Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie
Fascicule 5 - Témoignages du 10 avril 2008
OTTAWA, le jeudi 10 avril 2008
Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour étudier le projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Traduction]
Nous étudions aujourd'hui le projet de loi C-37. Laissez-moi vous expliquer la façon dont nous allons procéder. Premièrement, nous allons entendre Diane Finley, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui est ici en compagnie de représentants de son ministère. Par la suite, il y aura une table ronde formée d'intervenants qui ont des commentaires à formuler au sujet de ce qu'ils considèrent comme d'éventuelles lacunes du projet de loi. Puis, nous enchaînerons avec une autre table ronde d'intervenants qui expriment des réserves concernant l'adoption précipitée du projet de loi C-37.
Une fois que nous aurons entendu tous les témoins, nous déterminerons la marche à suivre, c'est-à-dire si nous voulons passer à l'étude article par article du projet de loi C-37 aujourd'hui ou à la réunion de mercredi prochain. À la fin de la réunion, nous examinerons le budget du comité et de ses sous-comités pour tous les travaux du prochain exercice. Chers collègues, veuillez demeurer avec nous jusqu'à ce que nous ayons abordé la question du budget.
La première partie durera 45 minutes. C'est avec plaisir que j'accueille l'honorable Diane Finley, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, qui parraine le projet de loi.
[Français]
L'honorable Diane Finley, C.P., députée, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration : Monsieur le président, c'est avec plaisir que je comparais devant vous aujourd'hui pour discuter du projet de loi C-37, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté. Je suis en compagnie de Mme Karen Mosher, directrice générale à la Direction de la citoyenneté et de M. Mark Davidson, directeur, Législation et politique du programme à la Direction générale de la citoyenneté.
Aujourd'hui j'ai l'intention de vous énoncer les éléments pris en compte au moment de rédiger le projet de loi C-37, que j'ai déposé en Chambre le 10 décembre 2007.
[Traduction]
Monsieur le président, je dois d'abord mentionner que peu de choses en ce monde sont plus chères aux Canadiens que la citoyenneté canadienne. Malheureusement, certaines personnes qui avaient l'intime conviction d'avoir la citoyenneté de ce pays ont découvert qu'il n'en était rien, à cause de certaines dispositions de l'actuelle Loi sur la citoyenneté et de l'ancienne Loi sur la citoyenneté canadienne.
Certaines de ces personnes — qui vivaient, travaillaient et payaient des impôts au Canada depuis des années — n'ont appris la mauvaise nouvelle qu'au moment de présenter une demande de passeport. Le fait d'apprendre que vous n'êtes plus un citoyen d'un pays, alors que vous teniez cette citoyenneté pour acquise, n'a rien de banal, est-il besoin de le dire. Cette nouvelle s'attaque directement à l'identité de la personne concernée.
C'est la raison pour laquelle, après avoir été nommée ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, j'en suis rapidement venue à la conclusion que le statu quo n'était pas acceptable. Il fallait s'attaquer aux nombreux problèmes rattachés aux anciennes lois sur la citoyenneté. Je m'y suis donc attaquée. Un des principaux résultats est le projet de loi dont il est question aujourd'hui.
[Français]
Ce projet de loi se veut une solution législative généreuse et à grande portée qui éliminera les processus bureaucratiques complexes et accordera aux gens le statut de citoyen qu'ils méritent. Avec l'adoption de ce projet de loi, nous vison l'atteinte de plusieurs objectifs clés.
[Traduction]
Dans un premier temps, les gens ont besoin de savoir qu'ils peuvent compter sur la stabilité, la simplicité et la cohérence de leur statut de citoyen — ce que les législations actuelle et antérieure n'ont pas toujours été en mesure de garantir. Je crois que la citoyenneté devrait normalement être attribuée de droit, et non en remplissant un formulaire de demande. Les mêmes règles doivent s'appliquer à tous.
Dans un deuxième temps, l'héritage de la citoyenneté canadienne ne devrait pas continuer d'être transmis durant des générations innombrables de personnes vivant à l'étranger. Nous devons protéger sa valeur en nous assurant que nos citoyens entretiennent de réels liens avec ce pays. Autrement, cela revient à sous-estimer notre citoyenneté, ce qui n'est pas juste pour tous ceux et celles qui sont venus au Canada pour en faire leur pays.
[Français]
Permettez-moi maintenant d'expliquer les questions que nous tentons de régler grâce au projet de loi C-37. Tout d'abord, je tiens à préciser que l'adoption de ces dispositions n'entraînera en aucun cas la perte de la citoyenneté pour quiconque est déjà citoyen du Canada.
[Traduction]
Les personnes qui auront le statut de citoyen canadien au moment de l'entrée en vigueur des modifications conserveront leur statut. Par ailleurs, quiconque a acquis la citoyenneté canadienne en vertu la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1947 et l'a par la suite perdue sera réintégrée dans la citoyenneté canadienne. Ensuite, toute personne née au Canada le 1er janvier 1947 ou à une date ultérieure et qui a par la suite perdu sa citoyenneté sera réintégré dans la citoyenneté canadienne. Aussi, quiconque a été naturalisé au Canada le 1er janvier 1947 ou à une date ultérieure et a par la suite perdu sa citoyenneté sera réintégré dans la citoyenneté canadienne. Enfin, toute personne née à l'étranger le 1er janvier 1947 ou à une date ultérieure d'un citoyen canadien, et qui n'est pas citoyenne canadienne, acquerra la citoyenneté canadienne, dans la mesure où elle appartient à la première génération d'enfants nés à l'étranger.
Les seules exceptions visent les personnes nées au Canada d'un parent diplomate étranger, les adultes qui ont renoncé à leur citoyenneté auprès du gouvernement canadien, ou les personnes dont la citoyenneté a été révoquée par le gouvernement parce qu'elles l'avaient obtenue par fraude.
[Français]
Monsieur le président, ces propositions d'amendement permettraient d'attribuer la citoyenneté canadienne à des personnes aux antécédents divers, à des personnes qui ont perdu leur citoyenneté après avoir prêté le serment de citoyenneté d'un autre pays, lequel exigeait de renoncer à la citoyenneté canadienne.
[Traduction]
À des personnes nées à l'étranger qui ont perdu leur citoyenneté canadienne en vertu de la Loi de 1947 parce qu'elles ont omis, avant leur 24e anniversaire de naissance, de prendre les mesures nécessaires pour la conserver. Ou aux « bébés frontières » nés à l'extérieur du Canada alors que la Loi sur la citoyenneté de 1947 était en vigueur, et qui n'ont pas pris les mesures nécessaires pour s'enregistrer en tant que citoyens canadiens.
Le projet de loi C-37 règlerait ces problèmes en attribuant la citoyenneté rétroactivement, soit à la date de la perte de la citoyenneté, soit à la date de naissance, selon le cas. Ainsi, les personnes qui acquerront la citoyenneté par l'adoption de ce projet de loi seront considérées comme ayant toujours été citoyennes de ce pays.
Les modifications proposées protègeraient également l'avenir de la citoyenneté en limitant son acquisition par filiation aux personnes appartenant à la première génération d'enfants nés à l'étranger. Cela signifie que les personnes appartenant aux générations d'enfants nés à l'étranger n'obtiendront plus automatiquement la citoyenneté canadienne. Elles pourraient tout de même, en tant qu'enfants de citoyens canadiens, être parrainées aux fins de l'immigration, dans la mesure où elles sont des enfants à charge. Ainsi, les parents disposeront d'un délai généreux de 22 années pour décider de renouveler le lien entre leur famille et le Canada.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit une bouée de sauvetage en permettant l'attribution de la citoyenneté aux enfants qui ont toujours été apatrides. Il importe de souligner que cette disposition et, par le fait même, l'intégralité de la Loi sur la citoyenneté respectent les obligations internationales du Canada, qui est signataire de la Convention sur la réduction des cas d'apatridie.
[Français]
Je m'en voudrais de ne pas souligner qu'en 2005, le Sénat, avec l'appui de ce comité, a entrepris de modifier la Loi sur la citoyenneté afin de redresser la situation des enfants qui avaient perdu leur citoyenneté lorsque leurs parents ont acquis la citoyenneté d'un autre pays.
[Traduction]
Cette modification a ainsi permis à ces personnes de présenter une demande de réintégration dans la citoyenneté canadienne sans devoir d'abord obtenir le statut de résident permanent du Canada. Le projet de loi C-37 élargit la portée de cette initiative. J'aimerais donc remercier les honorables sénateurs des mesures qu'ils ont prises à cet égard en 2005.
Enfin, le projet de loi C-37 permettrait à nouveau au Canada d'ouvrir grand ses bras à presque tous les « Canadiens déchus ». Je dois cependant ajouter que la législation ne peut régler toutes les questions. C'est pour cette raison que le paragraphe 5(4) de la Loi sur la citoyenneté existe.
Ce paragraphe confère au ministre le pouvoir de recommander au gouverneur en conseil d'attribuer la citoyenneté à certaines personnes dans des circonstances spéciales. Depuis ma nomination à titre de ministre, j'ai exercé ce pouvoir à 270 occasions, et je continuerai à l'exercer lorsque la situation le justifiera.
[Français]
Comme la plupart d'entre vous le savent, M. Joe Taylor faisait partie d'un groupe de personnes qui, en raison de la disposition de la loi de 1947, ont découvert qu'elles n'étaient pas citoyennes canadiennes.
[Traduction]
Il importe de se rappeler que le concept moderne de la citoyenneté au Canada n'est apparu que le 1er janvier 1947, lors de l'entrée en vigueur de notre première loi sur la citoyenneté. Ce fait a été confirmé à maintes reprises par les tribunaux.
M. Taylor a cru pendant des années qu'il était un citoyen du Canada et, lorsqu'il a découvert qu'il n'en était rien, il a tenté pendant des années d'acquérir la citoyenneté canadienne. Ce qui posait problème aux yeux du gouvernement, c'était non pas M. Taylor, mais plutôt la façon dont la législation avait été interprétée. Dès que cette question a été réglée à la fin de l'année dernière, nous avons été heureux d'attribuer la citoyenneté canadienne à M. Taylor. Il a donc acquis sa citoyenneté en janvier dernier, lors d'une cérémonie spéciale tenue à Vancouver.
Les importantes dispositions législatives contenues dans le projet de loi C-37, ainsi qu'une modification considérable portant sur la date d'entrée en vigueur, ont été approuvées par la Chambre des communes à la mi-février.
Comme je l'ai dit plus tôt, les gens ont besoin de savoir qu'ils peuvent compter sur la stabilité, la simplicité et la cohérence de leur statut de citoyen — ce que les législations actuelle et antérieure n'ont pas toujours été en mesure de garantir. Et c'est l'objectif que nous nous sommes fixé au sujet du projet de loi C-37.
Je vous remercie, monsieur le président et honorables sénateurs, de m'avoir permis de vous expliquer les enjeux de cet important projet de loi.
[Français]
Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir permis de vous expliquer les enjeux de cet important projet de loi. Nous serions maintenant prêts à répondre à vos questions.
[Traduction]
Le président : Merci beaucoup, madame la ministre. Je crois que nous reconnaissons tous l'importance de cette disposition, et nous vous félicitons d'avoir présenté ce projet de loi. Il se pourrait que nous ayons besoin d'éclaircissements à propos de certains aspects, mais votre initiative est la bienvenue et montre la voie à suivre.
Nous vous remercions également de reconnaître le travail accompli par le Sénat et le comité, qui ont soulevé cette question il y a trois ans.
J'aimerais me pencher sur la décision que vous avez prise à l'égard de la transmission de la citoyenneté après la première génération née à l'étranger. Pourquoi a-t-on décidé de supprimer l'acquisition automatique de la citoyenneté après la première génération, et en quoi cette décision s'apparente-t-elle aux pratiques internationales? Les mesures que vous avez adoptées s'alignent-elles sur celles prises par d'autres pays?
Si je ne m'abuse, nous entendrons plus tard un témoin qui abordera une préoccupation de la communauté mennonite, dont certains membres ont immigré au Mexique dans les années 1920 et se sont mariés là-bas. Par la suite, le gouvernement mexicain a cessé de reconnaître l'authenticité de leur mariage, car, dans ce pays, le gouvernement ne reconnaît que les mariages civils ou ceux célébrés par une personne autorisée par l'État. Ces personnes être citoyennes canadiennes, mais, par la suite, ils ont découvert que ce n'était pas le cas, étant donné que le gouvernement mexicain ne reconnaissait pas leur mariage. Pourriez-vous me décrire de quelle façon le projet de loi s'applique à une telle situation?
Enfin, pour ce qui est de la question de la Convention des Nations Unies sur la réduction des cas d'apatridie, vous avez affirmé, dans votre déclaration préliminaire, que le projet de loi respectait entièrement la convention. Or, certaines personnes croient que la convention correspond au strict minimum auquel le projet de loi doit satisfaire, et qu'il peut bien aller plus loin. Combien de personnes pourraient se retrouver dans une situation d'apatridie? Le projet de loi entraînera-t-il une réduction substantielle de ces cas, ou y aura-t-il encore beaucoup de personnes dans cette situation?
Mme Finley : Pour répondre à votre première question, nous sommes convaincus que la citoyenneté, en particulier la citoyenneté canadienne, est un statut précieux. Nombre de personnes, surtout de nos jours, aimeraient obtenir la citoyenneté canadienne, car elle revêt un prestige que peu d'autres citoyennetés peuvent offrir dans ce monde.
Celadit, nous croyons qu'une personne qui prétend à la citoyenneté canadienne devrait entretenir des liens importants avec le Canada. Sous le régime de l'ancienne loi, tant que vous pouviez prouver que l'un de vos bisaïeuls ou trisaïeuls était canadien, vous pouviez demander la citoyenneté canadienne, même si vous n'aviez jamais mis les pieds au pays ou entendu parler du Canada. Nous ne croyons pas que cela soit acceptable. Une telle situation revient à dévaloriser notre citoyenneté.
Nous voulions faire en sorte que quiconque possède des liens véritables et considérables avec le Canada puisse devenir citoyen canadien. Il existe de nombreux cas de personnes nées à l'étranger de parents canadiens. Par exemple, si votre enfant naît à l'étranger, il acquerra automatiquement la citoyenneté canadienne parce que vous avez ce statut. Toutefois, si un petit-fils venait à naître de ce parent, il ne pourrait prétendre à la citoyenneté canadienne en vertu du projet de loi pour la simple et bonne raison que votre fils ou votre fille ne serait peut-être jamais revenu au Canada et que votre petit-fils n'aurait peut-être jamais foulé le sol canadien. Nous voulons nous assurer que les citoyens ont des attaches avec leur pays.
Plusieurs pays ont fait de même pour limiter l'acquisition de la citoyenneté par filiation, que l'on pense aux États- Unis, à l'Australie, au Danemark, et au Royaume-Uni
Le président : Vous parlez de ce qui se rapporte à la Convention des Nations Unies.
Mme Finley : Non, je fais allusion aux autres pays qui restreignent la transmission de la citoyenneté aux membres de la première génération dans le cas des personnes nées à l'étranger.
Le président : D'accord.
Mme Finley : Pour ce qui est des Mennonites, il s'agit sans conteste de situations très compliquées. Dans notre bureau du Cap-Breton, les étagères sont pleines de documents qui renferment la généalogie des Mennonites — fruit de recherches qui ont exigé des années de labeur — et qui servent à trouver les liens qui pourraient unir les descendants des Mennonites au Canada. Même si les modifications de la loi ne s'appliqueront pas à bon nombre de cas touchant les Mennonites, nous avons reçu une lettre d'appui de William Janzen, directeur du Comité central mennonite du Canada. Il reconnaît que le projet de loi ne réglera pas la situation de tous les Mennonites, mais il est convaincu qu'il est dans l'intérêt du pays de mettre ces modifications en vigueur.
En ce qui touche la Convention sur la réduction des cas d'apatridie, je vais laisser à mes collaborateurs le soin de répondre à la question.
Karen Mosher, directrice générale, Direction générale de la citoyenneté, Citoyenneté et Immigration Canada : Vous avez demandé si nous nous étions simplement contentés de faire le strict minimum en ce qui concerne nos obligations internationales, et si le projet de loi occasionnera une augmentation des cas d'apatridie.
Il faut savoir que les chiffres dont nous parlons sont minimes. En vertu de la convention, nous devons veiller à ce que les enfants nés au Canada ne soient pas apatrides à la naissance, et nous devons prévoir un mécanisme permettant d'accorder la citoyenneté aux personnes qui seraient autrement apatrides. Tant la loi actuelle que les modifications prévues dans le projet de loi C-37 garantissent le respect de ces conditions.
Quant à une éventuelle augmentation du nombre de cas, nous ne croyons pas qu'une telle situation se produira. Grâce au projet de loi, nous disposerons de nouveaux moyens pour nous occuper de cas semblables. Bien sûr, nous devrons mieux comprendre, par exemple, en quoi consistent les mesures mises en place dans les autres pays pour remédier aux cas d'apatridie, mais nous ne croyons pas que le projet de loi entraînera une hausse du nombre de personnes apatrides. Toutefois, nous pourrons compter sur d'autres outils pour composer avec des situations semblables.
Le président : Merci. Je cède maintenant la parole à mes collègues. Je vous présente d'abord le vice-président du comité, le sénateur Keon, originaire de l'Ontario, et plus précisément de la ville d'Ottawa.
Le sénateur Keon : Je vous remercie grandement, madame la ministre, d'être venue témoigner ici aujourd'hui. Je voudrais sincèrement vous féliciter d'avoir déposé ce projet de loi. Et mes félicitations s'étendent également à ceux qui ont contribué au projet de près ou de loin.
Il y a un aspect en particulier qui suscite mon intérêt, soit l'attribution de la citoyenneté dans des circonstances particulières en vertu du paragraphe 5(4). Sauf erreur, grâce au pouvoir discrétionnaire prévu dans ce paragraphe, vous avez été en mesure de recommander l'attribution de la citoyenneté à 270 personnes, n'est-ce pas?
Mme Finley : En effet.
Le sénateur Keon : Je crois savoir que l'obtention de cette autorisation est soumise à une procédure administrative plutôt lourde pour vous et pour le citoyen.
Les modifications que vous proposez sortiraient bien des personnes de l'impasse, mais certaines ne verront pas leur situation s'améliorer, par exemple les personnes nées en Europe après la guerre, soit entre 1945 et 1947, d'un père canadien et d'une mère européenne qui n'étaient pas mariés. Mais puisqu'il sera plus facile d'obtenir la citoyenneté canadienne, ces personnes pourraient être tentées de le faire. Si elles souhaitent entreprendre une telle démarche, dans quelle mesure la procédure serait-elle lourde pour vous et pour eux?
Mme Finley : J'aimerais rectifier le nombre de personnes auxquelles j'ai attribué la citoyenneté pour cause de circonstances spéciales. Pour ce qui est des cas atypiques, c'est-à-dire les Canadiens déchus, il est plutôt question de 139 personnes. C'est le nombre de cas dont je me suis occupée depuis que je suis ministre. J'ai également accordé la citoyenneté canadienne à 120 occasions en application de la mesure intérimaire sur l'adoption. Je suis heureuse que nous n'ayons plus à recourir à cette mesure depuis l'approbation du projet de loi sur l'adoption d'enfants étrangers. C'est une bonne nouvelle, particulièrement pour ces enfants.
Il y a deux ou trois semaines, à Toronto, j'ai eu le plaisir de présenter pour la première fois un certificat de citoyenneté à une enfant née en Chine. Par conséquent, lorsque cette petite fille est arrivée ici avec ses parents, quelques semaines plus tard, elle était citoyenne canadienne. C'était un moment merveilleux. Tout le monde était très heureux. C'est une histoire qui fait chaud au cœur. Nous n'avons donc plus besoin de recourir aussi souvent qu'avant à la disposition qui nous confère un pouvoir discrétionnaire
Pour ce qui est de la lourdeur du processus, les circonstances varient d'un cas à l'autre, et nous avons affaire à des règlements complexes. Toutefois, j'aimerais laisser à Mme Mosher le soin de répondre à votre question.
Mme Mosher : Si le processus menant à l'approbation du gouverneur en conseil est lourd, je ne sais pas si nous allons être en mesure de l'alléger. Nous croyons que, cette année, les cas présentant des circonstances particulières que nous aurons à traiter seront peu nombreux et faciles à gérer. Il y a un délai d'approbation. Une fois que nous avons recueilli tous les renseignements et que la ministre les a fait parvenir au Cabinet, la période d'attente est normalement de trois à quatre mois.
Mme Finley : J'aimerais également ajouter que, si ce projet de loi est adopté, nous prévoyons que les nouvelles dispositions pourront régler plus de 95 p. 100 des cas atypiques. Ainsi, des 139 personnes auxquelles j'ai attribué la citoyenneté, nous passerons à un nombre beaucoup plus modeste.
Le président : Le sénateur Keon parraine le projet de loi au Sénat. Le sénateur Lorna Milne, ici présente, est la critique du projet de loi. Il s'agit simplement d'un titre, de sorte qu'elle ne le critique pas nécessairement. Nous n'allons rien présumer à son sujet; attendons qu'elle pose ses questions.
Le sénateur Milne : Madame la ministre, lorsque vous avez proposé ce projet de loi, vous avez admis ouvertement qu'il n'apporterait pas une solution à tous les problèmes. Environ 5 p. 100 des cas ne pourront être résolus. Depuis votre nomination, vous avez dû obtenir l'autorisation du gouverneur en conseil, par l'entremise du Cabinet, pour attribuer la citoyenneté à 139 personnes qui se trouvaient dans une situation particulière.
Avez-vous estimé le nombre de cas qui exigeront une attention spéciale de la part de votre ministère une fois l'entrée en vigueur des modifications? Vous prévoyez la diminution de ce nombre, mais j'ai l'impression qu'il ira en augmentant à mesure que les gens apprendront qu'ils ont la possibilité d'obtenir ou de reprendre la citoyenneté canadienne.
Mme Finley : L'un des grands avantages de ce projet de loi, c'est qu'il précise clairement, dans la loi, qui est admissible à la citoyenneté canadienne et qui ne l'est pas. Je ne sais pas si vous avez reçu notre document, mais il contient une liste de divers scénarios — qui n'ont rien de complexe et ne prêtent aucunement à confusion — et leurs issues possibles. Nous sommes des experts dans ce domaine.
Dans la plupart des cas, et également pour ce qui est de la majeure partie des demandes de renseignements que nous avons reçues au moyen de notre service téléphonique, les gens tentaient d'obtenir non pas la citoyenneté, mais bien la preuve qu'ils étaient citoyens canadiens. Nous avons été en mesure de démontrer qu'ils avaient bel et bien la citoyenneté et de leur en fournir la preuve. Quoi qu'il en soit, ce qui est essentiel au sujet des modifications proposées, c'est que la citoyenneté sera désormais accordée par voie législative dans presque tous les cas. Les gens n'auront plus à présenter une demande pour devenir citoyens du Canada. Si leur situation respecte les critères, ils acquerront automatiquement la citoyenneté. Nous pourrons rendre une décision rapidement et facilement.
Le sénateur Milne : Ce qui me préoccupe, ce sont les 5 p. 100 de gens qui se retrouveront dans l'impasse.
Mme Finley : Voilà pourquoi le paragraphe 5(4) demeurera en application. Mais le nombre de cas pour lesquels nous devrons avoir recours à ce pouvoir discrétionnaire devrait grandement chuter.
Le sénateur Milne : Je viens tout juste de participer à une réunion du Comité de l'énergie. Nous discutions justement du fait que la publication des règlements dans la Gazette, la formulation d'observations à leur sujet et leur entrée en vigueur requièrent de longs délais. Dans l'intérêt de certains des Canadiens déchus ici présents ou de leurs représentants, combien de temps faudra-t-il, une fois la sanction royale obtenue, pour qu'un projet de loi tel que le vôtre entre en vigueur? Devrez-vous promulguer un règlement? La loi sanctionnée devra-t-elle être publiée dans la Gazette du Canada? Combien de temps ces personnes devront-elles attendre avant d'obtenir la citoyenneté?
Mme Mosher : Comme l'a précisé la ministre, le comité permanent de la Chambre des communes qui s'est penché sur le projet de loi lui a apporté un amendement de fond prévoyant l'entrée en vigueur des modifications un an après la date de la sanction royale. Cela veut dire que nous travaillerons diligemment au cours de l'année en question pour faire en sorte que le plan de mise en œuvre, la stratégie de communication et le règlement soient appliqués dans les délais prévus. La prépublication du règlement aurait lieu vers la fin de l'année civile, si l'on présume que le projet de loi sera adopté au printemps, pour que nous soyons fin prêts à procéder à la mise en œuvre complète au printemps 2009.
Le sénateur Milne : Les Canadiens déchus qui assistent à cette séance ou qui la regardent à la télévision ne doivent pas s'attendre à pouvoir demander la citoyenneté canadienne dès demain. Il faut que cela soit absolument clair.
Mme Mosher : Exactement.
Le sénateur Milne : À votre avis, madame la ministre, puisque vous avez examiné ce projet de loi et la Loi sur la citoyenneté, ensemble assez disparate, le temps est-il venu de procéder à la refonte complète de la Loi sur la citoyenneté et, si oui, entendez-vous le faire?
Mme Finley : Pour l'instant, je m'attache à régler la situation actuelle grâce au projet de loi. Bon nombre de gens ont laissé entendre qu'il faudrait refondre la loi en entier. Je ne voulais pas entreprendre ce travail de longue haleine. Je souhaitais remédier à la situation immédiatement. C'était une priorité. Les gens que l'on désigne comme des « Canadiens déchus » le méritaient. Si nous avions remanié la loi en entier, vu la façon dont avancent les choses à la Chambre par les temps qui courent, nous n'aurions peut-être pas pu nous attaquer à ce dossier. Je tenais à ce qu'on résolve ce problème pendant qu'on le pouvait et qu'on le fasse aussi rapidement que possible.
Le sénateur Milne : À ce sujet, je suis tout à fait d'accord avec vous.
[Français]
Le sénateur Pépin : Le projet de loi limite la citoyenneté par filiation à la première génération née à l'étranger. Toutefois, le problème est que certains descendants canadiens peuvent se retrouver apatrides. Pour corriger cette situation, le projet de loi C-37 prévoit que ces enfants apatrides reçoivent la citoyenneté s'ils sont âgés de moins de 23 ans et s'ils ont résidé au Canada pendant au moins trois ans au cours des quatre années précédant leur demande.
Pourriez-vous nous donner un peu plus d'information, car le projet de loi C-37 ne précise pas comment la personne peut entrer au Canada et y séjourner quatre ans sans passeport? Est-il possible de parrainer ou d'accorder un permis temporaire de résidence à quelqu'un qui est apatride?
[Traduction]
Mark Davidson, directeur, Législation et politique du programme, Citoyenneté et Immigration Canada : Comme l'a précisé la ministre dans son témoignage, le projet de loi comprend une disposition qui vient renforcer les règles auxquelles on a recours actuellement pour traiter ce genre de cas. Les règles existantes correspondent à celles qui sont prévues dans la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Les parents citoyens canadiens peuvent parrainer leur enfant à charge lorsque celui-ci se trouve à l'étranger.
Le parrainage peut même avoir lieu lorsque le répondant et l'enfant habitent tous deux à l'extérieur du Canada. Les enfants appartenant à une deuxième génération née à l'étranger pourraient venir s'établir au Canada en utilisant le même mécanisme, si jamais la famille accordait une importance telle à la citoyenneté canadienne qu'elle voudrait profiter des moyens mis à sa disposition pour l'obtenir. Il ne faut pas perdre de vue que ces personnes bénéficient des 22 premières années d'existence de leur enfant pour prendre cette décision. Il s'agit donc d'un délai très généreux pour recourir à un tel mécanisme.
Si l'enfant est apatride, il existe des moyens permettant aux parents d'obtenir des titres de voyage. À défaut d'un passeport national, ils peuvent demander d'autres types de titres de voyage qui donneraient à l'enfant le droit de voyager au Canada.
Comme l'a mentionné la ministre, cette disposition spéciale s'appliquant au cas d'apatridie représente une solution de rechange à toutes les autres mesures. Cette disposition, en plus des autres mécanismes prévus dans la Loi sur la citoyenneté, satisfont pleinement aux obligations du Canada en tant que signataire de la Convention internationale.
[Français]
Le sénateur Pépin : De cette façon, je suis certaine qu'on aura plusieurs demandes.
[Traduction]
Le sénateur Cochrane : Vous avez parlé d'une limite d'âge, soit 22 ans. À cet âge, on est un adulte. Passé cette limite, si la personne souhaitait obtenir la citoyenneté canadienne, que devrait-elle faire?
Mme Finley : Elle devrait suivre la voie habituelle : présenter une demande de résidence permanente, se conformer aux exigences minimales et, enfin, demander la citoyenneté.
Le sénateur Cochrane : Devrait-elle habiter au Canada?
Mme Finley : Oui. Elle devrait se conformer à l'obligation de résidence. Elle serait traitée comme l'est tout nouvel arrivant au Canada, et elle devrait suivre la procédure habituelle, c'est-à-dire présenter une demande de résidence permanente, être acceptée, se conformer aux exigences liées à la résidence, se soumettre à l'examen et prêter serment.
Le sénateur Cochrane : Je suis en train d'examiner la question de la double citoyenneté. Certains de nos petits- enfants ont la double citoyenneté. Certaines de nos filles ont épousé des Américains pendant les années où les États- Unis avaient des bases militaires en territoire canadien, et, maintenant, certains de leurs enfants ont la double citoyenneté et d'autres souhaiteraient l'avoir.
Mme Finley : La double citoyenneté est transmise par les parents. Si l'un des parents est Canadien et que l'autre est Américain, leurs enfants peuvent obtenir la double citoyenneté en en faisant la demande au pays dont ils ne sont pas citoyens. Au-delà de cela, il s'agit de personnes appartenant à la deuxième génération née à l'étranger, ce qui est une tout autre chose. Les petits-enfants n'obtiendront pas automatiquement la citoyenneté canadienne.
Le sénateur Cochrane : Je suis consciente du fait qu'il s'agit d'une tout autre question.
Le sénateur Munson : Je brûle d'envie de vous poser des questions à propos du projet de loi sur l'immigration. À un autre moment, nous pourrons vous interroger amplement sur le sujet. Disons que c'est un dossier assez brûlant à l'heure actuelle. Mais puisque vous êtes ici pour parler du projet de loi C-37, je vais me limiter à cela. Le projet de loi ne sera d'aucun secours pour une partie des Canadiens déchus, groupe qui comprend les descendants des Mennonites, détenant actuellement une carte de citoyenneté qui leur a été délivrée par erreur. Pourriez-vous, s'il vous plaît, décrire les circonstances qui ont fait que certaines personnes au pays détiennent une carte de citoyenneté délivrée par erreur? Pourquoi avez-vous décidé de ne pas venir en aide à ce groupe de personnes? Environ combien de personnes se trouvent dans une telle situation?
Mme Finley : Je répondrai à votre question en partie et je laisserai à mes collaborateurs le soin de vous fournir de plus amples détails.
Un certain nombre de circonstances peuvent avoir mené à la délivrance d'une carte de citoyenneté par erreur. Par exemple, certains enfants sont nés aux États-Unis par accident. Leurs parents habitaient à Windsor et se sont rendus à Detroit pour Noël. Ces enfants ont vu le jour à un moment où les parents ne s'y attendaient pas, et, lorsque ceux-ci sont revenus au Canada, ils croyaient que leurs enfants avaient la citoyenneté canadienne, alors que, en fait, ce n'était pas le cas. Si les parents n'étaient pas citoyens canadiens et que les enfants sont nés à l'étranger, il n'y avait aucun lien avec le pays, mais, à leur retour, l'agent de la douane canadienne leur a peut-être dit qu'ils étaient citoyens et leur a donc donné une carte. C'est un scénario possible. Il s'agit de décisions qui ont été prises par des personnes. L'erreur humaine entre en ligne de compte. Parfois, les recherches, particulièrement dans le cas des Mennonites, n'ont pas correctement établi leur admissibilité à la citoyenneté. Plusieurs circonstances peuvent entraîner une telle situation. Ce projet de loi vise justement à tenter de prévenir ce type d'erreur en éliminant les dispositions législatives contradictoires qui compliquent la vie des gens lorsqu'ils veulent savoir s'ils peuvent prétendre à la citoyenneté canadienne ou non.
Le Comité central mennonite appuie le projet de loi. Nous croyons qu'il est malheureux que ces personnes aient cru qu'elles étaient citoyennes canadiennes en raison d'un document qui leur a été délivré par erreur. Toutefois, elles n'y avaient pas droit, de sorte qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour leur attribuer la citoyenneté.
M. Davidson : Je ne suis pas certain de pouvoir vous donner les chiffres exacts.
Pour renchérir sur les propos de la ministre, je voudrais préciser que le projet de loi C-37 sera utile à certaines des personnes qui ont reçu une carte de citoyenneté par erreur. En effet, le projet de loi modifie certaines des dispositions en application desquelles ces personnes n'ont pu obtenir la citoyenneté par le passé. Par conséquent, le projet de loi C- 37 va résoudre une partie de ces cas.
Le sénateur Munson : À l'échelon individuel, comment peut-on donner espoir aux 5 p. 100 qui ne sont pas visés par le projet de loi? On a l'impression qu'il ne s'agit que d'une statistique, mais elle se rapporte à de vraies personnes qui vivent dans ce pays et qui sont toujours déchues.
Mme Finley : Pour vous répondre simplement, je vous dirais qu'il suffit de regarder ce que nous avons accompli depuis que j'ai été nommée ministre. Je trouvais que la situation était totalement inacceptable. Nous avons mis sur pied un service téléphonique pour que les gens puissent nous joindre et savoir s'ils étaient citoyens canadiens. Nous avons formé un groupe spécial chargé de ces cas. Nous avons diffusé l'information à cet égard partout au pays pour que les gens prennent les mesures nécessaires pour découvrir s'ils se trouvaient dans une telle situation — une campagne de sensibilisation, si vous préférez. Nous avons tenté de tenir les gens au courant pour être en mesure de corriger la situation de façon proactive. Nous avons attribué la citoyenneté canadienne à 139 personnes en vertu du paragraphe 5(4). Nous avons proposé ce projet de loi. Nous avons également mis en place un certain nombre d'autres initiatives plus modestes.
Nous nous sommes attaqués à un problème qui persistait depuis des dizaines d'années. Maintenant, nous essayons de trouver une solution pour le plus grand nombre de personnes possible. Selon nos estimations, les modifications permettront de remédier à 95 p. 100 des cas. Je crois que c'est une excellente nouvelle. Je préfère venir en aide à plus de 95 p. 100 des gens qui se trouvent dans l'impasse plutôt que de ne rien faire sous prétexte qu'il y a 5 p. 100 des cas auxquels le projet de loi ne s'applique pas.
Le sénateur Trenholme Counsell : Ma question porte en partie sur la mesure qui ne s'applique qu'aux personnes âgées de moins de 23 ans. Je me demande à quel point cette restriction est juste, comment on en vient à déterminer un tel âge limite ou s'il est même pertinent d'en fixer un. Pourquoi 23 ans plutôt qu'un autre âge? Cette exigence occasionnera des difficultés pour les familles. Elle fera du tort aux enfants. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet.
De plus, y a-t-il des dispositions dans le projet de loi qui feront que les enfants biologiques et les enfants adoptés seront traités différemment? Je me pose la question parce que j'ai une expérience directe dans des questions connexes touchant un autre pays dont la loi peut effectivement entraîner un écart dans la façon dont ces enfants sont traités.
Mme Finley : En ce qui concerne l'âge limite de 23 ans, il s'agit d'une exigence prévue dans la convention internationale. Nous voulions seulement être conséquents avec cette norme internationale.
En ce qui concerne votre deuxième question, non, aucune distinction n'est faite entre les enfants biologiques et les enfants adoptés. C'est également pour cette raison que nous avons adopté le projet de loi sur l'adoption internationale : pour faire en sorte que les enfants adoptés obtiennent un traitement plus équitable qui s'apparente à celui que reçoivent les enfants canadiens de naissance.
Le sénateur Trenholme Counsell : Croyez-vous que le fait d'empêcher aux personnes apatrides d'obtenir automatiquement la citoyenneté à partir de 23 ans est juste, compte tenu du fait qu'une personne apatride de 21 ans sera alors traitée différemment d'une autre âgée de 25 ans, par exemple?
Mme Finley : Il doit y avoir des limites quelque part. Autrement, des personnes apatrides de 72 ans prétendraient à la citoyenneté. Où trace-t-on la limite, et selon quels critères? En nous conformant au protocole international, qui a établi la limite à 23 ans, nous faisons en sorte que le projet de loi soit le plus objectif possible.
Le sénateur Callbeck : Le projet de loi C-37 modifie réellement la loi. Vous avez déjà expliqué pourquoi vous n'aviez pas présenté une nouvelle loi, et j'accepte votre justification. Il s'agissait d'une recommandation émanant du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration de la Chambre.
On mentionne ici que le projet de loi C-37 se conforme en grande partie aux recommandations du rapport produit par le Comité de la citoyenneté et de l'immigration. Je remarque qu'une des recommandations n'a pas été retenue. Y a- t-il d'autres recommandations du rapport unanime du comité de la Chambre dont ne tient pas compte le projet de loi C-37?
Mme Finley : À ma connaissance, la seule qui n'a pas été retenue concerne les cartes de citoyenneté délivrées par erreur, et j'ai expliqué les raisons de notre décision. À part cela, nous avons tenté de rédiger le projet de loi de façon à ce qu'il soit conforme aux recommandations des membres du comité, comme je m'y étais engagée auprès d'eux il y a maintenant près d'un an. En effet, j'ai donné aux membres du comité l'assurance que, s'ils présentaient un rapport unanime, je prendrais sérieusement en considération leurs recommandations, ce que nous avons fait.
Le président : La dernière disposition du projet de loi C-37 est celle qui précise le moment de l'entrée en vigueur du projet de loi. On y précise que le projet de loi, par décret, entrera en vigueur au plus tard 365 jours après avoir reçu la sanction royale. Toutefois, selon les appels et les lettres que l'on reçoit, bon nombre de personnes attendent avec impatience l'entrée en vigueur du projet de loi. Combien de temps croyez-vous que cela va prendre avant que le projet de loi ne soit mis en application? Devez-vous ajouter des dispositions pour qu'il soit fin prêt ou pouvez-vous le mettre en œuvre rapidement? Pouvez-vous nous donner une idée du délai?
Mme Finley : Nous voulons qu'il soit mis en œuvre le plus rapidement possible. Voilà pourquoi nous avons présenté le projet de loi.
On doit passer par certaines étapes, comme la publication dans la Gazette. Nous voulons être certains que, lorsque nous mettrons le projet de loi en application, nous n'allons rien laisser au hasard afin qu'il n'y ait plus jamais de cartes de citoyenneté délivrées par erreur. Nous croyons qu'il entrera en vigueur dans un an.
Pour le moment, nous pouvons attribuer la citoyenneté à certaines personnes en vertu du paragraphe 5(4). Si une personne répond aux exigences sous le régime de la nouvelle loi et qu'elle souhaite obtenir un passeport canadien pour voyager ou pour toute autre raison, elle pourrait demander à l'obtenir en vertu du paragraphe 5(4) dès maintenant, sans attendre l'entrée en vigueur du projet de loi. Nous pourrions lui accorder la citoyenneté, ce que nous avons fait par le passé, si les circonstances permettent l'application du paragraphe 5(4).
Nous ne voulons pas empêcher les gens de faire quoi que ce soit parce que le projet de loi n'est pas encore entré en vigueur, alors que nous prévoyons qu'il le sera et que nous estimons qu'il s'agit de la bonne décision à prendre au sujet de ces personnes, car leurs motifs sont légitimes. Voilà pourquoi j'accepte d'attribuer la citoyenneté dans certains cas en vertu du paragraphe 5(4).
Le sénateur Gustafson : Je ne suis pas membre du comité, mais je croyais qu'il s'agissait là d'une occasion de clarifier un point en particulier. Mon père est arrivé au Canada à quatre ans lorsque mes grands-parents ont quitté l'Illinois. Il est décédé en 1949. Lorsque nous avons réglé sa succession, nous avons découvert qu'aucun document ne faisait état de son existence au Canada. Nous avons facilement remédié à la situation. Nous avons communiqué avec la Commission canadienne du blé et nous avons obtenu un relevé mentionnant tous les volumes de céréales qu'il avait vendus. Je me suis souvent demandé comment une personne pouvait passer entre les mailles d'un filet de cette façon, c'est-à-dire travailler pendant toutes ces années comme il l'a fait et ne pas être reconnu comme un Canadien.
Mme Finley : Malheureusement, ce type de situation ne se produit que bien trop souvent. Il existe de nombreux exemples de personnes qui avaient toutes les raisons de croire qu'elles étaient citoyennes canadiennes et qui ont soudain découvert, peut-être seulement lorsqu'elles ont présenté une demande de passeport, qu'elles ne l'étaient pas. Voilà pourquoi nous voulons faire adopter ce projet de loi; pour remédier à la situation. Pour le moment, dans les cas urgents, nous pouvons attribuer la citoyenneté en vertu du paragraphe 5(4) et donner à ces personnes ce à quoi, à notre avis, elles ont droit.
Le sénateur Gustafson : Par contre, le ministère du Revenu ne l'a sûrement pas laissé filer entre les mailles.
Le président : Sur ce, nous avons terminé cette partie de notre examen du projet de loi C-37. Encore une fois, je vous remercie, madame la ministre, et je remercie également vos collaborateurs qui se sont joints à nous aujourd'hui.
La prochaine table ronde sera formée de deux témoins. Il s'agit de Mme Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés. Cet organisme-cadre se consacre à la protection des réfugiés au Canada et ailleurs dans le monde ainsi qu'à l'établissement de réfugiés et d'immigrants au Canada.
M. Donald Galloway est professeur à la faculté de droit de l'Université de Victoria. Il se spécialise dans le droit de l'immigration et des réfugiés. Il est également un ancien membre de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada.
Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. J'aimerais que vous limitiez vos interventions à environ cinq minutes chacun; nous enchaînerons ensuite avec un dialogue et des questions.
Donald Galloway, professeur, faculté de droit, Université de Victoria : Merci de m'avoir invité à participer aujourd'hui. Mes commentaires porteront essentiellement sur les dispositions du projet de loi C-37 qui nient la citoyenneté par filiation pour les personnes qui sont nées ou qui ont été adoptées à l'extérieur du Canada et dont les parents sont aussi nés ou ont aussi été adoptés à l'extérieur du Canada.
Je ne commenterai pas les dispositions qui concernent le règlement rétroactif de la situation des Canadiens ayant perdu leur citoyenneté; elles s'imposaient depuis longtemps. Tout ce que je dirais à ce sujet, c'est que je recommande fortement à la ministre de régler la situation après une si longue attente pour bon nombre de personnes, qui ont déployé des efforts colossaux.
Je dois vous dire que, comme mon bureau se trouve à Victoria, M. Joe Taylor n'a pas hésité à me rendre visite fréquemment. Je sais tous les efforts qu'il a dû déployer et tout le stress qu'il a subi à cause de cette affaire.
Ce que j'aimerais, cependant, c'est que vous vous penchiez sur les motifs qui ont mené aux mesures qui ont dû être prises pour corriger la situation des Canadiens ayant perdu leur citoyenneté afin de découvrir pourquoi nous nous sommes retrouvés face à cette situation. Je pense que, si vous vous penchez sur ces motifs, vous découvrirez qu'ils se trouvent aussi dans les dispositions qui refusent la citoyenneté aux Canadiens de première génération. En d'autres termes, nous sommes peut-être en train de répéter le problème de perte de citoyenneté canadienne pour la génération actuelle et ses enfants.
J'estime que les dispositions qui interdisent la citoyenneté par filiation ne tiennent pas compte d'un aspect important : la très grande importance que les personnes et les membres d'une communauté accordent à la citoyenneté comme concept intergénérationnel. Il s'agit d'une chose qui se transmet d'une génération à l'autre. Nous transmettons la citoyenneté à nos enfants parce que c'est important. Pour nous, la construction d'une nation et d'une communauté est un projet intergénérationnel, et le fait de placer des obstacles à ce projet intergénérationnel constitue un problème. Le fait de supprimer la citoyenneté par filiation après la première génération constitue, je crois, un pas dans cette direction.
Avec les nouvelles dispositions, le lieu de naissance d'une personne et de ses parents est utilisé comme indice. Il n'a pas d'importance en tant que tel. Dans son témoignage, la ministre n'a pas dit que le lieu de naissance était important. Il sert d'indice pour mesurer l'attachement d'une personne envers une communauté, pour déterminer si elle est canadienne.
Il s'agit là d'un jugement de valeur. On suppose que si vous et vos parents êtes nés à l'étranger, vous n'avez probablement pas d'attachement envers le Canada. Je crois que, parce que les gens se déplacent de plus en plus et ont maintenant des liens partout dans le monde, il est de moins en moins probable que les gens nés à l'extérieur du pays ne conservent pas de liens avec le Canada.
Je trouve aussi ironique qu'il y ait une exception à cette règle pour les personnes qui travaillent pour le gouvernement et pour celles qui font partie des forces armées. Le gouvernement reconnaît que, dans certains cas, des personnes engagées dans des activités canadiennes doivent quitter le pays.
Je souligne que les enseignants sont parfois dans cette situation, tout comme les personnes qui travaillent pour une ONG. Il faut absolument reconnaître que notre monde n'est plus un monde figé où les gens restent en place. Les gens bougent tout le temps.
Pensons aussi aux répercussions de ces dispositions sur les hommes et sur les femmes. Si vous permettez aux gens de transmettre la citoyenneté à leurs enfants — ce qui, je le souligne, est très important pour eux — seulement si l'enfant naît au Canada, les femmes seront beaucoup moins en mesure que les hommes de profiter de perspectives d'emploi à l'étranger.
Les femmes qui font de la collaboration internationale devront prévoir un retour au Canada pour leur grossesse. Les femmes qui s'occupent de leurs parents en Floride devront revenir au Canada pour accoucher. Des Canadiens en souffriront. La règle de la première génération, selon laquelle si vos parents sont nés à l'étranger, vous n'avez pas droit à la citoyenneté, aura d'importantes répercussions négatives.
Il y a quelques mois, un reportage de la CBC révélait que des femmes de Calgary étaient transportées aux États-Unis pour accoucher parce que les soins néonatals à Calgary étaient insuffisants. La CBC affirmait alors, de façon très optimiste, qu'il y aurait un plus grand nombre de personnes ayant la double nationalité.
Si le présent projet de loi est adopté, il y aura de moins en moins de Canadiens. Ou encore, les femmes y penseront à deux fois avant de se rendre aux États-Unis pour donner naissance dans des conditions que nous ne pouvons leur offrir ici. L'utilisation de cette règle de l'indice, selon laquelle le lieu de naissance est lié au lien que vous avez avec le pays, aura de graves conséquences.
En conclusion, j'aimerais attirer votre attention sur les répercussions que cette règle pourrait avoir sur les enfants adoptés. La ministre a parlé, dans son témoignage, de la merveilleuse et chaleureuse attention que nous offrons aux enfants adoptés, qui deviennent maintenant automatiquement citoyens à l'extérieur du pays. A-t-elle expliqué à ces enfants et à leurs parents que les petits-enfants ne seront peut-être pas des citoyens canadiens? La génération des enfants des personnes adoptées à l'étranger qui se voient accorder la citoyenneté recevront-ils aussi la citoyenneté? Ce projet de loi ne me permet pas de le savoir. Ma fille, qui est ici avec moi aujourd'hui, a été adoptée à l'étranger. Je peux lui garantir que ses enfants seront canadiens parce qu'elle est passée par le processus de naturalisation quand elle est venue au Canada et qu'elle est résidente permanente. Mais qu'en sera-t-il de ces nouveaux enfants? Sait-on quel sera le statut de leurs enfants? Les petits-enfants qui se verront remettre un ourson par la ministre seront-ils Canadiens? Le projet de loi ne répond à ces questions, mais je crois comprendre que la réponse est non.
Le président : Merci, monsieur Galloway. Cela suscitera des questions, j'en suis sûr. Mais nous entendrons d'abord Janet Dench.
Janet Dench, directrice exécutive, Conseil canadien pour les réfugiés : Merci beaucoup de me donner l'occasion de me prononcer aujourd'hui sur ce projet de loi. Le Conseil canadien pour les réfugiés se préoccupe du problème des apatrides. Depuis déjà un certain temps, nos organismes membres nous disent qu'ils se retrouvent de plus en plus souvent face à des personnes qui sont aux prises avec des problèmes juridiques en tant que personnes apatrides au Canada. Nous nous sommes donc renseignés sur cette réalité, et elle nous semble de plus en plus préoccupante sur le plan juridique et à l'échelle internationale.
Pour étudier le projet de loi C-37, nous avons fait la même chose que pour les précédents projets de loi modifiant la Loi sur la citoyenneté : nous avons tenté de déterminer si le Canada se conforme à ses obligations juridiques, et nous nous sommes demandé ce que nous aimerions que le Canada fasse pour réduire le problème des apatrides à l'échelle mondiale.
Ce qui nous préoccupe, c'est que, même si le projet de loi C-37 tente de régler les problèmes de certains Canadiens ayant perdu leur citoyenneté, il crée une nouvelle catégorie de personnes qui n'obtiendront pas la citoyenneté canadienne dans l'avenir et qui, à titre de personnes apatrides, seront dans un état d'extrême vulnérabilité.
Vous savez sûrement qu'il y a deux textes internationaux qui portent sur l'apatridie. Le premier est la Convention sur la réduction des cas d'apatridie de 1961, et le deuxième, la Convention relative au statut des apatrides de 1954. Malheureusement, le Canada n'a pas signé la convention de 1954, mais nous avons signé la Convention sur la réduction des cas d'apatridie.
Je vais maintenant examiner en détail le projet de loi C-37 afin d'expliquer de quelle façon il peut entraîner l'apatridie. Comme vous l'avez entendu, et comme vous vous en étiez rendu compte vous-même, les enfants qui naîtront à l'étranger de parents citoyens canadiens n'auront pas droit à la citoyenneté canadienne à la naissance si leurs parents étaient des citoyens par filiation, c'est-à-dire s'ils étaient nés à l'étranger ou, probablement, s'ils y avaient été adoptés. Si ces enfants n'ont pas droit à une autre citoyenneté, ils seront apatrides.
[Français]
Afin que ce soit plus concret, j'aimerais vous citer l'exemple hypothétique d'un couple canadien qui travaille pendant quelques années à l'étranger et qui donne naissance à un enfant à l'extérieur du Canada. Cette enfant, appelons-la Anna, est citoyenne canadienne par ses parents. La famille retourne au Canada lorsqu'Anna est âgée de six mois et elle grandit au Canada. Jeune adulte, elle décide d'étudier à l'étranger et se retrouve enceinte.
Selon les dispositions du projet de loi C-37, si Anna donne naissance à son bébé à l'extérieur du Canada, l'enfant ne sera pas citoyen canadien. Si l'enfant, nommons-la Mariam, n'a pas droit à une autre citoyenneté, elle sera apatride.
[Traduction]
Le projet de loi C-37 contient une disposition qui permet à Mariam, et à d'autres personnes dans sa situation, de présenter une demande de citoyenneté si elle est apatride. Cependant, les enfants apatrides d'un citoyen canadien devraient respecter un certain nombre de conditions, y compris avoir résidé au Canada pendant trois des quatre années précédant la demande. Cela signifie que l'enfant demeurera apatride pendant au moins trois ans. Le projet de loi ne précise pas non plus de quelle façon Mariam pourra entrer au Canada et y vivre pour respecter l'exigence selon laquelle elle doit avoir résidé pendant trois ans au Canada. Même si Anna tente de parrainer son enfant comme immigrante — ce qu'elle ne sera peut-être même pas capable de faire, puisqu'il y a aussi des conditions à cela — elle aura de la difficulté à trouver des titres de voyage pour Mariam afin qu'elle puisse se rendre au Canada. À titre d'apatride, elle n'a droit à aucun passeport.
La Convention sur la réduction des cas d'apatridie contient une disposition sur la question des enfants nés de citoyens d'un pays qui sont nés dans un autre territoire. La première solution que donne la convention, c'est que l'enfant qui serait autrement apatride reçoive la citoyenneté à la naissance par effet de la loi. C'est la première recommandation de la convention. Elle fournit aussi une autre solution, et ce que le gouvernement canadien propose dans le projet de loi C-37 va de pair avec cette solution. Les auteurs de la convention ont fixé des limites à respecter, et le gouvernement canadien a respecté ces limites à la lettre, ce qui signifie que le projet de loi se contente du minimum de ce qui est proposé dans la convention. Nous trouvons cela indigne du Canada.
Le Conseil canadien pour les réfugiés défend le principe important selon lequel tous les citoyens ont les mêmes droits et obligations, quelle que soit la façon dont ils ont acquis leur citoyenneté. Le projet de loi C-37 est donc troublant, puisqu'il accentue les inégalités en ce qui concerne le droit de transmettre la citoyenneté à ses propres enfants. Si le projet de loi C-37 est adopté dans sa forme actuelle, un citoyen canadien qui a acquis sa citoyenneté de par sa naissance à l'étranger n'a pas le même droit de transmettre sa citoyenneté à son enfant qu'un citoyen qui est né au Canada ou qui a été naturalisé. Une femme née à l'étranger doit éviter d'accoucher elle aussi à l'étranger parce que son bébé ne sera pas citoyen canadien, et pourrait même être apatride. Cela est vrai même si elle a vécu au Canada toute sa vie, mis à part le premier mois. Cependant, un citoyen qui a obtenu sa citoyenneté au moment de sa naissance au Canada ou qui y est arrivé comme immigrant n'a pas à se préoccuper, par exemple, d'accepter un emploi à l'étranger ou d'y avoir un enfant, puisque cet enfant sera un citoyen canadien.
Nous recommandons donc l'ajout de dispositions précisant que la loi doit être interprétée conformément au principe de réduction des cas d'apatridie. Nous demandons la suppression du paragraphe 2(2) du projet de loi de façon à ce que les enfants de deuxième génération nés à l'étranger soient citoyens canadiens, ou encore la modification du paragraphe 4(2) de la loi, de façon à ce que les enfants de deuxième génération nés à l'étranger obtiennent la citoyenneté par effet de la loi s'ils se trouvent, par ailleurs, apatrides.
Le président : Merci beaucoup à vous deux. Nous passons maintenant aux questions et au dialogue.
Monsieur Galloway, Mme Dench a proposé des modifications précises du projet de loi. En ce qui concerne la question des enfants de deuxième génération, pensez-vous aussi qu'il faut modifier ce projet de loi en particulier, ou plutôt reformuler la Loi sur la citoyenneté?
La ministre a affirmé que des personnes nées de parents eux-mêmes nés à l'étranger n'ont aucun attachement envers le Canada. En fait, elle a dit qu'ils n'avaient jamais parfois entendu parler du Canada. Je pense que nous pouvons tous comprendre cette affirmation et reconnaître son exactitude. Nous pouvons aussi comprendre les arguments convaincants que vous avez formulés. Où doit-on établir la distinction, dans ce cas? Mme Dench affirme que nous devons éliminer en entier la disposition afin que les enfants de deuxième génération soient automatiquement couverts par la loi. Je me demande si vous avez une solution à mi-chemin. Si c'est le cas, j'aimerais savoir, comme je le disais il y a un instant, s'il faudrait modifier le projet de loi, ou s'il s'agit d'une tout autre affaire?
M. Galloway : Je n'ai pas formulé de recommandations dans mes observations formulées par écrit ou de vive voix, et ce, volontairement afin de vous laisser décider de ce qu'il convient de faire dans ce cas. Je pensais que je vous fournirais des arguments qui vous convaincraient de ne pas inclure les dispositions relatives aux Canadiens de deuxième génération. Je crois qu'il serait facile de les retirer du projet de loi. Le projet de loi peut très bien atteindre ses objectifs louables sans ces dispositions.
Je ne suis pas entièrement satisfait de ce que dit actuellement la loi concernant les enfants de première génération qui obtiennent automatiquement la citoyenneté, mais ils doivent déclarer, avant l'âge de 28 ans, qu'ils veulent la conserver. Cette situation peut entraîner des problèmes dans certains cas, mais je crois qu'elle est de loin préférable à ce qui est maintenant proposé.
J'hésite à proposer une modification puisque je suis un grand défenseur des Canadiens ayant perdu leur citoyenneté. Je ne sais pas quelles répercussions aurait une recommandation de modification sur l'adoption du projet de loi. Il s'agit d'une question de politique, et non de droit. Je vous ai présenté des arguments juridiques qui me semblent convaincants pour que le projet de loi ne soit pas adopté tel quel, mais, à la fin de mes observations écrites, je mentionne qu'il y a deux questions totalement distinctes, l'une qui constitue véritablement une bonne nouvelle, et l'autre — et je suis tout à fait d'accord avec mon collègue à ce sujet — est une bien mauvaise nouvelle. C'est ma réponse à votre première question, et je ne veux pas aller plus loin.
En ce qui concerne la question d'absence d'attachement, j'ai dit que, à mon avis, la naissance et le lieu de naissance est un indice de l'attachement à la communauté. Comme je l'ai mentionné dans mes observations écrites, certains pays, plus particulièrement les États-Unis, précisent que, pour transmettre la citoyenneté par filiation, il doit y avoir certains liens avec le pays. Ils utilisent la notion de résidence. Vous devez avoir résidé dans le pays pendant un certain nombre d'années pour pouvoir transmettre la citoyenneté à vos enfants. À mon avis, cette solution a beaucoup de sens. Elle présente peut-être quelques difficultés, mais il ne s'agit pas simplement d'un indice. Ce n'est pas une solution utilisée en lieu et place de ce qui compte vraiment. Les États-Unis ont déterminé que, sur le plan politique, les personnes qui résident au pays possèdent les liens requis. Il n'y a pas un tel lien avec le lieu de naissance de vos parents.
Le sénateur Keon : Je vous remercie tous les deux de vos intéressantes analyses. Monsieur Galloway, j'ai deux enfants qui vivent à l'étranger, et j'ai trois petits-enfants qui sont citoyens d'un autre pays. D'après ce que je comprends, ce que la communauté internationale dit maintenant, c'est : « Décidez-vous. Vous pouvez être citoyen canadien ou citoyen du pays X, mais vous ne pouvez être les deux. » Ce qui me turlupine, avec votre point de vue, monsieur Galloway, c'est que je pense que les gens seront pris pour choisir une citoyenneté. Qu'en pensez-vous?
M. Galloway : Je répondrai d'abord de façon empirique et précise en vous disant que je ne suis pas d'accord. Je pense que le fait de posséder une deuxième citoyenneté, une deuxième nationalité, ou de multiples nationalités fait maintenant partie de la vie, et que les gouvernements doivent en tenir compte. Il y a, à l'heure actuelle, des négociations concernant la marche à suivre quand un de vos citoyens qui a aussi une deuxième nationalité dans un autre pays se rend dans ce pays et y est arrêté. Il s'agit, pour nous, d'une réalité. Je ne crois pas qu'un mouvement qui tente de réduire les citoyennetés doubles et multiples dans notre monde puisse être crédible. C'est une réalité avec laquelle nous devons composer. Nous sommes allés trop loin dans la reconnaissance de la citoyenneté.
Pour ce qui est des choix, nous pouvons imposer un certain nombre de restrictions aux personnes qui ont une deuxième nationalité et qui ne vivent pas au Canada, et nous le faisons. Nous n'avons pas à payer pour leur rapatriement à partir d'une zone de guerre. Nous le faisons, mais nous n'avons pas à le faire. Nous ne leur délivrons pas automatiquement un passeport. Le décret sur les passeports ne dit pas qu'ils ont droit à un passeport. Ils doivent payer des impôts. Nous pourrions exiger qu'ils paient plus d'impôt s'ils veulent utiliser leur citoyenneté. Nous ne disposons que de quelques solutions pour montrer de quelle façon certaine personnes qui ne se trouvent pas au Canada peuvent remplir leurs obligations envers la communauté canadienne.
Il est arrivé, par le passé, que des Canadiens ont perdu leur citoyenneté après s'être vu retirer leur citoyenneté d'un autre État. Cela fait partie du véritable problème. Dans les années 1950, nous adoptions ce type d'attitude modulante envers la double nationalité. Parfois, les gens gardaient leur citoyenneté, parfois, non. Le fait de retirer la citoyenneté crée des apatrides.
Le sénateur Keon : N'est-il pas vrai que, pour devenir un citoyen américain, vous devez renoncer à votre citoyenneté canadienne?
M. Galloway : Selon les travaux rédigés par mes collègues qui se trouvent aux États-Unis, il s'agit peut-être d'un règlement théorique, mais il n'est pas mis en pratique. Il existe peut-être en théorie, mais personne ne le prend au sérieux.
Le sénateur Milne : Vous avez tous deux répété ce que j'ai demandé à la ministre. La Loi sur la citoyenneté doit être réécrite en entier afin que les gens puissent la lire et la comprendre. Une loi est inefficace si les citoyens ne sont pas capables de la comprendre. Ce que vous avez dit suscite chez moi beaucoup de sympathie. Par ailleurs, je reviens au projet de loi et à la question des Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté. Nous ne devrions vraiment pas rester aux prises avec ces problèmes plus longtemps que cela n'est nécessaire. Cela nous mène à la prochaine étape, c'est-à-dire à la reformulation de la loi dans l'avenir, afin de nous assurer qu'une partie de ces problèmes sont réglés.
Madame Dench, je vais étaler ma totale ignorance en ce qui concerne la citoyenneté canadienne. Il y a des apatrides qui vivent au Canada. S'ils ont des enfants au Canada, ces enfants peuvent-ils demander la citoyenneté canadienne? Ils sont nés ici.
Mme Dench : Oui, s'ils ont des enfants, les enfants deviennent citoyens canadiens, mais les parents peuvent demeurer apatrides.
Le sénateur Milne : J'avais cru comprendre, d'après ce que vous aviez dit, que les enfants seraient aussi apatrides, et je voulais que les choses soient tout à fait claires dans le compte rendu.
Mme Dench : Non, je parlais seulement des apatrides au Canada par rapport à la façon dont notre organisme s'est intéressé à cette question. Par exemple, certains de nos organismes membres rencontraient des gens dans des centres de détention de l'immigration, des personnes qui ne pouvaient être expulsées du Canada parce qu'elles sont apatrides, mais elles n'ont pas le droit de rester au Canada à cause de nos lois sur l'immigration, et elles se retrouvent donc aux prises avec des problèmes juridiques. Il s'agit, de toute évidence, d'une préoccupation pour nous.
Le sénateur Milne : Y a-t-il beaucoup de gens qui font actuellement face à ce type de problème juridique et qui sont détenus d'une façon ou d'une autre? À une époque, ils remplissaient un hôtel.
Mme Dench : En général, ils demeurent en détention pendant un certain temps, mais ils finissent par être libérés parce qu'ils ne peuvent être expulsés. Puis ils se retrouvent aux prises avec un problème juridique parce qu'ils n'ont pas le droit de rester ici, mais ils ne peuvent pas aller ailleurs. Comment peuvent-ils continuer à vivre? Ils se trouvent entre deux chaises. C'est une situation très difficile. Nous avons pressé le gouvernement d'agir en permettant aux personnes apatrides d'avoir le droit de régulariser leur statut au Canada.
Le sénateur Munson : Monsieur Galloway, c'est une question qui me tient aussi à cœur parce que, quand j'étais à CTV, j'ai traité des premiers cas d'adoption d'enfants en Chine dans les années 1990. Vous avez piqué ma curiosité quand vous avez dit, comme l'a fait la ministre, qu'un enfant adopté devient automatiquement citoyen canadien, mais que l'enfant d'un enfant adopté n'a pas cette garantie.
M. Galloway : Je crois que le sénateur Pépin a demandé s'il y avait une différence entre un enfant né à l'étranger et un enfant adopté à l'étranger, et la ministre a répondu qu'il n'y en avait aucune. S'ils reçoivent le même traitement, je suppose, d'après ce que je comprends, qu'un enfant d'une personne adoptée qui naît à l'extérieur du pays n'aura pas la citoyenneté canadienne.
C'est la façon dont j'interprète la loi. L'un de mes problèmes, avec cette loi, c'est que j'ai beaucoup de difficultés à comprendre ces dispositions qui s'entrecroisent, et je suis un professionnel du domaine. Je lis cet article, et c'est la meilleure interprétation de la loi que je puisse vous offrir : elle traite les Canadiens nés à l'étranger de la même façon que les enfants adoptés à l'étranger.
Le sénateur Munson : Si c'est le cas, le comité pourrait peut-être se pencher sur la question. Je ne sais pas ce qu'il en est concernant ce projet de loi en particulier, mais, comme l'a dit le sénateur, si l'on examine la Loi sur la citoyenneté en tant que telle, cela semble inhabituel.
Le sénateur Pépin : D'après ce que je comprends, si une femme canadienne qui a passé toute sa vie au Canada se rend aux États-Unis ou ailleurs pour travailler et donne naissance à un enfant, cet enfant ne sera pas reconnu comme Canadien, est-ce bien cela?
M. Galloway : Si la femme est elle-même née à l'extérieur du pays — elle pourrait bien être un bébé né à la frontière, qui a traversé la frontière parce qu'il était moins coûteux, à l'époque, de donner naissance aux États-Unis, ou qu'il s'agissait de l'hôpital le plus près —, elle devra penser sérieusement aux conséquences pour la citoyenneté de son enfant avant de donner naissance. Elle devra probablement obtenir un congé de son employeur pour revenir au Canada si elle veut transmettre la citoyenneté canadienne à sa descendance.
Le sénateur Pépin : J'aimerais que nous précisions une autre chose. J'ai un ami qui a adopté un enfant à l'étranger, et l'enfant a été reconnu comme Canadien. Si cet enfant donne naissance à un bébé, le bébé ne sera pas reconnu comme canadien, est-ce exact?
M. Galloway : En vertu de l'ancien régime, l'enfant adopté à l'étranger devenait d'abord résident permanent, puis obtenait sa citoyenneté par la naturalisation; il n'y avait pas de problème. Je ne comprends pas le nouveau système. Et je m'interroge.
Selon le nouveau système, l'enfant adopté reçoit la citoyenneté à l'extérieur du pays et est donc traité comme un enfant né au Canada. Je ne sais pas quelles sont les conséquences de tout cela. Il y a peut-être quelque chose dans le projet de loi qui m'a échappé. J'aimerais bien comprendre, mais cela me semble être une lacune sérieuse de la disposition.
Le sénateur Brown : Dans combien de pays, dans le monde, des enfants peuvent-ils naître sans avoir de citoyenneté?
Mme Dench : Je crois que c'est le cas dans à peu près tous les pays du monde.
Le sénateur Brown : Pourquoi utilisons-nous le terme apatride? Une personne qui naît dans un pays a la citoyenneté de ce pays. Si elle vient au Canada, elle est tout à coup qualifiée d'apatride.
Mme Dench : Non. Une personne apatride est une personne qui n'est reconnue par aucun État à titre de citoyenne.
Le sénateur Brown : Ne venez-vous juste pas de dire qu'à peu près tous les pays accordent la citoyenneté au moment de la naissance?
Mme Dench : Je m'excuse, je n'ai de toute évidence pas été claire. Je dis plutôt le contraire : il y a des gens qui n'ont pas de citoyenneté dans tous les pays du monde. Si vous naissez au Canada, vous obtenez la citoyenneté à la naissance, et c'est ce qui se passe dans un certain nombre d'autres pays. Cependant, dans bien des pays, ce n'est pas le cas.
Le sénateur Brown : Ma question était : combien de pays dans le monde n'accordent pas la citoyenneté à la naissance?
Mme Dench : Je ne connais pas le nombre exact, mais je crois qu'il s'agit d'un très grand nombre.
Le sénateur Brown : Où sont situés ces pays?
Mme Dench : Bon nombre de pays européens n'accordent pas la citoyenneté à la naissance. Je ne suis pas spécialiste en la matière.
Le sénateur Brown : Parlez-vous de l'Angleterre, de l'Allemagne et de la France? Vous dites qu'ils n'accordent pas la citoyenneté à la naissance?
Mme Dench : À la naissance dans le territoire?
Le sénateur Brown : À la naissance dans le pays.
M. Galloway : Dans bien des cas, en Europe, les parents doivent avoir la citoyenneté; si les parents n'ont pas la citoyenneté, le fait de naître dans le pays ne suffit pas pour qu'un enfant obtienne la citoyenneté.
Le sénateur Brown : Pouvez-vous me donner des exemples?
M. Galloway : La France a eu ce problème. L'Allemagne a eu ce problème. L'Autriche a ce problème.
Le sénateur Brown : J'ai une autre question, alors. Vous ne formulez pas de recommandations concernant les personnes de deuxième génération nées à l'étranger. Vous voulez qu'elles reçoivent la citoyenneté canadienne même s'il s'agit de la deuxième génération née à l'étranger.
À quel point pouvons-nous dire que la citoyenneté canadienne a une certaine valeur, et qu'il ne peut pas y avoir trois, quatre ou cinq générations de personnes nées à l'extérieur du pays qui sont toujours canadiennes? Comment réglons-nous ce problème?
M. Galloway : Pour l'instant, ce que nous faisons, c'est que nous disons que, si vous êtes né à l'étranger d'une mère citoyenne canadienne qui se trouve alors à l'extérieur du pays, vous devez, avant l'âge de 28 ans, déclarer que vous souhaitez garder votre citoyenneté.
Le sénateur Brown : Quel est le problème, alors?
M. Galloway : C'était le système en vigueur avant ces dispositions. Le problème, c'est que les gens ne savent pas que cette règle existe. Il arrive que des gens ne savent pas où sont nés leurs parents. Ils ne savent pas que cette règle s'applique à eux.
Le sénateur Gustafson a mentionné, plus tôt, des exemples de personnes qui tombent entre les mailles du filet, et ce sont de très grosses mailles. Pour régler le problème, il suffirait d'appeler un chat un chat et de déterminer, puisque nous pensons que les gens devraient avoir un lien avec le pays, la nature exacte de ces liens.
Le sénateur Brown : J'essaie de déterminer combien de générations peuvent vivre à l'étranger avant que nous puissions dire quelle personne n'a plus la citoyenneté.
M. Galloway : Dans un monde où les gens sont de plus en plus mobiles, je répondrais que, si les gens n'ont aucun lien avec le Canada — aucun lien du tout, ils ne sont pas nés ici et n'ont pas habité ici — nous avons un véritable problème si nous leur accordons la citoyenneté canadienne. S'ils sont nés à l'étranger, qu'ils ont passé dix ans au Canada, deux ans à l'étranger, qu'ils sont revenus et ont passé deux autres années ici, qu'ils se sont déplacés partout sur le globe, je crois que, dans ces conditions, ces personnes ont prouvé qu'elles avaient des liens avec le Canada. Si elles travaillent pour Oxfam Canada ou d'autres groupes à l'étranger et qu'elles consacrent leur vie à des œuvres de bienfaisance canadiennes à l'étranger, je suis très fier de dire qu'elles sont canadiennes.
Le sénateur Brown : J'aimerais parler des enfants de leurs enfants. Quels liens avec le Canada ont les enfants de leurs enfants?
M. Galloway : Si vous cherchez une règle qui vous permet de tracer la limite, vous trouverez une règle qui fait référence, quelque part, à ce qu'est une contribution importante à la communauté, que ce soit parce qu'une personne y réside ou parce qu'elle fournit d'autres éléments. C'est ce qui permettrait de tracer la frontière.
Le sénateur Brown : Si les gens qui travaillent pour Oxfam ont des enfants, qui ont, à leur tour, d'autres enfants, et qu'aucune des générations ne travaille pour Oxfam ni pour un quelconque organisme ayant un lien avec le gouvernement du Canada, pourrait-on déterminer qu'ils n'ont pas droit à la citoyenneté?
M. Galloway : Oui, je pense que, dans le meilleur des mondes, les règles seraient ainsi faites.
Le sénateur Brown : Si vous n'avez aucun lien avec le Canada et que vous êtes la deuxième ou la troisième génération née à l'extérieur du pays, vous n'auriez pas droit à la citoyenneté canadienne?
M. Galloway : Je crois que c'est juste. Autrefois, si vous pouviez trouver parmi vos ancêtres lointains un Irlandais, vous pouviez revendiquer la citoyenneté parce que vous aviez une part d'ascendance irlandaise. Eh bien, ce n'est plus le cas, selon la constitution irlandaise, et je crois que c'est une bonne chose. L'Irlande a choisi d'agir de façon plutôt draconienne puisque, pour respecter le critère de la « contribution importante », vos parents doivent être irlandais.
Le président : Je vais devoir clore la question. Merci beaucoup à vous deux, monsieur Galloway et madame Dench.
Pour le troisième tour de table, nous entendrons trois personnes. Don Chapman représente l'organisme Lost Canadians. Il s'est occupé de la défense des droits des personnes ayant perdu la citoyenneté canadienne. Il a perdu sa citoyenneté quand il était enfant, quand son père a pris la citoyenneté américaine. Nous avons tous déjà entendu parler de M. Chapman quand il a été question de ce sujet.
Nous entendrons aussi Melynda Jarratt, une historienne qui a axé ses recherches sur les quelque 43 500 épouses de guerre britanniques et européennes qui sont venues vivre au Canada. Enfin, nous entendrons William Janzen, dont le nom a été évoqué précédemment par la ministre, et qui est directeur du bureau du Comité central mennonite du Canada à Ottawa. En Amérique du Nord, le Comité central mennonite s'occupe d'immigration, d'aide aux réfugiés, de création d'emplois, et d'aide aux personnes handicapées, aux délinquants et aux victimes d'actes criminels.
William Janzen, directeur, bureau d'Ottawa du Comité central mennonite du Canada : Mes collègues et moi appuyons fermement ce projet de loi. Leurs motifs ne sont pas nécessairement les mêmes que les miens. Le Comité central mennonite appuie le projet de loi en raison de la confusion qui règne actuellement au sujet de la question du maintien de la citoyenneté. J'illustre ce point de vue en vous racontant quelques histoires, dont certaines m'ont été signalées très récemment.
Je commence par l'histoire d'un homme qui était arrivé au Canada quand il avait 10 ans. Il est né à l'étranger. Il avait la citoyenneté canadienne et a reçu son certificat à l'âge de cinq ans. Il a entendu, quelque part, qu'il devait faire une demande de maintien de sa citoyenneté. Il s'est rendu à un bureau de Citoyenneté et Immigration Canada pour se renseigner. Le représentant a examiné son certificat, lui a dit qu'il semblait s'agir d'un certificat valide en permanence et lui a recommandé de ne pas s'inquiéter. Il s'est renseigné à deux occasions, et on lui a répondu, les deux fois, de ne pas s'inquiéter. Il a continué à y vivre.
Il a maintenant 30 ans, et a donc dépassé l'âge de 28 ans. Il n'est plus citoyen canadien. Il dirige une petite entreprise de construction. Il a des employés. Le fait de ne pas être citoyen canadien entraîne beaucoup de confusion pour lui. Heureusement, il a passé plus de la moitié de sa vie au Canada, ce qui fait que, selon les lignes directrices du ministère, il peut avoir droit à la citoyenneté aux termes du paragraphe 5(4). Cela devrait faciliter le règlement de son cas, mais il devra encore attendre un certain temps.
Le second cas est semblable. Il s'agit aussi d'une personne qui, quand elle est venue au Canada, savait très bien qu'elle devait faire une demande de maintien de la citoyenneté. L'homme s'est rendu dans un bureau de Citoyenneté et Immigration Canada, et on lui a aussi dit qu'il n'avait pas à s'inquiéter, que son certificat semblait être valide en permanence, et qu'il pouvait aller de l'avant. Sauf que cette personne est maintenant en moins bonne posture parce qu'elle n'est pas restée au Canada pendant plus de la moitié de sa vie. Compte tenu des lignes directrices actuelles, le paragraphe 5(4) ne devrait pas beaucoup l'aider. Il devra donc devenir résident permanent. Mais pour cela, il faut du temps, et pendant ce temps, on ne peut lui dire avec certitude s'il peut occuper un emploi et avoir accès à l'assurance- maladie.
Le troisième cas est aussi semblable. Il s'agit d'un homme qui avait entendu dire, avant sa venue au Canada, qu'il devait faire une demande de maintien de la citoyenneté, et c'est ce qu'il voulait faire. Il vivait à l'étranger. Il est venu au Canada et y a passé un an, parce que c'est ce qu'exige le pays pour la demande de maintien. Il s'est ensuite rendu dans un bureau de Citoyenneté et Immigration Canada pour présenter sa demande. On lui a dit que son certificat était valide de façon permanente et qu'il n'avait pas à s'inquiéter. Il est donc retourné dans son pays natal et, un an plus tard, a présenté une demande de passeport canadien. On lui a alors annoncé qu'il n'était pas citoyen, et qu'il avait cessé de l'être à l'âge de 28 ans.
Une quatrième et dernière histoire : un couple arrive à la frontière. La femme est citoyenne canadienne. Elle sait qu'elle doit passer un an au pays avant d'avoir 28 ans, et qu'elle doit faire une demande de maintien de la citoyenneté. Cependant, son mari n'est pas citoyen canadien et n'a pas droit à la citoyenneté. À la frontière, les autorités frontalières leur demandent ce que compte faire le mari et pour quelle raison il pourrait être admis au Canada. Il ne se rend pas au Canada pour visiter quelqu'un, donc les autorités déterminent qu'il n'est pas admissible. On se retrouve donc avec une femme qui a des enfants et qui aimerait faire une demande de maintien de sa citoyenneté canadienne, mais elle ne peut emmener son mari avec elle au pays pour y passer l'année.
Ce sont là quatre exemples de la grande confusion qui entoure l'article 8 actuel de la loi, sur le processus de maintien de la citoyenneté.
Il faut dire, à sa défense, que le gouvernement a commencé, en 2007, à inscrire des dates d'expiration sur les certificats remis aux personnes faisant partie de cette catégorie. Si on avait procédé de cette façon dès l'adoption de la loi en 1977, il n'y aurait pas eu de plainte. Tout aurait été clair. Cependant, ce qui est arrivé, c'est que des dizaines de milliers de personnes faisant partie de cette catégorie ont reçu des certificats de citoyenneté. Ces certificats semblaient valides de façon permanente, mais ne l'étaient pas, dans bien des cas. D'où la confusion. C'est pourquoi nous vous demandons d'appuyer le projet de loi et de le faire adopter le plus rapidement possible. Ces personnes vivent une trop grande confusion.
Il est vrai que le projet de loi met fin à la citoyenneté après la première génération. J'aimerais expliquer comment les choses fonctionnent en vertu de la loi actuelle. Si vous êtes de deuxième génération et né à l'étranger, vous êtes automatiquement citoyen canadien jusqu'à l'âge de 28 ans. Bien des gens ont des enfants avant d'avoir 28 ans, ce qui fait que ces enfants, de troisième génération, sont citoyens canadiens de naissance. Cette troisième génération a donc automatiquement la citoyenneté jusqu'à l'âge de 28 ans. Cette situation peut se poursuivre à l'infini, tant que vous prouvez que vous êtes né avant que l'un de vos parents ait eu 28 ans.
Je crois que la plupart des gens qui sont présents ici s'entendent pour dire qu'il faut tracer la frontière quelque part, sinon ça n'a pas de sens. On peut remettre en question le fait que ce soit après la première génération, mais, selon nous, les avantages qu'entraîne l'élimination de cette confusion l'emportent sur tout le reste. C'est pourquoi nous vous demandons de faire adopter ce projet de loi.
Comme quelqu'un l'a fait remarquer, ce n'est pas particulièrement difficile, pour une personne, d'obtenir la citoyenneté canadienne pour son enfant. Quand un parent arrive au pays avec un enfant de moins de 22 ans, ce qui est un délai assez généreux, l'enfant peut devenir résident permanent sans avoir à se conformer au système de point. Dès que l'enfant est résident permanent, il peut présenter immédiatement une demande de citoyenneté canadienne. Le processus n'est donc pas si long.
Je pourrais aussi parler de la question du mariage et d'autres questions.
Le président : Nous aborderons tout cela au moment des questions.
Melynda Jarratt, historienne, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invitée. J'ai participé à cinq occasions à d'autres débats, mais c'est la première fois que je me présente devant le Sénat à ce sujet.
Beaucoup de personnes ont abordé, aujourd'hui, la question des apatrides qui passent entre les mailles du filet. Selon moi, le filet est complètement troué, et un grand nombre de Canadiens ayant perdu la citoyenneté se retrouvent au large; pensons, par exemple, aux mennonites, aux bébés nés de l'autre côté de la frontière, aux enfants de soldats, et aux épouses de guerre et à leurs enfants. Je vous parlerai aujourd'hui des épouses de guerre.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les soldats canadiens ont pris près de 48 000 épouses de guerre britanniques et européennes. Au cours de la guerre et jusqu'en 1948, le gouvernement canadien a organisé et payé leur transport jusqu'au Canada. À la fin de l'opération, 43 454 épouses de guerre et 20 997 enfants étaient venus s'établir au pays. La plus grande cohorte est arrivée en 1946.
Lorsque ces 64 451 épouses de guerre et enfants sont arrivés au Canada, on leur a dit qu'ils étaient citoyens canadiens. Toutefois, avec l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi sur la citoyenneté adoptée le 1er janvier 1947, qui était une première au Canada, le statut de ces épouses et des enfants nés à l'étranger et arrivés au Canada avec elles a changé. À partir de cette date, ils devaient présenter une demande pour obtenir la citoyenneté canadienne.
Celles qui lisaient les journaux, qui vivaient en banlieue ou qui avaient peut-être une amie qui a abordé le sujet pendant un repas, et celles qui ont voyagé en Europe dans les années 1940, 1950 et 1960 ont présenté une demande en ce sens et ont réglé leur situation et celle de leurs enfants. Malheureusement, ce ne sont pas toutes les familles qui vivaient en banlieue, qui lisaient les journaux, qui avaient des amis. De nombreuses épouses de guerre vivaient aussi au milieu de nulle part, en Saskatchewan, en Ontario, en Colombie-Britannique ou au Nouveau-Brunswick, des provinces où la plupart des gens vivaient en régions rurales. Par exemple, 1 000 des 1 820 épouses de guerre qui se sont rendues au Nouveau-Brunswick ont fini sur des terres rurales. Évidemment, elles ne lisaient pas le journal tous les jours et n'avaient pas entendu parler des changements apportés à la Loi sur la citoyenneté.
Richard Cooper, de Plaster Rock, au Nouveau-Brunswick, est arrivé dans notre pays en tant que frère d'une épouse de guerre dont la famille avait été tuée. Il a été parrainé et est venu quand il n'était encore qu'un enfant. Puis, 60 ans plus tard, il découvre qu'il n'est pas citoyen.
Ceux qui ont été le plus durement touchés sont les enfants nés à l'étranger d'épouses de guerre qui ont violé sans le savoir le règlement sur le domicile canadien avant l'âge de 24 ans. Toute personne qui voyageait, travaillait, faisait des études ou même son service militaire à l'étranger pouvait violer ce règlement. C'est ce qui est arrivé au sénateur Roméo Dallaire. C'est également ce qui est arrivé à Elizabeth Towner, dont la famille habite ici, à Ottawa. Elle faisait des études en soins infirmiers psychiatriques à Londres, en Angleterre, et elle a perdu sa citoyenneté.
Le problème n'ira qu'en s'aggravant à mesure que ces enfants d'épouses de guerre atteindront l'âge nécessaire pour toucher une pension. D'autres personnes apprennent qu'ils ne sont pas citoyens quand ils demandent quelque chose de très simple, comme un permis de conduire. C'est ce qui est arrivé à Suzanne Rouleau. Il y a un effet de boule de neige. Sa sœur, Denise Tessier, qui a témoigné l'année dernière à l'autre endroit, a également été touchée par cette situation. Elles ont toutes deux appris qu'elles n'étaient pas citoyennes. Certaines personnes apprennent également qu'elles ne sont pas citoyennes, quand elles présentent une demande de passeport. Ces personnes peuvent avoir eu un passeport par le passé, comme les Mennonites, à qui on avait dit qu'ils étaient citoyens. La situation commence à être ridicule.
Tout a changé maintenant. Le processus de demande est beaucoup plus rigoureux qu'il l'était par le passé quand on pouvait prendre le téléphone, appeler quelqu'un et parler à une personne en direct. Ce n'est plus comme ça, surtout depuis les événements du 11 septembre. Il y a de nombreux exemples d'épouses de guerre et d'enfants dont la citoyenneté est aujourd'hui mise en doute. Ces femmes ont survécu à la Seconde Guerre mondiale, et leurs parents ont survécu à la Grande Guerre. Elles savent plus que quiconque ce que signifie l'apatridie et l'importance de la citoyenneté.
Même si je suis convaincue que le ministère ne chassera pas une épouse de guerre de 87 ans qui se déplace avec une canne comme mon amie Doris Lloyd, qui m'a demandé de vous dire que la situation ne lui plaît pas, je ne sais pas ce qu'on fera des enfants. Le sort des Canadiens qui ont perdu leur citoyenneté sème la crainte dans le cœur de ces épouses de guerre. Elles ont très peur pour leurs enfants nés à l'étranger, qui sont arrivés au Canada quand ils étaient encore bébés sur les bateaux des épouses de guerre il y a plus de 60 ans. Un grand nombre de ces enfants n'ont jamais obtenu de passeport, ni demandé la citoyenneté et ils n'étaient pas au courant de la règle qui s'applique à l'âge de 24 ans. Ce sont eux qui sont, malgré eux, le plus durement touchés par la Loi sur la citoyenneté de 1947. Ils ne savaient pas que les règles avaient changé. Le projet de loi C-37 réglera le problème qui touche les épouses de guerre et leurs enfants nés à l'étranger, et il permettra à ces épouses de guerre, qui ont aujourd'hui 85, 86, 87 et parfois même 92 ans, de dormir sur leurs deux oreilles, sachant que la citoyenneté de leurs enfants est protégée. Vous pouvez me croire. On a dit à un grand nombre de ces enfants d'épouses de guerre qu'ils ne sont pas des citoyens et qu'ils ne sont pas les bienvenus dans notre pays si ce n'est que pour une visite. C'est ce qui est arrivé à Elizabeth Towner. Ses parents sont morts tandis qu'ils attendaient qu'elle récupère sa citoyenneté.
Il y a deux ans, les Canadiens ont célébré l'Année des épouses de guerre, et on a déroulé le tapis rouge pour elles dans tout le pays. Depuis, 2006 a cédé sa place à 2007, puis 2008 est arrivé, et il y a eu de nombreuses occasions d'évaluer le rôle des épouses de guerre dans l'histoire canadienne et leur place dans la mosaïque culturelle du Canada. En tant qu'historienne spécialiste des épouses de guerre canadiennes, j'ai pu constater que les épouses de guerre canadiennes sont différentes des autres. Elles sont différentes, et leurs enfants le sont aussi. Elles sont arrivées dans notre pays grâce au gouvernement canadien, qui a organisé et payé leur déplacement. Elles sont les coqueluches du Canada. Les gens aiment les épouses de guerre. Ils n'aiment pas la manière dont les épouses de guerre sont traitées par Citoyenneté et Immigration Canada. Les épouses de guerre ont fait l'objet de nombreux documentaires télévisés, d'articles de magazines, et d'émissions de télévision et de radio. La liste n'en finit plus. Les gens aiment les épouses de guerre canadiennes et ils n'aiment pas la manière dont elles sont traitées. Les femmes les plus vieilles, qui sont maintenant octogénaires et nonagénaires, ont peur de mourir avant qu'on règle la question de leur citoyenneté et celle de leurs enfants.
Je vous conjure d'adopter le projet de loi C-37. J'appuie entièrement ce projet de loi. J'insiste sur l'importance de ce projet de loi pour ce groupe particulier.
Le président : Nous vous remercions d'avoir présenté le point de vue des épouses de guerre.
Don Chapman, représentant, Lost Canadians Organization : Je crois que chacune des questions qui ont été posées aujourd'hui me concerne depuis que j'ai perdu ma citoyenneté canadienne, il y a de cela 47 ans. On m'a dépouillé de ma citoyenneté quand j'avais six ans, et je mène ce combat depuis l'âge de 18 ans. En fait, ce tas de papiers constitue mon dossier à Citoyenneté et Immigration Canada. Il a été ouvert quand j'avais 18 ans et que j'ai commencé à tenter de regagner ma citoyenneté canadienne. Dans mon passeport, il est indiqué que je suis né au Canada, mais je suis un immigrant. Ma sœur et mon frère ont été adoptés. Ils ont six et sept ans de plus que moi. Ils ont été apatrides pendant un an de leur vie parce que le Canada ne les reconnaissait pas. Aujourd'hui, le Canada les reconnaît, mais il ne me reconnaît toujours pas — mêmes parents, même situation. En passant, mon père était colonel pour le Canada pendant la Seconde Guerre mondiale. Il est mort tandis que son propre pays le privait de ses droits. Il s'agit du pays même qu'il a défendu. Il ne pouvait même pas être membre de la Légion canadienne parce qu'il avait pris la citoyenneté américaine. Je mène ce combat depuis longtemps.
Je commencerai par dire que le projet de loi C-37 ne réglera pas tout. Le Canada a désespérément besoin que l'on réécrive complètement et de manière intégrale la Loi sur la citoyenneté. En vertu des lois sur la citoyenneté actuelles, la citoyenneté est un droit légal au Canada. Dans la plupart des pays, elle est un droit constitutionnel. Elle est comme un panneau de limitation de vitesse; c'est comme ça que je la décrirais. Notre citoyenneté devrait être davantage qu'une limite de vitesse.
Très peu de personnes au Canada ont reconnu notre problème. En fait, d'aucuns croient que je suis fou parce que j'essaie de rectifier la situation depuis des années. Je suis le fondateur et le dirigeant de la Lost Canadians Organization. Je suis comme Erin Brockovich. Cette comparaison décrit bien mon combat. Au fil des ans, j'ai appris à connaître tous ces groupes. Pendant des années, des gens à qui on a enlevé leur citoyenneté ont communiqué avec moi. Ils habitent tous les coins du monde, mais le plus grand nombre d'entre eux est ici, au Canada. Il a été prouvé qu'environ 200 000 à 250 000 de ces personnes sont ici, au Canada. Je n'ai jamais prêté serment de citoyenneté à un autre pays. Je suis un Canadien de naissance et, dans mon cœur, je suis demeuré Canadien et fier de l'être. Mon combat dure depuis près d'un demi-siècle, et je ne peux donc pas le résumer en cinq minutes.
Le Canada est un État signataire de la Convention sur la réduction de l'apatridie, et le projet de loi C-37 est effectivement conforme à cette Convention. L'année dernière, le magazine Réfugiés des Nations Unies a consacré l'un de ses numéros à l'apatridie, et les Canadiens déchus de leur citoyenneté y prenaient une place importante. Ce numéro a ouvert les yeux à de nombreuses personnes parce que les Canadiens ne pensaient pas que leur pays ferait cela à son propre peuple. Je pense que c'était une honte pour le Canada que le magazine compare notre pays au Zimbabwe, au Sri Lanka et au Bangladesh en ce qui concerne les droits de citoyenneté.
Au cours des années, j'ai découvert qu'il y a une grande diversité de cas de Canadiens qui ont été déchus de leur citoyenneté et je suis, en quelque sorte, devenu un spécialiste de la citoyenneté et de l'identité. Les lois dont il est question sont très anciennes et désuètes. Comme j'en ai témoigné devant votre comité il y a quatre ans, malheureusement, à cause de ces lois et de la bureaucratie, on a annulé une décision unanime de la Cour suprême, et environ 150 Canadiens ont perdu leur citoyenneté en conséquence.
Cependant, je me souviens d'avoir dit que nous sommes les descendants des Célèbres cinq. Le Canada est devenu un pays en 1867; en 1868, il a défini pour la première fois l'identité canadienne dans le cadre de la Loi de naturalisation. Selon le libellé exact de la loi : « les femmes mariées, les enfants, les faibles d'esprit et les idiots font partie de la même catégorie de personnes handicapées pour ce qui est de l'obtention de la nationalité ». Les femmes et les enfants étaient les biens personnels de leurs maris ou de leurs pères. Il est possible que cette loi vous touche parce que je pense que nous sommes tous nés après 1868. Si vous retournez dans le temps, vous pourriez vous rendre compte que votre citoyenneté dépend non pas de vous, mais de votre père.
En 1793, le Canada a aboli l'esclavage, mais laissez-moi vous dire comment. Le gouvernement a affirmé que tous ceux qui étaient esclaves le demeureraient jusqu'à leur mort, mais que leurs enfants seraient libres.
En 1977, le Canada a adopté sa dernière Loi sur la citoyenneté, qui est devenue lourde et d'application malaisée. Le gouvernement a déclaré que les enfants du Canada nés avant 1977 seraient traités d'une certaine manière. Votre propre pays pouvait vous priver de vos droits à vie, comme on me l'a fait à moi. Par contre, ceux nés après 1977 n'avaient rien à craindre.
Aujourd'hui, ici, au Sénat, 140 ans de discrimination devraient prendre fin. Le projet de loi C-37 devrait être adopté immédiatement sans modification aucune. Le projet de loi est comme un château de cartes. Si nous essayons d'y toucher, le tout s'écroulera.
Au cours de la dernière année, j'ai probablement témoigné plus d'une douzaine de fois devant l'autre endroit. La question a été examinée de manière approfondie, et la Chambre a adopté le projet de loi à l'unanimité. Cela dit, tout reste à faire. Le Canada a une Loi sur la citoyenneté, que même Donald Galloway, que je respecte beaucoup, ne comprend pas. La loi a donné lieu à un si grand nombre de poursuites judiciaires qu'elle est maintenant impraticable.
Il s'agit du cinquième projet de loi auquel j'ai travaillé; il y a eu les projets de loi C-428, C-323, S-17, S-2, et nous en sommes maintenant au projet de loi C-37. Depuis que je travaille à ce dossier, c'est-à-dire depuis très longtemps, c'est vous, le Sénat du Canada, qui avez été notre sauveur. Nous ne pouvons rien accomplir à l'autre endroit; ils ne font que discuter de politiques.
La citoyenneté n'est pas une bête politique; elle appartient à tout le monde. Dès que le projet de loi C-37 sera adopté — et il devrait l'être immédiatement — nous devrions commencer à travailler à la création d'une nouvelle Loi sur la citoyenneté. C'est ce qui importe vraiment.
Nous pouvons aborder le problème du Conseil canadien pour les réfugiés parce que le projet de loi ne sera pas mis en œuvre avant un an. J'espère que nous pouvons entre temps créer une nouvelle Loi sur la citoyenneté, qui permettra aux gens qui se sont innocemment rendus aux États-Unis pour des raisons valides de conserver leur citoyenneté.
L'une de ces personnes, qui est au stade ultime d'une insuffisance rénale, m'a appelé et a dit : « Je suis allé aux États- Unis et ils disent que je suis un étranger clandestin; mais je ne peux pas retourner dans mon propre pays parce qu'on me dit maintenant que je ne suis plus canadien. Je ne peux même pas retourner dans mon propre pays pour mourir. »
Nous ne pouvons pas permettre que des gens, y compris des anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale, soient privés de leurs droits. Adoptez le projet de loi C-37 maintenant et commencez immédiatement à travailler à la création d'une nouvelle Loi sur la citoyenneté.
Le président : Merci beaucoup. Je suis certain que de nombreuses personnes sont reconnaissantes de tout le travail que vous avez fait au fil des ans pour défendre la cause des Canadiens qui ont été déchus de leur citoyenneté; cette cause est la vôtre, et vous aidez également d'autres personnes comme vous.
M. Chapman : Ce n'est plus ma propre cause depuis longtemps.
Le président : J'aimerais poser une question à M. Janzen. J'aimerais lui donner la chance de parler du problème mexicain.
Monsieur Janzen, vous avez parlé d'affaires importantes, mais, comme vous l'avez mentionné, le projet C-37 ne les réglera pas toutes. Peut-être pourriez-vous nous faire part de votre opinion à cet égard, et particulièrement en ce qui concerne l'affaire du Mexique.
M. Janzen : Quand le projet de loi deviendra une loi, les quatre situations que j'ai mentionnées n'auront plus lieu. Il y a encore des cas de personnes qui atteignent l'âge de 28 ans; les premiers qui sont nés en 1977 ont eu 28 ans en 2005. De nombreuses personnes auront atteint l'âge de 28 ans entre 2005 et le jour où ce projet de loi entrera en vigueur. Nous aurons à composer avec cette situation, et j'espère que la ministre appliquera le paragraphe 5(4) avec générosité afin que nous puissions régler ce problème.
Les quatre situations que j'ai citées en exemple et toutes les situations semblables ne peuvent plus avoir lieu. Je peux vous assurer qu'il ne s'agit pas actuellement de cas isolés. Les situations comme celles que j'ai mentionnées sont nombreuses, et c'est pourquoi j'ai grand espoir que vous pourrez adopter ce projet de loi rapidement.
Le président : Pouvez-vous nous parler du Mexique?
M. Janzen : Vous voulez parler de la situation relative au mariage?
Le président : Oui. Les personnes dont je parle sont-elles touchées par cette situation?
M. Janzen : La loi canadienne sur la citoyenneté de 1947 concordait avec la Loi sur la naturalisation de l'Empire britannique précédente, ce qui a eu l'effet suivant : si vous étiez né à l'extérieur du Canada, vous deveniez un citoyen canadien le 1er janvier 1947, à condition d'être né dans les liens du mariage d'un père canadien et de ne pas avoir eu 21 ans avant le 1er janvier 1947.
La condition relative aux liens du mariage a eu des répercussions sur les mennonites qui habitaient au Mexique et qui suivaient la pratique qu'ils avaient suivie au Canada, c'est-à-dire qu'ils se mariaient dans les églises. Ils ne savaient pas que le droit mexicain ne reconnaît aucunement les mariages religieux. Vous devez vous marier au civil, car, si vous ne le faites pas, vous n'êtes pas marié selon le droit mexicain.
On faisait les choses de manière beaucoup moins rigoureuse à cette époque, et des fonctionnaires canadiens ont délivré des certificats de citoyenneté à des gens qui présumaient être nés dans les liens du mariage. Dans certains cas, je sais qu'ils ont simplement présenté un élément de preuve à l'appui du mariage religieux; je ne sais pas combien de fois cela est arrivé. Par contre, je sais qu'il y a eu pas mal de cas au cours des années qui sont suivi où des gens ont subséquemment obtenu un certificat de mariage civil, ce qui était considéré comme adéquat pendant un certain temps.
Par conséquent, divers types de certificats ont été délivrés à un parent ou à un enfant. Il y a donc deux problèmes en cause. Premièrement, quand de tels certificats ont été délivrés, peuvent-ils être révoqués? Vous avez entendu la ministre affirmer ici ce matin que si ces gens n'étaient pas vraiment des citoyens, nous avons commis une erreur quand nous leur avons délivré leurs certificats. Ils n'avaient pas droit à ces certificats. Nous avons donc le droit de les révoquer.
Vu comme ça, cela paraît logique. Néanmoins, si des gens ont eu un certificat de citoyenneté pendant 20 ou 30 ans, ou deux ou trois générations, et qu'ils ne font pas preuve de mauvaise foi, on peut espérer de la compassion et de la clémence. Pourquoi ne pas simplement les laisser garder leurs certificats?
La question de la révocation d'un certificat constitue une partie du problème.
Le président : Ces personnes sont visées par le projet de loi C-37?
M. Janzen : Non, elles ne le sont pas. Nous ne voulons pas retarder l'adoption du projet de loi pour régler ce problème. Je crois qu'une politique du gouvernement à cet égard suffirait pour le régler. Nous ne demandons pas que l'adoption du projet de loi soit retardée pour cette raison.
Le président : D'accord.
M. Janzen : Il s'agit d'un autre problème.
Le sénateur Keon : Vos recommandations à tous les trois sont très claires. J'espère que nous pourrons adopter ce projet de loi rapidement, et c'est ce que je recommanderai.
Je ne commencerai pas à parler de la complexité et de la subtilité de la question. Le sénateur Milne et moi avons tous deux parlé de ce projet de loi à l'occasion de sa deuxième lecture, et nous avons fondamentalement dit la même chose. Le projet de loi n'est pas parfait, mais il s'agit de ce que nous avons de mieux. Nous devons donc procéder à son adoption.
Je ne vous pose pas de question.
Le sénateur Milne : Madame Jarratt, en ce qui concerne les épouses de guerre qui sont arrivées ici avec leurs enfants nés à l'étranger, leurs petits-enfants pourront-ils revendiquer la citoyenneté en vertu de ce projet de loi s'ils sont eux aussi nés à l'étranger?
M. Chapman : Je pense pouvoir répondre à cette question. J'ai été renseigné à cet égard par des représentants, et il s'agit d'une bonne question à mettre au clair auprès d'eux. Ils seront considérés comme des Canadiens parce que, à l'époque, il y a eu un décret selon lequel les enfants des épouses de guerre auraient le même statut que leur père. En conséquence, ils seront considérés comme des Canadiens à partir du 1er janvier 1947, qu'ils soient nés dans les liens du mariage ou non. Ils seront considérés comme ayant été nés au Canada. Leurs enfants seront donc canadiens.
Le sénateur Milne : Ils n'auront pas de problème pour une autre génération.
M. Chapman : En passant, mes enfants sont nés à l'extérieur du Canada. Cette situation me concerne, mais elle ne m'inquiète pas. Nous avons 22 ans pour trouver une solution.
Le sénateur Milne : Monsieur Chapman, vous avez dit que la bureaucratie a annulé une décision de la Cour suprême.
M. Chapman : Oui.
Le sénateur Milne : Ce n'est pas possible.
M. Chapman : Permettez-moi de m'expliquer. Je me suis présenté devant vous et je vous ai dit que si j'étais né dans tout autre pays du monde, je serais aujourd'hui canadien, et mes enfants le seraient aussi. Comme je suis né au Canada, je ne suis pas Canadien, et mes enfants non plus. Chacun de vous a pensé que cela était insensé. Vous avez raison. Rien de tout cela n'est sensé. Les lois sont vraiment bizarres. La décision dont il est question est celle de la Cour suprême dans l'arrêt Benner c. Canada, dans laquelle on a déclaré que la Loi sur la citoyenneté de 1947 était ouvertement discriminatoire, surtout contre les femmes, parce qu'elles n'avaient pas de droits, aux termes de cette loi.
Essentiellement, on a accordé la citoyenneté à tous les enfants nés à l'étranger d'un parent canadien, en présumant que la citoyenneté des enfants canadiens était déjà protégée, mais elle ne l'était pas. Une semaine après que j'ai témoigné à ce sujet, le directeur général a affirmé que le témoin parlait d'une décision transitoire de la Cour suprême, qui expirerait le 14 août 2004. On est donc revenu aux dispositions désuètes qui ont causé tous ces problèmes, et cela s'est passé sous vos yeux. Il s'agit d'un événement d'une grande importance.
C'était, en quelque sorte, une usurpation d'identité et le crime parfait.
Le sénateur Milne : Ce n'est pas la bureaucratie qui a annulé cette décision. C'était une décision provisoire; il y avait une date d'expiration.
M. Chapman : C'était une décision provisoire, mais la Cour suprême ne veut pas faire de lois; elle veut les interpréter. Elle l'a renvoyée aux parlementaires en leur disant : « Faites-le », mais ils ne l'ont pas fait. Dès lors, la situation est devenue très compliquée. Essentiellement, les femmes n'avaient pas les mêmes droits que les hommes. Nous sommes les descendants des Célèbres cinq. Vous pouvez participer activement à leur histoire et devenir célèbre comme elles.
Le sénateur Milne : Nous ne parlerons pas de ça.
Monsieur le président, j'appuie largement l'adoption la plus rapide possible de ce projet de loi. Je suis d'accord avec les témoins relativement à tout ce qu'ils ont dit. On doit impérativement régler le problème de la Loi sur la citoyenneté, mais l'adoption de ce projet de loi est également essentielle.
Le président : Monsieur Janzen, avez-vous un commentaire à faire?
M. Janzen : J'aimerais faire un commentaire sur les personnes qui font du travail de bienfaisance et de développement international à l'étranger. À tout moment, plusieurs centaines de représentants de notre organisation travaillent à l'étranger dans les domaines de la santé, de l'agriculture et de l'enseignement. Je comprends très bien la cause défendue. Au fil des ans, j'ai eu plusieurs discussions avec des fonctionnaires. Dans une certaine mesure, je comprends qu'ils ont besoin d'un texte qui est très clair; sinon, ce texte ne résistera pas à une analyse approfondie fondée sur la Charte. Dans la loi actuelle, il existe un concept qu'on appelle les « liens manifestes ». La manière d'interpréter l'expression « liens manifestes » fait l'objet de nombreux débats.
Même si je crois qu'il faut reconnaître les enfants nés des travailleurs en développement international et autres, je comprends également la nécessité d'un texte clair pour que l'on sache à quoi s'en tenir.
Le sénateur Brown : Moi aussi, j'appuie entièrement le projet de loi.
Pouvez-vous mettre quelque chose au clair pour moi? Ma fille est née à l'étranger il y a 40 ans, mais elle est considérée à la fois comme Américaine et comme Canadienne parce que je suis Canadien et que ma femme était à l'époque Américaine. Pour réaffirmer sa citoyenneté américaine, elle était tenue de demeurer seulement un an aux États-Unis avant d'atteindre l'âge de 25 ans. Je suis un peu confus.
M. Chapman : Il y a de la confusion depuis les débuts de la citoyenneté canadienne. J'espère que nous en aurons bientôt terminé avec cette confusion. Il y a peut-être un règlement bureaucratique qui joue contre votre fille et un autre qui joue en sa faveur. Il y avait un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale que l'on a déchu de sa citoyenneté quand il est entré à l'hôpital. Toutes ces années, il avait été considéré comme un Canadien. Ce projet de loi rectifiera cette situation. Une fois pour toutes, il n'y aura plus de confusion. Votre fille sera Canadienne.
Le sénateur Brown : Je comprends. J'appuie le projet de loi. Ma fille et ma femme ont toutes les deux eu les deux passeports. Ma femme a dû mener un combat auprès du gouvernement américain pendant 19 ans afin de pouvoir obtenir la citoyenneté canadienne sans avoir à renoncer à sa citoyenneté américaine.
M. Chapman : Le problème que vous soulevez est important parce que les frontières étaient poreuses il y a de cela plusieurs années. Cette situation était très courante. Maintenant, nous avons un problème.
La citoyenneté dans notre pays n'est pas conforme à la Charte. La Loi sur la citoyenneté doit maintenant se conformer à la Charte.
Le président : Je remercie toutes les personnes qui se sont présentées ici aujourd'hui, ainsi que les deux groupes de représentants et la ministre, qui étaient ici au début de la séance. Nous vous autorisons maintenant à vous retirer, et le comité examinera la question.
Chers collègues, nous avons entendu les témoignages. Nous pouvons maintenant procéder à l'examen article par article du projet de loi C-37. Nous pouvons faire cela aujourd'hui, ou, si vous voulez encore réfléchir, attendre à mercredi prochain. Vous pouvez traiter du projet de loi tel qu'il est, l'amender ou formuler d'autres observations. Par suite de certaines des observations que nous avons entendues aujourd'hui en ce qui concerne une révision de la Loi sur la citoyenneté, vous pouvez formuler des observations sous forme d'addenda. Vous voudrez peut-être traiter de cette question à l'occasion de la troisième lecture du projet de loi au Sénat. Voilà certaines de vos options en ce qui concerne le projet de loi.
Le sénateur Milne : Je propose qu'on examine le projet de loi article par article dès aujourd'hui.
Le sénateur Cordy : Je pense moi aussi que nous devrions adopter le projet de loi aujourd'hui, mais je me demande si on devrait y joindre un addenda pour recommander que la situation relative à la Loi sur la citoyenneté soit étudiée et pour adopter le projet de loi sans modification, parce que les témoins ont affirmé qu'il était important d'agir rapidement. On a mentionné la révocation de certificats. M. Janzen a parlé de la révocation de certificats et a affirmé que la ministre devrait peut-être être plus favorable aux personnes qui ont depuis longtemps un certificat et être plus généreuse à leur égard.
Le sénateur Callbeck : Je crois moi aussi qu'on devrait adopter le projet de loi, mais il devrait y avoir des observations. L'une de ces observations devrait faire état de la nécessité de réviser la loi. Cette dernière cause évidemment de graves problèmes.
Le sénateur Brown : J'aimerais qu'on adopte le projet de loi parce que je crains qu'il sera retardé pendant de nombreuses semaines, ou même jusqu'à l'automne, si on commence à suggérer des modifications.
Le président : S'il y avait des modifications, on serait tenu, tôt ou tard, de renvoyer le projet de loi devant la Chambre des communes.
Le sénateur Fairbairn : Je suis d'accord. Nous avons entendu des observations importantes. Je crois moi aussi qu'on devrait adopter le projet de loi le plus rapidement possible et en finir, mais je pense qu'il devrait y avoir des observations, car ces dernières sont importantes. Elles ne sont peut-être pas aussi importantes pour les gens qui se sont adressés à nous que pour leur famille. Le comité devrait rédiger un addenda.
Le président : Permettez-moi de résumer vos observations. Vous voulez examiner le projet de loi article par article dès aujourd'hui. Le comité veut adopter le projet de loi sans modification et établir un rapport à cet égard, mais il veut également ajouter des observations au rapport en ce qui concerne la nécessité d'étudier la Loi sur la citoyenneté aux fins d'une révision éventuelle et la nécessité de tenir compte d'autres catégories de personnes dont nous avons entendu parler aujourd'hui, y compris celles touchées par la question de la révocation, comme l'a dit le sénateur Cordy.
Le sénateur Milne : N'oubliez pas la conformité avec la Charte.
Le président : Oui, la conformité avec la Charte également. Nous pouvons ajouter ces observations au rapport. Elles n'exigent pas une modification ni que l'on retarde l'adoption du projet de loi. Il s'agit d'observations à l'intention de la ministre qui seront versées au dossier.
Le sénateur Brown : Pouvons-nous ajouter aux observations du sénateur Cordy la proposition d'une amnistie quelconque pour les épouses de guerre dont nous avons entendu parler? Nous ne pouvons évidemment pas nous-même déclarer une amnistie, mais nous pouvons en faire la suggestion.
Le président : Je pense qu'elles sont toutes visées. Selon les témoignages, il semble que cette modification, c'est-à-dire le projet de loi C-37, viserait toutes les épouses de guerre.
Le sénateur Brown : Merci.
Le président : Je pense que nous avons résumé l'essence de la séance. Les attachés de recherche savent-ils ce que nous voulons inclure dans les observations?
Le sénateur Keon : Nous voulons deux articles : le premier sera sur la révision de la Loi sur la citoyenneté, et l'autre portera sur la conformité avec la Charte.
Le sénateur Milne : Un professeur en droit qui se spécialise en immigration n'arrive pas à comprendre.
Le président : Mme Reynolds me pose des questions sur l'ébauche des observations. L'attaché de recherche et moi travaillerons à cette ébauche, et nous la distribuerons aux membres. Nous n'aurons donc pas à traiter de cette affaire à l'occasion d'une autre séance. C'est la raison pour laquelle je voulais résumer les observations.
Le sénateur Milne : Je suggère que le comité de direction se charge de l'ébauche des observations.
Le président : Cela conviendrait également. Je suis d'accord. Le comité de direction est composé du sénateur Keon, du sénateur Pépin et de moi. Nous nous en chargerons et vous la soumettrons.
Nous avons convenu de procéder à l'examen du projet de loi, article par article. Il s'agit du jargon standard.
Le titre et l'article 1 devraient-ils être réservés?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 2 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 3 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 4 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 5 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 6 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 7 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 8 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 9 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 10 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 11 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 12 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 13 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : L'article 15 est-il adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Nous revenons à l'article 1, qui a été réservé. L'article devrait-il être adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Le titre devrait-il être adopté?
Des voix : D'accord.
Le président : Acceptez-vous que le projet de loi soit adopté sans modification?
Des voix : D'accord.
Le président : Avec des observations. Puis-je faire rapport du projet de loi et des observations à la prochaine séance du Sénat ou quand les observations seront prêtes la semaine prochaine?
Des voix : D'accord.
Le président : Le projet de loi est adopté.
Cela veut dire que le projet C-37 a été adopté sans modifications, mais avec des observations. J'en ferai rapport au Sénat. Voilà qui règle la question du projet de loi C-37.
Pourriez-vous porter votre attention sur les documents relatifs aux budgets. Il s'agit des budgets de nos deux sous- comités, dont l'un se consacre à l'étude des villes, et l'autre, à l'étude de la santé de la population. Il y a également un budget pour l'étude spéciale sur l'apprentissage précoce et la garde d'enfants. Nous avions autorisé cette étude au cours du dernier exercice financier, mais le présent budget est pour l'exercice financier en cours et prévoit des fonds additionnels qui peuvent être nécessaires ou pas. Enfin, il y a le budget pour la portion législative de notre programme, qui, comme vous pouvez le voir, traite des repas.
Y a-t-il des questions ou des commentaires sur les budgets à l'étude? On parle de plus de 600 000 $. Nous n'avons probablement pas dépensé autant d'argent au cours des deux dernières années combinées, mais nous n'avons pas voyagé autant que nous le faisons maintenant.
Le sénateur Keon : Monsieur le président, en ce qui concerne votre participation au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, je crois qu'il s'agit du comité le plus occupé du Sénat.
Le président : Ce comité est effectivement très occupé. Il n'y a aucun doute.
Chers collègues, je sais que vous accordez toute votre attention au budget, mais pouvons-nous l'adopter? Y a-t-il des questions ou des commentaires sur les articles du budget? Sinon, nous devons être saisis d'une motion relative à chaque budget.
Nous sommes saisis d'une motion du sénateur Pépin concernant l'étude des villes. Êtes-vous d'accord?
Des voix : D'accord.
Le président : La motion est adoptée.
Nous sommes saisis d'une motion du sénateur Keon concernant le budget de l'étude sur la santé de la population. La motion est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : La motion est adoptée.
Nous sommes saisis d'une motion présentée par le sénateur Pépin relativement à l'étude spéciale sur l'apprentissage précoce. La motion est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : La motion est adoptée?
Nous sommes saisis d'une motion présentée par le sénateur Keon en ce qui concerne le budget législatif. La motion est-elle adoptée?
Des voix : D'accord.
Le président : La motion est adoptée.
S'il n'y a rien d'autre, la séance est levée.
La séance est levée.