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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 2 - Témoignages du 5 mai 2009


OTTAWA, le mardi 5 mai 2009

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 22, pour étudier l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je constate que nous avons quorum. La séance est donc ouverte.

[Français]

Je voudrais premièrement vous souhaiter la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.

[Traduction]

Je suis le sénateur Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick, président du comité. Puis-je demander aux autres membres du comité de se présenter?

Le sénateur Mercer : Je suis le sénateur Mercer, de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Fairbairn : Je suis le sénateur Fairbairn, de Lethbridge, en Alberta.

Le sénateur Poulin : Soyez les bienvenus devant le Comité de l'agriculture et des forêts. Je suis le sénateur Poulin et, depuis 1995, je représente au Sénat le Nord de l'Ontario.

Le sénateur Duffy : Bonjour, je m'appelle Mike Duffy et je suis sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Eaton : Je suis le sénateur Eaton, représentant l'Ontario.

Le sénateur Baker : Je suis le sénateur Baker, de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Merci, honorables sénateurs. Nous en sommes à notre quatrième séance consacrée à l'étude sur l'état actuel et les perspectives d'avenir du secteur forestier au Canada.

[Français]

Afin d'avoir une vue d'ensemble sur l'industrie du secteur forestier, la première phase de l'étude consistera à recueillir de l'information générale.

[Traduction]

Nous entendons diffuser auprès de tous les intéressés les renseignements que nous recueillerons au cours de nos séances, et de porter à l'attention des divers gouvernements l'état de notre industrie forestière.

Nous accueillons aujourd'hui des représentants de deux associations industrielles : pour l'Association canadienne de fabricants d'armoires de cuisine, Caroline Castrucci, présidente et Richard Lipman, membre du conseil d'administration. Nous accueillons en outre, comme représentant l'Association canadienne des fabricants de fermes de bois, Jerry Cvach, son secrétaire exécutif. Merci de vous être rendus à notre invitation.

Nous allons maintenant entendre vos exposés, vous laissant le soin de choisir qui prendra la parole en premier.

Jerry Cvach, secrétaire exécutif, Association canadienne des fabricants de fermes de bois : Je veux bien commencer, car les autres exposés n'en paraîtront que meilleurs.

Je vous remercie, monsieur le président, de l'occasion qui m'est ainsi donnée de prendre la parole devant le comité. Ce n'est pas souvent que nous en avons la possibilité, et nous y prenons donc un plaisir particulier.

L'Association canadienne des fabricants de fermes de bois est une organisation-cadre qui assure la liaison avec d'autres associations ainsi qu'avec divers organismes gouvernementaux. Nous regroupons les associations régionales de fabricants de fermes de bois qui sont, au Canada, au nombre de six. Il y en a une en Colombie-Britannique et une en Alberta; une au Manitoba et en Saskatchewan et une en Ontario, une au Québec et une dans les provinces de l'Atlantique.

Le septième membre de notre association est le Truss Plate Institute of Canada. Ce sont eux qui fabriquent les plaques métalliques de connexion, et qui constituent la branche technique de notre industrie. Les fabricants de fermes de bois sont, eux, regroupés au sein des associations régionales et c'est à ce niveau-là que le travail se fait.

Chaque année, les fabricants de fermes de bois utilisent pour leur fabrication, de 650 millions à un milliard de pieds- planche de bois. Je ne peux pas vous dire à quoi ce chiffre correspond en termes des capacités de l'industrie forestière, mais je le cite simplement pour vous donner une idée de l'ampleur de l'activité de ce secteur.

J'ai pris connaissance de ce qui s'est dit au cours des séances précédentes et j'ai relevé que M. Lazar, au nom de l'Association des produits forestiers du Canada, a exprimé le souhait de voir les entreprises trouver, par l'innovation, le moyen de sortir de la crise. C'est aussi notre avis. D'après nous, cependant, il ne s'agit pas uniquement d'innover au niveau des matériaux ou des produits, mais également au niveau des techniques de commercialisation, et peut-être même par de nouvelles structures organisationnelles ou de nouvelles techniques de construction. Il n'y a pas en cela grand-chose de nouveau.

Les fermes de bois, les éléments structurels en bois et les éléments structurels en bois menuisé sont des innovations relativement récentes qui ont véritablement révolutionné l'industrie de la construction. Dans cette industrie; les fermes de bois, les façades panneaux et les maisons prêtes à monter ne datent que des années 1960. Les poutrelles en I en bois, les panneaux de copeaux longs, le bois en placage stratifié, les bois de longs copeaux lamellés et les panneaux structurels orientés sont tous des inventions des années 1970 et 1980.

Je suis entré dans le secteur des fermes de bois en 1969. J'ai rapidement compris la différence entre les producteurs de matières premières et le palier suivant de fabrication, c'est-à-dire les entreprises d'éléments structurels. C'est une question de commercialisation.

Les producteurs de bois assurent la transformation des billes de bois en bois de construction de dimensions courantes. Une certaine partie de cette production n'exige aucun soutien technique, car elle est vendue directement par des agences de courtage en bois aux parcs à bois et aux constructeurs. C'est uniquement une question de disponibilité et de prix.

À l'époque, les fermes de bois étaient une nouvelle méthode de faire la charpente d'un toit et il n'a pas été facile de la faire adopter par les charpentiers. À partir du moment où cela a été fait, cependant, cette méthode s'est très rapidement imposée pour la construction résidentielle. Il est cependant beaucoup plus difficile de convertir à l'emploi des fermes de bois, et des éléments en bois en général, les constructeurs d'immeubles commerciaux.

Lorsqu'ils ont commencé à être commercialisés, les éléments structurels en bois menuisé étaient essentiellement produits par des scieries. Les entreprises qui estimaient produire de meilleures poutres ou un meilleur bois d'œuvre, essayèrent de les commercialiser en tant que telles, mais n'y réussirent pas. En effet, la commercialisation de ces nouveaux produits devait s'accompagner d'un soutien technique important. Très rapidement, les fabricants de fermes adoptèrent de nouvelles méthodes de sciage et de conception, participèrent au développement de logiciels spécialisés et parvinrent à développer leurs entreprises en vendant des poutrelles, des solives et des fermes en kits prêts à assembler. Ce sont maintenant les principaux fournisseurs d'éléments structurels en bois menuisé et les constructions en bois emploient invariablement des fermes de bois. Cela est vrai de toutes les constructions en bois.

Traditionnellement, et là où le Code du bâtiment le permet, le bois est préféré à tout autre matériau pour la construction de maisons individuelles et d'habitations en rangée. Il n'en va pas de même cependant des immeubles commerciaux, pour lesquels on a généralement recours à la brique, au ciment ou au fer. Ajoutons que les architectes et les ingénieurs, ceux qui rédigent les devis, sont davantage formés à l'emploi du fer et du ciment. Ce sont eux qui choisissent les matériaux de construction et ils n'optent en général pas pour le bois.

Une fois tracés les plans de l'immeuble, il est extrêmement difficile de remplacer le fer ou le ciment, initialement prévu, par du bois. Je précise que la construction de bâtiments commerciaux est pour nous — et donc pour l'industrie forestière — l'axe de développement le plus prometteur, mais il nous faudrait pouvoir convaincre ceux qui rédigent les plans d'opter dès le départ pour le bois. Nos équipes commerciales vendent en effet davantage un concept qu'un produit. Au départ, il faudrait qu'elles soient rémunérées par l'ensemble du secteur et non pas par les entreprises elles- mêmes et c'est là où ça ne va pas. Les fabricants de fermes de bois n'ont en effet pas les moyens de s'entretenir avec les architectes et les ingénieurs afin de les convaincre. Si nous pouvions parvenir à le faire, nous cesserions de simplement attendre les occasions de faire des soumissions dans le cadre des projets qui se présentent, et nous serions plus dynamiques dans notre approche en cherchant à trouver de nouveaux débouchés pour nos produits de bois. Nous prendrions les devants.

Mais que faudrait-il faire pour y parvenir? J'ai inscrit sur une feuille cinq pistes sur lesquelles il nous faudrait nous engager. D'abord, il nous faudrait créer des organisations de commercialisation dont l'unique mission serait de promouvoir, auprès des rédacteurs de descriptifs, l'emploi du bois pour la construction d'immeubles commerciaux là où le code du bâtiment le permet. Les vendeurs déployés par ces organisations devraient avoir reçu une formation intensive et avoir une excellente connaissance des produits et de solides arguments de vente. Il faudrait en outre qu'ils soient suivis de près et agissant en fonction d'objectifs mesurables et clairement définis. Les équipes devraient en outre être gérées et financées à l'échelle régionale, car les besoins, les conditions et les pratiques commerciales varient d'une région à l'autre. Ces équipes devraient par ailleurs relever d'un comité d'organisation réunissant des représentants de toutes les composantes du secteur, allant des scieries, des fabricants de pièces en bois, d'associations de l'industrie du bois, des divers paliers de gouvernement et des rédacteurs de descriptifs.

Deuxièmement, les codes du bâtiment en vigueur dans les diverses régions du Canada devraient faire une plus grande place à l'utilisation du bois. Aux États-Unis, en effet, les codes sont beaucoup moins restrictifs à cet égard. La recherche permettrait de surmonter les deux préoccupations majeures des responsables canadiens des codes du bâtiment : la solidité des structures et la résistance au feu. La modification du code du bâtiment exige, plus que toute autre chose, une volonté politique. C'est ainsi, par exemple, que le code du bâtiment de la Colombie-Britannique a récemment porté de quatre à cinq étages la hauteur maximum autorisée des constructions en bois, en réponse, manifestement, à des considérations d'ordre politique. À la page 10 de l'exposé qu'il a fait le 23 avril devant votre comité, M. Bill Love, président du Conseil canadien du bois, explique comment le gouvernement finlandais a réussi à stimuler l'emploi du bois dans la construction, et ce que cela a donné. Je ne saurais faire plus éloquemment le point sur cette question.

Troisièmement, trop peu de concepteurs d'immeubles connaissent la construction en bois et sont portés à opter pour ce type de construction. Il faudrait que nos écoles techniques et nos universités donnent davantage de cours en ce domaine. Il faudrait, bien sûr, pour cela, les inciter à le faire. En effet, les universités et les établissements techniques sont maîtres de leurs programmes et je pense qu'il faudrait donc les inciter à organiser de nouveaux cours.

Quatrièmement, il y a une insuffisance en matière de recherche et développement, notamment en matière d'ignifugation. Il nous faudrait notamment de meilleurs calculs de l'intensité sonore afin de vérifier le comportement sur ce plan des structures construites avec des fermes et des poutrelles en I de bois et, en outre, mettre au point la prochaine génération de produits du bois.

Cinquièmement, et c'est un point dont on tient trop rarement compte, il faudrait persuader les entrepreneurs de monter l'enveloppe du bâtiment comme le font ceux qui utilisent le fer. En effet, lorsque les architectes et ingénieurs s'entendent avec des entrepreneurs qui ont l'habitude du fer, tout est confié à la même entreprise, alors que, lorsque la construction est en bois, on fait, pour un même chantier, appel à des entrepreneurs multiples, dont bon nombre ne sont même pas des professionnels. Je n'adresse de reproches à personne, mais au Canada, pour être considéré comme un maître-charpentier, il suffit d'acquitter la somme de 15 $ et d'avoir un marteau. Les menuisiers n'ont en effet pas besoin de permis pour exercer leur métier. Voilà donc les cinq points d'une initiative permettant de développer plus largement l'utilisation du bois dans la construction.

Il n'y a là rien de nouveau. Vous n'ignorez sans doute pas que le Conseil canadien du bois tente actuellement de promouvoir l'utilisation de ce matériau par son programme BRANCHÉ sur le bois et par les Salons Solutions en bois. Il y a peu de temps encore, c'était la seule organisation pratiquant la vente conceptuelle. Ils ont réussi à convaincre les responsables de plusieurs immeubles importants de recourir au bois. Certains d'entre vous se souviennent peut-être du stade de patinage de vitesse des Jeux olympiques. Évidemment, comme quelqu'un l'a fait remarquer, on n'élève ce genre de construction qu'une fois tous les 50 ans.

Or, nous nous apercevons que les membres de l'Association canadienne des fabricants de fermes de bois — tant les entreprises de fabrication que les autres membres — n'ont pas réussi à obtenir une plus grande part du marché de la construction d'immeubles commerciaux courants. Nous nous demandons bien pourquoi. C'est souvent ce qui se produit, lorsqu'une entreprise est située trop loin de l'utilisateur, car les méthodes ne sont pas adaptées aux conditions locales et l'entreprise ne peut pas réagir avec assez de souplesse et de rapidité à un changement de conditions. Souvent, aussi, trop de temps et d'argent doit être consacré à l'administration, aux communications, à la rédaction de rapports et à des déplacements non productifs.

Le concept qui est à la base du programme BRANCHÉ sur le bois du Conseil canadien du bois est bon, mais il faudrait qu'il soit mis en œuvre à l'échelle régionale. Un bon exemple de ce genre d'initiative régionale est le programme Cecobois lancé au Québec. C'est une réussite parce que ce programme est conçu en fonction des conditions du marché local. On pourrait s'en inspirer. Il s'agit d'une initiative très récente lancée, je crois, au cours des six derniers mois. Ceux qui le souhaitent pourront obtenir davantage de renseignements sur le site Internet www.cecobois.com. J'aurais beaucoup aimé en savoir davantage, mais je n'ai appris son existence que récemment et, en plus, comme il est entièrement en français, il me faudra un peu plus de temps pour pouvoir tout saisir. Le site lui-même m'a fait une excellente impression.

J'ajoute que les Wood Truss Associations de Colombie-Britannique et d'Alberta s'attachent à promouvoir l'emploi du bois dans leurs provinces, mais, faute de fonds, leurs efforts demeurent insuffisants. Je crois savoir que ces associations négocient actuellement avec les gouvernements provinciaux l'octroi d'une subvention. Les Québécois, eux, ont déjà pu obtenir du gouvernement du Québec, l'aide nécessaire.

Ce qu'il faudrait, c'est que toutes les parties intéressées s'engagent à consacrer, sur le long terme, les ressources financières nécessaires, et à continuer à le faire, même aux époques prospères. Nous croyons savoir que les crédits nécessaires sont là et il s'agirait simplement de s'assurer qu'ils sont correctement répartis de manière productive. Je pense que c'est en fait un peu pour cela que nous sommes ici aujourd'hui.

Bien sûr, ce qui aiderait le plus les entreprises forestières, c'est que leurs clients, c'est-à-dire les utilisateurs de produits du bois augmentent en nombre et achètent davantage. Le meilleur moyen d'y parvenir est d'améliorer les techniques de commercialisation et de renforcer la recherche et développement. Permettez-moi de terminer en citant une phrase tirée d'un courriel que j'ai reçu du Québec et qui me semble faire admirablement le point sur la question : « Il faut que nos gouvernements fassent davantage preuve de créativité et nous aident à maintenir la viabilité et la compétitivité d'un secteur industriel qui traverse actuellement des temps très difficiles ».

Caroline Castrucci, présidente, Association canadienne de fabricants d'armoires de cuisine : Permettez-moi de préciser d'emblée que je suis propriétaire, dans la région d'Ottawa, d'une grande entreprise spécialisée dans la fabrication d'armoires de cuisine. Les trois principaux fabricants d'armoires de cuisine dans la région d'Ottawa emploient plus de 500 personnes. Cela vous donne une idée de la place que ce secteur occupe dans la région.

L'Association canadienne de fabricants d'armoires de cuisine est une association professionnelle nationale qui représente l'industrie des armoires de cuisine et des armoires de salle de bain. Notre association comprend des fabricants, des entreprises spécialisées dans la vente ou la distribution des armoires, ainsi que leurs fournisseurs, fournisseurs de services, organismes de recherche et consultants. L'association œuvre à l'avancement des fabricants d'armoires de cuisine, organise des réunions d'information et procède, chaque année, à des sondages sur des questions intéressant le secteur. En tant qu'association, nous faisons porter le gros de nos efforts sur l'information, le réseautage et l'élaboration de normes de fabrication.

Nous venons d'adopter, en matière de fabrication des armoires et de mise à l'épreuve des matériaux, une nouvelle norme permettant aux fabricants canadiens d'armoires de cuisine de différencier leurs articles des armoires provenant d'autres fabricants canadiens ou de fabricants étrangers. Il s'agit de permettre aux acheteurs de distinguer entre les armoires de bonne qualité fabriquées au Canada et divers produits d'importation. Comme les autres labels bien connus, tels que Energy Star et le label « homologué CSA », notre programme permet aux producteurs de retenir la confiance des consommateurs en leur offrant une qualité à laquelle ils peuvent se fier.

Nos membres ne sont pas directement impliqués dans l'industrie forestière. Ils ne travaillent pas en forêt et ne récoltent pas le bois. Notre activité se situe en aval, au niveau des produits à valeur ajoutée et nous sommes consommateurs de bois et de panneaux dérivés du bois, les deux principales matières premières employées dans la fabrication d'armoires. Nous employons des résineux, mais nous employons aussi toute une gamme de placages de feuillus et de planches de bois dur.

Il existe, au Canada, d'excellentes entreprises de façonnage du bois connues internationalement pour la qualité de leurs produits. Avant cette récession qui frappe le monde entier, notre industrie de façonnage du bois était florissante et ses ventes annuelles dépassaient 17 milliards de dollars. En 2003, le total de ses livraisons manufacturières s'élevait à environ 17 milliards de dollars, dont 8 milliards de dollars d'exportations.

Les entreprises génératrices de valeur ajoutée avaient créé, de 1992 à 2003, plus de 64 000 emplois au Canada. Précisons que le façonnage du bois est un secteur à forte intensité de main-d'œuvre et qu'il est, en plus, très éparpillé. Il y a, en effet, des milliers de petits ateliers employant moins de quatre personnes. Ils sont dispersés sur l'ensemble du territoire national avec, malgré tout, une grande concentration de fabrique dans les villes ou aux alentours des zones métropolitaines. Ajoutons que la plupart des entreprises se trouvent au Québec et en Ontario. En 2003, au Canada, des 9 200 entreprises de ce sous-secteur, 20 p. 100 environ fabriquaient des armoires.

Dans le secteur de pointe de la transformation du bois, notre sous-secteur est un de ceux qui enregistrent les meilleurs résultats, en raison notamment de la forte croissance de la construction en Amérique du Nord depuis le début des années 1990 et aussi de l'essor du secteur de la rénovation. Au cours de cette période, les importations concurrençaient difficilement les fabricants nationaux qui avaient consenti de gros investissements en matière d'usines et d'équipement et qui avaient amélioré sensiblement leur productivité.

Avant la récession, nous nous attendions au cours des 10 années à venir à voir notre sous-secteur continuer à croître de manière satisfaisante. Cela suppose que les fabricants du secteur continueront à beaucoup investir afin d'améliorer tant la qualité que la productivité. En 1992, la main-d'œuvre du secteur ne comptait que 9 846 personnes. Elle devait passer en 2010 à 30 000 personnes et à 36 000 de là à 2015. Ces chiffres sont bien sûr à revoir, compte tenu de la situation économique actuelle. De nombreuses entreprises sont à la fois petites et peu mécanisées, ce qui veut dire que, contrairement au secteur du bois et des panneaux structurels, elles ne peuvent guère faire d'économies d'échelle. L'augmentation constante des coûts de production, la dispersion des entreprises et le faible taux de mécanisation veulent dire que de nombreuses entreprises sont peut-être appelées à disparaître au cours des 10 prochaines années.

Les difficultés dont je viens de faire état posent des défis considérables, mais ce ne sont pas les seules auxquelles doit actuellement faire face notre industrie. En effet, la mondialisation pose un énorme défi à un secteur marqué par la parcellisation. La mondialisation a apporté de nombreux avantages au secteur, mais a également entraîné l'arrivée de nouveaux concurrents. Il est fréquent que, à l'aide de subventions gouvernementales, des pays à main-d'œuvre bon marché tels que la Chine parviennent à produire à bas prix des articles de qualité leur permettant de prendre pied sur un marché jusqu'alors dominé par des producteurs nord-américains, dont les coûts de fabrication sont sensiblement plus élevés.

Toutes les entreprises de notre sous-secteur s'en trouvent fragilisées. Le caractère cyclique du marché de la construction a entraîné un ralentissement de notre activité et nous craignons en outre qu'une éventuelle augmentation des taux d'intérêt ait des répercussions sur le marché de la rénovation. Nous assistons par ailleurs à une augmentation des importations d'armoires bon marché et prêtes à monter en provenant d'Asie. Le sous-secteur s'est adapté à l'évolution des goûts du consommateur en multipliant le choix de matériaux et de finitions.

Je rappelle que l'industrie canadienne du meuble a, pour ainsi dire, disparu en raison des importations en provenance de pays étrangers tels que la Chine. Nous assistons actuellement à une forte augmentation des importations d'armoires bon marché en provenance de Chine, cela étant particulièrement vrai dans l'ouest du pays et notamment en Colombie-Britannique et en Alberta.

De nombreux fabricants d'armoires vont sans doute devoir se lancer dans la fabrication sur mesure et le service à la clientèle, notamment dans l'installation, et les grands magasins vont s'accaparer l'essentiel du marché des articles courants en provenance de l'étranger.

Les fabricants canadiens qui ne l'ont pas encore fait vont devoir beaucoup investir dans des équipements de pointe afin de maintenir la qualité de leurs productions. La bonne rentabilité du secteur au cours de ces dernières années a permis à de nombreux fabricants canadiens d'adopter des modèles d'entreprise adaptatifs et d'opérer leur restructuration. Ils privilégient en cela l'amélioration des compétences, et une augmentation concomitante des salaires.

La hausse de la concurrence, l'évolution des marchés internationaux et l'ouverture du marché canadien aux importations créent de nouveaux risques pour les fabricants nationaux. Nous sommes particulièrement exposés aux fluctuations des taux de change et aux importations, à prix modique, mais souvent de bonne qualité, des pays à main- d'œuvre bon marché. Je vais maintenant, si vous le voulez bien, passer la parole à M. Lipman.

Richard Lipman, membre du conseil d'administration, Association canadienne de fabricants d'armoires de cuisine : L'industrie forestière subit de plein fouet la récession, en raison notamment de l'effondrement du marché américain de la construction. Le nombre de mises en chantier aux États-Unis avait baissé de 60 p. 100 entre 2006 et octobre 2008. Entre janvier 2006 et octobre 2008, le prix du bois d'oeuvre avait baissé de presque 40 p. 100. Malheureusement, les difficultés de ce secteur ont durement frappé les familles canadiennes et les localités où est implantée cette industrie. À moyen terme, la demande en matière de produits forestiers va se rétablir cependant et les perspectives de notre propre secteur s'annoncent elles aussi plutôt bonnes.

Le marché américain du bois d'oeuvre est, à terme, appelé à se rétablir lui aussi et la consommation américaine de résineux devrait, entre 2011 et 2015, augmenter de 19,5 p. 100 par rapport à 2006-2010. La demande mondiale de produits forestiers va continuer à augmenter et la demande de bois d'œuvre devrait, en moyenne, augmenter de 3 p. 100 par an.

Cela dit, nous sommes tout à fait conscients des difficultés que traverse actuellement le secteur forestier canadien. L'effondrement du marché américain de la construction et la crise financière internationale ont entraîné, dans le secteur forestier, la perte de 50 000 emplois, 250 scieries ayant fermé au cours des deux dernières années. Les mesures de protection sociale et de relance de l'économie sont deux facteurs importants et nous sommes favorables à tout ce qui peut améliorer l'environnement économique.

Les gouvernements, tant au niveau fédéral qu'au niveau des provinces, ont pris à cet égard des mesures utiles. Certaines provinces, telles que la Colombie-Britannique, sont en train de moderniser leurs politiques en matière de tenure forestière et de gestion de leurs ressources sylvicoles afin de leur donner plus de souplesse et de les axer davantage sur le marché. Le récent budget fédéral témoigne des bonnes perspectives qu'offre notre industrie et du fait que le gouvernement reconnaît qu'il lui faut contribuer à la réalisation de ce potentiel, en augmentant, par exemple, les moyens d'Exportation et Développement Canada.

Il faut comprendre l'urgence de la situation, car si les gouvernements attendent trop longtemps pour stimuler l'environnement économique, les pertes d'emplois ne feront qu'augmenter. Nous appelons donc les gouvernements et les organismes provinciaux à travailler de concert et à donner rapidement suite aux recommandations formulées par les divers secteurs de l'industrie forestière et du secteur forestier manufacturier.

Les forêts canadiennes appartiennent, en leur immense majorité, à l'État et doivent être gérées comme le serait un investissement à long terme. Les membres de notre association emploient dans leurs fabrications d'importantes quantités de matières ligneuses feuillues. Or, en raison de leur composition biologique spécifique, les feuillus font l'objet de coupes progressives ou sélectives — on parle d'essences d'abri — et, chaque année, seule est coupée une partie de chaque peuplement forestier. Il reste ainsi suffisamment de bons arbres pour produire des graines ainsi que l'ombre nécessaire à la régénération des forêts.

Les membres de notre association souhaitent voir intégrer la science de la gestion durable des forêts à la protection de la qualité de la terre, de l'air et de l'eau afin de protéger l'habitat de la faune et des poissons et la bonne santé de nos forêts. Les programmes que les gouvernements provinciaux pourraient mettre en place afin de réduire les coûts d'exploitation des feuillus et des forêts mixtes, et améliorer la régénération de nos forêts de feuillus seraient également souhaitables.

Les provinces sont propriétaires de la plupart du bois utilisé dans les scieries. Pendant trop longtemps, elles ont géré ces ressources sylvicoles en fonction d'objectifs politiques à court terme plutôt que dans une perspective économique à long terme. Plusieurs provinces appliquent encore une politique dépassée fondée sur l'idée que c'est le gouvernement et non pas le marché qui doit décider à quelle scierie le bois sera envoyé. Certains gouvernements provinciaux ont même parfois empêché des compagnies de fusionner afin d'accroître leurs opérations, ce qui explique que ces entreprises résistent plus difficilement aux crises économiques. Lorsque certains gouvernements ont accepté de moderniser leurs politiques, on a constaté une augmentation des investissements et la constitution d'entreprises plus solides.

Nos collègues du secteur des produits forestiers bruts ont beaucoup investi dans l'innovation. Le principal programme fédéral d'incitation à la recherche et développement est le crédit d'impôt pour les activités de recherche scientifique et de développement expérimental, mais les entreprises moins rentables ont beaucoup de mal à en bénéficier. En effet, si l'entreprise est en difficulté, le gouvernement, par prudence, retient les crédits d'impôt qui lui reviendraient normalement. Il faudrait que cela change.

Les entreprises qui encouragent le plus fortement les investissements en bénéficient davantage, et c'est pourquoi des pays tels que la France et les États-Unis ont adopté cette approche dans le cadre des mesures de relance de l'économie. Au Canada, les divers gouvernements se sont engagés dans cette voie en supprimant l'impôt sur le capital et en harmonisant la TPS et la TVP. Ces gouvernements pourraient en outre étendre aux investissements de capitaux et aux dispositions concernant le report rétrospectif d'une perte les taux d'amortissement accéléré.

L'industrie forestière est, de loin, la plus grande productrice d'énergie renouvelable au Canada. L'avenir de ce secteur est encore plus prometteur, car il est susceptible de contribuer à notre bilan énergétique. Il faudrait pour cela cependant que les gouvernements modifient leurs politiques et tiennent davantage compte des investissements de cette industrie dans le domaine des énergies renouvelables.

Il existe de belles occasions de mettre au point des carburants verts et des produits chimiques verts à base de produits forestiers, et, de concert avec le secteur, les gouvernements devraient lancer des programmes de recherche dans ces domaines tout en soutenant davantage les efforts en cours.

Il est grand temps que le secteur concerné et les divers paliers de gouvernement entament une collaboration permettant de réagir à la crise économique et jettent, dès maintenant les bases de l'industrie forestière de l'avenir. Le rôle du gouvernement en cela est double : il lui appartient d'agir sans tarder au niveau des fondamentaux économiques et d'œuvrer de concert avec nos industries afin d'ouvrir de nouvelles voies à l'innovation.

L'industrie forestière et le secteur forestier manufacturier sont deux industries importantes qui ont besoin d'aide pour surmonter la crise du crédit, pour stimuler les investissements en recherche et développement, pour favoriser l'innovation et pour faire progresser les principaux dossiers environnementaux tels que ceux du changement climatique, de la gestion forestière durable et des énergies renouvelables.

Nous nous rangeons aux positions avancées par un comité regroupant tous les partis représentés à la Chambre, qui a formulé plusieurs recommandations concernant les industries manufacturières et, plus précisément, l'industrie forestière. Nous sommes d'accord que pour assurer l'avenir de l'industrie forestière, il y a plusieurs mesures que le gouvernement devrait prendre pour faire en sorte notamment que le secteur forestier manufacturier et les fabricants de produits à valeur ajoutée aient un meilleur accès au crédit; qu'ils bénéficient d'incitations fiscales à l'investissement et à l'innovation; que l'on investisse davantage dans la recherche et développement, dans la recherche de nouveaux débouchés et dans la promotion des exportations et qu'en outre, on élargisse le programme du travail partagé de l'assurance-emploi.

D'après nous, le Canada doit prendre les devants afin d'atténuer les incidences de la crise du crédit sur l'économie du pays. Le Canada devrait notamment faire tout le nécessaire afin de renforcer les conditions du crédit, et faire en sorte que les fabricants canadiens, y compris l'industrie forestière, puissent avoir accès au crédit qu'il leur faut. Il faudra peut-être pour cela que le gouvernement prenne des mesures pour que les entreprises manufacturières continuent à avoir accès au crédit dont elles ont besoin, notamment en garantissant les prêts, à condition toutefois que les entreprises en question soient solvables et que leurs difficultés actuelles soient simplement dues à l'instabilité des marchés financiers.

Le gouvernement devrait en outre accorder des incitations fiscales afin d'encourager les investissements et l'innovation. Plusieurs suggestions ont déjà été formulées à cet effet et il n'y a pas lieu pour moi de les rappeler ici.

En ce qui concerne les investissements en recherche et développement, les initiatives afin de trouver de nouveaux débouchés et promouvoir les exportations, il y aurait lieu d'augmenter ces efforts afin d'élargir les débouchés des produits canadiens et stimuler la recherche afin de mettre au point une nouvelle génération de produits et de procédés. Il conviendrait, d'après nous, d'accroître les subventions au secteur forestier manufacturier et aux entreprises de transformation du bois et de les aider à vendre leurs produits à l'étranger en augmentant les moyens de programmes tels que Produit du bois canadien, le Bois d'abord, Valeur au bois et LEAF, qui font, sur les marchés internationaux la promotion des produits de la gestion durable des forêts canadiennes. Ces programmes qui apportent au secteur une aide inestimable sont cependant appelés à bientôt prendre fin.

Il conviendrait en outre de reconduire les crédits accordés au programme des technologies transformatrices de FPInnovations qui doit, lui aussi, prendre bientôt fin. Ce programme est extrêmement utile au secteur des produits forestiers bruts ainsi qu'aux entreprises de pointe du secteur forestier manufacturier. Il favorise la recherche de pointe, qui nous permettra de mettre au point la prochaine génération de produits forestiers canadiens. Les aides fédérales à la recherche et développement dans le domaine forestier sont, par un effet de levier, multipliées par 20 en raison de l'apport des autres parties intéressées, ce qui fait que, chaque année, plus de 500 millions de dollars sont consacrés à la recherche et développement en matière forestière.

La prolongation des délais au cours desquels les entreprises peuvent bénéficier du programme de travail partagé de l'assurance-emploi a été très utile. Comme la plupart des autres secteurs industriels, nous accueillons avec satisfaction les changements apportés à ce programme en portant à 52 semaines la période maximum de prestations accordées aux entreprises et aux employés répondant aux conditions prévues. Le fait d'avoir permis aux entreprises bénéficiant déjà d'un accord ou dont l'accord en ce domaine avait pris fin, de solliciter un nouvel accord de 52 semaines, a également été utile.

Notre association tient à vous remercier de l'occasion qui lui est ainsi donnée de comparaître devant le comité et de lui faire part de nos idées. Nous souhaitons en effet contribuer à résoudre les difficultés auxquelles fait actuellement face l'industrie forestière et, plus particulièrement, le secteur de pointe de la transformation du bois.

[Français]

Le sénateur Poulin : J'aimerais dire à quel point j'ai trouvé les présentations de l'Association canadienne de fabricants d'armoires de cuisine et de l'Association canadienne des fabricants de fermes de bois extrêmement intéressantes. Depuis le début de notre étude, nous avons accueilli des gens qui nous ont surtout parlé de la section primaire de l'industrie forestière et qui nous disaient qu'il serait extrêmement important pour nous d'entendre des représentants de l'industrie au sujet de la surtransformation du bois.

Je pose toujours la même question aux témoins que nous recevons. Le premier but de notre comité est d'étudier les causes et les origines de la présente crise forestière. Face à la crise forestière, vous êtes des participants, mais aussi de grands observateurs de cette crise. Monsieur Cvach, d'après vous, que croyez-vous être la ou les causes de la crise forestière que nous vivons en ce moment au Canada?

[Traduction]

M. Cvach : Il y a à cela plusieurs causes. D'abord, l'industrie forestière fait actuellement face à un gros problème lié essentiellement à l'évaluation de la société. En effet, une grande partie de cette industrie se consacrait naguère à la production de pâte, mais force est de constater que la consommation de pâte va progressivement baisser en raison des nouvelles technologies. De plus en plus de personnes liront le journal sur Internet et de moins en moins de bureaux conserveront leurs archives sur des supports papier. Le secteur forestier va donc voir diminuer sa production et, à cet égard, la situation ne va guère s'améliorer.

Un autre problème est lié à la baisse du nombre de mises en chantier de maisons individuelles, ce qui entraîne indéniablement une crise. Pendant 23 ans, j'ai travaillé pour l'entreprise qui fabrique les plaques métalliques de connexion destinées aux fabricants de fermes de bois. Les résultats fluctuaient d'une année à l'autre et si la baisse actuelle du nombre de mises en chantier est, certes, regrettable, il s'agit d'un phénomène essentiellement cyclique. Le secteur va donc se rétablir et cela contribuera à une amélioration de la situation du secteur forestier. Il n'y a d'ailleurs pas grand-chose que l'on puisse actuellement y faire. Lorsque la population reprendra confiance, l'économie se rétablira et les gens recommenceront à acheter des maisons. Ce qu'il faut, c'est que notre pays maintienne l'accès de notre secteur forestier au marché américain et que nous puissions en outre trouver d'autres débouchés, car nous allons devoir aussi écouler notre production forestière dans d'autres pays.

Je ne sais pas trop quoi dire au sujet des nouveaux produits. J'ai lu le compte rendu des délibérations du Comité sénatorial de l'agriculture et j'ai vu qu'on y parle de nouveaux produits merveilleux fabriqués avec du bois et des fibres de bois. Je ne suis pas vraiment au courant de cela.

Je dois dire, par contre, que le Canada est un peu responsable des problèmes éprouvés actuellement. Je suis fier d'être citoyen de ce pays, mais je suis originaire d'ailleurs et ce que j'observe ici ne cesse de me surprendre. Le Canada est, en effet, un des principaux producteurs de bois et je suis franchement étonné de voir que c'est au Canada qu'il est le plus difficile d'introduire dans la construction d'immeubles commerciaux, des éléments en bois. Il n'est en effet pas rare, en Europe, de voir des immeubles de bois.

J'ai travaillé dans le secteur des fermes de bois au tout début de cette industrie. Je parlais anglais et, à l'aide d'un glossaire de 200 mots, je suis parvenu à convaincre les gens d'adopter la technique de la couverture sur fermes. Nous faisions du bon travail. Ça n'a pas pris longtemps parce que les constructions en bois étaient ancrées dans les mœurs. Il s'agissait simplement d'un meilleur moyen d'installer la toiture. Puis, nous avons essayé de nous attaquer au marché de la construction d'immeubles commerciaux. Comme c'était irritant de voir, à Toronto, ces millions de pieds carrés de toitures en métal. Quand on essayait de leur vendre des toitures sur fermes de bois, on nous répondait qu'il était trop difficile de revenir sur les devis descriptifs. Nous avons alors essayé de convaincre les ingénieurs et les architectes de recourir au bois. Ils n'avaient pas la moindre idée de comment concevoir un immeuble en bois.

La chose paraît curieuse, mais les ingénieurs sont formés à l'emploi du fer ou du ciment et le bois fait appel à une conception entièrement différente. On pourrait croire que l'ingénierie structurale est la même partout, mais ce n'est pas le cas. Les ingénieurs et les architectes qui sortent des universités savent comment dessiner ou concevoir un immeuble en fer et en béton, mais hésitent énormément à recourir au bois, un matériau qu'ils ne connaissent pas.

Dans le secteur des plaques de connexion, nous avons essayé d'effectuer pour le compte des fabricants de fermes de bois, ce travail de persuasion. Il y avait, au Canada, à peu près 300 fabricants de fermes de bois employant quelque 15 000 personnes. Il s'agissait essentiellement de petites entreprises n'ayant pas les moyens d'engager quelqu'un pour tenter de persuader les ingénieurs et les architectes de recourir au bois. Si j'engage un vendeur pour essayer de convaincre les constructeurs d'opter, plutôt que pour des toitures en fer, pour une couverture sur fermes de bois, lors de l'appel d'offres pour la construction d'un immeuble, tous les fabricants de fermes de bois pourront soumissionner, mais celui qui obtiendra le contrat ce ne sera pas moi puisque mon offre sera trop élevée étant donné que j'aurais eu à rémunérer un vendeur. Le contrat ira à quelqu'un qui présente une offre plus avantageuse.

En ce qui concerne la construction d'immeubles commerciaux, nous ne cessons de nous heurter à des difficultés. Parfois, il s'agit de problèmes découlant du code de prévention des incendies, parfois de difficultés découlant de tel ou tel détail d'un plan de construction ou d'ingénieurs qui ne comprennent pas nos procédures de conception. Certaines de nos difficultés actuelles proviennent du fait que la baisse du nombre de mises en chantier de maisons individuelles n'est pas compensée par une plus grande part du marché de la construction commerciale, car nous n'avons pas les moyens de prendre pied sur ce marché. Je ne demande pas au gouvernement de nous aider financièrement, même si ce serait agréable. C'est tout de même un peu la faute des entreprises elles-mêmes. J'ai quitté le secteur des plaques de connexion et ils vont m'en vouloir s'ils lisent ces comptes rendus. Je vous demande donc de ne pas trop largement les diffuser.

Lorsque je me suis retiré de la fabrication des fermes de bois, j'ai rejoint cette association. Depuis, je multiplie les contacts avec les fabricants de plaques, les marchands de bois et toutes les autres parties intéressées et je leur dis « Si vous voulez développer votre entreprise, voilà ce qu'il faut faire ». Les fabricants de fermes de bois voudraient effectivement accroître leurs ventes, mais essayez de comprendre qu'ils n'y réussiront pas seuls. Il leur faut de l'argent. À une certaine époque, le Conseil canadien du bois était plutôt prospère, car les marchands de bois lui versaient une cotisation proportionnelle à leur production. Or, je ne sais pas si vous le savez, mais le conseil perd actuellement des adhérents qui affirment ne plus pouvoir se permettre la cotisation. D'après moi, en agissant de la sorte, ils sapent les bases mêmes de leur industrie.

Je dis donc, en réponse à votre question, que notre secteur manque d'initiative. Nous assistons un peu passivement à l'évolution de la situation.

[Français]

Le sénateur Poulin : Je pose la même question à madame Castrucci au nom de l'association que vous représentez.

[Traduction]

Mme Castrucci : Cela dépend de la manière dont vous envisagez la crise qui frappe actuellement le secteur forestier et de la personne à qui vous demandez son avis. En tant que fabricants d'armoires en bois traité, nous sommes consommateurs de produits secondaires du bois. Notre gros problème est actuellement que nous avons du mal à nous procurer du bois de placage de qualité et du bois dur de manière générale. Même de très gros marchands de bois ont actuellement du mal à se procurer suffisamment de bois, tant du bois dur que des résineux. Une partie du problème provient du fait que notre gestion forestière ne s'est pas vraiment adaptée à la demande. Nous en pâtissons maintenant, car nous avons du mal à nous procurer le bois qu'il nous faudrait, surtout de la qualité voulue.

[Français]

Le sénateur Poulin : Il est intéressant de constater que vos analyses, à titre d'observateurs, complètent les analyses que nous avons reçues d'autres témoins. C'est très apprécié.

En examinant le secteur dans lequel vous oeuvrez, soit la fabrication d'armoires de cuisine, on voit une demande pour ce produit dans la vie de tous les jours. Comment votre industrie réagit-elle face à la situation actuelle? Vous en avez parlé un peu dans votre présentation. Vous avez aussi parlé de la concurrence qui surgit à cause de l'arrivée de certains produits d'autres pays. Vos membres font-ils beaucoup de commerce international?

[Traduction]

Mme Castrucci : Je dirais que la majorité de nos membres écoulent leur production au Canada, et que notre principal marché à l'exportation est sans nul doute les États-Unis. Il y a peut-être, en Colombie-Britannique, quelques compagnies qui exportent une bonne partie de leur production au Japon, mais dans l'est du Canada, nous exportons peut-être un petit peu vers les Antilles, et un petit peu aussi vers l'Europe de l'Ouest, mais pas beaucoup. En ce qui concerne l'Europe, il s'agit surtout d'importations. Certains gros fabricants de meubles allemands et italiens exportent probablement beaucoup vers le Canada et les États-Unis. Nous constatons actuellement une forte augmentation des importations en provenance d'Asie. Ces produits sont importés à des prix très bas, car ils sont fabriqués dans des pays qui sont beaucoup moins préoccupés que nous par les problèmes d'environnement. Ce n'est pas qu'ils n'éprouvent pas de tels problèmes, mais simplement que cela ne pèse pas sur leurs coûts de fabrication. En effet, si vous intégrez à vos coûts de production l'impôt-santé des employeurs, les cotisations au Régime d'indemnisation des accidents du travail et les divers autres prélèvements, nos coûts de production sont extrêmement élevés, ce qui n'est pas le cas chez nos concurrents étrangers. Ce n'est donc pas simplement le fait que les salaires y sont beaucoup moins élevés, mais aussi que les fabricants ne supportent pas les mêmes charges que les fabricants canadiens. Nous sommes actuellement soumis à une très forte concurrence de la part des importations en provenance d'Asie.

Je dois dire qu'en ce qui concerne l'industrie du bois, il nous est de plus en plus difficile de nous procurer la matière première nécessaire à une fabrication conforme tant à nos normes de qualité qu'à celles de la clientèle. Le bois de placage avait naguère un sixième de pouce d'épaisseur. Aujourd'hui, les feuilles de bois de merisier ont un cinquantième de pouce d'épaisseur. Il est tellement difficile actuellement de se procurer du bois de placage qu'on le fabrique de plus en plus mince. Évidemment, il existe maintenant des techniques qui permettent de telles minceurs, mais, pour l'utilisateur, cela crée toutes sortes de problèmes. La colle, par exemple, risque de transparaître. Et puis, avec une telle minceur, on aperçoit, à travers le placage, ce qui se trouve dessous. Voilà quelques-uns des problèmes que nous éprouvons actuellement vis-à-vis l'industrie du bois.

M. Lipman : J'ajouterais que les fabricants qui exportaient beaucoup vers les États-Unis subissent de plein fouet l'effondrement du marché américain de la construction.

Le sénateur Eaton : Je remercie l'ensemble de nos témoins. Tout cela est du plus vif intérêt. Nous avons ainsi appris que la construction en bois est préférable du point de vue de l'environnement et qu'elle permet de compenser une partie des émissions de gaz carbonique. Pourquoi n'y avons-nous pas plus souvent recours? Étant donné tous les nouveaux lotissements, ne serait-ce pas un bon argument de vente, ou est-ce qu'en construisant avec du bois on augmenterait les coûts et compliquerait la construction?

M. Cvach : La carte verte est en effet un excellent argument de vente. Je ne voudrais pas faire dévier le débat, mais je dois dire que je suis toujours surpris lorsque j'entends dire, d'une part, que l'industrie du bois a ce formidable atout que constitue la séquestration du dioxyde de carbone dans le bois alors qu'on entend en même temps affirmer qu'on devrait utiliser davantage les copeaux de bois pour chauffer alors que ce mode de chauffage entraîne des rejets de gaz carbonique. On a l'impression qu'ils ne savent pas trop ce qu'ils veulent. En ce qui concerne la construction de maisons, le problème ne se pose pas, puisque les maisons individuelles sont généralement en bois. Nous ne sommes, sur ce plan-là, pas concurrencés par d'autres matériaux. La situation est tout autre, cependant, en ce qui concerne la construction d'immeubles commerciaux et j'avoue ne pas très bien comprendre pourquoi.

Le sénateur Eaton : Je comprends fort bien que vous ne souhaitiez pas essayer de contacter pour les convaincre tous les constructeurs d'immeubles commerciaux. Cela étant, ne serait-il pas utile de mettre en place un grand programme de commercialisation vantant les avantages de la construction verte afin que chacun comprenne de quoi il s'agit?

Ne nous préoccupons plus autant des bouteilles d'eau en matière plastique; les supermarchés font maintenant payer chaque sac en plastique qu'ils vous donnent. N'y a-t-il pas un programme qui inciterait les universités à enseigner aux jeunes architectes comment dessiner des maisons en bois, comment employer en construction des éléments en bois?

M. Cvach : Ce serait un bon début. Je suis assez âgé pour pouvoir observer ce que font les deux générations qui m'ont succédé. Ce sont elles qui peuplent actuellement les universités. Ce qui joue en notre faveur c'est que l'avenir de la terre intéresse beaucoup plus les jeunes d'aujourd'hui que les jeunes de l'époque. Ce serait un bon argument à faire valoir auprès des universités. Il s'agirait de leur dire que ce qui empêche de recourir plus largement à ce merveilleux matériau vert c'est que vous n'en préconisez pas l'emploi dans le cadre de vos enseignements, alors que c'est ce que voudrait la prochaine génération. Ce serait, je pense, la bonne manière de procéder.

Le sénateur Eaton : Et du bois, nous en avons.

M. Cvach : Oui. Nos réserves en bois dépassent nos besoins et nous en exportons.

Ce serait un des moyens de procéder. On devrait parvenir en invoquant cet argument, à les convaincre d'employer davantage le bois.

Le sénateur Eaton : Monsieur Lipman, dans votre exposé, vous faites état, dans la même pensée d'une augmentation de 3 p. 100 dans l'utilisation du bois à l'échelle mondiale. Quelle est la part de cette augmentation qui devrait nous revenir? Qui sont nos concurrents, le Brésil, la Chine, la Russie?

M. Lipman : Oui, certains de ces marchés émergents. Il nous faut, en effet, en raison des droits compensateurs, rechercher d'autres débouchés pour nos exportations.

Permettez-moi de revenir un instant sur ce que vous avez dit au sujet du programme de commercialisation. Une telle initiative me semblerait en effet utile. J'aimerais savoir ce que Mme Castrucci pense de la préférence des consommateurs pour les produits verts.

Mme Castrucci : Nous avons directement affaire au consommateur; notre entreprise vend à des constructeurs, à des rénovateurs ainsi qu'à des particuliers. Nous vendons à tous ceux qui souhaitent acheter une cuisine.

Le sénateur Duffy : Quel est le nom de votre entreprise?

Mme Castrucci : Laurysen Kitchens, à Stittsville. Nous sommes installés là depuis un certain nombre d'années déjà. Beaucoup de nos clients demandent des articles verts. Ils s'inquiètent en effet des composés organiques volatiles, des dégagements gazeux. La laque appliquée à cette table, par exemple, dégage des composés organiques volatiles. Cela dit, après s'être enquis du prix des produits verts, leur enthousiasme baisse considérablement.

Le sénateur Eaton : Pourquoi, le bois coûte-t-il plus cher?

Mme Castrucci : Non, ce n'est pas le bois, puisque tous nos produits sont en bois. Nos armoires sont en aggloméré recouvert d'une couche de mélamine. Or, les panneaux de particules agglomérés sont fabriqués avec de la colle contenant de très faibles quantités de formaldéhyde, qui dégage effectivement des émanations. Chaque arbre, chaque personne comprennent de petites quantités de formaldéhyde, mais lorsqu'on y ajoute de la colle, la réglementation estime qu'on y a ajouté du formaldéhyde. Il existe des panneaux fabriqués à l'aide d'une colle à base de soya, donc sans formaldéhyde, mais c'est un produit très coûteux.

Le sénateur Eaton : Mais pourquoi ne pas simplement utiliser du bois massif?

Mme Castrucci : Les armoires en bois massif coûtent sensiblement plus cher. En outre, cela augmente considérablement la consommation de ressources et exigerait, par conséquent, de vastes projets de reboisement. J'ajoute que les étagères en bois massif ont tendance à se déformer. On pourrait fabriquer des armoires en bois massif, mais un an plus tard, elles seraient toutes déformées.

Le sénateur Eaton : Vous voulez dire que le bois massif peut servir à fabriquer des armoires, mais pas des étagères?

Mme Castrucci : Prenez un arbre, lorsque vous en coupez une tranche, vous pouvez voir dans quel sens le bois va se tordre. C'est pourquoi, lorsque vous fabriquez une étagère ou la paroi verticale d'un meuble, vous devez utiliser, pour cela, divers morceaux de bois qui sont ensuite assemblés. Vous prenez donc un morceau dont le cercle de croissance va dans telle direction, et vous l'assemblez à un autre morceau dont le cercle va dans un autre sens afin que les tendances à la déformation se compensent et que le panneau reste droit. Cela dit, le panneau ne sera jamais aussi droit que si vous le fabriquez en aggloméré. Lorsque vous fabriquez quelque chose en aggloméré, le substrat garde beaucoup mieux sa forme.

Le sénateur Eaton : Mais ce n'est pas du bois.

Mme Castrucci : Si c'est du bois, du bois broyé.

M. Lipman : Lorsque vous achetez des planches de bois, vous avez le choix entre des planches ordinaires et, je ne vais pas dire du bois vert, mais du bois certifié de la foresterie durable, c'est-à-dire provenant de forêts soumises à un mode d'exploitation durable. La clientèle n'y est pas indifférente. Il s'agit simplement de savoir si elle accepte de payer plus cher qu'elle ne le ferait pour du bois ordinaire.

Tout le monde voudrait utiliser du bois provenant de forêts durables. La question est simplement de savoir s'il accepte de le payer plus cher.

Le sénateur Eaton : Il y a 100 ans, les buffets n'étaient pas en aggloméré.

Mme Castrucci : Non, il n'y avait pas d'aggloméré à l'époque, mais il y avait du contre-plaqué.

Le sénateur Eaton : Dans une table en acajou du XVIIIe siècle?

Mme Castrucci : Il y en avait peut-être, mais on utilisait également beaucoup de bois de placage. Le meuble était fait d'un certain bois et recouvert d'une feuille de placage. En outre, si vous utilisez du bois massif, il faut lui donner un certain fini, cela veut dire une laque, car il faut bien y appliquer une couche de finition.

Le sénateur Eaton : Ou une couche de peinture.

Mme Castrucci : Oui, mais on souhaite faire ressortir les veines du bois et on peut préférer ne pas le recouvrir. La plupart des laques employées aujourd'hui sont à base d'huile. L'Europe est en avance sur nous à cet égard, car on y emploie davantage des finitions à base d'eau.

Ces produits-là, on commence tout juste à en avoir au Canada. Nous sommes en train d'acquérir, pour notre usine, un nouveau système de finition à base d'eau, mais c'est un équipement extrêmement coûteux.

Le sénateur Eaton : Nous avons donc beaucoup de bois ici, mais nous avons également beaucoup à apprendre.

Mme Castrucci : Ce qu'il nous faudrait, ce sont des aides nous permettant, à nous fabricants, de réduire nos émissions. En tant que fabricant, et en tant qu'habitant de ce pays, je ne veux pas que toutes ces émanations se dispersent dans l'air. Je préférerais de loin employer des produits à base d'eau. Cependant, les produits à base d'eau coûtent deux fois plus cher et la machine qui permet de les employer coûte des centaines de milliers de dollars.

Le sénateur Eaton : Plus cet usage se répandra, plus les prix baisseront.

Mme Castrucci : Je l'espère. Mais il serait très utile de bénéficier, par exemple, d'une subvention ou d'un report d'impôt afin de pouvoir, justement, s'équiper en conséquence. Nous avons commandé cet équipement et on devrait nous le livrer en septembre. Cela nous permettra de réduire de 50 p. 100 nos émissions de composés organiques volatiles.

Le sénateur Eaton : Voilà un excellent argument de vente.

Mme Castrucci : Oui, en effet. Cet équipement entrera en service en septembre.

Le sénateur Mercer : Je tiens à vous remercier tous d'avoir répondu à notre invitation. Je peux vous assurer qu'avec du bois on peut fabriquer n'importe quoi. En 1976, je faisais partie de la délégation canadienne auprès de l'Organisation mondiale du travail, à Genève. Cette organisation comprend des représentants du monde du travail, de l'entreprise et des gouvernements. À l'époque, le président de la section du monde du travail était le président du syndicat des travailleurs du bois de Colombie-Britannique. Quand je suis entré dans son bureau, au siège de l'Organisation mondiale du travail à Genève j'ai constaté que tout était en bois, y compris les fichiers. C'était remarquable.

Monsieur Cvach, vous avez évoqué la mise en place d'organismes de commercialisation afin de promouvoir l'utilisation du bois dans la construction d'immeubles commerciaux dans la mesure où le code du bâtiment le permet. Or, qui devrait en prendre l'initiative et comment devraient-ils s'y prendre?

M. Cvach : Je précise d'emblée qu'il faudrait organiser des équipes de professionnels spécialistes de la question. On ne peut pas y avoir une tâche accessoire à un autre emploi, car un tel effort exige des outils de commercialisation entièrement différents.

Deuxièmement, il faudra que ces équipes soient constituées de personnes indépendantes des fabricants, non parce qu'il n'est pas normal de travailler de concert avec les fabricants, mais parce que ces personnes auront pour objectif d'augmenter l'utilisation du bois dans le secteur tout entier. Ainsi, à chaque fois qu'ils obtiennent, lors de la construction d'un immeuble, que l'on remplace tel ou tel matériau par du bois, à chaque fois qu'ils parviennent à convaincre un rédacteur de descriptif d'opter pour le bois, c'est un succès pour le vendeur, quelle que soit l'entreprise qui obtient le contrat. Si j'étais vendeur, ma motivation première serait d'encourager la construction en bois. Si je travaille pour un fabricant de fermes de bois, et que je fais de gros efforts afin d'obtenir qu'un immeuble commercial soit construit avec du bois plutôt qu'avec du métal ou du ciment, je perdrais toute ma motivation si le contrat était attribué à une autre entreprise. Les personnes dont c'est le travail de faire auprès des rédacteurs de descriptifs la promotion du bois en tant que matériau de construction doivent donc être indépendantes des divers fabricants.

Mais qui va financer une telle initiative? Toute la question est là. Ce sera soit les fabricants de fermes de bois, soit l'industrie du bois. D'après moi, les fabricants de fermes de bois, leurs fournisseurs et les gouvernements régionaux devraient, chacun pour sa part, financer l'organisation de ces équipes de vente. Les équipes elles-mêmes doivent être gérées à l'échelle de la région par ceux qui connaissent le mieux la situation locale. Si vous voulez augmenter les ventes de bois à l'industrie de la construction dans les Prairies, il faut savoir que ce matériau va, en grande partie, servir à construire des bâtiments agricoles. À Toronto, il s'agira plutôt d'immeubles commerciaux et industriels. Il faut donc constituer des équipes de vente bien formées qui, en outre, sont indépendantes des producteurs individuels, mais travaillent pour le compte du secteur dans son ensemble. C'est le secteur tout entier ainsi que les autres parties intéressées qui devront financer leur action.

Le sénateur Mercer : Il est bon, à cet égard, de pouvoir citer des exemples. La semaine dernière, je me trouvais à Vancouver et j'ai eu l'occasion de me rendre à la piste de course olympique à Richmond. C'est la piste où auront lieu les épreuves olympiques de patinage de vitesse. La construction de cette piste a exigé un million de pieds-planche de bois récupéré parmi les arbres atteints par le dendroctone du pin. C'est une très belle architecture. J'ajoute que le bois lui confère des qualités acoustiques tout à fait remarquables. Il n'y a rien qui ne puisse être construit en bois.

Quelqu'un disait tout à l'heure que les fabricants asiatiques sont parmi nos principaux concurrents. Utilisent-ils du bois qui pousse chez eux ou emploient-ils des matières premières importées du Canada? Est-ce que nous leur exportons nos matières premières et leur achetons après des produits finis?

Je voudrais, à cet égard, revenir à ce que vous disiez tout à l'heure au début de votre exposé. L'Association canadienne de fabricants d'armoires de cuisine a adopté de nouvelles normes de construction. Vous souhaitez différencier les meubles produits par une entreprise membre de votre association et les autres, qu'ils soient produits au Canada ou à l'étranger. Comment faire cela? Comment pourrais-je moi-même les distinguer? Avez-vous un label que vous apposez sur les articles fabriqués par un ébéniste ou fabricant certifié?

M. Lipman : C'est justement l'objet du programme de certification que nous venons de lancer. L'association diffusera une liste des fabricants certifiés. Un label de qualité sera apposé sur leur production afin que le consommateur puisse en connaître la provenance. Ce label répond à des normes définies par les fabricants, les fournisseurs et les organisations intéressées telles que les régies de logement afin de garantir la qualité d'armoires de fabrication canadienne.

Le sénateur Mercer : Vous nous disiez tout à l'heure que certains gouvernements ont modernisé leurs politiques et que cela a permis une augmentation des investissements et la constitution de compagnies mieux à même d'affronter les périodes difficiles. Cela est, certes, une bonne chose, mais vous ne nous avez cité aucun exemple nous permettant de comprendre comment cela s'est fait. Quels sont les gouvernements qui ont modernisé leurs politiques et favorisé ainsi les investissements dans des entreprises devenues, de fait, plus solides?

M. Lipman : C'est très volontiers que nous transmettons ultérieurement ces renseignements au comité. Nous serons heureux de vous fournir davantage de détails à cet égard.

Le sénateur Mercer : Vous n'avez pas, comme cela, d'exemples que vous pourriez nous citer de mémoire?

M. Lipman : Non.

Mme Castrucci : Vous avez demandé si le Canada exportait des matières premières qui nous revenaient sous forme de produits finis. Je dois dire que c'est parfois le cas, mais que les articles que j'ai vus ne sont pas fabriqués avec du bois provenant du Canada ou des États-Unis. Dans les armoires importées, par exemple, les portes ne sont pas faites de bois provenant d'Amérique du Nord. Il est possible que dans certaines armoires haut de gamme, les portes soient en chêne rouge ou en tremble, deux espèces répandues en Amérique du Nord, mais cela ne vaudra que pour l'avant du meuble et non pour le corps de l'armoire qui est plutôt en bois provenant d'arbres poussant dans le pays exportateur.

Le sénateur Duffy : Monsieur Cvach, vous nous avez dit, lors de votre exposé, que la Colombie-Britannique a modifié son code du bâtiment et autorise dorénavant la construction d'immeubles en bois de cinq étages?

M. Cvach : C'est en effet ce qu'on m'a dit.

Le sénateur Duffy : La semaine dernière, lors d'une séance de notre comité, un des témoins nous a montré des photos d'immeubles qui, dans divers pays européens, et notamment en Scandinavie, sont de 10 étages et construits entièrement en bois. Nous avons tous été impressionnés par ce que le sénateur Mercer disait tout à l'heure au sujet de cette piste olympique construite en Colombie-Britannique. Mais, alors, qui fixe les normes? Existe-t-il un code national du bâtiment?

M. Cvach : Il y a, effectivement, le Code national du bâtiment du Canada. Il sert de base aux codes provinciaux du bâtiment, mais les provinces peuvent y apporter des modifications. C'est ainsi que d'une province à l'autre, les normes de construction varient énormément, ce qui m'a toujours étonné.

En général, les codes provinciaux sont révisés afin d'y incorporer les nouvelles dispositions du code national, mais, parfois, les codes provinciaux ne s'alignent pas sur le nouveau code national.

À une certaine époque, le code national du bâtiment du Canada a adopté une modification importante dans la conception des fermes, afin d'y intégrer le calcul aux états limites. Hormis le Québec, dont je ne suis pas sûr que même aujourd'hui il les ait adoptés, toutes les provinces ont très rapidement intégré ces principes à leur code du bâtiment. Les codes du bâtiment relèvent en effet des compétences provinciales et le code national a surtout valeur d'exemple.

Le sénateur Duffy : Certains souhaitent peut-être que notre rapport finisse par recommander au gouvernement fédéral de spécifier l'emploi intégral du bois pour la construction de nouveaux immeubles. D'après vous, les efforts que le gouvernement fédéral ferait en ce sens seraient-ils bloqués par l'action et les réglementations provinciales?

M. Cvach : Nous avons, à l'heure actuelle, une excellente occasion de forger un consensus plus large entre les provinces. Nous cherchons en permanence les moyens de renforcer l'unité nationale, et j'estime que la crise actuelle peut jouer un rôle en cela. En effet, l'industrie forestière est une industrie nationale et toutes les provinces ont intérêt à ce qu'augmentent les ventes de produits forestiers. Si le Code national du bâtiment du Canada prenait l'initiative de permettre un recours plus large au bois dans la construction d'immeubles commerciaux, il y a aujourd'hui de meilleures chances qu'à toute autre époque de voir les provinces s'aligner sans tarder sur les nouvelles dispositions.

Le sénateur Duffy : Je tiens à vous remercier tous. Je suis impressionné par l'importance que vous attachez à l'innovation ainsi qu'à la recherche et développement. Votre regard est tendu vers l'avenir et vous avez compris que la prospérité dépend davantage de cela que de subventions gouvernementales. Je vous félicite de votre attitude et nous verrons si nous pouvons vous aider à atteindre les objectifs que vous avez définis.

Le sénateur Fairbairn : Je tiens à mon tour à vous remercier d'avoir répondu à notre invitation. La discussion à laquelle nous prenons part est très prometteuse et je vous félicite des efforts dynamiques dont vous faites preuve dans un secteur en pleine mutation. C'est pour nous très encourageant.

Je viens d'une région de l'Alberta qui jouxte la Colombie-Britannique. Cette région traverse actuellement de grandes difficultés puisque l'industrie forestière y occupe une place prépondérante. Nous faisons face à un grave problème qui se propage petit à petit à l'ensemble du territoire national. Je fais, bien sûr, allusion au dendoctrone du pin.

Vos propos sont positifs et, dans l'ensemble de vos activités, vous restez, me semble-t-il, à l'écoute du consommateur. Où en sommes-nous, au niveau de ce qui se passe dans nos forêts dans cette région du Canada? Ce coléoptère fait de grands ravages et je constate que ma province d'origine sera bientôt atteinte, ce qui est une grande source d'inquiétude. Pourriez-vous nous dire si cette situation a d'ores et déjà eu des répercussions sur votre activité professionnelle? Je me demande si c'est pour vous un sujet d'inquiétude. Monsieur Cvach, je pense que vous nous en avez dit quelque chose tout à l'heure.

M. Cvach : Je ne suis pas sûr d'avoir bien saisi le sens de votre question.

Le sénateur Fairbairn : C'est-à-dire qu'après tant d'années de cette immense richesse forestière qui est un des atouts du Canada, nous constatons les ravages provoqués par cet insecte.

M. Cvach : Vous voulez dire le dendoctrone du pin?

Le sénateur Fairbairn : Oui, dont nous parlions tout à l'heure.

M. Cvach : Oui, nous disions qu'il provoque des ravages dans les forêts de Colombie-Britannique. Ce serait en effet un désastre pour les fabricants de fermes de bois, si cet insecte détruisait nos forêts.

Le sénateur Fairbairn : Justement.

M. Cvach : C'est notre unique sujet d'inquiétude. Le dendoctrone du pin endommage en effet nos forêts. Que faire avec les arbres morts? Je ne sais pas si le bois peut être récupéré. Lorsqu'il y a un feu de forêt, si l'on abat les arbres immédiatement après, le bois peut encore servir à nos fabrications. Mais qu'en est —il des arbres endommagés par le dendoctrone du pin? Je ne sais pas si cela rend le bois inutilisable. Sur ce point, je n'ai pas de réponse. Il s'agit plutôt de voir s'il est possible de cultiver des forêts où cela ne se produirait plus. On me dit que seuls des hivers très rigoureux permettraient de lutter contre ce phénomène.

Le sénateur Fairbairn : Lorsqu'il y a peu de temps, nous nous sommes rendus à Prince George, dans le Nord de la Colombie-Britannique, pour procéder à des auditions sur des questions intéressant les régions rurales, nous avons, malgré la tristesse du spectacle de ces forêts ravagées, rencontré les habitants d'une petite agglomération des environs qui avaient décidé d'en tirer tout de même parti. Avec les arbres atteints, ils fabriquaient des tables, des chaises et des lits. Les meubles étaient plutôt beaux, mais nous avons appris par la suite que le bois utilisé n'était pas assez solide.

Les inquiétudes que provoque cette situation vous portent-elles à vous intéresser aux régions qui ne sont pas encore atteintes? Vous êtes-vous penché sur la question et avez-vous réfléchi à la manière de contourner le problème?

M. Lipman : Jusqu'ici, c'est surtout la Colombie-Britannique qui est atteinte. En juin, notre association va se réunir en Colombie-Britannique et nous profiterons de l'occasion pour en discuter.

On entend dire que l'infestation se propage en direction de l'Est et que l'insecte s'attaque peut-être actuellement à d'autres espèces d'arbre. Je ne sais pas ce qu'il en est, mais ce serait évidemment une source d'inquiétude.

Cela dit, la situation n'a jusqu'ici guère eu d'incidences sur notre activité. Je sais que certains organismes de recherche et développement concentrent leurs efforts sur la Colombie-Britannique afin de voir si l'on peut tout de même tirer parti des arbres qui sont atteints.

Nous avons entendu parler d'une situation analogue, où les arbres avaient été endommagés par des taches bleues et où certains ont pu tirer parti du phénomène en fabriquant avec ce bois des meubles « blue-jeans ». Ils ont ainsi, transformé en aubaine ce qui était au départ un problème.

Le sénateur Fairbairn : C'est un bon exemple. L'occasion dont j'ai fait état n'était peut-être pas tout à fait aussi bonne, mais la situation a suscité beaucoup de réflexion et mobilisé les énergies avec la volonté d'en tirer parti.

Il est difficile de prévoir ce qui se passera à terme, mais un retournement de la situation n'est pas exclu. Avez-vous envisagé ce qu'il conviendrait de faire pour s'adapter à un renversement de situation afin, justement, de pouvoir poursuivre vos activités industrielles?

M. Lipman : Nous ne manquerons pas d'évoquer la question lors de notre prochaine réunion.

Le sénateur Baker : Les renseignements que vous nous avez fournis dans le cadre de vos exposés nous ont été très utiles, mais j'aimerais vous demander à cet égard une petite précision. La qualité et la composition du bois varient, bien sûr, en fonction de la région. Chaque morceau de bois que nous exportons est estampillé et chacun peut donc savoir si le bois provient de l'Ontario, du Québec, du Nouveau-Brunswick, de Terre-Neuve ou d'ailleurs.

La qualité varie beaucoup dans certaines régions du nord où il faut 30 ans pour qu'un arbre atteigne une certaine taille. Dans d'autres régions, un arbre pousse en 15 ans et donc on comprend aisément qu'entre les diverses régions, la qualité du bois varie.

J'imagine que le bois que vous employez dans la fabrication des fermes n'est pas le même que le bois qui sert à fabriquer des armoires.

Mme Castrucci : En effet.

Le sénateur Baker : Pourriez-vous nous dire d'où provient, au Canada, le bois le mieux adapté à vos diverses fabrications? Comment se compare-t-il au bois provenant de régions analogues en Europe ou d'autres régions du monde?

M. Cvach : Permettez-moi de répondre. Vous avez parfaitement raison, car plus l'arbre pousse vite, moins son bois a de résistance. Ça, c'est une des raisons. En fait, la qualité du bois dépend de deux choses, c'est-à-dire à la fois de l'espèce et du rythme de croissance de l'arbre. Cela ne nous a jamais posé de problèmes, grâce aux connaissances modernes.

Il s'agit de concevoir l'objet en fonction de la matière. Il nous faut donc savoir quelle est la résistance de tel et tel bois, quelles sont ses propriétés structurelles. Lorsque je suis arrivé au Canada, et que nous nous sommes mis à concevoir des constructions en bois, nous avons étudié chaque espèce afin d'en connaître la résistance. Imaginez-vous qu'on ne distinguait pas une épinette de l'Ontario d'une épinette de Colombie-Britannique ou du Nouveau-Brunswick, car, pour nous, l'épinette était partout pareille. C'est dire qu'à l'époque nous ne tirions pas le meilleur parti du bois et que nous retenions l'indice de résistance le plus faible pour une espèce donnée. À l'époque, nous savions tout de même que l'épinette n'était pas un bois aussi solide que le Douglas taxifolié de Colombie-Britannique.

Puis, une belle invention nous a prêté main-forte — le classement du bois par contrainte mécanique. Le morceau de bois est introduit dans la machine et sa résistance peut être calculée. Nous étions tout d'un coup en mesure de connaître, de manière très précise, les propriétés des divers morceaux de bois. L'épinette qui pousse dans une région plus sèche du pays a plus de résistance et on peut le voir à sa cote de résistance établie mécaniquement.

Pour ce qui est de savoir quels sont les arbres canadiens les plus résistants, je dirais que ce sont ceux de l'intérieur de la Colombie-Britannique, où le climat est plus sec et les arbres poussent plus lentement. Leurs cercles sont plus denses et le bois est plus résistant. La plupart des bois à forte cote de résistance viennent de Colombie-Britannique.

Je sais que vous venez de Terre-Neuve et que vous vous demandez s'il faut me croire. Je sais qu'à Terre-Neuve les arbres poussent lentement puisque j'ai parcouru la région en voiture et que j'ai pu constater que les arbres luttent pour survivre. Je ne sais pas à vrai dire si les arbres qui poussent à Terre-Neuve sont classés par contrainte mécanique. La méthode s'est vraiment imposée en Colombie-Britannique dans l'industrie du bois et c'est de là que provenait la plupart du bois à forte cote de résistance. Si cette pratique ne s'est pas encore instaurée à Terre-Neuve, il faudrait peut- être aider les scieries à s'équiper de telles machines.

Le sénateur Baker : Reconnaissez que vous venez de vous contredire. Au départ, en effet, vous avez dit que les arbres qui poussent lentement sont plus résistants que ceux qui poussent vite. Et donc, que si un arbre prend 15 ans pour atteindre une certaine taille, le bois qu'on peut en tirer sera moins consistant que l'arbre qui prend 30 ans pour atteindre la même taille. J'avais compris que c'est ce que vous disiez au départ. Mais, après cela, vous avez dit que les arbres de Colombie-Britannique étaient peut-être les plus résistants, car ils poussent plus vite.

M. Cvach : Mais je parlais de l'intérieur de la Colombie-Britannique, où c'est très sec. Sur la côte, par contre, les arbres poussent vite et leur bois n'est pas aussi résistant. Le bois provenant des arbres coupés sur l'île de Vancouver a une cote de résistance moindre que le bois en provenance de la région de Kamloops.

Le sénateur Baker : Mais alors pour les armoires? Vous utilisez du bois dur, mais...

Mme Castrucci : Nous sommes installés à l'ouest d'Ottawa et donc la plupart du bois dur que nous utilisons provient du Québec. Nos fournisseurs de panneaux de bois sont tous installés dans la région de Gaspé, et ils utilisent, par conséquent, du bois de cette région.

Il y a également une usine de panneaux de bois près de Mont-Laurier, mais je pense qu'elle vient de fermer. Plusieurs usines ont fermé récemment.

La plupart des fabricants de panneaux de bois veulent être à proximité de leurs sources d'approvisionnement tant en bois dur qu'en résineux et leurs usines sont donc généralement situées près de formations forestières denses. Cela exige, par contre, que le bois soit transporté par camion jusqu'à Toronto ou jusqu'à Montréal, ou au moins jusqu'à une gare de marchandises.

C'est la situation au Québec que je connais le mieux, mais certains des bois durs que nous utilisons viennent de New York ou de Pennsylvanie et nous nous en procurons en outre de petites quantités du Nouveau-Brunswick. En Alberta, les fabricants utilisent beaucoup le tremble, très répandu dans cette province.

En Ontario, nous employons beaucoup l'érable ou le bouleau. Un d'entre vous a évoqué tout à l'heure les meubles anciens en acajou. Il n'y a plus aujourd'hui, de forêts de peuplement mûr. Lorsque vous abattez un arbre qui n'a que 50 ans, comparé à un arbre de 150 ans, il y a une grosse différence au niveau du bois qu'on peut en tirer. Je constate, lorsqu'on cherche à se procurer du bois dur ou du bois de dimensions courantes que les arbres d'aujourd'hui sont beaucoup plus petits que ceux d'il y a 50 ans. Le principal problème est aujourd'hui la dimension des planches.

Pour ce qui est du bois massif, le meilleur appartient à la catégorie d'exportation et il est, effectivement, exporté et non vendu au Canada. Je ne peux me procurer que du bois de choix ou du bois de qualité « meilleure ».

Le sénateur Baker : Monsieur Cvach, pourriez-vous dire de quoi sont faites les plaques métalliques de connexion?

M. Cvach : Elles sont en acier galvanisé. Les plaques de calibre 20 ont généralement une épaisseur de 40 millièmes de pouce. L'acier qui sort du laminoir a généralement 12 pouces de large et il est galvanisé des deux côtés. Il passe ensuite par des poinçonneuses qui transforment le fer en plaques à connexion. La plaque à connexion est un morceau de fer dont la surface est assortie de dents découpées dans l'acier même. Ainsi, la surface d'une ferme est percée et l'on voit où l'acier a été perforé pour former les dents.

Le sénateur Baker : Je vous remercie.

Le sénateur Cordy : Nous avons acquis de nouvelles connaissances cet après-midi. Ayant construit une maison, je croyais pourtant m'y connaître un peu en technique.

Ma première question concerne la commercialisation des produits canadiens du bois. J'ai moi-même eu l'occasion de visiter la piste de course olympique à Richmond. C'est effectivement un bâtiment remarquable. Une telle réalisation ne pourrait-elle pas être citée en exemple dans le cadre d'une campagne de commercialisation? Le plafond en bois imprime une grande chaleur à un type de bâtiment qui en est, généralement, dépourvu. Le gouvernement fédéral aide-t- il à commercialiser les produits canadiens du bois? Qui assume les frais de commercialisation de ces produits? Le dernier budget prévoyait 10 millions de dollars pour le développement de marchés à l'étranger. Je pensais que cette somme était affectée en particulier à la construction de maisons en Asie. De telles constructions comprennent-elles des fermes de bois et des armoires en bois de fabrication canadienne? Une partie de ces crédits a-t-elle contribué à la commercialisation de ces deux types d'articles?

Madame Castrucci, vous venez de nous dire que nous importons des pays d'Asie et que, à l'exception de petits marchés à créneaux, les fabricants canadiens de meubles ont presque tous disparu. Or, il y a de nombreuses années, lorsqu'il s'agissait d'acheter des meubles canadiens, on avait l'embarras du choix, mais ce n'est hélas plus le cas.

Une amie s'était promis qu'à Noël elle n'offrirait à ses petits-enfants que des cadeaux fabriqués au Canada, mais elle n'a pas pu en trouver. Ce ne sont donc pas juste les entreprises de transformation du bois qui sont touchées, mais tous les secteurs de l'économie nationale.

D'après vous, comment le gouvernement fédéral devrait-il intervenir dans la commercialisation des fermes de bois et des placards de cuisine ou armoires de salle de bain?

Mme Castrucci : Le gouvernement pourrait promouvoir l'industrie du bois en tant que source d'emplois, ce qui me semble être un aspect qui revêt aujourd'hui une importance particulière. La création d'emplois au sein de ce secteur serait une très bonne chose. L'Université de Colombie-Britannique est toujours à la recherche d'étudiants pour son programme d'études supérieures en techniques du bois. Conestoga College a un bon programme d'études en produits secondaires du bois. Dans l'enseignement secondaire, il y a le projet WoodLINKS. Il conviendrait de présenter notre secteur d'activité comme une source d'emplois bien rémunérés.

Les étudiants diplômés dans le cadre du programme offert à l'Université de Colombie-Britannique trouvent du travail. Ils sont recherchés et ont probablement le choix entre deux ou trois offres d'emploi. Il s'agirait donc de faire savoir que ce secteur offre de bonnes perspectives d'emploi et que le secteur des technologies de pointe n'est pas le seul à offrir de bonnes perspectives de carrière. Il faudrait, en effet que les gens sachent qu'ils vont pouvoir faire carrière au sein de notre industrie.

Le sénateur Cordy : En ce qui concerne la commercialisation des produits de fabrication canadienne, devrait-on faire porter nos efforts sur l'international ou sur le marché national?

M. Lipman : À la dernière page de notre exposé, nous citons des programmes tels que Produit du bois canadien et Bois d'abord, qui sont des programmes de développement des exportations. Des organisations régionales telles que BC Wood; Q-WEB, c'est-à-dire le Bureau de promotion des produits forestiers du Québec; et l'Atlantic Wood Industries visent, eux aussi, essentiellement, les débouchés à l'exportation et bénéficient pour ce faire de subventions gouvernementales. Mme Castrucci disait tout à l'heure que le problème se situe moins au niveau de la qualité des produits qu'au niveau des débouchés. Les fabricants ont donc besoin de l'aide de ces organismes spécialisés afin de trouver de nouveaux marchés à l'exportation.

Comme le disait M. Cvach, il faudrait qu'une équipe de spécialistes aide les petits fabricants à faire connaître, sur les marchés étrangers, la qualité des productions canadiennes. Un tel effort aiderait non seulement notre branche, mais aussi d'autres secteurs de l'économie nationale.

M. Cvach : Notre produit est un peu différent des autres, car il peut difficilement être acheminé sur de grandes distances. Les fermes sont empilées les unes sur les autres en vue de leur expédition, et il faudrait les expédier par voie aérienne. Or, on ne peut pas vraiment envisager d'augmenter notre production et d'accroître l'utilisation d'éléments en bois en exportant notre production à l'étranger, sauf vers les États-Unis où nous nous défendons bien. L'industrie canadienne des fermes de bois parvient à concurrencer les fabricants américains qui ont pourtant soulevé un tollé au Sénat des États-Unis, se plaignant d'une concurrence qu'ils estimaient déloyale. Pour ces mêmes raisons, nous ne craignons pas non plus que des concurrents chinois viennent prendre notre place.

Je rappelle que si je suis ici aujourd'hui, c'est que notre secteur d'activité souhaiterait contribuer à la relance de l'industrie forestière, dont nous sommes les clients. Si nous développons notre production, l'industrie du bois s'en portera mieux. Le gouvernement subventionne les exportations de produits canadiens du bois et ce que nous recherchons, c'est l'essor de l'industrie forestière.

En ce qui concerne la situation actuelle de ce secteur au Canada, je dois dire que le gouvernement ne fait pas grand- chose pour encourager l'utilisation du bois plutôt que d'autres matériaux dans l'industrie de la construction. Si le gouvernement souhaitait accroître les subventions, ou, à tout le moins, verser une somme égale à celle que nous pourrions recueillir, de notre côté, quelle que soit la formule retenue, nous pourrions faire augmenter le chiffre d'affaires des entreprises de ce secteur si nous parvenions à faire mieux accepter l'utilisation du bois comme matériau pour la construction d'immeubles commerciaux ou industriels.

Nous avons réalisé une importante percée en Colombie-Britannique où l'on peut dorénavant y construire des immeubles en bois de cinq étages et non plus de quatre. Je précise qu'en Finlande, il y a des immeubles en bois de 10 étages. Nous nous demandons pourquoi on ne fait pas la même chose ici. Plus on descend dans la hiérarchie des paliers gouvernementaux, plus on pense petit. En effet, le gouvernement fédéral ou les gouvernements des divers États américains s'intéressent davantage aux résultats à long terme que ne le font les gouvernements municipaux. Il faudrait que les codes du bâtiment autorisent la construction d'immeubles en bois plus hauts, et il nous faudrait, en outre, parvenir à convaincre les architectes et les ingénieurs que les immeubles en bois sont aussi résistants que les autres et qu'ils présentent par ailleurs de grands avantages sur le plan de l'écologie. Il faudrait, par conséquent, que le gouvernement prenne l'initiative de faire modifier les codes actuellement en vigueur et pour cela, subventionner des efforts de recherche et développement. Il faudrait en effet pouvoir présenter aux rédacteurs des codes du bâtiment, les preuves scientifiques de nature à les convaincre que l'on peut effectivement bâtir avec du bois des immeubles assez hauts. De telles mesures seraient extrêmement utiles et puis il nous faudrait, en outre, soutenir des organismes de commercialisation étant donné que, comme je le disais plus tôt, les fabricants individuels n'ont pas les moyens d'engager des vendeurs chargés de faire la promotion du secteur et partant, des entreprises concurrentes.

Le sénateur Cordy : Il s'agit donc essentiellement d'assurer une meilleure commercialisation des produits du bois. Vous proposiez, tout à l'heure, que l'on encourage davantage les écoles, les collèges communautaires et les universités à enseigner les techniques avancées du bois. Vous avez parlé des ingénieurs et des architectes, mais il y a également les urbanistes et les spécialistes de l'aménagement rural ainsi que les rédacteurs de devis qui pourraient étudier la conception des bâtiments et se rendre compte qu'il n'est pas nécessaire de limiter à six étages la hauteur des immeubles en bois, mais qu'on peut, effectivement, aller jusqu'à 10 étages. Mais comment faire pour promouvoir, dans le cadre de l'enseignement, l'utilisation du bois dans la construction? Un tel effort doit-il se faire en dehors des écoles?

M. Cvach : Il s'agirait d'intervenir à tous les niveaux. Ce qu'il faut, en fait, ce sont des vendeurs qui font du porte-à- porte et qui contactent les architectes et les ingénieurs en leur demandant « Quel est votre prochain projet de construction? Quels sont les matériaux que vous comptez employer? » Il faut, en effet, se trouver sur place et pouvoir dire « Mais pourquoi ne pas utiliser le bois? » Il faut, en même temps, pouvoir sortir un exemplaire du code du bâtiment et montrer à l'intéressé qu'aucune disposition ne s'oppose à de telles constructions, car, sans cela, il écartera votre idée en faisant valoir que la surface envisagée dépasse les normes en vigueur, ou que la hauteur que vous proposez n'est pas autorisée. Même si vous pouvez invoquer des arguments techniques, il faut en même temps être à même d'ajouter « Le bois est un matériau merveilleux et il n'y a rien qui l'égale. »

Il ne faut pas perdre de vue qu'un ingénieur qui conçoit un immeuble engage sa responsabilité pour toute la vie utile du bâtiment. Je connais des ingénieurs qui sont à la retraite, mais qui continuent à s'inquiéter de certains immeubles construits 30 ans auparavant. Avant de décider d'employer le bois comme matériau de construction, l'ingénieur doit être assuré qu'il en connaît suffisamment bien les propriétés pour pouvoir engager en toute confiance sa responsabilité professionnelle. Il lui faut pour cela suivre une formation spécialisée. S'il n'a pas reçu cette formation dans un établissement d'enseignement, ce n'est pas grave, car nous pouvons nous-mêmes le former par la suite. Nous pouvons, en effet, dire à un ingénieur de 40 ans qu'on peut lui enseigner tout ce qu'il lui faut savoir, qu'on peut lui fournir un nouvel outil avec un programme informatique à l'appui.

Voilà ce qu'il nous faudrait. Il nous faut des codes du bâtiment, et des recherches étayant les nouvelles dispositions. Il nous faut en outre, des spécialistes de la vente fortement motivés qui peuvent intervenir là où sont prises les décisions.

Le président : Si les honorables sénateurs me le permettent, j'aurais moi-même quelques questions à poser.

Pourriez-vous nous indiquer le pourcentage de placards de cuisine fabriqués au Canada dans les diverses provinces? Quelle est la proportion de ces armoires importées de l'étranger?

M. Lipman : Nous pouvons essayer de vous obtenir ces éléments d'information. Nous savons que, d'une manière générale, en ce qui concerne les produits du bois à valeur ajoutée, donc non seulement les armoires de cuisine, mais les meubles, les fenêtres et les bâtiments préfabriqués, l'Ontario et le Québec comptent pour environ 85 p. 100 de la production. Cela donne à peu près 50 p. 100 pour l'Ontario, 35 p. 100 pour le Québec, le reste étant réparti dans les diverses autres régions. Si vous le voulez, nous pourrions obtenir des données précises au sujet des armoires.

Le président : Cela nous serait utile. Nous vous demandons cela en vue de l'instauration de mécanismes ou de programmes visant à assurer la viabilité écologique de nos forêts de résineux et de feuillus.

Il nous faut en effet veiller à l'aménagement durable de nos peuplements de feuillus et de résineux. Nous allons être à court de temps et je vous demande, par conséquent, de bien vouloir nous transmettre par écrit vos observations concernant la gestion de nos forêts de feuillus et de résineux. Pourriez-vous en outre nous préciser les proportions de feuillus, de résineux et de panneaux à copeaux orientés que vous utilisez pour votre fabrication?

Je vous demanderais, en dernier, à moins qu'il s'agisse d'un secret professionnel, de nous indiquer comment la qualité des armoires de cuisine et des meubles de fabrication canadienne se compare à celle des importations.

Mme Castrucci : En provenance aussi bien des pays européens que des pays d'Asie?

Le président : Oui.

À moins que les sénateurs aient d'autres questions à poser, il me reste à remercier chacun des témoins qui ont pris la parole devant le comité. N'hésitez pas à nous faire parvenir d'autres éléments d'information si vous pensez pouvoir en cela contribuer à nos travaux. Je vous remercie de vous être rendus à notre invitation.

Honorables sénateurs, notre prochaine réunion aura lieu jeudi à 8 h.

(La séance est levée.)


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