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Sous-comité sur la santé des populations

 

Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations

Fascicule 7 - Témoignages du 5 juin 2008


OTTAWA, le jeudi 5 juin 2008

Le Sous-comité sur la santé de la population du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit ce jour à 10 h 54 pour étudier les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants sociaux de la santé.

Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous sommes très heureux d'avoir ce matin devant nous un groupe de qualité : Mme Marcia Hills, de l'Université de Victoria; la Dre Maria De Koninck, de l'Université Laval; Mme Shanthi Johnson, de l'Université de Regina; M. Richard Prial, du ministère de la Santé et des soins de longue durée de l'Ontario.

[Français]

Maria De Koninck, professeur titulaire, Département de médecine sociale et préventive, Université Laval : Monsieur le président, je vous remercie de nous permettre de nous exprimer en ce qui concerne les inégalités sociales en santé, c'est une question qui nous tient beaucoup à cœur. Je m'attarderai seulement au problème de la recherche puisque c'est mon champ d'expertise. Ma présentation tentera de faire ressortir des éléments concernant les besoins en recherche au Canada pour nous permettre de nous attaquer aux inégalités sociales de santé.

Les inégalités sociales de santé — j'ai vu le rapport que vous avez produit — sont amplement documentées. Elles existent bel et bien et produisent un impact important sur la santé de la population. Du côté de la santé publique, les inégalités sociales sont une priorité. D'ailleurs, le directeur de l'Agence de la santé publique du Canada produira un rapport sur la question prochainement.

Bien que nous connaissions la situation, il manque les connaissances nécessaires pour mieux comprendre comment se construisent ces inégalités et surtout comment elles perdurent. La chronicité de la situation est telle qu'elle se perpétue dans certains groupes sociaux de génération en génération; les enfants nés dans la pauvreté mettant au monde des enfants dans la pauvreté également. Nous avons besoin de comprendre le fonctionnement du phénomène afin de pouvoir agir et réduire ces inégalités.

Nos besoins dépassent les besoins de description. C'est un élément sur lequel j'insisterai beaucoup. Il faut aller beaucoup plus loin que de décrire les inégalités. Nous devons comprendre et commencer à agir en expérimentant, notamment, des façons de faire qui doivent être évaluées. Quand on parle de façon de faire, cela inclut des politiques publiques et leur impact afin de les ajuster.

Je propose, dans le document qui vous a été transmis, un modèle théorique sur les déterminants de la santé qui nous vient de l'Angleterre. C'est probablement le modèle le plus utilisé actuellement. Ce modèle démontre bien comment les politiques publiques transitent à travers différentes conditions pour rejoindre la santé des individus. Dans ce modèle théorique, on insiste sur l'ensemble des conditions qui agissent sur la santé des individus. Pour comprendre comment l'inégalité se construit entre les personnes, il importe de tenir compte de cet ensemble de déterminants. C'est un défi absolument énorme.

Je propose également une diapositive, qui a été présentée par docteure Hillary Graham. C'est une chercheuse britannique très connue qui travaille sur les inégalités depuis longtemps et qui se joint de plus en plus à des chercheurs pour insister sur le fait que nous devons maintenant nous attarder au déterminant des déterminants, c'est-à-dire d'aller en amont de ce que nous appelons les déterminants de la santé pour comprendre les fondements de la construction des inégalités entre nous. Nous avons besoin de recherches qui nous permettent de saisir la complexité de la situation et, pour ce faire, nous avons besoin de recherches qui font appel à de multiples expertises, donc des recherches de type multidisciplinaire, notamment dans le domaine de la santé de recherches en sciences sociales pour nous permettre de comprendre comment les conditions sociales et l'organisation sociale agissent sur les inégalités et la santé des populations.

Nous avons aussi besoin de faire de la recherche auprès des milieux d'intervention et des milieux de vie, de la recherche de type action pour d'emblée commencer à mettre en place des façons de travailler afin de réduire les inégalités et éviter qu'elles ne se reproduisent.

J'ai ici un court texte qui résume nos travaux. Dans la région de Québec, nous avons mené une recherche sur trois territoires de la région. Nous avons trouvé à l'intérieur même des territoires des différences au plan de l'espérance de vie. Nous avons vu des différences allant jusqu'à dix ans entre différents milieux au sein du centre-ville de Québec, par exemple, qui n'est très grand. Cela vous donne une idée de la nécessité d'aller beaucoup plus loin pour comprendre comment ce type de situation est possible et comment on peut agir.

Nous avons besoin de recherches qui feraient place à la complexité et qui feraient appel à de multiples expertises. Il est important, et c'est un peu l'appel que je fais auprès de vous aujourd'hui, de commencer à demander un changement de culture dans les organismes qui subventionnent nos recherches. Les organismes qui subventionnent nos recherches veulent des résultats rapidement. Les organismes qui subventionnent nos recherches ne semblent pas comprendre que la recherche fondamentale au plan social est aussi importante et demande autant de temps que la recherche fondamentale au plan biomédical. Les critères ne sont pas les mêmes. La recherche sociale est le parent pauvre, pourtant nous savons qu'il est devenu vraiment nécessaire de comprendre ce qui se passe dans une société d'opulence telle que la nôtre quand on observe des inégalités tout à fait injustifiables. De plus, dans les organismes communautaires, on cherche souvent à obtenir des résultats avec une causalité linéaire alors que lorsqu'on travaille sur des réalités sociales, la causalité n'est pas nécessairement linéaire.

Enfin, la tendance à l'heure actuelle va vers les programmes stratégiques, c'est-à-dire que l'on suggère des objets de recherche aux chercheurs. Cela prend de plus en plus de place, de sorte que l'innovation intellectuelle, les idées et les intuitions que peuvent avoir les chercheurs ne sont à peu près plus jamais subventionnées.

Dans les diapositives que je vous ai présentées, il y a quelques extraits de travaux d'un groupe qui demande depuis plusieurs années que le Canada se dote d'une enquête longitudinale à l'aide de panels de ménages. Plusieurs pays le font et le type de données que ce genre d'enquête permet d'obtenir peut vraiment être très utile, d'une part pour suivre la santé de la population et, d'autre part, pour mieux saisir la complexité et tous les éléments qui entrent dans la construction des inégalités sociales relatives à la santé.

Pour terminer, je vous dirais qu'il est important pour nous de reconnaître que les inégalités sociales sont une priorité en santé des populations, qu'on a besoin de recherches qui permettent de mieux comprendre comment se construisent les inégalités et comment elles se reproduisent. Nous avons besoin de recherches évaluatives qui vont soutenir des expérimentations de type social pour réduire les inégalités et, enfin, d'infrastructures qui nous permettent de produire des données, ce qu'on a appelle des données complexes qui correspondent à la réalité humaine et à la réalité sociale.

[Traduction]

Shanthi Johnson, Saskatchewan Population Health and Evaluation Research Unit, Université de Regina : J'ai le plaisir et l'honneur de représenter la Saskatchewan Population Health and Evaluation Research Unit (SPHERU) (le service de recherche et d'évaluation sur la santé de la population de la Saskatchewan). Les dix membres dévoués de l'équipe consacrent leur recherche aux préoccupations communautaires et à l'examen des politiques pertinentes dans le but de mieux comprendre les disparités en matière de santé. Notre programme de recherche porte sur trois thèmes principaux : la santé des Autochtones et des habitants du Nord, la santé des enfants et la santé en milieu rural. J'ai eu le privilège de travailler avec cette équipe au cours de l'année écoulée, lorsque j'ai quitté la Nouvelle-Écosse pour venir m'installer en Saskatchewan en janvier 2007.

Mes observations aujourd'hui sont fondées sur l'expérience que j'ai acquise non seulement en Saskatchewan mais aussi en Nouvelle-Écosse et auparavant, en Ontario, la première province où j'ai vécu lorsque je suis venue au Canada poursuivre mes études de doctorat dans le domaine de la santé.

Je voudrais faire cinq observations précises. Le mémoire écrit que j'avais préparé était fort long, et j'ai donc été contrainte de le réduire sensiblement. J'espère que je n'ai pas jeté le bébé avec l'eau du bain lorsque j'ai fait cela.

Je souhaiterais aborder les cinq points suivants : premièrement, la nécessité de renforcer les capacités en fournissant des possibilités d'apprentissage et de formation. Depuis sa création, la SPHERU s'est affirmée comme un leader grâce aux possibilités offertes aux étudiants postdoctoraux sur la forme d'une aide à la préparation de thèses, de mentorats, de partenariats, et plus récemment, du programme financé par les IRSC appelé le Programme de formation en recherche sur la santé de la population et la santé communautaire (RSPSC). Ce programme nous a permis de former quelque 26 étudiants en doctorat, étudiants en maîtrise et agrégés postdoctoraux au cours des cinq dernières années. C'est un résultat remarquable pour notre petite province, d'autant qu'il s'agit d'un domaine très circonscrit de la santé de la population. Nous avons des étudiants de disciplines diverses — géographie, histoire, kinésiologie, arts et lettres — il s'agit donc vraiment d'un programme multidisciplinaire.

Bien que ces programmes offrent des débouchés aux diplômés actuels, nous avons aussi besoin de pouvoir offrir des possibilités en matière d'éducation et de formation aux personnes qui appartiennent déjà à la population active afin de développer leurs capacités. Nous avons besoin de disposer de possibilités de formation telles que des ateliers, des modules d'enseignement en ligne, et cetera, à l'intention des personnes travaillant dans le secteur de la santé et des membres d'autres secteurs importants pour la santé de la population.

Les modèles intéressants ne manquent pas. Lorsque je travaillais en Nouvelle-Écosse, l'organisme Annapolis Valley Health était un leader; il offrait des séances de formation à l'intention des employés des services de santé et au comité de santé communautaire, qui est l'organisation populaire de bénévoles ainsi qu'aux cadres supérieurs. Cela a beaucoup facilité l'intégration de la santé de la population au processus de planification des services de santé.

Ma seconde observation concerne la nécessité d'établir un cadre national de promotion de la santé de la population. Compte tenu de l'ampleur des disparités constatées sur le plan de la santé dans l'ensemble du Canada, il y aurait lieu, pour commencer, d'élargir le champ d'investigation. Il sera très important, au départ, d'établir un cadre national qui fournira les orientations et l'inspiration nécessaires pour travailler avec les provinces à la promotion de ce programme. Il faudrait, bien entendu, que ce cadre comporte des buts à court et à long terme, des objectifs et des cibles, et qu'il dispose de fonds suffisants pour soutenir les stratégies élaborées.

Ma troisième observation concerne la mise en place d'une infrastructure communautaire intégrée d'information sur la santé. Nous avons la chance de disposer d'excellentes sources de données au Canada. Nous avons l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes et plusieurs autres enquêtes sur la population. Quelques améliorations seraient cependant les bienvenues. Nous n'avons pas autant de données longitudinales. L'enquête longitudinale sur la dynamique familiale, mentionnée par Mme De Koninck, est importante, et je sais que l'étude longitudinale canadienne sur le vieillissement est en cours. Ces importantes enquêtes sont absolument indispensables.

Nous avons aussi besoin d'information au niveau communautaire. Bon nombre de ces enquêtes nationales n'en fournissent qu'au niveau régional. Lorsque vous considérez une région telle que la région sanitaire de Regina, vous vous apercevez qu'elle présente une grande diversité. Il y a Regina, qui est un centre important, mais il y a aussi de toutes petites collectivités. Comment identifier les besoins en matière de santé lorsque tout cela est fourré dans le même sac? Nous avons besoin d'une ventilation des données.

Il faut aussi poursuivre les études sur les indicateurs. Nous utilisons traditionnellement des indicateurs comme l'espérance de vie, la mortalité, la morbidité, mais quels sont les indicateurs importants pour les collectivités rurales? La SPHERU a travaillé avec plusieurs collectivités autochtones du Nord afin de définir des indicateurs adaptés culturellement à ces collectivités. Il y aurait lieu d'intégrer ce genre d'indicateurs aux enquêtes nationales et provinciales.

Je souhaiterais également faire une remarque au sujet de l'évaluation et de la présentation de preuves probantes. Les chercheurs dans le domaine de la santé de la population que nous sommes, ne sauraient donner trop d'importance à l'évaluation dans toute stratégie ou élaboration de cadres. Je tiens à vous féliciter pour le travail que vous avez effectué sur le document d'orientation concernant l'examen de la politique sur la santé de la population. Je note que les pages 7, 17 et 28 contiennent un examen de l'élaboration et de la mise en œuvre d'une politique ou d'un cadre, mais aucune mention n'est faite d'une évaluation. J'encourage le comité à réfléchir à un cadre d'évaluation et à l'intégrer au processus.

Comme le témoin précédent l'a dit, d'autres recherches s'imposent pour comprendre l'interaction complexe des divers déterminants de la santé. Les IRSC, par le biais de leur Institut canadien d'information sur la santé, ont fourni des subventions, mais le taux de succès aux concours des IRSC est très faible, compte tenu de l'importance limitée des fonds. Cela signifie que plusieurs excellentes, intéressantes et importantes questions de recherche demeurent sans réponse, faute de ressources. Il faut continuer à encourager une augmentation des fonds ciblés afin de promouvoir des recherches novatrices qui correspondent aux besoins des collectivités.

En ce qui concerne l'établissement des priorités, le document d'orientation indique très clairement sept domaines où il existe des disparités, et recommande une intervention éventuelle dans deux d'entre eux — la santé des Autochtones et la santé des enfants. Cela a cependant une portée très limitée, car nous savons bien que les disparités nous affectent tous au cours de notre vie et que nous avons vraiment besoin d'adopter une perspective multisectorielle, portant sur le cours complet de la vie; sans quoi, nous ne parviendrons pas à changer grand-chose aux énormes disparités que nous constatons au Canada.

Dans mon mémoire écrit, je présente un exemple donné par un nutritionniste. Je suis diététicienne de formation. Sommes-nous ce que nous mangeons? C'est une question qui, à son tour, en soulève d'autres : s'agit-il des connaissances, des attitudes et des croyances que nous avons ou s'agit-il des problèmes sociétaux que représentent l'obésité chez les enfants, l'insécurité alimentaire, le fait que les gens n'ont pas les moyens d'acheter de la nourriture, l'incidence croissante des maladies chroniques qui se manifestent de plus en plus tôt dans la vie? Quels indicateurs utilisons-nous? Est-ce simplement de l'apport nutritionnel ou des additifs alimentaires dont nous devons nous inquiéter, des acides trans ou de la teneur en sodium des aliments?

Il faudrait qu'il y ait de nouvelles possibilités sur le plan de l'éducation. Je connais bien un grand nombre des programmes de nutrition au Canada, et ceux-ci n'offrent pas de cours sur la santé de la population. Ils demeurent axés sur le changement comportemental, prennent pour acquis que si vous fournissez les connaissances nécessaires, les attitudes changeront et cela entraînera un changement du comportement. Les recherches effectuées sur les déterminants sociaux de la santé nous ont montré que ce n'est pas du tout le cas; il faut donc renforcer les capacités et offrir des possibilités de formation aux étudiants et aux membres de la profession.

Je m'en tiendrai là. Je me réjouis de voir que votre comité étudie cette question, car elle revêt beaucoup d'importance au Canada.

Le président : Merci beaucoup. J'ai été heureux de vous entendre confirmer la valeur du cadre structurel que nous utilisons, cadre qui est essentiellement fondé sur un programme d'étude de la santé de la population à partir duquel nous procédons à un examen du cycle de vie dans sa totalité. Vous venez d'en confirmer le besoin, je vous en remercie.

Marcia Hills, directrice, Centre de recherche en promotion de la santé communautaire, Université de Victoria : Je tiens, pour commencer, à dire combien je suis heureuse de pouvoir vous parler aujourd'hui. Je vous prie d'excuser mon retard. Je suis à Athènes, en Grèce. Si vous n'êtes jamais venu ici, vous comprendrez que les Grecs ont une conception du temps qui diffère de la nôtre au Canada. On m'avait mal renseignée sur le temps que cela me prendrait pour arriver ici.

Je tiens à vous féliciter d'avoir entrepris cet important travail. J'ai eu plaisir à lire vos rapports ainsi que certaines des transcriptions des déclarations d'autres témoins.

Mes commentaires seront brefs. J'espère que la technologie ne nous trahira pas. La discussion et la période de questions me paraissent très importantes.

J'ai travaillé pendant plus de 20 ans dans les domaines de la promotion de la santé et de la recherche et de l'évaluation communautaires. La question fondamentale de l'équité en matière de santé a été l'avant-plan de mes propres travaux, mais elle est aussi fondamentale en ce sens qu'elle est à l'origine de la promotion de la santé dans l'acte introductif de la Charte d'Ottawa pour la promotion de la santé. C'est ce qui guide essentiellement notre travail dans le domaine de la promotion de la santé.

Lorsque je vous parle aujourd'hui, bien que je sois directrice du centre à l'Université de Victoria, j'estime également que je peux représenter certaines des vues du Consortium canadien de recherche en promotion de la santé, qui est un organisme sans but lucratif, étant donné que je le préside.

Je m'en tiendrai à trois observations. Premièrement, nous avons besoin d'intensifier la recherche sur la santé de la population. Je veux mettre particulièrement l'accent sur ce que nous appelons la recherche et l'évaluation de l'intervention. Je suis heureuse que le témoin qui m'a précédée l'ait également mentionné. Je voudrais, pour conclure, vous parler de la complexité, du contexte et du problème de la synthèse des données. Je vais vous donner deux ou trois exemples de la manière dont le consortium collabore avec l'Agence de la santé publique du Canada pour régler certaines de ces questions.

Nous avons besoin d'intensifier la recherche sur la santé de la population, à condition qu'elle ne répète pas ce qui a déjà été fait. Il faudrait que nous nous orientions plus vers l'épidémiologie sociale. Nous ne pouvons pas continuer simplement à recueillir les données sur ce que nous connaissons déjà. Nous avons besoin d'une collaboration plus étroite entre la recherche en santé traditionnelle et les sciences sociales.

Nous avons besoin de plus de fonds, encore une fois, pas simplement pour continuer à faire ce que nous avons toujours fait, mais pour encourager l'innovation et éviter la redondance. Je crois que c'est Monique Begin qui a dit que nous étions un pays de projets pilotes; il est donc temps de renforcer le financement durable de la recherche à long terme.

Nous avons besoin de plus de données sur ce que nous appelons les mécanismes de causalité qui sous-tendent les disparités en matière de santé. J'ai également entendu dire que lorsque l'on considère les déterminants sociaux, il n'est pas nécessairement évident que B vient après A. C'est plus complexe. D'ailleurs, les collectivités représentent des interactions sociales très complexes entre de nombreuses personnes et organisations. Il y a là un niveau de complexité dont je parlerai dans quelques minutes.

Il faudrait aussi, en particulier en ce qui concerne les collectivités, cesser de concentrer exclusivement notre attention sur les déficits et mettre plus l'accent sur les actifs. Le bureau de Venise de l'Organisation mondiale de la santé fait actuellement un travail remarquable. Il reprend ce que fait la Commission sur les déterminants sociaux de la santé et s'appuie sur la notion d'actifs plutôt que de déficits, selon laquelle toutes les collectivités ont des actifs et nous devrions en exploiter leurs points forts plutôt que de continuer à identifier leurs points faibles.

Il faudrait doubler notre investissement au cours des cinq prochaines années et faire une plus large place à l'intervention dans la recherche sur la santé de la population. Je ne connais pas les chiffres exacts. Bien sûr, les IRSC apportent un soutien à la recherche sur la santé de la population, mais cela ne représente que 10 p. 100 environ de l'aide globale à la recherche médicale. Et 10 autres pour cent seulement sont réservés à la recherche sur l'intervention.

Essentiellement, selon l'idée qui sous-tend la recherche sur l'intervention — si vos avez entendu sir Michael Marmot à la Commission, Monique Begin ou encore Stephen Lewis, ils disent tous la même chose — il existe beaucoup de données et de recherches sur les disparités en matière de santé. Nous savons ce qu'elles sont, nous savons où elles existent et nous savons aussi ce qui les cause. Très peu d'interventions sont cependant destinées à réduire ou à éliminer ces disparités. Nous sommes absolument convaincus que c'est là-dessus que nous devrions axer notre travail.

Nous devons reconnaître que la nature des interventions en matière de santé de la population et de promotion de la santé est différente de celles des interventions médicales traditionnelles. Elle est en fait très différente. Compte tenu de ces différences, une nouvelle approche en matière de recherche et d'évaluation de l'intervention s'impose. Il est absolument indispensable que nous puissions compter sur la participation des citoyens et des collectivités aussi bien aux interventions qu'à l'évaluation.

J'ai aussi entendu plus tôt une allusion faite à ce sujet, et je tiens à insister sur ce point car c'est ce qui nous définit. Vous dites que vous devez établir un lien entre la pratique des politiques et la recherche. Cela vous surprendra peut-être de m'entendre dire ceci, moi qui suis une chercheuse, mais les chercheurs ne peuvent ni dicter le sujet de la recherche ni son processus. Il faudrait donc mieux connaître les besoins en matière de politique si nous voulons instaurer des changements.

J'ai remarqué qu'une des questions qui vous intéressaient était celle de savoir d'où devraient venir les fonds pour la recherche. Encore une fois, lorsqu'il s'agit de lier la politique, la pratique et la recherche, nous estimons que le financement devrait être assuré par des institutions indépendantes de financement de la recherche, telles que les IRSC et les ministères fédéraux appropriés. Je sais que c'est ce qui commence à se faire avec l'Agence de la santé publique du Canada. Elle travaille de concert avec les IRSC pour entreprendre une partie de cette recherche sur l'intervention.

Je parlerai brièvement du contexte de la complexité et du problème de la synthèse des données. Les interventions dans le domaine de la santé de la population et de la promotion de la santé sont complexes; ce sont des actions sociales qui ont lieu au sein de systèmes sociaux complexes. Cela signifie que pour évaluer l'efficacité de ces interventions, il faut comprendre comment chaque intervention interagit dans son contexte afin de produire des résultats particuliers. Nous voulons mettre l'accent sur les résultats, mais nous voulons aussi connaître le contexte dans lequel l'intervention fonctionne ou ne fonctionne pas. C'est ce que nous ignorons actuellement. Il y a donc un dilemme. Comment analyser les contextes individuels et synthétiser les divers contextes pour parvenir à des conclusions — autrement dit, pour connaître l'efficacité d'interventions spécifiques?

Les modèles traditionnels de synthèse des données n'ont pas permis de résoudre ce dilemme ou l'ont simplement ignoré. Dans la plupart des modèles actuels de synthèse, on emploie l'essai aléatoire, mais contrôlé, comme norme d'excellence. Cela ne convient pas du tout dans le cas des interventions communautaires. Cela ne marche tout simplement pas. Cela a pour résultat qu'une foule de pratiques exemplaires sont totalement ignorées ou ne sont pas publiées parce qu'elles ne répondent pas aux critères rigoureux des groupes de contrôle. Pour aller de l'avant, nous devons accroître le financement et le recours à s méthodes novatrices de synthèse des données sur l'efficacité des interventions.

Je voudrais vous donner deux exemples d'une des choses que nous essayons de faire en ce moment même, car je pense qu'elle offre des perspectives encourageantes. L'Agence de la santé publique du Canada travaille avec le Consortium canadien de recherche en promotion de la santé depuis quatre ans à l'élaboration d'un cadre qui nous permettrait d'envisager des initiatives communautaires financées par les sources fédérales. Nous devrions pouvoir examiner tous ces programmes. Je parle là de programmes pancanadiens — tels que la Stratégie canadienne sur le VIH/ sida, la stratégie nutritionnelle, le diabète et les programmes de compétences parentales.

Nous avons examiné ces programmes ainsi que les preuves de leur efficacité pour la promotion de la santé. Nous essayons de mettre à l'essai l'examen des mécanismes et des contextes complexes et de les relier aux résultats sur le plan de la santé de la population. Les recherches antérieures fournissaient un cadre logique qui comporte une « chaîne de résultats », depuis des résultats à court terme jusqu'aux résultats à moyen et long termes. Ce travail offre aussi un exemple de ce que je disais plus tôt au sujet du modèle de recherche en collaboration qui associe les chercheurs, les décisionnaires et les praticiens.

Nous travaillons actuellement sur un autre programme, la stratégie en matière de modes de vie sains. C'est un excellent exemple du travail que nous devrions faire. Voilà les interventions que nous devrions examiner. La difficulté tient à leur évaluation et à la nécessité de poser les questions appropriées au cours de cette évaluation, de manière à pouvoir regrouper les données de tous les programmes. Je crois que c'est très difficile à faire. Je félicite l'Agence de la santé publique du Canada et les IRSC d'avoir entrepris ce genre de travail, mais il en faudrait plus.

Richard Prial, directeur, Direction de l'harmonisation stratégique, ministère de la Santé et des soins de longue durée de l'Ontario : Je vous remercie vivement de m'offrir cette occasion de contribuer aux délibérations du comité sur un sujet que certains d'entre nous en Ontario en sont venus à considérer comme une question extrêmement urgente et certainement, d'une grande importance sur le plan social.

Je suis de retour en Ontario. J'ai dit plus tôt que j'avais été malade récemment et je n'ai donc pu lire qu'une partie des documents relatifs au travail de votre comité. Moi qui ai longtemps lutté pour essayer de faire avancer cette question en Ontario, je suis à la fois touché et encouragé par ce que vous faites. Il est absolument indispensable que cela se produise au niveau national.

Il serait peut-être bon de vous donner quelques détails sur mes antécédents et de vous dire ce que je peux apporter aux discussions d'aujourd'hui. Premièrement, je ne suis pas un universitaire comme les autres témoins, mais j'appuie vigoureusement pratiquement tout ce que j'ai entendu ce matin. En tant que fonctionnaire avec 20 années d'expérience, j'apporte une perspective différente. J'ai passé la plus grande partie de ma carrière dans la bureaucratie ontarienne comme « spécialiste de l'horizontalité », si je puis m'exprimer ainsi. Si j'ai une expertise qui pourrait être utile aujourd'hui, c'est probablement dans ce domaine. Je me suis fait une réputation de directeur des missions impossibles en Ontario; il se trouve que l'équité en matière de santé est la dernière de celle-ci. Auparavant, j'étais directeur des résultats au bureau de notre cabinet lorsque le gouvernement McGuinty s'efforçait de s'adapter à certains de ces grands résultats dans le domaine des soins de santé, de l'éducation et de l'économie. Je détiens l'évangile pour tout ce qui touche à l'horizontalité. J'ai aussi appris à mes dépens et grâce aux nombreux coups reçus qui meurtrissent mon dos et d'autres parties de mon anatomie, et qui montrent clairement les difficultés liées au travail horizontal.

J'ai fourni un petit jeu d'acétates qui offrent une idée d'ensemble au comité. J'ai mis l'accent sur ce que nous avons essayé de faire dans le domaine de l'équité en matière de santé au cours des quelque 12 derniers mois et sur ce que nous avons l'intention de faire dans les prochains mois. Je dois vous faire observer que je n'utilise pas les termes « santé de la population » ou « déterminants sociaux de la santé » — non seulement parce que le second est difficile, mais parce que l'approche que nous avons adoptée a été fortement influencée par la littérature secondaire européenne et que nous avons concentré notre attention sur l'équité en matière de santé.

L'équité, ou l'iniquité en matière de santé, est reconnue comme une question importante dans l'ensemble du secteur de la santé en Ontario. C'est récemment devenu un élément de la stratégie du gouvernement pour le système de soins de santé. C'est une stratégie que nous nous sommes efforcés de fonder sur des recherches depuis quelque temps. Comme elle est devenue une priorité stratégique pour la province, le secrétaire du cabinet ontarien de l'époque a essayé de lancer plusieurs initiatives destinées à renforcer l'élaboration de politiques en Ontario. Mais c'est un problème qui se pose également au niveau fédéral. Nous avons proposé de faire de l'équité en matière de santé l'un des principaux objectifs en ce qui concerne le renforcement de la capacité à élaborer des politiques.

Les recherches préliminaires nous ont permis de tirer quelques conclusions connexes. En premier lieu, nos chercheurs n'ont pas tardé à montrer qu'il s'agit moins d'une question de politique de santé ou de soins de santé au sens étroit du terme que d'une question de politique sociale plus géniale; nous avons donc compris qu'il fallait engager la participation de nos ministères. Deuxièmement, nous avons compris qu'il ne s'agit pas vraiment d'une question d'accès aux soins de santé en tant que tels — bien que ce soit important — mais plutôt d'une question de santé et de bien-être. Cela n'est donc pas exclusivement du ressort du ministère de la Santé ou de tout autre ministère, mais fondamentalement, il s'agit du résultat général recherché par tous les gouvernements.

Les objectifs du projet de recherche étaient d'offrir aux ministères une assise permettant un travail horizontal et de fournir un ensemble d'outils pratiques aux ministères — parce que les bureaucrates que nous sommes sont des gens très pratiques — en se fondant sur les preuves de ce qui fonctionne bien. Dans ce domaine, nous sommes très influencés par le programme politique du gouvernement Blair entre 1997 et 2003, époque où a été réalisé l'essentiel des progrès dans le domaine de l'équité en matière de santé.

Nous avons dûment établi le mécanisme interministériel habituel; c'est-à-dire, un comité de SMA qui supervisait le travail effectué sous la direction d'un groupe de directeurs des dix ministères concernés. Nous avons tous les ministères. Nous avons le ministère des Finances car le bailleur de fonds et une composante critique. Tous rendent compte à un comité de sous-ministres qui sont responsables de la politique sociale. Mon travail consistait à faire avancer le processus et à assurer la livraison d'un certain nombre de produits.

Nous avons également recruté un groupe d'experts. Un élément caractéristique de mon expérience de l'élaboration de politique publique est le fait que nous avons un groupe très disparate de formulation de conseils en matière de politique. Il y a des groupes de réflexion, des établissements universitaires, et le gouvernement. Nous savions que pour obtenir les données probantes dont nous avions besoin, il fallait nous réunir. Voilà ce qui représente notre capacité en matière de politique publique, et pas simplement ici au gouvernement. Étant donné que nous avons affaire au redoutable problème que représente l'équité en matière de santé, aucun ministère ou gouvernement ne dispose des ressources internes suffisantes pour s'attaquer aux difficiles problèmes auxquels le professeur Hills, par exemple, a fait allusion, c'est-à-dire, toute la question de la complexité; les subtilités liées à la causation; et la difficulté d'attribution, qui est un des plus gros problèmes auxquels sont confrontés tous ceux qui ont un système de mesures.

Les produits livrables de notre initiative de recherche étaient les suivants : un examen des leçons stratégiques tirées par d'autres administrations; un cadre pour l'élaboration de politique; une trousse de leviers stratégiques et d'outils pour les ministères constituée en fonction des preuves de ce qui fonctionne; un cadre pour l'établissement d'objectifs et la mesure du succès. Nous avons réalisé des progrès sur les trois plans et nous continuons à préparer notre compte rendu pour cet automne. J'ai soumis à ce groupe un résumé des recherches effectuées jusqu'à présent. Je le fais avant de les communiquer à de nombreux sous-ministres en Ontario mais je crois que cela ne changera pas grand-chose.

Bien que la notion de déterminants sociaux de la santé soit bien connue de nos collègues de la fonction publique — je veux dire par là, dans tous les ministères — ceux-ci étaient beaucoup moins au courant de la notion d'équité en matière de santé et de tout ce que cela représente. En outre, nous avons découvert qu'au moins certains de nos collègues pensaient qu'il s'agissait uniquement de la santé et demandaient : Quel est le rapport avec ce que nous faisons? Il y avait donc un travail d'éducation à faire. Il ne faudrait pas le sous-estimer.

Dans notre premier rapport de recherche, nous avons fait état de leçons à tirer, au niveau stratégique, de l'expérience des nations européennes qui ont réalisé le plus de progrès dans ce domaine. Je sais que le comité a également étudié ce que font ces pays. Comme prévu, il s'agit du Royaume-Uni et des pays scandinaves. Certaines de ces leçons sont résumées à la page 5, mais vous avez déjà effectué un énorme travail dans ce domaine.

Notre second rapport proposait un objectif de réduction des disparités, essentiellement une modification des objectifs proposés par l'Organisation mondiale de la santé et l'Union européenne, en prenant des mesures stratégiques axées sur le nivellement du gradient. En réponse à l'argument justifié émanant d'une autre source de la fonction publique ontarienne, selon lequel il s'agissait uniquement du domaine de la santé, nous avons répondu de deux façons. Premièrement, en nous appuyant sur le travail d'Amartya Sen et de l'Organisation mondiale de la santé, nous avons fait observer que la santé est un indicateur sensible des conditions sociétales. C'est-à-dire que la santé fournit un point d'entrée stratégique. L'équité en matière de santé est le point de départ pour la politique. Ce n'est cependant pas le seul, car nous pouvons démontrer l'existence de gradients dans d'autres domaines. Celui de l'éducation en est un bon exemple. Comme la santé est le point d'entrée, nous devrions concentrer notre attention sur les domaines touchant à la politique socio-économique et pas exclusivement sur ceux de la politique en matière de santé.

Deuxièmement, nous avons très légèrement réorienté l'objectif : au lieu de rechercher une plus grande équité en matière de santé, nous avons recherché une plus grande équité dans le domaine de la santé et du bien-être. La grande leçon que nous en avons tirée est qu'il s'agit de la santé, et non pas des soins de santé, et que nous sommes tous responsables de faire en sorte qu'une meilleure santé soit une capacité fondamentale. Cela a des répercussions très importantes sur la manière dont le gouvernement structure l'élaboration et l'exécution des politiques.

Nos recherches ont permis de tirer des leçons au sujet de l'élaboration horizontale des politiques. Dans la fonction publique, nous parlons beaucoup d'horizontalité, mais elle est difficile à réaliser, et il y a très peu d'exemples dans le monde où elle a été un succès. En Ontario, nous donnons l'exemple du groupe spécial Croissance intelligente, et il y a des leçons à en tirer. Nous avons au moins quelques exemples de chez nous à offrir; il y en a au moins un en Ontario, et je sais qu'il y en a d'autres au Canada.

Nos recherches ont également permis de tirer des leçons au sujet des mesures de rendement dans ce domaine. Nous savons que la mesure du rendement est importante, mais qu'elle est aussi difficile — plus difficile que la plupart des gens le reconnaissent, à mon avis, en particulier lorsque le rapport entre les investissements et les résultats est subtil et difficile à repérer. C'est amplement prouvé.

Je travaille actuellement dans une direction au nom assez mystérieux, la Direction de l'harmonisation stratégique. C'est un travail assez novateur. Ma tâche consiste à établir de manière beaucoup plus efficace le rapport entre les résultats en matière de santé et les investissements dans le même domaine. Bien entendu, l'argument derrière tout cela est que la durabilité financière de notre système de soins de santé se trouve mise en cause.

La difficulté en ce qui concerne les mesures d'évaluation dans le domaine de l'équité en matière de santé tient naturellement au fait que l'attribution est extrêmement difficile. Il y a des personnes plus compétentes que moi dans ce domaine, mais la littérature secondaire abonde en subtilités sur ce plan. En Ontario, nous avons essayé de promouvoir un modèle intrants-extrants proposé par l'universitaire écossais, Finn Diederichsen, il y a quelques années. On trouvera cela dans les annales de la recherche. La difficulté, lorsque l'on parle de modèles de détermination des intrants et des extrants, est qu'il est presque impossible pour qui que ce soit de comprendre ce qui se passe. Imaginez avoir à expliquer cela à un comité du Cabinet.

Pourquoi? Comme je viens de le dire, il est probable que l'iniquité en matière de santé est un des problèmes les plus épineux auxquels les États ont affaire aujourd'hui. Bien que nous soupçonnions l'existence en Ontario, d'un gradient social général et durable dans le domaine de la santé, nous n'en avions pas non plus la preuve et nous avons donc été obligés de la trouver. Le dernier acétate de ma série présente un tableau du gradient en Ontario établi par une étude commanditée par le ministère de la Santé. Cette étude n'a pas encore été publiée, mais je me suis permis d'en présenter certains éléments. Je parlais de cette initiative à un groupe de représentants des autorités de la santé il y a environ un an. Je faisais partie d'un groupe avec Noralou Roos, qui a comparu devant vous. On lui avait posé la question suivante, « Comment savez-vous qu'il y a une disparité en Ontario comme celle qui existe au Manitoba? » Inutile de vous dire ce que Noralou a répondu.

Nous en avons maintenant la preuve et nous nous efforçons de l'étayer, car nous savons que pour mesurer ces phénomènes, nous avons besoin de pouvoir nous fonder sur une base de données. Nous avons besoin d'un but ou d'une cible quelconque et nous avons besoin d'indicateurs efficaces qui nous permettent de savoir où nous allons. Pour le faire, nous avons besoin du genre de données stratégiques solides auxquelles la personne qui m'a précédé a fait allusion.

Nous disposons maintenant des premiers éléments d'une assise pour étudier l'équité en matière de santé en Ontario mais nous avons encore beaucoup de chemin à faire. Voilà ce que sont nos initiatives en matière de recherche.

J'espère que ces remarques constitueront une base de départ utile pour vos questions aujourd'hui.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Prial. Nous attendons toutes les informations que vous pourrez nous fournir. Je suis tout à fait au courant de cette initiative. Elle correspond de très près à ce que nous pensons et à ce que nous avons l'intention de recommander, à moins que les témoins ne nous convainquent du contraire. Nous penchons cependant en faveur d'une approche pangouvernementale, car elle est la seule qui puisse fonctionner.

À mon avis, l'Ontario peut jouer un rôle clé. Le ministre Smitherman a bien voulu m'accorder une heure d'entretien au cours de laquelle j'ai discuté de cette question avec lui, il y a environ deux mois, pour être sûr que notre approche concordait avec celle de l'Ontario. Bien entendu, M. Smitherman est particulièrement bien placé, en tant que vice- premier ministre, pour promouvoir une approche pangouvernementale.

Je voudrais avoir votre avis là-dessus. Je m'attarde un peu sur la question, car c'est un élément extrêmement important de notre réflexion. De nombreuses personnes nous ont dit que la santé ne peut pas tenir le premier rôle. Elle absorbe déjà près de la moitié du budget provincial. D'autres ministres se montrent réticents au sujet de la santé et d'autres initiatives dans ce domaine. Ce qu'il faudrait probablement, c'est un autre ministère.

Paradoxalement, il faudrait partir d'une initiative en matière de santé, car nous parlons là de la santé de la nation. Dans notre rapport final, nous traiterons des disparités en matière de santé et de la manière de les corriger. En dépit de ce que pourrait avoir de négatif la direction d'une telle initiative par un ministre de la santé, je ne suis pas certain que nous ayons vraiment le choix.

Je connais le modèle britannique. Je dois me rendre en Angleterre pour l'étudier plus en détail. Nous avons déjà eu une vidéoconférence qui nous a permis d'entendre des témoins de là-bas.

Voudriez-vous nous dire ce que vous en pensez, compte tenu du rôle que vous avez joué dans ce domaine et de votre très longue carrière bureaucratique. Je disais hier que ce qui est important pour un rapport, c'est d'obtenir l'aval de tous les bureaucrates, car les gouvernements changent constamment. Pour qu'un rapport puisse donner des résultats concrets, il faut que les bureaucrates l'approuvent, car c'est le fondement même de tout gouvernement. Veuillez donc nous dire ce que vous pensez de l'établissement d'une approche pangouvernementale, qui commencerait au sommet au niveau fédéral et descendrait au niveau de la gouvernance provinciale, municipale et communautaire.

M. Prial : Une approche gouvernementale doit tenir compte d'un certain nombre d'obstacles fondamentaux. Appelons-les les obstacles clés à l'horizontalité, si vous voulez. Je vous dirai où se trouvent ces obstacles avant d'en venir à ce que nous pourrions faire pour les éliminer. Je me fonde à ce sujet sur un examen de la plupart des études faites sur la question de l'horizontalité qui ont été publiées en deux ou trois langues, surtout en anglais, au cours des 15 dernières années et je vous parlerai aussi, comme je l'ai déjà dit, des marques que cela a laissées sur moi.

Comme vous le savez, un des obstacles clés est la manière dont nous organisons les ministères. Tous les gros problèmes auxquels nous sommes confrontés ne sont pas organisés en fonction des structures des ministères, mais nous le sommes, et un certain type d'implacabilité — une sorte de carcan de conditions préexistantes — est lié à la structure des finances publiques qui n'a rien à voir avec la manière dont les problèmes sont structurés et les solutions pourraient l'être. Il y a la structure des prises de décisions, plus de 200 années d'utilisation du modèle de Westminster; la politique et le pouvoir; les mesures d'encouragement aux bureaucrates. Tout cela doit être examiné sous des angles différents.

Deuxièmement, au gouvernement nous avons fréquemment des difficultés à nous faire une idée claire de nos objectifs. Nous avons besoin de beaucoup plus de clarté dans ce que nous essayons d'accomplir. Bien entendu, cela a été une des grandes préoccupations de toutes les administrations européennes. Celles-ci se rabattent sur l'adoption de lois. Je suis cependant avocat de formation et, dans le passé, j'ai parfois été appelé à aider des gouvernements à se sortir de situations dans lesquelles ils ne respectent pas vraiment leurs propres lois. Légiférer n'est pas une panacée; c'est un outil, parmi beaucoup d'autres qui sont disponibles.

Il est difficile d'établir des buts précis, et c'est pourquoi il est extrêmement important de parvenir, si c'est possible, à un consensus national sur ce que nous essayons d'accomplir. Comme on l'a dit, c'est une question complexe, mais se contenter de le dire ne devrait pas nous empêcher de définir clairement nos objectifs.

Troisièmement, la mesure du rendement est critique, mais elle est beaucoup plus difficile à réaliser que la plupart des gens le reconnaissent. Elle demande beaucoup de ressources. La plus grosse difficulté est celle de l'attribution, en particulier lorsqu'on s'attaque à la tâche complexe de la présentation d'un rapport sur le rendement, qui recoupe les activités des ministères et les domaines d'expertise.

Le professeur Johnson a dit combien il était important de faire une place à l'évaluation. À une certaine époque, j'étais responsable du lancement d'une évaluation de programme au gouvernement ontarien. Ce processus m'a appris combien il est difficile d'évaluer des programmes. C'est une entreprise très coûteuse, même lorsque vous utilisez, comme nous l'avons fait, des raccourcis pour gérer les coûts. Lorsque nous finançons des programmes au gouvernement, nous n'allons jamais plus loin que ce qui nous paraît tolérable. Les programmes ne sont jamais financés de manière à en permettre l'évaluation. J'ai cherché, de temps à autre, à obtenir des fonds pour réaliser une évaluation, car cela coûte cher. Il y a de fortes raisons pour que les gouvernements ne veuillent pas que les programmes soient évalués, et je laisserai le soin à votre imagination de vous dire pourquoi.

La coordination horizontale de la formation de politiques est difficile. Cela tient en partie à la manière dont nous structurons les bureaucraties, les vieilles accusations de « spécialiste » — tout ce qui remonte à Niskanen — le spécialisme, la segmentation d'expertise. La solution se trouve dans les mesures d'encouragement, l'éducation, la communication et un engagement général en faveur d'un ensemble de buts communs.

Le cinquième défi à relever est celui de la coordination horizontale de l'exécution. La Grande-Bretagne nous en donne un exemple avec toutes ces politiques locales. Beaucoup d'entre elles ont été mises en place entre 1998 et 2001, et dès 2002, lorsque vous voulez évaluer les résultats, vous vous rendez compte qu'elles tirent toutes à hue et à dia. Il y a une absence de gouvernance efficace au niveau local.

Le dernier défi est l'absence de consensus dans ce que nous entendons par responsabilisation et la présence d'une forte culture de vérification, pas de prise de risque. Cela tient à la manière dont nous concevons les politiques, ou cela influe sur la manière dont nous les concevons.

À notre avis, l'expérience britannique montre qu'il est important de recourir à l'expérimentation, de mettre à l'essai ce qui fonctionne. Si nous parlons d'utiliser des méthodes dont l'efficacité est prouvée, on ne peut pas savoir ce qui fonctionne avant d'en avoir fait l'essai, ce qui signifie qu'il faut adopter une approche assez différente de la manière dont nous concevons la mise en œuvre des politiques gouvernementales.

J'espère que cela vous donne une idée des résultats de notre expérience.

Le sénateur Callbeck : Je vous remercie vivement d'être venu ce matin. Pour reprendre la question du sénateur Keon, a-t-on songé à confier aux Finances la direction de cette initiative?

M. Prial : La meilleure façon de répondre à cette question est de dire que c'est la Santé qui a pris l'initiative. C'est la raison pour laquelle nous sommes aux commandes. Nous avons cependant compris qu'il était nécessaire de nous assurer la participation des Finances. Premièrement, bien que ce soit les Finances qui tiennent les cordons de la bourse, il s'agit vraiment d'une politique générale et je ne pense pas qu'il soit sage de dire, sous prétexte que le Trésor a les rênes financières en main, que c'est à cette administration qu'il convient de confier la responsabilité.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que dix ministères participaient et que les SMA ont un comité. Vous avez été obligé d'éduquer ces gens-là. Êtes-vous sûr que les dix ministères sont tous favorables à cette initiative?

M. Prial : En un mot, non. Je suis impressionné par le sérieux avec lequel mes collègues fonctionnaires s'acquittent de leurs tâches. En réalité, la plupart de mes collègues sont surchargés de travail; donc, lorsque vous ajoutez une autre initiative, une autre demande du centre, ou une demande d'un ministère hiérarchique tel que le mien, pour qu'ils les aident à poursuivre un objectif commun, que pensez-vous qu'une personne raisonnable ferait dans de telles circonstances? Décidez-vous de faire ce que vous avez à faire, de continuer à vous occuper des urgences quotidiennes, ou y renoncez-vous pour consacrer votre temps à une initiative dont vous ne retirerez aucun crédit; c'est la réalité pure et simple. Lorsque vous travaillez horizontalement, il faut que la capacité existe et, dans une certaine mesure, il faut aussi une petite capacité de réserve, ce dont ne disposent pas nos gouvernements. Nos ressources financières sont calculées au plus juste.

Le sénateur Callbeck : Quand a eu lieu la première réunion des dix ministères? Depuis combien de temps vous occupez-vous de cela?

M. Prial : Depuis un an environ. La première réunion avait pour objet de répondre aux questions suivantes : De quoi s'agit-il, pourquoi suis-je ici et comment puis-je justifier le temps que j'y consacre? À la seconde réunion, les questions ont été exactement les mêmes. Ce sont des questions très pertinentes. Il ne s'agit pas de compétences ou de blâme ou du fait que les gens ne veulent pas travailler ensemble. Les gens sont tout à fait prêts à le faire. L'expérience m'a appris que tout le monde est motivé. Je vous le demande, quelle infrastructure et quelles superstructures avons- nous pour soutenir et permettre la réalisation de cette initiative?

Le sénateur Callbeck : Êtes-vous optimiste à ce sujet?

M. Prial : Je suis toujours optimiste. Je suis fonctionnaire.

Le sénateur Callbeck : Madame Hills, lorsque vous parliez de recherche, vous avez dit que l'on avait besoin de plus d'innovation et de moins de redondance. Quelle est la meilleure façon d'éviter celle-ci? Comment procéder?

Mme Hills : Il faut prêter attention à ce que nous savons déjà. Nous savons beaucoup de choses au sujet des disparités, mais nous ne prenons pas de risques. Nous ne savons pas ce qui va fonctionner si nous n'en faisons pas préalablement l'essai. Il est facile de se cantonner dans ce que nous savons déjà et ce que nous faisons déjà. Il est vraiment facile d'effectuer une recherche traditionnelle guidée par l'initiative d'un chercheur. Mais il est difficile de faire de la recherche lorsque votre partenaire est un spécialiste en matière de politiques et qu'il a un objectif totalement différent. Travailler avec ces gens-là nous a beaucoup appris.

Une des initiatives actuelles concerne cette approche pangouvernementale, ce qui est fort intéressant. Vous savez certainement que c'est l'approche adoptée en Colombie-Britannique. Les IRSC, en collaboration avec le gouvernement, ont dit que c'est de l'innovation, mais il faut l'évaluer; il est indispensable de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Il y a quelques nuances intéressantes, par exemple le fait que ce n'est plus le ministère de la Santé qui est responsable comme c'était le cas auparavant. Que cela signifie-t-il? Cela permettra de répondre à certaines des questions posées par le sénateur Keon.

L'idée de partenariat et de travail en coopération ne fonctionnera jamais sans l'éducation. Voyez ce qui arrive aux jeunes dans les écoles. Sans la participation des autorités dans le domaine de l'éducation, comment même pouvoir y avoir accès? J'ai parlé tout à l'heure de nutrition et de divers autres programmes. Cette collaboration intersectorielle crée un énorme dilemme.

Le sénateur Callbeck : Vous avez dit que ce ne sont pas les chercheurs qui devraient dicter les questions relatives à la recherche ou le processus. Qui devrait prendre l'initiative?

Mme Hills : La collectivité, la personne chargée des politiques, la personne qui a le problème devrait prendre l'initiative. Cela a rapport à votre question. Si je veux faire de la recherche sur les politiques, il ne sert à rien qu'en tant que chercheure, je dise ce qui m'intéresse, parce que je ne serai jamais en mesure de répondre de manière satisfaisante à vos questions. Je pense aussi que les personnes qui travaillent dans le domaine des politiques ont à résoudre des questions tout à fait différentes de celles des chercheurs. Ce qui nous intéresse, c'est le rendement d'un investissement. Nous finançons des initiatives communautaires et il est indispensable que nous en connaissions le rendement.

Le sénateur Callbeck : Vous avez parlé d'un projet coentrepris par l'Agence de santé publique du Canada et le Consortium canadien de recherche en promotion de la santé. S'agit-il d'un projet en cours? Y a-t-il un calendrier spécifique?

Mme Hills : Nous travaillons sur ce projet depuis quatre ans et nous avons obtenu de nouveaux fonds pour trois années supplémentaires. Cette fois, le projet sera lié aux politiques et à la création d'un indice d'efficacité. Comme nous connaissons le rendement de l'investissement, nous nous concentrerons beaucoup plus là-dessus. Je crois que le rapport sera présenté au Conseil du Trésor au printemps prochain.

Le sénateur Callbeck : Vous avez obtenu un financement sur trois ans?

Mme Hills : Oui.

Le sénateur Callbeck : Y aura-t-il une demande de financement permanent au Conseil du Trésor?

Mme Hills : Je dois revenir un peu en arrière, parce que la seule raison pour laquelle ce projet a été financé au départ était qu'au niveau fédéral nous finançons ces initiatives communautaires, des initiatives de toutes sortes, des centaines d'entre elles; nous dépensons beaucoup d'argent pour cela. Dans son rapport, la vérificatrice demandait : qu'en tirons- nous? Nous n'avions pas de preuve tangible que cela avait un impact sur la santé. C'est la raison pour laquelle le projet a été entrepris. Au bout de quatre ans, nous sommes maintenant prêts à nous attaquer aux questions de politique plus difficiles.

Le sénateur Callbeck : Ce projet est donc financé pour les trois prochaines années, après quoi vous serez obligé de faire une nouvelle demande au Conseil du Trésor. C'est bien cela?

Mme Hills : Oui.

Le sénateur Callbeck : Madame Johnson, vous avez parlé d'une stratégie nationale et dit que nous avions besoin d'un leadership national. Pensez-vous que c'est le ministère de la Santé qui devrait l'assumer?

Mme Johnson : S'agissant d'une question de santé sociétale comme l'a dit le plus tôt le sénateur Keon, je crois que c'est le ministère de la Santé qui devrait en prendre la direction, mais il faudrait que ce soit une entreprise intersectorielle. Nous avons déjà parlé des difficultés que représente le travail horizontal.

Si des organisations telles que les IRSC, en partenariat avec l'Agence de la santé publique du Canada, pouvaient assumer le leadership avec, peut-être, des sous-comités ou un groupe de travail provincial, pour se faire une idée de ce qui se passe, et pour intégrer le cadre, cela pourrait donner de bons résultats. Il faut que quelqu'un assume ce leadership, et du moins, à mon avis, le ministère de la Santé semble être le choix évident.

Le sénateur Callbeck : J'ai une autre question à poser au sujet de l'Institut de la santé publique et des populations. Vous avez parlé du financement. A-t-il augmenté, diminué ou est-il demeuré à peu près le même au cours de ces dernières années?

Mme Johnson : Le financement a légèrement augmenté, mais la capacité des chercheurs et le nombre de demandes ont énormément augmenté, ce qui a réduit l'équation en termes de taux de réussite. C'est une question d'augmentation insuffisante du financement et d'augmentation sensible du nombre de chercheurs.

Le sénateur Callbeck : Il a considérablement diminué.

[Français]

Mme De Koninck : On ne répond absolument pas aux besoins de recherche à l'heure actuelle. Il a été mentionné que la recherche en sciences sociales et en santé, c'est extrêmement difficile de se faire financer. Et lorsqu'on a créé les instituts de recherche au Canada, il devait y avoir une grande ouverture vers les sciences sociales; il y en a eu un peu. Comme je le disais tout à l'heure, si on compare la recherche en biomédical par rapport en sciences sociales, communautaires, promotion de la santé, et cetera, il n'y a pas de comparaisons possibles. Je tiens à insister là-dessus parce qu'on a parlé des coûts en santé. On reconnaît de plus en plus que les personnes qui se ramassent à l'hôpital coûtent cher, il y a une bonne partie du travail qui peut être fait avant. Ce qui coûte beaucoup moins cher.

Sans parler de justice sociale, d'équité, et tous nos beaux principes, en parlant strictement de façon pragmatique de coût, tout ce qu'on investit dans la prévention en s'attaquant aux inégalités sociales de santé, cela nous évite 10, 15, 20 fois les coûts qu'on aura dans le système de santé.

Par rapport à cela, cela rejoint un peu votre préoccupation comme personne travaillant dans la fonction publique, le monde de la santé, de la médecine et des soins de santé, doit être sensibilisé aux dimensions sociales de la création des problèmes de santé. Cela se comprend que les gens de santé arrivent autour d'une table, on leur parle du domaine social, d'organisation communautaire, d'aide aux devoirs des enfants, même de nutrition publique, ces gens se demandent : Qu'est-ce que je fais ici? Il y a un énorme travail qui doit être fait et cela doit commencer dans la formation des professionnels de la santé.

À l'Université Laval, on a un nouveau programme en médecine, un nouveau cours dont je suis coresponsable et qui s'appelle médecin, médecine et société. Dès les premières années de médecine, ils vont entendre parler d'inégalité sociale et de déterminant sociaux. Les médecins, les infirmières, les nutritionnistes, tous ceux qui œuvrent dans la fonction publique en santé, si on leur permet de mieux comprendre la genèse des problèmes de santé sur le plan social et de l'économie, il est certain qu'à ce moment ils seront plus convaincus que leur travail aura un impact sur la santé et ils seront interpellés de façon beaucoup plus significative.

[Traduction]

Le président : Madame De Koninck, je voudrais faire une remarque à propos de ce que vous avez dit. Nous avons demandé au Conference Board du Canada d'effectuer une analyse de rentabilisation pour la santé de la population et de nous dire pourquoi nous devrions nous embarquer dans un grand projet concernant la santé de la population. C'est ce que le Conference Board va faire pour nous.

Vous venez de résumer la réponse en quelques mots. Pour chaque dollar investi dans la santé de la population et dans la correction des iniquités en matière de santé, il y a probablement une économie de 20 à 25 $ pour le système de prestation de soins de santé.

Cela m'amène à nouveau à vous demander conseil à tous les quatre, car en dépit du fait qu'il y a une très forte réticence de la part des autres ministères à laisser le ministère de la Santé diriger une approche pangouvernementale à la santé de la population, le gros incitatif financier et la grande initiative concernent la santé. Il faut que le ministre des Finances se mette aussi cela dans la tête. C'est vraiment dans le domaine de la santé que l'on peut établir un lien direct.

Je crois que l'initiative doit venir de Santé Canada, mais nous avons besoin de conseils à ce sujet, et le plus vite possible.

Le sénateur Cook : Merci à tous d'avoir bien voulu comparaître devant nous. Merci de nous forcer encore une fois à la réflexion, ce matin, dans le voyage que nous entreprenons.

Madame De Koninck, vous avez parlé de l'aspect social de la recherche. Que pensez-vous trouver en amont?

[Français]

Mme De Koninck : Vous parlez de mes propos sur les déterminants des déterminants, en amont? Dans la recherche, du côté des Européens, on met de plus en plus l'accent là-dessus. Si on veut s'attaquer, de façon durable, aux problèmes, il faut aller en amont des déterminants. Donc, il faut comprendre que les rapports sociaux et la dynamique sociale des conditions font en sorte que les personnes vivront des situations inégales.

Par exemple, les politiques de logement et d'emploi vont avoir un impact sur des conditions qui, elles, auront un impact. C'est vraiment la chaîne. Si on s'attaque, par exemple, au logement, mais sans réfléchir et sans prévoir ce qui peut provoquer une évolution négative dans le logement, ce sera une solution à court terme.

Par exemple, on peut sélectionner des gens et leur donner un lieu d'habitation qui soit acceptable, mais si on ne va pas en amont pour vraiment prévoir des politiques de logement pour faire en sorte que, de façon durable, les gens aient un toit acceptable au-dessus de leur tête, il ne pourra s'agir que de solutions à court terme. C'est pour cette raison qu'on parle de plus en plus des déterminants. C'est donc toujours une perspective à moyen et long terme.

Ce sur quoi mes collègues ont insisté, c'est que lorsqu'on réfléchit et qu'on veut mettre en place des approches comme celles-là, il faut absolument que ces approches soient, d'une part, ancrées dans les milieux pour tenir compte de toutes les dynamiques, mais, d'autre part, qu'on ait d'emblée un processus évaluatif qui nous permette de suivre et de contextualiser. Dans l'évaluation, c'est extrêmement important. Je crois que mes collègues seront d'accord avec cela; l'évaluation doit toujours être contextualisée. On peut avoir une approche dans un milieu qui aura tels résultats et, ailleurs, les résultats seront différents.

[Traduction]

Le sénateur Cook : Cela m'amène à ma conversation avec Mme Johnson. Dans la province de Terre-Neuve, dans les années 1990, l'industrie de la pêche s'est effondrée et notre mode de vie traditionnel a disparu à tout jamais. La population active est partie à la recherche de nouveaux emplois. Le Canada a bénéficié de ce déplacement de population, en particulier l'Alberta. Le gouvernement de l'époque a été très novateur et a demandé ce que l'on pouvait faire. Il savait ce qu'il fallait faire, mais il ne savait pas comment procéder. Il a donc élaboré un programme de TI appelé Rapports sur les collectivités. Ce programme est gratuit et peut être consulté sur Internet. Il est totalement financé par le ministère des Finances de Terre-Neuve-et-Labrador. Le premier ministre a décidé qu'il fallait qu'il fasse ce qui servait le mieux les habitants de la province. Le programme a donc été élaboré à l'Université Memorial en collaboration avec l'organisme de la statistique de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le programme a permis de créer une sorte de prototype de collecte des profils de notre population. Nous sommes une petite province, bien sûr, ce qui facilite peut-être la tâche. Le profil de chaque secteur a été ajouté aux Rapports sur les collectivités. L'information recueillie provenait de Statistique Canada et d'autres sources. Il y a une base de données en ligne qui peut être consultée par tout le monde, pour quelle que raison que ce soit, par exemple la police, les fonctionnaires du ministère de la Justice, les programmes de repas santé à midi à l'école, la stratégie de réduction de la pauvreté, et d'autres. Le programme est conçu au niveau communautaire.

J'aimerais avoir votre opinion sur un tel prototype. Est-il possible? Je sais bien que son financement se fait au niveau provincial, ce qui n'est pas un problème dans ma province.

Cela vous paraîtrait-il concevable d'offrir un tel programme à toutes les provinces de la nation? Faites-vous quelque chose d'analogue en Saskatchewan?

Mme Johnson : Je suis fière des Rapports sur les collectivités et de la façon dont la base de données est établie. Je l'ai utilisée lorsque j'étais en Nouvelle-Écosse, après que Terre-Neuve ait élaboré le modèle appelé Rapports sur les collectivités.

L'information offrait un merveilleux point de départ aux autorités sanitaires de district, car elle leur permettait d'exploiter l'information fournie au niveau communautaire. Nous avons cependant constaté que si cette information était importante et utile, elle avait un effet réducteur. Elle ne comportait pas certains des indicateurs et des informations que les comités de santé communautaire recherchaient pour identifier les besoins de la collectivité, par exemple, l'information relative à la littératie en santé. Des groupes de réflexion ont permis aux collectivités de décider qu'il s'agissait d'un problème important, mais elles n'avaient aucune donnée pour le confirmer. Elles avaient, bien sûr, le niveau d'instruction, mais ce n'est pas un bon indicateur d'ensemble de la littératie en santé. Il y a d'autres contextes. Les compétences linguistiques d'un immigrant sont également un indicateur dans ce contexte. J'étais moi-même une immigrante et les gens ont tendance à me parler lentement et fort, parce qu'ils pensent que je ne comprends pas l'anglais.

Il importe de rassembler des informations supplémentaires jugées importantes aux niveaux locaux. Par exemple, dans une collectivité autochtone et nordique, il devient important pour la planification communautaire de pouvoir avoir accès à des aliments traditionnels. Il faut aller plus loin. C'est un merveilleux modèle, mais il n'est pas utilisé dans les autres provinces. Il n'existe pas en Saskatchewan. Il serait bon de l'avoir au niveau national, car il serait alors possible de faire des comparaisons entre les provinces. Par exemple, que représente la population des immigrants en Saskatchewan par rapport à celle des immigrants dans les grands centres urbains? De telles comparaisons ne seraient pas possibles si l'information demeurait localisée au lieu d'être coordonnée et accessible grâce à une source centrale.

Le sénateur Cook : À ma connaissance, dans ma province, c'est un groupe de consultants qui programme l'information requise dans le système. Pourrions-nous utiliser ce modèle comme base de départ et lui ajouter ensuite des données plus spécifiques?

Nous avons également entendu dire que bien nous ayons ces merveilleux organismes de recherche dans tout le pays, il existe des obstacles qui les ont empêchés d'avoir accès à l'information. C'est la raison pour laquelle Terre-Neuve a décidé d'élaborer sa propre base de données. J'aimerais avoir votre opinion sur l'accès à l'information et sur les obstacles qui s'y opposent. Devrions-nous utiliser le prototype?

Mme Johnson : J'ai utilisé d'importants ensembles de données des ICIS et de Statistique Canada. On peut obtenir également des données des programmes de recherche et des centres de données régionaux, mais ces données ne seront pas ventilées au niveau communautaire.

Le sénateur Cook : C'était leur problème.

Mme Johnson : Nous avons connu le même problème.

Le sénateur Cook : Comment le résoudre?

Mme Johnson : Il faudrait créer plus de liens et travailler avec les ICIS. Voilà un merveilleux point de départ pour nous. Nous pourrions envisager d'utiliser les petits modèles novateurs qui ajoutent de la valeur à l'information dont on a besoin sur le plan local et nous pourrions combler ensuite les lacunes. Il n'est pas toujours nécessaire de procéder du haut vers le bas. Il y a des choses à apprendre au niveau communautaire et ce pourrait être une base de lancement de l'innovation. Il est extrêmement important d'accroître la coordination et l'intégration.

Le sénateur Cook : Madame De Koninck, je vous ai entendu mentionner la nécessité d'un programme d'études ou d'une activité de formation. Pensez-vous que cela constitue un modèle possible, qui permettrait d'avoir directement accès aux données? Il y aurait un nombre infini d'utilisateurs de ce genre de modèle. Vous pouvez entrer tout ce dont vous avez besoin.

Cela m'intéresserait de savoir quelle direction nous devrions prendre en ce qui concerne le programme d'études, car si nous n'enseignons pas aux prestataires du système les connaissances qu'ils ont besoin d'avoir, nous aurons échoué. Avez-vous autre chose à dire à ce sujet?

[Français]

Mme De Koninck : Je vous dirais simplement qu'avant d'en arriver à l'utilisation de sources de données par des gens qui dispensent les services de santé, nous devons d'abord franchir la première étape qui est une prise de conscience que la santé est une production pas strictement biologique et comportementale, mais aussi sociale. Avant de passer à la deuxième étape, il faut s'attaquer à la première et, de ce côté, nous avons beaucoup de travail à faire.

Ensuite, une fois que l'intérêt est là, bien sûr si on peut les alimenter sur le plan des informations qui vont les aider dans leur travail pour contribuer à réduire les inégalités et améliorer la santé sociale, c'est certainement bienvenu, mais il y a une étape à franchir qui, je pense, constitue un énorme défi.

Cela aiderait à briser l'ouverture qu'il y a entre la santé, les services de santé et tout ce qui représente le milieu de travail des gens et leur milieu familial. Les intervenants travaillent difficilement main dans la main parce que pour eux il est difficile de comprendre comment, main dans la main, ils travaillent tous deux dans le domaine la santé. Selon moi c'est là le défi.

[Traduction]

Le sénateur Cook : C'était le besoin qui nous a contraints à collaborer, et je crois que c'est un bon point de départ.

Le président : Vous parliez d'alphabétisation et en voici le champion, le sénateur Fairbairn.

Le sénateur Fairbairn : Merci beaucoup. Je vous écoute depuis mon arrivée ici. Je sais que mes collègues sont un peu las d'entendre prononcer si souvent ce mot dans ce comité, et en fait, des questions dont nous parlons. Je vous ai tous écoutés; j'ai noté les domaines dans lesquels vous travaillez et, ce qui est particulièrement important, j'ai noté les termes que vous avez utilisés au cours des cinq dernières minutes. Il s'agit vraiment d'une question fondamentale pour tout ce que vous voudriez inclure d'autre dans la promotion sociale au Canada. Je sais que vous en êtes tous très conscients de la manière dont cela se manifeste.

On a parlé de collaboration avec les provinces dans certains des domaines dans lesquels vous êtes vous-mêmes particulièrement engagés. Nous avons beaucoup perdu sur ce plan, ces derniers temps. Cela ressort-il de vos discussions avec les provinces? Sans ce lien avec les niveaux national et provincial, vous ne parviendrez pas à faire porter les efforts là où ils sont les plus nécessaires. Avez-vous des idées à exprimer à ce sujet et des conseils à nous donner? C'est comme un même fil que l'on retrouve dans presque tout ce que nous écoutons.

Mme Johnson : Je n'ai pas beaucoup d'années d'expérience dans le domaine de la santé publique des populations. Au cours de mes dix années de travail dans les trois provinces, j'ai eu la chance de participer à trois processus d'élaboration d'une stratégie : la Stratégie de prévention des maladies chroniques en Nouvelle-Écosse; la Stratégie d'immigration; j'ai aussi participé à la Stratégie de prévention des chutes et des blessures des aînés de la Saskatchewan en Nouvelle-Écosse. En tant que membre d'un comité de santé communautaire et du bureau de santé régional du district, j'ai aussi fait partie de Smoke-free Nova Scotia, la stratégie antitabac. J'ai constaté que si les autorités fédérales faisaient preuve de leadership en adoptant une stratégie nationale, cela encourageait vraiment les provinces à aller de l'avant et à faire plus d'efforts. La Stratégie canadienne intégrée en matière de modes de vie a poussé les provinces à prendre des initiatives dans le domaine des maladies chroniques et des questions connexes de saine alimentation dans les écoles, de promotion des activités chez les enfants et de création d'environnements plus sûrs, et cetera. Cela a permis de faire considérablement avancer le programme.

J'ai participé à des stratégies qui débutent au niveau provincial, mais il n'y a pas de leadership au niveau national. Je le constate en ce qui concerne les stratégies de prévention des blessures chez les personnes âgées. Nous en avons une en Nouvelle-Écosse, et je viens de participer à une réunion en Saskatchewan, province qui est elle-même en train d'élaborer une stratégie de prévention des blessures. La Colombie-Britannique a également une stratégie dans ce domaine.

Sans coordination nationale et cadre national, il est difficile de trouver cette continuité, de tirer des leçons du processus. En Nouvelle-Écosse, il était terriblement difficile d'obtenir des informations pour la stratégie. En Saskatchewan, nous étions un peu mieux placés grâce à ce que nous pouvions tirer des expériences de la Colombie- Britannique et de l'Ontario. Il serait cependant merveilleux d'avoir un cadre national de prévention des blessures qui permettrait aux provinces de collaborer pour promouvoir le traitement des importantes questions qui nous concernent tous, la santé de la population et les disparités en matière de santé. Tout ce qui concerne les aînés a beaucoup d'importance. Les chutes sont une des principales causes de décès chez les personnes âgées. Je sais qu'il existe un autre comité sénatorial sur le vieillissement.

Je pense qu'il faut que nous coordonnions également les niveaux. Nous avons eu des discussions et des délibérations au sujet de la santé de la population, mais ces questions affectent le vieillissement et les populations vieillissantes. Nous avons là une structure intersectorielle, horizontale au niveau national, mais qui est également liée aux questions provinciales. Il est important d'avoir les deux, mais le leadership national demeure la clé.

Le sénateur Fairbairn : D'autres personnes ont-elles des idées sur la question de l'alphabétisation?

[Français]

Mme De Koninck : Le régime de santé canadien reflète les valeurs du Canada et on sait qu'il subit actuellement des pressions. Toutes les politiques, toutes les mesures fiscales qui soutiennent des valeurs d'équité, — quand je pense à équité, j'ajoute les valeurs qui concernent la définition de la santé globale — et toutes les politiques et orientations qui peuvent être proposées au fédéral sont toujours très utiles pour que les provinces puissent mettre en œuvre des initiatives.

Pour terminer, je dirais que c'est au Canada que se fait la recherche. C'est là qu'il y a l'argent et c'est là que se prennent les grandes décisions sur le plan des orientations de recherche. Les provinces subventionnent la recherche, mais les grandes institutions canadiennes publiques, comme par exemple les Instituts de recherche en santé du Canada, jouent un rôle déterminant. Les messages qui peuvent êtres envoyés sont très importants.

[Traduction]

Le sénateur Fairbairn : Madame Hills, dans le cadre des efforts que vous avez déployés, ce problème d'apprentissage et de compréhension à tous les niveaux de notre société est-il quelque chose qu'il vous a été possible d'étudier de manière plus approfondie?

Mme Hills : Oui, et je dirais que le gros du travail a été effectué par M. Irving Rootman, mon collègue à l'Université de Victoria. Des travaux intéressants se font ici à l'Association canadienne de santé publique; un groupe d'experts vient de présenter un rapport sur l'alphabétisation et la santé. Il est fort intéressant. M. Rootman était président des IRSC dans le domaine de la littératie en santé.

Probablement à cause de ma formation dans le domaine infirmier, nous nous intéressons particulièrement à la littératie en santé plutôt qu'à la santé et à l'alphabétisation, ou à l'alphabétisation et la santé. En ce moment, nous faisons précisément quelque chose par le biais du Conseil canadien sur l'apprentissage. Celui-ci a créé un certain nombre de carrefours du savoir dans tout le pays. L'Université de Victoria a créé un carrefour de la santé et de l'apprentissage. Un des domaines les plus importants, naturellement, est celui de la santé et de l'alphabétisation ainsi que de la littératie en santé. Nous prenons l'initiative dans le domaine de la littératie en santé et nous créons un centre de documentation sur la manière dont elle influence l'autogestion dans la prévention des maladies chroniques.

Je crois que beaucoup de travail se fait dans ce domaine important. Si vous n'avez pas encore parlé au M. Irving Rootman, vous devriez le faire, car c'est un des principaux chercheurs dans ce domaine au Canada.

Le sénateur Fairbairn : Monsieur Prial, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Prial : Pas sur ce sujet.

Le président : Madame Johnson, comme je l'ai dit au tout début, pour traiter cette question de la santé de la population, nous pensons que l'on devrait établir un programme de base à partir des 12 déterminants de la santé, même s'il y en a peut-être d'autres. Sur cette base, il y a le cycle de vie et la capacité d'établir d'une connexion, pour ainsi dire, avec les systèmes d'information existants.

Vous avez mentionné un domaine très important, au début du cycle de vie. Vous vous intéressez spécialement à la santé des enfants et des filles. Dans notre rapport, nous commencerons par le rôle parental, suivi de la santé de la mère, puis du développement des jeunes enfants, après quoi, nous passerons à l'examen des populations en bonne santé pendant tout le cycle de vie. Comme vous l'avez dit, la question du vieillissement est très importante. Je suis vice- présidente du Comité sénatorial spécial sur le vieillissement; il y aura donc une continuité.

Je voudrais revenir à la situation des jeunes filles. La mauvaise santé des mères est une catastrophe dans certaines régions du Canada. Les enfants naissent avec des handicaps physiques, mentaux et émotionnels. Il y a encore des mères-enfants au Canada. La raison pour laquelle nous discutons d'abord du rôle parental est, je crois, que nous avons l'obligation d'éduquer les jeunes filles. Il est indispensable de les rendre autonomes pour qu'elles sachent qu'elles sont maîtresses de leur destinée et de leur corps. Beaucoup d'entre elles, en particulier dans les zones défavorisées, ne s'en rendent peut-être pas compte.

Je souhaiterais que vous me disiez ce que vous faites à ce sujet.

Mme Johnson : Je n'ai pas travaillé sur la question du rôle parental. La Nouvelle-Écosse et la Saskatchewan s'intéressaient cependant aux enfants en bonne santé. Nous travaillons sur le plan local afin de trouver les ressources nécessaires pour que les gens demeurent physiquement actifs, pour qu'une saine alimentation soit donnée dans le système scolaire, et cetera. Voilà les activités que nous avons en Saskatchewan.

En Nouvelle-Écosse, également, grâce au programme scolaire de promotion de la santé, Active Kids, Healthy Kids (Jeunes en forme), c'est ce qui se produit au niveau du comportement. Ce programme est placé sous l'égide des déterminants sociaux de la santé. Nous faisons en sorte qu'il soit accessible et disponible pour tous.

En Nouvelle-Écosse, nous avons réalisé une étude sur les risques nutritionnels que courent les femmes enceintes. Nous avions créé une trousse comportant des jeux de cartes qui leur permettraient de comprendre ce qu'est la consommation alimentaire. Nous avons constaté que les mères à faible revenu, qui étaient plus jeunes, n'avaient pas une alimentation aussi saine qu'il l'aurait fallu. Ce n'était cependant pas une simple question de disponibilité des aliments; c'était une question plus générale de pauvreté, le niveau d'instruction et tous les autres déterminants sociaux qui sous-tendent et perpétuent le problème.

Il faut nous attaquer aux éléments de la cause, qui revient souvent, pour les comprendre. Il faut que nous offrions plus de possibilités d'éducation et améliorions le niveau d'alphabétisation. Le système de bien-être social est un autre problème. Nous avons réalisé deux ou trois études sur l'abordabilité des produits alimentaires. Les travailleurs à faible salaire n'ont pas les moyens de s'offrir un régime alimentaire sain. Cette constatation vaut aussi pour les femmes enceintes; elles n'ont pas les moyens d'avoir un régime alimentaire sain pour elles-mêmes et pour le développement de leurs bébés.

Il faut que nous examinions la question dans une perspective plus multidimensionnelle au lieu de considérer que le rôle parental se réduit à être un mauvais parent et à ne pas avoir l'alimentation appropriée.

Le président : En dehors de la responsabilité morale et de l'élément de compassion, les conséquences économiques de la mauvaise santé chez l'enfant sont désastreuses. Certains enfants naissent avec des handicaps qu'ils conservent toute leur vie; ils ont une vie qui peut être brève ou une expérience de vie peut-être réduite. Quoi qu'il en soit, au cours de leur vie, ils ne lutteront pas à armes égales et constitueront un énorme fardeau pour la société.

Avez-vous trouvé des informations sur les conséquences économiques d'une mauvaise santé chez les mères et chez les enfants?

Mme Johnson : J'ai vu beaucoup d'études sur leurs conséquences, notamment les problèmes de développement, les problèmes sociaux, les difficultés d'intégration, et cetera. Je n'ai cependant pas vu grand-chose sur les conséquences économiques du développement des jeunes enfants en ce qui concerne les coûts et la charge supplémentaire pour la société.

Nous continuons à nous appuyer sur des données telles que l'espérance de vie. Celle-ci ne nous dit pas si une personne a vécu en bonne santé ou en mauvaise santé. L'espérance de vie est déjà compromise pour ceux qui n'ont pas eu un bon départ dans la vie. Quel est le rôle de la bonne santé et celui de la mauvaise santé dans tout cela? La mauvaise santé s'accompagne d'un besoin important de ressources et coûte plus cher au système de soins de santé.

Les études faites sur les personnes âgées révèlent qu'une augmentation considérable des dépenses et du recours à des soins de santé au cours des 10 derniers pour cent de leur vie; les dépenses augmentent très sensiblement. Cependant, je n'ai rien vu en ce qui concerne les enfants.

Le président : Merci.

[Français]

Mme De Koninck : Vous soulevez une question extrêmement importante, soit la question des enfants. C'est probablement une question qui nous mobilise beaucoup quand on pense aux enfants.

Avec des collègues, nous avons récemment mené des études auprès de mères toxicomanes, donc des femmes qui consomment des drogues et qui deviennent mère. Entre autres, ce sont des femmes qui donnent naissance à des enfants qui vont souvent être exposés à des conditions difficiles. Ce que nous avons trouvé dans nos travaux, c'est que l'histoire de vie de ces jeunes femmes pouvait très bien expliquer le fait qu'elles consomment des drogues. On en est arrivé à la conclusion que c'était l'aboutissement de situations extrêmement difficiles pour la grande majorité d'entres elles. Un certain nombre de jeunes femmes qui commencent à consommer de la drogue le font par esprit rebelle, mais une très bonne partie le font parce qu'elles ont vécu des enfances extrêmement difficiles, dans la pauvreté, avec de la violence, et cetera.

On revient toujours à la même question. Si on pouvait agir auprès des familles où il y a de tels problèmes, ces jeunes femmes ne sombreraient pas dans la toxicomanie avec tout ce qui s'ensuit. Ce qui est dramatique, c'est que lorsqu'elles ont des enfants — ce qui s'appelle « un moment clé » —, au moment où elles donnent naissance, elles veulent souvent changer de vie. Elles ont de l'espoir, elles voient tout d'un coup un enfant, quelqu'un dont elles peuvent s'occuper alors qu'elles ont souvent été maltraitées depuis leur enfance. Cependant, on n'a pas les services disponibles, on n'investit pas assez pour soutenir ces femmes pour qu'elles puissent se prendre en charge et donner une bonne éducation à leurs enfants. On sait d'avance que ces enfants risquent fort d'être placés, alors on recommence le cycle.

Comme le disait ma collègue, c'est très important de changer notre approche par rapport au fait d'être parent. Il faut changer notre approche et regarder dans quelles conditions les gens deviennent parents et comment on les soutient. Par ailleurs, un enfant qui va naître en santé, mais qui est exposé, dans les premiers mois, à des conditions socio- économiques difficiles, même si après, les parents réussissent à s'en sortir, l'enfant peut avoir été marqué pour la vie. Des collègues de l'Université de Montréal font des travaux là-dessus.

Il faut donc toujours avoir cette approche globale : l'enfant et son milieu. Un enfant pauvre a des parents pauvres. Alors on regarde le milieu et on essaie de modifier les conditions si on veut éviter le cycle de la pauvreté et des difficultés sur le plan de la santé.

[Traduction]

M. Prial : Je mentionnerai la recherche en Ontario effectuée par l'Unité de la recherche liée aux systèmes sur l'utilisation des services de santé et du service social, qui est affiliée à l'Université McMaster. Je ne sais pas si vous connaissez ce groupe. Bien qu'elles ne portent pas spécifiquement sur la santé de la mère et de l'enfant, un certain nombre d'études s'efforcent de démontrer les compromis économiques liés à l'absence de prestation de divers autres types d'aide sociale. L'étude de référence sur ces questions est When the Bough Breaks, étude publiée en 1999.

Il y a eu d'autres études par la suite. Une équipe interdisciplinaire qui comprend deux professeurs d'économie de McMaster a tenté d'analyser les données. Bien qu'il s'agisse de petites études, leurs auteurs aiment utiliser l'application d'essais aléatoires mais contrôlés aux expériences dans le domaine de la politique sociale, si bien qu'elles témoignent d'une rigueur que nous n'avons pas rencontrée ailleurs. L'étude faite par cette équipe mérite largement d'être consultée.

Le président : Merci beaucoup. Nous sommes malheureusement à court de temps, mais ce qu'il y a de bon, c'est qu'un déjeuner gratuit nous attend derrière cette porte. Merci, honorables sénateurs et participants.

La séance est levée.


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