Aller au contenu
APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 5 - Témoignages du 5 mai 2009


OTTAWA, le mardi 5 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui à 9 h 30 pour examiner le projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes.

Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte. Bonjour. Je souhaite la bienvenue aux honorables sénateurs, aux membres du public et à toutes les personnes qui suivent en direct cette audience du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones.

Je suis le sénateur St. Germain, de la Colombie-Britannique, et je préside le comité. Notre mandat consiste à examiner des projets de loi ainsi que les questions relatives aux peuples autochtones du Canada, de manière générale.

[Français]

Avant d'entrer dans le cœur de l'étude du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, laissez-moi vous présenter les membres du comité qui sont présents aujourd'hui.

[Traduction]

Nous avons à ma gauche le vice-président du comité, le sénateur Sibbeston des Territoires du Nord-Ouest, le sénateur Brazeau du Québec, le sénateur Brown de l'Alberta, le sénateur Raine de la Colombie-Britannique, le sénateur Lang du Yukon, le sénateur Lovelace Nicholas du Nouveau-Brunswick et le sénateur Hubley de l'Île-du-Prince- Édouard. De l'autre côté, à ma droite, nous avons le sénateur Peterson de la Saskatchewan, mon excellent collègue de la Colombie-Britannique, le sénateur Campbell, et enfin, dernière dans mon énumération mais pas la moindre, le sénateur Fairbairn de l'Alberta. Bienvenue à tous.

Le comité continue aujourd'hui son examen du projet de loi C-5 destiné à préciser et élargir les pouvoirs de réglementation existants et à ajouter de nouveaux pouvoirs, notamment en ce qui concerne les licences, les permis et les baux de prospection et d'exploitation du pétrole et du gaz naturel sur les terres des réserves, ainsi que le calcul et le versement des redevances.

La semaine dernière, sous l'excellente présidence du sénateur Hubley, le comité a recueilli le témoignage du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui était accompagné de son secrétaire parlementaire, de collaborateurs du ministère et de représentants de Pétrole et gaz des Indiens du Canada.

La semaine dernière aussi, l'absence du président et du vice-président du comité a été remise en question par un sénateur qui a dit, en substance, qu'il exprimait la plus vive objection au fait que le comité se réunisse sans président ni vice-président et a tenu à souligner officiellement que c'était là une chose sans précédent et inacceptable.

Le greffier avait indiqué au comité que le président et le vice-président avaient été obligés de s'absenter pour une raison inévitable. Aujourd'hui, je suis dans l'obligation de corriger l'affirmation du sénateur en disant que le fait qu'une séance de comité soit présidée par un autre membre du comité n'était pas sans précédent. En vertu de l'article 11 du Règlement du Sénat du Canada, le greffier du comité avait présidé l'élection d'un président intérimaire. Cette règle découle de l'article 1(1) du Règlement du Sénat du Canada qui dispose que :

Dans tous les cas non prévus au Règlement, le Sénat ou ses comités suivent, compte tenu des adaptations de circonstances, les coutumes, formalités et procédures de l'une ou l'autre Chambre du Parlement du Canada.

Cette question étant réglée, nous passons à l'ordre du jour. Nous accueillons aujourd'hui quatre membres du Conseil des ressources indiennes, lequel représente les Premières nations produisant du pétrole et du gaz naturel. Ce sont Ermol Gray, président du Conseil des ressources indiennes, Roy Fox, président-directeur général du conseil, Delbert Wapass, chef adjoint de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, et Wayne Faithful, conseiller de la Première nation de Frog Lake.

Bienvenue à vous, messieurs.

Errnol Gray, président, Conseil des ressources indiennes :

[M. Gray s'exprime en langue autochtone.]

Bonjour, monsieur le président et honorable sénateurs. Permettez-moi de faire quelques remarques liminaires au nom du conseil d'administration, après quoi je laisserai la parole à notre président, Roy Fox. Je veux d'abord présenter la délégation représentant le Conseil des ressources indiennes. Je m'appelle Errnol Gray et je suis de la Première nation Aamjiwnaang. Je fais partie du conseil d'administration du CRI depuis 22 ans. Roy Fox est président et PDG du CRI. Delbert Wapass est vice-chef de la Federation of Saskatchewan Indian Nations, et Wayne Faithful est conseiller de la Première nation de Frog Lake et membre du conseil d'administration de la Frog Lake Energy Resource Corporation.

Nous vous remercions de nous avoir invités à témoigner au sujet du projet de loi C-5. Notre témoignage sera similaire à celui que nous avons fait devant le Comité permanent de la Chambre des communes le 3 mars 2009, avec quelques mises à jour importantes.

Le CRI a participé activement à la formulation de ce projet de loi qui nous intéresse directement, et nous espérons contribuer à son adoption rapide. Nous estimons que ce projet de loi est absolument nécessaire pour permettre une réglementation efficiente et efficace de l'activité des entreprises sur nos terres.

Le Conseil des ressources indiennes, qui regroupe plus de 130 Premières nations détenant des intérêts et des droits en matière de pétrole et de gaz naturel, a pour fonction de représenter ses membres afin de s'assurer que les politiques fédérales renforceront le rôle de l'État dans la gestion de nos ressources tout en améliorant et en rehaussant les possibilités de développement économique offertes par le secteur du pétrole et du gaz naturel aux Premières nations et à leurs membres.

Nous avons communiqué le mieux possible à nos membres les modifications proposées dans ce projet de loi, de façon à recueillir leur opinion. Le CRI a collaboré avec le Canada pour formuler un projet de modernisation durable de la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. Nous avons mis sur pied un comité directeur pour gérer le processus, ainsi que deux comités techniques mixtes pour traiter les aspects techniques du projet de loi et des textes réglementaires qui en découleront.

Le travail du premier comité technique mixte se reflète dans le projet de loi lui-même. Ce comité a déjà commencé à élaborer le régime de réglementation que permettra le projet de loi.

Monsieur le président, cela fait plus de 10 ans que nous travaillons sur ce projet de loi et je peux vous dire que nous avons une bonne connaissance des préoccupations de nos membres. Certaines d'entre elles ont été prises en compte dans les modifications proposées aujourd'hui et d'autres le seront à l'étape de la réglementation et dans le processus de changement continu dont nous sommes convenus avec le ministre. Le projet de loi dont vous êtes saisis est le fruit d'un compromis entre le CRI et le Canada.

Le deuxième comité technique mixte se consacre à ce que nous appelons le processus de « changement continu ». Son rôle consiste à examiner les questions qui n'ont pas été complètement réglées dans le projet de loi lui-même, autrement dit la modernisation et les changements futurs à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, la gestion et le contrôle par les Premières nations de leurs ressources en pétrole et en gaz, et les questions de développement économique et commercial qui seront inévitablement soulevées par les Premières nations lorsque nous aborderons la prochaine série de modifications.

Nous sommes ici aujourd'hui pour exprimer officiellement notre appui à cette initiative, pour vous parler de notre programme de changement continu dans la gestion du pétrole et du gaz des terres indiennes et, surtout, pour répondre à vos questions sur le projet de loi C-5 et sur notre rôle dans ce contexte.

Avant de donner la parole à M. Fox, je tiens à répéter que ce projet de loi est le fruit d'un compromis. Nous savons que d'autres parties continuent à réclamer d'autres modifications. Si vous décidez d'approuver les modifications proposées aujourd'hui, nous vous demanderons de vous pencher ensuite sur toutes les modifications que nous avons proposées dans le passé. Il y en a au moins une trentaine. Il serait regrettable, à notre avis, de ne pas adopter le projet de loi pour entreprendre l'examen de ces modifications additionnelles car cela nous empêcherait de faire des progrès pendant au moins 10 années de plus.

Je tiens à souligner que nous avons examiné attentivement toutes les préoccupations qui ont été exprimées. De fait, le projet de loi a été reformulé 14 fois pour apporter des modifications répondant aux préoccupations des Premières nations. Avec le processus de changement continu, nous pourrons continuer d'examiner les autres préoccupations des Premières nations.

Sur ce, je laisse la parole à M. Fox.

Roy Fox, président-directeur général, Conseil des ressources indiennes :

[M. Fox s'exprime en langue autochtone.]

Merci, monsieur Gray, de votre travail à la direction du Conseil des ressources indiennes et merci, monsieur le président et honorables sénateurs, de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. Je voudrais vous présenter la position du Conseil des ressources indiennes sur l'exploitation du pétrole et du gaz naturel de nos terres et vous dire quelques mots de ce que nous faisons.

Notre rôle est de faire en sorte que les Premières nations membres du Conseil tirent le meilleur rendement possible de leurs ressources en pétrole et en gaz naturel et de veiller à ce que Pétrole et gaz des Indiens du Canada, PGIC, gère ses terres avec prudence dans son rôle de fiduciaire. Nous avons tenté de nombreuses manières d'atteindre ces objectifs importants au cours des années.

Au début, il s'agissait pour nous d'obtenir des redevances justes et équitables. Avec le temps, notre rôle a évolué, à mesure que nous réalisions que nous pouvions participer de manière plus active aux activités commerciales et à la mise en valeur de nos ressources. De fait, rehausser cette participation directe est devenu un objectif fondamental de notre organisation.

Exercer un plus grand contrôle sur nos ressources de pétrole et de gaz naturel doit bien sûr nous amener aussi à accroître notre possibilité de participer à l'aspect commercial de l'industrie, dans l'intérêt de toutes les Premières nations et de leurs membres. Pour ce faire, nous avons besoin d'un régime juridique moderne et solide, comprenant des règles parfaitement claires que tout le monde comprend bien, notamment les entreprises. Le projet de loi C-5 établira précisément un tel régime, ce qui attirera des entreprises sur nos terres et multipliera les possibilités d'investissement et d'emploi pour nos membres.

La Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, la LPGTI, constitue le cadre de gestion et de mise en valeur du pétrole et du gaz de nos terres. Le CRI travaille depuis environ 1999 avec PGIC et AINC pour moderniser la LPGTI.

Le but de ces modifications est de fournir à Pétrole et gaz des Indiens du Canada — organisme fiduciaire de gestion et de réglementation de nos ressources — un outil plus moderne pour s'acquitter de ses fonctions importantes. Nous croyons que les modifications proposées dans ce texte de loi donneront à PGIC les pouvoirs nécessaires pour assurer le bon comportement des entreprises au nom des Premières nations.

Notre président a mentionné le travail des comités techniques dans ce contexte. J'aimerais vous donner quelques précisions sur le travail du premier comité technique mixte, le JTC1.

Le JTC1 est composé de représentants du Canada et de membres des Premières nations faisant partie de notre Conseil et représentant la plupart des principales Premières nations productrices de pétrole et de gaz naturel, lesquelles ont évidemment intérêt à ce que les modifications proposées soient adoptées. Nous avons eu une participation régulière et soutenue des Premières nations depuis que ce processus a sérieusement démarré, en 2002.

Nous avons ainsi obtenu continuellement la participation des personnes suivantes : Lester Bull des quatre Premières nations de Hobbema, Wilma Jackknife et Mel Abraham des Tribal Chiefs of Alberta, Kevin Akimnachie des Dene Tha', Bernard Fox de la tribu des Blood, Thomas Manyheads de la Nation Siksika, John D. Snow de la tribu Stoney, et Annette Lonechild et Harold Jimmy de la FSIN.

Depuis que ce processus a été relancé, pendant l'été 2006, ce groupe s'est occupé des aspects les plus détaillés de l'élaboration d'un cadre législatif sur lesquels nous pourrions tous nous entendre, de la négociation des instructions de rédaction pour l'élaboration du texte de loi par le Canada, et de la révision du texte définitif avant son dépôt devant le Parlement, lors de la dernière législature, sous la forme du projet de loi C-63, après au moins 14 moutures différentes. Ce groupe était également chargé de tenir les Premières nations et les chefs informés et de communiquer leurs réactions au comité mixte. Il s'agissait donc d'un processus de coopération qui nous a menés à une position commune sur ce que contiendrait le texte et sur ce qui serait laissé de côté pour être traité plus tard.

Comme dans toute situation ou négociation de cette nature, concernant des intérêts et des besoins divergents, nous n'avons pas obtenu tout ce que nous voulions, et vous non plus, les représentants du Canada. Par contre, nous avons obtenu un accord sur certaines modifications fondamentales à la loi qui régit notre activité, dans l'intérêt de nos Premières nations.

Nous nous sommes également entendus sur un processus de changement continu et un processus de modification réglementaire qui permettra d'examiner les préoccupations additionnelles et valides des Premières nations. Ce travail a déjà commencé et on estime qu'il faudra 12 à 18 mois pour l'achever. Nous avons l'intention de faire participer nos membres à un exercice de consultation approfondi pour faire en sorte que leurs préoccupations soient sérieusement prises en compte.

En plus de travailler avec PGIC et AINC sur cette initiative, nous avons déployé beaucoup d'efforts pour tenir nos membres informés de ces discussions.

La participation des Premières nations concernées est évidemment très importante pour qu'une nouvelle initiative comme celle-ci soit acceptée et validée. Bien que la plupart de nos membres se trouvent en Alberta et en Saskatchewan, nous nous sommes également déplacés pour rencontrer des parties intéressées en Colombie-Britannique, en Ontario et dans les provinces de l'Atlantique.

Nous avons aussi organisé deux symposiums pour communiquer tous les détails de cette proposition à nos membres afin qu'ils puissent en débattre en détail. Nous avons aussi répondu aux demandes de renseignements complémentaires formulées par certaines Premières nations, ce que nous continuerons de faire à mesure que le processus de réglementation avancera.

Finalement, les membres du CRI ont examiné et analysé l'évolution de cette initiative durant chacune des assemblées générales que nous avons tenues ces dernières années. Nos membres ont continuellement approuvé cette initiative en adoptant diverses résolutions d'appui lors de nos AGA. L'appui de nos membres est authentique mais il y a encore beaucoup à faire.

Cette série d'amendements fournira au PGIC des outils et pouvoirs modernes, notamment des mécanismes d'exécution, afin de réglementer les activités de l'industrie sur nos terres. Comme nous l'avons dit, les espoirs et aspirations de nos membres seront pris en compte au moyen d'un processus de changement continu durant lequel les priorités du CRI seront régulièrement revues. Durant ces discussions, nous espérons que le Canada respectera les engagements pris à l'égard des questions qui n'auront pas été réglées par ce projet de loi.

Nos propositions de renforcement des capacités et de développement des activités ont débouché sur le financement d'un centre d'affaires qui constituera pour nos membres un centre de ressources auquel ils pourront s'adresser pour obtenir des conseils et des avis d'experts pour passer des accords commerciaux et pour lancer des programmes de développement de leurs capacités.

La Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan a également mis sur pied un centre d'affaires complémentaire qui dispensera les services dont auront grandement besoin les Premières nations de la Saskatchewan qui entrent tout juste dans le secteur du pétrole et du gaz naturel.

En conclusion, le Conseil des ressources indiennes appuie les modifications à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes contenues dans le projet de loi C-5.

Certaines des questions portées à votre attention ont été soulevées il y a déjà bien longtemps. De fait, nous avons dressé une liste d'au moins 30 questions et préoccupations durant notre examen de ce projet de loi. Toutes ces questions n'ont pas encore été traitées à notre entière satisfaction, en partie à cause du caractère restrictif des pouvoirs octroyés par le Cabinet. Toutefois, cette initiative n'est que le début de la modernisation et de la transformation de PGIC, et d'autres mesures importantes devront être prises plus tard.

Nous avons rencontré certains de nos membres qui continuent d'avoir des préoccupations et nous croyons que ces rencontres ont permis de régler certains malentendus qui résultaient peut-être d'un manque d'information ou de l'obtention d'informations erronées.

Nous avons collaboré avec le Canada dans un esprit de partenariat pour formuler cette initiative et nous continuerons de le faire pour atteindre notre objectif consistant à mettre sur pied notre propre organisme de gestion du pétrole et du gaz naturel des Premières nations, conformément à notre propre mandat et à la législation.

Je vous remercie de votre attention, monsieur le président, et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie d'être venus témoigner devant le comité. Si je comprends bien, le Conseil des ressources indiennes représente 130 Premières nations qui sont touchées par la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes ou pourraient l'être.

M. Fox : Oui, c'est à peu près le nombre de Premières nations que nous représentons. Il est parfois difficile d'avoir le chiffre exact mais c'est à peu près ça.

Le sénateur Brazeau : Vous avez dit qu'il y a eu un processus continu pour assurer la participation de ces collectivités à l'élaboration du projet de loi. Pouvez-vous décrire de manière un peu plus détaillée le niveau de soutien que vous avez reçu des collectivités membres de votre conseil?

M. Fox : En ce qui concerne les symposiums que nous avons organisés, sénateur, ils ont permis d'avoir d'excellentes discussions. Les participants ont exprimé leurs préoccupations et nous avons veillé à ce que des représentants de Pétrole et gaz des Indiens du Canada soient présents, ainsi que des représentants d'AINC d'Ottawa. Nous voulions en effet être en mesure de répondre au plus grand nombre de questions possible, ce que nous avons essayé de faire. Nous avons également organisé ces dernières années plusieurs réunions pour exposer en détail ce processus de modernisation. Lors de nos assemblées générales annuelles, ces discussions ont débouché sur l'adoption de résolutions. Nous avons également participé à des réunions régionales dans les diverses régions des traités et avons tenu des rencontres spéciales avec les Premières nations qui le souhaitaient. Voilà ce que nous avons fait dans le cadre de ce processus.

Delbert Wapass, chef adjoint, Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, Conseil des ressources indiennes : Je suis le vice-chef responsable de ce dossier en Saskatchewan et je peux vous dire que le CRI a fait preuve de diligence et d'initiative en venant dans toutes les régions de notre province pour nous informer sur ce projet de loi. Avec l'accélération des activités d'exploitation du pétrole et du gaz en Saskatchewan, nos membres et nos chefs tenaient à connaître en détail la teneur du projet de loi et la manière dont ils seraient affectés.

Nos chefs sont très satisfaits des informations fournies par le Conseil des ressources indiennes et ils estiment pouvoir aborder l'avenir avec confiance. Pour ma part, je n'ai aucune hésitation à exprimer mon appui à titre de représentant de la Saskatchewan. Nous estimons avoir eu un dialogue positif avec le Conseil des ressources indiennes et avec Pétrole et gaz des Indiens du Canada car nous pensons avoir obtenu de bonnes informations sur tout ce processus.

Le sénateur Brazeau : Je vous remercie de cette réponse et je vous remercie aussi d'avoir dit très franchement que vous êtes prêts à aller de l'avant même si vous n'avez pas nécessairement obtenu tout ce que vous vouliez, tout comme le gouvernement du Canada, d'ailleurs. Évidemment, chaque fois qu'un tel processus législatif est lancé, aucune partie ne peut obtenir absolument tout ce qu'elle souhaite. Dans votre cas, je crois comprendre que vous considérez finalement que vous êtes prêts à aller de l'avant avec ce projet de loi.

Si le comité décidait de bricoler le projet de loi, quel effet cela pourrait-il avoir sur les 130 collectivités? Plus important encore, quel effet cela pourrait-il avoir sur le partenariat avec les sociétés pétrolières prêtes à investir dans les collectivités des Premières nations pour que celles-ci puissent prospérer sur le plan économique, ce qui permettrait à leurs membres d'en tirer des avantages économiques?

M. Fox : Permettez-moi de répondre en premier. Nous avons dit avoir consacré beaucoup de temps à cette initiative. Nous avons fait participer les Premières nations membres du conseil au travail entrepris il y a déjà plusieurs années pour moderniser la loi. Comme l'a dit M. Gray, nous avions plus d'une trentaine de préoccupations et nous voulions qu'elles soient réglées. Certaines d'entre elles l'ont été, d'autres, non. Certaines de nos Premières nations ont approuvé le résultat du processus alors que d'autres ne sont pas encore totalement satisfaites. Toutefois, nous pensons que le texte actuel est le meilleur possible pour le moment. Selon nous, si vous décidez que d'autres discussions sont nécessaires pour apporter d'autres modifications, vous devrez alors vous pencher sur toutes les préoccupations en instance, sans exclusive. Toutefois, si tel était le cas, et considérant la nature du processus parlementaire, cela signifierait peut-être que tout le travail fait jusqu'à présent l'aurait été pour rien.

M. Gray : Si le projet de loi C-5 n'est pas adopté, les Premières nations devront continuer de fonctionner dans le système actuel. Cela n'interrompra pas les processus engagés par certaines Premières nations souhaitant prendre pied dans cette industrie mais signifiera simplement qu'elles devront le faire en vertu de l'ancien régime. Comme l'a dit M. Fox, et comme je l'ai dit moi aussi, nous sommes prêts à accepter le projet de loi sous sa forme actuelle. Avec le processus de changement continu qui a été prévu, nous pourrons régler plus tard les questions pendantes, avec la collaboration de Pétrole et gaz des Indiens du Canada.

Le sénateur Peterson : Je vous remercie de vos témoignages qui étaient très complets et m'ont donné les réponses à beaucoup des questions que je me posais.

Vous dites que les négociations ont été exhaustives. Elles ont duré une dizaine d'années, ce qui a nécessairement donné à toutes les parties concernées amplement le temps d'exprimer leur position et leurs préoccupations.

Vous dites aussi qu'on ne peut jamais vraiment obtenir un accord parfait et qu'il y a toujours des questions qui restent en suspens. À votre avis, ce projet de loi répond-il de manière raisonnable aux besoins des Premières nations en ce qui concerne l'exploitation du pétrole et du gaz naturel et pensez-vous vraiment que les questions pendantes pourront être réglées par voie réglementaire?

M. Fox : Oui, sénateur. Les modifications proposées à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes répondent généralement à nos attentes, même si elles ne règlent pas tout. Il convient également de souligner qu'elles font partie d'un processus global et continu de changement dans lequel nous nous sommes engagés, comme convenu avec le gouvernement fédéral par le truchement d'Affaires indiennes et du Nord canadien et du ministre.

Une fois que les modifications proposées dans le projet de loi auront été adoptées, nous espérons procéder à la modification des textes réglementaires. Plus important encore à nos yeux, nous serons en mesure de tirer parti des possibilités commerciales découlant de l'exploitation du pétrole et du gaz naturel de nos terres.

Je dois dire que nous avons été trop longtemps passifs dans ce domaine. Certes, il est bon de recevoir des redevances, des primes et de l'argent mais nos membres estiment qu'il est grand temps pour eux de participer activement aux activités d'exploitation, là où réside la vraie richesse. Par conséquent, vous constaterez que nous commençons à prendre le contrôle de ces puits et des ressources en pétrole et en gaz naturel situées sur nos terres des réserves, ressources qui appartenaient auparavant à des sociétés pétrolières de l'extérieur.

Je pense que nous avons déjà pris le contrôle de 30 p. 100 environ de ces propriétés. Voilà le processus dans lequel nos membres sont engagés.

Le gouvernement fédéral doit encore être un fiduciaire et un bon gestionnaire mais nous tenons à participer aux activités d'exploitation. Cela fait partie du processus de changement continu tel que nous l'envisageons, et il y a d'autres aspects à ce processus.

Le sénateur Campbell : Je dois dire tout d'abord au sénateur Brazeau que ce comité ne bricole jamais.

Je constate que vous avez deux comités techniques mixtes, JTC1 et JTC2, et j'aimerais avoir quelques précisions à leur sujet car ils seront importants pour l'avenir du processus.

Le premier comité est chargé d'examiner les modifications proposées à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes de façon à assurer une gestion et une réglementation plus efficaces des activités sur ces terres.

J'aimerais cependant en savoir plus sur le deuxième, qui est chargé d'examiner les questions qui n'ont pas été réglées à l'étape actuelle de révision de la loi.

Pourriez-vous décrire certaines des questions examinées par votre deuxième comité technique mixte, le JTC2?

M. Fox : Au départ, le JTC2 s'occupait plus des aspects commerciaux du travail dans lequel nous sommes engagés. Il a beaucoup contribué à la mise sur pied du centre d'affaires, au début, et il s'est également penché sur certaines des questions qui n'avaient pas été incluses dans le mandat du JTC1.

Le JTC2 s'occupera surtout de questions de réglementation. La manière dont les règlements seront rédigés sera extrêmement importante et ce comité devra être très attentif à ce sujet. Jusqu'à présent, le JTC2 s'est penché sur diverses questions d'exploitation commerciale des ressources car nous ne savions pas si le projet de loi serait déposé. Pour la suite, le comité se penchera sur diverses questions pendantes, à condition que le projet de loi soit adopté.

Le sénateur Campbell : Ai-je raison de penser que vous voulez avancer sur le plan des activités commerciales? Est-ce une des choses cruciales que vous voulez faire?

M. Fox : Oui, absolument.

Le sénateur Campbell : De ce fait, je suppose que d'autres modifications seront proposées plus tard à cette Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. Comme vous l'avez dit, il y aura un processus de changement continu. Est-ce bien ça?

M. Fox : Oui. Je crois que la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes n'a jamais été modifiée depuis son adoption il y a 35 ans. D'autres lois ont été modifiées plusieurs fois durant cette période, par exemple en ce qui concerne les régimes provinciaux.

M. Gray : En ce qui concerne certaines des modifications proposées avec le JTC2, les Premières nations et PGIC ont procédé à une analyse des écarts, c'est-à-dire de ce que Pétrole et gaz des Indiens du Canada fournit aux Premières nations et, en contrepartie, de ce que les Premières nations attendent de Pétrole et gaz des Indiens du Canada. Nous avons examiné les questions de développement économique dans ce contexte, comme l'a dit M. Fox. Nous avons aussi analysé les services techniques que nous, du côté des Premières nations, souhaitons fournir à nos membres.

Voilà certains des aspects sur lesquels nous nous penchons pour, essentiellement, reprendre une bonne partie de la responsabilité de Pétrole et gaz des Indiens du Canada.

Le sénateur Campbell : Merci beaucoup de votre comparution. Vos témoignages sont très intéressants et je vous en suis reconnaissant.

Le sénateur Lang : Je vous remercie de comparaître devant le comité et de votre excellent témoignage.

Tout comme le sénateur Campbell, je tiens à donner à mon excellent ami et collègue l'assurance que je ne bricolerai pas.

Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien a déposé une lettre d'intention devant la Chambre des communes au sujet des possibilités d'affaires, lors du débat sur ce projet de loi. Il y donnait à votre organisation l'assurance que, lorsque le projet de loi serait adopté, le ministère ferait tout en son pouvoir pour collaborer avec vos organisations afin qu'elles puissent tirer parti le plus possible des possibilités d'affaires envisageables.

Voici ma question, monsieur Fox : la lettre du ministre Strahl, déposée le 26 mai 2008 à la Chambre des communes, je crois, vous donne-t-elle suffisamment de garantie que le gouvernement du Canada s'est engagé à collaborer avec vous sur l'élaboration des règlements qui découleront de la loi, et que vous pourrez tirer parti des possibilités d'affaires avec les comités mixtes?

M. Fox : Oui, sénateur, je pense qu'elle donne suffisamment d'assurance à ce sujet. Le gouvernement du Canada a joué le rôle de fiduciaire et de gestionnaire à notre égard, pas seulement dans le domaine du pétrole et du gaz naturel mais aussi dans d'autres domaines. Je suppose que vous faites référence à la lettre du 26 mai 2008 que le ministre Strahl, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, a envoyée à notre président, M. Gray. Le ministre y abordait la plupart de nos préoccupations de caractère général et affirmait que le gouvernement respecterait l'engagement pris dans cette lettre.

En outre, le ministre Strahl a également pris la parole lors d'un symposium qui se tenait à la même époque. Il y avait participé par vidéoconférence et son intervention, conjuguée à la lettre, répondait à la plupart des préoccupations exprimées dans ce domaine et dans d'autres.

Ma réponse est donc oui, sénateur.

Le président : Souhaitez-vous que cette lettre fasse partie du procès-verbal? Tout le monde est d'accord?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Hubley : Je m'interroge au sujet de toutes ces questions qui n'ont pas été réglées à votre entière satisfaction, avez-vous dit, notamment à cause du caractère restrictif des pouvoirs octroyés par le Cabinet.

J'aimerais avoir des précisions à ce sujet et aussi savoir s'il y a d'autres choses dont nous devrions peut-être être informés.

En outre, des échéanciers ont-ils été fixés pour le processus de réglementation et le processus de changement continu?

M. Fox : Je vais d'abord répondre à votre deuxième question. Nous avons fixé certains échéanciers en ce qui concerne la formulation des textes réglementaires mais pas nécessairement en ce qui concerne le processus de changement continu. Au départ, nous pensions que le processus pourrait prendre de 18 à 24 mois. Depuis lors, on estime qu'il faudra entre 12 et 18 mois pour produire quelque chose.

J'ai oublié votre première question, sénateur. Veuillez m'excuser.

Le sénateur Hubley : Vous avez parlé du caractère restrictif des pouvoirs octroyés par le Cabinet et je me demande s'il y a d'autres choses que nous devrions savoir à ce sujet.

M. Fox : Durant tout le processus, nous avons travaillé sur la base d'un mémoire au Cabinet auquel nous n'avions pas pu participer. Je ne pense pas que les gens soient autorisés à vraiment participer, à l'exception de la bureaucratie et des parlementaires.

Nous avons cependant participé à l'élaboration des modifications. Toutefois, les règles régissant la formulation des projets de loi nous empêchent de participer pleinement au processus.

Ai-je bien répondu à votre question?

Le sénateur Hubley : Oui

Le sénateur Lovelace Nicholas : Tout d'abord, y a-t-il un pourcentage de femmes au sein de ce comité et, sinon, pourquoi?

Deuxièmement, ce projet de loi concernant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes répond-il aux besoins de chaque première nation ou s'appliquera-t-il différemment à chaque première nation?

M. Fox : Oui, sénateur, nous avons essayé de faire participer nos sœurs à notre travail. Au cours des dernières années, d'autres femmes indiennes nous ont aidés dans notre travail. Évidemment, la femme qui fait partie du JTC1, Wilma Jackknife, est une avocate. Elle a beaucoup travaillé avec certaines des tribus du Traité no 6 en Alberta et avec les Premières nations de Cold Lake du centre de l'Alberta.

Nous voulons tirer parti des connaissances que peut posséder notre personnel technique et nous sommes guidés par les régions en ce qui concerne les personnes qui devraient participer au travail que nous faisons. Toutefois, nous avons aussi d'autres femmes qui participent à certaines de nos autres activités. Par exemple, au JTC2, nous avons Annette Lonechild. Mme Lonechild était l'une des premières stagiaires ayant participé au projet pilote, il y a bien longtemps. Elle est ensuite devenue chef de sa tribu et est maintenant conseillère. Elle possède les compétences que nous recherchons pour faire notre travail. Nous essayons toujours de faire participer le plus possible les femmes.

Comme l'industrie du pétrole et du gaz naturel est toujours contrôlée par des hommes, c'est parfois difficile.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Il est temps que ça change, je crois.

M. Fox : Nous essayons d'y veiller.

M. Wapass : J'aimerais ajouter quelque chose. Il faut comprendre que chaque région et province sélectionne ses propres représentants. Le CRI respecte les décisions des régions et des provinces à ce sujet. Dans ce contexte, Annette Lonechild, de la Saskatchewan, a obtenu l'appui de la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan pour faire partie des comités techniques du Conseil des ressources indiennes, lequel fait rapport aux 74 Premières nations lors de notre assemblée législative qui réunit 11 chefs et une quarantaine ou une cinquantaine de conseillers et conseillères.

Il n'appartient pas vraiment au CRI de choisir les représentants puisque ce sont les provinces et les régions qui les nomment.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Ce sont des régions de la Saskatchewan et de l'Alberta?

M. Wapass : De tout le pays.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Et ma deuxième question?

M. Fox : Veuillez m'excuser, je l'ai oubliée.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Le projet de loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes répond-il aux besoins de chaque première nation ou s'appliquera-t-il de manière différente à chaque première nation?

M. Fox : Je ne pense pas qu'il y ait une seule loi fédérale qui puisse répondre à la totalité des besoins des Premières nations du Canada ou, en fait, de n'importe quel autre pays.

Cela dit, nous faisons de notre mieux eu égard aux circonstances qui nous empêchent d'avoir tout ce que nous voulons dans la législation. Si nous avions voulu tout avoir, le projet de loi serait allé beaucoup plus loin qu'il n'a été.

Il y a toujours des restrictions. Comme je l'ai dit, nous avions plus d'une trentaine de préoccupations au sujet des modifications proposées. Nous avons discuté pour essayer de voir ce que nous pourrions accepter. Certaines de nos tribus membres ont toujours des préoccupations et je suis sûr que plusieurs vous les communiqueront plus tard aujourd'hui.

Comme je l'ai dit, nous considérons que ce texte fait partie d'une réalité plus globale et s'inscrit dans un processus de changement continu qui, nous l'espérons, permettra de répondre à nos autres besoins, pas seulement au sujet de la gestion des ressources mais aussi au sujet de la participation des entreprises des Premières nations au secteur du pétrole et du gaz naturel.

Le sénateur Sibbeston : Il s'agit là d'une question fondamentale. Je comprends bien que ce texte est le fruit de négociations et de compromis et qu'il y aura encore d'autres questions à régler plus tard. Toutefois, si un organisme comme le Sénat, après avoir examiné les amendements proposés, estime que d'autres amendements permettraient de régler d'autres choses ou de renforcer votre position, n'y seriez-vous pas favorables à cette étape?

M. Fox : Certes, sénateur, s'il s'agit de la totalité de nos 30 préoccupations.

Le sénateur Sibbeston : Vous voulez dire que, s'il y a d'autres amendements, ils devront porter sur les 30 préoccupations. Toutefois, n'oubliez pas que le Sénat est un organisme un peu plus sage et un peu moins sectaire que l'autre Chambre. J'ai eu l'occasion d'examiner attentivement les amendements proposés par les Premières nations Stoney Nakoda et tous clarifieraient la situation et renforceraient votre position.

Comment pouvez-vous vous opposer à ces amendements? Ils n'ont rien de révolutionnaire. Dans tous les cas, ils portent sur quatre questions qui ont été évoquées. Pourquoi ne les acceptez-vous pas avec enthousiasme? Il ne serait pas nécessaire de rouvrir tout le processus, si je peux m'exprimer ainsi, et vous ne seriez pas obligés de retourner devant vos groupes pour obtenir leur consentement. Ce sont des amendements très simples qui assureraient plus de clarté et renforceraient la cause des Premières nations. Pourquoi n'y seriez-vous pas favorables?

M. Fox : Si je comprends bien les quatre amendements dont vous parlez, ils touchent certaines des préoccupations que nous avions, collectivement. On nous a dit et nous sommes portés à croire que ce projet de loi risque d'être rejeté s'il y a trop d'amendements qui sont proposés.

Nous n'avons certainement rien contre les préoccupations qui ont été exprimées. Il est clair que nous les partageons mais nous avons passé deux ans et demi à travailler sur ce projet de loi et les Premières nations Stoney ont participé pleinement à ces discussions.

Le président : Je vous remercie tous les quatre de vos témoignages. Nous vous remercions sincèrement de la franchise de vos réponses aux questions des sénateurs.

M. Gray : Au nom du Conseil des ressources indiennes et de son conseil d'administration, je tiens à vous remercier de votre invitation et de l'attention que vous porterez à nos réponses.

M. Fox : Merci, sénateurs.

Le président : Honorables sénateurs, nous allons maintenant accueillir les témoins suivants.

Ce sont des chefs des Premières nations Stoney Nakoda. Nous accueillons donc le chef David Bearspaw de la bande Bearspaw, le chef Clifford Poucette de la bande Wesley, et le chef Bruce Labelle de la bande Chiniki. Nous aurons aussi à la table des témoins Eugene Seymour, coordonnateur du Groupe de pression indépendant voulant faire modifier la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes — 1974.

Je précise également qu'il y a parmi le public, pour aider les chefs à répondre aux questions, le jurisconseil Douglas Rae ainsi que John Snow Jr., directeur du secteur du pétrole et du gaz pour les Premières nations Stoney Nakoda.

Je vous demande d'être brefs dans vos déclarations liminaires afin que les sénateurs aient le temps voulu pour vous poser leurs questions et que vous puissiez y répondre.

Nous allons donc commencer avec les Premières nations Stoney Nakoda.

Bruce Labelle, chef, bande Chiniki, Premières nations Stoney Nakoda :

[M. Labelle s'exprime en langue autochtone.]

Merci, monsieur le président. Nous vous remercions sincèrement de nous offrir la possibilité de témoigner devant le comité. Merci d'avoir fait l'effort supplémentaire qui nous permet de comparaître devant vous aujourd'hui.

Le mois dernier, nous avons témoigné devant le Comité permanent de la Chambre des communes sur les affaires autochtones et le développement du Grand Nord, qui nous a accueillis avec courtoisie et respect. Toutefois, après notre comparution, nous avons eu le sentiment que les députés ne comprenaient pas pleinement non seulement notre position mais aussi la teneur du projet de loi C-5.

À notre avis, les informations générales préparées par le ministère au sujet du projet de loi C-5 sont relativement trompeuses. Bien que le texte contienne certainement diverses dispositions valables, beaucoup, voire la totalité, auraient pu être mises en œuvre simplement en modifiant le règlement de 1995 relatif à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. En choisissant de modifier cette loi plutôt que d'actualiser simplement le règlement, le gouvernement expose nos ressources en pétrole et en gaz à des risques qui n'existaient pas avec la loi de 1974. En effet, le projet de loi C-5 expose nos ressources en pétrole et en gaz au risque de taxation par le Canada, au partage obligatoire de nos redevances avec les autres gouvernements et à une ingérence provinciale non souhaitée. Le pouvoir de réglementation résultant du projet de loi C-5 permet l'adoption de lois provinciales prévoyant la perception de taxes ou imposant le partage de nos redevances. Les pénalités et amendes perçues par le Canada au titre des dispositions d'exécution ne seront pas considérées comme des sommes des Indiens — articles 20 et 25 proposés — mais des sommes perçues au profit du Canada. En vertu du paragraphe 4.2(6) proposé, les pénalités et autres sommes perçues par les provinces peuvent être conservées à leur profit, pas au nôtre.

Nous aurions donc préféré que le règlement actuel soit simplement mis à jour au lieu de devoir traiter avec une nouvelle législation qui prévoit ou permet l'adoption de règlements aussi dangereux.

Certes, on a souvent dit que la loi actuelle date de 1974 et a besoin d'être actualisée mais les représentants du ministère ont passé sous silence le fait qu'ils n'ont pas proposé de nouveaux règlements de fond depuis 1995. Or, rien n'empêchait l'adoption de nouveaux règlements en vertu de la loi actuelle. Comme le projet de loi ne prévoit pas de rationalisation future du processus de réglementation, même après son adoption, il se peut que la modification des règlements à l'avenir reste assujettie aux mêmes retards et aux mêmes obstacles qu'aujourd'hui.

Le concept d'incorporation des lois provinciales et de délégation de leur pouvoir d'exécution à des instances provinciales est problématique aussi bien en principe qu'en pratique. La manière dont ce mécanisme fonctionnera dépendra de l'opinion des gouvernements provinciaux. Voilà pourquoi nous avons demandé l'ajout d'un nouveau paragraphe 4.2(8) entérinant les obligations fiduciaires continues du gouvernement du Canada assumées quand il a accepté la cession de nos terres pétrolières et gazifières.

Les représentants du ministère soutiennent que les nouvelles pénalités administratives prévues dans le projet de loi C-5 ne sont pas possibles en vertu de la loi actuelle mais ces nouvelles pénalités administratives, du fait de l'article 17 proposé, ne s'appliqueront pas au problème le plus important, le défaut de paiement des redevances. Lors de sa comparution devant votre comité, la semaine dernière, le ministre a semblé exprimer une interprétation erronée de cette disposition. Le fait que ces pénalités ne s'appliquent pas à une entreprise qui ne paye pas les redevances qu'elle doit est à nos yeux une raison supplémentaire pour que nous ayons le pouvoir de dénoncer son bail.

Vous devriez donc demander au ministre pourquoi il n'y a pas eu de nouveaux règlements depuis 1995 et pour quelles raisons précises la Loi actuelle sur le pétrole et le gaz des terres indiennes empêche le gouvernement de simplement actualiser les règlements existants.

Cela dit, nous ne sommes certainement pas ici aujourd'hui simplement pour nous plaindre d'une nouvelle législation concernant nos ressources en pétrole et en gaz naturel. Nous sommes plutôt ici pour tenter de l'améliorer. Nous convenons d'emblée que les représentants du ministère ont mené de larges consultations au sujet du projet de loi C-5. Les représentants des Premières nations Stoney Nakoda ont pleinement participé à ces consultations et nous apprécions les efforts de temps et d'argent déployés par le gouvernement à cet égard.

Toutefois, nous rejetons l'idée que le simple fait que les représentants ministériels n'aient pas endossé notre contribution durant le processus de consultation nous empêcherait d'exprimer les mêmes réserves devant le Parlement. Je ne saurais trop insister sur le fait que tout ce que nous vous disons aujourd'hui et tout ce que nous avons dit devant le comité de la Chambre des communes a déjà été exprimé devant les représentants du ministère pendant le processus de consultation des mois et des années passées.

Rien de ce que nous disons aujourd'hui n'est nouveau. Toutes nos réserves ont déjà été exprimées non seulement par nous-mêmes mais aussi par le Conseil des ressources indiennes. Le ministère ne nous a jamais donné de bonnes raisons pour justifier que nos revendications n'aient pas été intégrées au projet de loi C-5, et il n'en a pas donné non plus au Conseil des ressources indiennes ni au Parlement.

Monsieur le président, mon conseiller technique, John Snow, ou mon jurisconseil répondront aux questions qui me seront posées.

Mon collègue le chef Poucette a d'autres remarques à formuler au sujet de ce processus de consultation.

Clifford Poucette, chef, bande Wesley, Premières nations Stoney Nakoda : Merci, monsieur le président, merci chef Labelle et sénateurs.

Le ministre et son secrétaire parlementaire soutiennent que rouvrir le projet de loi pour y apporter des amendements à cette étape exigerait la relance du processus de consultation des Premières nations. Toutefois, les amendements proposés par les nations Stoney Nakoda ont déjà été avancés par le Conseil des ressources indiennes dans le cadre du processus de consultation.

Les amendements que nous proposons, soit l'ajout d'un paragraphe 4.2(8) concernant les obligations fiduciaires continues du ministre, le paragraphe 4(2) concernant le droit de dénoncer un bail en cas de défaut de paiement des redevances, et nos propositions d'amendement à la mesure de prescription de l'article 5.1 proposé, figuraient tous dans les recommandations formulées par le Conseil des ressources indiennes il y a plusieurs mois. Nous ne faisons aujourd'hui que réitérer la position du conseil.

Vous pouvez voir que nos amendements devraient marquer la conclusion du processus de consultation et non pas l'ouverture d'un nouveau processus. Je suis sûr que les représentants du Conseil des ressources indiennes, ainsi que les Premières nations de manière générale, conviendront qu'aucune nouvelle consultation n'est nécessaire au sujet des amendements que nous avons proposés.

Comme on l'a dit à juste titre la semaine dernière devant le comité, la Chambre des communes a déjà apporté au projet de loi C-5 des amendements n'exigeant pas la reprise des consultations avec les Premières nations. Le secrétaire parlementaire a déclaré devant votre comité qu'il n'est pas nécessaire d'entreprendre de nouvelles consultations lorsque « l'obligation nous incombe plutôt qu'aux Premières nations ». Aucun des amendements que nous proposons ne crée d'obligations de la part des Premières nations. Donc, selon les propres critères du secrétaire parlementaire, il n'y a aucune nécessité de mener des consultations sur les amendements que proposent les Premières nations Stoney Nakoda.

J'aimerais maintenant dire quelques mots des obligations fiduciaires du Canada à l'égard de nos ressources en pétrole et en gaz naturel.

Le ministre a déclaré qu'il n'est pas nécessaire de réitérer explicitement les obligations fiduciaires dans le projet de loi C-5 car il est déjà évident que ces obligations continuent. Malheureusement, lorsque les avocats du ministre se présentent devant les tribunaux, ils soutiennent fréquemment que le ministre ne détient strictement aucune obligation fiduciaire.

Dans l'arrêt Ermineskin du 13 février, la Cour suprême a déclaré ceci :

J'estime que les obligations fiduciales de la Couronne quant à l'octroi à des tiers du droit d'exploiter les ressources minérales des bandes et quant à la gestion des redevances perçues existent du fait des actes de cession de 1946.

Les Premières nations Stoney Nakoda ont cédé leurs droits miniers à la Couronne de la même manière que la nation Ermineskin et la nation Samson ont cédé les leurs; nous aussi pouvons nous attendre à ce que les lois de la Couronne continuent de refléter ces obligations fiduciaires.

Malheureusement pour nous, la Cour suprême du Canada a également jugé que ces obligations fiduciaires découlant de la cession des droits miniers ne sont pas protégées par l'article 35 de la Loi constitutionnelle. Par conséquent, quand le ministre a parlé la semaine dernière de ses obligations constitutionnelles et de l'article non dérogatoire existant dans la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, on était certainement en droit d'exprimer un doute et de ressentir une incertitude sur la question de savoir si ces protections existent, étant donné l'arrêt récent de la Cour suprême.

Lors du débat sur le projet de loi C-5, on a dit que d'autres solutions s'offrent à nous si ce texte ne nous convient pas. Le chef Bearspaw aimerait donc parler exactement des autres options dont nous disposons en ce qui concerne la gestion du pétrole et du gaz naturel.

David Bearspaw, chef, bande Bearspaw, Premières nations Stoney Nakoda :

[M. Bearspaw s'exprime en langue autochtone.]

Merci, monsieur le président, sénateurs, mesdames et messieurs. J'aimerais faire quelques remarques. Tout d'abord, c'est un honneur pour moi de pouvoir m'exprimer devant vous.

Contrairement à ce que laissent penser les notes explicatives du projet de loi C-5, celui-ci ne prévoit pas de participation accrue des Premières nations dans l'exploitation de nos propres ressources en pétrole et en gaz naturel. De fait, l'article 16 proposé nous empêche d'exploiter nos propres ressources en pétrole et en gaz, et l'article 4.3 proposé dispose que les règlements découlant du projet de loi C-5 primeront sur les propres règlements des Stoney Nakoda.

Je défie le ministre de me montrer en quoi le projet de loi nous permettra d'avoir plus notre mot à dire sur la manière dont notre pétrole et notre gaz seront exploités. Nous ne voyons rien dans le projet de loi C-5 qui permette de tirer cette conclusion.

Étant donné cette absence de participation, certains d'entre vous avez demandé pourquoi les Stoney Nakoda n'adhèrent pas aux dispositions de gestion du pétrole et du gaz de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières nations, la LGPGFPN. Cette loi adoptée en 2005 comporte un droit d'option et était destiné à permettre aux Premières nations d'exercer un plus grand contrôle sur leurs ressources en pétrole et en gaz.

Pour répondre brièvement, je vous dirais que moi-même et mes collègues chefs examinons en fait cette option. Nous aimerions exercer plus de contrôle sur nos richesses en pétrole et en gaz et sur nos redevances. Malheureusement, notre analyse de la LGPGFPN a révélé plusieurs obstacles importants à notre exercice d'un tel contrôle de la gestion sur notre pétrole et de notre gaz.

La LGPGFPN pose deux problèmes. Premièrement, elle ne nous transfère pas la propriété juridique réelle de notre pétrole et de notre gaz. Il est clairement indiqué à l'article 3 de cette loi que la propriété du pétrole et du gaz des terres des réserves continue d'appartenir à l'État fédéral. Si le projet de loi C-5 était accompagné d'amendements à la LGPGFPN nous permettant d'assumer la propriété réelle de notre pétrole et de notre gaz, cette option au contrôle de nos ressources par le Canada au titre de la Loi sur la gestion du pétrole et du gaz et des fonds des Premières nations serait beaucoup plus attrayante pour nous.

Deuxièmement, la LGPGFPN confère au Canada le droit de percevoir des taxes et même d'exproprier nos ressources en pétrole et en gaz. Rien dans la LGPGFPN ne l'interdit. Pourquoi voudrions-nous sacrifier la protection actuelle de nos droits autochtones entérinés par l'article 87 de la Loi sur les Indiens et exposer nos ressources au risque de taxation en adhérant à la LGPGFPN? Le vote des membres exigé au titre de la LGPGFPN aurait fort peu de chances d'être favorable, à moins que nos membres n'aient l'assurance que les redevances issues de nos ressources ne seront pas taxées par le Canada ou par les provinces.

Par conséquent, la LGPGFPN ne serait une solution possible que si elle était modifiée de façon à transférer la propriété légale aux Premières nations et à abroger la disposition autorisant le Canada à percevoir des taxes sur notre pétrole et notre gaz naturel.

Vous aurez constaté que plusieurs Premières nations de l'Alberta appuient notre position. Ce n'est pas par hasard que les grandes Premières nations productrices de pétrole et de gaz appuient la position des Stoney Nakoda sur le projet de loi C-5. Ce projet de loi offre peut-être des avantages aux Premières nations qui n'ont encore tiré aucun revenu de la production de pétrole et de gaz naturel. Par contre, pour celles qui touchent déjà des redevances à ce titre, le projet de loi C-5, tout comme la LGPGFPN, donnera au Canada la possibilité éventuelle de taxer nos ressources, chose qui n'est actuellement pas possible au titre de la Loi sur les Indiens ou du Règlement sur le pétrole et le gaz des terres indiennes.

Au nom de mes collègues chefs, je tiens à vous remercier à nouveau de nous avoir invités à témoigner aujourd'hui. Nous vous avons remis des exemplaires des quatre amendements au projet de loi C-5 que nous vous invitons à examiner. Si vous le désirez, notre conseiller juridique, M. Rae, peut vous donner d'autres précisions à ce sujet.

Je voudrais conclure en faisant quelques autres remarques. Il est très important que votre comité comprenne bien la position de nos Premières nations. En qualité de chefs des Premières nations Stoney Nakoda, nous avons toujours eu des défis à relever dans notre histoire. Les chefs qui nous ont précédés, nos grands-pères et nos ancêtres, ont toujours lutté pour défendre leurs droits d'Autochtones présents au Canada. Je suis fier de dire que je suis ici aujourd'hui pour continuer cette lutte au nom de nos Premières nations afin d'assurer un avenir prospère à nos enfants, un avenir durable à nos collectivités, et des occasions de développement économique pour ce faire et pour nous assurer un meilleur avenir.

Le président : Monsieur Seymour, avez-vous une brève déclaration à faire? Je vous demande d'être bref car le temps nous est limité mais je tiens à être juste envers tout le monde.

Eugene Seymour, coordonnateur, Groupe de pression indépendant voulant faire modifier la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes — 1974 : C'est un honneur de comparaître devant le comité, monsieur le président. Je voudrais tout d'abord donner quelques éclaircissements sur nos préoccupations car nous avons une terminologie que nous avons présentée à tout le monde à la Chambre des communes et au Sénat au sujet de « l'intégration verticale ». J'ai remis un glossaire technique au greffier.

Ce que nous voulons dire à ce sujet, c'est qu'il convient de relier les occasions d'affaires et d'emplois entre les opérations en aval de l'industrie pétrolière aux opérations en amont, et vice versa. L'aval désigne les stations d'essence et la distribution de carburants en vrac, et l'amont, la prospection, l'exploitation et la production des puits et des raffineries. Cela avait semblé poser problème la dernière fois et j'espère avoir maintenant clarifié la situation.

En ce qui concerne notre position et qui nous sommes, je dois dire que, par le processus de consultation avec le Conseil des ressources indiennes, lorsqu'il s'est penché sur les opérations en aval des tribus productrices de pétrole en amont, parmi ses 130 membres, il a pris contact avec un groupe d'Akwesasne à qui il a demandé quels seraient pour lui les avantages des modifications proposées à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes. Nous avons immédiatement répondu : l'intégration verticale, un programme financier mis sur pied pour assurer l'intégration verticale; et ils ont dit que des activités à valeur ajoutée seraient également appropriées.

À ce moment-là, nous avons lancé ce lobbying indépendant pour insérer dans le projet de loi un élément prévoyant l'intégration verticale et les activités à valeur ajoutée. Nous nous sommes adressés aux instances voulues, par souci de collaboration. Nous sommes le fruit d'une collaboration entre le Conseil des ressources indiennes, la Coopérative pétrolière d'Akwesasne, l'Association des distributeurs de carburant de l'Ontario et divers grossistes et détaillants indépendants.

Lors de l'assemblée générale annuelle du Conseil des ressources indiennes, notre proposition a été examinée et a fait l'objet d'un vote qui a produit une résolution d'approbation — et aussi de la Coopérative pétrolière d'Akwesasne. Avec cette approbation, nous avons mis sur pied notre programme de lobbying. Nous nous sommes adressés au Comité permanent de la Chambre des communes sur les affaires autochtones et le Grand Nord en 2002, ainsi qu'à sa greffière, Elizabeth Kingston, qui nous a demandé qui nous étions pour proposer des modifications législatives visant à améliorer le sort des populations indiennes. Elle nous a dit que, de par son mandat, ce comité peut simplement se pencher sur les projets de loi du gouvernement qui lui sont renvoyés en deuxième lecture.

Ce processus nous a appris comment fonctionne la procédure parlementaire. Nous sommes donc retournés devant le gouvernement et, lors d'une rencontre au sommet avec des représentants du Conseil des ressources indiennes — Errnol Gray, moi-même, Julia Back-Skidders de la coopérative pétrolière d'Akwesasne, et d'autres personnes —, nous avons rencontré des représentants d'AINC.

À ce moment-là, ils nous ont dit qu'apporter des modifications à une loi pour assurer le développement économique ne relève pas de leur mandat. Cela relève du mandat de développement économique du ministère. C'était en 2002.

Depuis lors, en 2008, le ministère a été réorganisé. Aujourd'hui, le pétrole et le gaz des terres indiennes, ainsi que les terres et les fiducies indiennes, font partie du développement économique parce que quelqu'un, dans sa grande sagesse, a finalement réalisé que le développement économique des peuples des Premières nations exige la propriété foncière et la sécurité.

Permettez-moi maintenant d'éclaircir le malentendu que nous avons avec le ministre. Nous en sommes en partie responsables car, l'an dernier, il y a eu quelques événements extraordinaires dans le système parlementaire canadien. Il y a eu un remaniement ministériel au début de l'année, suivi d'un événement historique le 11 juillet, la présentation d'excuses publiques pour le système des pensionnats.

À ce moment-là, nous étions sur le point d'adresser notre mémoire au ministre mais, dans un délai d'une semaine, nous avons été abasourdis de constater avec quelle rapidité il commençait à agir. En une semaine, il avait déposé devant le Parlement des propositions d'amendement à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, sous la forme du projet de loi C-63. Ensuite, il y a eu des élections et la nomination d'un nouveau Cabinet, suivie de l'organisation d'un sérieux coup d'état politique, suivi lui-même de la prorogation du Parlement.

Nous ne pouvions pas attendre plus longtemps. En janvier, nous avons envoyé notre lettre expliquant qui nous étions et ce que nous proposions. Après le discours du Trône, le ministre a présenté de nouveau les amendements à la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes, sous la forme du projet de loi C-5, reprenant textuellement le projet précédent. Je soupçonne que la procédure exige que le texte soit exactement le même s'il est présenté à nouveau. Le 25 février 2009, il nous envoyait une lettre, que nous avons distribuée à tout le monde, nous invitant à participer à ce processus.

Nous n'avons pas eu le temps de nous asseoir avec lui pour discuter de ce que nous proposons car la question est sortie de son bureau pour entrer dans la procédure législative parlementaire. Nous espérons avoir quand même l'occasion de lui parler plus tard car nous réalisons que c'est un processus progressif et continu qui vient de s'engager.

J'aimerais apporter une précision sur l'entrée en vigueur. Par suite des questions posées la semaine dernière par le sénateur Lang au ministre, nous avons découvert que le ministre — et c'est un élément clé de la discussion d'aujourd'hui — n'a pas l'intention de faire entrer la législation en vigueur avant au moins un an ou un an et demi, c'est-à-dire en 2010. D'ici là, il retournera consulter toutes les Premières nations au sujet de l'élaboration d'une législation habilitante relativement à ce qu'il demande maintenant au Parlement.

Depuis la semaine dernière, nous avons consulté un conseiller juridique qui nous a dit qu'il s'agit là d'un aspect important de ce projet de loi. Je parle de l'article concernant l'entrée en vigueur. Bien que cela ne figure pas dans la documentation, le ministre a déclaré dans son témoignage que l'entrée en vigueur prendra au moins une année. D'autres témoins ont dit qu'ils s'attendent à un délai d'au moins 18 mois. Autrement dit, ce dont vous êtes saisis aujourd'hui dans ce projet de loi n'est qu'une autorisation générale accordée au gouvernement d'entamer des discussions pour élaborer des textes réglementaires.

Nous proposons un programme de financement conçu par les Premières nations elles-mêmes. Comme je l'ai dit devant le comité de la Chambre des communes, nous ne demandons pas au gouvernement de simplement jeter de l'argent vers le problème pour le résoudre. Nous voulons que son intervention soit conçue de manière à être efficace et à produire des résultats.

Dans notre mémoire déposé devant l'autre Chambre, qui vous a été distribué, nous avons intégré trois concepts. Le premier est l'admissibilité du requérant. Nous avons pris grand soin d'élargir la portée de la disposition pertinente de façon à ce que ce ne soient pas seulement les conseils de bande de ces 130 bandes directement affectées par le pétrole et le gaz naturel de leurs terres. Nous avons voulu élargir la portée à tous les peuples des Premières nations. Nous ne voulons pas qu'elle soit limitée aux conseils de bandes mais qu'elle englobe également les entreprises indiennes et les individus.

Nous avons pris soin aussi de ne pas parler des terres des réserves ou en dehors des réserves. Comme l'a dit le sénateur Brazeau, la question est de savoir en quoi ce projet de loi améliorera la vie des peuples autochtones. Nous croyons que la réponse est d'élargir les possibilités d'affaires et d'emplois reliées à la production de pétrole et de gaz naturel des terres indiennes, et c'est précisément ce que nous demandons.

Dans la structure financière que nous proposons, nous voulons une gamme complète de prêts, de garanties de prêts et de subventions. Le ministre affirme que l'industrie réclame de la certitude. Une législation permettant d'assurer le financement d'un projet pendant plusieurs années est précisément une source de certitude qui favorisera l'investissement.

Finalement, dans le dernier article de la proposition, nous disons que le financement par voie de subventions doit prendre la forme d'un montant annuel, sans clause d'expiration, et nous avons fixé un plafond financier. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Sibbeston : Si je comprends bien, votre délégation fait partie du Conseil des ressources indiennes. On nous a dit que le Conseil des ressources indiennes a participé à des consultations avec le gouvernement fédéral et que ce projet de loi est le fruit de plusieurs années de consultations et de compromis. Malgré cela, vous venez nous dire que nous devrions adopter encore d'autres amendements.

Je suis au courant des litiges qui sont survenus et de l'arrêt récent de la Cour suprême du Canada en faveur du gouvernement fédéral. Êtes-vous ici parce que vous êtes un peu plus familiers avec les aspects juridiques des questions relatives au pétrole et au gaz des terres indiennes ou parce que vous avez un différend avec le gouvernement fédéral?

M. Poucette : Je laisse mon représentant juridique, M. Rae, vous répondre.

Douglas Rae, conseiller juridique, Premières nations Stoney Nakoda : Vous avez tout à fait raison de dire, sénateur, que les Premières nations Stoney Nakoda ont plus d'enjeux dans cette affaire que plusieurs autres. Les Stoney sont, parmi toutes les Premières nations, celles qui produisent le plus de gaz naturel au Canada. Elles sont très avancées dans ce domaine. À mon avis, les chefs qui sont présents aujourd'hui le sont parce qu'ils connaissent bien les questions en jeu et le contenu du projet de loi C-5, et non pas parce qu'ils ont un différend à régler avec le gouvernement du Canada.

Le sénateur Lovelace Nicholas : Les tactiques dilatoires d'AINC ne me surprennent pas. Est-ce que certains de ces règlements sont destinés à protéger l'environnement?

Mr. Rae : Oui, il y a dans le projet de loi C-5 des dispositions concernant la promulgation de règlements pour protéger l'environnement.

Le sénateur Lang : Je crois comprendre que vous avez participé au processus de rédaction du projet de loi depuis le tout début et aux consultations avec AINC et le Conseil des ressources indiennes pendant 10 ans. C'est exact?

M. Poucette : Oui, c'est exact.

Le sénateur Lang : Je crois comprendre également, et vous me corrigerez si je me trompe, qu'un certain nombre de questions ont été soulevées dans votre région, puisque les préoccupations ne sont pas les mêmes d'une région à l'autre, et que certains de ces amendements figurent dans le projet de loi dont nous sommes saisis.

M. Poucette : C'est peut-être le cas d'un ou deux amendements. Je crois que 23 des 30 dont nous parlions ont été proposés par la nation Stoney Nakoda.

Le sénateur Lang : En ce qui concerne les comités mixtes continus, beaucoup des changements futurs y seront discutés et se retrouveront peut-être dans les règlements. Votre organisation fait partie de ces comités et participe donc à ces discussions continues, n'est-ce pas?

M. Poucette : En effet.

Le sénateur Brazeau : Monsieur Seymour, le Conseil des ressources indiennes nous a expliqué tout à l'heure qu'il représente 130 collectivités des Premières nations. Je vous pose la même question : combien de collectivités des Premières nations représentez-vous et combien de membres y a-t-il dans les collectivités pour lesquelles vous faites du lobbying?

M. Seymour : Nous collaborons avec ce groupe, la Coopérative pétrolière d'Akwesasne et l'Association des distributeurs de carburants de l'Ontario. Le nombre réel comprend donc ce groupe plus, je crois, 60 ou 70 autres groupes. Toutefois, nous ne les représentons pas. Nous représentons leur question d'obtention de fonds et nous considérons qu'il s'agit ici d'un processus continu. Nous étions dans l'autre Chambre où l'on nous a demandé pourquoi nous n'essayons tout simplement pas de tirer parti du programme fédéral de relance économique, s'il s'agit simplement de financement. Certes, ils donnent des fonds de cette manière mais ils les donnent avec une clause d'expiration de deux ans, et les représentants du gouvernement sont actuellement en train de lancer de l'argent vers le problème pour le résoudre.

Nous voulons que les fonds de ce secteur soient fondés sur une législation car l'histoire nous a appris, depuis 1946, quand la production a commencé en Alberta, que des milliards de dollars ont été prélevés des terres indiennes et que des milliards de dollars d'activités commerciales et de possibilités d'emplois sont partis ailleurs. La vie dans beaucoup de collectivités est caractérisée par la dépression économique et nous connaissons tous les troubles sociaux qui en résultent. Nous aurions pu être beaucoup plus avancés et indépendants sur le plan économique si le gouvernement avait vraiment agi dans notre meilleur intérêt en sa qualité de fiduciaire.

Le sénateur Brazeau : Vous ne représentez aucune collectivité des Premières nations?

M. Seymour : Non, je suis simplement un collaborateur de ces groupes.

Le sénateur Campbell : Je dois admettre que je ne comprends pas. La question dont je voulais entendre parler était la responsabilité fiduciaire et cet amendement. Je ne vois vraiment pas, monsieur Seymour, où se situe votre problème là- dedans.

M. Seymour : Nous avons passé un accord dès le début. Nous nous concentrerons uniquement sur le développement économique et l'obtention de fonds.

Le sénateur Campbell : Ce n'est pas de cette question que nous traitons ici. Nous traitons d'un amendement qui est réclamé par votre groupe pour ajouter à la loi la responsabilité fiduciaire telle qu'elle existe dans d'autres lois et qu'elle est intégrée d'office à la plupart des autres lois. C'est seulement quand vous avez ouvert la bouche que j'ai commencé à entendre parler de financement mais ce n'est pas de cela que nous parlons ici. De fait, nous ne pouvons pas discuter d'argent ici et je comprends donc mal votre intervention.

Si les 130 Premières nations concernées ont accepté le projet de loi, en sachant qu'une trentaine d'autres questions ont été laissées de côté et seront traitées ultérieurement, n'y a-t-il pas un processus démocratique dans ce groupe disant que la majorité souhaite que ce texte soit adopté et qu'elle est prête à travailler dans ce contexte? Je ne vois pas comment nous pourrions nous opposer à ces 130 Premières nations contre huit ou neuf.

M. Seymour : Vous me posez une question?

Le sénateur Campbell : Je demande en quoi cela serait démocratique.

Le président : Je pense que les chefs Poucette, Labelle ou Bearspaw seraient mieux à même de répondre à cette question.

M. Bearspaw : Avant de répondre, je dois dire que j'ai beaucoup apprécié la remarque précédente du sénateur. Elle correspond à ce que disaient mes collègues chefs. Nous ne sommes pas ici pour faire de l'obstruction ou pour temporiser, nous sommes ici pour étudier un amendement à la proposition. Vous avez raison.

Comme je l'ai dit plus tôt, en ce qui concerne la communauté des Premières nations et, en particulier, des Premières nations Stoney Nakoda, il y a des défis, et j'apprécie votre remarque sur les tactiques dilatoires d'AINC. C'est ce que j'essayais d'indiquer.

En ce qui concerne votre remarque, sénateur Campbell, je laisse notre technicien John Snow, Jr vous répondre.

John Snow, directeur du pétrole et du gaz, Premières nations Stoney Nakoda : Je m'appelle John Snow et je suis de la tribu Stoney. Je représente les Premières nations Chiniki Bearspaw et Wesley pour ce qui concerne le pétrole et le gaz.

Je voudrais apporter une précision. Il y a deux groupes différents aujourd'hui. C'est sans doute cela qui cause en partie de la confusion. Ces deux groupes ne sont pas reliés. Le greffier du comité doit savoir qu'il s'agit de deux groupes séparés et totalement différents.

Le président : Nous le savons.

Le sénateur Campbell : Je ne comprenais pas la différence énorme. Merci beaucoup de cet éclaircissement.

M. Snow : Pour répondre à votre question sur les 130 Premières nations, une poignée seulement contrôle la majeure partie des ressources et des revenus qui en découlent. Par conséquent, sur les 130, la production peut varier d'un baril par jour à beaucoup plus mais l'essentiel de la production provient seulement d'un très petit nombre de Premières nations productrices.

Le président : Merci, messieurs, de votre témoignage. Nous vous remercions d'avoir répondu aux questions des sénateurs.

Honorables sénateurs, je voudrais maintenant passer aux autres activités du comité, si cela vous convient. J'invite les témoins à quitter la table pour que nous puissions poursuivre nos travaux. Je vous en prie, messieurs.

Êtes-vous d'accord, sénateurs, pour entreprendre l'étude article par article du projet de loi C-5, Loi modifiant la Loi sur le pétrole et le gaz des terres indiennes?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Sibbeston : Puis-je faire quelques remarques d'ordre général au sujet des amendements? Je vais proposer les amendements recommandés par les Premières nations Stoney Nakoda mais je tiens à faire d'abord à ce sujet une remarque qui est aussi d'application générale.

Notre rôle comme sénateurs est de toujours nous efforcer de respecter et de faire avancer les droits des peuples autochtones. Voici un cas qui fait l'objet d'un accord. Cette loi est le résultat d'une entente entre les Premières nations et le gouvernement fédéral et les deux parties en sont satisfaites. Les Premières nations les plus directement concernées et ayant le plus à perdre, et qui connaissent probablement le mieux toute la question du pétrole et du gaz naturel, recommandent quatre amendements et j'estime que nous devrions les envisager sérieusement.

Je sais bien qu'on a dit que cela perturberait le processus et entraînerait de nouvelles consultations mais, dans tous les cas, ces amendements vont clarifier et renforcer les Premières nations. Par conséquent, je proposerai l'adoption des amendements recommandés par les Premières nations Stoney Nakoda lorsque nous arriverons aux articles pertinents et j'espère que les sénateurs seront prêts à les adopter.

Laissons de côté le gouvernement fédéral; laissons de côté le fait que cela causera un peu de retard et que le texte devra retourner devant la Chambre des communes. Cela nous importe peu. Ce sont les droits des gens qui nous importent. Dans le cas présent, ce sont des droits qui ont été défendus par le Conseil des ressources indiennes mais que celui-ci n'a pas réussi à obtenir du gouvernement fédéral. Toutefois, nous ne sommes pas liés par cela. Nous sommes indépendants et nous tenons à défendre les droits des Premières nations et des peuples autochtones.

C'est pour ces raisons que je propose ces amendements et j'espère que les sénateurs seront prêts à m'appuyer.

Le président : Sénateur Campbell, brièvement?

Le sénateur Campbell : J'attendrai qu'il propose l'amendement et j'exprimerai mon opposition.

Le président : Honorables sénateurs, comme le dit le dicton, il ne faut pas que le mieux devienne l'ennemi du bien. Toutefois, je ne fais que présider cette séance et le comité m'a donné le pouvoir d'entreprendre l'étude article par article.

Le titre est-il réservé?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 1 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Adopté.

L'article 2 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 3 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 4 est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le sénateur Sibbeston : J'ai deux amendements à proposer. Je pense que les membres du comité ont reçu des exemplaires des amendements proposés par les Premières nations Stoney Nakoda.

Voici le nouveau paragraphe 4(3) :

En cas de défaut de paiement du plein montant des redevances dues, le ministre peut émettre un avis de dénonciation du contrat, ou le conseil de la première nation au bénéfice de laquelle les redevances doivent être payées peut par résolution écrite donner au ministre l'instruction d'émettre un tel avis et, si le plein montant des redevances dues n'est pas payé dans les 60 jours, le contrat sera considéré comme ayant été dénoncé et le titulaire sera considéré comme ayant renoncé à tous les droits afférents. Nonobstant ce qui précède, une telle dénonciation ne libère pas le titulaire du contrat de toutes ses obligations issues du contrat, notamment du paiement de tous les frais d'abandon et de réhabilitation des sites.

C'est l'un des amendements.

L'autre amendement concerne un nouveau paragraphe 4.2(8) :

Pour plus de certitude, à l'égard des actes ou omissions survenant dans l'exercice par tout fonctionnaire ou organisme provincial des attributions conférées par le texte législatif d'une province qui est incorporé par renvoi par les règlements, la fiducie applicable ou les obligations fiduciaires du ministre à l'égard des Premières nations continuent comme si le ministre avait exercé des attributions équivalentes.

Le président : Il faut que quelqu'un propose les amendements. Ce sont les deux amendements que vous proposez, sénateur?

Le sénateur Sibbeston : Oui.

Le président : Quelqu'un appuie-t-il la motion? Si personne n'appuie la motion, l'article sera adopté sans amendements. Êtes-vous d'accord?

Des voix : D'accord.

Le président : L'article 4 est adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Le projet de loi est-il adopté?

Des voix : D'accord.

Le président : Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat à la première occasion?

Des voix : Oui.

Le président : Le projet de loi est adopté par le comité et je ferai rapport au Sénat dès que possible.

Y a-t-il d'autres questions ou commentaires? Sinon, nous allons lever la séance jusqu'à demain soir.

(La séance est levée).


Haut de page