existence de conditions préalables à la mise en œuvre. La classe politique, de son côté, a pu discuter et négocier tout au long du processus de travail et, par conséquent, donner son accord sur les priorités. Le rapport final présenté par la Commission était donc un document politique fondé sur des données scientifiques. Deuxièmement, la stratégie a porté sur les déterminants de la santé, ce qui a nécessité une mise en oeuvre multisectorielle. Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'adoption d'une approche axée sur les déterminants fait qu'il est plus facile pour les différents secteurs de cerner leur rôle et que le lien entre l'action et l'effet est moins brouillé par le décalage dans le temps et les facteurs de confusion que ce n'est le cas pour les résultats en matière de santé.

L'utilisation des déterminants met moins en évidence le rôle du secteur de la santé. La stratégie proposée nécessitait donc un travail de mise en œuvre dans plusieurs domaines d'action et secteurs, de sorte que le secteur de la santé devenait seulement un des acteurs.

Troisièmement, la stratégie reposait sur de solides données scientifiques. La volonté du gouvernement d'appuyer les propositions sur des connaissances scientifiques a entraîné la mobilisation du milieu de la recherche. Plus de 100 scientifiques issus de différents domaines de recherche en santé publique ont publié 19 rapports à l'appui du processus de travail. Quatrièmement, une grande importance a été accordée au caractère démocratique et transparent du processus d'élaboration de la stratégie. Le succès d'une stratégie de santé publique dépend pour beaucoup du travail d'élaboration. Le processus conduisant à la définition des objectifs nationaux peut être tout aussi important que les objectifs eux-mêmes.

Il a fallu plus de trois ans pour effectuer le travail d'élaboration. Ce travail a été basé sur de vastes consultations menées auprès d'organisations politiques et non gouvernementales, d'organismes gouvernementaux, d'établissements d'enseignement et d'experts.

Un autre élément important a été la publication de dix brefs documents de travail propres à susciter le débat sur des questions scientifiquement et politiquement controversées dans le domaine de la santé publique. Comme on l'a dit tout à l'heure, des séminaires et des conférences ont été organisés par la Commission ou en collaboration avec d'autres entités dans différentes régions du pays. Ce processus de travail demande évidemment beaucoup de temps, mais il est absolument essentiel à la réussite de l'entreprise.

Pour terminer, j'aimerais ajouter que le processus de travail de la Commission de la santé publique de la Suède, sa vision, son approche axée sur les déterminants de la santé et son insistance sur les données scientifiques sont une grande source d'inspiration pour les travaux actuels de la commission indépendante de l'Organisation mondiale de la Santé sur les déterminants sociaux de la santé, que le Canada et la Suède appuient généreusement. Il est à espérer que les gouvernements du monde entier s'inspireront des travaux de la Commission de l'OMS pour intégrer un volet sur les déterminants sociaux dans leur processus d'élaboration de la politique nationale, de telle façon que l'approche suédoise ne paraîtra plus unique au monde dans quelques années.

Le président : Merci pour ce magnifique exposé. Nous vous sommes redevables. Nous reconnaissons que vous avez une bonne longueur d'avance sur nous et que vous pouvez nous en apprendre beaucoup.

Comme vous le savez, l'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés est la géographie. Nous avons une vaste région géographique et la géographie en soi est souvent un déterminant de la santé, même si elle n'est pas reconnue comme tel. Le Canada enregistre des disparités extrêmes en matière de santé et donc, en plus de relever les déterminants de la santé définis notamment par l'Organisation mondiale de la Santé, les Britanniques et votre institut, nous devons faire face à ces concentrations géographiques de population.

Je vais revenir aux conseils de comté, car je veux vous poser des questions sur la situation en 1995 quand la Suède a décidé de lancer cette initiative. Y avait-il d'importantes disparités entre les comtés, les diverses régions géographiques de la Suède? Avez-vous pu atténuer ces disparités? Avez-vous constaté des progrès?

Dr Ågren : C'est une question très intéressante. Nous avons tenté d'étudier de telles disparités géographiques, par exemple dans le Nord de la Suède. Notre institut est situé à 600 kilomètres au Nord de Stockholm, ce qui nous rapproche de ces problèmes régionaux. Deux régions en Suède ont des situations sanitaires différentes en général, mais en particulier, dans les régions peuplées du Nord de la Suède, les chiffres relatifs à l'emploi sont plus bas que ceux enregistrés dans le reste du pays. Elles comptent une proportion plus élevée de personnes en congé de maladie, et cetera. On y trouve un plus grand nombre de personnes souffrant d'obésité et de pires déterminants liés aux habitudes de vie. La population y est défavorisée. Un grand nombre d'immigrants vivent dans certaines banlieues des grandes villes, ce qui amène son lot de problèmes sociaux connexes.

D'après certains rapports, ces problèmes ont pris de l'ampleur, mais en comparant avec les autres pays, on ne peut pas dire que la Suède fait face à d'importantes disparités géographiques en matière de santé. Nous sommes aux prises avec des disparités socioéconomiques sur le plan de la santé, mais nous n'avons pas une importante disparité géographique. Par exemple, notre population autochtone est peu nombreuse. Nous avons mené quelques études sur la santé des Autochtones dans le Nord de la Suède, mais les rapports révèlent jusqu'à présent que leur état de santé est à peu près le même que celui du reste de la population suédoise.

Mme Östlin : Nous devons aussi ajouter que le gouvernement était sensible aux disparités géographiques lorsqu'il a créé la Commission. Il a signalé que les quatre disparités étaient entre les groupes socioéconomiques, les hommes et les femmes, les groupes ethniques et les régions géographiques. La Commission en a tenu compte dans son travail également.

Le président : Votre organisme existe depuis un certain temps, mais pas depuis très longtemps, du point de vue des résultats pour la santé des populations. Avez-vous remarqué une amélioration dans les régions géographiques où les disparités en matière de santé étaient les plus marquées?

Dr Ågren : Nous n'avons pas de données fiables à ce sujet. Toutefois, le gouvernement suédois s'emploie activement depuis un bon moment à atténuer ces disparités. Par exemple, nous avons un système grâce auquel nous nivelons les impôts entre les différentes régions de la Suède. Les régions et les collectivités locales ont leur propre droit d'imposition et le droit de prélever nos impôts. Notre système actuel nivelle cela. Nous prenons l'argent des collectivités riches pour le donner aux collectivités moins bien nanties. L'idée est d'établir un niveau d'imposition équitable, et les régions devraient recevoir des fonds en fonction de leurs besoins. Nous disposons d'un système complet pour niveler tout cela.

À mon avis, nous avons à peu près les mêmes disparités géographiques à l'heure actuelle que dans les années 1990. Je ne peux pas dire que la situation s'est améliorée, mais elle n'a pas empiré.

Mme Nilsson-Carlsson : Le gouvernement actuel a récemment mis en œuvre une politique spéciale pour tenter d'améliorer les conditions de vie à la campagne. Elle vise principalement à inciter les nouvelles entreprises en milieu rural à offrir de meilleures conditions de travail et de vie dans ces régions, ce qui pourrait contribuer à améliorer la santé.

Dr Ågren : Dans le passé, nous voyions la santé comme un reflet de ce que nous appelions un « mauvais contexte social » dans une région. De nos jours, nous voyons aussi la santé en tant que déterminant du développement économique. L'un des meilleurs outils pour améliorer les conditions dans une région, une entreprise, et cetera, est peut- être d'améliorer la santé de la population. Nous voyons la santé comme un élément de notre politique de développement régional.

Mme Östlin : Nous voulons savoir si ces régions reflètent de vraies disparités géographiques ou s'il s'agit de disparités sociales liées à une tendance. Les personnes socialement défavorisées ont tendance à se concentrer dans les régions éloignées. Si cette tendance est maîtrisée, les disparités régionales diminueront peut-être.

Le sénateur Pépin : Nous voulons mettre en place un système semblable pour aider la population canadienne. La nouvelle politique en matière de santé publique est le fruit d'un long processus auquel ont participé de nombreux intervenants, tels que des partis politiques, des circonscriptions, des agences régionales et des ONG. Ce sera vraisemblablement un défi de taille. J'aimerais savoir quel a été le plus grand problème auquel l'Institut national de santé publique de Suède a dû faire face au cours de ses trois années de travail, soit de 1997 à 2000.

Comment la Commission a-t-elle réussi à en arriver à une entente avec tous les divers groupes aux intérêts très différents? Y a-t-il une leçon à tirer de votre expérience au sein de la Commission?

Dr Ågren : À l'époque, j'étais un membre de la Commission nommé par le gouvernement. D'autres membres m'approuveront vraisemblablement si je dis que nous avons réglé le problème à la manière typiquement suédoise — nous sommes parvenus à des compromis par l'entremise de négociations. Par exemple, un parti s'intéressait au recours à la famille tandis qu'un autre s'intéressait à l'égalité. Nous avons essayé de donner quelque chose à chacun. Bien entendu, il s'agissait d'un compromis, mais je crois que la Commission a réussi sa mission parce que nous avons obtenu un très large consensus.

Il est très intéressant de voir que lorsque nous avons changé de gouvernement en Suède après les dernières élections, le nouveau gouvernement a déclaré qu'il maintiendrait l'orientation générale de la politique nationale en matière de santé publique. Je dirais que c'était un résultat de ce compromis.

Mme Nilsson-Carlsson : Je pense que c'était important pour nous en tant que fonctionnaires. Quand nous avons élaboré le système au gouvernement, nous voulions qu'il soit viable pour pouvoir intégrer la même structure à des idéologies politiques différentes et placer de nombreuses mesures sous la même rubrique, en fonction des objectifs politiques de l'heure. C'est une bonne chose que nous puissions garder la structure après plusieurs élections.

M. Lundgren : Je crois que ce qui était fait tant au sein qu'à l'extérieur du comité était important. Au comité, comme l'a dit Mme Östlin, des experts dans différentes disciplines ont fait part de leurs connaissances aux politiciens. Parfois, les professeurs avaient de très bonnes idées et nous conseillaient de procéder de telle ou telle façon, mais les politiciens répondaient que l'idée était excellente, mais que c'était impossible parce que ce n'était pas le bon moment, d'un point de vue politique. Un bon dialogue s'était établi entre les politiciens et les experts. C'était une partie de la question.

L'autre partie, c'était le dialogue avec les membres de la société. Des brochures ont été préparées et Mme Östlin en a une avec elle. Ces brochures étaient gratuites et les citoyens ordinaires en Suède pouvaient nous téléphoner pour obtenir une brochure sur le tabagisme ou la santé des aînés. Nous leur faisions parvenir les brochures et ils pouvaient alors en discuter avec leurs amis. C'était important.

Par ailleurs, il y avait le processus que Mme Östlin a évoqué. Il s'agissait d'un processus de politisation de la question. Nous travaillons au secrétariat, et nous allions partout au pays pour en discuter avec des politiciens et des fonctionnaires. Bien entendu, la question les intéressait beaucoup pour cette raison.

Le premier sous-rapport a été envoyé à plus de 500 organismes différents, qui nous ont fait part de leurs avis sur celui-ci. Le deuxième rapport a été distribué à plus de 300 organismes, qui nous ont dit ce qu'ils en pensaient. C'était un processus très intéressant en ce sens.

Mme Östlin : J'aimerais ajouter un point qui a aidé les politiciens à parvenir à un consensus. Nous ne devrions pas sous-estimer le rôle des données présentées aux politiciens. Si vos idées s'appuient sur des données très solides, il est très difficile de s'y opposer. Il est important de garder cela à l'esprit également.

Le sénateur Pépin : Quand on veut, on peut. Je crois que vous avez répondu à ma deuxième question, qui s'adressait à Mme Nilsson-Carlsson. Vous dites que pour coordonner une politique gouvernementale en matière de santé publique, un groupe directeur national en matière de santé publique dirigé par le ministre de la Santé a été formé. Pourriez-vous nous en dire plus sur le rôle du groupe directeur et ses travaux? Avez-vous des cas précis où ce groupe a eu une incidence positive?

Mme Nilsson-Carlsson : Jusqu'à présent, nous avons examiné les onze domaines des objectifs et les avons étudiés un par un. Pendant les réunions, par exemple, le ministre de la Santé publique a invité le ministre responsable du domaine des objectifs au programme de cette réunion. Par exemple, lorsque nous discutons des soins de santé, le ministre responsable des soins de santé participe à la réunion. Dans nos discussions sur la politique en matière d'agriculture et d'alimentation, nous avons invité le ministre de l'Agriculture, et cetera. Par conséquent, plusieurs ministres ont pris part aux réunions du comité directeur national. C'était une façon de faire participer tous les ministres du gouvernement à l'élaboration de la politique en matière de santé publique, de rencontrer les directeurs généraux de la plupart des domaines d'action et de se réunir pour discuter de la santé publique. Ces rencontres ont énormément contribué à élargir les horizons et à intégrer la santé publique dans tous les domaines d'action.

Le sénateur Callbeck : Merci beaucoup pour vos exposés de ce matin. Je vous félicite de ce que vous avez accompli.

Vous avez fait en sorte que tous vos partis politiques soient représentés, et je crois que vous avez dit qu'il y en a sept. Est-ce courant en Suède que tous les partis politiques unissent leurs efforts pour une cause, ou est-ce l'exception à la règle?

Mme Nilsson-Carlsson : Je ne dirais pas que c'était une exception, mais ce n'est pas courant non plus. Nous avons des comités en place pour étudier des questions très délicates sur le plan politique. Quand nous avons besoin d'une grande participation, nous avons recours à cette technique. Je crois que c'était un choix judicieux dans le cas de la santé publique. Nous avons un certain nombre de comités qui s'occupent de tels dossiers politiques à l'heure actuelle.

Mme Östlin : Derrière la décision de créer la commission parlementaire, il y avait aussi l'expérience précédente avec le groupe en matière de santé publique que nous avions constitué à la fin des années 1980, composé uniquement d'experts et sans politiciens. Il avait défini une stratégie pour le pays, qui n'a pas été mise en œuvre parce que le groupe d'experts n'a pas été en mesure d'établir des priorités politiques et de gérer l'affectation des ressources, et cetera. Par conséquent, il était assez évident qu'une stratégie comme celle-ci avait besoin d'un programme politique également. Voilà pourquoi les politiques et les experts ont travaillé conjointement dans ce cas-ci.

Le sénateur Callbeck : Avez-vous dû faire beaucoup de lobbying pour que tous les partis politiques unissent leurs efforts?

Mme Nilsson-Carlsson : Non, je ne crois pas.

Le sénateur Callbeck : Madame Nilsson-Carlsson, vous avez dit que l'engagement de la société en général est essentiel si on veut mettre en œuvre une politique en matière de santé publique qui aura une réelle incidence sur la santé publique. Je suis entièrement d'accord, mais ce n'est pas facile à faire. Évidemment, vous avez été capables de le faire et la procédure a été décrite dans les documents. D'après votre expérience, quels conseils nous donneriez-vous? Autrement dit, si vous veniez tout juste de commencer ce projet, y a-t-il des choses que vous feriez différemment?

Mme Nilsson-Carlsson : Non, je ne crois pas pour ce qui est de la procédure. Ce que nous devions faire au gouvernement, c'était d'intégrer les propositions du comité aux mécanismes de direction déjà établis au gouvernement. Un mécanisme était déjà en place pour orienter les agences, pour le processus budgétaire, et cetera. Au gouvernement, nous avons adapté les objectifs en matière de santé publique aux procédures de direction déjà établies.

Si nous y avions pensé au moment d'élaborer les lignes directrices du comité, nous aurions pu éviter un peu de travail au gouvernement. Je crois que c'était une bonne idée d'essayer d'intégrer l'objectif en matière de santé publique et les mesures de direction aux mesures pour orienter les agences et administrer le budget. C'est ce que nous avons dû faire. C'était une chose que nous aurions pu faire un peu différemment.

Je crois que nous avons réalisé ce que nous souhaitions faire.

M. Lundgren : Si vous voulez reproduire au Canada ce que nous avons fait en Suède, tous nos politiciens au comité oeuvraient dans le domaine des politiques sociales. Nous connaissons maintenant toutes sortes de déterminants de la santé. Si vous aviez un comité de ce genre, vous pourriez également avoir au comité des politiciens d'autres disciplines. Nous avions invité des experts dans les domaines du travail et d'autres domaines qui ne s'occupent pas uniquement de politique sociale. Vous pourriez peut-être élargir l'éventail des domaines représentés au comité.

Le sénateur Fairbairn : Votre exposé était très intéressant, car les problèmes que vous avez évoqués ressemblent énormément à ceux auxquels nous nous heurtons à mesure que nous avançons dans notre étude.

Docteur Ågren, à la fin de votre exposé, vous parlez des efforts qui ont été déployés dans diverses couches de votre société. Je sais qu'en matière d'alphabétisation et d'apprentissage, la Suède est pratiquement le chef de file mondial. C'est une question à laquelle j'attache beaucoup d'intérêt et d'importance. Je vous félicite d'être allé sur le terrain pour faire de cet effort un succès.

Par exemple, vous dites que votre rapport sur les politiques couvre toutes sortes de domaines. C'est un discours qui ressemble beaucoup à ce que nous entendons maintenant, certainement par l'entremise de ce comité à Ottawa. Vous évoquez l'obésité et le manque d'activité physique comme étant deux des grands problèmes. Vous parlez de la santé chez les jeunes et les aînés. C'est pratiquement tout dire. Nous sommes dans la même situation. Notre pays est différent du vôtre par sa superficie, mais non par ses problèmes. .

L'obésité au pays, particulièrement chez les enfants, fait maintenant les manchettes. Sans parler des conséquences malheureuses pour leur santé plus tard dans la vie. En ce qui concerne l'activité physique, les écoles au Canada offraient autrefois beaucoup de sports et d'activités de toutes sortes aux jeunes enfants. La majorité de ces activités ont disparu. Je me demande si vous pourriez nous parler de ces types de problèmes. Le gros de l'effort incombe aux familles, mais il n'en va pas toujours ainsi.

En tant que parlementaires, que nous soyons sénateurs ou députés, nous voulons tous savoir que nous pouvons faire fonctionner notre système au Canada pour améliorer la qualité de vie de la population. Avez-vous des histoires à nous raconter sur ces questions très fondamentales, notamment concernant les jeunes, pour illustrer ce que vous avez proposé dans votre rapport?

Dr Ågren : Ces mêmes questions sont au coeur du débat en Suède. Par exemple, en ce qui concerne l'activité physique et l''obésité, nous avons donné suite à la politique en matière de santé publique. Le gouvernement nous avait confié la tâche spéciale d'offrir un programme d'action contre l'obésité pour favoriser l'activité physique. Je suis très heureux que le gouvernement actuel entende présenter très bientôt un projet de loi au Parlement sur ce sujet. Un certain nombre de nos mesures et de nos propositions seront reprises.

Je crois qu'il y a différents volets de notre travail qui concernent l'activité physique et l'obésité. D'abord, nous déployons de nombreux efforts pour sensibiliser davantage la population au problème. Par exemple, il y a quelques années, nous avons lancé la campagne « La Suède en action » pour dire aux gens qu'ils devaient s'adonner à une activité physique quelconque pendant au moins 30 minutes par jour. Nous surveillons ces choses pour pouvoir dire, par exemple, que les deux tiers des Suédois font au moins 30 minutes d'activité physique par jour. La situation s'est améliorée un peu, mais pas autant que nous l'aurions espéré.

Aujourd'hui, nous essayons d'intégrer l'activité physique à la planification d'une communauté. Par exemple, lorsque nous planifions des routes, de nouveaux secteurs d'habitation ou de nouveaux endroits pour marcher ou courir, nous essayons d'intégrer l'activité physique à la planification sociale. Nous travaillons également avec les autorités scolaires pour intégrer l'activité physique dans les écoles.

Pour ce qui est de l'obésité, nous avons envisagé sérieusement d'imposer des mesures spéciales sur les aliments nocifs pour la santé. L'étiquetage des aliments a fait partie du débat, mais c'est une question de politique générale et la politique aura une influence dans ce dossier.

Nous avons aussi constaté, au chapitre de l'obésité, certains indices concernant les jeunes. Il est possible que l'obésité ne soit plus à la hausse; les derniers résultats montrent que la situation semble se stabiliser. Il est trop tôt pour dire si nous avons inversé la tendance.

À mon avis, il est très important de surveiller très étroitement la situation, tant au niveau central que local. Nous nous penchons sur un problème et nous communiquons nos résultats dans l'espoir que ces résultats feront partie du débat politique et que de nouvelles mesures seront envisagées. Il y a toujours une certaine interaction.

Pour ce qui est de la santé des jeunes, le gouvernement actuel entend bien s'occuper de l'éducation parentale. Partout, on réclame une bonne éducation parentale. Dans ce domaine, nous essayons de mettre sur pied ce que nous appelons des méthodes fondées sur des preuves. C'est ce que peuvent faire les organismes gouvernementaux. Il s'agit de stimuler les autorités locales, qui sont davantage responsables de ces secteurs.

Le sénateur Fairbairn : Permettez-moi de raconter une petite anecdote. Je suis originaire d'une petite ville de l'Ouest du Canada. Comme la plupart des écoles du monde, les écoles de ma communauté ont des cafétérias et des machines distributrices, où les élèves peuvent acheter toutes sortes de choses riches en sel et en sucre. À la grande surprise d'un bon nombre de gens, les jeunes d'une école ont défilé devant le bureau du directeur pour dire qu'ils souhaitaient la fermeture de la cafétéria si la malbouffe n'était pas éliminée — ils voulaient devenir des athlètes — et cette idée a eu des échos partout dans la communauté. Nous oublions parfois la sagesse des jeunes. Il me semble que c'est ce que vous essayez de faire.

Dr Ågren : C'est intéressant. En Suède, les municipalités sont responsables des écoles. Des discussions animées ont eu lieu dans de nombreuses municipalités; plusieurs ont interdit la vente de sucreries et de boissons gazeuses dans les cafétérias scolaires.

Le débat se poursuit. Notre rôle à titre d'organisme gouvernemental est de fournir des faits pour soutenir ce débat.

Le sénateur Fairbairn : Votre rôle est aussi d'encourager, comme vous l'avez fait.

Le sénateur Eggleton : Je vous remercie d'être avec nous et de nous faire part de vos expériences.

Au cours de nos audiences, nous avons appris qu'il existe un certain nombre de déterminants sociaux de la santé de la population — par exemple, la pauvreté et l'absence de logements adéquats. Il est clair pour nous qu'une approche pangouvernementale est nécessaire pour traiter des divers déterminants sociaux.

Toutefois, cette question touche un grand nombre de ministères et ce n'est pas facile d'adopter une approche pangouvernementale, ou horizontale, dans un système qui a toujours fonctionné en mode vertical et de cloisonnement. Les ministres sont tous responsables de leurs programmes et de leur ministère respectifs.

C'est une chose de parler de cette approche pangouvernementale; c'en est une autre de tenir des engagements. Il faut une volonté politique et cela, à chaque instant, parce que les ministres peuvent bien retourner dans leur vase clos et faire des choses qui sont pertinentes à leur propre mandat.

Comment surmonter cet obstacle? Comment arrivez-vous à une approche pangouvernementale? Comment faites- vous pour renouveler cet engagement, pour garder les gens en alerte, afin de mettre en œuvre des politiques sur la santé de la population?

Mme Nilsson-Carlsson : Tous les jours en Suède, le gouvernement prend toutes les décisions à l'unanimité, ce qui signifie que nous devons négocier avec les autres ministères en tout temps. Les autres ministères, lorsqu'ils planifient un projet dans leurs secteurs de compétences, doivent nous en faire part au préalable pour que nous puissions dire ce que nous pensons de leurs suggestions. Par conséquent, nous examinons toujours attentivement ce qu'ils font, les projets des autres ministères, en tentant de déterminer s'ils contribueront à la santé publique ou non. De cette façon, nous entretenons le dialogue constamment. C'est là un moyen important que nous avons, je crois.

Nous avons aussi le comité directeur national de la santé publique, un comité interministériel qui s'occupe de la santé publique. Ce comité permet de fournir des lignes directrices à tous les organismes. Nous discutons donc avec les autres ministères et ils doivent fournir des lignes directrices à leurs organismes pour qu'ils tiennent compte de la santé publique dans leurs secteurs de responsabilités.

Pour ce qui est de la mise en œuvre d'une politique en matière de santé publique, nous utilisons les mécanismes habituels pour l'orientation et l'élaboration de politiques en Suède. Beaucoup de travail se fait parmi les organismes. Je crois que le Dr Ågren pourrait apporter des précisions à ce sujet.

Dr Ågren : Je pourrais ajouter que l'essentiel, c'est de toujours essayer d'intégrer les questions de santé aux autres sphères d'activité. C'est évidemment tout un processus, qui n'est pas facile. Je me rappelle lorsque le ministre des Finances de la Suède a dit qu'il voulait conserver une taxe élevée sur l'alcool parce que, selon lui, il vaut mieux que les gens qui boivent travaillent. Cet exemple montre que les arguments en faveur de la santé ont même influencé le ministre des Finances, qui est évidemment le plus difficile à influencer.

M. Lundgren : Dans le rapport sur la politique en matière de santé publique, nous essayons également de fournir des munitions à cet égard. Nous disons qu'il n'est pas suffisant de guider une seule fois un organisme extérieur dans la sphère étroite de la santé publique. Vous devez lui donner des directives plusieurs fois, peut-être chaque année.

Il est intéressant et important d'intégrer la santé publique aux directives que l'on donne aux organismes qui relèvent d'un autre ministère que celui de la Santé et des Affaires sociales. Nous créons ainsi une alliance qui favorise la mise en œuvre de la politique. La santé prendra de l'importance dans le mandat de différents organismes.

Le sénateur Eggleton : Qu'arrive-t-il cependant s'il y a un conflit ou une différence de priorités d'un ministère à l'autre, qui conduit à une impasse plutôt qu'à une entente sur la façon de procéder?

Par exemple, au Royaume-Uni, lorsque le premier ministre Blair a fixé des objectifs et des échéanciers pour la réduction de la pauvreté, il a chargé le chancelier de l'Échiquier, un ministre très important du cabinet, de coordonner le projet et de veiller à ce que les fonds soient disponibles, qu'il n'y ait pas d'impasse et que les différends soient réglés, pour que les objectifs et les échéanciers soient respectés.

Avez-vous quelque chose de semblable pour assurer l'avancement du programme s'il y a des désaccords, disons, sur le financement et les priorités, aspects sur lesquels le ministère des Finances peut souvent intervenir?

Mme Nilsson-Carlsson : Nous avons des négociations avec le ministre des Finances. Nous commençons avec les fonctionnaires, mais nous devons habituellement aborder ces questions avec les secrétaires d'État, puis avec les ministres. Ils doivent négocier. Comme le gouvernement prend des décisions à l'unanimité, à l'issue des négociations, il doit y avoir une solution commune sur la façon de distribuer ce qui ressort des négociations budgétaires. Tout dépend des priorités du ministère et de ce qu'un ministre souhaite prioriser.

Nous n'avons pas de solution particulière pour les questions touchant à la santé publique; c'est la même chose dans toutes les négociations budgétaires. Tout dépend des priorités politiques.

Dr Ågren : Le gouvernement suédois actuel est un gouvernement de coalition, formé de quatre partis différents. Il est évident qu'ils doivent négocier et faire des compromis. Cela fait partie du paysage, je dirais.

Le sénateur Cook : Merci, monsieur le président, et bonjour. Je tiens à vous féliciter. Vous m'avez permis d'élargir mes horizons.

Je vais adresser mes commentaires à Mme Östlin. Vous dites que votre rapport final était un document politique fondé sur des données scientifiques. En soi, il s'agit d'un miracle, à mon avis. Vous dites ensuite que le succès d'une stratégie de santé publique dépend pour beaucoup du travail d'élaboration. Le processus conduisant à la définition des objectifs nationaux peut être tout aussi important que les objectifs eux-mêmes.

Comment fonctionne votre processus de travail? Avez-vous des données qui montrent que vous êtes sur la bonne piste? Si je comprends bien la progression ici, vous devez maintenir des liens étroits avec chaque intervenant pour rejoindre le consommateur et lui donner cela.

Ai-je bien analysé ce que vous avez réalisé ici?

Mme Östlin : Oui. Le processus a certainement été important dans la rédaction du rapport final. Nous nous y sommes beaucoup investis. Nous avons pu maintenir le dialogue avec tous les intervenants parce que nous avions un président et des secrétaires à temps plein. Le processus a fait appel à plus d'une centaine d'experts scientifiques qui ont fourni les preuves, ont fait les études pour nous et fourni les données sur lesquelles les décisions ont été fondées. Le gouvernement avait aussi demandé que toutes les propositions soient fondées sur des données scientifiques.

Quelques objectifs ont été abandonnés dans le rapport final parce que les données scientifiques étaient trop faibles pour les justifier. Les données ont aussi fait l'objet d'un examen très pointu.

Le sénateur Cook : Puis-je vous demander quels objectifs ont été abandonnés en cours de route?

Mme Östlin : Je crois que c'était un objectif concernant les inégalités de revenu. Dans le premier rapport que nous avons publié, un indicateur ne devait pas dépasser un certain niveau. Cela a été abandonné parce qu'on a jugé que les données scientifiques n'étaient pas suffisantes pour le justifier. Il y avait des faibles revenus et des problèmes d'égalité en Suède. Si on réduisait les revenus et les égalités davantage, rien ne prouvait que la population s'en porterait mieux. Rien ne prouve que les inégalités en matière de santé seraient réduites.

C'est l'un des objectifs qui ont été abandonnés parce que les preuves n'étaient pas assez solides.

Le président : Pouvons-nous revenir à votre influence sur les développements industriels?

Je ne sais pas exactement comment cela fonctionne, mais je sais depuis un certain temps que les choses doivent être pilotées par le ministre de la Santé. Je ne sais pas s'il s'agit du ministre spécial chargé des déterminants de la santé publique ou s'il s'agit de l'autre ministre de la Santé ou le super ministre; je ne suis pas certain comment votre système fonctionne.

Permettez-moi de vous donner un exemple. Dans un de vos comtés, une entreprise souhaite construire une grande usine pour la transformation des produits forestiers. Quelqu'un dans le comté, j'imagine, commence à poser des questions sur les effets que cette usine aura sur la santé de la population. Comment le processus fonctionne-t-il? Doit- on passer par l'intermédiaire du conseil du comté? Est-ce que c'est le ministre qui intervient? Comment le processus se met-il en branle?

Dr Ågren : En général, c'est la communauté locale qui décide, par exemple, si vous devez entreprendre un processus quelconque au sein de la communauté.

Par ailleurs, un règlement exige que la communauté locale examine les retombées environnementales des nouveaux investissements. Un projet pilote est en cours pour ajouter aux retombées environnementales les conséquences sur la santé. Nous mettons au point des trousses d'outils à l'intention des communautés locales. Dans l'avenir, nous croyons que cela incitera les gens à se pencher sur les conséquences des nouveaux investissements sur la santé.

Par exemple, nous essayons de déclencher cette réflexion lorsque nous construisons des routes. La nouvelle route peut contribuer à la réduction du nombre d'accidents, mais elle peut favoriser l'accroissement de la pollution et réduire l'accès à des espaces verts, et cetera. Nous essayons d'examiner toutes ces conséquences et de les pondérer. Dans ces cas, les décisions se prennent au niveau local. Dans certains cas, elles se prennent également au niveau régional, mais nous avons une structure régionale compliquée en Suède, où il y a des organismes régionaux d'État chargés de la planification et les conseils de comté qui s'occupent surtout des soins de santé et de ces questions et qui ne travaillent pas vraiment avec les organismes régionaux aujourd'hui.

Le président : Au Canada maintenant, le mot à la mode est « environnement ». Nous sommes très soucieux de l'environnement, et le ministère de l'Environnement semble avoir un droit de regard sur tout ce qui se fait.

Au grand regret de ceux d'entre nous qui oeuvrent dans le secteur de la santé, la santé ne retient pas l'attention. Vous avez été incroyablement généreux de nous fournir d'avance des documents qui nous serons extrêmement utiles. Je suis certain que des extraits seront reproduits dans notre rapport final, textuellement ou non.

Je me demande où vous en êtes dans l'élaboration de votre trousse d'outils qui permettra de créer une synergie entre l'environnement et la santé, et si vous pouvez nous en remettre également une copie.

Dr Ågren : Nous avons un projet européen commun sur la description des conséquences sur la santé qui servira au processus de planification. Nous avons aussi des documents en anglais dans lesquels nous donnons des exemples de la façon dont nous essayons d'appliquer ces descriptions avec, dans la plupart des cas, les descriptions des retombées environnementales, parce que c'est la meilleure méthode aujourd'hui.

À certains égards, nous avons la même situation qu'au Canada, c'est-à-dire que l'environnement prend plus de place que la santé dans la planification. C'est la même chose en Suède. Nous souhaitons aller plus loin dans ce domaine, mais nous faisons au moins certains progrès.

Le président : Comment en êtes-vous arrivés à vouloir que les projets industriels et autres soient examinés sur le plan de la santé? Nous sommes bien loin de là.

Dr Ågren : C'est une décision prise par la communauté locale. Nous y travaillons, puisque cette question s'inscrit dans ce débat. Le gouvernement a demandé que nous élaborions ces descriptions des conséquences sur la santé et l'environnement. Nous essayons de les utiliser, par exemple, avec les organismes d'État et d'autres organismes gouvernementaux. Nous les utilisons aussi auprès de l'administration régionale, que le gouvernement dirige.

Nous essayons également de les appliquer dans les communautés locales. Toutefois, celles-ci sont indépendantes, alors les conséquences sur la santé seront examinées selon la volonté politique de la communauté locale. Encore une fois, c'est un débat qui est en cours.

Le président : Vous n'avez aucune loi centrale qui régit cela?

Dr Ågren : Pas pour les descriptions des conséquences sur la santé. Nous avons un règlement concernant les descriptions environnementales.

Mme Nilsson-Carlsson : Vous pouvez dire qu'en effectuant l'étude d'impact environnemental, vous ne pouvez pas faire ce type d'évaluation sans tenir compte de la santé. Par conséquent, la santé fait toujours partie des études d'impact environnemental.

Ce que le Dr Ågren dit, c'est qu'on essaie d'aller plus loin et de faire adopter une loi sur les études d'impact environnemental.

M. Lundgren : Je dois dire aussi que, du côté de l'Institut, nous avons des contacts avec 13 organismes d'État nationaux et 21 organismes d'État régionaux pour ce qui est des études d'impact sur la santé. Cela signifie que nous discutons des déterminants sur lesquels ils peuvent avoir une influence et que nous discutons des méthodes d'évaluation de l'impact sur la santé. Nous nous rencontrons et nous discutons de ces questions. Nous commençons par les rencontrer ensemble, puis un par un. C'est un processus continu.

Le président : J'espère que nous y arriverons un jour. Le Canada n'est pas rendu à cette étape.

Je veux vous remercier encore une fois et je tiens à vous remercier pour les documents que vous nous avez envoyés. J'espère que vous nous enverrez la trousse d'outils, si vous le pouvez.

Le Dr Ågren : Oui.

Le président : Il est possible que nous communiquions de nouveau avec vous. Il nous reste un peu plus d'un an avant de publier notre rapport final. Il est clair que vous êtes des chefs de file dans ce domaine. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants de nous faire part de vos connaissances.

Mme Nilsson-Carlsson : Merci. Nous sommes heureux de pouvoir contribuer à vos travaux. C'est un honneur pour nous.

Le président : Honorables sénateurs, nous devons approuver le budget de notre sous-comité, que vous avez devant vous. Tout y est clairement indiqué. Les services professionnels s'élèvent à 122 400 $, les frais de transport à 56 858 $, toutes les autres dépenses à 8 250 $, pour un grand total de 187 508 $.

J'ai regardé ce document, qui a été très bien préparé par Mme Reynolds, la greffière du comité, et je crois qu'il peut être justifié. Le sénateur Eggleton devra le présenter au Comité de la régie interne en notre nom.

Le sénateur Eggleton : En quoi consistent ces deux conférences, à Halifax et à Vancouver, pour lesquelles on prévoit 9 574 $?

Le président : Elles portent sur les soins de santé.

Le sénateur Eggleton : Est-ce que ce sont des conférences spécifiques? Il y avait cela également dans le budget du sous-comité sur les villes, et je l'ai enlevé parce qu'il n'y a pas de conférence spécifique à Halifax ou à Vancouver. Ce budget nous amène à la fin de mars, et nous le saurions s'il y avait une conférence.

Le président : Le Comité de la régie interne supprimera probablement ce poste, dans ce cas.

Le sénateur Eggleton : Je propose que nous le supprimions. Je n'aime pas avoir à justifier une chose sur laquelle je n'ai pas assez d'information. Ce ne sont que des activités générales. J'ai supprimé ce poste dans le budget du sous- comité sur les villes.

Le président : Le sénateur Eggleton dit que le Comité de la régie interne supprimera ce poste de toute façon, alors peut-être vaut-il mieux que nous le fassions nous-mêmes.

Cette modification étant faite, le budget est-il approuvé?

Des voix : D'accord.

Le président : Merci beaucoup, et merci à tous d'avoir participé à cette téléconférence. La séance d'aujourd'hui et votre rapport nous aideront énormément à rédiger notre rapport.

La séance est levée.


Haut de page