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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 4 - Témoignages du 9 avril 2008


OTTAWA, le mercredi 9 avril 2008

Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit ce jour à 16 h 15 pour examiner, afin d'en faire rapport, l'impact des facteurs et conditions multiples qui contribuent à la santé de la population canadienne — désigné collectivement par les déterminants sociaux de la santé.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Nous attendons plusieurs témoins cet après-midi. Nous ne voulons pas gaspiller de temps, car nous devons libérer la salle à 18 heures.

Nous sommes ravis de recevoir la Dre Sonia Anand. Elle est une merveilleuse scientifique de l'Université McMaster et l'auteure d'excellentes publications.

La Dre Anand travaille en collaboration étroite avec le Dr Salim Yusuf et est une réelle autorité dans le domaine de la santé des femmes. Elle est titulaire de la Chaire Eli Lilly Canada/May Cohen de recherche en santé des femmes et récipiendaire de la bourse de clinicien-chercheur de phase 2 des IRSC, les Instituts de recherche en santé du Canada, entre autres.

Dre Sonia Anand, professeure associée, Département de médecine, Université McMaster : Merci de m'avoir invitée aujourd'hui.

Au cours des 10 dernières années, j'ai exercé comme clinicienne traitant des patients atteints de maladie cardiaque, d'obésité et de diabète puis, comme chercheuse cherchant à comprendre les raisons pour lesquelles certaines personnes sont touchées par ces affections au Canada. En outre, je me suis efforcée de comprendre pourquoi différents groupes ethniques du Canada — les personnes originaires de l'Inde, de la Chine, ainsi que les Autochtones — semblent connaître un taux supérieur de maladies cardiaques et de diabète de type 2.

Je commencerai avec ma première diapositive montrant une citation de sir Geoffrey Rose, le père de la prévention cardiovasculaire. Voici ce qu'il dit :

Une démarche radicale consisterait à supprimer tous les obstacles à un comportement sain... la première démarche, la démarche médicale, est importante, mais seule la démarche sociale et politique s'attaque aux causes profondes du problème.

Comme scientifique, cela m'a surprise à première vue. J'avais toujours pensé que la biologie expliquerait la maladie et qu'une fois que l'on traiterait la cause biologique, la maladie disparaîtrait. Cependant, plus je travaille dans ce domaine et plus je me rends compte que si les modifications du mode de vie individuel sont importantes, ce sont réellement les déterminants sociaux plus larges et l'environnement social dans lequel vivent les gens qui déterminent qui acquerra les facteurs de risque de maladie cardiaque, tels que l'obésité et le diabète, et qui finira par être atteint de la maladie.

Mon collègue, le Dr Yusuf, a passé pas mal de temps la semaine dernière à expliquer le fardeau mondial que représentent les maladies cardiaques. Dans la diapositive 2 j'indique que les maladies cardiovasculaires, c'est-à-dire les crises cardiaques et attaques cérébrales restent la principale cause de décès au Canada et dans le monde. D'ici 2020, nous nous attendons à une épidémie planétaire de maladies cardiaques et d'accidents cérébrovasculaires, principalement en raison d'une forte augmentation de leur fréquence dans les pays en développement. Ces populations ne développaient typiquement pas de maladies chroniques parce qu'elles ne vivaient pas assez longtemps. Cependant, maintenant que l'espérance de vie augmente partout dans le monde, les maladies cardiovasculaires continueront d'être un problème.

Elles resteront également un problème au Canada parce que la population canadienne vieillit — d'une part, c'est bien, car nous vivons tous plus longtemps — et parce que les personnes âgées tendent à développer des maladies cardiovasculaires. L'autre raison faisant que nos taux de maladies cardiovasculaires ne vont pas baisser est le fait que les taux d'obésité au Canada augmentent. L'obésité est une cause majeure du diabète de Type 2, ou diabète de la maturité, lui-même un important facteur de risque de maladie cardiaque.

Si vous regardez à la page 3 où je montre la courbe de réduction des maladies cardiaques au Canada depuis les années 1950 jusqu'à aujourd'hui, vous pouvez voir que nous nous attendons à ce que la courbe, tant pour les hommes que les femmes, atteigne un plateau et ne continue pas de décroître. Nous aimerions continuer à voir une décroissance. Mais le nombre des décès va atteindre un plateau, voire grimper, à cause du vieillissement de la population et aussi à cause de l'épidémie d'obésité et de diabète que nous connaîtrons et connaissons déjà.

Dans la diapositive 4, je montre brièvement la prévalence des facteurs de risque — le fardeau d'un facteur de risque particulier dans une population. Vous y verrez que « l'inactivité physique » et « la surcharge pondérale » sont présentes chez presque la moitié de la population canadienne adulte. Cela met en lumière le fait que, si nous avons réalisé de grands progrès sur le plan de la réduction du tabagisme et de l'exposition au tabac, nous sommes actuellement aux prises avec les problèmes du surpoids, de l'obésité et de la sédentarité.

La quatrième ligne montre le pourcentage des personnes consommant moins que la quantité recommandée de fruits et de légumes par jour, soit les deux tiers de la population. Le chiffre recommandé est de cinq portions de fruits ou de légumes par jour, ce qui n'est pas facile à atteindre même pour ceux qui le recherchent activement.

Ce sont là d'importants facteurs de risque, non seulement de maladies cardiovasculaires, ma discipline, mais aussi de cancer. Les maladies cardiovasculaires et le cancer sont les principales maladies chroniques au Canada et, d'ici 2020, il est probable que le cancer passera devant les maladies cardiovasculaires comme première cause de décès.

Mieux nous comprendrons les facteurs de risque communs tant aux maladies cardiovasculaires qu'au cancer et mieux nous serons en mesure de prévenir cette épidémie.

À la page 4, vous verrez dans le graphique une ventilation de la prévalence ou du fardeau des maladies cardiovasculaires par groupes ethniques. Il y a 10 ans environ, nous avons reçu des crédits des Instituts de recherche en santé du Canada afin de conduire une étude sur des échantillons aléatoires de population pour laquelle nous avons recruté des personnes d'origine sud-asiatique venant d'Inde, d'origine chinoise, des Canadiens européens, puis j'ai travaillé avec des membres des Six Nations dans leur réserve près de Hamilton et ai mené une étude identique là-bas. Nous avons observé d'importantes différences dans la prévalence des facteurs de risque, ainsi que dans la fréquence des maladies cardiovasculaires, entre groupes ethniques. À l'évidence, les personnes originaires d'Inde sont le groupe d'immigrants non blancs les plus touchés au Canada, avec les Autochtones qui connaissent un taux de maladies cardiovasculaires entre deux et quatre fois plus grand que les autres groupes.

Si l'on peut être rassuré par le fait que les taux de maladies cardiaques ont baissé dans certains groupes, ils sont élevés et en hausse dans d'autres. Toute stratégie axée sur la population devra comprendre des démarches culturellement sensibles, car nous voulons que nos stratégies de prévention soient inclusives. À la page 5, vous verrez que la prévalence de l'obésité est l'une des plus grandes différences que nous avons observées entre les groupes ethniques. Nous apprenons que ce n'est pas le poids absolu qui compte le plus, mais plutôt la localisation de l'adiposité. J'appelle cela le « pneu canadien », la couronne de graisse autour de l'abdomen. Quiconque porte un « pneu canadien » devrait y voir un signe de risque de diabète et de maladie cardiaque. Alors que les personnes d'origine chinoise ou sud-asiatique peuvent vous sembler de petite taille, s'ils présentent une obésité abdominale, ce qui est fréquent dans ce groupe, elles sont exposées au risque de maladie cardiaque. Notre population sud-asiatique et autochtone compte entre 25 et 50 p. 100 de personnes présentant une obésité abdominale. L'un de nos principaux objectifs ici doit être d'essayer de prévenir cela au cours des 10 à 20 prochaines années.

Dans mon travail avec la collectivité autochtone, j'ai cherché à comprendre, d'un point de vue scientifique, si le diabète ou le tabagisme représentent l'une des causes principales. Lorsque j'ai combiné tous les facteurs dans mes modèles statistiques, le plus important prédicteur de maladie cardiaque à émerger est un faible revenu familial. Les habitants des réserves disposant d'un revenu annuel inférieur à 20 000 $ connaissent la plus forte probabilité de maladie cardiaque. Alors que l'on peut penser que les pauvres tendent à présenter davantage de facteurs de risque, même en tenant compte du nombre disproportionné des facteurs de risque présents chez ces personnes, les pauvres connaissent néanmoins des taux de maladies supérieurs. Même si nous ciblons les facteurs de risque individuels, nous ne réaliserons guère de progrès sur le plan de la prévention de la maladie si nous négligeons le contexte plus large dans lequel vivent certains groupes et communautés. Les membres de collectivités telles que les Six Nations et d'autres communautés autochtones souffriront de taux de maladies chroniques élevés aussi longtemps qu'ils vivront dans la pauvreté.

Souvent, on nous demande si le régime alimentaire peut expliquer les différences entre groupes. Nous avons constaté que le groupe ayant le meilleur régime alimentaire sont les Chinois. Ils tendent à manger des fruits et des légumes légèrement cuits — non pas bouillis mais cuits à la vapeur. Ils mangent des matières grasses, mais non saturées, et ils tendent à manger plus de protéines que d'hydrates de carbone, alors que les Sud-Asiatiques tendent à manger plus d'hydrates de carbone et moins de protéines. Les Autochtones ont une très forte consommation de gras saturés et trans, tels que saindoux, desserts, sucreries, pizzas et autres aliments prêts à manger.

Alors que ces renseignements incitent d'aucuns à dire que les Autochtones devraient manger mieux ou qu'il faudrait sensibiliser les Sud-Asiatiques, on ne peut se contenter de blâmer les individus ou escompter qu'ils changent leurs habitudes. Je suis retournée à la réserve des Six Nations dans le cadre d'une étude financée par les IRSC et ai constitué différents échantillons aléatoires de ménages auxquels un conseiller en hygiène autochtone rendait visite une fois par semaine pour leur dire quoi manger et quels exercices physiques faire, alors de simplement leur remettre le Guide alimentaire canadien, pensant que cela ferait une différence. À la fin de l'étude, nous n'avons constaté aucun effet, en dépit d'une meilleure connaissance chez les sujets de ce qu'il faudrait manger.

J'avais beau dire à une famille de manger davantage de fruits et de légumes, on me répondait : « Je dois sortir de la réserve pour en trouver; c'est ce qui coûte le plus cher; ils tournent vite; il est plus facile d'acheter de grosses quantités de dîners Kraft parce que c'est moins cher et plus facile à conserver ». C'est la même chose pour l'activité physique dans les réserves : « Il n'y a pas de trottoir pour se promener, il y a des chiens sauvages et de la criminalité ». Les gens ne peuvent prendre d'exercice et ne peuvent manger correctement si leur collectivité ou leur milieu ne sont pas propices.

Si nous voulons élaborer une stratégie de prévention de l'obésité, nous ne pouvons nous contenter de dire aux individus comment se comporter. Nous devons concevoir les collectivités de telle manière qu'il soit facile pour les gens de marcher et de se rendre à l'épicerie sans prendre la voiture et qu'ils y trouvent des aliments sains à bas prix. À l'heure actuelle, c'est l'inverse : vous pouvez acheter des aliments prêts à manger et vous sentir rassasié pour 3 $ ou 4 $, et c'est ce que les gens font à défaut de mieux. Du point de vue d'une stratégie globale, l'ingénierie communautaire aura plus d'effet dans la prévention de l'obésité que de demander aux individus de changer de mode de vie.

En réfléchissant à une stratégie de santé publique idéale, les trois grandes mesures venant à l'esprit sont la prévention de l'obésité, la modification de l'apport alimentaire, par le biais d'une meilleure disponibilité d'aliments, la fiscalité, et cetera.; et la poursuite d'une politique rigoureuse contre le tabagisme. Nous pouvons tirer beaucoup de leçons du succès de la prévention du tabagisme au Canada. Nous sommes fiers de pouvoir étaler à l'étranger notre politique de lutte contre le tabagisme et sa réussite. Nous avons apporté les changements de politique à haut niveau qui ont amené une réduction de la consommation de cigarettes, et c'était sous forme de taxation. Nous pouvons nous en inspirer pour la prévention de l'obésité.

Quelle stratégie systémique recommanderais-je? La stratégie de santé publique idéale n'agirait pas sur les facteurs de risque individuels de manière isolée.

Par exemple, au Canada, nous avons une stratégie de surveillance et de prévention du diabète, une stratégie de prévention de l'obésité et une stratégie antitabac, mais aucun de ces groupes ne parle aux autres. Lorsque nous réfléchissons à la façon de prévenir les maladies cardiaques et les neuf facteurs de risque qui les causent, nous, en tant que cliniciens et chercheurs, devons nous adresser aux responsables de chacune de ces stratégies et soit essayer de les amener à dialoguer, ce qui est difficile, soit diviser et conquérir. De ce point de vue, si une recommandation pouvait être faite disant qu'il faut une coordination entre les stratégies portant sur les différentes maladies et facteurs de risque, de façon à n'avoir qu'une seule stratégie coordonnée contre la maladie, ce serait plus efficace que ce que nous faisons actuellement.

À la page 7, vous voyez une diapositive montrant comment les ressources sont actuellement réparties entre le traitement et la prévention. Si vous prenez les maladies cardiovasculaires, soit crises cardiaques et accidents cérébrovasculaires, et considérez les millions de dollars consacrés à soigner ceux qui en sont atteints, vous pouvez voir que 95 p. 100 de nos ressources vont au traitement des personnes présentant des facteurs de risque et déjà atteintes de la maladie. C'est important. Nous ne refusons jamais de traiter un patient ayant des symptômes ou la maladie, mais vous pouvez voir que seuls 5 p. 100 de nos ressources sont consacrées à la prévention de la maladie. La prévention des facteurs de risque tels que l'obésité, une mauvaise alimentation et le tabagisme feront plus pour lutter contre les maladies cardiovasculaires que tout l'argent consacré à leur traitement.

J'entends souvent dire dans les médias et de la part des divers gouvernements que l'on travaille sur une politique de prévention, mais jusqu'à présent il ne s'agit que de paroles, car les ressources ne suivent pas. Même en Ontario, le ministère de la Promotion de la santé manque relativement de ressources comparé à tous les autres ministères. Il ne peut pas réellement agir. Par conséquent, la prévention laisse à désirer au Canada. Encore une fois, il faut considérer les grands déterminants de la santé et forger une stratégie produisant une prévention, coordonnée à un très haut niveau, des nombreux facteurs de risque cardiovasculaire pour réaliser de réels progrès en matière de prévention des maladies cardiovasculaires.

Il existe quelques bonnes nouvelles. Des partenariats se forment à travers le pays et le Dr Keon et moi-même participons à l'un d'eux. Il s'agit de ce que l'on appelle la Stratégie canadienne de santé cardiaque, qui cherche à coordonner les stratégies de prévention, les stratégies de dépistage et les stratégies thérapeutiques en vue de parvenir à une politique ou stratégie nationale de contrôle des maladies cardiovasculaires. Parallèlement, il existe le partenariat canadien contre le cancer, qui vient de recevoir 40 millions de dollars pour mener une vaste étude pancanadienne sur la prévention du cancer. Ces deux ensembles, soit tous ceux qui luttent contre les maladies cardiovasculaires et le cancer, commencent à se concerter. Nous pouvons, par conséquent, mettre en commun les ressources et mettre au point une vaste démarche ou infrastructure afin de comprendre les causes communes des maladies cardiovasculaires et du cancer, ce qui débouchera sur quelques approches coordonnées de la prévention.

Je terminerai sur une autre citation de Geoffrey Rose : « Les individus peuvent faire beaucoup par eux-mêmes pour améliorer leurs perspectives de santé, mais toute initiative en ce sens de leur part sera tributaire des structures économiques et sociales mises en place par les pouvoirs publics ».

En conclusion, je pense que tout ce que vous pourrez faire pour influencer, d'en haut, les stratégies au niveau communautaire susceptibles de faciliter les changements de mode de vie requis pour prévenir l'obésité sera une dépense de temps et d'argent utile. Je vais m'arrêter là pour répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le président : Merci, docteure Anand. C'est toujours un grand plaisir de vous écouter.

Lorsque j'exerçais activement la médecine, les patients, après une opération, me posaient parfois des questions sur l'alimentation. Je leur répondais en plaisantant : « Mangez de la cuisine chinoise et buvez du vin rouge ». Je les envoyais ensuite se faire conseiller par un diététicien.

Cela m'amène à la question de savoir quelle est la place de l'alcool et, en particulier du vin rouge, dans le programme d'action aujourd'hui. L'approche est un peu mitigée à cause des problèmes de l'alcoolisme et de la recommandation d'en boire à titre thérapeutique. Je sais quelle était votre position il y a un an environ, car je vous ai entendu en parler alors, mais je ne vous ai pas entendue depuis à ce sujet. Quelle est votre position maintenant?

La Dre Anand : Comme vous le savez, de nombreuses études montrent que la non-consommation d'alcool est un facteur de risque de maladie cardiaque. Pour inverser la proposition, une consommation modérée d'alcool semble protéger contre une attaque cardiaque. C'est un sujet complexe. En tant que médecin, je n'ai jamais recommandé à un non-buveur de commencer à boire, car cela peut devenir une pente glissante et causer la discorde sociale, des blessures, des accidents, et cetera.

Aux gens qui boivent modérément, je dis que c'est probablement une bonne chose. Cependant, je dois reconsidérer maintenant, du fait d'un rapport de l'Organisation mondiale de la santé publié il y a six mois environ formulant des recommandations nutritionnelles relativement aux maladies chroniques. Bien qu'une prise d'alcool modérée protège contre les maladies cardiaques, ce peut être un facteur de risque pour certains cancers. Encore une fois, c'est une pente glissante que de recommander en bloc la consommation d'alcool. Ce dernier a été associé et au cancer du colon et au cancer du sein. C'est difficile. La conclusion de ce rapport sommaire est que deux ou trois verres par semaine sont probablement une bonne chose, mais ce n'est pas une garantie.

Le président : Dispose-t-on de données nouvelles isolant, par exemple, le rôle du scotch à cet égard?

La Dre Anand : C'est l'effet de l'alcool par opposition à un type d'alcool particulier. D'aucuns diraient que le vin est supérieur aux eaux-de-vie, qui sont supérieures à la bière. Ce semble être un effet de l'alcool. Nous ne recommandons jamais la bière comme choix optimal à cause des calories qu'elle contient. Le rapport est entre le scotch et les eaux-de- vie et le vin. Il existe une théorie, qui n'est pas prouvée, que l'acide tannique du vin rouge renforce l'effet protecteur, mais il semble bien que ce soit un simple effet de l'alcool.

Le président : S'il nous reste du temps à la fin, j'aimerais vous parler de l'ethnicité. C'est facile, par exemple, avec 500 000 Chinois au centre-ville de Toronto, mais les Indiens d'Asie sont plus dispersés.

Le sénateur Pépin : Merci d'être venue nous rencontrer. J'ai lu votre document et je vous ai écoutée. Je crois qu'autant de femmes que d'hommes subissent des crises cardiaques, mais est-ce le même pourcentage dans le cas des autres maladies? Est-ce que les femmes ont le même pourcentage ou le même risque de tomber gravement malades que les hommes?

La Dre Anand : Oui. Nous savons aujourd'hui, d'après de nombreuses études, que les facteurs de risque de maladies cardiaques sont les mêmes chez les hommes que chez les femmes. Les femmes ne présentent pas un type distinct de facteurs de risque. Le tabagisme, l'hypertension artérielle et le diabète sont communs et chez les hommes et chez les femmes. La différence est que les hommes développent une maladie cardiaque, en moyenne, dix années avant les femmes. Les femmes commencent à acquérir le même profil de risque que les hommes après la ménopause. C'est réellement entre 55 et 60 ans que les femmes commencent à présenter un plus haut risque, alors que chez les hommes c'est plutôt entre 40 et 50 ans. La maladie cardiaque paraît plus dramatique lorsqu'un homme jeune en est atteint. Les femmes l'auront aussi, seulement dix ans plus tard.

Le sénateur Pépin : Lorsque j'étais étudiante en sciences infirmières, peu de femmes faisaient une crise cardiaque. Peut-être est-ce dû au changement de notre mode de vie. Les femmes travaillaient au foyer et non à l'extérieur à l'époque. Elles élevaient leurs enfants. Peut-être les modes de vie ont-ils changé depuis. Les femmes font aujourd'hui les mêmes choses que les hommes pour gagner leur vie et elles rattrapent les chiffres d'attaques cardiaques et de maladie.

La Dre Anand : L'écart se fermera peut-être. Il est possible qu'au fur et à mesure que les femmes adoptent le même mode de vie que les hommes, l'écart rétrécisse.

Une chose qui était favorable aux femmes est qu'à l'époque de la prohibition et d'autres normes sociales, il n'était pas socialement acceptable que les femmes fument, par exemple. C'était une bonne chose pour les femmes. Les hommes fumaient beaucoup plus que les femmes et c'est l'un des facteurs de risque majeurs de maladie cardiaque.

Cependant, des changements interviennent lorsque les femmes perdent leur estrogène endogène à la ménopause. Par conséquent, leur profil de lipide ou de cholestérol reste bon jusqu'à l'âge de la cinquantaine ou la ménopause. Ensuite, il change pour ressembler au profil de cholestérol d'un homme.

Par ailleurs, avec la ménopause intervient le transfert de la graisse des hanches vers l'abdomen. Par conséquent, un certain nombre de changements chez les femmes interviennent un peu plus tard dans la vie que chez les hommes. Il y a toujours un décalage de dix ans.

Cependant, les femmes vivent plus vieilles que les hommes, jusqu'à 85 ans. Par conséquent, si vous considérez le pourcentage total de maladies cardiaques, la prévalence totale sera égale par ce que les femmes vivent plus longtemps.

Le sénateur Pépin : J'ai une autre question, mais je vais laisser la parole à mes collègues et j'y reviendrai plus tard.

Le sénateur Callbeck : J'ai été intéressée par les chiffres de prévalence cardiovasculaire de la page 4, où vous comparez les groupes ethniques entre eux.

La différence est un multiple de quatre entre les Sud-Asiatiques et les Chinois; elle est du double entre les Européens et les Sud-Asiatiques.

Vous avez mentionné le régime alimentaire. Les Chinois mangent moins de gras saturé et trans et beaucoup plus de légumes. Quels autres facteurs, à votre avis, causent les différences entre ces chiffres?

La Dre Anand : Les grandes différences entre les facteurs de risque des groupes sont l'alimentation, le taux de tabagisme, le taux d'hypertension artérielle et le cholestérol moyen. Ces grands facteurs peuvent expliquer la plus grande partie des différences entre les groupes ethniques.

Par exemple, les Autochtones ont des taux élevés pour tous les facteurs de risque. Ils se retrouvent avec la plus grande prévalence de maladies cardiaques. Les Chinois tendant à avoir le meilleur profil — le plus faible taux de diabète, la plus faible charge pondérale si vous voulez, des taux de tabagisme relativement faibles, et ils se retrouvent avec un faible pourcentage.

L'étude portait sur des immigrants de première génération ayant vécu au Canada au moins 10 ans.

Nous ne savons pas si les mêmes tendances se retrouveront chez les enfants chinois nés au Canada. Nous voyons dans certaines études chez les enfants que les Chinois ne sont pas à l'abri du gain de poids. Par conséquent, le poids moyen des enfants chinois augmente et cela s'accompagne de taux de diabète plus élevés. Les maladies cardiaques sont rares chez leurs parents.

Cependant, si je vous montrais un autre diagramme, celui de la mortalité par cancer, vous verriez une situation inverse. Les Chinois ont relativement plus de décès par cancer comparés aux Sud-Asiatiques qui ont des taux de cancer moindres. C'est presque comme si un groupe tendait à souffrir plus d'une maladie chronique que d'une autre, mais les deux en attrapent une.

Le sénateur Callbeck : Vous avez mentionné un certain nombre de facteurs causaux. L'un est le tabac. Dans votre étude, avez-vous déterminé combien fumaient?

La Dre Anand : Oui. Près de 50 p. 100 des Autochtones sont exposés à la fumée, soit directe soit indirecte, contre environ 20 p. 100 des Européens. Le pourcentage était le plus faible chez les Chinois et les Sud-Asiatiques.

La raison pour laquelle j'attire l'attention là-dessus chez les Autochtones est que c'est une question difficile. Lorsque j'ai présenté mes conclusions au Conseil de bande des Six Nations, je leur ai dit que les deux facteurs de risque sur lesquels ils peuvent le mieux agir pour obtenir le plus gros impact sur la population sont le tabagisme et l'obésité. L'indice de masse corporelle moyen dans la réserve est de 33, ce qui est très élevé.

Le tabagisme est un problème complexe dans les réserves autochtones. Les Six Nations, en particulier, ont leur propre usine de cigarettes. D'une part, nous disons que les emplois sont importants, que l'économie est importante. Ils ont leur propre industrie du tabac. Cependant, c'est une industrie qui produit des cigarettes à forte teneur en nicotine et qui sont disponibles à très bas prix dans la réserve. C'est un problème complexe.

Le sénateur Callbeck : À la page 6, vous évoquez un certain nombre de programmes disparates financés par les pouvoirs publics et la nécessité d'une approche coordonnée.

Avez-vous réfléchi à la façon de s'y prendre? Je suppose que le gouvernement fédéral devrait prendre l'initiative à cet égard.

La Dre Anand : Oui. Je me souviens d'une réunion où nous cherchions à comprendre les taux de diabète et voir s'ils augmentaient ou non au Canada. Nous avions là des représentants de la Stratégie canadienne du diabète. Ils ont les données mais il est difficile d'y accéder.

Si des recommandations claires venaient d'en haut disant : « Chaque année nous devons déterminer les tendances suivantes et permettre aux chercheurs et éducateurs et décideurs d'accéder facilement et efficacement aux données de toutes les stratégies », nous en saurions déjà plus sur le Canada. Cela nous aiderait à formuler une stratégie de prévention. L'un des objectifs de la Stratégie canadienne de la santé cardiaque est de rassembler ce type d'information. Cependant, cela peut même supposer reproduire certaines des données que nous avons déjà.

Beaucoup de renseignements existent déjà à l'Agence de la santé publique du Canada, l'ASPC, et d'autres organes du gouvernement fédéral, mais il est difficile d'y accéder.

L'autre problème est que nous avons un système de santé publique qui n'a pas d'équivalent ailleurs dans le monde. Or, nous ne suivons pas les problèmes de santé individuelle de manière systématique. Nous pourrions faire de la recherche à bien moindre coût s'il existait un système informatisé pour suivre l'utilisation des services aux diabétiques, des services de renoncement au tabac, et cetera. Nous ne le faisons pas.

Nous avons tout ce qu'il faut pour cela, mais il faut pour cela une initiative à très haut niveau.

Le sénateur Callbeck : J'ai quelques autres questions, mais j'attendrai le deuxième tour.

Le sénateur Munson : J'ai beaucoup de questions, mais j'en poserai juste une.

Que l'on soit riche, pauvre ou entre les deux, la nourriture coûte cher. Il semble que ce soit parmi les achats les plus coûteux que nous devons effectuer chaque mois. C'est une nécessité de la vie.

On parle beaucoup d'une crise alimentaire émergente. La presse est remplie de gros titres à ce sujet. Dans votre recommandation, vous parlez de subventionner ou de rendre abordables et disponibles des aliments sains tels que les fruits et légumes.

Je me demande si les gens s'adressent aux pouvoirs publics pour dire : « Vous devez légiférer, vous devez faire cela ». J'aimerais savoir quelle est la part de responsabilité de l'industrie alimentaire dans cette équation.

La Dre Anand : C'est une excellente question. Dans certains domaines, l'industrie alimentaire commence à collaborer avec les scientifiques. Un exemple en est la réduction de la teneur en sel et la suppression des gras trans dans certains aliments. Il y a là une relation efficace entre les connaissances scientifiques et les produits vendus.

D'aucuns disent que si l'on retire les gras trans et les gras saturés, les gens ne vont pas acheter les produits parce qu'ils seront moins bons. Je pense que l'industrie alimentaire a la responsabilité d'expérimenter et de mettre à l'essai différentes recettes pour que les produits soient à la fois bons et sains.

Les subventions sont un second sujet complexe. Je suis sûr que vous en savez beaucoup plus là-dessus que moi — les subventions actuellement accordées à certains groupes qui produisent, par exemple, la viande rouge et certaines céréales. Nous leur versons des subventions, mais nous n'en offrons pas aux agriculteurs qui produisent des pommes et d'autres fruits locaux.

Une pomme étrangère — une pomme chinoise — coûte moins cher qu'une pomme locale. Il se pose toutes sortes de questions. Cependant, nous savons que la consommation de viande rouge est un facteur de risque de maladie cardiaque et de cancer. Nous savons que la consommation de fruits et de légumes protège contre ces maladies. Pourquoi ne pas collaborer avec l'industrie ou les agriculteurs pour encourager la production d'aliments sains? On peut espérer que cela amènerait davantage de gens à mieux manger.

Le sénateur Munson : J'ai une question élémentaire. On nous parle toujours de ce qui est recommandé. Cinq fruits et légumes. Combien cela fait-il? Est-ce une banane, une pomme, un melon, une fraise et un verre de jus?

La Dre Anand : Une portion est la quantité que vous pouvez tenir dans la paume de votre main.

Le sénateur Munson : Certains ont des petites mains et d'autres de grandes mains.

La Dre Anand : C'est relatif à votre taille. Une pomme, une banane représente une portion. Comment quantifier une portion de purée de pomme de terre? Ce que vous pouvez tenir dans votre main? C'est l'équivalent d'une portion.

Le sénateur Munson : C'est toujours ce que l'on entend. Je reviens à mon assiette de fruits.

Voilà ce que j'avais pour le moment. Je m'interrogeais sur la responsabilité de l'industrie alimentaire. Il semble que l'on nous demande à nous, les pouvoirs publics, de prendre toutes sortes de décisions.

Pourriez-vous nous parler un peu plus de l'idée d'offrir des stimulants économiques aux municipalités qui créent un urbanisme propice à l'exercice?

La Dre Anand : Il existe maintenant tout un corpus de recherches caractérisant ce que l'on appelle l'environnement bâti, c'est-à-dire dans quelle mesure il est possible de se déplacer à pied dans une localité. Possède-t-elle un cadre agréable, avec des arbres et des parcs donnant envie de s'y promener? Peut-on se rendre à pied jusqu'aux magasins, au lieu de conduire? Peut-on rendre les rues sûres afin que les femmes, par exemple, puissent courir ou marcher la nuit?

Nous connaissons les caractéristiques des collectivités qui les rendent propices à l'exercice, mais si vous regardez — prenez ma propre ville de Hamilton — ce que l'on construit, il s'agit surtout de banlieues et de lotissements qui ne sont accessibles qu'en voiture. Il n'y a pas de magasins, sauf des hypermarchés à 20 minutes de voiture, et pour aller de l'un à l'autre il faut encore la voiture. Ce ne sont pas des cadres conçus pour promouvoir l'exercice, et pourtant on les voit proliférer partout.

Comment amener les urbanistes à concevoir des collectivités propices à la santé, et quel est le moteur qui amène à créer ou construire des banlieues? Cela rapporte à quelqu'un. Peut-on faire en sorte que si un promoteur veut construire un nouveau lotissement, il doit respecter certaines normes pour que les déplacements à pied soient possibles?

Le sénateur Munson : Merci.

Le sénateur Cochrane : Concernant cette notion que les promoteurs et urbanistes conçoivent une collectivité respectant certaines lignes directrices, cela ne devrait pas être trop difficile.

La Dre Anand : Non.

Le sénateur Cochrane : Pourquoi ne le fait-on pas?

La Dre Anand : Je pense que c'est dû en partie au fait que la recherche émerge tout juste. Cela fait seulement quatre ou cinq ans que nous avons des études sur l'environnement bâti et les niveaux d'activité physique, et c'est donc assez récent. Si vous remplissiez une pièce de médecins, seuls 10 p. 100 environ connaîtraient le concept d'environnement bâti. Les urbanistes sont probablement plus au courant, mais c'est un domaine nouveau. C'est probablement l'une des raisons.

Les localités ou les villes ne subissent pas encore suffisamment de pression de la part du monde médical ou des pouvoirs publics supérieurs pour s'y mettre sérieusement.

Dans l'école de ma propre fille, les élèves peuvent toujours acheter des boissons gazeuses et des croustilles pour leur collation. Nous savions il y a déjà cinq ans qu'il fallait les supprimer, mais elles sont toujours là. Il faut une combinaison d'action communautaire, de sensibilisation des médecins et de pression sur les décideurs.

Vous avez raison. Cela paraît plutôt simple et les solutions ne sont pas complexes.

Le sénateur Cochrane : Non seulement cela, mais à mes yeux, cela rendrait une ville ou une localité désirable, car les gens aujourd'hui ont conscience des bonnes choses, comme la marche, la natation et différentes activités. À mes yeux, ce semble être le genre de ville où l'on voudrait habiter.

La Dre Anand : Oui. C'est assez facile à faire.

Des lotissements se construisent sans cesse dans l'agglomération de Toronto, mais tous sont conçus de façon à exiger l'usage d'une mini fourgonnette pour aller du point A au point B et à dissuader les gens de marcher et de faire de l'exercice. Il faut changer cela et je pense que c'est possible.

Le sénateur Cochrane : En ce qui concerne les investissements, l'argent consacré aux stratégies, et cetera, je suis atterrée de voir que seuls 5 p. 100 vont à la prévention.

J'ai lu un rapport de la Cancer Advocacy Coalition of Canada. Il dit que seuls 6 p. 100 de toutes les dépenses pour le cancer sont consacrées à la prévention.

La Dre Anand : On est loin de connaître aussi bien les causes du cancer que celles des maladies cardiovasculaires. Je peux vous dresser une liste des neuf facteurs de risque qui prédisent avec 90 p. 100 de fiabilité qui va faire ou non une crise cardiaque. On peut clairement désigner le tabagisme, le cholestérol, le diabète. On est loin de cela dans le cas du cancer. Il faut réellement pousser les recherches étiologiques d'abord pour comprendre les causes.

Si vous allez sur le site Internet de la Société canadienne du cancer, que vous dit-on? Mangez des fruits et des légumes, ne prenez pas de poids, faites de l'exercice et ne fumez pas. Voilà les quatre choses. Songez aux gens que vous connaissez qui ont été atteints de cancer. La plupart des gens ne font rien de tout cela et pourtant ont quand même un cancer.

Le sénateur Cochrane : Exactement.

La Dre Anand : Je suis heureuse que le Partenariat canadien contre le cancer ait maintenant consacré 40 millions de dollars à la réalisation d'une étude sur une vaste cohorte de 300 000 canadiens, dont 150 000 en Ontario. Je représente la Fondation des maladies du cœur de l'Ontario et nous collaborons maintenant avec la Société du cancer en Ontario pour mener une étude sur une cohorte de 150 000 personnes. Nous mesurerons une myriade de facteurs de base, depuis les toxines dans l'eau jusqu'à la manière dont les collectivités sont construites, jusqu'aux causes de l'obésité, et nous suivrons ce groupe pendant 10, 20, 30 ans. Ce type de recherche nous permettra de comprendre les causes et d'élaborer ensuite des stratégies de prévention.

La connaissance du cancer a probablement 10 ou 15 années de retard sur celle des maladies cardiovasculaires. Dans son cas, il y a la difficulté accrue de l'existence de cancers multiples. Il y a le cancer du sein, de la prostate, de nombreux cancers, alors que les attaques cardiaques semblent être relativement identiques chez tout le monde.

Le sénateur Cochrane : Il faudra longtemps avant que l'on puisse donner au grand public l'information sur la prévention. Les crédits sont de 40 millions de dollars, mais il faudra quand même attendre longtemps avant de connaître les solutions de prévention.

La Dre Anand : Suivez les conseils de votre mère — pratiquez la modération, vivez comme les gens vivaient dans les années 1960 et non pas comme ils vivent aujourd'hui.

Si vous regardez ce qu'il advient des populations immigrantes et de leur taux de cancer, les femmes au Japon connaissent de faibles taux de cancer. Elles émigrent aux États-Unis et au Canada, adoptent notre mode de vie, quel qu'il soit — est-ce notre régime alimentaire, est-ce les plastiques de l'environnement, est-ce le stress au travail? — et leur taux de cancer augmente. Ce n'est pas génétique. Les gènes ne changent pas en cinq ou dix ans. C'est un mode de vie. Il faut comprendre ce qu'il a de nocif avant de pouvoir prévenir.

Le sénateur Cochrane : Voici un exemple de prévention qui me paraît assez bon. La semaine dernière le Dr Yusuf a comparu ici. Il est à l'Université McMaster, comme vous le savez. J'ai été frappé par sa description de la manière dont notre société promeut la sédentarité, avec la construction de bâtiments en hauteur, avec ascenseurs et escaliers mécaniques.

Il fait remarquer que les gens prennent rarement l'escalier et que dans nos immeubles les escaliers sont relégués dans les coins sombres, à l'écart, où on ne peut pas les voir.

L'idée serait de mettre les escaliers sur le devant afin que les gens soient tentés de les utiliser. Que pensez-vous de cette sorte d'idée?

La Dre Anand : Il faut être créatif. Il n'est pas nécessaire pour autant de gêner les personnes handicapées qui ont besoin d'un ascenseur.

Le sénateur Cochrane : Ce n'est pas ce que je voulais dire.

La Dre Anand : La majorité des gens sont en assez bonne santé. Comment se fait-il que nous ayons besoin de nous garer juste devant la porte de Wal-Mart au lieu de placer le terrain de stationnement sur le côté? Pourquoi ne pouvons- nous marcher entre les magasins d'un méga centre, au lieu de prendre la voiture pour nous déplacer de 10 mètres? Comment pouvons-nous, tout comme les collectivités, concevoir notre vie de façon à promouvoir inconsciemment plus d'activité physique?

La solution n'est pas que tout le monde fréquente trois fois par semaine un gymnase. Ce n'est pas la solution. Il s'agit de concevoir les collectivités de façon à amener les gens à faire plus d'exercice sans même qu'ils s'en rendent compte.

Le sénateur Cochrane : Il faut faire preuve d'imagination. Il s'agit de faire connaître toutes ces idées.

La Dre Anand : Je suis d'accord.

Le président : Comme d'habitude, sénateurs, le temps nous rattrape. Il nous reste le sénateur Fairbairn et le sénateur Brown.

Le sénateur Fairbairn : Veuillez excuser mon retard. Je suis arrivé au moment où vous parliez de vos préoccupations concernant les Autochtones. Cela m'a touché personnellement, car je viens de Lethbridge, en Alberta, qui est dans le coin sud-ouest de la province et est entourée par le territoire du Traité 7. Vous savez que la consommation de tabac fait partie de l'histoire et de la vie des Autochtones. Ils socialisent autour du tabac et il joue un rôle dans leurs cérémonies religieuses.

Est-ce que vos enquêtes et études font apparaître une grande différence entre les réserves et le monde environnant? Existe-t-il une grande différence avec les Autochtones jeunes ou adultes en milieu urbain? Avez-vous des chiffres indiquant que leur situation change lorsqu'ils quittent les réserves et travaillent à l'extérieur?

La Dre Anand : Malheureusement, il est difficile d'étudier les Autochtones en milieu urbain. Il est difficile de les suivre. Nous avons eu la chance de travailler dans la réserve où vivent 10 000 membres des Six Nations. Cependant, 10 000 autres membres vivent dans les villes et d'autres localités du Canada. Il est impossible de les suivre, et je ne peux donc vous dire si leur comportement change.

Pour ce qui est de l'usage traditionnel du tabac, il était de tradition de faire circuler un calumet de la paix dans les sueries. La nicotine est accoutumante. La fabrication massive de cigarettes et leur vente à prix réduit dans les réserves n'est pas une tradition mais peut amener les gens à devenir dépendants de la nicotine en un rien de temps.

L'usage traditionnel rend les choses plus complexes. Personne ne leur demande de changer leur tradition, mais la production massive et la vente à prix réduit de cette substance toxicomanogène rend un grand nombre de jeunes dépendants, et le sevrage du tabac est très difficile.

C'est un problème complexe. Les habitants des réserves disent qu'ils paient plus de taxes au gouvernement fédéral sur leur production lucrative de cigarettes qu'ils n'en récupèrent sous forme de transferts, si bien qu'ils estiment contribuer financièrement au Canada, en quelque sorte. C'est trop compliqué pour que je m'y retrouve. Je transfère simplement l'information au comité de la santé.

Le tabagisme est dévastateur. Heureusement, les autorités sanitaires des réserves admettent que c'est là un problème de santé majeur et s'efforcent d'y mettre un terme. Cependant, c'est un peu comme un petit poisson rouge nageant contre un puissant courant. Quelques spécialistes de la santé conscients du problème ne parviendront pas à le résoudre tant que cette activité rapportera beaucoup d'argent.

Le sénateur Fairbairn : J'espère que les choses changeront avec le vieillissement et l'arrivée de nouvelles générations.

Ces gens représentent une part merveilleuse de notre population et de notre histoire et nous voulons certainement leur offrir les meilleures perspectives.

Vous avez parlé des choses que les gens mangent et fument dans une localité typique. Si cela peut vous rassurer, dans une école de ma ville de Lethbridge, les élèves ont dit qu'ils n'allaient plus acheter de nourriture à la cafétéria parce qu'elle ne vend que de la camelote. Ils ont décidé d'apporter leur propre nourriture, ce qui est bien.

Le Dre Anand : Je crois que la Nouvelle-Écosse a fait des changements similaires.

Le sénateur Fairbairn : On constate un peu de progrès à cet égard.

Le sénateur Brown : Docteure Anand, j'ai été encouragé par votre lecture des neuf facteurs de risque et le fait que l'alcool n'y figure pas. J'ai parlé de cela avec beaucoup de gens et nous avons tous convenu qu'il est bon de consommer de l'alcool. Cependant, vous nous avez dit que ce devrait être trois verres par semaine, et non trois verres par jour comme d'aucuns le préconisent, ce qui nous a ramenés à terre.

À la page 6 de votre mémoire vous dîtes que d'autres stratégies de lutte contre la maladie et les facteurs de risque devraient s'inspirer de la réussite de la stratégie antitabac canadienne comme bon modèle de prévention coordonnée des facteurs de risque. J'avais déjà noté cela lors d'une réunion antérieure avec d'autres médecins.

Je suis tombée récemment sur une statistique disant que 52 p. 100 de Canadiens ne lisent pas de journaux ou ne regardent pas les nouvelles télévisées. Vous parlez d'une approche coordonnée en vue d'opérer de vastes changements à travers le pays. Comme vous l'avez suggéré, nous pourrions reproduire ce qui a été fait avec le tabac — c'est-à-dire que le gouvernement impose un étiquetage de plus en plus rigoureux de certains aliments malsains.

La télévision est le seul média que je connaisse qui touche une vaste majorité de la population. Si nous dépensions pour diffuser de courts messages répétitifs sur les facteurs de risque individuels pendant une certaine période, comme nous l'avons fait avec les cigarettes, cela ne serait-il pas plus bénéfique que presque n'importe quoi d'autre, hormis les recherches que vous avez effectuées, pour montrer où se situent les facteurs de risque?

La Dre Anand : La stratégie antitabac comportait plusieurs volets et le moyen le plus efficace pour réduire les taux de tabagisme a été l'augmentation du prix des cigarettes. Plus les cigarettes étaient taxées, et plus la consommation baissait. Cela a été une décision prise à un haut niveau du gouvernement, tout comme l'interdiction faite aux fabricants de cigarettes de parrainer les manifestations sportives.

Même si des annonces télévisées sur les facteurs de risque sensibiliseraient la population, sans une stratégie de haut niveau pour inciter à faire plus d'exercice et rendre les aliments sains plus disponibles, je ne pense pas que les gens mangeraient mieux et feraient plus d'exercice physique.

Je pense qu'il faut une stratégie à plusieurs volets mais il faut aussi agir sur l'urbanisme et d'autres politiques de haut niveau en plus d'inciter les Canadiens à changer de mode de vie. Si l'on veut faire une différence, les deux sont nécessaires.

Le sénateur Brown : Je suis d'accord à 100 p. 100 avec vous. Je pensais simplement que l'on pourrait couvrir tous les facteurs de risque avec des annonces publicitaires. On pourrait inciter les gens à marcher, qu'il y ait ou non des trottoirs. Comme vous l'avez dit, ils pourraient marcher sur les terrains de stationnement.

Les autres facteurs de risque peuvent tous être étiquetés comme étant de mauvaises choses et l'on pourrait encourager des comportements plus positifs. La publicité à long terme a forcément un impact. Lorsqu'on a commencé à étiqueter les cigarettes, peu de gens y ont prêté attention, mais le message a été répété sur chaque paquet de cigarettes sur plus d'une génération. C'était répétitif et des rappels étaient faits dans les bâtiments et les lieux publics. Il me semble que si l'on adoptait cette démarche large et répétitive sur tout ce que vous montrez ici dans une documentation condensée, qui est excellente, et qu'on le reproduisait en quelque sorte dans une campagne publicitaire, je pense que cela aurait un gros impact.

Le président : Honorables sénateurs, nous sommes ravis maintenant d'accueillir le deuxième groupe de témoins, encore une fois des personnes éminentes, en commençant avec Karen Hitchcock, rectrice et vice-chancelière de l'Université Queen's. J'ai eu le plaisir de petit-déjeuner avec elle il y a peu à l'occasion d'une délicieuse visite à Queen's pour une conférence sur la santé de la population.

Son CV est impressionnant : présidente de l'Université d'Albany dans l'État de New York, divers postes à Chicago, scientifique titulaire de subventions de recherche dans sa spécialité de la biologie cellulaire et de la biologie du développement.

Nous sommes ravis de vous recevoir ici, madame Hitchcock, et je vais tout de suite présenter Kristan Aronson, professeur d'épidémiologie à l'Institut de recherche sur le cancer et à l'École d'études environnementales de l'Université Queen's. Elle est la directrice fondatrice de l'Institut de la santé publique et des populations et ses recherches portent sur l'étiologie environnementale du cancer.

Karen Hitchcock, rectrice et vice-chancelière, Université Queen's : Merci de l'invitation. Je suis ravie de l'occasion de m'entretenir avec vous aujourd'hui d'un sujet d'énorme importance.

J'ai commencé ma carrière à Queen's en 2004 et je dois dire quelques mots de louange sur Queen's. Je savais avant mon arrivée que Queen's était une excellente université, renommée dans le monde pour sa recherche, son enseignement et son service public. Les universités canadiennes, dans leur ensemble, sont réputées pour cette excellence, leur innovation et leur service public partout dans le monde.

Comme nous le savons tous, le succès des universités canadiennes repose en grande partie sur le soutien, certainement des gouvernements provinciaux, avec en sus un appui direct et indirect du gouvernement fédéral.

Comme l'a indiqué le sénateur Keon, je viens du sud de la frontière. Je suis Américaine. Je viens d'une université d'Albany qui est légèrement plus grande que Queen's et qui avait une école de santé publique. J'ai été surprise de constater à mon arrivée que Queen's n'avait pas d'école de santé publique, et probablement encore plus surprise d'apprendre à l'époque qu'il n'existait aucune école de santé publique dans tout le Canada. C'était environ un an après l'épidémie de SRAS et j'ai constaté depuis un intérêt accru à créer de telles écoles. Cependant, jusqu'à tout récemment, peu de progrès étaient réalisés à cet égard, mais les choses sont en train de changer.

Selon des données recueillies par le comité consultatif national sur le SRAS du gouvernement fédéral et par l'enquête du Sénat lui-même, l'infrastructure de la santé publique au Canada comporte des lacunes importantes. Tous les rapports admettent une pénurie de professionnels de la santé publique au Canada et ceux qui travaillent dans ce domaine ont peu l'occasion de tenir à jour et d'améliorer leurs compétences au cours de leur carrière. Alors qu'il existe certains programmes de perfectionnement, les places sont limitées et le besoin est grand, et cela ressort de tous les rapports que j'ai lus.

En outre, les études scientifiques susceptibles de fonder des stratégies et démarches de santé publique en vue de prévenir les maladies ne sont que marginalement financées. Il y a une pénurie d'information et ces études ne sont que marginalement financées.

Toutefois, l'intérêt à faire cette recherche existe. Le problème est de savoir comment les mener de manière rentable et efficace. Certaines universités offrent, aux cycles supérieurs, des programmes unidisciplinaires en épidémiologie et, de plus en plus, des diplômes multidisciplinaires. On voit également apparaître des maîtrises de santé publique.

Ma thèse est que des écoles de santé publique, en tant qu'entités distinctes et plus robustes, offriraient une plus grande visibilité, en soulignant l'importance du domaine, et seraient une meilleure approche de l'éducation sur les nombreux aspects différents de la santé publique que les programmes isolés qui existent aujourd'hui.

À Queen's, je me suis fixé comme priorité personnelle d'œuvrer pour la création d'une école de santé publique, et la professeure Aronson est un chef de file de ce mouvement sur le campus. Je sais que vous apprécierez d'entendre de sa bouche ce que nous faisons spécifiquement à Queen's, et cela pourrait peut-être inspirer également d'autres initiatives.

Je travaille également avec des collègues, des recteurs, présidents et directeurs d'autres établissements du pays. Je pense que dans la documentation vous avez une ébauche de stratégie nationale d'éducation et de recherche en santé publique, et ces collègues viennent de la Colombie-Britannique, de l'Alberta, de Toronto, de McGill, de Montréal, de Dalhousie et de Queen's. Nous nous sommes rassemblés pour esquisser une stratégie efficace pour satisfaire les besoins d'éducation et de recherche qui sont vitaux dans le domaine de la santé publique. Ce document est intitulé A National Strategy for Public Health Education and Research : The Canadian University Community's Response to Public Health Issues Facing Canada in the 21st Century.

La santé publique, de par sa définition — soit tous les programmes, organisations et éléments qui la composent — est multidisciplinaire. Afin de comprendre et réagir aux problèmes de santé publique tels que l'épidémie de SRAS, les étangs de goudron des Maritimes, les gaz sulfureux dans les Prairies, le VIH/sida à Vancouver, les disparités sanitaires entre les populations autochtones et les autres habitants du pays, et les problèmes de santé endémiques comme le tabagisme, l'obésité, les lésions et l'asthme qui touchent tous les citoyens, il faut avoir recours à une approche multidisciplinaire fondée sur la preuve et l'expertise, et les universités sont bien placées pour focaliser sur le sujet, et ce de manière coordonnée et concertée.

Notre proposition cadre très bien avec la tradition de ce pays en matière de santé publique. Le gouvernement fédéral a été le premier au monde, déjà en 1974 avec le rapport Lalonde, à se pencher sur les déterminants de la santé publique.

La santé des personnes et des populations dépend assurément de la qualité et de la disponibilité des soins médicaux mais elle est encore davantage déterminée par les milieux dans lesquels les individus vivent, travaillent et apprennent. C'est précisément là le sujet de l'étude de votre sous-comité sénatorial. L'étude de ces déterminants, de leur interdépendance et de la manière dont ils peuvent être influencés par la politique publique, relève du domaine de la santé publique telle que nous la définissons.

Les Canadiens et leurs élus ont pris des mesures importantes pour rectifier les faiblesses qui existent dans le système national de santé publique. Mentionnons en particulier la création de l'Agence de santé publique du Canada — un pas important vers la solution de certains des problèmes dont nous parlons.

Des efforts ont été déployés pour élaborer des stratégies cohérentes de lutte contre les pandémies, des stratégies de préparation à la grippe, mais beaucoup reste à faire pour régler les problèmes sous-jacents en matière de santé publique — et plus particulièrement la pénurie de personnel qualifié et l'insuffisance de la recherche sur les problèmes de santé publique.

Notre proposition vise à créer un consortium de la santé publique, que nous appelons l'Association canadienne pour l'enseignement et la recherche en santé publique. Il s'agirait en quelque sorte d'un rassemblement, d'un réseau si vous voulez, d'universités possédant des écoles de santé publique, d'autres organisations et agences autour du double objectif d'un renforcement de la formation professionnelle, de l'éducation et de la recherche.

Il semble rationnel d'avoir quelques écoles de santé publique au Canada, et nous chercherions donc à créer, ou renforcer, des écoles de santé publique de façon à former davantage de personnel de santé publique, d'assurer l'éducation permanente de la main-d'œuvre existante et d'encourager et renforcer la recherche et mettre ses résultats en application sur le terrain. Cette convergence de la théorie et de la pratique est probablement plus importante dans le domaine de la santé publique que dans pratiquement tout autre.

La stratégie nationale que nous proposons vise à améliorer la santé du public canadien et d'autres populations dans le monde. Nos objectifs sont de doter les établissements de santé publique et leur personnel d'un meilleur équipement, aux échelles locale, provinciale, fédérale et internationale, afin de pouvoir faire face aux épidémies et à d'autres situations d'urgence en matière de santé publique; aborder les questions complexes de la santé publique en offrant une formation et des programmes de recherche multidisciplinaires améliorés axés sur la santé publique, et notamment la gestion, le transfert des connaissances et l'intervention; réduire l'écart entre l'enseignement et la prestation des services de santé publique, afin que l'éducation et la formation et la recherche dans ce domaine soient de la plus haute qualité et pertinence; endiguer de nombreuses épidémies de maladies chroniques qui découlent de la vie moderne afin de diminuer le fardeau que les services de santé représentent pour les finances publiques; et appuyer les objectifs de l'Agence de la santé publique du Canada. Nous avons travaillé en collaboration étroite avec cette dernière pour élaborer notre stratégie. C'est une organisation pivot importante lorsqu'il s'agit d'affecter les ressources là où elles sont nécessaires, d'assurer que les fonds servent à satisfaire les besoins en matière de santé publique des gouvernements locaux, provinciaux et fédéral tout en tenant compte du partage des pouvoirs, et élaborer des partenariats stratégiques et tactiques avec des organisations communautaires. La prestation des services de santé publique se fait au niveau local et les organisations se situent au niveau provincial et fédéral. La santé publique recoupe tous les niveaux de gouvernement. L'Agence de santé publique peut être un outil efficace de coordination. Il importe de créer un forum national — un regroupement des établissements d'enseignement canadien unis dans leur engagement envers la santé publique au Canada afin que, par le dialogue et la concertation, ils puissent connaître les besoins existants dans le pays et y répondre, non seulement dans la province où se trouve l'université mais de manière à améliorer la qualité de la santé publique dans tout le Canada et même dans le monde entier.

Le financement des universités provient presqu'en totalité des provinces et des droits de scolarité. Les universités canadiennes commencent à acquérir des fondations plus importantes mais le montant reste insuffisant pour satisfaire les besoins urgents qui existent dans le domaine de la santé publique. Les universités canadiennes ont de la difficulté à réagir rapidement pour mettre sur pied de nouveaux programmes et lancer de nouvelles avenues de recherche. Le consortium d'universités proposant cette stratégie nationale reconnaît que le gouvernement fédéral a déjà effectué d'importants investissements pour tenter de rectifier et d'améliorer un système de santé publique canadien très sous- développé. Cependant, nous demandons au gouvernement canadien de faire plus. Le Canada a la possibilité de créer une vision globale de la contribution universitaire à la santé publique. Des fonds supplémentaires sont requis pour appuyer les objectifs de l'Agence de santé publique du Canada. De nombreux programmes importants ont été mis sur pied, mais leurs moyens sont modestes. Des crédits additionnels sont requis afin de réinvestir dans la capacité du Canada de former des professionnels, des enseignants et des chercheurs de classe mondiale dans ce domaine.

Un engagement financier quinquennal du gouvernement, comme nous l'envisageons en ce moment, porterait sur trois grands domaines. Le premier est la formation de nouveaux professionnels de la santé publique et l'éducation permanente du personnel existant. C'est au niveau de l'éducation permanente que l'impact pourra être le plus immédiat. Par exemple, il existe en Ontario 4 000 infirmiers et infirmières de santé publique. Un très petit nombre d'entre eux, voire aucun, n'a une formation spécifique en santé publique. Un modèle d'éducation permanente pourrait être mis sur pied inspiré des programmes de formation de cadres dans d'autres professions financés par les entreprises qui s'en prévalent. En l'occurrence, le gouvernement devrait être le bailleur de fonds pour les professionnels de la santé publique. De tels programmes d'éducation permanente, mis sur pied rapidement, pourraient avoir un effet immédiat, parallèlement à la création d'écoles de santé publique et d'autres programmes commençant à former de nouveaux diplômés.

Un autre auditoire pour l'éducation continue pourrait être les forces armées, vu le recours aux militaires pour la protection civile. Ces programmes pourraient former à la santé publique les militaires participant à la protection civile sur la base d'une éducation permanente, et ce pourrait être là une façon rapide de multiplier le personnel de santé publique formé au Canada.

L'éducation à tous les niveaux pourrait être assurée en commençant par l'éducation continue comme un moyen initial rapide et efficace d'accroître la compétence des professionnels de la santé publique que nous possédons. La qualité de cette éducation dépend directement de la recherche. Les universités ne sont pas les seules à faire de la recherche, mais la recherche constitue certainement l'une de leurs missions primordiales.

Le deuxième engagement serait de financer davantage de recherche en santé publique, notamment au chapitre de l'intervention, de la prévention et du transfert des connaissances. L'Agence de santé publique a déjà créé quelques chaires de recherche appliquée. Il importe d'étendre et d'intensifier ce programme afin d'attirer dans le milieu universitaire le type de chercheurs pouvant mener à bien ce travail.

Je reviens encore à la convergence de la théorie et de la pratique. Il faut financer des liens plus étroits entre les producteurs et les utilisateurs du savoir — les professionnels de la santé publique, les chercheurs et les étudiants — de façon à avoir une meilleure reddition de comptes quant à la prestation des programmes de santé publique. Cette convergence est donc très importante.

Au chapitre du financement de l'infrastructure physique et informatique, il y a eu un merveilleux investissement dans l'Inforoute Santé du Canada, qui représente une stratégie de communication à l'échelle nationale dans le domaine de la santé publique. La Dre Anand a parlé de la nécessité de meilleures communications afin de pouvoir suivre les individus et assurer une bonne analyse et transmission des données. Tout cela est essentiel. C'est donc un bon début mais il importe de poursuivre l'effort et de chercher à améliorer le système. Les universités peuvent être utiles. Chaque élément de la santé publique pourrait être un point névralgique dans ce réseau. Tous doivent être mis en communication afin que ces données puissent être suivies et de renforcer l'analyse des données aux fins de la recherche des causes des maladies.

Un engagement au niveau fédéral de renforcer la capacité du secteur éducatif postsecondaire canadien nous offrirait un levier financier pour obtenir des fonds des provinces et territoires à investir dans l'éducation en santé publique. Actuellement, le consortium d'universités effectue une analyse détaillée des besoins de façon à pouvoir chiffrer l'ampleur de l'investissement requis. Les divers établissements en sont à des niveaux de développement différents — par exemple, certains ont des écoles, d'autres se préparent à en créer une. Certains envisagent simplement un programme à diplôme unique qu'ils aimeraient agrandir ou réfléchissent au réseau d'institutions, organisations et programmes d'éducation continue qui seraient nécessaires. Nous espérons avoir cela dans un ou deux mois.

Nous comptons poursuivre le travail sur cette initiative et ne manquerons pas de vous tenir au courant de ce que nous faisons. Merci de votre invitation à comparaître.

Le président : Merci, madame Hitchcock. Veuillez m'excuser, la voix me fait défaut. Il s'agit là d'un aspect crucial dont nous devrons traiter dans notre rapport, à savoir la pénurie actuelle de ressources humaines. Beaucoup de choses ont déjà été faites, notamment la création de la nouvelle Agence de santé publique du Canada et l'action renforcée des provinces dans le domaine de la santé publique, mais le manque de ressources humaines est aigu. Je suis personnellement ravi que les universités prennent l'initiative, car il y a peu d'impulsion venant d'en haut à ce stade. Nous ferons appel à vos conseils pour la rédaction de notre rapport.

J'ai eu le privilège de m'entretenir avec vous en tête-à-tête, et je ne vais donc pas accaparer plus de temps, car il ne nous reste que 20 minutes. Je veux permettre aux autres sénateurs de poser quelques questions. S'il nous reste du temps, j'en poserai moi-même.

Le sénateur Pépin, la vice-présidente du comité, va entamer la période des questions.

Le sénateur Pépin : Nous avons eu notre première école de santé publique universitaire en 2006. C'était à l'Université de l'Alberta. L'Université de Montréal en projette une, tout comme l'Université de Toronto. Vous aussi allez en créer une. Vous partirez du bon pied.

Mme Hitchcock : Oui.

Le sénateur Pépin : Vous avez fait état de l'école de santé publique initiale. Qu'entendez-vous par « école de santé publique initiale »? Existe-t-il beaucoup de différences entre ces écoles et les universités et les écoles de santé publique? Existe-t-il d'autres écoles de santé publique? La santé publique devrait-elle être enseignée uniquement dans les universités? J'ai cru comprendre que vous préconisez également des écoles régionales. Ai-je mal compris?

Mme Hitchcock : Je n'ai probablement pas été claire. Je parlais d'écoles à l'intérieur des universités, et non pas autonomes. Ce serait une école située de façon à pouvoir couvrir les problèmes d'une certaine aire de drainage ou région, mais elle serait située à l'intérieur d'une université et en communication avec toutes les autres du pays à l'intérieur du réseau.

Le sénateur Pépin : Vous avez parlé de la participation des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral, mais quel niveau de participation du gouvernement fédéral jugeriez-vous raisonnable?

Mme Hitchcock : Du point de vue des types d'investissements, il y aurait certainement la recherche. Les chaires de recherche que l'Agence de santé publique s'est déjà engagée à financier sont une destination locale de l'investissement fédéral.

Il y a également le volet formation professionnelle. Je ne vois aucune partie de la santé publique échappant à la compétence nationale parce que, par définition, elle concerne tout le pays du fait que les problèmes survenant en un lieu touchent tout le pays. Il y a aussi une dimension planétaire, ainsi qu'internationale.

Pour ce qui est du corps enseignant, des chaires pourraient être créées dans divers établissements. La formation professionnelle et les programmes d'éducation permanente financés par l'Agence de santé publique seraient probablement assurés par ces écoles.

Le sénateur Pépin : Aurons-nous davantage de personnel tel qu'infirmières et médecins?

Mme Hitchcock : Exactement. Il faut un grand nombre de catégories de personnel, qu'il s'agisse d'épidémiologistes comme Mme Aronson ou de quelqu'un spécialisé dans la protection civile, laquelle représente tout un domaine à part.

À l'origine de la santé publique il y avait la salubrité des aliments et de l'eau, et il existe donc une dimension génie civile. C'est un domaine multidisciplinaire et un environnement multidisciplinaire. C'est pourquoi le cadre universitaire est indiqué, parce qu'un si grand nombre de disciplines doivent être mises en jeu.

Pour répondre à votre question, je conçois la participation fédérale — selon ce que je sais des questions de partage des pouvoirs — comme un partenariat non seulement avec les provinces, lesquelles appuient financièrement les étudiants, mais aussi du point de vue du volet recherche et formation professionnelle.

Le sénateur Pépin : Merci.

Le président : Madame Hitchcock, au fur et à mesure que le consortium d'universités se précise, ce que je trouve excellent — êtes-vous en relation avec le système de santé publique fédéral-provincial? Peut-être Mme Aronson pourrait-elle en traiter. Sénateurs, Mme Aronson n'avait pas de mémoire formel prêt à présenter, mais elle est disponible pour répondre à vos questions.

L'arrangement fédéral-provincial sous le régime duquel fonctionne la nouvelle Agence de santé publique semble bon. Cela semble bien fonctionner. J'ai l'impression qu'il y aurait là une excellente occasion d'évaluer les besoins en ressources humaines que le monde universitaire à travers le pays veut satisfaire. Avez-vous déjà noué des contacts au moment où le consortium entame sa mission de formation? Avez-vous établi des liens avec les réunions fédérales- provinciales?

Mme Hitchcock : Nous collaborons étroitement avec l'Agence de santé publique du Canada. Nous connaissons ses orientations particulières et les démarches qu'elle suit, non seulement par rapport aux différentes disciplines mais aussi aux relations fédérales-provinciales. Peut-être Mme Aronson voudrait-elle ajouter un mot.

Kristan Aronson, professeur d'épidémiologie, Université Queen's : Mme Hitchcock a souvent rencontré le Dr David Butler-Jones à ce sujet. Au niveau provincial, c'est la province qui a accordé à l'Université Queen's une subvention pour rédiger une proposition en vue de la création d'une école de santé publique. Nous n'avons guère reçu de directives, pour parler franchement, mais nous avons eu quelques indications quant aux domaines de recherche pour lesquels la province souhaite les avis experts de l'université. Elle est intéressée par des accords de coopération entre universités ontariennes, au niveau provincial. Nous nous concertons avec nos homologues tant du gouvernement fédéral que provincial et continuerons de le faire.

Jamie Hawkin de l'ASPC est en contact avec nous. Plusieurs personnes sont déjà formées à Queen's dans le cadre du programme au MBA de leadership des cadres. Il jouit d'une excellente réputation. Notre idée est d'amener des cadres de l'Agence à l'université et de collaborer pour mettre au point un genre de programme de leadership pour les cadres de la santé publique. Jamie Hawkin et moi en avons parlé. L'ASPC va tout d'abord dresser un état des lieux à travers le pays pour voir où se situe l'expertise dans ce domaine.

J'ajouterais encore une chose. L'éducation permanente peut aller d'un atelier d'un jour sur un sujet donné avec lequel il faut se familiariser rapidement jusqu'à cette formation de cadres ou de gens de haut niveau offrant le potentiel de devenir des leaders dans un domaine. Ce serait davantage une formation de gestionnaires. Au total, cela représente un nombre énorme de personnes.

Les femmes ayant une formation d'infirmière ne veulent souvent pas faire de travail posté. Où vont-elles? Dans la santé publique. C'est excellent et très altruiste de leur part, mais elles n'ont pas de formation spécifique en santé publique. C'est un vrai problème. Tant qu'elles sont sur le terrain, elles ne peuvent quitter leur poste pour des raisons financières et familiales, et ensuite elles ont besoin d'une formation rapide et accessible, soit sous forme d'éducation à distance soit de brefs cours intensifs de perfectionnement professionnel qui leur serviront dans les unités de santé publique. Voilà quelques-unes de nos idées et de nos connexions, tant au niveau provincial que fédéral.

Le président : Merci.

Le sénateur Fairbairn : Merci beaucoup. Il est rassurant et encourageant de vous entendre.

Lorsque vous avez parlé de nos soldats et de la situation dans laquelle ils ont volontairement choisi de se placer, je me suis demandé comment nous pouvions aider ceux qui reviennent avec des séquelles. Il m'est venu à l'esprit que, parfois, le fait de mettre ensemble des choses auxquelles on n'avait pas songé auparavant peut produire quelque chose de très positif.

Connaissez-vous un programme lancé l'an dernier du nom de Soldats en mouvement? Il s'agit d'une coopération entre le ministère de la Défense nationale et du Comité paralympique canadien. L'Université Carleton y a beaucoup contribué.

Nos athlètes paralympiques ont rencontré des soldats et les ont encouragés à se lancer dans le hockey sur luge, par exemple, pour leur montrer que ces choses sont possibles. Ils sont eux-mêmes un groupe étonnant. Je ne sais pas jusqu'où les choses sont allées — et je suis moi-même très impliqué dans le mouvement paralympique — mais ce programme a suscité pas mal d'intérêt en ce sens que, au départ, nos soldats se sont sentis un peu secoués à l'idée. Puis ils se sont rendu compte que ceux qui travaillent avec eux ont aussi leurs difficultés et ne se laissent pas arrêter pour autant.

Ce programme a apparemment reçu un bon accueil, une fois qu'ils ont réussi à surmonter la barrière psychologique initiale. Cela a été une expérience positive pour certains de nos jeunes soldats de retour de la guerre qui ont découvert qu'il y a des façons de s'en sortir. Je me demandais si vous aviez entendu parler de ce programme.

Mme Hitchcock : Oui, effectivement. Je ne savais pas qu'il s'appelait Soldats en mouvement, mais je connais le doyen de l'Université Carleton et il m'a parlé de ce programme. Il semble excellent.

Le sénateur Fairbairn : Nous avons beaucoup travaillé là-dessus et il a fait une différence pour certains soldats. Est- ce là le genre de chose qui vous paraît utile, selon la nature du problème?

Mme Hitchcock : Ce serait certainement utile. Ce à quoi nous réfléchissions dans nos conversations avec nos collègues — bien entendu, le Collège militaire royal se trouve à Kingston — c'était le recours accru aux forces armées en situation de catastrophe. C'est une dimension un peu différente de celle que vous évoquiez.

Souvent, les militaires se trouvent plongés dans des situations de crise comme premiers intervenants. Une formation en santé publique, que ce soit sous forme d'éducation continue ou d'un stage de leadership de dirigeant, pourrait être utile et accroître rapidement le nombre des personnes ayant une formation en santé publique lorsqu'ils se trouvent plongés dans des situations de crise. C'est une stratégie de type édification de capacité.

Mais plus ces relations se développent, plus apparaissent des opportunités comme Soldats en mouvement.

Le sénateur Fairbairn : Cela montre, surtout aux plus jeunes qui rentrent, qu'il existe une autre vie.

Le sénateur Cochrane : Madame Hitchcock, dans votre mémoire vous avez parlé des problèmes infrastructurels sous-jacents que nous avons au Canada dans le domaine de la santé publique.

Selon votre optique, quels sont les besoins infrastructurels les plus pressants?

Mme Hitchcock : Le principal, pour employer le mot « infrastructure » au sens large, est la pénurie de personnel qualifié. C'est le plus gros problème infrastructurel.

Nous avons des programmes de différents types, dont beaucoup sont excellents, mais si vous regardez ce qui se passe sur le lieu de la prestation, c'est-à-dire la collectivité locale, il existe de gros déficits. Il existe de merveilleuses études. Le rapport Naylor et d'autres ont quantifié certains de ces déficits. Je dirais que le personnel est le plus gros.

Il est difficile de séparer la recherche de cet aspect, car ce que vous enseignez provient finalement d'une recherche de qualité sur l'intervention et la pratique de santé publique.

Le sénateur Cochrane : Vous entendez par-là les médecins et infirmières. Est-ce exact?

Mme Hitchcock : Les médecins et infirmières, les épidémiologistes, les spécialistes de la sécurité, les microbiologistes et technologistes. On peut continuer la liste. Nous avons des déficits dans tous ces domaines.

L'une des analyses de besoins dont nous parlons recense tous ces besoins en personnel et détermine ce qu'il faudrait pour porter à un niveau de formation supérieur tous ceux travaillant sur le terrain, ainsi que les nouveaux arrivants dans le domaine, ce qui suppose des encouragements et une sensibilisation pour montrer qu'il existe une nouvelle voie de carrière pour ceux qui s'intéressent aux sciences de la vie humaine.

Le sénateur Cochrane : La situation est-elle la même dans tout le pays?

Mme Hitchcock : Oui. Je m'inscris là dans une optique nationale. Certes, certaines régions sont mieux desservies. Certaines localités autochtones du Nord sont plus mal desservies que d'autres. Il existe des régions particulières du pays connaissant de plus grands besoins.

Le sénateur Cochrane : Vous dites que la stratégie nationale que vous et vos partenaires proposez exigerait un investissement fédéral. De quel niveau d'investissement parlez-vous? Avez-vous calculé un chiffre? Avez-vous présenté votre proposition au ministre de la Santé ou à des fonctionnaires? Si oui, comment a-t-elle été reçue?

Mme Hitchcock : Nous sommes au milieu de l'analyse des besoins en ce moment. Nous espérons l'avoir terminée d'ici la fin de ce mois ou le mois suivant.

L'analyse des besoins couvrira la formation. Elle examinera différents programmes existants mais qui ont besoin d'être renforcés. Plusieurs écoles devront être créées, disséminées à travers le pays, et il y aura un besoin de recherche et de communication. Certaines de ces choses sont déjà entreprises, mais à une échelle modeste jusqu'à présent, par l'Agence de la santé publique du Canada.

En tout cas, l'investissement de 100 millions de dollars dans l'Inforoute est un merveilleux début parce que les communications représentent un élément si important de l'infrastructure. Nous sommes donc en train de chiffrer les besoins. Nous collaborons avec le cabinet du ministre de la Santé et l'Agence de santé publique afin qu'ils soient au courant de ce que nous faisons, et cette proposition chiffrant précisément les besoins sera disponible dans un mois ou deux.

Le sénateur Cochrane : Je suis ravie de l'entendre.

Le président : Il nous reste à peu près deux minutes. En tant que président du comité, j'aimerais poser une question importante. Sénateur Brown, avez-vous une question urgente? Je ne veux pas vous évincer.

Le sénateur Brown : Non.

Le président : Au niveau communautaire, lorsque vous commencerez à résoudre le problème des ressources et que du personnel deviendra disponible, pensez-vous qu'il vaudra mieux intégrer ce personnel dans les centres communautaires, avec des équipes de santé communautaire et les services sociaux communautaires et cetera, ou bien les agents de santé publique devraient-ils plutôt être situés à l'échelon supérieur des activités de santé publique, au niveau provincial?

Mme Hitchcock : Ma réponse est oui aux deux questions, mais pour des raisons différentes. Étant donné que les conditions environnementales, sociales et comportementales sont tellement indissociables des déterminants, le fait d'avoir des liens étroits avec les organismes qui traitent directement de ces aspects est une bonne chose.

Mais il est primordial, toutefois, que tout l'appareil de santé publique du pays soit relié en réseau, afin d'avoir une capacité de recherche lorsqu'il se pose un problème régional. Il faut pouvoir mettre ensemble les données de toutes les régions.

Mes antécédents se situent dans le modèle du CDC, Center for Disease Control, aux États-Unis. Le CDC, qui est peut-être l'homologue de l'Agence de santé publique au Canada, est le mécanisme gouvernemental de coordination qui recommande et fixe les normes pour tout le pays et possède des protocoles de traitement des données. Il a des moyens de communiquer avec toutes les agences. Un élément important de ce réseau est le Department of Health de l'État de New York qui est la plus grosse agence après CDC. Le CDC n'a pas tant pour rôle de réglementer que de faciliter la collaboration.

L'existence de protocoles de transmission des données entre tous les domaines de la santé publique est absolument vitale pour la qualité des services de santé publique. Les normes doivent être respectées, sinon les données rassemblées ne permettent pas de déterminer la cause d'une épidémie ou d'un problème particulier. C'est indispensable, et le CDC joue ce rôle de coordination. C'est un excellent modèle.

Le fait que la santé publique ne soit pas isolée des organismes qui peuvent agir sur certains des déterminants des maladies chroniques est important également, mais cela obéit à une logique différente.

Mme Aronson : Bien que les cliniques soient importantes, elles représentent peut-être un modèle trop médical. Comme le dit Mme Hitchcock, la liaison avec les agences communautaires qui encouragent l'activité physique et luttent contre l'obésité, et cetera, et avec l'infrastructure législative représente un aspect important de la santé publique qui serait négligé dans le cadre plus médical d'une clinique communautaire.

Le président : La conception qui émerge de nos données sur la santé de la population n'est pas en faveur du modèle médical — autrement dit, elle penche pour un modèle qui puisse couvrir la douzaine ou plus de déterminants de la santé.

Mme Aronson : C'est juste, et aussi les interactions entre ces déterminants.

Le président : Tout à fait, et ce afin de pouvoir promouvoir une vie saine et ainsi de suite, et certainement pas par le biais du système des soins de santé.

Mme Aronson : C'est encourageant.

Le président : Mais il faut une alliance avec le système des soins de santé.

Nous manquons malheureusement de temps. Le volet ressources humaines est une partie très importante de notre rapport et nous sommes ravis que les universités s'attellent à cette tâche et nous sommes ravis de l'initiative de Queen's. Merci d'être venues.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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